Table des matières


- Présidence de M. Pierre Fauchon, président.

Nomination de rapporteurs

La commission a tout d'abord procédé à la nomination de rapporteurs sur les textes suivants :

- M. Pierre Fauchon pour la proposition de résolution n° 53 (2000-2001), présentée en application de l'article 73 bis du Règlement par M. Hubert Haenel, au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur les propositions de la République fédérale d'Allemagne, d'une part, et du Portugal, de la France, de la Suède et de la Belgique, d'autre part, relatives à la création d'Eurojust (E 1479 et E 1509) ;

- M. Jean-Paul Delevoye pour la proposition de loi n° 443 (1999-2000) de M. Serge Mathieu, tendant à la prise en compte, pour l'honorariat des maires, maires délégués et maires adjoints, des mandats accomplis dans différentes communes.

Justice - Indemnisation des condamnés reconnus innocents - Examen du rapport

La commission a ensuite examiné le rapport, en deuxième lecture, de M. Charles Jolibois sur la proposition de loi n° 150 (2000-2001) adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à faciliter l'indemnisation des condamnés reconnus innocents et portant diverses dispositions de coordination en matière de procédure pénale.

M. Charles Jolibois, rapporteur, a tout d'abord rappelé que la proposition de loi tendant à faciliter l'indemnisation des condamnés reconnus innocents, déposée par M. Michel Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés, avait été adoptée en première lecture par le Sénat le 21 novembre dernier et par l'Assemblée nationale le 14 décembre. Il a précisé que l'Assemblée nationale avait accepté l'ensemble des dispositions adoptées par le Sénat pour faciliter la réparation du préjudice causé aux condamnés reconnus innocents après une procédure de révision, procédant seulement à quelques coordinations.

Le rapporteur a ensuite observé que l'Assemblée nationale, comme le Sénat avant elle, avait complété la proposition de loi, afin de procéder, dans le code de procédure pénale, à des coordinations omises lors de la discussion du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. Il a indiqué que ces dispositions étaient utiles et ne soulevaient guère de difficultés.

M. Charles Jolibois, rapporteur, a souligné que l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement, avait adopté un amendement prévoyant un dispositif transitoire pour la mise en oeuvre de la réforme de l'application des peines prévue par la loi sur la présomption d'innocence. Il a rappelé que cette loi prévoyait qu'à compter du 1er janvier 2001, les décisions du juge de l'application des peines seraient précédées d'un débat contradictoire en présence du condamné et de son avocat, que ces décisions seraient motivées, qu'enfin elles pourraient faire l'objet d'un appel de la part du condamné.

Le rapporteur a indiqué que l'amendement adopté par l'Assemblée nationale reportait au 16 juin 2001 la possibilité de tenir des débats contradictoires devant le juge de l'application des peines, faute d'un nombre suffisant de greffiers présents dans les juridictions. Il a toutefois noté que, dès le 1er janvier 2001, les condamnés pourraient être entendus, à leur demande, par le juge de l'application des peines et, grâce à l'adoption d'un sous-amendement présenté par Mme Christine Lazerges, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, faire appel de ses décisions.

Le rapporteur a alors souligné que le Sénat n'avait aucune raison d'approuver la mise en place d'un tel dispositif transitoire, le Gouvernement n'ayant pas correctement évalué les moyens nécessaires au bon fonctionnement de la réforme de l'application des peines. Il a rappelé que les délais d'entrée en vigueur des différents volets de la loi sur la présomption d'innocence avaient été fixés par un amendement gouvernemental et qu'il avait pour sa part interrogé, à plusieurs reprises, le Gouvernement pour savoir si des moyens suffisants étaient prévus.

M. Charles Jolibois, rapporteur, a en revanche estimé qu'il n'était pas souhaitable que le Sénat s'oppose au dispositif proposé par le Gouvernement au risque de porter la responsabilité d'une paralysie du fonctionnement des juridictions d'application des peines. Il a donc proposé à la commission de s'abstenir sur cet article et d'adopter sans modification la proposition de loi.

