Table des matières


- Présidence de M. Pierre Fauchon, vice-président.

Elections - Date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale - Audition de M. René Rémond, membre de l'Académie française, président de la Fondation nationale des sciences politiques

La commission a procédé à des auditions, sur la proposition de loi organique n° 166 (2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.

M. Pierre Fauchon, président, a souligné la grande portée des dispositions proposées et regretté le peu de temps imparti au Sénat pour se prononcer.

Il a rappelé que le texte en discussion tendait à reporter du premier mardi d'avril au troisième mardi de juin la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale et que cette modification conduirait, en 2002, à l'organisation des élections présidentielles avant les élections législatives.

La commission a tout d'abord entendu M. René Rémond, membre de l'Académie française, président de la Fondation nationale des sciences politiques. Celui-ci s'est félicité de l'étendue de la consultation organisée par le Sénat, en rappelant avoir regretté le manque de débat lors de l'examen du texte limitant la durée du mandat présidentiel.

Rappelant qu'il intervenait en tant qu'historien et observateur de la vie politique, M. René Rémond a souhaité inscrire sa réflexion dans le long terme. Il a souligné l'importance de ce texte dont l'objet, le rapport au temps en politique, élément essentiel contribuant à caractériser l'Etat de droit, avait déjà été examiné quelques mois auparavant s'agissant de la durée du mandat présidentiel.

Sur l'opportunité d'une telle réforme à un peu plus d'un an des échéances électorales, M. René Rémond a reconnu qu'elle pouvait susciter des soupçons de manipulation. Cependant, il a rappelé que ce postulat d'intangibilité des règles électorales peu avant une échéance électorale était récent et que des précédents contraires, s'agissant de délais beaucoup plus courts, existaient. Il a cité les réformes des modes de scrutin intervenues en 1927 ainsi qu'en 1951 avec l'adoption de la loi sur les apparentements.

S'agissant du délai d'un an avant les échéances électorales, M. René Rémond a par ailleurs considéré qu'il était amplement suffisant, mais qu'il devait conduire le Sénat à ne pas différer l'examen du texte, une " course de lenteur " pouvant être interprétée comme de l'obstruction.

Il a ensuite jugé opportun le choix du mois de juin comme date d'élection, les facteurs d'abstention (ponts, départs en vacances...) lui apparaissant moindres que pour d'autres périodes.

Il a souligné que qualifier la modification du calendrier électoral d'" inversion " ou de " rétablissement " était révélateur d'un certain jugement de valeur.

M. René Rémond a ensuite mis en lumière l'impossibilité d'un quelconque pronostic concernant les effets d'une telle réforme sur le résultat du scrutin et a dès lors souhaité que les supputations diverses n'occultent pas l'objet de la proposition de loi.

Il a alors abordé ce qui lui est apparu essentiel, à savoir les conséquences d'une telle réforme sur l'évolution des rapports entre fonctions présidentielle et législative.

M. René Rémond a considéré que les précédents d'antériorité d'élections législatives par rapport aux élections présidentielles sous la Ve République, auxquels il est souvent fait référence, ne pouvaient être retenus. Il a indiqué qu'en 1958 il s'agissait de mettre en place les institutions, les élections présidentielles de 1969 et 1974 ayant résulté d'événements inopinés, démission du Président de la République Charles de Gaulle d'une part, et décès subit du Président de la République Georges Pompidou d'autre part. Soulignant que les dates d'élection étaient ainsi le fruit du hasard, il a salué la présente proposition de loi organique qui permettrait justement de remédier à cet état de fait.

M. René Rémond a ensuite rappelé que depuis quatre ans, divers événements avaient entraîné une évolution non intentionnelle de l'équilibre des institutions. Rappelant la " dissolution de convenance " de l'Assemblée nationale intervenue en avril 1997, il a souligné qu'elle avait eu pour conséquence de rendre l'exercice du droit de dissolution plus précaire pour le Président de la République, tandis que l'" échec " du référendum relatif au quinquennat, dû pour une grande partie à l'absence de débat public, avait affaibli la fonction présidentielle, déjà mise à mal par la cohabitation.

Il a précisé que le calendrier actuel accentuait encore l'affaiblissement de la fonction présidentielle et qu'il importait, pour la renforcer, d'élire le Président de la République avant l'Assemblée nationale, ainsi qu'il en avait été décidé en 1958, ceci ayant été largement avalisé par la suite par les citoyens.

M. René Rémond a par ailleurs indiqué que l'adoption du quinquennat avait eu pour effet d'augmenter les risques de cohabitation.

En conclusion, il a souhaité que le débat porte sur l'essentiel et, parlant résolument de " rétablissement " du calendrier électoral, s'est déclaré en faveur de cette réforme, d'après lui plus conforme à l'esprit des institutions.

M. Charles Ceccaldi-Raynaud ayant observé qu'il résultait de l'intervention de M. René Rémond que l'enjeu de ce texte était d'arbitrer entre un régime présidentiel et un régime parlementaire, M. René Rémond a en effet concédé qu'il ne pouvait être possible d'ignorer cet enjeu, du fait de l'évolution des quatre dernières années.

