Table des matières




- Présidence de M. René Garrec, président.

Collectivités locales - Démocratie de proximité - Audition de M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur

La commission a procédé à des auditions sur le projet de loi n° 415 (2000-2001) adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la démocratie de proximité.

Elle a tout d'abord entendu M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, s'est tout d'abord réjoui de l'adoption en première lecture, par l'Assemblée nationale, de l'ensemble des dispositions présentées par le Gouvernement ainsi que des enrichissements apportés au projet de loi initial, estimant qu'ils ne remettaient en cause ni ses objectifs, ni sa philosophie. Il a espéré qu'il en serait de même s'agissant de l'examen par la commission des lois du Sénat, puis du passage en séance publique en janvier 2002.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a en premier lieu souhaité préciser la démarche du Gouvernement, en indiquant que ce projet de loi s'inscrivait dans la nouvelle étape de décentralisation engagée par le Premier ministre le 27 octobre 2000 à Lille, et qu'il en constituait la première traduction législative. Il a ensuite rappelé que le contenu et les orientations de la nouvelle étape de la décentralisation avaient été précisés à plusieurs reprises, notamment lors du débat d'orientation générale sur la décentralisation, le 17 janvier dernier à l'Assemblée nationale.

Rappelant que le Premier ministre avait confié, en octobre 1999, la présidence de la commission pour l'avenir de la décentralisation à M. Pierre Mauroy, l'initiateur, avec M. Gaston Defferre, de la décentralisation, il a indiqué que cette commission avait remis son rapport un an après et présenté 154 propositions susceptibles d'approfondir la décentralisation.

Il a ensuite indiqué que le Gouvernement, en s'appuyant sur ce rapport, avait dégagé six priorités parmi lesquelles : la rénovation et la modernisation des institutions locales, la clarification de l'exercice de leurs compétences par les collectivités locales et la modernisation des finances locales. A ce sujet, M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a indiqué qu'il avait été chargé par le Premier ministre d'élaborer, conjointement avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, un premier rapport sur les voies et moyens d'une réforme des finances locales qui serait remis au Parlement prochainement. Il a précisé que ce rapport devait étudier les mesures susceptibles de remédier aux défauts de la fiscalité locale actuelle, obsolète sur certains points et trop souvent injuste, comme aux défauts des dotations de l'Etat aux collectivités locales, peu lisibles et insuffisamment péréquatrices. Il a en outre indiqué qu'une première note d'orientation adressée en juillet dernier au Comité des finances locales et aux commissions parlementaires avait permis aux principales associations d'élus d'engager la concertation, soulignant l'intérêt des positions exprimées par le Sénat lors du débat sur la décentralisation organisé à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2002.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a ensuite indiqué que la prise en compte de la fonction publique territoriale, la relance de la déconcentration, inséparable d'une décentralisation réussie, constituaient également une priorité du Gouvernement.

Il a enfin souligné la nécessité d'approfondir la démocratie locale et de mettre en oeuvre les mesures susceptibles d'aider les citoyens qui le souhaitent à assumer des responsabilités locales, comme celles permettant de mieux les associer aux décisions locales. M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a ainsi estimé que l'exigence de proximité de plus en plus forte témoignait du souhait des Français de participer à la réflexion et à la définition des projets et actions publics les concernant au quotidien.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a estimé que tel était le sens du projet de loi, s'inspirant notablement des conclusions de la commission Mauroy, ainsi que des préoccupations exprimées par les principales associations d'élus locaux, par le rapport de M. Michel Mercier au nom de la mission commune du Sénat sur la décentralisation, présidée par M. Jean-Paul Delevoye, ou par les propositions de loi examinées au Parlement.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a ensuite indiqué que le projet de loi s'attachait, en premier lieu, à organiser et à promouvoir l'approfondissement de la démocratie locale dans ses deux aspects complémentaires que sont la démocratie participative (titres I et IV) et la démocratie représentative, socle de notre démocratie (titres I et II). Il a en outre précisé que les autres dispositions intéressaient les transferts ou l'exercice des compétences des collectivités locales (titre III : départementalisation des SDIS et transferts de compétences en région). En outre, il a considéré que le titre V relatif au recensement permettrait d'assurer une bonne représentation de la population. Il a ainsi insisté sur la cohérence de la démarche sous-tendant ce projet de loi.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a ensuite présenté les grands thèmes du projet de loi.

Tout d'abord, il a indiqué que le projet de loi organisait la participation des habitants à l'action et au débat publics en s'appuyant sur la création obligatoire de conseils de quartier dans les communes de 50.000 habitants et plus. Il a rappelé que le Gouvernement souhaitait initialement que ce seuil soit de 20.000 habitants et plus. Il a en outre indiqué que le titre I comportait également un chapitre spécifique relatif au renforcement des droits des élus locaux, notamment les élus de la minorité au sein des assemblées délibérantes, ainsi qu'un article visant à améliorer la situation des membres des conseils économiques et sociaux régionaux. Il a rappelé que les conseils de quartier étaient des instances consultatives permettant d'associer, aux côtés des élus, des représentants d'habitants et d'associations, pour traiter de toute question intéressant le quartier et la commune, ajoutant que ces conseils étaient complémentaires et non concurrents du conseil municipal, du fait même du mode de désignation de leurs membres comme de la définition de leur mission. Par ailleurs, M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a indiqué que, dans le souci du respect de la pluralité des expériences, la présence des conseillers municipaux membres des conseils de quartier et élus à la proportionnelle serait laissée au choix du conseil municipal et, afin qu'aucune fraction de la population ne puisse être exclue, qu'un conseil serait créé dans chaque quartier.

Il a en outre précisé que la présidence de ces conseils serait également laissée à l'appréciation locale, même si le choix de ne pas faire présider le conseil de quartier par un élu local entraînerait automatiquement la présence du maire ou d'un de ses représentants au sein du conseil.

Indiquant que de nombreuses communes avaient déjà mis en place des structures similaires, M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a fait état du souhait que le projet de loi, plutôt que de revenir sur des expériences réussies, autorise au contraire la mise en oeuvre du dispositif le plus adapté aux spécificités locales. Souscrivant aux préconisations du Conseil national des villes, il a indiqué que la loi devait cependant fixer des règles de constitution obligatoires, afin d'aider au bon développement de la démocratie locale, et d'aider les collectivités encore réticentes à s'engager dans cette voie nécessaire.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a ensuite rappelé que le projet de loi prévoyait également la possibilité pour les conseils municipaux des communes de plus de 50.000 habitants de créer des postes spécifiques d'adjoints chargés principalement, mais non exclusivement, du traitement des questions intéressant certains quartiers. Il a souligné que cette possibilité ne constituait évidemment pas une obligation, et que leur création était prévue en sus du nombre d'adjoints au maire, plafonné à 30 % du conseil municipal par la loi.

En outre, il a également indiqué que le projet de loi rendait obligatoire, pour les communes de plus de 100.000 habitants, la création d'annexes de la mairie offrant aux habitants des services publics de proximité. Il a de plus estimé que le projet de loi accroissait considérablement le rôle et les compétences des commissions des services publics locaux, rappelant que les dispositions législatives actuellement en vigueur n'avaient pu permettre leur création et leur fonctionnement dans de bonnes conditions.

En second lieu, M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a indiqué que les droits des minorités dans les assemblées élues seraient renforcés afin de contribuer à l'expression du pluralisme des opinions et à l'information générale des habitants. Il a ainsi précisé que des séances spécifiques devraient être consacrées à l'examen de projets de délibération émanant de l'opposition. Il a souligné que le règlement intérieur adopté par le conseil municipal devrait encadrer cette séance afin de satisfaire l'objectif de cette mesure. Il a rappelé que cette disposition avait été étendue par amendement parlementaire aux conseils généraux et, à partir du 1er janvier 2004, date de l'entrée en vigueur du nouveau mode de scrutin, aux conseils régionaux. Il a précisé que les procès-verbaux des délibérations des conseils municipaux des petites communes seraient complétés, afin de faire apparaître le nom et le contenu des interventions dans les débats.

Par ailleurs, M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a indiqué que des missions d'information et d'évaluation d'un projet ou du fonctionnement d'un service public pourraient être constituées à la demande d'un cinquième du conseil municipal dans les communes de plus de 3.500 habitants -le Gouvernement ayant proposé 10.000-, les conseils généraux et les conseils régionaux. M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a précisé que le projet de loi encadrait les modalités de désignation de leurs membres, leur rôle et leur mission, afin de ne pas en faire des enceintes de pure opposition politique.

En outre, s'agissant des conditions d'exercice de leur fonction par les conseillers économiques et sociaux régionaux, M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a indiqué qu'elles seraient améliorées, afin de favoriser notamment la présence et la participation des membres salariés. Il a indiqué que cette disposition résultait d'une concertation avec l'Assemblée des présidents des conseils économiques et sociaux régionaux, et avec l'Assemblée des régions de France. Il a ensuite évoqué les amendements parlementaires adoptés à l'Assemblée nationale visant à accroître les compétences des conseils d'arrondissement de Paris, Lyon et Marseille et modifiant la loi du 31 décembre 1982, dite « loi PML ».