M. Guy Allouche a observé que les moyens matériels devaient être pris en considération pour la bonne application d'une réforme d'une aussi grande ampleur que celle relative à la présomption d'innocence. Il a estimé qu'il était normal que le Gouvernement prenne des mesures pour assurer le bon fonctionnement de la réforme.

M. Patrice Gélard a fait valoir que le ministère de la justice avait commis une grave erreur d'appréciation à propos des moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la loi sur la présomption d'innocence. Il a exprimé la crainte que la loi ne soit remise en cause par l'insuffisance des moyens affectés par la chancellerie à son application.

M. Pierre Fauchon, président, a approuvé la position proposée par le rapporteur, observant que le Sénat n'avait pas à s'associer à un procédé par lequel le Gouvernement se prévaut de sa propre erreur pour demander le report d'une partie de la réforme de l'application des peines.

La commission a alors décidé de proposer au Sénat de s'abstenir sur l'article 16 quinquies et d'adopter l'ensemble de la proposition de loi.

Enfant - Adoption internationale - Examen du rapport

Puis la commission a examiné le rapport de M. Nicolas About sur la proposition de loi n° 287 (1999-2000) adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'adoption internationale.

Après avoir souligné que l'adoption internationale était devenue un phénomène de grande ampleur, puisqu'elle représentait les trois-quarts des adoptions de mineurs en France, plus de 3.500 visas ayant été délivrés en 1999 dans le cadre d'une procédure d'adoption d'enfants en provenance de plus de soixante pays, M. Nicolas About, rapporteur, a rappelé qu'un cadre international se mettait progressivement en place, basé sur la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989. Il a souligné qu'un quart des adoptions internationales avait été réalisé en 1999 dans le cadre de la coopération entre Etats organisée par la convention de La Haye du 29 mai 1993. Evoquant la convention du 1er février 2000 conclue avec le Vietnam après le moratoire décidé en avril 1999 à la suite de la découverte de trafics d'enfants, il a indiqué que l'entrée en vigueur du décret vietnamien relatif à la mise en oeuvre de la convention était annoncée pour le 26 décembre 2000.

Constatant que le principal objet de la proposition de loi était de poser une règle législative de conflit de lois, il a considéré que, du fait de l'absence d'unité de la jurisprudence, aggravée par une circulaire du garde des sceaux en date du 16 février 1999, l'intervention du législateur se justifiait pleinement pour donner aux enfants et aux familles la sécurité juridique à laquelle ils aspiraient.

Il a fait ressortir, à cet égard, que la jurisprudence actuelle ne permettait pas d'avoir des certitudes sur la possibilité ou non d'adopter des enfants dont le statut personnel prohibe cette institution, tels les enfants soumis à un statut de droit coranique. Il a souligné que des doutes subsistaient également sur les conditions dans lesquelles une adoption prononcée à l'étranger pouvait produire en France les effets d'une adoption plénière.

En analysant le dispositif de la proposition de loi, M. Nicolas About, rapporteur, a fait ressortir que l'alinéa résultant d'un amendement de M. Gérard Gouzes prévoyant l'application de la loi française aux conditions et aux effets de l'adoption, " si la législation du pays d'origine n'y fait pas obstacle ", rendait impossible l'adoption d'enfants dont le statut personnel prohibait cette institution.

Il a considéré qu'il était très difficile de ne pas admettre cette interdiction, estimant qu'il ne paraissait pas souhaitable d'imposer unilatéralement l'application du droit français à des Etats ayant des conceptions différentes des nôtres, à partir du moment où celles-ci n'étaient pas contraires à l'ordre public. Il a espéré à cet égard la conclusion d'accords bilatéraux avec les Etats concernés.

Il a cependant souhaité qu'il puisse être dérogé à l'interdiction posée s'agissant des enfants nés en France et y résidant, en considération des liens très forts unissant ces enfants à la France. Il a en outre préconisé le vote de dispositions transitoires concernant les procédures d'adoption engagées avant l'entrée en vigueur de la loi.

S'agissant des conditions de l'adoption prononcée en France, M. Nicolas About, rapporteur, a jugé qu'il convenait avant tout de rechercher l'intérêt de l'enfant en évitant le prononcé d'adoptions " boiteuses " non susceptibles d'être reconnues dans le pays d'origine des adoptants. Il a considéré à cet égard que l'application de la loi nationale des adoptants était plus protectrice des droits de l'enfant que celle du droit français auquel conduirait dans tous les cas le texte adopté par l'Assemblée nationale.

