Travaux de la commission des lois



- Présidence de M. Jacques Larché, président.

Nomination de rapporteur

La commission a tout d'abord procédé à la nomination deM. Jean-Jacques Hyest comme rapporteur pour la proposition de résolution n° 295 (1998-1999) de M. Michel Barnier tendant à modifier l'article 73 bis du Règlement du Sénat.

Mission d'information en outre-mer - Echange de vues

Puis la commission a procédé à un échange de vues sur l'organisation éventuelle d'une mission d'information en outre-mer (Martinique, Guadeloupe, Guyane et éventuellement Saint-Pierre-et-Miquelon) au mois de septembre prochain.

A l'issue de cet échange de vues auquel ont participé MM. Jacques Larché, président, Pierre Fauchon, Robert Bret, Georges Othily, Guy Allouche, Patrice Gélard, Robert Badinter, Luc Dejoie et René-Georges Laurin, la commission, suivant la proposition de son président, a retenu le principe de cette mission, sous réserve de l'accord du Bureau du Sénat.

Droit civil - Pacte civil de solidarité - Examen du rapport en deuxième lecture

Elle a ensuite procédé à l'examen, en deuxième lecture, du rapport de M. Patrice Gélard sur la proposition de loi n° 310 (1998-1999), adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale, relative au pacte civil de solidarité.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a indiqué que l'Assemblée nationale avait rétabli le Pacs, pratiquement dans sa version de première lecture, tenant néanmoins compte de certaines critiques formulées dans le rapport de la commission des lois du Sénat, et qu'elle n'avait gardé aucun des amendements adoptés par le Sénat.

Après avoir énoncé les modifications apportées au Pacs, concernant notamment la mention de sa nature contractuelle, la distinction entre la déclaration au greffe et le pacte lui-même, l'assouplissement du régime de l'indivision et la limitation des cas où l'attribution préférentielle est possible, il a constaté qu'elles représentaient des améliorations du dispositif ne pouvant toutefois conduire à adhérer au principe même du Pacs auquel le Sénat s'était opposé en première lecture.

Il a ainsi rappelé que le Pacs n'avait pas sa place entre le mariage et le concubinage et qu'il restait un " sous-mariage ", provoquant l'instauration d'un " état civil bis " et pouvant être dénoncé unilatéralement à tout moment.

S'agissant de la définition du concubinage que l'Assemblée nationale avait substituée à celle adoptée par le Sénat, il a estimé qu'elle aggraverait la situation des concubins, l'exigence de stabilité et de continuité de la vie commune, d'ailleurs non prévue pour le Pacs, pouvant conduire des maires à refuser la délivrance de certificats de concubinage. Rappelant que le ministre de la justice avait critiqué à tort le texte du Sénat en ce qu'il n'aurait pas interdit à une personne mariée par ailleurs de vivre en concubinage, il a souligné que le texte de l'Assemblée nationale permettrait en plus d'être à la fois partenaire d'un Pacs et concubin.

Face à un texte aggravé par rapport à celui de première lecture, et devant la volonté politique manifeste d'adopter le Pacs quoi qu'il en coûte, d'ailleurs exprimée par deux ministres devant la commission des lois du Sénat, M. Patrice Gélard, rapporteur, a considéré qu'il était inutile de poursuivre le débat. Il a donc proposé à la commission d'adopter une question préalable.

M. Jean-Jacques Hyest a considéré que le texte adopté par l'Assemblée nationale était aggravé par rapport à celui de première lecture et ne tenait aucun compte de la proposition alternative du Sénat. Constatant la volonté idéologique de l'Assemblée nationale de rétablir le Pacs, alors que la reconnaissance de certains droits aux concubins l'avait rendu inutile, il s'est déclaré favorable au vote d'une question préalable dès lors qu'aucun accord n'apparaissait possible à l'issue de la deuxième lecture par l'Assemblée nationale.