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a ensuite indiqué que le titre II visait à démocratiser l'accès de tous aux fonctions électives locales afin que la composition des assemblées locales représente plus fidèlement la diversité de la société française. Il s'est ainsi félicité de l'adoption de mesures favorisant une meilleure conciliation de l'activité élective avec l'activité professionnelle, salariée ou non, et la vie personnelle et familiale.

Il a rappelé que le projet de loi privilégiait la libre appréciation des collectivités dans la mise en oeuvre des garanties, afin de prendre en compte la diversité des situations.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a ainsi rappelé l'institution d'un droit à un temps d'absence de 20 jours par an pour participer aux élections locales, l'accroissement des possibilités de disposer de crédits d'heures, et l'accroissement parallèle des compensations financières par la collectivité de ces absences aux élus non indemnisés.

De plus, s'agissant de sécuriser la sortie du mandat pour les élus ayant choisi d'interrompre leur activité professionnelle, salariée ou non, M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a évoqué la création d'une allocation différentielle de fin de mandat versée pendant les six mois suivant cette fin de mandat, qu'elle soit volontaire ou subie. Il a précisé que cette allocation serait financée par une cotisation à la charge des collectivités concernées, qui devrait être mutualisée.

Il a en outre évoqué le renforcement de la formation en début ou en fin de mandat, afin de mieux l'adapter aux contraintes des élus. Par ailleurs, il a rappelé que des dispositions prévoyaient des délibérations obligatoires des conseils municipaux en la matière, le triplement du congé formation de 6 à 18 jours, et la mutualisation de ces dépenses, en s'appuyant sur les structures intercommunales.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a ensuite indiqué que le projet de loi revalorisait également les indemnités de fonction des élus en redéfinissant le barème des indemnités des adjoints, le Gouvernement ayant avalisé un amendement déposé par le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Il a ensuite évoqué l'institution d'une enveloppe complémentaire en faveur des maires adjoints (10 % de la masse indemnitaire), laissée à la libre répartition du conseil municipal, et l'incitation au versement des indemnités à taux plein aux plus petites communes, en renforçant les indemnités des conseillers municipaux bénéficiant de délégations. Enfin, il a précisé que la nomination de conseillers municipaux délégués serait facilitée, et qu'avait été ouverte par l'Assemblée nationale la possibilité de rémunérer les conseils municipaux dans leur ensemble, y compris pour les communes de moins de 100.000 habitants. M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a enfin indiqué que le projet de loi visait à mieux adapter le remboursement des frais de déplacement et à accompagner l'institution récente de la parité dans les conseils municipaux par le remboursement des frais de garde d'enfants, et considéré que ce titre visait à mieux garantir la couverture sociale des élus en tenant compte de leur situation professionnelle et de leurs charges de famille.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a précisé que ces dispositions avaient été adaptées pour pouvoir être mises en oeuvre dans les établissements publics de coopération intercommunale, tout comme à Paris, Lyon, Marseille. Il a enfin indiqué que ces dispositions reprenaient nombre de celles adoptées à l'Assemblée nationale lors de l'examen en séance publique de la proposition de loi déposée par le groupe communiste le 14 décembre 2000, ainsi que nombre de celles adoptées au Sénat le 18 janvier 2001.

En outre, M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a présenté le titre III visant à améliorer le fonctionnement des services d'incendie et de secours, inspiré des conclusions du rapport de M. le député Jacques Fleury. Il a souligné que ce volet ne remplaçait pas le très prochain projet de loi sur la modernisation de la sécurité civile, qui traiterait de l'ensemble des propositions en la matière.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a indiqué que le présent projet de loi visait à renforcer le rôle des conseils généraux dans les conseils d'administration des services départementaux d'incendie et de secours, ainsi qu'à rationaliser les modalités de financement de ces services par un gel partiel de l'évolution des contributions des communes et des groupements à leur budget. Il a estimé que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale était peut-être trop tranché, puisqu'il prévoyait une suppression au 1er janvier 2006 de toute contribution des communes et groupements de communes au budget des services départementaux d'incendie et de secours. Il a cependant estimé qu'une évolution pourrait intervenir lors de l'examen de ce titre par le Sénat.

Par ailleurs, M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a indiqué que le titre III comprenait également quelques propositions concrètes de transferts de compétences au bénéfice essentiellement des collectivités régionales. Il a rappelé que le Gouvernement s'était engagé, lors du débat sur la Corse, à ce que les transferts de compétences aux régions les plus consensuels puissent intervenir à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la démocratie de proximité.

Dans le domaine des interventions économiques, il a indiqué que la possibilité serait donnée aux régions de créer leur propre régime d'aides directes aux entreprises sous forme de subventions, de bonifications d'intérêt ou de prêts et avances remboursables, dans le respect des engagements internationaux de la France. Il a de plus précisé que les régions pourraient également doter un fonds de capital-investissement, qui serait géré par une société de capital-investissement.

Dans le domaine de la formation professionnelle, M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a précisé que la région se voyait transférer la pleine compétence en matière d'apprentissage et de formation professionnelle des jeunes comme des adultes, les régions arrêtant le schéma régional de formation de l'AFPA, et se voyant confier la gestion des primes à l'incitation à l'embauche d'apprentis.

Il a ensuite indiqué qu'une expérimentation serait lancée pour étudier les modalités d'un transfert définitif de la gestion de certains ports et aéroports à l'ensemble des régions. Il a souligné que celles-ci pourraient, à leur demande, procéder à cette expérimentation en accord avec l'Etat.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a ensuite indiqué qu'en matière d'environnement, les régions se verraient transférer la compétence de planification pour la qualité de l'air et les déchets industriels spéciaux. Il a précisé qu'elles devraient également être compétentes pour le classement des réserves naturelles et pour l'élaboration des inventaires faunistiques et floristiques.

Il a également souligné que d'autres transferts possibles avaient été étudiés, mais qu'il n'avait paru ni possible, ni opportun de les inscrire dès maintenant dans le projet de loi, au regard de leurs incidences, notamment, sur la situation des personnels concernés et sur les finances des collectivités.

Il a en outre souligné que les transferts de nouvelles compétences confiées aux régions ne reprenaient pas l'ensemble des mesures retenues pour la Corse, celle-ci justifiant au regard de sa spécificité, et quelles que soient les avancées de la décentralisation, un statut particulier.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a cependant indiqué qu'il examinerait avec attention les transferts de compétences intéressant les autres collectivités territoriales susceptibles d'être proposées par les sénateurs, dans la mesure où elles ne demanderaient pas des expertises ou des concertations impossibles à mener avant la fin de la session parlementaire.

En outre, évoquant le titre IV du projet de loi, il a rappelé qu'il avait été élaboré par Mme Dominique Voynet, alors ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, et qu'il n'en présenterait donc que succinctement le dispositif. Il a précisé qu'il répondait au souci d'accroître la participation des habitants aux décisions les concernant, et qu'il avait pour objet d'élargir de manière très significative le champ du débat public sur les grands projets, par un accroissement du domaine d'intervention de la commission nationale du débat public, instance garante de ces débats.

Il a en outre indiqué que le projet de loi clarifiait les modalités de la concertation entre l'Etat et les élus locaux et renforçait la responsabilité des collectivités locales dans les procédures d'enquêtes publiques.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a enfin indiqué que le titre V avait pour objet de réformer le recensement ponctuel actuel, qui est organisé tous les sept à neuf ans, par une procédure statistique actualisée chaque année, et susceptible de donner une meilleure photographie de la France.

En conclusion, M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a estimé que ce projet de loi permettait des avancées significatives en faveur d'un approfondissement de la démocratie locale, et d'un renforcement de la décentralisation au bénéfice des collectivités, notamment régionales. Il a souligné que ce texte présentait une cohérence et des objectifs fermes, mais qu'il n'avait pas vocation à épuiser les ambitions du Gouvernement en matière notamment de transfert de compétences, et plus généralement s'agissant de la nouvelle étape de la décentralisation. Il a en outre insisté sur les réformes et simulations déjà largement engagées en matière de finances locales.

Enfin, M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a espéré que les débats seraient susceptibles d'améliorer les dispositions proposées, sans pour autant revenir sur les objectifs et les avancées présentés par le projet de loi. Il a souhaité que ces dispositions, largement attendues par l'ensemble des élus locaux, puissent être adoptées par le Parlement avant la fin de cette législature, en soulignant que la non-adoption de ce texte, aux avancées concrètes, serait une véritable occasion manquée.

A la suite de l'intervention de M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, un large débat s'est alors instauré au sein de la commission.

M. Daniel Hoeffel, rapporteur, a tout d'abord indiqué qu'il s'agissait d'un texte portant sur de multiples sujets sans véritable cohérence.

S'agissant des droits des élus minoritaires, il a regretté qu'une formalisation excessive remette en cause des pratiques bien souvent positives, et aboutisse à créer artificiellement des oppositions politiques, notamment dans les groupements de collectivités.

