Travaux de la commission des lois



- Présidence de M. Jacques Larché, président.

Droit civil - Pacte civil de solidarité - Examen des amendements

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abordexaminé, sur le rapport de M. Patrice Gélard, un amendement à la proposition de loi n° 310 (1998-1999), adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale, relative au pacte civil de solidarité.

La commission a donné un avis défavorable à cet amendement portant sur l'article premier ter, présenté par M. Robert Badinter, Mme Dinah Derycke, M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, donnant une nouvelle définition du concubinage à l'article 515-8 du code civil.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a fait ressortir que cet amendement était en contradiction avec la décision de la commission d'adopter une question préalable. En tout état de cause, il a considéré que cet amendement, améliorant le texte sur la forme, n'était pas satisfaisant sur le fond, dans la mesure où il faisait référence au caractère stable et continu de la vie commune, et où il n'excluait pas les personnes mariées du concubinage.

Mme Dinah Derycke a indiqué que la rédaction proposée reprenait la définition du concubinage donnée par la Cour de cassation en la complétant pour qu'elle s'applique aux couples du même sexe.

Justice - Efficacité de la procédure pénale - Examen des amendements

Puis la commission a examiné, sur le rapport de M. Pierre Fauchon, les amendements au projet de loi n° 306 (1998-1999), modifié par l'Assemblée nationale, renforçant l'efficacité de la procédure pénale.

La commission a tout d'abord adopté un amendement présenté par le rapporteur, tendant à insérer un article additionnel après l'article 2 ter, afin de créer un article 809-1 dans le code de procédure pénale pour permettre l'application de la composition pénale en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna en matière de conduite sous l'empire d'un état alcoolique et de port d'armes. Le rapporteur a souligné que le code de la route et le décret-loi de 1939 sur le régime des armes et munitions n'étaient pas applicables en Nouvelle-Calédonie et dans les territoires d'outre-mer et qu'il convenait donc de viser les réglementations locales dans ces domaines.

La commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 3 présenté par MM. Gaston Flosse et Lucien Lanier, tendant à compléter l'article 5 (procédurede l'amende forfaitaire), pour permettre aux assemblées délibérantes de la Nouvelle-Calédonie et des territoires d'outre-mer de fixer le montant et les modalités d'acquittement des amendes forfaitaires. Le rapporteur a observé que la procédure pénale relevait de la compétence de l'Etat et qu'il n'était pas possible de prévoir un transfert de compétence par le biais de ce projet de loi. M. Jacques Larché, président, a fait valoir que cette question pourrait être étudiée lors de l'examen du futur projet de loi organique sur le statut de la Polynésie française.

La commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 10 présenté par le Gouvernement, tendant à modifier l'article 19 (simplification de la procédure de renvoi d'une juridiction à une autre), pour disposer qu'une ordonnance du premier président de la cour d'appel prévoira chaque année, pour chacune des juridictions de son ressort, la juridiction devant laquelle des procédures sont susceptibles d'être renvoyées lorsqu'une juridiction ne peut être composée en raison des incompatibilités prévues par la loi. Le rapporteur a souligné que cet amendement permettrait de lever les objections soulevées par le Sénat sur cet article, observant que le premier président n'aurait pas ainsi le pouvoir de choisir discrétionnairement la juridiction appelée à connaître d'une affaire pénale déterminée. Il a proposé de retirer en conséquence l'amendement de la commission tendant à supprimer l'article 19.

La commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 1 présenté par le Gouvernement, tendant à insérer un article additionnel après l'article 21, afin de modifier l'article premier de la loi de 1990 sur l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire. Le rapporteur a indiqué que l'amendement avait pour objet de permettre expressément aux professionnels libéraux de constituer des entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée. Il a fait valoir que la rédaction actuelle de l'article premier de la loi de 1990 avait conduit certains tribunaux à refuser la qualité d'E.U.R.L. à des professionnels libéraux, alors même que le législateur n'avait pas entendu exclure la possibilité, pour les professions libérales, de recourir à cette forme d'entreprise.

Enfin, la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 2 présenté par le Gouvernement, tendant à insérer un article additionnel après l'article 21 pour modifier l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, afin de ménager la possibilité, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, que les droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement soient mis partiellement à la charge des créanciers.

Le rapporteur a tout d'abord indiqué que le Conseil d'Etat avait annulé le 5 mai 1999 un décret de 1996, qui prévoyait la mise à la charge des créanciers d'un droit de recouvrement ou d'encaissement, en faisant valoir que le Gouvernement ne pouvait déroger aux dispositions législatives spéciales mettant les frais de l'exécution forcée à la charge du débiteur. Il a estimé que le principe d'un droit mis automatiquement à la charge du créancier en matière d'exécution forcée était très contestable, observant qu'il revenait éventuellement au juge de prévoir la mise à la charge du créancier d'une partie des frais d'exécution. Il a ajouté que, s'il fallait tenir compte de la situation difficile des créanciers débiteurs sans pénaliser les huissiers, il revenait à la collectivité tout entière de prendre en charge les frais ne pouvant être mis à la charge des débiteurs et non aux créanciers.

