Travaux de la commission des lois



- Présidence de M. Jacques Larché, président, puis de M. Pierre Fauchon, vice-président.

Droit civil - Pacte civil de solidarité - Audition de Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice

La commission a procédé à des auditions sur la proposition de loi n° 108 (1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, relative au pacte civil de solidarité.

Elle a tout d'abord entendu Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a tout d'abord rappelé que ce texte constituait le point d'aboutissement de plusieurs propositions de loi déposées par des parlementaires de la majorité plurielle.

Elle a précisé que le Gouvernement avait approuvé l'adoption d'une proposition de loi sur ce sujet car elle répondait à un véritable besoin social.

Le ministre a constaté que plus de deux millions de couples vivaient aujourd'hui ensemble sans être mariés, soit un couple sur six, que la cohabitation hors mariage devenait aujourd'hui un mode de vie autonome qui se répandait dans tous les milieux et à tous les âges et que par ailleurs de nouvelles formes de solidarité et d'entraide apparaissaient entre des personnes âgées isolées.

Elle a souligné que ces couples non mariés se heurtaient souvent à des difficultés graves qui avaient été notamment illustrées par certains drames vécus par des couples homosexuels frappés par le Sida et que l'ensemble des couples non mariés exprimaient aujourd'hui un besoin de sécurité juridique.

Après avoir rappelé que la Cour de cassation avait maintenu sa définition traditionnelle du concubinage, restreinte à une union stable et continue entre un homme et une femme ayant l'apparence d'un mariage, elle a constaté que les concubins, même s'ils ne se devaient aucun soutien, s'étaient vu reconnaître un certain nombre de droits par la jurisprudence ou par la loi.

Considérant cependant que cette situation ne permettait pas de régler l'ensemble des problèmes juridiques rencontrés par les concubins, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a jugé nécessaire de légiférer sur ce sujet, en précisant que le Gouvernement avait choisi un seul texte dans un souci de rapidité et de clarté et afin d'éviter toute hypocrisie grâce à un débat d'ensemble.

Défendant ensuite le choix du pacte civil de solidarité (PACS), elle a indiqué que d'autres solutions auraient également été envisageables, à savoir l'aménagement d'un régime de la seule gestion des biens comme l'avait proposé le professeur Jean Hauser, ou la reconnaissance législative de la situation de fait constituée par le concubinage -quel que soit le sexe des concubins- ainsi que l'avait recommandé Mme Irène Théry, mais qu'aucune de ces deux solutions n'était satisfaisante.

Elle a en effet souligné qu'à la différence du pacte d'intérêt commun proposé par M. Hauser, le PACS organisait la vie commune de deux personnes au-delà des intérêts purement matériels et valorisait la vie à deux reposant sur la solidarité en lui offrant un minimum d'encadrement juridique.

Elle a estimé que le PACS constituerait ainsi un moyen de lutter contre l'isolement et qu'il était préférable à la solution proposée par Mme Irène Théry car il reposait sur un engagement de solidarité nécessaire pour produire des effets de droit, et non sur une simple situation de fait.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a déclaré que le Gouvernement avait ainsi entendu traiter des problèmes du seul couple, en se réservant la possibilité de traiter ultérieurement des problèmes des enfants dans d'autres textes.

Présentant alors le contenu du PACS, elle a considéré qu'il apportait une réponse pragmatique à ceux qui voulaient assumer un engagement de vie commune en dehors du mariage et qu'il constituait du fait de cet engagement un contrat engendrant autant de droits que d'obligations. Elle a précisé que le PACS s'adressait à des personnes présumées avoir une " communauté de toit et une communauté de lit ", d'où l'interdiction du PACS aux membres proches de la famille et aux personnes mariées.

Après avoir énuméré les différentes facettes de la communauté de vie pour lesquelles le PACS ouvrirait des droits, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a souligné qu'il s'agissait d'un contrat reposant sur la volonté de ses signataires, ce que traduisaient sa conclusion donnant lieu à un simple enregistrement devant le tribunal d'instance, ses effets déterminés librement par les parties sur une base minimum d'engagement légal et sa rupture résultant de la volonté unilatérale de l'un de ses membres, sous réserve de la possibilité de saisine du juge en cas de désaccord sur les conséquences de la rupture.

Elle a marqué les différences entre le PACS et l'union libre, qui constituait une union au jour le jour sans engagement et entre le PACS et le mariage, qui offrait davantage de sécurité juridique et de stabilité et qui représentait une institution caractérisée par un acte solennel, et non un simple contrat.

Elle a à cet égard rappelé que le Gouvernement s'était montré attaché à ce que l'officier de l'état civil n'ait aucun rôle à jouer et que le PACS ne soit pas signé en mairie.

Elle a en outre précisé qu'à ses yeux il n'était pas question que deux personnes de même sexe puissent se marier.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a par ailleurs noté qu'à la différence du mariage, le PACS ne comportait pas de dimension extra-patrimoniale comparable au devoir de fidélité et ne consacrait aucun statut familial.

Constatant que la famille avait une dimension procréatrice et parentale que n'avait pas le PACS, elle a souligné que celui-ci ne permettrait ni l'adoption d'enfants, ni la procréation médicalement assistée et n'aurait aucune incidence sur la filiation, l'autorité parentale ou les droits de l'enfant.

Elle a en effet réaffirmé que le Gouvernement auquel elle appartenait ne proposerait jamais d'étendre l'adoption ou le recours à la procréation médicalement assistée aux couples homosexuels.

S'agissant des problèmes des droits des enfants, le ministre a indiqué que la commission d'étude qu'elle avait mise en place sur le droit de la famille devrait rendre ses conclusions au cours de l'été prochain.

Elle a estimé que la famille resterait irremplaçable en tant que lieu symbolique de lien entre les générations et que l'enfant devait avoir droit à une identité et une filiation stables, avec un père et une mère, quelle que soit l'évolution de la situation de couple de ses parents.

Elle a estimé que le PACS était neutre vis-à-vis de la famille.

En conséquence, elle a considéré que le problème posé par la vie commune de certaines fratries devrait être traité dans un cadre différent de celui du PACS, notamment pour régler ses aspects fiscaux.

En conclusion, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a estimé que cette proposition de loi constituait une avancée sociale et morale encourageant la stabilité et la solidarité, et ne menaçant ni le mariage, ni la famille.

A l'issue de cet exposé, M. Patrice Gélard, rapporteur, s'est interrogé sur l'opportunité d'adopter un texte instaurant le PACS avant la conclusion des travaux de réflexion sur la réforme de la famille.

Il s'est demandé si le Gouvernement attendait du Sénat qu'il accomplisse sur ce texte le travail juridique normalement dévolu au Conseil d'Etat pour les projets de loi.

Le rapporteur a souhaité savoir si le ministre avait fait procéder à une étude d'impact sur les conséquences des dispositions prévues concernant les greffes des tribunaux d'instance.

Il s'est par ailleurs interrogé sur les conditions de publicité et de date certaine d'effet du PACS à l'égard des tiers, sur le choix de ne pas faire figurer le PACS dans la partie du code civil réservée aux contrats, sur la possibilité de signature d'un PACS par un incapable, sur l'obligation de résidence commune imposée ou non aux signataires du PACS et sur le choix du régime de l'indivision pour les biens.

Après avoir relevé l'inconstitutionnalité tenant à l'absence de consultation des assemblées territoriales d'outre-mer, M. Patrice Gélard, rapporteur, a enfin déclaré qu'il n'avait pas été convaincu par les propos tenus par le ministre, selon lesquels une reconnaissance du concubinage homosexuel n'aurait pas permis de régler les problèmes posés à l'occasion de ce débat.

M. Daniel Hoeffel a constaté que si le PACS ne touchait pas à la famille, il faudrait bien ultérieurement aborder les problèmes des enfants. En conséquence, il s'est demandé s'il ne s'agissait pas là du début d'une évolution qui pourrait contribuer à banaliser le mariage.

M. Pierre Fauchon a souhaité disposer de statistiques relatives aux couples non mariés par tranches d'âge. Il s'est par ailleurs interrogé sur le choix du greffe du tribunal d'instance pour l'enregistrement du PACS, l'intervention d'un tribunal étant traditionnellement liée à l'existence d'un contentieux. Il a enfin demandé au ministre quelle serait la portée des droits des tiers à l'égard du PACS.

Mme Dinah Derycke a approuvé les propos tenus par Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, remerciant celle-ci d'avoir expliqué que le PACS ne touchait pas à la famille et n'était pas un " mariage bis ".

Elle a souligné que le PACS correspondait à un engagement de solidarité qui créait non seulement des droits, mais aussi des devoirs, à la différence d'une simple reconnaissance du concubinage, qui n'aurait entraîné que des droits et pas de devoirs, et qu'il permettait en outre une reconnaissance officielle des couples homosexuels qui avaient beaucoup souffert de discriminations.