En matière de sécurité civile de proximité, il s'est interrogé sur le rôle dévolu aux communes et aux groupements à partir de 2006, quand leur contribution sera supprimée. Il a souhaité connaître la place réservée aux sapeurs-pompiers volontaires dans ce nouveau système.

Par ailleurs, s'agissant des débats publics portant sur de grands projets d'aménagement ou d'équipement, il s'est interrogé sur les seuils retenus afin d'organiser un grand débat public, soulignant que le seuil évoqué d'un milliard de francs engloberait des projets de tramways en site propre, ou des contournements routiers de ville, ayant des incidences purement locales. Il s'est inquiété d'un possible ralentissement, voire d'un empêchement de la réalisation de ces projets.

Enfin, M. Daniel Hoeffel, rapporteur, a noté les répercussions importantes de la réforme du recensement, plus de 200 textes législatifs et réglementaires faisant actuellement référence à la population. Il s'est inquiété de l'exactitude scientifique de la nouvelle méthode de recensement par sondage.

M. Patrick Lassourd, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, a souhaité avoir des précisions sur le transfert de la compétence de gestion des réserves naturelles de l'Etat aux régions. Il a en outre évoqué la possibilité ouverte au préfet de classer certaines réserves naturelles comme régionales sur simple injonction, s'inquiétant du financement d'une telle mesure.

S'agissant de la commission nationale du débat public, il a dénoncé le flou entourant l'organisation du débat public, estimant nécessaire de fixer le début et la fin de la concertation, et jugeant inacceptable la poursuite d'une concertation pendant les travaux. Il s'est également inquiété de la fixation des seuils de saisine de la commission nationale du débat public, soulignant le risque d'aboutir à des saisines de projets ayant un objectif purement local, en augmentant ainsi les délais et en menaçant la légitimité de l'enquête publique.

M. Jean-Claude Peyronnet s'est pour sa part inquiété du financement de la sécurité civile de proximité. Il a rappelé qu'initialement, une compensation par le conseil général de la part communale était prévue.

Il s'est félicité que M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, se dise ouvert à de nouveaux transferts de compétences, et a estimé légitimes les demandes préalables d'évaluation. Il s'est interrogé sur l'opportunité d'un transfert de la médecine scolaire.

Enfin, s'agissant de l'instauration d'une séance réservée à l'opposition, il a estimé qu'il s'agissait d'une « fausse bonne idée », jugeant le dispositif peu opérationnel.

M. Bernard Saugey a quant à lui souhaité savoir si l'allocation de fin de mandat prévue pour les élus locaux serait imposable, et à quel moment au cours du mandat les 18 jours de formation pourraient être pris. En outre, il s'est inquiété du sort réservé aux sapeurs-pompiers volontaires.

Revenant sur le transfert de gestion éventuelle des aéroports aux régions, il a souhaité qu'un rôle soit dévolu aux départements, afin d'assurer la pérennité des petits aéroports.

M. Patrice Gélard a pour sa part qualifié le projet de loi de DDCT, c'est-à-dire de « diverses dispositions concernant les collectivités territoriales ». Il a regretté la multiplication des réglementations, estimant qu'elles contrevenaient à la libre administration des collectivités territoriales prévue par la Constitution. Il a ainsi estimé que les dispositions prévues par le titre I relevaient de pratiques déjà expérimentées dans les collectivités territoriales. Il a en outre qualifié d'irréaliste l'organisation d'une séance réservée à l'opposition, tout en rappelant qu'il était déjà loisible à l'opposition de poser des questions et de présenter des motions à l'issue des conseils municipaux. Il s'est toutefois félicité de la décision de créer des mairies annexes.

En revanche, M. Patrice Gélard a regretté que l'expérience des comités de quartiers soit réglementée, estimant que ces organismes risquaient de supplanter la légitimité des élus. Il a également estimé que le transfert de la gestion des aéroports aux régions pouvait menacer la pérennité de certains.

M. Jean-Claude Frécon s'est inquiété de l'absence de dispositions transitoires concernant les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), pour la période antérieure à 2006, date à laquelle la contribution des communes et des groupements serait supprimée.

S'agissant des indemnités des élus locaux, il a rappelé que lors de l'examen de la loi de février 1992 instaurant la fiscalisation des indemnités des élus, il avait été prévu que les petites communes bénéficient d'une restitution sous forme de dotation « élu local ». Il a souhaité qu'une étude soit menée afin de vérifier si le montant de cette dotation correspondait toujours au montant de cette fiscalisation, au regard des modifications législatives intervenues entre-temps.

M. Robert Bret s'est félicité d'un texte dont l'objet était d'accroître la démocratie participative et la démocratie représentative, même s'il a qualifié le texte de « fourre-tout ». Cependant, il s'est inquiété des seuils fixés pour la création obligatoire des conseils de quartiers, portés à 50.000 habitants par l'Assemblée nationale, ce qui concerne 101 communes sur 36.000, dont 60 ont déjà mené des expériences propres.

S'agissant des dispositions modifiant la loi Paris-Marseille-Lyon, il a estimé qu'elle ne tenait pas assez compte des expériences locales menées dans ces villes, rappelant notamment l'existence des comités d'initiative de quartier à Marseille, depuis plus d'un siècle.

Enfin, il a souligné l'importance de la question de l'élection au suffrage universel direct des conseillers des établissements publics de coopération intercommunale. Il a rappelé que 40 millions d'habitants dépendaient d'établissements publics de coopération intercommunale, bien souvent à leur insu. Il a cependant regretté qu'une telle réforme soit menée par voie d'amendement parlementaire, estimant nécessaire un véritable débat sur la décentralisation, et regrettant le manque de sérénité du débat du fait du calendrier électoral.

M. Jean-Claude Gaudin s'est félicité de la volonté du Gouvernement d'initier un nouveau volet de la décentralisation, mais a souligné que certaines villes avaient déjà mené des expériences plus précises et qu'il convenait d'éviter que le projet de loi remette en cause des expériences anciennes. Il a rappelé que la récente création de la communauté urbaine de Marseille, en application de la loi du 12 juillet 1999, avait suscité des inquiétudes dans les conseils municipaux concernés, et qu'il avait en conséquence été décidé que tous les rapports rentrant dans le domaine de compétences de la communauté urbaine seraient préalablement soumis pour voeux aux mairies de secteur, aux commissions municipales, puis aux conseils municipaux.

M. Henri de Richemont s'est interrogé sur la possibilité de concilier démocratie participative et démocratie représentative. Il a souhaité la création d'une dotation spéciale concernant le remboursement de gardes d'enfant ainsi que les indemnités des conseillers municipaux, soulignant la charge pour les petites communes rurales de tels dispositifs.

M. Roger Karoutchi a également souligné que la conciliation de la démocratie participative et de la démocratie représentative pouvait présenter des difficultés. Il a reconnu l'existence de points positifs dans le projet de loi, mais s'est interrogé au sujet du transfert de la gestion des aéroports aux régions, regrettant que la région Ile-de-France soit une fois de plus soumise à un régime particulier. Il a estimé peu pertinente l'instauration d'une séance mensuelle réservée pour l'opposition, soulignant que cette question était déjà réglée par certains règlements intérieurs, comme par exemple celui du conseil régional d'Ile-de-France, et que le terme de « conseiller de l'opposition » était trop flou.

M. Jacques Larché a rappelé que lors du débat au Sénat sur le projet de loi sur l'intercommunalité, il avait été décidé de ne pas élire au suffrage universel direct les présidents des établissements publics de coopération intercommunale. Il s'est interrogé sur la validité juridique de la formule introduite à l'Assemblée nationale, renvoyant à une loi ultérieure la fixation des modalités de cette réforme. Il a estimé qu'une telle disposition entraînerait la disparition des communes et s'est prononcé pour la sauvegarde de l'identité communale.

M. Jacques Peyrat a considéré que les règles concernant les conseils de quartier constituaient une régression par rapport au dispositif déjà expérimenté dans de nombreuses villes, rappelant à cet égard l'expérience menée à Nice depuis plus d'un siècle.

En réponse, s'agissant des droits des élus minoritaires, M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a estimé que la loi devait fixer un seuil minimal, afin d'obtenir une harmonisation sur tout le territoire national. Il a en effet jugé que dans encore beaucoup de collectivités, le respect du droit des élus minoritaires n'était encore pas assuré. Il a souligné que le projet de loi maintenait la possibilité pour les collectivités locales d'aller plus loin. Il a rappelé que le Gouvernement avait pour sa part initialement prévu que cette disposition s'appliquerait aux communes de 20.000 habitants et plus, mais qu'un amendement parlementaire adopté à l'Assemblée nationale avait abaissé ce seuil à 3.500 habitants, et étendu l'application de cette disposition aux conseils généraux et aux conseils régionaux. Il a par ailleurs indiqué que la mise en oeuvre de la réforme concernant le scrutin régional devrait améliorer la gouvernance des conseils régionaux.