Il a enfin fait ressortir que le consentement donné à l'adoption plénière devrait être donné en connaissance du caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation.

M. Nicolas About, rapporteur, a donc proposé à la commission d'adopter la proposition de loi sous réserve de ces modifications.

M. Guy Allouche a fait ressortir le caractère particulièrement difficile de la question de l'adoption internationale, soulignant que s'entremêlaient des facteurs humains, juridiques et diplomatiques très complexes. Il a considéré que si tout devait être fait pour limiter les trafics d'enfants et s'il ne fallait faire abstraction ni des règles de droit ni des croyances de chacun, il importait également de ne pas multiplier les entraves juridiques à l'adoption d'enfants méritant de trouver un père et une mère. Il a estimé que la formulation adoptée par l'Assemblée nationale était acceptable à cet égard.

M. Lucien Lanier, s'appuyant sur son expérience préfectorale, a fait ressortir que les adoptants ne réalisaient pas toujours qu'ils s'engageaient pour la vie. Il a considéré qu'il convenait d'être très vigilant sur la question de l'intérêt de l'enfant et d'éviter tout laxisme dans les procédures.

M. Robert Badinter a également insisté sur le caractère très délicat de l'adoption internationale sur le plan juridique et humain. Il s'est déclaré réticent à la soumettre à une loi nationale de l'enfant qui se révélerait souvent d'application incertaine.

Puis, la commission a procédé à l'examen des articles de la proposition.

A l'article premier A (création d'un chapitre dans le code civil), elle a adopté un amendement de précision.

Elle a ensuite adopté, sur proposition du rapporteur, une nouvelle rédaction de l'article premier (effet des décisions d'adoption prononcées à l'étranger et loi applicable au prononcé de l'adoption en France) insérant, dans le code civil, trois articles, à savoir :

- l'article 370-3 traitant du prononcé de l'adoption en France aux termes duquel :

. la loi applicable serait la loi nationale de l'adoptant et non systématiquement la loi française, l'adoption par deux époux étant soumise à la loi régissant les effets de leur union, sachant que deux époux dont la loi nationale prohibe l'adoption ne pourraient pas adopter ;

. l'interdiction de l'adoption d'un mineur étranger dont la loi personnelle prohibe cette institution serait nettement affirmée, une exception étant prévue pour les mineurs nés en France et y résidant ;

. le consentement du représentant légal de l'enfant à une adoption plénière devrait être donné en connaissance du caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant ;

- l'article  370-4 précisant que la loi française est applicable aux effets de l'adoption prononcée en France ;

- l'article 370-5 traitant des effets en France de l'adoption prononcée à l'étranger, précisant que les effets de l'adoption régulièrement prononcée à l'étranger seraient toujours, en France, ceux de la loi française et prévoyant qu'une adoption impliquant une rupture complète et irrévocable du lien de filiation préexistant aurait l'effet d'une adoption plénière, sachant que, à défaut, elle pourrait être convertie en une adoption simple si les consentements requis ont été donnés expressément et en connaissance de cause.

En réponse à M. Robert Badinter, qui semblait réticent pour autoriser l'adoption par deux époux, dès lors que le statut personnel de l'un des deux interdisait l'adoption, M. Nicolas About, rapporteur, a considéré qu'il était justifié d'autoriser l'adoption par le couple dès lors que l'un des deux époux aurait pu adopter à titre individuel.

Toujours en réponse à M. Robert Badinter qui, soulignant la difficulté de s'assurer du caractère éclairé du consentement dans certains pays, a craint que les prescriptions relatives à la qualité du consentement ne restreignent excessivement les possibilités d'adoption, M. Nicolas About, rapporteur, a considéré qu'il lui semblait impossible de s'affranchir de cette règle.

A l'article 3 (Conseil supérieur de l'adoption), la commission a adopté deux amendements, le premier prévoyant la représentation des associations de personnes adoptées au sein du conseil supérieur, et le second attribuant au ministre chargé de la famille, plutôt qu'au ministre des affaires sociales, le pouvoir de convoquer le conseil.