Elle a cependant admis que le texte demeurait perfectible sur le plan juridique, par exemple en ce qui concernait la publicité à l'égard des tiers ou le régime de l'indivision.

Elle a considéré, comme Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, que la question des fratries n'avait pas lieu de figurer dans ce texte.

Elle a enfin regretté que celui-ci ne revête pas une dimension relative aux droits extra-patrimoniaux, exprimant le souhait que le membre d'un PACS puisse par exemple avoir son mot à dire pour l'organisation des funérailles de son partenaire.

M. Lucien Lanier a pour sa part souligné la facilité avec laquelle on pourrait mettre fin au PACS, qui lui est apparue comme une incitation à l'égoïsme et au refus des obligations plus étendues liées au mariage.

M. Robert Bret s'est déclaré favorable à une reconnaissance juridique et sociale des couples non mariés, qu'ils soient ou non homosexuels. Le PACS lui a semblé favoriser la cohésion sociale.

Il a néanmoins estimé que le texte comportait un certain nombre d'insuffisances, concernant notamment la confusion introduite par les dispositions relatives aux fratries, l'absence de rétroactivité pour le décompte des délais d'ouverture des droits et le lieu retenu pour la signature. Sur ce dernier point, il a précisé que l'impossibilité de conclure un PACS à la mairie pourrait être considérée comme complexe et discriminatoire et il s'est interrogé sur la possibilité de recourir aux services des ambassades ou consulats pour les Français résidant à l'étranger.

M. Robert Badinter a indiqué avoir beaucoup lutté contre la discrimination à l'égard des homosexuels, évoquant notamment la suppression du délit en 1982 et la pénalisation de la discrimination en 1985.

Après avoir regretté que la Cour de cassation se soit " cramponnée " à sa jurisprudence ne reconnaissant le concubinage que là où il pouvait y avoir mariage, il a souhaité que l'on mette fin, par un amendement, à cette discrimination à l'égard des homosexuels, qui persisterait si l'on n'apportait aucune modification à la situation actuelle en matière d'union libre.

Il s'est en revanche déclaré défavorable au mariage des homosexuels qui, selon lui, ne pouvait être admis par la communauté nationale en l'état actuel des mentalités.

M. Jacques Larché, président, a alors rappelé que les représentants de la communauté homosexuelle entendus par la commission avaient revendiqué le droit au mariage.

Il a par ailleurs considéré que les conditions prévues pour la rupture du PACS aboutiraient à un rétablissement de la répudiation. Il a souligné que, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, un concubin estimant une rupture préjudiciable à ses intérêts pouvait obtenir le versement de dommages et intérêts, ce qui ne serait, en revanche, pas possible en cas de rupture unilatérale du contrat constitué par le PACS.

Répondant ensuite à l'ensemble des intervenants, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a apporté les précisions suivantes.

Elle a tout d'abord considéré qu'il n'y avait pas lieu de différer l'adoption d'un texte sur le PACS compte tenu du travail parlementaire effectué sur ce sujet au cours des dix dernières années, la réflexion menée sur la famille exigeant quant à elle un travail plus approfondi portant sur de nombreuses questions, comme par exemple les successions ou le divorce.

Elle a relevé que le Sénat faisait toujours un travail juridique extrêmement précis, y compris sur les textes déjà examinés par le Conseil d'Etat.

A propos du lieu de conclusion du PACS, elle a rappelé que le texte initial avait prévu un enregistrement à la préfecture. Elle a souligné que le Gouvernement tenait surtout à ce que le PACS ne soit pas conclu à la mairie et a précisé que les services de la Chancellerie avaient déjà commencé à prendre en compte le choix du greffe du tribunal d'instance comme lieu d'enregistrement du PACS pour prévoir les affectations nécessaires de personnels des greffes l'année prochaine.

Elle a justifié le choix retenu pour l'emplacement du PACS dans le code civil en faisant observer que ce contrat, organisant la vie commune de deux personnes sur la base d'un engagement de solidarité, ne concernait pas uniquement les biens.

Le ministre a précisé qu'à l'égard des tiers, le PACS aurait, après son enregistrement, des effets juridiques relatifs, comme tout contrat.

Après avoir noté que le PACS ne pouvait être conclu qu'entre personnes majeures, elle a indiqué que pour les incapables majeurs, les dispositions du droit commun s'appliqueraient.

Elle a par ailleurs précisé que les consultations des assemblées territoriales d'outre-mer étaient en cours.

A propos du régime de l'indivision, elle a rappelé qu'il ne s'appliquerait qu'en l'absence de clauses contraires et qu'il permettrait de prendre en compte la dimension solidaire du PACS et de garantir les droits des créanciers. Elle a toutefois admis que des améliorations pourraient être apportées concernant le régime des biens mobiliers.

Au sujet de la publicité, elle a indiqué que les conditions de conservation de l'enregistrement des PACS, ainsi que d'accès des tiers, seraient précisées dans le décret d'application.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a considéré qu'une reconnaissance du concubinage ne permettrait pas de régler l'ensemble des problèmes posés par la situation actuelle, y compris pour les couples hétérosexuels.

Elle a précisé que l'exigence d'une résidence commune n'interdisait pas la possibilité d'avoir des domiciles distincts, comme pour les époux. Elle s'est déclarée défavorable à la conclusion du PACS devant un notaire pour des raisons de coût pour les intéressés et de préférence pour le choix d'un service public.

Elle a réfuté l'idée selon laquelle le PACS fragiliserait le mariage, ce dernier continuant à représenter un idéal.

Tout en admettant que le texte était encore perfectible, elle a considéré qu'il permettrait d'apporter une reconnaissance aux couples souhaitant s'engager en dehors du mariage.

S'agissant des conditions de la rupture, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a reconnu que le PACS n'offrait pas les garanties du mariage, mais a souligné que ses signataires ne devraient en aucun cas être désavantagés par rapport aux concubins en cas de désaccord relatif à la rupture. Elle a à cet égard précisé que le juge apprécierait les circonstances fautives de la rupture pour allouer, le cas échéant, des dommages et intérêts.

Il lui est apparu important que l'on ne puisse accéder à certains droits fiscaux qu'après un délai de vie commune. Revenant sur le lieu de souscription du PACS, elle a indiqué qu'à l'étranger le PACS pourrait être conclu dans un consulat et a de nouveau affirmé son opposition au choix de la mairie qui serait, à ses yeux, risque de confusion.

Après avoir reconnu que l'adoption du PACS n'apporterait aucune modification au régime actuel du concubinage, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, s'est enfin interrogée sur l'opportunité d'une disposition tendant à infléchir la jurisprudence restrictive de la Cour de cassation. A cet égard, elle a déclaré que la manifestation d'un engagement constituait, selon le Gouvernement, la contrepartie de l'ouverture de nouveaux droits et qu'elle ne souhaitait pas que l'on courre le risque de devoir accorder exactement les mêmes droits aux concubins homosexuels qu'aux concubins hétérosexuels, notamment en matière d'adoption.

En conclusion, M. Pierre Fauchon, vice-président, s'est interrogé sur la portée des dispositions prévues par le texte en matière d'obligation d'aide mutuelle et matérielle et sur les risques de contentieux en cas de rupture.

Droit civil - Pacte civil de solidarité - Audition de M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget

Puis la commission a procédé à l'audition de M.Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget
, a indiqué que les aspects fiscaux du PACS étaient réunis sous l'article 2 relatif à l'impôt sur le revenu, l'article 3 sur les mutations à titre gratuit, l'article 4 concernant l'impôt de solidarité sur la fortune et l'article 10 appliquant le PACS aux fratries.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a souhaité savoir comment l'administration des finances appréhendait actuellement les concubins, s'il existait des contrôles et quelles étaient les instructions données aux fonctionnaires concernant le contrôle de la vie privée des contribuables.

Il a souhaité connaître l'évaluation des mesures proposées, en particulier l'origine du chiffre de 6 à 8 milliards de francs avancé par l'Assemblée nationale.

Il s'est interrogé sur la suppression des délais pour les seules personnes décédées d'une maladie grave.

Concernant la mutation à titre gratuit, il s'est interrogé sur la mesure d'abattement de 375.000 francs applicable dès l'an 2000, entre vifs dans la mesure où les enfants issus d'un mariage ne bénéficiaient que d'un abattement de 300.000 francs.

Enfin, M. Patrice Gélard, rapporteur, a demandé l'avis du Gouvernement sur les solutions alternatives proposées conjointement par la commission des lois et la commission des finances.

Il a suggéré que l'imposition commune soit remplacée par un système équivalent à l'abattement fiscal dont dispose un couple marié pour un enfant à charge majeur.