S'agissant des services de sécurité civile de proximité, M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a indiqué que le projet du Gouvernement visait initialement à plafonner l'augmentation de la contribution des communes et des groupements. Il a rappelé que les sapeurs-pompiers volontaires représentaient 85 % de l'effectif des pompiers et constituaient un élément essentiel d'une sécurité civile de proximité, d'ailleurs pérennisée par le maintien des centres de première intervention. Il a indiqué que l'année 2002 devait être celle du volontariat, dimension positive de la citoyenneté.

Il a en outre indiqué qu'était prévue une enveloppe d'un milliard de francs sur trois ans, afin de favoriser la départementalisation.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a reconnu que le texte de l'Assemblée nationale allait au-delà du rapport Fleury, mais a souligné que les maires conservaient leur pouvoir de police, et que le présent texte ne se substituait pas au futur projet de loi relatif aux services départementaux d'incendie et de secours. Il a cependant rappelé que les propositions du Gouvernement en matière de financement étaient issues du rapport de M. Jacques Fleury, et avaient été avalisées par la commission pour l'avenir de la décentralisation, au sein de laquelle étaient représentées toutes les associations d'élus locaux.

Par ailleurs, M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a indiqué ne pas récuser le terme de « texte fourre-tout », soulignant que cela signifiait qu'il y avait de nombreuses propositions.

S'agissant des catégories de projets susceptibles d'être soumis à un débat public, il a rappelé que la commission nationale du débat public serait libre d'apprécier l'opportunité de l'organisation d'un débat public, et qu'elle ne se prononcerait pas sur le fond. Il a en outre estimé que l'encadrement du débat public par la commission nationale du débat public permettrait aux élus de peser d'un poids important face aux intérêts particuliers.

S'agissant des réserves naturelles, M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a rappelé que l'Etat avait prévu une dotation de 80 millions de francs, ceci représentant 70 % des dépenses d'investissement et de fonctionnement.

En outre, s'agissant du recensement, M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a rappelé que l'identification des populations légales grâce à la nouvelle méthode n'interviendrait qu'en 2009, ce qui permettrait de mener une large concertation. Il a en outre indiqué que le conseil national de l'information statistique avait avalisé la méthode retenue, et que le recensement traditionnel était bien souvent un recensement « par défaut », du fait de difficultés pratiques pour obtenir les renseignements.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, s'est déclaré ouvert à la possibilité de transfert de compétences consensuelles pour les départements.

S'agissant de l'allocation de fin de mandat, il a ajouté qu'elle serait fiscalisée, de l'intérêt même des élus locaux, l'opinion publique étant sensible à une telle question.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a indiqué que les départements pourraient, de manière expérimentale, transférer aux régions la gestion des ports, tandis que les régions pourraient confier, à leur demande, aux départements, la gestion de certains aéroports.

En réponse à M. Robert Bret, M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a considéré que les conseils de quartier représentaient le socle de la démocratie participative, mais qu'il était nécessaire de conserver un équilibre entre démocratie représentative et démocratie participative. Il a assuré que les expériences déjà menées ne seraient pas remises en cause.

S'agissant de l'élection au suffrage universel direct des délégués intercommunaux, il a estimé que les compétences et les budgets très importants dévolus à ces organismes nécessitaient une représentation au suffrage universel direct. Il a cependant rappelé que cette mesure résultait d'un amendement parlementaire, le Gouvernement n'ayant pas souhaité prendre l'initiative d'une telle réforme. Il a indiqué qu'en toute hypothèse, cette réforme ne pourrait intervenir avant 2007, et devrait faire l'objet d'un encadrement strict, cette élection devant se dérouler en même temps que les élections municipales, dans une même circonscription, et avec une liste commune, évoquant la possibilité de s'inspirer du statut de Paris-Marseille-Lyon. Il a souligné qu'il ne s'agissait, en aucun cas, de remettre en cause les communes.

Enfin, M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a estimé qu'il existait déjà une dotation « élu local » destinée aux communes de moins 1.000 habitants et à faible potentiel fiscal, représentant 260 millions de francs, et qu'il n'était pas possible de l'augmenter afin de compenser les remboursements de frais de gardes d'enfant par exemple. Il a jugé en effet nécessaire d'assurer le financement de la démocratie locale par des ressources locales plutôt que par des dotations de l'Etat.

Collectivités locales - Démocratie de proximité - Audition de M. Jean-Pierre Raffarin, président de l'association des régions de France

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Raffarin, président de l'association des régions de France.

Après avoir déploré le manque de vision et les ambiguïtés d'un texte de circonstance, M. Jean-Pierre Raffarin, président de l'association des régions de France, a donné son sentiment sur les principales dispositions du projet de loi relatif à la démocratie de proximité intéressant les régions.

Il a tout d'abord indiqué que l'article 43 A, relatif aux aides aux entreprises, tendait à combler un vide juridique. Il a déploré l'insécurité juridique provoquée par des pratiques divergentes en matière de contrôle de légalité, citant le cas des avances remboursables à taux nul, admises dans certaines régions et pas dans d'autres. Il a rappelé que le Sénat avait adopté plusieurs amendements lors de l'examen de la loi « Voynet » de 1999. Tout en approuvant les dispositions autorisant les régions à verser des dotations à des fonds d'investissement ayant pour objet de développer les capitaux propres des entreprises, il a appelé de ses voeux une réforme d'une plus grande ampleur qui favorise les avances remboursables à taux nul et les aides à la création d'entreprises.

Evoquant les articles 43 B et 43 C, prévoyant une expérimentation en matière de gestion des ports et des aérodromes, M. Jean-Pierre Raffarin, président de l'association des régions de France, a déclaré que les régions, échaudées par le transfert de compétences en matière de transport régional de voyageurs, n'avaient formulé aucune demande en ce sens et souhaitaient une évaluation préalable. Il a estimé que d'autres compétences devaient leur être confiées en priorité.

Abordant les articles 43 E et F du projet de loi, M. Jean-Pierre Raffarin, président de l'association des régions de France, a souligné que la décentralisation pouvait être considérée comme un échec dans le domaine de la formation professionnelle. Il a déploré la dispersion des initiatives, aggravée par la mise en oeuvre du plan d'aide au retour à l'emploi des partenaires sociaux, et dénoncé le comportement des directions régionales de l'emploi et de la formation professionnelle qui, au nom du rôle de l'Etat à l'égard des personnes défavorisées, refusent de reconnaître la compétence de droit commun dévolue aux régions.

Il a déclaré que l'association des régions de France était favorable au transfert aux régions du versement de l'indemnité compensatrice liée aux contrats d'apprentissage, prévu par l'article 43 E, tout en soulignant qu'il s'agissait d'une avancée modeste et que les modalités de compensation des charges restaient incertaines. Il s'est également déclaré favorable à la possibilité offerte aux régions d'élaborer un plan régional de développement des formations professionnelles des adultes même si, une fois encore, elle ne constituait pas un réel transfert de compétences, les régions élaborant déjà des programmes annuels de développement de la formation continue. Enfin, à propos de la création d'un schéma régional des formations de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, il a indiqué que les régions et l'AFPA passaient d'ores et déjà des contrats pour assurer la mise en cohérence de leurs interventions.

M. Jean-Pierre Raffarin, président de l'association des régions de France, a estimé que l'Etat devait fixer les normes en amont, évaluer les résultats en aval, et laisser agir les collectivités territoriales.

Evoquant les transferts de compétences en matière d'environnement M. Jean-Pierre Raffarin, président de l'association des régions de France, n'a exprimé aucune objection à l'encontre des dispositions confiant aux régions le soin d'élaborer le plan régional de la qualité de l'air et d'établir les inventaires locaux et régionaux du patrimoine faunistique et floristique. Il a estimé que la question du classement des réserves naturelles soulevait davantage de difficultés, précisant que plusieurs régions étaient intéressées par un tel transfert, mais qu'il était nécessaire de concilier les exigences de proximité et de cohérence. A titre personnel, il a souhaité que la création de réserves naturelles demeure de la compétence de l'Etat, craignant que les régions ne subissent des pressions locales trop fortes.

M. Jean-Pierre Raffarin, président de l'association des régions de France, a déclaré qu'il se méfiait des réformes donnant aux régions des ailes si grandes qu'elles les empêchent, comme l'albatros de Charles Baudelaire, de prendre leur envol. Il a exprimé de vives réserves sur les dispositions du projet de loi relatives aux droits des élus de l'opposition dans les assemblées locales, craignant que l'exigence de proximité ne conduise à affaiblir la démocratie. Enfin, rappelant que la commune constituait l'échelon local le mieux identifié par les citoyens, il a manifesté une certaine inquiétude sur le principe de l'élection au suffrage universel direct des délégués intercommunaux, susceptible de réduire le rôle des maires.