M. Pierre Fauchon, rapporteur, a souligné que l'amendement proposé posait des problèmes de fond et qu'il ne pouvait être adopté sans examen préalable approfondi. Il a indiqué que la commission des lois de l'Assemblée nationale avait adopté une proposition de loi contenant un texte identique à l'amendement du Gouvernement et que la discussion de cette proposition pourrait permettre une étude complète du problème posé.

M. Jean-Jacques Hyest a observé que le Gouvernement justifiait son amendement par la nécessité de tenir compte de situations concrètes. Il s'est interrogé sur la nature de ces situations.

Le rapporteur a alors noté que le décret annulé ne prévoyait en aucun cas la prise en compte de situations concrètes, mais mettait automatiquement à la charge du créancier un droit de recouvrement ou d'encaissement. Il a ajouté qu'un avant-projet de décret proposé par le Gouvernement introduisait des exceptions à la mise à la charge du créancier, mais que ces exceptions se référaient à des catégories de créances et non des situations concrètes.

En conséquence, constatant le décalage entre l'exposé des motifs de l'amendement et l'avant-projet de décret, M. Jacques Larché, président, a estimé que la commission ne pouvait donner un avis favorable en l'état.

Commission d'enquête - Commission d'enquête sur la conduite de la politique de l'Etat en Corse - Nomination d'un rapporteur et examen du rapport

Dans une seconde séance, tenue dans l'après-midi, la commission a tout d'abord nommé M. Jean-Pierre Schosteck comme rapporteur pour la proposition de résolution n° 342 (1998-1999) de MM. Jean Arthuis, Guy Cabanel, Henri de Raincourt et Josselin de Rohan, tendant à créer une commission d'enquête sur la conduite de la politique de l'Etat en Corse puis elle a procédé, sur son rapport, à l'examen de cette proposition de résolution.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a indiqué que la proposition examinée tendait à la constitution d'une commission d'enquête sur le fonctionnement, la coordination et la direction des services publics de sécurité intervenant en Corse.

Après avoir rappelé les termes de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 sur le fonctionnement des assemblées parlementaires, il a considéré que la proposition de résolution était recevable juridiquement au regard des dispositions de ladite ordonnance sans qu'il soit besoin de s'interroger sur l'existence de poursuites judiciaires éventuelles, dans la mesure où la commission d'enquête proposée tendrait à contrôler des services publics et non à enquêter sur des faits déterminés.

Sur le fond, après avoir souligné les dysfonctionnements qui étaient apparus dans l'organisation et la coordination des services publics de sécurité en Corse depuis l'assassinat du préfet Claude Erignac et considéré qu'il fallait éclaircir le rôle et le fonctionnement du groupe de pelotons de sécurité de la gendarmerie (GPS), ainsi que la façon dont les pratiques administratives particulières mises en place par le préfet Bernard Bonnet avaient été connues voire encouragées au niveau gouvernemental, M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a estimé que la résolution était parfaitement justifiée.

M. Daniel Hoeffel s'est demandé si les services de la justice entreraient dans le champ d'investigations de la commission d'enquête. Rappelant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la Corse présidée par M. Jean Glavany, il s'est interrogé sur les suites données à ses travaux et a considéré qu'il fallait veiller à ce que la présente résolution n'aboutisse pas à en créer une réplique.

M. Guy Allouche s'est déclaré, dans un souci de transparence, favorable à la création d'une commission d'enquête en estimant toutefois souhaitable que son champ d'investigation ne se limite pas aux derniers mois écoulés mais remonte par exemple à l'adoption du statut de 1991, initié par M. Pierre Joxe.

M. Robert Bret s'est également déclaré favorable à la résolution dans la mesure où les travaux de la commission pourraient s'appliquer à une période d'une dizaine d'années environ. Il a de plus considéré qu'il convenait de réfléchir sur les suites données aux travaux de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale présidée par M. Jean Glavany.

M. Charles Ceccaldi-Raynaud a pour sa part considéré que les travaux de la commission d'enquête pourraient porter sur les politiques conduites depuis 1982, date de l'adoption du statut proposé par M. Gaston Defferre.

M. Jacques Larché, président, a jugé qu'il convenait de laisser la commission d'enquête déterminer elle-même la date de point de départ du contrôle effectué.

M. Robert Badinter a estimé, au contraire, que ce point de départ devrait être indiqué dans la résolution.

Après avoir rejeté la proposition de M. Guy Allouche de fixer le point de départ du contrôle en 1991 et celle de M. Charles Ceccaldi-Raynaud de le fixer en 1982, et estimant que l'expression " les services publics de sécurité intervenant en Corse " pourrait laisser croire qu'il ne s'agirait de contrôler que les services actuellement en fonction, alors que le GPS venait d'être dissous, la commission a décidé d'adopter l'article unique de la résolution dans le texte proposé par ses auteurs, sous réserve de la suppression du mot : " intervenant ", permettant ainsi à la commission d'enquête de déterminer elle-même l'étendue de son contrôle dans le temps.