Soulignant qu'actuellement les collatéraux ne bénéficiaient pas de l'obligation alimentaire, il a proposé la création d'une déduction fiscale, plafonnée à 20.370 francs, applicable aux aides entre collatéraux.

En matière de succession, il a suggéré la possibilité pour chacun de désigner une seule personne de son choix pour recueillir un legs bénéficiant d'un abattement fiscal de 300.000 francs.

Il a évoqué le relèvement du seuil de la tontine de 500.000 francs à un million de francs.

En conclusion, il a rappelé que l'objectif poursuivi par la commission des lois était de ne pas créer d'inégalités nouvelles avec le PACS.

M. Jacques Larché, président, a proposé que le bénéfice fiscal de la tontine conclue par deux personnes pour leur résidence principale, porté à un million de francs, puisse s'imputer à un montant supérieur, selon le système de la franchise fiscale.

M. Alain Lambert, président de la commission des finances, a fait part de son inquiétude concernant le chiffrage des mesures fiscales adoptées par l'Assemblée nationale. Il s'est interrogé sur la nécessité d'un support juridique spécifique, estimant que les mesures fiscales envisagées par les rapporteurs pouvaient se suffire à elles-mêmes.

En matière de délai, il a suggéré une distinction entre les donations, dont la date peut être fixée par les parties, et les successions ouvertes par le décès, par définition imprévisible.

Il a souhaité que les solutions retenues encouragent une présentation loyale des actes de transmission.

Enfin, il a souligné l'injustice créée entre les contribuables parisiens et ceux de province concernant le plafond de la tontine. Il a souhaité que le montant indiqué s'applique comme une franchise fiscale. Au surplus, constatant que cet avantage fiscal était limité à la résidence principale, il s'est interrogé sur la nécessité du plafond.

M. Yves Fréville a estimé que les dispositions relatives à l'impôt sur le revenu et à l'impôt de solidarité sur la fortune risquaient de développer des comportements d'optimisation fiscale, puisque l'imposition commune était avantageuse en matière de quotient familial lorsqu'existait une forte inégalité de revenus entre les deux membres du couple, mais qu'elle constituait un inconvénient si toutes les réductions et exonérations fiscales n'étaient pas accessibles au couple. Il a souligné le coût financier du PACS si les personnes ne le concluaient qu'en fonction des avantages attendus de l'imposition commune.

Concernant l'appréhension du concubinage par les services fiscaux, M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, a rappelé qu'actuellement l'impôt de solidarité sur la fortune constituait la seule imposition commune des concubins, ce qui ne concernait qu'environ 500 foyers. De façon plus générale, il a souligné qu'il était très difficile pour l'administration fiscale de bien appréhender la situation personnelle et financière de deux concubins, en l'absence d'un acte juridique certain.

Il a affirmé que l'évaluation des mesures proposées par l'Assemblée nationale était particulièrement difficile, puisqu'il fallait connaître non seulement le nombre de personnes susceptibles de conclure un PACS, mais aussi leur situation financière, en particulier la dispersion des revenus entre les deux membres du couple.

M. Jacques Larché, président, s'est étonné de l'absence d'évaluation du coût du PACS de la part du ministère des finances. Il a rappelé que Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, avait estimé à 10.000 le nombre de personnes susceptibles de signer un PACS.

Estimant que le PACS apportait la sécurité juridique demandée par les concubins, M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, a jugé que sur les deux millions de couples non mariés existant actuellement, le nombre de personnes susceptibles de conclure un PACS pourrait être supérieur à 10.000.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, a rappelé les termes du quatrième alinéa de l'article premier de l'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959 selon lequel aucun projet de loi entraînant des charges nouvelles ne peut être définitivement voté tant que les charges n'ont pas été prévues, évaluées et autorisées dans les conditions fixées par cette ordonnance. En l'absence d'évaluation des charges, il a estimé que la procédure d'adoption du présent texte pourrait se révéler inconstitutionnelle.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, a répondu que les dispositions fiscales ne faisaient l'objet d'une évaluation systématique que dans le cadre des lois de finances. Il a estimé que, de façon générale, deux personnes ayant de faibles revenus et concluant un PACS risquaient d'être désavantagées en matière d'impôt sur le revenu.

Il a proposé aux commissaires de fournir des hypothèses sur le nombre des personnes susceptibles de conclure un PACS et le niveau relatif de leurs revenus, afin que l'administration fiscale calcule le coût du PACS sur la base de ces hypothèses.

M. Alain Lambert, président de la commission des finances, a constaté que le Gouvernement serait tenu d'estimer le nombre de contribuables et d'indiquer un ordre de grandeur pour lui comparer le coût des propositions du Sénat. Il a rappelé que les amendements parlementaires au projet de loi de finances étaient évalués à partir du nombre maximum de personnes concernées, et que, si un régime fiscal nouveau était plus favorable, l'évaluation financière se fondait sur l'hypothèse maximale selon laquelle l'ensemble des personnes concernées adoptaient la mesure nouvelle.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, a indiqué que le Conseil constitutionnel considérait que des mesures fiscales pourraient trouver leur place dans une loi ordinaire, sans que les dispositions de l'ordonnance organique citée par M. Marini y fassent obstacle, à condition que leur évaluation et leur incidence sur l'équilibre du budget soient retracées en loi de finances.

Il a rappelé qu'un délai d'attente de deux ou trois ans était prévu entre la signature du PACS et l'entrée en vigueur de ses effets fiscaux, en particulier en matière successorale, mais qu'une exception avait été prévue en cas de décès dû à une maladie grave.

En matière de droits de succession, il a confirmé que l'abattement de 375.000 francs au 1er janvier 2000 était supérieur à l'abattement dont bénéficiaient actuellement les enfants issus d'un couple marié. Il a rappelé que lors du débat à l'Assemblée nationale, le Gouvernement avait souhaité que cet abattement soit limité à 250.000 francs, afin qu'il soit supérieur à celui dont bénéficient les concubins mais inférieur à ceux prévus pour les enfants d'un couple marié ou pour le conjoint survivant.

Abordant ensuite les propositions de M. Patrice Gélard, M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, a jugé que la proposition sur le PACS, de nature politique, visait à donner à des couples un statut civil et une sécurité juridique.

Il s'est déclaré réservé sur l'extension de l'abattement fiscal pour personnes à charge, estimant que la notion de personne à charge n'était pas suffisamment claire.

Concernant l'aide aux collatéraux, il a rappelé que le Gouvernement ne souhaitait pas l'extension des dispositions fiscales du PACS aux fratries, dans la mesure où elle risquait de susciter des comportements de fraude fiscale. A titre de comparaison, il a remarqué que le concubinage n'était pas un statut fiscal, sauf dans le cas très limité de l'impôt de solidarité sur la fortune.

Il a estimé à plusieurs milliards de francs le coût de la proposition de M. Patrice Gélard d'autoriser un legs avec une franchise d'impôt de 300.000 francs.

Il a indiqué que la proposition d'augmenter le montant de la tontine serait examinée par le Gouvernement, mais qu'elle présentait sans doute des risques d'évasion fiscale.

En réponse à M. Alain Lambert, président de la commission des finances, il a souligné la nécessité de subordonner le bénéfice de tout avantage à un acte juridique certain et opposable à l'administration fiscale, compte tenu de la difficulté d'exercer un contrôle fiscal sur une situation de fait comme la vie commune.

En réponse à M. Yves Fréville, qui s'interrogeait sur la capacité de l'administration des finances à distinguer les PACS " de complaisance ", il a répondu que le délai de deux à trois ans avant que le PACS n'ait des conséquences fiscales éviterait les comportements d'opportunité.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, a relevé que le coût de ce dispositif était sa préoccupation principale, que la loi organique du 2 janvier 1959 s'appliquait à l'ensemble des textes votés par le Parlement et non aux seules lois de finances et qu'en conséquence les mesures fiscales proposées par le Parlement devaient faire l'objet d'une évaluation par les services du ministère des finances.

Il a indiqué que, conformément à l'article 40 de la Constitution, le Sénat ne gagerait que le surcoût par rapport au texte de l'Assemblée nationale, et non par rapport au droit existant.

Il a considéré que l'estimation du coût du PACS ainsi que l'élaboration des hypothèses de travail étaient une des missions de l'administration fiscale. Il a souhaité que le service de législation fiscale valide les calculs réalisés par la commission des finances.

Il a indiqué que la question des abattements fiscaux pour les personnes à charge était au coeur du débat et que la définition proposée par le code de la sécurité sociale pouvait constituer une bonne référence, sous réserve des adaptations nécessaires.

Il a enfin souhaité un bilan annuel du PACS.

M. Nicolas About s'est inquiété de la distinction opérée entre le décès dû à une maladie grave et une autre cause de décès brutal et imprévu, et de la rupture d'égalité qui en résultait.