M. Daniel Hoeffel, rapporteur, l'a interrogé sur la nécessité de formaliser dans la loi les droits des élus minoritaires, au risque de remettre en cause la pratique actuelle, et de créer artificiellement des oppositions politiques là où elles n'existent pas. Il a souhaité savoir si le transfert des compétences de l'Etat à l'égard des ports et des aéroports devait être opéré au profit des régions ou des départements. Enfin, il s'est préoccupé des conséquences de l'instauration d'un débat public sur tous les projets d'aménagement et d'équipement dépassant un milliard de francs, ce qui inclurait un très grand nombre de projets d'intérêt exclusivement local, par exemple la création de tramways en site propre.

M. Patrick Lassourd, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, a exprimé la crainte que la compétence reconnue aux régions pour définir les régimes d'aides directes aux entreprises ne se traduise par une aggravation des inégalités de répartition des richesses sur le territoire national. Il s'est également interrogé sur le point de savoir qui, du département ou de la région, était le mieux à même de se voir confier la gestion des ports et aérodromes. Enfin, il a exprimé les plus vives réserves sur les dispositions du projet de loi transférant aux régions le classement des réserves naturelles, rappelant que les modalités de leur financement n'étaient pas précisées. Il a proposé que l'Etat conserve la compétence de créer des réserves nationales, en application des règlements communautaires, et que les régions puissent créer leurs propres réserves. Enfin, il a souhaité que les inventaires locaux et régionaux du patrimoine faunistique et floristique restent de la compétence de l'Etat.

M. Henri de Richemont a souhaité connaître la position de l'association des régions de France sur les dispositions du projet de loi relatives aux conseils économiques et sociaux régionaux, au transfert aux régions de la compétence pour l'élaboration du plan régional des déchets industriels spéciaux, alors que les départements exercent cette compétence pour les déchets ménagers, et pour la conduite de l'inventaire des monuments.

Après avoir souligné l'importance du trafic de l'aéroport de Nice et ses conséquences sur la vie des habitants, M. Jacques Peyrat a souhaité que les communes soient, elles aussi, associées à la gestion des aéroports. Il s'est déclaré favorable à un transfert de compétence aux régions en matière de plans d'élimination des déchets.

Rappelant que le ministre de l'intérieur avait annoncé devant la commission des lois que les régions pourraient déléguer la gestion des aérodromes aux départements, M. Bernard Saugey a exprimé quelques réserves sur cette modalité de transfert de compétences.

Evoquant les difficultés de l'entreprise Moulinex, M. René Garrec, président, a déploré l'attitude de l'Etat en matière d'interventions économiques consistant à imposer unilatéralement aux régions de financer une part substantielle des aides. Il a mis en exergue l'imbrication des compétences et l'utilité des partenariats entre collectivités en matière portuaire, aéroportuaire et culturelle. Il a regretté que les régions soient très sollicitées pour assurer le financement des parcs naturels régionaux mais peu associées à leur gestion.

M. Jean-Pierre Raffarin, président de l'association des régions de France, a estimé que les dispositions du projet de loi relatives au débat public soumettant à une instance nationale des projets ayant une incidence purement locale constituaient une forme de recentralisation. Il a indiqué que les régions n'avaient pas demandé à assumer la gestion des ports et aéroports, mais participaient déjà à leur financement par l'intermédiaire des contrats de plan. Face à la diversité des situations, il a préconisé la désignation de collectivités chefs de file, départements ou régions selon les circonstances locales.

S'agissant des aides économiques, M. Jean-Pierre Raffarin, président de l'association des régions de France, a indiqué qu'il incombait à l'Etat, notamment au moyen des contrats de plan, de corriger les écarts de richesse entre les régions et les territoires. Il a estimé que le rôle de chef de file dévolu à la région en matière d'aides économiques était justifié au regard des exigences d'aménagement du territoire et de l'existence de zonages.

Après avoir déclaré partager le sentiment de M. Patrick Lassourd sur les dispositions relatives au classement des réserves naturelles, il a souligné que le coeur des revendications des régions concernait le développement économique, la formation professionnelle et les nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Enfin, M. Jean-Pierre Raffarin, président de l'association des régions de France, a indiqué que les conseils économiques et sociaux régionaux devaient constituer le lieu d'expression des partenaires sociaux. A cet égard, il s'est inquiété des modalités de mise en oeuvre du programme PARE et du risque de création par les partenaires sociaux de structures parallèles.

M. Jacques Larché a mis en exergue la difficulté d'appréhender, dans une loi générale, la diversité des situations et des expériences locales.

Souscrivant à cette remarque, M. René Garrec, président, a conclu les débats en faisant valoir que les dispositions du projet de loi risquaient de corseter les initiatives des collectivités territoriales, alors qu'elles éprouvent avant tout un besoin de liberté.

Mercredi 12 décembre 2001

- Présidence de M. René Garrec, président.

Collectivités locales - Démocratie de proximité - Audition de M. Jean Puech, président de l'assemblée des départements de France

La commission a poursuivi les auditions sur le projet de loi n° 415 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la démocratie de proximité.

Elle a tout d'abord entendu M. Jean Puech, président de l'assemblée des départements de France.

M. Jean Puech, président de l'assemblée des départements de France, a souligné le désir des Français de participer davantage à la vie de leur pays et la nécessité de fortifier la démocratie locale. Saluant les nombreuses propositions de la Commission pour l'avenir de la décentralisation, présidée par M. Pierre Mauroy, il a toutefois regretté qu'elles ne procèdent pas d'une vision d'ensemble.

Déplorant que les dispositions contenues dans le projet de loi relatif à la démocratie de proximité ne soient pas à la mesure des enjeux, M. Jean Puech, président de l'assemblée des départements de France, a appelé de ses voeux un acte II de la décentralisation qui se traduise par une révision constitutionnelle, une clarification des compétences et le renforcement des moyens, notamment en personnels, des collectivités territoriales. A cet égard, il a souhaité la création d'une fonction publique territoriale autonome, afin de permettre aux collectivités locales de disposer des prérogatives de tout employeur, en particulier pour la fixation des rémunérations.

M. Daniel Hoeffel, rapporteur, l'a interrogé sur la nécessité de formaliser dans la loi les droits des élus minoritaires, au risque de remettre en cause la pratique actuelle, et de créer artificiellement des oppositions politiques là où elles n'existent pas.

Rappelant que la Commission pour l'avenir de la décentralisation, après de longs débats, avait jugé que les départements seraient les mieux à même d'exercer les compétences actuellement reconnues à l'Etat pour l'entretien des routes nationales, il lui a également demandé si le transfert des compétences de l'Etat à l'égard des ports et aéroports devait être opéré au profit des régions ou des départements.

Il a également souhaité connaître la position de l'assemblée des départements de France sur les dispositions du projet de loi relatif à la démocratie de proximité confirmant la primauté des régions en matière d'aides directes aux entreprises.

Enfin, M. Daniel Hoeffel, rapporteur, a exprimé la crainte que le texte voté par l'Assemblée nationale ne permette pas de concilier la préservation d'un rôle effectif des communes et des établissements publics de coopération intercommunale pour une sécurité civile de proximité après la suppression complète de leurs contributions à partir de 2006. Il l'a interrogé sur la place des sapeurs-pompiers volontaires dans une telle configuration.

M. Jean Puech, président de l'assemblée des départements de France, a estimé que les dispositions relatives aux droits des élus locaux relevaient davantage du règlement intérieur des assemblées délibérantes que de la loi. Il a redouté que la possibilité reconnue à un cinquième des élus locaux de demander la création de missions d'information et d'évaluation ne paralyse le fonctionnement des collectivités territoriales.

Après avoir souligné que la gestion des ports et aéroports était généralement concédée aux chambres de commerce et d'industrie ou à des syndicats mixtes, n'associant guère les régions, il a jugé que les départements étaient sans doute les mieux à même de gérer les ports mais qu'il ne fallait pas instituer trop de contraintes. Il a souhaité que les conseils généraux puissent financer l'entretien des routes nationales, parfois mal entretenues, plutôt que de concentrer leurs investissements sur les routes départementales.

S'agissant des aides directes aux entreprises, M. Jean Puech, président de l'assemblée des départements de France, a plaidé pour la mise en place de partenariats sous l'égide de collectivités chefs de file, différentes selon les projets. Il s'est opposé à toute forme de tutelle d'une collectivité sur une autre.

Enfin, M. Jean Puech, président de l'assemblée des départements de France, a jugé que les départements devaient être les autorités organisatrices des services d'incendie et de secours et nommer leurs directeurs, en application du principe suivant lequel « qui paie commande », et qu'ils devaient jouer un rôle de péréquation sur leur territoire. Il a toutefois souhaité, au nom de la solidarité, que les communes participent au financement des services.

M. Bernard Saugey a souhaité connaître les propositions de l'assemblée des départements de France pour la répartition des compétences entre les départements et les régions. Il s'est interrogé sur l'opportunité d'intégrer les sapeurs-pompiers volontaires dans les services départementaux d'incendie et de secours. En matière d'aides économiques, il a souhaité que les départements puissent intervenir en concertation avec les régions. Enfin, il a souhaité connaître la position de l'assemblée des départements de France sur l'élection au suffrage universel direct des délégués intercommunaux.