Elle a ensuite décidé, sur proposition du rapporteur, de modifier l'intitulé de la résolution pour faire apparaître que la politique de l'Etat en Corse dont la conduite serait soumise à enquête serait celle de la sécurité. Elle a donc dénommé la proposition : " Proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur la conduite de la politique de sécurité menée par l'Etat en Corse ".

La commission a adopté la résolution ainsi modifiée.

Mercredi 12 mai 1999

- Présidence de M. Jacques Larché, président.

Collectivités territoriales - Renforcement et simplification de la coopération intercommunale - Désignation de candidats pour faire partie de la commission mixte paritaire

La commission a tout d'abord procédé à la désignation de candidats pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi relatif au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.

Elle a désigné comme candidats titulaires : MM. Jacques Larché, Daniel Hoeffel, Michel Mercier, Jean-Patrick Courtois, Paul Girod, Jean-Claude Peyronnet et Robert Bret et comme candidats suppléants : MM. Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Delevoye, Patrice Gélard, François Marc, Georges Othily et Jean-Pierre Schosteck.

Droit civil - Pacte civil de solidarité - Désignation de candidats pour faire partie de la commission mixte paritaire

Elle a ensuite procédé à la désignation de candidats pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité.

Elle a désigné comme candidats titulaires : MM. Jacques Larché, Patrice Gélard, Philippe Marini, Jean-Jacques Hyest, Paul Girod, Mme Dinah Derycke et M. Robert Bret et comme candidats suppléants : MM. Nicolas About, Robert Badinter, Jean-Pierre Bel, Luc Dejoie, Pierre Fauchon, Lucien Lanier et Georges Othily.

Justice - Référé devant les juridictions administratives - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. René Garrec sur le projet de loi n° 269 (1998-1999) relatif au référé devant les juridictions administratives.

M. René Garrec, rapporteur
, a annoncé que ce projet de loi donnait au juge administratif les moyens juridiques de régler les situations d'urgence.

Il a estimé que ce projet de loi était à la fois de nature technique et politique, dans la mesure où il pourrait freiner l'utilisation abusive de la théorie de la voie de fait par les requérants s'adressant au juge judiciaire.

Il a fait valoir que dans les situations d'urgence, deux principes fondamentaux du droit public seraient atténués, le caractère exécutoire des décisions administratives et l'interdiction faite au juge d'adresser des injonctions à l'administration. En ce sens, il a relevé que le projet de loi constituait une véritable innovation.

Il a souligné que l'article 1er résumait l'ensemble des caractéristiques de la fonction de juge des référés : juge unique et juge du provisoire, ses décisions n'ayant pas force de chose jugée.

Il a exposé que le juge des référés ne préjugeait pas la solution du litige au fond, qu'il avait une compétence générale et qu'il pourrait agir en urgence ou non selon les types de référé. Il a constaté que les présidents de tribunaux administratifs, les présidents de cours administratives d'appel, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, ainsi que les magistrats qu'ils désigneraient seraient juges des référés.

Il a souligné que l'urgence s'apprécierait in concreto et se rencontrerait davantage en matière de reconduite des étrangers à la frontière, d'urbanisme et d'atteinte aux libertés fondamentales.

Après avoir mentionné le rapport remis par le " groupe de travail sur les procédures d'urgence " institué au Conseil d'Etat, M. René Garrec, rapporteur, a indiqué les trois formes de référé administratif issues du projet de loi : référé-suspension, référé-injonction et référé conservatoire.

S'agissant du référé-suspension, il a noté que le recours devant les juridictions administratives n'avait pas d'effet suspensif et que le Conseil constitutionnel en avait déduit que le sursis à exécution des décisions administratives faisait partie des garanties des droits de la défense, principe à valeur constitutionnelle.

Après avoir indiqué que le référé-suspension serait le référé le plus couramment utilisé, il a noté qu'il remplaçait à la fois le sursis à exécution et la suspension provisoire définie à l'article L. 10 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

Il a approuvé l'assouplissement des conditions d'octroi du sursis, en particulier la substitution, au " moyen sérieux de nature à justifier l'annulation de l'acte attaqué ", du " doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ". De plus, il a souligné l'intérêt de supprimer la condition liée au préjudice difficilement réparable, dans la mesure où le juge des référés ne devait pas examiner le fond du litige.

M. Pierre Fauchon s'étant inquiété de la disparition de la notion de préjudice difficilement réparable, M. Jacques Larché, président, a constaté que le juge des référés risquait d'être saisi de requêtes toujours plus nombreuses.

Concernant le référé-injonction, M. René Garrec, rapporteur, a précisé qu'il ne s'agissait que d'une injonction à titre provisoire, dont le prononcé serait encadré par une condition restrictive, à savoir une atteinte grave et manifestement illégale portée par l'administration à une liberté fondamentale, ce qui limiterait l'utilisation de ce référé. Puis il a observé que le terme " fondamental " était rarement utilisé en droit public français, même s'il figurait dans la Constitution.