En réponse à M. Philippe Marini, M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, a indiqué que le Sénat devrait gager ses propositions par rapport au droit existant et non par rapport au texte adopté par l'Assemblée nationale. Concernant la référence au droit de la sécurité sociale, il a souhaité que le droit fiscal continue à se fonder plutôt sur le droit civil.

S'agissant du délai d'attente avant que le PACS ne produise ses effets fiscaux, il a jugé que l'exception pour les personnes atteintes d'une maladie grave était justifiée par la situation particulière des malades du Sida.

En conclusion, M. Jacques Larché, président, a craint que qualifier le texte de politique n'entraîne une limitation des termes du débat, alors que de très nombreux problèmes techniques étaient posés. Il a enfin déploré que l'administration fiscale soit incapable de chiffrer le coût du PACS.

Droit civil - Pacte civil de solidarité - Audition de M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé,
a tout d'abord observé que la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité n'avait que peu de conséquences sociales. Il a souligné que le participant à un PACS deviendrait l'ayant droit de son partenaire en ce qui concerne l'assurance maladie, mais que l'intérêt de cette évolution serait limité, compte tenu du souhait du Gouvernement de mettre en place une couverture maladie universelle. Il a indiqué que la conclusion d'un PACS serait l'un des éléments pris en compte pour la délivrance d'un titre de séjour ou l'attribution de la nationalité française et qu'en matière de droit du travail, le régime des couples mariés s'appliquerait aux personnes ayant conclu un PACS. Il a enfin souligné que la proposition de loi n'avait aucune conséquence en matière d'adoption et d'autorité parentale.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a fait valoir que les auditions conduites par la commission avaient permis de mettre en lumière quelques difficultés qu'il serait opportun de résoudre dans le cadre de la discussion de la proposition de loi. Il a souligné qu'actuellement l'allocation-décès était en général versée aux membres de la famille et non à la personne vivant avec le défunt. Evoquant la pension de réversion, il a observé que certaines personnes renonçaient à se remarier et cachaient leur situation de concubinage afin de ne pas perdre le bénéfice de la pension. Il a remarqué que si une personne ayant conclu un PACS après avoir divorcé venait à décéder, la pension de réversion serait versée au conjoint divorcé, ce qui pouvait être problématique.

Le rapporteur a enfin évoqué le droit d'accès à l'hôpital du concubin, observant que certaines familles tentaient parfois d'empêcher le partenaire de rendre visite à un malade, notamment dans le cas de couples homosexuels.

M. Nicolas About s'est interrogé sur la disposition permettant aux personnes concluant un PACS de bénéficier sans délai de l'abattement sur les droits de succession lorsque l'une d'elles est atteinte d'une affection de longue durée. Il a estimé qu'un décès accidentel n'avait pas de conséquences moins douloureuses pour le partenaire survivant qu'un décès consécutif à une affection de longue durée. Il a estimé que, si la disposition devait être maintenue, il conviendrait à tout le moins de préciser que le bénéfice de l'abattement ne serait anticipé qu'en cas de décès résultant de l'affection de longue durée.

En réponse à une question de M. Jacques Larché, président, M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, a indiqué que le PACS ouvrirait un droit au rapprochement familial pour les fonctionnaires. A propos de la pension de réversion, il a souligné que celle-ci était versée aux personnes mariées à condition que le mariage ait été célébré depuis deux ans ou que le couple ait eu un enfant. Il a fait valoir que le bénéfice de la pension de réversion n'était pas accordé aux concubins et ne le serait pas non plus aux personnes concluant un PACS.

Evoquant l'abattement sur les droits de succession, le ministre a observé que l'absence de délai pour en bénéficier en cas d'affection de longue durée avait été prévue pour tenir compte de la situation des malades du Sida. Il a rappelé que la proposition de loi avait notamment pour origine la situation dramatique d'homosexuels expulsés de leur logement à la suite du décès de leur partenaire. Il a estimé que la disposition relative à l'abattement sur les droits de succession avait été conçue dans le but de protéger des personnes qui, parfois tout en ayant connaissance de la maladie de l'un d'entre eux, choisissent de nouer des liens et de se venir mutuellement en aide. Il a reconnu qu'il paraissait souhaitable de préciser que l'absence de délai pour bénéficier de l'abattement ne devrait s'appliquer qu'aux décès résultant d'une affection de longue durée.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, a évoqué la question de l'accès à l'hôpital pour observer que les autorités hospitalières ne pouvaient refuser l'accès à l'hôpital des concubins. Il a estimé que l'action des associations avait permis de limiter les cas dans lesquels les familles faisaient obstacle à ce droit de visite du partenaire homosexuel d'un malade. Il a cependant reconnu que des problèmes se posaient encore et que, par le passé, des médecins avaient parfois choisi de prévenir la famille d'un malade plutôt que son partenaire, suscitant une légitime amertume de celui-ci.

M. Jacques Larché, président, a alors indiqué que la commission examinerait la proposition de loi avec la plus grande attention, en ayant soin d'aborder l'ensemble des questions juridiques posées sans porter aucun jugement sur des comportements relevant de la vie privée.

Droit civil - Pacte civil de solidarité - Audition de Me Marie-Elisabeth Breton, avocat, membre du bureau de la conférence des bâtonniers et Me Hélène Poivey Leclerck, avocat au conseil de l'ordre de Paris

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi sous la présidence de M. Jacques Larché, la commission des lois a poursuivi ses auditions relatives au pacte civil de solidarité.

Elle a entendu Me Marie-Elisabeth Breton, avocat membre du bureau de la conférence des bâtonniers, et Me Hélène Poivey Leclerck, avocat au conseil de l'Ordre de Paris.

Me Marie-Elisabeth Breton s'est interrogée sur l'opportunité de prévoir expressément dans un texte les effets des différentes formes de vie en couple, dès lors que le code civil contenait suffisamment de dispositions permettant de répondre aux différentes situations.

Elle a déploré que la mission de la commission de réflexion sur le droit de la famille, dont elle est membre, n'ait pas été étendue au statut du concubinage.

Me Marie-Elisabeth Breton a considéré que la proposition de loi créerait un " petit mariage ", statut intermédiaire qui se situerait entre le mariage et le concubinage et remettrait inévitablement en cause la définition actuelle de la famille.

Elle a estimé que ce texte ne serait satisfaisant ni pour les homosexuels qui n'y trouveraient pas la reconnaissance qu'ils souhaitent, ni pour ceux qui auraient choisi l'union libre, le PACS apparaissant alors comme une démarche réductrice de leur choix.

Me Marie-Elisabeth Breton a jugé que le PACS ne pourrait pas plus satisfaire les personnes mariées, seules à supporter des obligations, ou encore les juristes puisque le texte n'était qu'une coquille vide.

Analysant ensuite les dispositions proposées, elle a fait valoir, en ce qui concerne les empêchements à la conclusion d'un PACS pour lien de parenté, que le texte n'indiquait pas si la sanction d'une violation de ceux-ci en serait une nullité relative ou une nullité absolue.

Elle a constaté que le texte prévoyait une déclaration organisant la vie commune des partenaires d'un PACS, sans indiquer si cette vie commune signifiait une résidence ou un domicile commun, une communauté de vie ou de toit.

Me Marie-Elisabeth Breton a regretté que la proposition de loi ne définisse pas clairement les clauses licites ou illicites du contrat. Elle a craint que, dans ces conditions, les contractants choisissent de reprendre des dispositions du code civil accordant des droits, mais sans retenir celles contenant des obligations.

En ce qui concerne la solidarité des dettes contractées pour les besoins de la vie courante, elle a fait valoir que celle-ci n'apporterait pas de garanties suffisantes aux créanciers, la proposition de loi n'organisant pas une information des tiers.

Me Marie-Elisabeth Breton a considéré que le régime de l'indivision ne serait pas juridiquement établi de manière satisfaisante, le texte n'indiquant pas s'il pourrait s'agir d'une indivision conventionnelle, si les tiers seraient recevables à agir par la voie de l'action paulienne ou si l'action oblique serait ouverte.

Elle a considéré que la rupture du PACS par volonté unilatérale s'apparenterait à une répudiation et s'est interrogée sur les conséquences matérielles de cette rupture unilatérale en cas de désaccord entre les cocontractants, relevant en particulier l'absence de précision sur le juge compétent, le défaut de critère pour le partage des biens et la possibilité, ou non, pour les tiers créanciers, de former une tierce opposition.

Me Marie-Elisabeth Breton s'est également interrogée sur la faculté, pour la personne n'ayant pas pris l'initiative de la rupture, de se voir accorder des dommages et intérêts ou une prestation compensatoire.