M. Jean Puech, président de l'assemblée des départements de France, a rappelé que des erreurs avaient été commises à une époque où de nombreuses collectivités territoriales voulaient disposer de leur propre aéroport. Il a estimé que les régions pouvaient intervenir par le biais de fonds de concours pour financer des grands projets d'aménagement dans le domaine des infrastructures portuaires et aéroportuaires. Il a souhaité que la réforme des services d'incendie et de secours ménage la diversité des situations locales. Enfin, il a souligné que l'élection au suffrage universel direct des délégués intercommunaux revenait, insidieusement, à engager le remembrement de la France. Il a insisté sur la nécessité de prendre en compte l'ensemble du territoire, même si 80 % de la population française vivaient dans les villes.

M. Jean-Claude Peyronnet a estimé que la loi devait intervenir pour garantir aux élus locaux de l'opposition des droits qui ne leur sont actuellement pas reconnus dans toutes les collectivités territoriales. Il a souligné que le transfert des ports et aéroports aux collectivités territoriales se traduirait par des dépenses d'investissement très importantes. Il a fait valoir que les principales difficultés rencontrées en matière d'aides aux entreprises concernaient la coordination des interventions des régions et des établissements publics de coopération intercommunale. S'agissant des services d'incendie et de secours, il s'est interrogé sur la possibilité de créer un grand service national qui dégagerait les collectivités territoriales de cette responsabilité.

M. Robert Bret a lui aussi indiqué que le dialogue entre la majorité et l'opposition n'était pas apaisé dans toutes les collectivités territoriales, nombre d'entre elles restant encore soumises au fait du prince. Il a suggéré d'étendre le champ des dispositions du code général des collectivités territoriales reconnaissant l'existence de groupes d'élus dans les communes de plus de 100.000 habitants. Enfin, il a souligné qu'en matière portuaire et aéroportuaire, certains aménagements dépassaient les compétences d'un département ou même d'une région, citant en exemple le ferroutage entre Marseille et Lyon.

M. Gérard Longuet s'est interrogé sur le rôle des pays.

M. Jean Puech, président de l'assemblée des départements de France, s'est déclaré favorable à une extension des dispositions relatives aux groupes d'élus, mais hostile à toute loi trop contraignante. Il a observé, pour le déplorer, que la compétence des pays en matière d'aménagement du territoire sécréterait le développement de structures nouvelles. Aussi a-t-il souhaité que les expériences des collectivités locales soient encouragées, citant en exemple la création du « grand pays de la vallée du Lot » dans le cadre d'une entente interdépartementale, mais que la loi ne prévoie aucune contrainte supplémentaire.

Démocratie de proximité - Audition de M. Jean-Paul Delevoye, président de l'Association des maires de France

Puis elle a procédé à l'audition de M. Jean-Paul Delevoye, président de l'Association des maires de France.

M. Jean-Paul Delevoye a regretté que le projet de loi traduise de la part de ses auteurs une culture de méfiance à l'égard des élus locaux, relevant que l'essentiel des dispositions proposées pour améliorer la démocratie de proximité correspondait à des mesures déjà mises en oeuvre par la plupart des élus. Il en a déduit qu'à travers ce projet de loi, le Gouvernement manifestait une méconnaissance des collectivités locales, celles-ci ayant, depuis longtemps, pris l'habitude de pratiquer la concertation au lieu d'imposer leurs décisions à la population.

A propos des conseils de quartier, il a affirmé que le suffrage universel devait demeurer la seule source de pouvoir, la décision devant être réservée aux élus du suffrage universel.

M. Jean-Paul Delevoye a fait valoir qu'une institutionnalisation de la démocratie de proximité pouvait desservir les acteurs locaux ayant déjà pris des initiatives dans ce domaine, qui pourraient, de ce fait, se croire manipulés par les autorités locales. Il a ajouté que la nécessaire consultation par les élus des populations concernées avant la prise d'une décision ne pouvait pas être remplacée par celle de quelques personnes désignées pour la durée de la mandature.

M. Jean-Paul Delevoye s'est interrogé sur la place du conseil de quartier par rapport aux compétences transférées aux structures intercommunales et sur la nature juridique du conseil de quartier, soulignant le risque de contentieux qui résulterait des interprétations possibles du texte.

Estimant qu'une loi n'était pas nécessaire au développement de la concertation, il a considéré que l'Etat devrait s'imposer à lui-même les obligations qui seraient fixées aux collectivités locales, évoquant à titre d'exemple la création de mairies annexes, qui devrait être accompagnée de l'implantation parallèle de services publics nationaux dans les quartiers.

M. Jean-Paul Delevoye a considéré que l'exemplarité des bonnes expérimentations avait une meilleure valeur pédagogique que le vote d'une loi et qu'en tout état de cause il appartenait aux électeurs de porter une appréciation, le moment venu, sur le comportement de leurs élus si ceux-ci négligeaient la concertation.

A propos de l'organisation d'un débat annuel sur la participation des habitants à la vie locale, M. Jean-Paul Delevoye a considéré qu'il aurait été préférable de prévoir un débat chaque année entre les conseils municipaux et les associations.

Evoquant ensuite les dispositions du projet de loi sur les droits de l'opposition au sein des assemblées locales, il s'est déclaré réservé sur l'opportunité d'instituer une séance annuelle réservée, estimant préférable de lui garantir la communication effective de documents d'information et de prévoir à son profit des temps de parole suffisants au cours des différents débats.

M. Jean-Paul Delevoye a suggéré l'organisation de débats sur la comptabilité analytique de la collectivité portant sur des thèmes choisis par la minorité.

Traitant ensuite de l'élection au suffrage universel direct des membres des organes délibérants des structures intercommunales dotées d'une fiscalité propre, il a jugé que ceux-ci, représentant la commune, devraient en tout état de cause rendre régulièrement compte au conseil municipal de la politique intercommunale.

M. Jean-Paul Delevoye, évoquant les travaux du dernier congrès de l'Association des maires de France sur cette question, a réaffirmé que le choix de la circonscription intercommunale pour l'élection des membres de l'organe délibérant impliquerait nécessairement la disparition de la commune. Il a considéré que le mode de scrutin à déterminer devrait impérativement permettre une représentation de la commune par la majorité du conseil municipal, faisant valoir que la coopération intercommunale, instituée dans un souci de mutualisation des moyens communaux, ne devrait pas conduire cette dernière à prendre l'ascendant sur la commune qui a accordé la délégation de compétences.

Abordant ensuite le statut de l'élu, il a rappelé que l'Association des maires de France souhaitait le versement d'indemnités de fonction aux présidents de commission des structures intercommunales et, d'une manière générale, de plus larges pouvoirs de décision pour les collectivités et établissements en ce qui concerne la répartition de ces indemnités entre les élus en fonction de leurs responsabilités effectives, dès lors que leur total resterait à l'intérieur d'une enveloppe globale fixée par la loi.

M. Jean-Paul Delevoye, abordant les dispositions du projet de loi sur les services d'incendie et de secours, s'est déclaré favorable à celles concernant la participation des services d'aide médicale d'urgence et des sociétés concessionnaires d'autoroutes à leur financement, ainsi qu'à l'obligation d'informer le contribuable sur le coût des services départementaux.

Comprenant que la responsabilité principale des services départementaux d'incendie et de secours soit transférée au département, il a cependant exprimé ses inquiétudes concernant l'évolution des coûts et celle des statuts de sapeurs-pompiers.

A propos du recensement, M. Jean-Paul Delevoye s'est inquiété des conditions dans lesquelles les franchissements de seuils légaux de population par les communes se traduiraient dans l'application des divers textes.

En réponse à M. Bernard Saugey, il a réaffirmé l'importance d'une amélioration des droits à formation des élus pour mieux leur permettre d'appréhender des matières de plus en plus complexes.

A M. Michel Dreyfus-Schmidt qui l'interrogeait sur la prééminence des chefs d'exécutifs de collectivités locales, M. Jean-Paul Delevoye a répondu que ceux-ci devaient avant tout traduire les décisions et les orientations de la majorité de l'assemblée.

Enfin, M. Jean-Paul Delevoye s'est inquiété de l'éventualité du transfert aux établissements publics de coopération intercommunale de certaines compétences en matière de recensement, actuellement exercées par le maire en qualité d'agent de l'Etat.

Démocratie de proximité - Audition de MM. Heinrich Hoffschulte, président de la section allemande du conseil des communes et régions d'Europe, et Eric Kerrouche, chargé de recherche au CNRS

Puis elle a procédé à l'audition de MM. Heinrich Hoffschulte, président de la section allemande du conseil des communes et régions d'Europe, et Eric Kerrouche, chargé de recherche au CNRS.

M. Heinrich Hoffschulte a rappelé que l'Allemagne n'avait pas la tradition centralisatrice de la France et que les compétences de l'Etat y étaient en principe subsidiaires par rapport à celles des communes et autres collectivités locales.