La commission a adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

Droits de l'homme - Reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport, en deuxième lecture, de M. Jean-Pierre Schosteck sur la proposition de loi n° 314 (1999-2000), adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale, tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a rappelé que la proposition de loi avait pour objet essentiel de reconnaître en tant que crime contre l'humanité la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'océan indien d'une part, l'esclavage d'autre part, perpétués à partir du XVe siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes. Il a souligné qu'après deux lectures à l'Assemblée nationale et une lecture au Sénat, trois articles de la proposition de loi demeuraient en discussion.

Le rapporteur a indiqué qu'en première lecture, le Sénat avait adopté sans modification l'article premier relatif à la reconnaissance de l'esclavage et de la traite négrière en tant que crime contre l'humanité. Il a souligné que le Sénat s'était opposé à l'inscription dans la loi d'une disposition prévoyant que les programmes scolaires devraient consacrer une place conséquente à la traite négrière et à l'esclavage, le contenu des programmes scolaires relevant du pouvoir réglementaire.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a ensuite fait valoir que le Sénat avait estimé inutile de modifier la loi du 29 juillet 1881 pour ouvrir aux associations de défense de la mémoire des esclaves la possibilité d'exercer les droits reconnus à la partie civile pour certains délits, cette possibilité pouvant leur être ouverte dès lors qu'elles faisaient figurer parmi leurs objectifs la lutte contre le racisme.

Le rapporteur a indiqué qu'en deuxième lecture l'Assemblée nationale avait, pour l'essentiel, rétabli le texte qu'elle avait adopté en première lecture. Il a ainsi souligné que les députés avaient rétabli les articles relatifs au contenu des programmes scolaires et à la possibilité pour les associations de défense de la mémoire des esclaves d'exercer les droits reconnus à la partie civile. Il a en outre observé que les députés s'étaient opposés à la fixation par la loi d'une date de commémoration en métropole de l'abolition de l'esclavage, préférant que cette date soit fixée par le Gouvernement.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a regretté que les remarques du Sénat sur le nécessaire respect des domaines de la loi et du règlement n'aient pas été entendues. Il s'est étonné qu'un membre de l'Assemblée nationale ait pu estimer que le moment était mal choisi pour ouvrir un débat sur le respect des domaines de la loi et du règlement. Il a toutefois considéré qu'il n'était pas souhaitable que la discussion parlementaire se prolonge sur une proposition de loi dont les objectifs sont partagés par les deux assemblées.

La commission a alors adopté sans modification la proposition de loi.

Environnement - Pollution par les navires - Examen du rapport

La commission a enfin procédé à l'examen du rapport de M. Lucien Lanier sur la proposition de loi n° 415 (1999-2000), adoptée par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 83-583 du 5 juillet 1983 réprimant la pollution par les navires.

M. Lucien Lanier, rapporteur, a tout d'abord observé que le naufrage de l'Erika avait réveillé les craintes de pollution maritime, mais qu'il existait, en outre, une pollution quasi-quotidienne estimée à 2.000.000 de tonnes d'hydrocarbures par an, causée par la vidange des ballasts des navires.

M. Lucien Lanier, rapporteur, a rappelé que ces dégazages échappaient le plus souvent à la surveillance des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) qui, en 1999, avaient répertorié 239 rejets illicites.

Il a observé que la France, en raison de l'étendue de sa façade maritime, était particulièrement touchée.

Il a indiqué que la proposition de loi de M. Gilbert Le Bris, approuvée en première lecture par l'Assemblée nationale le 13 juin 2000, visait à renforcer la loi du 5 juillet 1983, dont les dispositions ont été abrogées par l'ordonnance du 18 septembre 2000 afin d'être codifiées dans le code de l'environnement aux articles L. 218-10 à L. 218-31.

Se réjouissant de l'objet de cette proposition de loi, M. Lucien Lanier, rapporteur, a pourtant regretté qu'il ne s'agisse pas d'un projet de loi traitant d'une manière plus globale de sécurité maritime, et non de la seule répression pénale de dégazage.