M. Patrice Gélard ayant demandé comment le référé-injonction pourrait coexister avec la théorie de la voie de fait, M. René Garrec, rapporteur, a indiqué qu'en offrant au justiciable une voie d'action rapide devant la juridiction administrative, il réduirait l'utilisation abusive de la voie de fait devant les juridictions judiciaires. Il a ajouté que le projet de loi, en renforçant le juge administratif, pourrait éviter la mise en cause abusive des élus locaux devant le juge pénal pour des litiges relevant du droit public.

Quant au référé-conservatoire, il a constaté qu'il s'agissait d'une reprise du droit existant, l'interdiction de porter préjudice au principal disparaissant au profit de l'interdiction de faire obstacle à l'exécution d'une décision administrative. Il a précisé que deux cas étaient en pratique visés, celui où l'administration refuserait de communiquer au demandeur les documents administratifs nécessaires à une procédure contentieuse et celui où l'administration demanderait au juge d'autoriser l'expulsion d'occupants sans titre du domaine public.

M. René Garrec, rapporteur, a insisté sur la possibilité nouvelle de moduler les mesures prononcées en référé, permettant au juge d'agir dans la durée, dès lors qu'un élément nouveau justifierait à nouveau son intervention. Il a estimé que le juge des référés serait ainsi en quelque sorte son propre juge d'appel.

Il a indiqué que la procédure devant le juge des référés serait en partie orale, y compris pour exposer des moyens nouveaux en audience publique, ce qui constituerait une véritable nouveauté.

Il a annoncé que l'audience publique serait requise pour les seuls référé-suspension et référé-injonction, lesquels offraient au juge les plus larges pouvoirs. Il a confirmé que le juge des référés aurait la possibilité de renvoyer une affaire à la formation collégiale de jugement. Estimant que le commissaire du Gouvernement ne pouvait se prononcer qu'à l'appui des mémoires écrits, il a approuvé que le juge des référés statue sans entendre ses conclusions.

Il a expliqué que le projet de loi faisait exception au principe du double degré de juridiction, l'appel étant remplacé par la modulation des mesures prononcées en référé. Cependant il a fait valoir que la voie de la cassation était ouverte et que l'absence d'appel se justifiait par le risque de collision entre le dossier au fond examiné par le juge de première instance et la demande de référé qui serait instruite en appel. Il a rappelé que le référé pré-contractuel défini à l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel n'était actuellement pas susceptible d'appel.

M. René Garrec, rapporteur, a fait savoir que les demandes de référé en urgence seraient exemptées de l'acquittement du droit de timbre. Il a rappelé que la loi du 30 décembre 1977 avait instauré la gratuité des actes de justice, puis que le droit de timbre avait été rétabli en 1994, devant les seules juridictions administratives, son montant étant fixé à 100 francs par requête. Il a fait état de la jurisprudence du Conseil d'Etat, pour qui la procédure d'urgence en matière de reconduite des étrangers à la frontière est incompatible avec le paiement du droit de timbre.

Il a exposé que le juge avait l'obligation de demander la régularisation de la requête présentée sans timbre, ce qui nécessitait l'envoi d'une lettre avec avis de réception dont le coût atteignait environ le quart du produit du droit de timbre. De plus, il a remarqué que, lorsqu'un requérant demandait une exonération, le juge était tenu de l'inviter à présenter une demande d'aide juridictionnelle. Constatant que le tiers des requêtes était déposé sans timbre, et que le coût d'instruction par le bureau d'aide juridictionnelle pouvait atteindre 2.500 francs par dossier, il a conclu que le recouvrement du droit de timbre coûtait presque aussi cher que les 12,5 millions de francs qu'il rapportait chaque année. Enfin, il a noté que l'acquittement du droit de timbre ne dissuadait pas les requérants de déposer des recours abusifs.

M. Jacques Larché, président, a estimé que la seule façon de rendre le droit de timbre dissuasif serait de le porter à 500 francs.

M. René Garrec, rapporteur, a fait valoir que l'amende de 20.000 francs pour recours abusif, prévue à l'article R. 88 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, s'appliquait pleinement aux demandes de référés.

Il a déclaré que, par ordonnance prise en l'absence de contradictoire, le juge des référés procéderait au tri des requêtes, écartant ainsi les demandes irrecevables ou mal fondées, et les classant selon leur degré d'urgence. Il a souhaité que cette réforme s'accompagne au niveau réglementaire de l'établissement d'un calendrier de procédure et de l'audience à jour fixe.

Il a évoqué ensuite les référés pré-contractuels des articles L. 22 et L. 23 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. Il a noté que le pouvoir d'injonction à titre provisoire reconnu au juge était renforcé, puisque celui-ci pourrait enjoindre à la personne publique de différer la signature du contrat de marché public contesté pour manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.