Il a exposé que la fusion en Allemagne de 25.000 communes en 8.500 communes sur l'ensemble du pays, dont 2.300 en 373 pour la seule Rhénanie--Wesphalie, ne pouvait déboucher sur une approche de l'intercommunalité comparable à celle de la France.

M. Heinrich Hoffschulte, dressant un rapide bilan de la politique conduite en la matière, à son sens positive dans l'ensemble, a reconnu que sa principale limite portait sur son aspect financier.

Il a indiqué que les communes pouvaient librement constituer des syndicats à vocation spécialisée. Il a ajouté que les délégués des conseils municipaux en leur sein étaient tenus de défendre les positions de la majorité du conseil municipal et que, de ce fait, la question de leur élection au suffrage universel direct ne se posait pas, même si depuis quelques années un débat avait été esquissé à ce sujet.

M. Eric Kerrouche a ensuite présenté les grandes tendances concernant les garanties accordées pour l'exercice des mandats locaux dans plusieurs pays membres de l'Union européenne, observant d'une manière générale, à travers celles-ci, l'amorce d'une logique de professionnalisation du mandat.

Il a précisé que les législations en cause distinguaient entre la situation des responsables de collectivités locales dont le statut permettait un exercice à plein temps du mandat et celle des membres des assemblées délibérantes auxquels étaient accordées diverses facilités pour concilier le mandat avec la vie professionnelle.

Evoquant tout d'abord le système de rémunération des responsables des collectivités locales, M. Eric Kerrouche a indiqué qu'en Espagne, le mandat relevait, avant la loi du 21 avril 1999, du bénévolat, sous réserve du versement de compensations financières pour les dépenses engagées à l'occasion de son exercice ; depuis l'entrée en vigueur de cette loi, l'assemblée délibérante détermine, en son sein, les charges qui feraient l'objet d'une rémunération à plein temps, ainsi que le montant de celle-ci.

Il a rappelé qu'en Allemagne la législation variait d'un Land à l'autre mais que, dans la plupart des cas, le maire et les adjoints, directement élus par la population, avaient le statut de fonctionnaires temporaires ou de contractuels pendant la durée de leur mandat, ajoutant que le montant de l'indemnité, déterminée en fonction du nombre d'habitants de la commune, était imposable en totalité.

M. Eric Kerrouche a précisé qu'en Italie une loi du 3 août 1999 disposait qu'une indemnité de fonction, qui n'avait pas la nature juridique d'un traitement, était versée aux responsables d'exécutif des collectivités.

Il a exposé qu'au Royaume-Uni les élus étaient rémunérés selon le principe des jetons de présence jusqu'en 1991, date à laquelle avait été institué un régime indemnitaire avec plafond déterminé au plan national, ajoutant qu'une loi de 1995 avait supprimé le plafond pour le remplacer par un barème déterminant le niveau des indemnités en fonction des responsabilités assurées.

M. Eric Kerrouche a ensuite exposé les régimes de compensation financière pour les élus membres des assemblées délibérantes de collectivités territoriales.

Il a indiqué qu'en Allemagne les conseillers ne recevaient pas d'indemnité de fonction, mais pouvaient se faire indemniser de perte de revenus et de frais selon des modalités définies par les Land.

M. Eric Kerrouche a précisé qu'en Espagne, comme en Italie, les membres des assemblées délibérantes recevaient des jetons de présence dans des conditions définies par les collectivités concernées.

Il a exposé qu'au Royaume-Uni le barème des indemnités intégrait les responsabilités exercées effectivement par les élus, ainsi que leur assiduité aux réunions.

M. Eric Kerrouche a estimé en conclusion sur les questions indemnitaires que les différents dispositifs retenus traduisaient de façon implicite le principe d'une rémunération différentielle selon les responsabilités exercées et la taille de la collectivité.

M. Eric Kerrouche a ensuite exposé les dispositions retenues pour faciliter la conciliation de l'exercice d'un mandat local avec celui d'une activité professionnelle.

Il a indiqué qu'au Royaume-Uni une législation renforcée en 1996 obligeait chaque employeur à accorder au salarié élu local le temps nécessaire à l'exercice de ses responsabilités et qu'en Allemagne le problème se posait avec moins d'acuité, les réunions se déroulant souvent le soir.

M. Eric Kerrouche a exposé qu'en Espagne la loi du 21 avril 1999 accordait aux fonctionnaires et aux salariés du secteur privé responsables de collectivités locales le droit d'interrompre leur activité professionnelle avec droit à réintégration dans un poste comparable à l'issue du mandat et aux membres des assemblées délibérantes un droit à s'absenter pour assister aux réunions.

Evoquant enfin la formation des élus locaux, il a estimé que la France était le seul pays de l'Union européenne à avoir reconnu un droit en la matière et institué un système global permettant une véritable formation.

Il a indiqué qu'en Espagne et en Allemagne, l'information et la documentation des élus étaient essentiellement assurées par les partis politiques et leurs fondations, ainsi que par certaines associations locales, tandis qu'en Italie, la formation sollicitée par un élu était financée par prélèvement sur ses indemnités de fonction.

En conclusion, il a estimé que dans les pays analysés les élus n'étaient plus des bénévoles et que, s'ils n'avaient pas un statut professionnel, ils exerçaient un véritable métier d'élu local.

M. Daniel Hoeffel, rapporteur, a interrogé M. Heinrich Hoffschulte sur les conseils de quartier en Allemagne et sur les droits que la loi prévoyait pour l'opposition au sein des assemblées délibérantes.

M. Heinrich Hoffschulte a exposé que la législation sur les conseils de quartier était en Allemagne définie par les Länder, relevant que généralement les attributions de ces conseils étaient consultatives, bien que certaines villes aient récemment délégué des attributions aux conseils de quartier.

Il a précisé que les prérogatives de l'opposition au sein des assemblées délibérantes étaient ciblées sur le droit à l'information, exercé par l'intermédiaire du maire.

En réponse à M. Gérard Longuet, M. Heinrich Hoffschulte a exposé que les élus locaux allemands battus après douze ans de mandat pouvaient percevoir une retraite, tandis que ceux qui n'avaient pas sollicité de nouveau mandat en étaient privés. Il a ajouté que le seuil de douze années avait ensuite été abaissé à cinq, qu'il était actuellement envisagé de le remonter à six ou huit ans et qu'environ 24 années d'exercice de mandats locaux ouvraient le droit à une pension à taux plein.

Collectivités locales - Démocratie de proximité - Audition de MM. Bertrand Delanoë, maire de Paris, Gérard Collomb, maire de Lyon, et Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille

Puis elle a procédé à l'audition de MM. Bertrand Delanoë, maire de Paris, Gérard Collomb, maire de Lyon, et Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille.

M. Bertrand Delanoë, maire de Paris, a remarqué que Marseille et Lyon avaient une pratique de gestion plus décentralisatrice que celle de Paris. Malgré ses imperfections, il a jugé que la « loi PML » du 31 décembre 1982 avait permis de prendre acte des diversités locales au sein d'une même réalité urbaine. Il s'est déclaré opposé à toute mesure qui remettrait en cause l'unité communale et la cohérence des politiques municipales.

Les élus d'arrondissement ayant acquis une légitimité incontestable, il a souhaité que les mairies d'arrondissement se voient reconnaître une plus grande autonomie dans la gestion des équipements de proximité et disposent d'un budget de fonctionnement et d'investissement. Toutes les mesures rendant obligatoire la consultation des élus d'arrondissement, loin de constituer une perte de temps, lui ont paru de nature à faciliter la prise de décision par la mairie centrale.

M. Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, a estimé que la « loi PML », substitut d'une proposition tendant à créer vingt communes de plein exercice à Paris, ainsi que le découpage électoral de Marseille opéré en 1982, pouvaient être considérés comme des lois de circonstance. Toutefois, il a admis que la « loi PML » s'était révélée bonne en pratique, en permettant le dialogue.

Il a souligné que les mécanismes de décentralisation et de « démocratie de proximité » existaient déjà à Marseille, que ce soit par le mode de scrutin des élus d'arrondissement et municipaux, par la consultation systématique des mairies de secteur ou par les comités d'initiative et de consultation d'arrondissement (CICA).

Il a fait part de la situation spécifique de la ville de Marseille, membre d'une communauté urbaine. Il a indiqué que pour les six compétences légales de la communauté, afin de ne pas dessaisir complètement la ville, le choix avait été fait de soumettre pour voeu aux mairies de secteur, aux commissions municipales, puis au conseil municipal, les projets de rapports avant leur adoption par le conseil communautaire. Il a ajouté qu'il avait mis en oeuvre 22 mesures pour améliorer les relations entre la mairie centrale et les huit mairies de secteur, que la ville de Marseille allouait une dotation globale d'arrondissement de 82 francs environ par an et par habitant (contre 55 à Lyon et 69 à Paris) pour le fonctionnement et une enveloppe de 4 millions de francs pour les investissements, enfin, qu'un effort particulier avait été fait pour renforcer le personnel des mairies de secteur.