M. Christian Bonnet, rappelant l'emploi par M. René Rémond du terme de " dissolution de convenance ", s'est interrogé sur les éléments permettant d'y faire référence, rappelant que les dissolutions intervenues en 1981 et 1988 avaient eu pour objectif de rechercher une majorité de fait et qu'il avait été précédemment reproché au Président de la République d'alors, M. Valéry Giscard d'Estaing, de ne pas avoir provoqué de dissolution et d'avoir, par conséquence, dû " gouverner au 49-3 ".

M. René Rémond a alors rappelé que le droit de dissolution ne devait s'exercer que dans des circonstances exceptionnelles, crise de société telle celle de mai 1968 ou dysharmonie profonde entre les pouvoirs entraînant des risques de blocage comme en 1981 et en 1988. Il a alors estimé qu'au contraire, la dissolution intervenue en avril 1997, alors même que le Gouvernement disposait d'une majorité écrasante à l'Assemblée nationale, s'apparentait à une anticipation d'échéances électorales dans le droit fil de la coutume britannique, mais que contrairement à cette pratique britannique, le Président de la République restait en fonctions même en cas d'échec, et qu'il s'agissait donc à ses yeux d'un abus du droit de dissolution.

Après que M. Jean-Jacques Hyest eut convergé avec lui sur l'idée que l'adoption du quinquennat risquait d'entraîner une recrudescence des situations de cohabitation, M. René Rémond a expliqué que rien ne garantissait en effet que des pouvoirs élus au même moment et pour la même échéance coïncideraient forcément, les élections législatives s'apparentant à 577 élections locales et à autant de situations personnelles.

Il a ensuite souligné qu'une cohabitation longue de cinq ans était désormais possible et qu'elle apparaissait comme une figure permanente de la vie politique française.

M. Henri de Richemont a alors déclaré que la présente proposition de loi s'apparentait à une réforme de convenance puisque le Premier Ministre et le Gouvernement qui s'étaient prononcés contre une telle réforme il y a quelques mois avaient récemment opéré un revirement.

M. René Rémond s'est alors étonné que les partisans d'une fonction présidentielle forte ne se réjouissent pas d'un tel revirement et, rappelant une nouvelle fois que nul ne pouvait raisonnablement prédire les effets d'une telle réforme, il a appelé à un débat portant sur le fond du texte.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a alors observé que la fixation d'une date permanente pour les élections était illusoire, car il faudrait interdire au Président de la République de dissoudre, de démissionner et de mourir.

M. René Rémond, après l'avoir admis, a indiqué que cela résultait du manque de globalisation des réformes concernant la vie politique, ainsi que l'avait montré l'adoption d'un " quinquennat sec ".

Elections - Date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale - Audition de M. Guy Carcassonne, professeur à l'université de Paris X

La commission a ensuite entendu M. Guy Carcassonne, professeur à l'université de Paris X.

Après avoir rappelé qu'il avait de longue date souligné que la dissolution intervenue en 1997 aurait pour conséquence une inversion du calendrier électoral en 2002, M. Guy Carcassonne a affirmé que, de son point de vue, le rétablissement de ce calendrier était à la fois constitutionnellement possible et institutionnellement indispensable.

Il a indiqué qu'à plusieurs reprises des mandats électifs avaient pu être prorogés avec l'assentiment du Conseil constitutionnel, celui-ci exerçant un contrôle sur les objectifs justifiant une telle opération. Il a toutefois observé que le mandat des députés n'avait jamais été modifié sous la Ve République.

Après avoir rappelé que le Conseil constitutionnel avait eu l'occasion d'énoncer les difficultés pratiques tenant aux dates prévisibles des prochaines échéances présidentielle et législative, sans pour autant les présenter comme dirimantes, M. Guy Carcassonne a souligné que, s'agissant d'une loi organique, le contrôle de constitutionnalité s'exercerait nécessairement. Il a pour sa part estimé que cette loi n'était pas contraire à la Constitution.

Tout en reconnaissant que le rétablissement envisagé du calendrier électoral pour 2002 ne pouvait constituer une garantie de pérennité de l'ordre ultérieur des échéances électorales, il a estimé cette opération indispensable, le calendrier actuel constituant selon lui une incongruité politique au regard du fonctionnement institutionnel de la Ve République caractérisé par le fait majoritaire. Il a observé que ce fait majoritaire et la bipolarisation de la vie politique résultaient davantage de l'élection du Président de la République au suffrage universel que du mode de scrutin, la majorité présidentielle servant de référence à l'agencement des forces politiques pour l'élection des députés et de fondement à une véritable solidarité de gouvernement.

Il a observé que l'élection présidentielle intervenue en 1958 après les législatives ne pouvait être citée comme contre exemple dans la mesure où il ne s'agissait pas d'une élection au suffrage universel et où l'autorité du Président élu, le Général de Gaulle, était incontestée.

Se référant aux périodes ayant succédé aux élections présidentielles de 1974 et 1995 au cours desquelles, le Président de la République n'ayant pas sollicité le renouvellement de l'Assemblée nationale par le biais de la dissolution, les gouvernements de M. Raymond Barre et M. Alain Juppé s'étaient heurtés à la dislocation de leur majorité, M. Guy Carcassonne a estimé que le seul moyen d'assurer la solidité du pacte majoritaire était de faire suivre l'élection présidentielle par les élections législatives.