S'agissant des référés liés à la décentralisation, il a souligné que les sursis à l'exécution de droit à la demande du représentant de l'Etat étaient remplacés par une suspension mais conservaient leur spécificité, liée au caractère institutionnel du contrôle de légalité a posteriori créé en 1982.

Il a ensuite présenté les articles de simplification du droit, d'extension à l'outre-mer et d'entrée en vigueur du projet de loi.

M. Robert Badinter a remarqué que ce projet de loi instituait une procédure contentieuse très dérogatoire.

M. Jacques Larché, président, constatant le risque de multiplication des recours suscité par cette réforme, l'importance du nouveau pouvoir d'injonction reconnu au juge administratif et la disparition de la notion de préjudice difficilement réparable conditionnant le sursis à exécution, a souhaité que la commission s'interroge sur les bouleversements que le projet de loi était susceptible d'apporter au regard de l'impératif d'efficacité de l'action administrative, de la nécessité de protection des élus locaux et du bon fonctionnement de l'administration.

M. Pierre Fauchon a estimé que la dualité des juridictions constituait une anomalie de notre système juridique. Il a relevé que le projet de loi conférait au juge administratif des référés une efficacité plus grande que celle du juge civil des référés. Soulignant l'imprécision de la notion de " doute sérieux ", il s'est inquiété de la place centrale reconnue au juge administratif dans la vie administrative.

M. Maurice Ulrich, constatant que les élus locaux étaient d'ores et déjà mis en cause devant le juge pénal, lequel n'était pas toujours à même d'apprécier le fonctionnement de l'administration, a estimé que le projet de loi pourrait permettre, au prix de quelques inconvénients, de répondre à la lenteur de la juridiction administrative.

M. Simon Sutour, déplorant la situation actuelle, dans laquelle des permis de construire étaient reconnus illégaux alors que la construction du bâtiment était déjà achevée, a souligné l'importance et la nécessité du projet de loi.

M. Patrice Gélard a jugé anormal que le tribunal administratif, statuant au fond, demande la destruction d'un bâtiment, alors qu'il n'avait pas accordé le sursis à l'exécution du permis de construire correspondant. Il a de plus estimé que le juge judiciaire n'était pas formé pour juger la responsabilité administrative des élus locaux. Il a remarqué que les pays ayant récemment accédé à la démocratie avaient institué une dualité de juridiction et que les pays étrangers dont la justice était unifiée disposaient de chambres spécialisées. Enfin, il a demandé quels moyens matériels et humains étaient prévus afin d'éviter de surcharger les tribunaux administratifs.

M. Jean-Jacques Hyest s'est inquiété de l'application du référé en matière d'entrée et de séjour des étrangers, et plus largement dans le domaine des libertés fondamentales, le juge judiciaire étant le premier protecteur de la liberté individuelle.

Il a attiré l'attention sur les recours abusifs dans le domaine de l'urbanisme, certaines associations agréées attaquant systématiquement les permis de construire et les plans d'occupation des sols. Il s'est demandé si le projet de loi n'ouvrait pas de nouvelles possibilités de procédures dilatoires.

M. René Garrec, rapporteur, a répondu que le tri des requêtes organisé à l'article 9 du projet de loi permettrait d'éliminer les saisines systématiques ou non fondées. M. Jacques Larché, président, a souligné la différence entre un moyen dilatoire et un recours abusif et il a craint qu'en matière de permis de construire le juge administratif ne reconnaisse quasiment systématiquement l'existence d'une situation d'urgence.

M. Robert Bret a remarqué que ce texte, qui marquait de réels progrès, risquait de multiplier les demandes de sursis, ce qui nécessiterait le recrutement de magistrats supplémentaires. M. René Garrec, rapporteur, a fait état d'une estimation moyenne de 40 postes de magistrats et d'environ 70 postes de greffe supplémentaires.

M. Robert Badinter, constatant que le projet de loi laissait une grande marge d'appréciation au juge administratif, a souhaité que la commission entende le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat.

Il a rappelé qu'eu égard à la culture judiciaire française, le Conseil constitutionnel avait jugé que la dualité de juridiction était un principe fondamental reconnu par les lois de la République et qu'en conséquence le remplacement des tribunaux administratifs par des chambres spécialisées des tribunaux judiciaires nécessiterait une révision constitutionnelle.

Il a souligné que le référé civil, en particulier le référé d'heure à heure, suscitait une admiration générale à l'étranger.

M. Jacques Larché, président, a souhaité distinguer les deux branches du contentieux administratif, contentieux de la légalité d'une part, contentieux de pleine juridiction d'autre part. Il a rappelé qu'une partie du plein contentieux était passée dans le domaine de compétence du juge judiciaire, par exemple du fait de la loi attribuant au juge judiciaire compétence pour statuer sur les actions en responsabilité introduites pour les dommages causés par les véhicules de l'administration.