S'agissant de la vie associative, il a indiqué que deux structures existaient d'ores et déjà à Marseille : les CICA, depuis la loi PML, et plus de 260 comités d'intérêt de quartier (CIQ), depuis 120 ans. Il a souligné que les CIQ avaient établi eux-mêmes leur périmètre, que leur bureau, élu par la population, élisait ensuite son président, et qu'ils constituaient, en toute indépendance, l'expression reconnue des habitants vers les élus.

Il en a conclu qu'à bien des égards, le projet de loi relatif à la démocratie de proximité était plus restrictif que la pratique actuelle à Marseille.

M. Gérard Collomb, maire de Lyon, a noté que la « loi PML » était une bonne loi et donnait toute satisfaction aux habitants.

Il a fait observer que Lyon, membre d'une communauté urbaine ancienne, la « COURLY », était dans une situation très différente de celle de Paris, où n'existait pas de structure intercommunale, et de Marseille, où la communauté urbaine était de création récente. Il a indiqué que le budget de la communauté représentait le double de celui de la ville. Il a jugé que l'équilibre entre, d'une part, la décentralisation de la mairie centrale vers les arrondissements, et, d'autre part, les transferts de compétences de la ville vers la COURLY, devaient être envisagés avec le souci de ne pas priver complètement la ville de son rôle. Il a estimé que certaines compétences communautaires, comme la propreté ou la voirie, devraient peut-être donner lieu à une décentralisation en direction de la ville ou de regroupements d'arrondissements.

Il a noté que le précédent maire avait procédé, dès 1996, à une adaptation de la « loi PML » aux réalités locales, consistant à étendre la liste des équipements de proximité, gérés par les arrondissements, à allouer aux mairies d'arrondissement une dotation d'équipement, d'usage très libre, ou encore à favoriser le consensus dans la fixation de la dotation de fonctionnement. Il a donc estimé que les dispositions tendant à inscrire dans la loi les pratiques actuelles devaient être accueillies favorablement.

Sans être opposé à la création de conseils de quartier, il a observé que les CICA fonctionnaient bien à Lyon, où existaient également des comités d'intérêts locaux (CIL). Il a indiqué que ces structures devraient constituer l'épine dorsale des futurs conseils de quartier, au risque de créer des doublons.

Quant à la place à réserver à l'opposition dans les journaux locaux, il a indiqué que les arrondissements ne rédigeaient pas encore de telles publications, mais que, si tel devait être le cas, une charte graphique commune devrait être retenue, afin de préserver l'image de la ville. Il a ajouté qu'une réflexion était en cours pour le journal de la ville, afin de réserver des pages à des débats thématiques, organisés par un journaliste, permettant aux présidents de groupe d'échanger leurs arguments.

Il a conclu en estimant que le modus vivendi existant à Lyon ne serait vraisemblablement pas bouleversé par le projet de loi.

Soulignant la diversité des situations des grandes villes, M. Daniel Hoeffel, rapporteur, s'est demandé s'il était opportun de leur imposer un modèle uniforme. Il a approuvé les propos des trois maires, tendant à préserver l'unité de la commune, ce qu'il a jugé compatible avec une décentralisation réelle en direction des arrondissements. Il a souhaité savoir si les amendements parlementaires modifiant la « loi PML » avaient été rédigés en priorité pour la ville de Paris ; quelle pouvait être la place respective des conseils de quartier et des conseils d'arrondissement ; s'il était utile de prévoir la consultation des habitants à l'échelle de l'arrondissement ; enfin, quel était le sentiment du maire de Paris sur la nouvelle répartition des pouvoirs de police à Paris et pourquoi l'idée de la création d'une police municipale avait été écartée.

M. Jean-Claude Peyronnet a déclaré ne pas concevoir que les maires de Lyon et Marseille ne soient pas en même temps présidents de la communauté urbaine. Il s'est demandé si l'élection des établissements publics de coopération intercommunale au suffrage universel direct n'allait pas créer des conflits de légitimité dans ces deux villes.

M. Robert Bret s'est prononcé pour une remise à plat de la « loi PML » tout en estimant que le projet de loi n'apportait pas les bonnes réponses. Il a plaidé pour une loi-cadre offrant une certaine souplesse, afin de rompre avec la démocratie délégataire, à l'origine de la crise actuelle de la politique. Il a jugé que la création des conseils de quartier, telle qu'elle était prévue par le projet de loi, avec le chapeautage des conseils de quartier par le conseil municipal, était beaucoup plus restrictive que les pratiques locales. Il a donc souhaité que Paris, Lyon et Marseille ne se voient pas imposer de telles contraintes, à moins, par voie d'amendement, de les rendre compatibles avec les diversités actuelles.

Il a constaté que, sur la question de l'élection au suffrage universel direct des intercommunalités, certaines positions avaient pu changer depuis le vote de la loi du 12 juillet 1999. Citant l'expérience marseillaise des voeux des mairies de secteur et centrale sur les projets soumis à la décision de la communauté urbaine, il a estimé que l'article 7 ter du projet de loi, contrairement à son ambition, avait pour effet d'éloigner les citoyens de la prise de décision par les élus.

Constatant que ses deux collègues avaient anticipé le projet de loi afin de renforcer la décentralisation dans leur ville, M. Bertrand Delanoë, maire de Paris, a estimé que le principal intérêt du projet de loi, valable dans les trois villes, était de renforcer ces pratiques, en leur donnant un fondement légal, en particulier pour les budgets des arrondissements ou les collaborateurs de cabinet. Il a admis que Paris était plus demandeur, car la pratique y avait été plus centralisatrice qu'à Lyon ou Marseille.

Il a jugé que les conseils de quartier ne remettaient pas en cause les conseils d'arrondissement, citant en exemple les XIXe et XXe arrondissements. Il a noté que Paris n'était pas dans la même situation que Lyon ou Marseille où les deux structures, CICA et comités d'intérêt locaux ou de quartier, étaient déjà bien implantées.

Il ne s'est pas déclaré défavorable en principe à la consultation des électeurs à l'échelle de l'arrondissement, mais il a mis en garde contre les risques d'atteinte à l'unité de la commune.

Enfin, sur les pouvoirs de police à Paris, il a jugé nécessaire de ne prévoir que des réformes praticables, donnant au maire la compétence en matière de nuisances sonores, de circulation et de stationnement, sans remettre en cause le rôle de la préfecture de police en matière de manifestation ou de sécurité.

M. Gérard Collomb, maire de Lyon, a confirmé que les conseils de quartier et conseils d'arrondissement n'étaient pas de même nature et n'avaient pas la même légitimité. Il a toutefois mis en garde contre la tentation de faire des conseils de quartier de « mini conseils d'arrondissement ».

Il a craint que les conditions encadrant le référendum d'arrondissement ne soient insuffisantes, et ne conduisent à des difficultés de gestion considérables.

M. Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, s'est déclaré ouvert à toute amélioration tendant à renforcer la décentralisation, notamment l'augmentation des dotations d'arrondissement. Il s'est déclaré hostile au référendum d'arrondissement et à l'obligation de créer des conseils de quartier très encadrés, au mépris de la réalité existante.

Sur les rapports entre la ville et la communauté urbaine, il a fait observer qu'il était difficile de faire collaborer les deux administrations. Il a donc marqué sa préférence pour les situations où le maire de la ville centre serait président de la communauté. Il a indiqué que, pour permettre la création de la communauté urbaine, un partage du pouvoir avait été mis en oeuvre, puisque, par dérogation, au bénéfice d'un accord entre l'ensemble des maires concernés, la ville de Marseille détenait moins de 70 des 90 sièges du conseil communautaire, comme le prévoit en principe la « loi Chevènement ». Il en a conclu que les relations entre les différents niveaux de collectivités ne suivaient pas nécessairement les clivages politiques.

Jeudi 13 décembre 2001

- Présidence de M. René Garrec, président.

Publicité foncière - Réforme de la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, dans ses dispositions relatives à la publicité foncière - Examen des amendements

La commission a procédé à l'examen des amendements aux conclusions de la commission sur la proposition de loi n° 421 (2000-2001) de M. Hubert Haenel et plusieurs de ses collègues, portant réforme de la loi du 1e juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, dans ses dispositions relatives à la publicité foncière.

Elle a donné un avis favorable aux six amendements présentés par le Gouvernement et ayant respectivement pour objet :

- au paragraphe VI de l'article 1er proposant une nouvelle rédaction de l'article 42 de la loi du 1er juin 1924 (exigence de la forme authentique pour tout acte portant sur un droit susceptible d'être inscrit au livre foncier), d'introduire une dérogation relevant du droit local concernant l'inscription des actes authentiquement légalisés (amendement 1 rectifié) ;

- d'introduire quatre articles additionnels après l'article 1er pour créer un établissement public de l'État chargé de la gestion et du contrôle du livre foncier informatisé (amendements n°s 2 rectifié, 3, 4 et 5 rectifié) ;

- de compléter l'article 4 (entrée en vigueur différée de certaines dispositions) pour différer au 1er janvier 2006 la création de l'établissement public susvisé (amendement 6 rectifié).