En conclusion, elle a constaté que le texte proposé comportait des interprétations multiples, susceptibles de provoquer une insécurité juridique source de nombreux conflits et a estimé qu'il aurait été préférable de redéfinir juridiquement le concubinage.

Puis, la commission a procédé à l'audition de Me Hélène Poivey Leclerck, avocat au conseil de l'Ordre de Paris.

Me Hélène Poivey Leclerck a indiqué qu'elle présenterait une analyse technique de la proposition de loi, le barreau de Paris ayant décidé de ne pas prendre position sur ce texte.

Elle a estimé que la liberté accordée aux cocontractants en ce qui concerne le contenu de la déclaration de vie commune pouvait laisser imaginer que certains d'entre eux n'adopteraient des clauses voisines de celles d'un régime matrimonial.

Me Hélène Poivey Leclerck s'est demandé si les personnes ayant contracté un PACS seraient autorisées à avoir une résidence séparée.

Elle a déploré qu'aucune information des tiers ne soit prévue par les textes, aussi bien sur la conclusion d'un PACS que sur son contenu. Elle a suggéré, par analogie avec le répertoire civil sur lequel était mentionné tout changement de régime matrimonial, que soit créé un registre similaire pour les personnes ayant contracté un PACS, afin de permettre aux tiers d'être informés, et de faire valoir leurs droits.

Elle a estimé que la déclaration de PACS devrait être remise conjointement par les cocontractants afin de vérifier leur consentement effectif et d'éviter les risques de fraude et de contentieux.

Me Hélène Poivey Leclerck a considéré qu'il aurait été préférable de prévoir l'enregistrement de la déclaration de PACS au greffe du tribunal de la commune de naissance de l'un d'entre eux plutôt qu'à celle de la résidence des partenaires, compte tenu des risques de confusion entre les notions de domicile et de résidence.

Elle a déploré l'imprécision des formules du texte proposé concernant, d'une part, " l'aide mutuelle et matérielle " que se devraient les cocontractants et, d'autre part, la solidarité entre eux pour les dettes contractées pour les besoins du ménage.

Me Hélène Poivey Leclerck a observé que dans le cadre du mariage, la solidarité des dettes entre époux était strictement définie par les moyens matériels dont ceux-ci disposaient et par l'utilité des dépenses, M. Robert Badinter estimant que la jurisprudence sur le PACS s'inspirerait très probablement de celle sur les dettes contractées pendant le mariage.

Elle a fait observer que la présomption d'application du régime de l'indivision aux biens des partenaires acquis à titre onéreux pendant la durée du contrat pourrait s'effacer devant la décision des cocontractants.

Me Hélène Poivey Leclerck a estimé cette présomption acceptable en ce qui concerne les biens meubles, mais dangereuse pour les biens immeubles, considérant que dans un tel cas, il aurait été préférable de prévoir une manifestation expresse de volonté devant le notaire lors de l'acquisition du bien.

Elle a considéré que la rupture d'un PACS provoquerait un contentieux plus important que celui actuellement constaté pour la dissolution du mariage.

Evoquant ensuite les dispositions concernant l'attribution préférentielle de droits en cas de rupture du PACS, Me Hélène Poivey Leclerck a fait observerque les droits en la matière, acceptables dans leur principe, étaient actuellement plus difficiles à faire valoir par les personnes divorcées.

Pour ce qui concerne les conséquences de la rupture, devant être déterminées à l'avance par les parties ou à défaut d'accord par le juge, elle a observé que le tribunal ne pourrait pas constater de rupture abusive, et donc de faute d'un contractant, puisque le texte autorisait la rupture unilatérale, susceptible d'ouvrir un domaine important de contentieux.

M. Patrice Gélard, rapporteur, s'est demandé si le fait pour une personne mariée d'avoir caché à son conjoint l'existence d'un PACS antérieur, pourrait être une cause de divorce.

Me Hélène Poivey Leclerck s'est interrogée sur le délai prévu par le texte avant que les cocontractants ne puissent effectuer en commun leur déclaration fiscale.

M. Jacques Larché, président, a souligné que les personnes concluant un PACS pourraient s'accorder sur des dispositions similaires à celles de la communauté universelle.

M. Luc Dejoie a relevé, qu'en fonction des cas de figure susceptibles de se présenter, les signataires d'un PACS pourraient être amenés à changer plus facilement de contrat que les personnes mariées, dont le changement de régime matrimonial est assujetti à des conditions légales rigoureuses.

Droit civil - Pacte civil de solidarité - Audition de Mme Claudette Boccara, vice-présidente du tribunal de grande instance de Paris

Puis la commission a procédé à l'audition de Mme Claudette Boccara, vice-présidente du tribunal de grande instance de Paris.

Mme Claudette Boccara
a indiqué que ses observations s'appuieraient sur l'expérience qu'elle avait acquise depuis deux ans comme président de la première chambre du tribunal de grande instance de Paris, compétente essentiellement pour l'état des personnes.

Elle a exposé que le contentieux sur le concubinage était très limité, une seule affaire ayant été traitée à ce propos par la juridiction qu'elle préside depuis sa nomination.

Mme Claudette Boccara a indiqué que hormis les cas où la loi confère des droits aux concubins, essentiellement en matière sociale, les conflits nés du concubinage étaient résolus par application des règles du droit commun, évoquant en particulier celui de la responsabilité civile, de l'action en répétition de l'indu ou de la liquidation de la société de fait.

Elle a rappelé que des droits avaient été progressivement reconnus aux concubins, citant l'exemple du versement d'un capital décès, l'attribution du droit au bail, de prestations sociales, d'avantages fiscaux ou découlant du droit du travail.

Mme Claudette Boccara a souligné que son expérience démontrait que les difficultés résultant de la séparation de couples non mariés portaient essentiellement sur la situation des enfants.

Elle a rappelé que si la loi du 8 janvier 1993 conférait l'exercice en commun de l'autorité parentale aux couples mariés, avant et après le divorce, elle reconnaissait aussi l'exercice en commun de cette autorité parentale aux concubins avant et après leur séparation, mais à la double condition qu'ils aient reconnu l'enfant durant sa première année et pendant leur vie commune.

Mme Claudette Boccara a souligné que cette législation pouvait entraîner des difficultés pratiques notables pour le père naturel, notamment dans ses relations avec l'établissement scolaire fréquenté par l'enfant.

Elle a déploré que, dans une période de recherche de repères stables pour les mineurs, le père ne puisse pas toujours exercer pleinement l'autorité parentale, et doive surmonter des obstacles importants pour exercer son rôle.

Mme Claudette Boccara a préconisé, d'une part, la suppression de ces conditions restrictives à l'exercice de l'autorité parentale commune par les parents et, d'autre part, que la reconnaissance d'un enfant naturel, à l'occasion de laquelle le parent devrait être informé de ses obligations morales et matérielles, revête un caractère solennel et irrévocable, assurant ainsi à l'enfant l'indispensable stabilité de sa filiation.

Mme Claudette Boccara a estimé que l'attribution du logement à l'une ou l'autre des personnes ayant vécu en commun devrait être décidée par le juge aux affaires matrimoniales, dans le cas où il y aurait aussi à statuer sur la situation des enfants, comme en matière de divorce, alors qu'elle relevait à l'heure actuelle d'un autre juge.

Elle a noté, en matière d'adoption plénière, que les couples mariés ou les célibataires pouvaient la solliciter, et non un concubin pour les enfants de la personne avec laquelle il vit.

Enfin, elle a regretté que lorsque l'un des concubins était placé sous une mesure de protection, son compagnon ou sa compagne ne soit pas considéré comme un proche susceptible d'être investi de plein droit des fonctions d'administrateur légal.

En conclusion, elle a estimé qu'il serait suffisant d'améliorer ou de compléter certains textes concernant les droits des concubins, essentiellement pour supprimer certaines discriminations dont souffrent leurs enfants.

M. Robert Badinter a souligné que la rupture d'un PACS devait entraîner un règlement concernant, d'une part, la situation des enfants et, d'autre part, les biens acquis pendant la durée du contrat, déterminé par les parties elles-mêmes ou, à défaut d'accord, par le juge, s'interrogeant à cet égard sur l'éventualité que deux juges différents puissent être compétents pour traiter l'une et l'autre conséquences de la rupture.

Il a évoqué la complexité des règlements de conflits de lois, soulignant que cette question importante n'était pas prise en considération par le texte.

M. Jacques Larché, président, a estimé, en conclusion, que cette question illustrait l'intérêt qu'il y aurait eu à ce que le Conseil d'Etat fût consulté avant le dépôt du texte.

Droit civil - Pacte civil de solidarité - Audition de Me Jacques Combret, notaire, rapporteur du 95e congrès des notaires " Demain la famille "

Enfin, la commission a procédé à l'audition de Me Jacques Combret, notaire, rapporteur du 95e congrès des notaires " Demain la famille ".