M. René Garrec, rapporteur, a indiqué que plusieurs questions devraient être clarifiées au cours des débats.

Il s'est interrogé sur la faculté pour un magistrat de juger au fond une affaire dont il aurait eu à connaître en référé, rappelant que la Cour de cassation avait refusé cette possibilité au juge judiciaire, en s'appuyant sur le droit à un procès équitable reconnu par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

M. Robert Badinter a estimé que la Cour européenne des droits de l'homme avait déjà tranché cette question et qu'il était préférable que le juge des référés s'abstienne de participer au règlement du litige au fond.

M. René Garrec, rapporteur, a alors fait part des objections à cette solution. Il a regretté que les présidents de juridiction et de formation de jugement soient obligés de choisir entre l'urgence et le traitement des affaires au principal et il a noté que les tribunaux administratifs comportant un faible effectif de magistrats seraient confrontés à des difficultés matérielles majeures.

M. René Garrec, rapporteur, ayant ensuite soulevé la question de l'absence de codification du projet de loi, M. Jacques Larché, président, a rappelé qu'en dépit d'objections techniques à la méthode de codification par ordonnance, il avait donné son accord de principe pour l'adoption de neuf codes par ce procédé, soulignant que le Parlement examinerait attentivement le projet de loi de ratification.

M. René Garrec, rapporteur, a également souhaité interroger le Gouvernement sur l'absence de consultation de l'Assemblée territoriale de Polynésie française et du Congrès de Nouvelle-Calédonie, ainsi que sur l'applicabilité de la réforme à Wallis et Futuna. Concernant la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, il s'est demandé si la procédure de demande d'avis obligatoire au Conseil d'Etat, lorsque se posait un problème de compétence entre l'Etat et les autorités territoriales, était compatible avec les délais de traitement de l'urgence.

M. Jacques Larché, président, a souhaité mettre l'accent sur l'incidence du projet de loi sur le contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales, soulignant l'immédiateté de l'intervention du juge des référés.

M. René Garrec, rapporteur, a relevé que, malgré le parallélisme établi entre les juges des référés civil et administratif, il était nécessaire de conserver la spécificité du contentieux administratif.

M. Robert Badinter ayant demandé des précisions sur la disparition du critère de " préjudice difficilement réparable " et de " conséquence irréversible " pour prononcer le sursis ou la suspension provisoire, M. René Garrec, rapporteur, a répondu que le juge des référés n'examinerait pas la requête principale et se prononcerait au vu des moyens soulevés dans la demande de référé.

MM. Jacques Larché, président, et Pierre Fauchon ont estimé que la notion de doute sérieux laisserait au juge une large marge d'application.

M. Robert Badinter a ouvert le débat sur l'absence d'appel des mesures ordonnées en référé, considérant que l'appel était systématique devant le juge judiciaire. Il a remarqué que l'article 6 n'était pas un substitut à l'appel, mais une révision. M. René Garrec, rapporteur, a estimé qu'aux termes de l'article 490 du nouveau code de procédure civile, l'appel des ordonnances de référé n'était pas systématique.

M. Robert Badinter a souhaité que la commission examine les voies de recours ouvertes par le projet de loi au regard des exigences constitutionnelles et de la Convention européenne des droits de l'homme. M. René Garrec, rapporteur, a répondu que les voies de recours n'étaient pas supprimées, puisque le référé était susceptible de cassation.

M. Jacques Larché, président, a alors souligné que le contentieux de la reconduite à la frontière, prévu à l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, laissait une place à l'appel. M. René Garrec, rapporteur, a répondu qu'il fallait absolument distinguer le jugement des litiges au fond, dont relevait le contentieux de la reconduite à la frontière, des mesures, prises en urgence, n'ayant pas la force de chose jugée.

En conclusion, M. Jacques Larché, président, a mis en évidence l'importance de ce texte qui bouleversait les pratiques administratives.

Au terme de cette discussion générale, la commission a décidé de poursuivre l'examen de ce projet de loi le mercredi 26 mai 1999 à l'issue de l'audition de M. Daniel Labetoulle, président de la section du contention au Conseil d'Etat.

Parlement - Délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes - Examen du rapport

La commission a enfin procédé à l'examen du rapport de Mme Dinah Derycke sur les propositions de loi suivantes :

proposition de loi n° 221 (1998-1999) adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ;

proposition de loi n° 39 (1998-1999) de Mme Hélène Luc et plusieurs de ses collègues, portant création d'une délégation aux droits des femmes au Parlement ;

- proposition de loi n° 119 (1998-1999) de Mme Danièle Pourtaud et plusieurs de ses collègues, tendant à compléter l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires pour créer une délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mme Dinah Derycke, rapporteur,
a exposé que la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. le Président Laurent Fabius et du groupe socialiste, soumise à la commission, conjointement avec les propositions de loi présentées au Sénat par Mme Danièle Pourtaud et les membres du groupe socialiste et par Mme Hélène Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendait à doter chaque assemblée d'un organe permanent chargé de suivre les projets et propositions de loi, ainsi que les textes communautaires soumis au Parlement en application de l'article 88-4 de la Constitution au regard de leurs conséquences sur les droits des femmes et l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Elle a ajouté que les délégations parlementaires auraient aussi pour mission d'informer les assemblées de la politique suivie par le Gouvernement dans l'ensemble de ces domaines.