Rappelant la réglementation internationale et nationale actuellement en vigueur, il a alors observé qu'elle n'était pas dissuasive. Il a ainsi évoqué la convention MARPOL 73/78, entrée en vigueur en 1982, ainsi que la loi du 5 juillet 1983. S'agissant de cette dernière, il a rappelé qu'elle posait comme principe la responsabilité des capitaines de navires, tandis que le propriétaire ou l'exploitant du navire, c'est-à-dire l'armateur, n'était responsable que s'il avait donné l'ordre de commettre l'infraction. M. Lucien Lanier, rapporteur, a alors relevé l'aberration d'une telle disposition, la preuve d'un tel ordre étant en pratique très difficile à rapporter.

Il a ensuite évoqué les peines prévues par la loi du 5 juillet 1983, des amendes pouvant aller de 100.000 à 1.000.000 de francs, ainsi que des peines d'emprisonnement de trois mois à deux ans, pour tout capitaine d'un navire français, ces dispositions s'appliquant aux navires étrangers dans la zone économique et les eaux territoriales, les navires étrangers en haute mer étant exclus de ces dispositions. A ce sujet, M. Lucien Lanier, rapporteur, a rappelé que les eaux territoriales étaient comprises dans les 12 milles à partir de la côte, la zone économique exclusive s'étendant ensuite sur 188 milles, la haute mer se situant au-delà.

Il a ensuite relevé les difficultés d'identification des navires responsables. Il a en effet indiqué que si les rejets étaient essentiellement repérés grâce à des opérations aériennes diligentées par les douanes et la marine nationale, leurs auteurs étaient difficiles à identifier, les vidanges s'effectuant le plus souvent la nuit et dans le sillage d'autres navires.

M. Lucien Lanier, rapporteur, a alors souligné la pauvreté des moyens dont disposent les services chargés de la sécurité maritime, tout en reconnaissant les efforts récents consentis par le Gouvernement.

Il a noté qu'en 1999, sur les 308 pollutions détectées, seuls trente navires avaient pu être identifiés. Par ailleurs, il a regretté que même lorsque les poursuites judiciaires aboutissaient, les peines prononcées soient trop clémentes pour être dissuasives. Il a en effet souligné l'importance de fixer des sanctions véritablement dissuasives par rapport au coût réel d'un dégazage dans les installations portuaires qui comprend, outre le tarif fixé pour le dégazage proprement dit, le coût d'immobilisation d'un navire, sachant que le coût journalier d'un pétrolier est de 70.000 $, soit plus de 500.000 francs.

Rappelant les controverses sur la disponibilité des installations portuaires et les possibilités effectivement ouvertes aux navires de dégazer sans retards anormaux, M. Lucien Lanier, rapporteur, a indiqué qu'une mission diligentée par le ministère de l'équipement et chargée de recenser les capacités existantes devait remettre ses conclusions très prochainement.

Enfin, il a observé qu'il était possible et souhaitable d'améliorer l'arsenal législatif actuel. Il a ainsi rappelé qu'un amendement au projet de loi concernant l'adaptation de diverses dispositions au droit communautaire des transports avait prévu l'obligation, pour les navires faisant escale dans un port français, de dégazer dans les installations portuaires, le navire pouvant être retenu au port dans le cas contraire.

Il a enfin rappelé l'adoption d'une directive communautaire tendant au même objet en septembre dernier.

Enfin, M. Lucien Lanier, rapporteur, a indiqué que l'installation sur les navires de transpondeurs, ainsi que de boîtes noires, permettrait de répondre au problème d'identification des navires.

Rappelant que l'objet du texte était d'augmenter les sanctions, il a précisé que les amendements proposés aux articles 1er à 4 visaient à quadrupler le montant des amendes par rapport à la législation existante, l'Assemblée nationale ayant pour sa part triplé le montant de ces amendes en première lecture, ceci visant à rendre les sanctions effectivement dissuasives.