Me Jacques Combret
a tout d'abord déclaré que si ce texte était adopté, les notaires l'appliqueraient sans s'interroger sur son bien-fondé.

Il a rappelé que ceux-ci avaient déjà travaillé sur les problèmes posés en matière de concubinage, notamment à l'occasion de leur Congrès de 1988.

S'interrogeant ensuite, au niveau technique, sur la place du projet de PACS dans l'ordre juridique et sur les conditions dans lesquelles il pourrait assurer la sécurité des cocontractants et des tiers, il a considéré que le texte devrait être retravaillé.

Abordant le problème de la capacité des parties, il a constaté qu'aucun contrôle du consentement des partenaires du PACS n'était prévu, alors même que ce contrat allait les engager fortement. Il s'est demandé si les mineurs émancipés pourraient conclure un PACS.

Il a fait observer que le droit des incapacités comportait des dispositions spécifiques relatives au mariage mais qu'en revanche le texte tendant à instaurer le PACS ne prévoyait aucune disposition relative à la situation du contractant d'un PACS qui deviendrait incapable ou à celle d'un majeur en tutelle ou en curatelle qui souhaiterait conclure un PACS.

S'agissant du contenu du PACS, il s'est interrogé sur la notion d' " organisation de la vie commune " qui ne lui est pas apparue clairement définie, ainsi que sur la portée de l'obligation d'" aide mutuelle et matérielle " et de la solidarité concernant les dettes contractées pour " les besoins de la vie courante ".

Soulignant que le contrat serait appelé à fixer les modalités de l'aide mutuelle et matérielle, il a constaté qu'aucune disposition n'était prévue pour offrir une garantie de base qui permettrait de protéger le plus faible. Il a estimé que cette absence de garantie pourrait être source de difficultés, évoquant les conditions " épouvantables " dans lesquelles avaient lieu certaines ruptures de concubinage.

En ce qui concerne le régime de l'indivision, Me Jacques Combret a relevé que le texte proposé pour l'article 515-5 du code civil n'envisageait que le cas des acquisitions à titre onéreux et non par exemple le régime d'une constitution de société, l'achat de parts de SARL ou les autres mutations à titre onéreux.

Il a en outre fait observer que du fait de l'absence fréquente d'un acte écrit d'acquisition, beaucoup de biens acquis à titre onéreux risquaient de tomber automatiquement dans l'indivision.

A propos de l'achat d'un fonds de commerce, il a noté que le défaut d'immatriculation de l'un des partenaires au registre du commerce et des sociétés entraînerait une perte du droit au renouvellement du bail commercial.

Il a par ailleurs estimé que l'application de la disposition soumettant au régime de l'indivision les biens dont la date d'acquisition ne pourrait être établie risquerait de favoriser la fraude en permettant une transmission de patrimoine sans droits fiscaux, ou encore d'entraîner un enrichissement abusif de l'un des partenaires en cas de rupture.

Il a en outre suggéré de limiter la possibilité de demande d'attribution préférentielle au seul logement, soulignant que paradoxalement, le texte instaurant le PACS tendait à conférer plus de droits aux futurs partenaires qu'aux personnes mariées sur ce point.

Me Jacques Combret a ensuite évoqué les nombreux problèmes susceptibles de se poser en cas de rupture, faisant observer qu'en matière de divorce, il existait des procédures très précises de liquidation des droits patrimoniaux.

Puis il a déploré l'absence de formalisme du PACS. Rappelant les dispositions de l'article 1328 du code civil, il s'est interrogé sur la date d'opposabilité du PACS aux tiers et sur sa prise d'effet à l'égard des parties : date de signature, date de dépôt au greffe ou date de l'inscription sur le registre. Il a notamment relevé l'absence de toute précision relative au délai imposé aux greffes pour l'enregistrement, ainsi que de dispositions susceptibles d'assurer une publicité efficace.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a alors fait observer que le PACS ne serait valable qu'une fois enregistré par le greffier.

M. Jacques Larché, président, a constaté que les propos des représentants des professions judiciaires et juridiques entendus au cours de l'après-midi avaient montré que le texte adopté par l'Assemblée nationale serait inapplicable.

Il a fait part de ses préoccupations sur ce point et a vivement regretté que le Conseil d'Etat n'ait pas pu faire son travail juridique sur ce texte.

M. Patrice Gélard, rapporteur, s'est associé aux propos tenus par le président Jacques Larché, ajoutant que les représentants des huissiers et des greffiers qu'il avait entendus avaient également estimé que l'application du texte poserait des problèmes.

M. Luc Dejoie a considéré que ce texte n'était pas nécessaire car la pratique juridique et professionnelle permettait déjà de régler les problèmes posés, sous réserve de l'adoption de dispositions fiscales relatives aux successions dans une loi de finances.

M. Robert Badinter a souhaité savoir si les gains d'un portefeuille de valeurs mobilières détenu par l'un des partenaires du PACS tombaient dans l'indivision.

Me Jacques Combret a alors précisé que les nouveaux titres feraient partie de l'indivision et que les plus-values profiteraient aux deux partenaires.

Mercredi 10 mars 1999

- Présidence de M. Jacques Larché, président.

Nomination de rapporteur

La commission a tout d'abord nommé M. Pierre Fauchon rapporteur sur la proposition de résolution n° 251 (1998-1999) de M. Michel Barnier, sur le projet de statut des députés au Parlement européen (E. 1209).

Administration - Droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations - Examen des amendements

Puis la commission a procédé à l'examen des amendements au projet de loi n° 153 (1998-1999) relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

A l'article 3 (codification des textes législatifs), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 42 présenté par M. Robert Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à la codification des textes figurant en annexe au projet de loi dans un délai de dix ans à compter de la promulgation de la loi. M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur, a précisé que cet amendement était contraire à l'amendement n° 3 rectifié de la commission qui supprime l'article 3. M. Jacques Mahéas a indiqué que son groupe défendrait l'article 3, dans la mesure où le Gouvernement s'engageait sur un calendrier de codification.

La commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 39 présenté par M. Pierre Hérisson tendant à créer un article additionnel après l'article 5 afin que les associations de défense de l'environnement ne puissent former un recours devant la justice administrative qu'après avoir été agréées selon la procédure de l'article L. 252-1 du code rural. M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur, a estimé que cet amendement créait une inégalité de traitement entre les associations au regard du droit à ester en justice, et qu'il était contraire au droit en vigueur, tel qu'il résulte de l'article L. 252-4 du code rural, selon lequel toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement pouvait engager des instances devant les juridictions administratives, pour tout grief se rapportant à celle-ci.

La commission a donné un avis favorable, sous réserve de préciser que la somme consignée est restituée lorsque le recours a abouti à une décision définitive constatant que la requête n'était pas abusive, à l'amendement n° 40 présenté par M. Pierre Hérisson tendant à créer un article additionnel après l'article 5, afin qu'une association de sauvegarde de l'environnement consigne une somme, dont le montant est fixé par le juge, lors du dépôt d'un recours pour excès de pouvoir contre une autorisation d'urbanisme.

La commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 41 présenté par M. Pierre Hérisson tendant à créer un article additionnel après l'article 5, afin de rappeler que l'auteur d'une requête jugée abusive par la juridiction administrative encourt l'amende prévue à l'article R. 88 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel et à l'article 57-2 du décret du 30 juillet 1963 concernant l'organisation et le fonctionnement du Conseil d'Etat.

Après que M. Maurice Ulrich eut approuvé les trois amendements de M. Pierre Hérisson, estimant qu'ils limitaient les recours abusifs, M. Robert Bret s'y est déclaré défavorable, jugeant qu'ils réduisaient le champ d'intervention des associations. M. Jacques Larché, président, a regretté les pratiques de recours abusifs. M. Jacques Mahéas a estimé que les sommes consignées seraient dérisoires lors des recours contre d'importants projets d'aménagement et qu'en conséquence, l'amendement n° 40 était inutile. M. Guy Allouche a approuvé l'objectif de limiter les recours abusifs, mais il a souhaité que la somme consignée ne soit retenue qu'en cas d'échec du recours. M. Jacques Peyrat a rappelé l'intérêt de cet amendement, dans un souci d'efficacité de l'action des collectivités locales. Il a jugé que cette procédure, qui existe en droit pénal, devait a fortiori être créée en matière de justice administrative.

A l'article 7 (peines applicables à la conservation et au traitement irréguliers des informations nominatives), la commission a donné un avis favorable au sous-amendement n° 45 du Gouvernement à l'amendement n° 10 de la commission, qui permet de conserver les données nominatives à des fins historiques, scientifiques ou statistiques, sans but de traitement ultérieur.