M. Jacques Larché, président, estimant que la majorité de l'Assemblée nationale avait en la matière franchi les limites qu'une majorité démocratique devrait savoir s'imposer, a considéré que l'adoption d'une question préalable devait s'analyser comme l'opposition du Sénat à la proposition de loi modifiée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

Mme Dinah Derycke a indiqué que le groupe socialiste s'opposerait à la question préalable. Après s'être félicitée des améliorations apportées au texte grâce à la navette, elle a souligné que l'Assemblée nationale avait accepté le principe de la reconnaissance du concubinage proposé par le Sénat. Rappelant que la définition du concubinage donnée par le Sénat aurait reçu l'aval du groupe socialiste du Sénat si elle avait été complétée par la mention explicite de la possibilité pour les concubins d'être du même sexe, elle a admis que la formulation résultant des travaux de l'Assemblée nationale pouvait être source de difficultés. Regrettant que le Sénat manifeste pour sa part une opposition idéologique au Pacs, elle a considéré que l'adoption d'une question préalable donnerait l'impression que le Sénat déclarait forfait dès lors que l'Assemblée nationale pouvait avoir le dernier mot.

M. Jacques Larché, président, a observé, s'agissant de la perception des travaux du Sénat, que le bien-fondé de la position du Sénat sur la parité, parfois mal comprise, ressortait clairement des résultats de sortie de la dernière promotion de l'Ecole nationale d'administration : le fait que sept postes dans les grands corps sur quinze, dont la majorité des postes au Conseil d'Etat, soient revenus à des femmes, démontrant sans ambiguïté que la question de la parité était en train de se résoudre sans intervention législative.

Il a en outre souligné l'effort du Sénat en première lecture de la proposition de loi sur le Pacs pour proposer une alternative qu'une partie de l'opinion n'était pas nécessairement prête à accepter.

M. Robert Bret s'est opposé au vote de la question préalable y voyant un refus frileux du Sénat d'accomplir son rôle de législateur. Considérant que le texte adopté par l'Assemblée nationale tenait compte des remarques de l'opposition sénatoriale en première lecture mais était encore perfectible, il a regretté qu'il soit envisagé de ne pas procéder à son examen article par article.

M. Patrice Gélard, rapporteur, soulignant que le vote d'une question préalable relevait des règles de fonctionnement démocratique du Parlement, a estimé au contraire qu'une telle position ne pouvait, en deuxième lecture, être considérée comme frileuse à partir du moment où le Sénat, opposé à la philosophie même du Pacs, avait effectué, en première lecture, des propositions alternatives dont l'Assemblée nationale n'avait en réalité pas tenu compte.

M. Luc Dejoie, se déclarant en plein accord avec le rapporteur, a estimé qu'il ne convenait pas de cautionner ce qui ne pourrait apparaître que comme un simulacre de concertation.

Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté une motion tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi.

Justice - Efficacité de la procédure pénale - Examen du rapport en deuxième lecture

Puis, elle a procédé à l'examen, en deuxième lecture, du rapport de M. Pierre Fauchon sur le projet de loi n° 306 (1998-1999), modifié par l'Assemblée nationale, renforçant l'efficacité de la procédure pénale.

M. Pierre Fauchon, rapporteur, a tout d'abord rappelé que la mesure la plus importante contenue dans ce texte était la composition pénale. Il a indiqué qu'elle permettrait au procureur de proposer à une personne reconnaissant avoir commis certaines infractions une ou plusieurs mesures de réparation. Il a indiqué que les mesures proposées devraient être soumises pour validation au président du tribunal.

Le rapporteur s'est déclaré très favorable à la composition pénale, soulignant qu'elle permettrait d'éviter des procédures longues et inutiles en cas de reconnaissance des faits par leur auteur. Il a fait valoir qu'un tel dispositif pouvait permettre non seulement de renforcer l'efficacité de notre justice, mais également de donner à celle-ci une dimension plus humaine et plus digne en favorisant l'admission de sa culpabilité par l'auteur de l'infraction.