Mme Dinah Derycke, rapporteur, a relevé que chacun était convenu, lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes, qu'en dépit de progrès sensibles enregistrés au fil des années, de nouvelles évolutions étaient nécessaires pour parvenir à une égalité effective entre les sexes dans tous les domaines.

Elle a rappelé que l'égalité entre les femmes et les hommes constituait un principe constitutionnel établi par l'article premier de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 et par le troisième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

Mme Dinah Derycke, rapporteur, a observé que le droit communautaire comportait, lui aussi, le principe de l'égalité des droits et des chances, citant en particulier le Traité d'Amsterdam.

Mme Dinah Derycke, rapporteur, faisant référence au rapport de Mme Irène Théry sur le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée, a fait valoir que les inégalités entre les sexes pouvaient s'accompagner d'autres formes d'inégalités, entre les femmes elles-mêmes.

Elle a observé que la réduction des inégalités pouvait nécessiter l'adoption de mesures de discriminations positives, et elle a relevé que certaines dispositions destinées à réduire celles-ci pouvaient également avoir des effets pervers.

Mme Dinah Derycke, rapporteur, a rappelé qu'au sein du Gouvernement, un secrétariat d'Etat était spécialement chargé des droits des femmes et qu'il existait plusieurs structures administratives chargées de ces droits, citant en particulier le Service des droits des femmes, le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le Conseil supérieur de l'information sexuelle, de la régulation des naissances et de l'éducation familiale, ainsi que l'Observatoire de la parité.

Mme Dinah Derycke a observé que le Parlement ne disposait pas d'instances permanentes et spécialisées concernant les droits des femmes, ajoutant que ces questions étaient traitées, par chaque commission permanente, dans le cadre de ses compétences propres.

Elle a considéré que l'indépendance du Parlement justifiait la création de telles instances qui ne devraient pas pour autant porter préjudice aux compétences des commissions permanentes.

Mme Dinah Derycke, rapporteur, a exposé que le dispositif proposé pour les délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes était pour l'essentiel similaire à celui applicable aux délégations parlementaires pour l'Union européenne, pour intervenir, en particulier, en amont de la procédure législative. Elle a indiqué qu'il serait constitué une délégation dans chaque assemblée, composée de trente-six membres désignés à la représentation proportionnelle des groupes.

Elle a ajouté que les délégations devraient aussi assurer une représentation équilibrée des commissions permanentes ainsi que des femmes et des hommes, ajoutant qu'en l'état actuel de la composition du Parlement, cette représentation équilibrée devrait être conçue comme un objectif à la charge de chaque groupe, compte tenu du fait que l'adoption définitive du projet de loi constitutionnelle sur l'égalité entre les femmes et les hommes pourrait permettre ensuite d'assurer de manière plus sûre cette représentation.

Mme Dinah Derycke a exposé que les délégations auraient pour mission de suivre les projets et propositions de loi, ainsi que les textes communautaires soumis aux assemblées en application de l'article 88-4 de la Constitution au regard de leurs conséquences sur les droits des femmes et l'égalité des chances.

Elle a ajouté que les délégations pourraient être consultées par les commissions sur les textes qu'elles examinent et suggéré qu'il en soit de même pour les délégations pour l'Union européenne.

Mme Dinah Derycke, rapporteur, a ajouté que la proposition de loi prévoyait aussi une procédure plus formelle de saisine de la délégation par le Bureau de l'Assemblée, par une commission, par la délégation pour l'Union européenne, par les groupes politiques, précisant que la délégation pourrait se saisir elle-même.

Elle a suggéré que la saisine par les groupes politiques reçoive nécessairement l'aval du Bureau de l'Assemblée.

Mme Dinah Derycke, rapporteur, a ensuite indiqué que la proposition de loi donnerait aussi compétence aux délégations pour informer les assemblées de la politique suivie par le Gouvernement dans l'ensemble des domaines intéressant les droits des femmes et l'accès à l'égalité.

Elle a enfin indiqué que le texte proposé prévoyait l'établissement d'un rapport public annuel.

M. Daniel Hoeffel, tout en approuvant le principe de la création de ces délégations, s'est interrogé sur l'organisation du calendrier parlementaire, compte tenu de la multiplication des délégations et offices et sur le risque d'empiétement sur les domaines de compétences des commissions.

Il s'est aussi préoccupé de la conciliation des trois critères proposés pour la composition des délégations, à savoir : représentation proportionnelle des groupes, représentation équilibrée des commissions, d'une part, et des hommes et des femmes, d'autre part.

M. Robert Bret a considéré nécessaire la création d'un organisme permanent pour l'information du Parlement.

Il a rappelé que la proposition de loi du groupe communiste républicain et citoyen avait prévu des délégations de 45 membres pour permettre un meilleur pluralisme, soulignant que la représentation équilibrée des hommes et des femmes serait facilement assurée par son groupe.