A l'article 8 (définition de la notion de documents administratifs et régime applicable à la communication de ces documents, attributions de la commission d'accès aux documents administratifs), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 47 du Gouvernement tendant à préciser la notion de " documents réalisés afin d'être vendus ", M. Jean-Paul Amoudry ayant indiqué que cet amendement était contraire à l'amendement n° 12 de la commission.

A l'article 8, la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 43 présenté par M. Robert Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à préciser que les documents administratifs non communicables deviennent consultables, au titre de la loi sur les archives, au terme des délais spéciaux qui leurs sont applicables. M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur, a estimé que cet amendement était satisfait sur le fond par l'amendement n° 14 de la commission, qui avait le même souci de clarification.

Après les précisions apportées par M. Yves Fréville, à l'article 11 (contrôle de la Cour des comptes sur les organismes habilités à recevoir des taxes parafiscales ou à percevoir des versements libératoires d'une obligation légale de faire), la commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 44 de M. Yves Fréville, tendant à étendre le contrôle de la Cour des comptes aux organismes qui perçoivent des impositions de toute nature, afin d'inclure les organismes qui perçoivent la taxe d'apprentissage, laquelle n'est pas une taxe parafiscale.

A l'article 27 (application de certaines dispositions en Nouvelle-Calédonie, dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 46 du Gouvernement tendant à tenir compte du fait que la Nouvelle-Calédonie n'est plus un territoire d'outre-mer, qu'elle a estimé contraire à l'amendement n° 36 de la commission.

Droit civil - Pacte civil de solidarité - Examen du rapport

Puis la commission a examiné le rapport de M. Patrice Gélard sur la proposition de loi n° 108 (1998-1999) adoptée par l'Assemblée nationale, relative au pacte civil de solidarité.

M. Patrice Gélard, rapporteur, après avoir rappelé que les multiples auditions auxquelles la commission et lui-même avaient procédé lui avaient apporté des éléments essentiels à la détermination de sa position, a considéré que le texte adopté par l'Assemblée nationale était inapplicable juridiquement, qu'il était en partie inconstitutionnel, serait source d'innombrables contentieux et de nouvelles inégalités.

Il a indiqué qu'il proposerait à la commission une solution alternative permettant d'éliminer les discriminations existant actuellement tout en évitant d'en créer de nouvelles.

Rappelant l'historique du texte, il a souligné que les multiples propositions tendant à accorder un statut aux concubins et à prendre en compte le fait homosexuel étaient nées du refus réitéré de la Cour de cassation d'attacher au concubinage homosexuel les avantages accordés par la loi au concubinage hétérosexuel, principalement les avantages sociaux et le droit au bail.

Détaillant son analyse critique de la proposition de loi, il a souligné ses ambiguïtés et ses incohérences juridiques. Il a notamment critiqué la transposition sans réflexion de règles attachées au mariage, tels les empêchements ou l'imposition commune, les difficultés et les incertitudes engendrées par la procédure très complexe d'enregistrement et de dénonciation du PACS au greffe du tribunal d'instance, déconnectée de l'état civil et ne prévoyant aucune information des tiers. Il a également considéré que le recours à l'indivision comme régime des biens n'était pas adapté et a souligné que les obligations du PACS étaient par ailleurs minimales.

Présentant les solutions alternatives, il a en préalable souhaité que soit inscrit à l'article 9 du code civil le principe de la liberté de la vie personnelle de chacun.

Constatant qu'aucune définition du mariage n'existait dans le code civil, il a proposé à la commission de le définir de manière très simple comme étant l'union d'un homme et d'une femme célébrée par un officier de l'état civil. Il a de plus souhaité que l'âge minimal du mariage pour la femme, actuellement de 15 ans, soit élevé à 18 ans comme pour les hommes.

A la place du PACS qu'il a proposé de supprimer, il a soumis à la commission une définition du concubinage élargie à tous les couples permettant d'éliminer les discriminations actuellement engendrées par la jurisprudence de la Cour de cassation à l'égard des concubins homosexuels en précisant qu'il est le fait de deux personnes vivant en couple sans être unies par les liens du mariage.

Il a précisé que le concubinage pourrait se prouver par tous moyens mais que des actes de notoriété délivrés facultativement par l'officier d'état civil, le juge ou le notaire feraient foi jusqu'à preuve du contraire et que les concubins pourraient passer un contrat pour régler les questions de gestion patrimoniale.

Concernant le volet fiscal et successoral du texte, il s'est déclaré défavorable à ce qu'un contrat privé puisse procurer des avantages fiscaux dérogatoires suscitant des discriminations à l'égard des personnes seules ou des familles. Il a estimé que les règles applicables devaient être les mêmes pour tous, sans considération de statut.

Dans une optique de solidarité, il a proposé que tout contribuable puisse prendre fiscalement à sa charge une personne sans ressources, sans considération de la nature de leur relation, notamment le concubinage. Il a précisé que cette prise en charge n'entraînerait pas l'imposition commune, mais permettrait au contribuable de bénéficier d'un abattement identique à celui existant pour le rattachement fiscal d'un enfant majeur marié (actuellement 20.370 F). Il a indiqué que, dans la mesure où la personne prise en charge ne bénéficierait pas de l'aide sociale, cette prise en charge était la contrepartie d'une substitution de la solidarité privée à la solidarité publique.

Il a également proposé d'instituer un " legs électif " permettant à chacun de léguer, à une seule personne nommément désignée, une somme de 300.000 F en franchise de droits, dans la limite de la quotité disponible. Il a souhaité de plus que soit améliorée la situation successorale des frères et soeurs ayant cohabité avec le défunt.

Il a proposé un relèvement de 500.000 F à 1.000.000 F du seuil de la valeur d'une habitation principale acquise en tontine permettant de bénéficier des droits de mutation à titre onéreux, étant précisé que cette disposition serait applicable quelle que soit la valeur de l'immeuble.

Concernant les autres dispositions du texte, il a indiqué qu'il étendrait aux concubins le droit à congé de deux jours pour décès du partenaire et a fait part à la commission de l'opposition manifestée par M. Gaston Flosse à l'extension outre-mer des dispositions du texte, alors même que les assemblées territoriales n'avaient pas été consultées.

En conclusion, il a considéré que dans l'attente d'une réforme d'ensemble du droit de la famille, ses propositions étaient à la fois novatrices, efficaces et simples, substituant deux statuts bien identifiés, le mariage et le concubinage, aux quatre statuts qui auraient résulté de l'adoption du PACS, à savoir le mariage, le PACS, le concubinage hétérosexuel et le concubinage homosexuel.

M. Jacques Larché, président, a constaté qu'il ressortait de l'analyse juridique effectuée par le rapporteur que le texte était inapplicable en l'état. Il a regretté que la veille, lors de son audition, M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, ait considéré que le texte était politique et n'ait pu donné un chiffrage du coût des mesures qu'il contenait.

M. Jean-Jacques Hyest a rappelé que tous les juristes avaient souligné les difficultés d'application du texte qui n'avait même pas trouvé grâce aux yeux des associations défendant les droits des homosexuels. Il a considéré que le PACS serait source d'insécurité et d'instabilité, n'exigeant aucun engagement en contrepartie de droits et ne prévoyant aucune protection du plus faible. Il a craint qu'il ne menace tant le mariage que le concubinage auquel les jeunes paraissaient pourtant attachés. Constatant que la vie en commun de couples homosexuels était une réalité, il a considéré que la solution proposée par le rapporteur de prévoir une définition du concubinage était réaliste. Il a cependant insisté sur la nécessité de privilégier la vie familiale plutôt que de favoriser des situations individuelles.

Mme Dinah Derycke, après avoir estimé que la disposition sur la liberté de la vie personnelle était acceptable sous réserve d'en revoir la rédaction, a indiqué qu'elle n'adhérait à aucune autre proposition du rapporteur. Tout en reconnaissant que le texte était perfectible sur le plan technique, elle a estimé qu'il répondait de manière satisfaisante à la volonté de personnes ne souhaitant pas ou ne pouvant pas se marier de pouvoir contracter un engagement et d'apporter une protection juridique à leur partenaire. Elle s'est déclarée persuadée que le PACS permettrait de faire évoluer de manière positive les mentalités et le regard des Français sur l'homosexualité. Elle a considéré que la solution proposée par le rapporteur revenait à refuser la reconnaissance du couple homosexuel et que, sur le plan juridique, le concubinage, contrairement au PACS, ne prévoyait aucune solidarité et susciterait encore plus de contentieux que ce dernier.

M. Luc Dejoie a considéré que ce texte devait s'abstraire de considérations politiques. Soulignant que la loi n'avait pas vocation à changer les mentalités, mais à régler des rapports en société, il a partagé l'analyse du rapporteur sur le caractère inapplicable du texte et adhéré aux solutions proposées.