Le rapporteur a observé que l'Assemblée nationale avait apporté plusieurs modifications au dispositif adopté par le Sénat et qu'elle avait en particulier décidé d'étendre le champ d'application de la composition pénale aux délits de rébellion et d'usage de stupéfiants. Il a fait valoir que l'Assemblée nationale avait également souhaité encadrer la possibilité pour le procureur de proposer une composition pénale par l'intermédiaire d'un officier de police judiciaire.

M. Pierre Fauchon, rapporteur, a alors estimé que la plupart des modifications apportées au dispositif par l'Assemblée nationale pouvaient être acceptées. Il a toutefois proposé d'étendre le champ d'application de la composition au délit de conduite sous l'empire d'un état alcoolique et de porter le montant maximum de l'amende de composition de 10.000 à 25.000 F, afin que le procureur dispose d'une marge d'appréciation suffisante. Il a souligné que la conduite sous l'empire d'un état alcoolique représentait plus de la moitié des affaires traitées par certains tribunaux correctionnels et que l'application de la composition pénale permettrait de soulager le rôle de ces juridictions. Il a observé que le procureur demeurerait libre de saisir le tribunal correctionnel dans les cas les plus graves et qu'une circulaire du garde des sceaux pourrait préciser les cas dans lesquels le procureur serait davantage susceptible de recourir à la composition pénale.

Evoquant les autres dispositions du projet de loi, M. Pierre Fauchon, rapporteur, a souligné que l'Assemblée nationale avait décidé de rétablir la possibilité de notification aux avocats par télécopie avec récépissé, alors que le Sénat avait estimé souhaitable, en première lecture, qu'un avis de réception soit envoyé par le destinataire. Il a proposé d'accepter le texte adopté par l'Assemblée nationale, observant que les cas dans lesquels la notification par télécopie est d'ores et déjà prévue n'avaient pas donné lieu à des difficultés particulières.

Le rapporteur a indiqué que l'Assemblée nationale avait supprimé les dispositions introduites par le Sénat à propos de l'indemnisation des personnes ayant subi une détention provisoire injustifiée, en faisant valoir qu'une telle mesure relevait du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence. Il a en outre souligné que l'Assemblée nationale avait décidé de rétablir la possibilité pour le juge unique de renvoyer une affaire à la collégialité lorsque sa complexité le justifie.

Le rapporteur a indiqué que l'Assemblée nationale avait également décidé de rétablir la possibilité pour le premier président d'une cour d'appel, lorsqu'une formation de jugement ne peut être composée dans une juridiction, de renvoyer une affaire à une autre juridiction du ressort. Il s'est déclaré très réservé sur l'opportunité de confier un tel pouvoir discrétionnaire au premier président de la cour d'appel, soulignant qu'il serait préférable d'envisager un mécanisme automatique.

M. Pierre Fauchon, rapporteur, a enfin souligné que l'Assemblée nationale avait introduit deux articles additionnels tendant, d'une part, à permettre à certains agents des douanes d'exercer des missions de police judiciaire, d'autre part, à prévoir la possibilité pour le ministère de la justice de recourir à des emplois-jeunes financés à hauteur de 100 % du SMIC par l'Etat. Il a estimé qu'il serait préférable de recruter des magistrats et des greffiers, afin que la justice assume dans de meilleures conditions ses tâches fondamentales, plutôt que de recourir à des emplois-jeunes dont les missions ne seraient pas clairement définies.

La commission a ensuite examiné les amendements présentés par le rapporteur.

A l'article 1er (alternatives aux poursuites et composition pénale), la commission a adopté un amendement tendant à modifier le texte proposé pour l'article 41-2 du code de procédure pénale, afin d'étendre le champ d'application de la composition pénale au délit de conduite sous l'empire d'un état alcoolique. Elle a également adopté un amendement tendant à porter de 10.000 à 25.000 F le montant maximum de l'amende de composition.

Après l'article 2 (mesure de coordination avec l'article précédent), la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel pour modifier les articles L. 11-1, L. 30 et L. 32 du code de la route, afin de faire en sorte que l'application de la composition pénale au délit de conduite sous l'état alcoolique entraîne, comme une condamnation, la perte de points affectés au permis de conduire.