M. Lucien Lanier, rapporteur, a par ailleurs précisé qu'à l'article 5 traitant de l'instauration d'une compétence juridictionnelle spécialisée en matière de répression du dégazage, les amendements qu'il présentait visaient à clarifier la rédaction des dispositions prévoyant une compétence exclusive de jugement au profit du tribunal de grande instance de Paris s'agissant des infractions commises dans la zone économique exclusive ainsi qu'en haute mer (s'agissant des seuls navires français dans ce dernier cas), des tribunaux de grande instance du littoral maritime déterminés par une liste fixée par décret ayant quant à eux une compétence exclusive de jugement s'agissant des infractions commises dans les eaux territoriales.

Il a en outre indiqué qu'était prévue une compétence concurrente de poursuite et d'instruction au profit du tribunal de grande instance de Paris, des tribunaux de grande instance du littoral maritime désignés par décret, ainsi que des tribunaux de grande instance dans le ressort desquels s'étaient produites les infractions.

M. Lucien Lanier, rapporteur, a précisé que de telles dispositions devaient permettre une meilleure spécialisation des magistrats, ainsi qu'une homogénéisation de la jurisprudence relative au dégazage.

Il a en outre indiqué que des amendements tendaient à mieux préciser la responsabilité des armateurs.

M. François Marc a alors salué cette proposition de loi en observant que face à une situation critique, il était urgent d'appliquer le principe pollueur-payeur afin de contrer la loi du profit maximal en vigueur.

Rappelant l'obligation de dégazage dans les ports instaurée par l'amendement au projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports, il a cependant souligné que de telles dispositions seraient inapplicables en l'absence de moyens renforcés et a préconisé l'installation de boîtes noires à bord des navires afin de mieux identifier les contrevenants. Il a également évoqué l'opportunité de développer des moyens de repérage par satellite ainsi que " d'ADN-marqueur " permettant d'identifier les hydrocarbures rejetés. Il a par ailleurs appelé à une révision de la convention MARPOL qui autorise encore, dans une certaine mesure, des rejets et s'est déclaré favorable à l'objectif de renforcement de la répression du dégazage.

La commission a alors procédé à l'examen des articles.

A l'article premier (sanctions à l'encontre des capitaines des navires de gros tonnage), la commission a adopté un amendement tendant à porter à 4.000.000 de francs l'amende encourue par les navires de gros tonnage ayant déballasté.

A l'article 2 (sanctions à l'encontre des capitaines des navires de faible tonnage), la commission a adopté un amendement tendant à porter à 1.200.000 francs le montant de l'amende encourue par les navires de faible tonnage ayant déballasté.

A l'article 3 (sanctions à l'encontre des capitaines des autres navires), la commission a adopté un amendement tendant à porter à 40.000 francs le montant de l'amende encourue par les autres navires ayant déballasté.

A l'article 4 (sanctions du non-respect de l'obligation d'établir un rapport sur certains événements), la commission a adopté un amendement portant à 1.200.000 francs le montant de l'amende tendant à réprimer l'absence d'établissement d'un rapport en cas de rejet.

A l'article additionnel avant l'article 5 (responsabilité de l'armateur), M. Patrice Gélard s'est inquiété du lien de causalité permettant de mettre en cause la responsabilité de l'armateur, trouvant la rédaction de cet amendement (qui prévoit la responsabilité de l'armateur ayant été à l'origine du rejet ou n'ayant pas pris les mesures nécessaires pour l'éviter) trop imprécise. M. Robert Badinter a indiqué qu'il serait souhaitable de prévoir expressément la responsabilité pénale des personnes morales, ce que la commission a approuvé.

A l'article 5 (compétence juridictionnelle spécialisée), après un échange de vues auquel ont participé MM. Pierre Fauchon, vice-président, Lucien Lanier, rapporteur, et Patrice Gélard sur la question de savoir s'il fallait favoriser l'objectif de spécialisation des juridictions, ou l'objectif de proximité de la juridiction compétente avec le lieu de l'infraction, la commission a adopté l'amendement du rapporteur, en précisant sa rédaction.

Après un débat auquel ont notamment participé MM. Patrice Gélard, Robert Badinter et René Garrec, s'interrogeant sur l'autorité compétente, le rapporteur a renoncé à présenter un amendement tendant à créer un article additionnel après l'article 5 ayant pour objet de compléter l'article L. 218-30 du code de l'environnement pour permettre l'inspection du navire et, le cas échéant, son immobilisation jusqu'à sa réparation.