M. Robert Bret a estimé que le PACS, en mettant fin à des discriminations, permettrait une importante avancée sociale et morale et serait un outil de cohésion sociale. Tout en reconnaissant les imperfections juridiques du texte, il a regretté que les propositions du rapporteur paraissent refuser d'apporter une reconnaissance au couple homosexuel.

M. Lucien Lanier a critiqué l'ouverture à l'égoïsme, à l'absence de solidarité et à l'irresponsabilité que constituaient la procédure de rupture du PACS et l'absence dans le texte de toute disposition relative à la filiation.

M. Pierre Fauchon a regretté qu'un projet de loi sur la famille n'ait pas été déposé au moment où grandissait la reconnaissance de son rôle. Tout en se déclarant favorable à une définition du concubinage, il a estimé qu'elle serait insuffisante pour résoudre le problème des homosexuels qui ne peuvent pas se marier. Il a enfin considéré que des avantages fiscaux ne devraient être accordés qu'en contrepartie d'une utilité sociale.

M. Jacques Mahéas s'est déclaré prêt à adhérer à la définition du concubinage à condition qu'il soit explicitement précisé qu'elle concernait des partenaires de même sexe ou de sexe différent.

M. Daniel Hoeffel s'est félicité du fait que les propositions du rapporteur présentent un aspect concret, technique, dépouillé des aspects politiques et qu'elles aient su à la fois éviter d'être négatives face à un problème existant et préserver la primauté du mariage. Il s'est déclaré favorable au principe de l'introduction dans le code civil d'une définition du mariage et du concubinage.

M. Robert Badinter, après avoir rappelé la dimension passionnelle qui sous-tendait le débat et retracé les évolutions qui avaient conduit à réduire les discriminations, notamment sous son impulsion, en matière pénale, a considéré qu'il convenait de marquer clairement l'intention du législateur de contrecarrer la jurisprudence de la Cour de cassation excluant les homosexuels du concubinage. Il a souhaité qu'un vote de principe des membres de la commission puisse intervenir de manière préjudicielle sur cette question. En second lieu, après avoir regretté que le texte n'ait pas pris la forme d'un projet de loi ayant fait l'objet d'un avis du Conseil d'Etat entraînant une large concertation, il s'est interrogé sur la manière de prendre en compte la revendication d'un statut particulier par la communauté homosexuelle.

M. Luc Dejoie a considéré qu'il ne fallait pas confondre la reconnaissance et la promotion de l'homosexualité.

M. Nicolas About a estimé qu'il convenait de reconnaître l'existence des couples homosexuels en précisant que le concubinage s'appliquait à tous les couples sans distinction de sexe.

M. Simon Sutour a considéré qu'en rejetant le PACS, le Sénat ne ferait que freiner l'avance de la société, comme il le faisait en matière de cumul des mandats et de parité, ou comme il l'avait fait en refusant en son temps de voter la suppression du délit d'homosexualité. Il a de plus regretté que la suppression du PACS empêche d'y apporter les améliorations techniques qui seraient nécessaires.

M. Pierre Jarlier a rappelé que le PACS constituait un espoir pour de nombreuses personnes tout en reconnaissant qu'il était inapplicable en l'état. Il a souhaité qu'une dimension de solidarité soit intégrée dans la définition du concubinage.

M. Guy Allouche a considéré que le PACS était avant tout un problème de société revêtant un aspect politique. Il a regretté que la proposition du rapporteur, qu'il a qualifiée d'habile, contourne la véritable question en refusant, selon lui, d'ouvrir les yeux sur le fait homosexuel.

M. Jean-Pierre Schosteck a estimé que le mérite de la proposition du rapporteur était de mettre un terme aux discriminations sans créer la discrimination à rebours que constituerait l'adoption d'un texte spécifique pour les homosexuels.

En réponse aux orateurs, M. Patrice Gélard, rapporteur, a indiqué que le PACS ne créerait pas de véritables devoirs. Il a affirmé que la définition du concubinage qu'il proposait allait à l'encontre de la jurisprudence restrictive de la Cour de cassation. Il a considéré que la reconnaissance d'un statut spécial pour les homosexuels susciterait de nouvelles discriminations.

En réponse à M. Robert Badinter, M. Jacques Larché, président, a souligné que l'adoption de la définition du concubinage proposée par le rapporteur vaudrait condamnation de la jurisprudence de la Cour de cassation refusant de considérer les homosexuels comme des concubins.

Puis la commission a procédé à l'examen des articles, M. Robert Bret ayant indiqué que son groupe ne voterait aucun des amendements proposés par le rapporteur.

Avant l'article 1er, la commission a adopté trois articles additionnels :

- le premier affirmant à l'article 9 du code civil que chacun est libre de sa vie personnelle, plusieurs commissaires, en accord sur le principe, s'interrogeant néanmoins sur la rédaction de l'amendement ;

- le deuxième définissant le mariage, à l'article 144 du code civil, comme l'union d'un homme et d'une femme célébrée par un officier de l'état civil, Mme Dinah Derycke s'étant déclarée hostile à introduire dans le texte des dispositions sur le mariage et la proposition du rapporteur tendant à uniformiser à 18 ans l'âge du mariage des hommes et des femmes n'ayant pas été retenue par la commission ;

- le troisième définissant le concubinage comme le fait pour deux personnes de vivre en couple sans être unies par les liens du mariage, précisant son mode de preuve et prévoyant que les concubins peuvent passer un contrat pour régler leurs problèmes patrimoniaux. M. Jacques Mahéas, M. Nicolas About et M. Pierre Jarlier ont souhaité qu'il soit explicitement précisé que les personnes composant le couple pouvaient être de même sexe ou de sexe différent. M. Patrice Gélard, rapporteur, de même que M. Luc Dejoie ont considéré que cette précision était inutile, d'autant plus que le mariage avait été défini comme l'union d'un homme et d'une femme. M. Robert Badinter a considéré qu'il ne pouvait être question de rester dans le domaine de l'implicite dans cette matière et a souhaité déposer un sous-amendement. M. Jacques Larché, président, a indiqué qu'un sous-amendement pourrait être examiné ultérieurement.

La commission a ensuite supprimé l'article 1er créant le PACS.

A l'article 2 (impôt sur le revenu), la commission a remplacé l'imposition commune prévue pour les personnes ayant souscrit un PACS par un système d'abattement bénéficiant au contribuable prenant à sa charge une personne sans ressources, le niveau de cet abattement étant identique à celui accordé pour le rattachement d'un enfant marié à charge (20.370 F actuellement).

Après l'article 2, elle adopté un article additionnel permettant la déduction fiscale, sous le même plafond que celui défini précédemment, des aides versées aux collatéraux jusqu'au troisième degré isolés et bénéficiant de faibles ressources.

A l'article 3 (droits de succession), elle a institué le " legs électif " permettant à toute personne de léguer à une seule personne de son choix une somme de 300.000 F en franchise totale de droits sans toutefois porter atteinte aux règles de la réserve successorale.

Après l'article 3, elle a adopté un article additionnel améliorant la situation successorale des frères et soeurs ayant vécu avec le défunt en portant de 100.000 F à 150.000 F l'abattement auquel ils ont droit et en supprimant les conditions restrictives actuellement posées pour ne garder qu'une obligation de cohabitation d'un an.

Elle a, par coordination, supprimé l'article 4 (imposition commune des partenaires ayant souscrit un PACS à l'impôt sur la fortune).

Après l'article 4, elle a relevé de 500.000 F à 1.000.000 F le seuil de la valeur de l'habitation principale achetée par deux personnes en tontine permettant de bénéficier des droits de mutation à titre onéreux et a permis l'application de ces droits quelle que soit la valeur de l'habitation pour la part de sa valeur inférieure au seuil.

Par coordination, elle a supprimé l'article 4 bis (qualité d'ayant droit pour la sécurité sociale) satisfait par la définition élargie du concubinage.

Elle a adopté une nouvelle rédaction de l'article 5 (droits à congés) accordant aux concubins le bénéfice de deux jours de congés pour le décès de leur partenaire.

Par coordination, elle a supprimé les articles 5 bis (cessation du versement de l'allocation de soutien familial), 5 ter (cessation du versement de l'allocation veuvage), 6 (attribution d'un titre de séjour), 8 (priorité de mutation des fonctionnaires), 9 (continuation du contrat de location et droit de reprise du bailleur), 10 (dispositions applicables aux fratries), le deuxième alinéa de l'article 11 (décret d'application) prévoyant l'intervention de la commission nationale de l'informatique et des libertés et l'article 11 bis (application outre-mer).

En conséquence des votes intervenus, elle a adopté pour le texte un nouvel intitulé : " Proposition de loi relative au mariage, au concubinage et aux liens de solidarité ".

La commission a approuvé l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.