A l'article 3 (compétence du juge unique en matière correctionnelle), le rapporteur a présenté un amendement tendant à limiter la possibilité pour le juge unique de renvoyer une affaire à la collégialité aux cas où ce renvoi est demandé par les parties ou le ministère public. Le rapporteur a rappelé que le Sénat s'était opposé, en première lecture, à la possibilité pour le juge unique de renvoyer une affaire à la collégialité, estimant que cette disposition pouvait soulever des problèmes constitutionnels.

M. Jacques Larché, président, a exprimé la crainte qu'il se trouve toujours une partie pour demander le renvoi à la collégialité.M. Charles Jolibois a estimé qu'il serait préférable de permettre au juge de renvoyer une affaire à la collégialité lorsqu'il l'estime complexe plutôt que de confier aux parties la possibilité de demander un tel renvoi. M. Jacques Peyrat a observé que la collégialité n'était pas toujours une garantie pour les parties, dans la mesure où il fallait parfois recourir à des magistrats non spécialisés en droit pénal pour composer la juridiction. La commission a finalement adopté l'article sans modification.

A l'article 18 (destruction des substances stupéfiantes saisies), adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, la commission a adopté un amendement de coordination.

A l'article 19 (simplification de la procédure de renvoi d'une juridiction à une autre), la commission, après s'être interrogée sur la possibilité de mettre en place un mécanisme n'impliquant pas un pouvoir discrétionnaire du premier président de la cour d'appel exercé à l'égard d'une affaire identifiée, a adopté un amendement de suppression de cet article.

A l'article 20 bis (compétence d'agents des douanes pour effectuer des enquêtes judiciaires), la commission a adopté un amendement tendant à insérer les dispositions de cet article au sein du code de procédure pénale.

La commission a approuvé le projet de loi ainsi modifié.

Codification - Communication

M. Jacques Larché, président, a alors souhaité évoquer le rythme de la codification. Il a rappelé que plusieurs codes étaient actuellement en attente d'examen par le Parlement et que l'ordre du jour des assemblées ne permettait pas leur discussion. Il a observé que le Conseil d'Etat, dans ce contexte, avait décidé de ne plus examiner la partie législative des codes nouveaux, tant que le Parlement n'examinerait pas les codes d'ores et déjà prêts.

Le président a indiqué que le Gouvernement envisageait, dans ces conditions, de proposer au Parlement d'adopter une loi d'habilitation permettant une codification par ordonnances. Il a rappelé que, pendant la période d'habilitation, un texte adopté par voie d'ordonnance avait valeur réglementaire et pouvait donc être modifié par décret. Il a ajouté que l'examen des lois de ratification pourrait permettre au Parlement d'exercer un contrôle approfondi sur le contenu des ordonnances.

M. Patrice Gélard a déclaré qu'il préférerait qu'une loi d'habilitation soit adoptée pour chacun des codes en attente d'examen par le Parlement. Il a indiqué qu'il conviendrait en outre de mettre fin à la divergence d'appréciation existant entre le Parlement et le Conseil d'Etat en matière de décompte des alinéas dans les textes législatifs. Il a fait valoir que le regroupement de l'ensemble du droit français au sein de quelque quarante codes aurait une valeur pédagogique universelle et qu'il était tout à fait nécessaire de poursuivre l'oeuvre de codification. Il a enfin noté que le Parlement pourrait contrôler le texte des ordonnances lors de l'examen des projets de loi de ratification.

M. Jacques Larché, président, a alors observé qu'il était possible d'envisager une loi d'habilitation unique, mais des lois de ratification échelonnées au fur et à mesure de la parution des différents codes.

M. Robert Badinter a souligné que la codification était indispensable et qu'il convenait également de prévoir un traitement informatique de l'ensemble des textes législatifs afin que la législation française puisse servir de référence à tout moment et en tout lieu.