M. Patrice Gélard, tout en se déclarant favorable au principe de la création de ces délégations, a estimé qu'il ne conviendrait pas de confier aux délégations des compétences d'examen des projets et propositions de loi dévolues aux commissions, dont le nombre est limité à six, par l'article 43 de la Constitution.

Il a estimé inutile que les groupes, organes administratifs, puissent saisir la délégation et plus encore que les délégations puissent se saisir elles-mêmes, contrairement aux autres offices et délégations. A cet effet, M. Patrice Gélard a indiqué qu'il soumettrait à la commission une nouvelle rédaction du texte proposé par l'article unique pour le paragraphe III de l'article 6 sexies de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

M. Jacques Larché, président, a craint que les dispositions proposées par l'Assemblée nationale n'entraînent un alourdissement sensible de la procédure législative, compte tenu du nombre de textes concernant les droits des femmes et de la possibilité qui serait reconnue à la délégation de se saisir elle-même.

M. Robert Badinter a considéré que pour l'essentiel, les textes susceptibles d'entrer dans les compétences des délégations relèveraient du droit social, du droit des personnes, du droit des successions et de celui de la fonction publique.

M. Jacques Larché, président, a considéré que les délégations ne devraient pas recevoir de pouvoirs d'enquête plus importants que ceux dévolus aux commissions permanentes, Mme Dinah Derycke, rapporteur, faisant observer que des pouvoirs similaires étaient déjà accordés à l'office d'évaluation des politiques publiques.

En réponse à M. Jacques Larché, président, Mme Dinah Derycke, rapporteur, a jugé que les délégations devraient effectivement pouvoir examiner en amont les textes législatifs, citant l'exemple de la loi sur la réduction à 35 heures de la durée hebdomadaire du travail, pour laquelle le rapporteur, à l'Assemblée nationale, avait reconnu n'avoir pas considéré les conséquences du texte sur les conditions du travail féminin.

Elle a estimé que l'autosaisine des délégations se justifiait par le fait que les commissions pouvaient ne pas nécessairement considérer toutes les répercussions d'un texte au regard des droits des femmes.

M. Jacques Larché, président, a souligné que des pouvoirs d'enquête n'étaient accordés aux commissions qu'après un vote de l'assemblée et pour une durée limitée, alors que les délégations pourraient en disposer à titre permanent.

M. Patrice Gélard a observé que les délégations étaient chargées d'informer le Parlement, les offices d'évaluer la politique suivie et les commissions d'examiner les projets et propositions de loi, considérant que le texte proposé donnerait aux délégations des attributions accordées à chacun de ces trois organes du Parlement.

Mme Dinah Derycke, rapporteur, a souligné que les commissions compétentes pour l'examen des textes législatifs ne seraient pas tenues d'attendre, avant de statuer sur ces textes, l'analyse des délégations.

M. Jacques Larché, président, a estimé qu'en pratique, les commissions devraient néanmoins différer l'examen des projets et propositions, jusqu'à ce que les délégations expriment leur avis.

Mme Dinah Derycke, rapporteur, a considéré que les délégations auraient en effet des missions comparables tout à la fois à celles des offices et à celles des délégations mais en aucune façon similaires à celles des commissions, soulignant que les délégations n'auraient pas à intervenir en séance publique.

Sensible aux observations qui avaient été faites, elle a estimé qu'il n'était pas indispensable de maintenir dans le texte la possibilité, pour les délégations, de se saisir elles-mêmes.

Après un large débat auquel ont participé M. Jacques Larché, président, Mme Dinah Derycke, rapporteur, MM. Patrice Gélard, Robert Badinter et Michel Sutour, la commission a adopté un amendement tendant à une nouvelle rédaction du texte proposé pour le paragraphe III de l'article 6 sexies de l'ordonnance du 17 novembre 1958 selon laquelle, sans préjudice des compétences des commissions ni de celles des délégations pour l'Union européenne, les délégations aux droits des femmes auraient pour mission d'informer les Assemblées de la politique suivie par le Gouvernement au regard de ses conséquences sur l'égalité des chances.

Les délégations assureraient également le suivi de l'application des lois dans ce domaine et pourraient être saisies par le Bureau de l'Assemblée, par une commission permanente ou spéciale, le cas échéant sur les projets et propositions de loi qu'elle examine ainsi que par la délégation pour l'Union européenne sur les textes soumis aux assemblées en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Enfin, le Gouvernement devrait communiquer aux délégations les informations utiles et les documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission.

La commission a adopté un amendement de cohérence sur le texte proposé par l'article unique pour le paragraphe II de l'article 6 sexies de l'ordonnance du 17 novembre 1958, ainsi qu'un amendement rédactionnel sur le texte proposé pour le paragraphe VI du même texte.

Elle a approuvé l'article unique de la proposition de loi ainsi modifié.