M. Guy Carcassonne a conclu son propos en estimant que le calendrier électoral n'était pas de nature à infléchir la nature du régime vers un modèle de type plutôt présidentiel ou de type plutôt parlementaire et était également sans effet sur l'importance du rôle joué par le Parlement dans le schéma institutionnel. Il a observé que les périodes ayant suivi les élections législatives de 1973 et 1993, lesquelles avaient précédé l'élection présidentielle, ne s'étaient pas caractérisées par une revalorisation du rôle du Parlement.

En réponse à M. Jean-Jacques Hyest, qui rappelait que les scores obtenus par les candidats au second tour de l'élection présidentielle étaient souvent très serrés, M. Guy Carcassonne, citant en exemple la majorité absolue qui s'était dégagée des urnes en 1981, a indiqué que lors des scrutins législatifs succédant à une élection présidentielle, le second vote venait confirmer le premier. Il a précisé que la majorité relative obtenue en 1988 avait également favorisé un fonctionnement gouvernemental plus solidaire qu'après les élections législatives de 1973 et 1993, suivies des élections présidentielles.

M. Henri de Richemont s'étant interrogé sur le point de savoir si, en définitive, l'inversion du calendrier électoral avait pour seul but d'éviter les dissensions au sein de la majorité gouvernementale après deux ou trois ans d'exercice du pouvoir, M. Guy Carcassonne a estimé que pareil objectif suffisait à justifier la mesure.

En réponse à M. Christian Bonnet, M. Guy Carcassonne a estimé que faire précéder les élections législatives du scrutin présidentiel permettait aux électeurs de proportionner la majorité parlementaire à la majorité présidentielle.

M. Guy Allouche a estimé que le rétablissement du calendrier électoral ne constituait pas une garantie absolue de concordance des majorités parlementaire et présidentielle. Il s'est interrogé sur le point de savoir si le Président de la République devait démissionner lorsque des élections législatives consécutives à une dissolution dégageaient une majorité parlementaire différente de la majorité présidentielle. Évoquant la doctrine Capitant, M. Guy Carcassonne a estimé que le Président de la République, désavoué, devait s'effacer. Il a cependant observé que, bien que la survenance de majorités différentes à l'occasion d'élections rapprochées fût peu vraisemblable, le droit de dissolution paraîtrait difficile à mettre en oeuvre en pareille circonstance.

Elections - Date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale - Audition de M. Louis Favoreu

Puis la commission a entendu M. Louis Favoreu, professeur à l'université d'Aix-Marseille III, co-directeur de la Revue française de droit constitutionnel.

M. Louis Favoreu a souligné en préalable que le titre du texte transmis au Sénat présentait une certaine neutralité en visant l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale et non le rétablissement ou l'inversion du calendrier électoral.

Constatant que, dans les pays étrangers, les réformes constitutionnelles touchant aux institutions se révélaient rares, il a regretté le penchant français pour les réformes institutionnelles. Il a en effet jugé préférable de toucher le moins possible aux institutions, estimant que les conséquences de telles réformes étaient difficiles à prévoir.

Il a indiqué qu'il considérait depuis longtemps que le droit devait encadrer la vie politique et que la réforme des institutions ne devait pas être utilisée pour réaliser des " coups politiques ".

M. Louis Favoreu a salué à cet égard le rôle essentiel joué par le Conseil constitutionnel dans l'encadrement juridique de la vie politique, estimant qu'au-delà de la protection des droits et libertés fondamentales, le rôle du Conseil constitutionnel était de clarifier les données du débat politique et de faire en sorte que les décisions soient prises en toute connaissance de cause, comme l'ont montré récemment les décisions relatives à la contribution sociale généralisée et à l'écotaxe.

Il a rappelé que le Conseil constitutionnel serait saisi obligatoirement de la présente loi organique et pourrait être sensible à certaines observations effectuées au cours des débats parlementaires.

Il a mis en doute l'existence soudaine d'une conception gaullienne des institutions, imposant une inversion du calendrier, et dénié, en toute hypothèse, toute valeur normative à une telle conception.

M. Louis Favoreu a souligné que l'édifice conçu pourrait être ruiné par une dissolution, la Constitution prévoyant en pareil cas la tenue d'élections entre vingt et quarante jours après celle-ci. Il a observé que le Gouvernement n'avait pas pris la responsabilité de déposer un projet de loi, évitant ainsi l'examen du texte par le Conseil d'Etat et son adoption en conseil des ministres, sous la présidence du Président de la République.

Il a déclaré qu'il allait essentiellement s'attacher à montrer que la réforme entreprise allait à l'encontre de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Evoquant les quatre décisions du Conseil constitutionnel sur des reports de dates d'élections, intervenues en 1990, en 1994 pour deux d'entre elles, et en 1996, il a souligné qu'elles concernaient la prorogation du mandat des membres d'assemblées locales, à savoir les conseils municipaux et les conseils généraux pour les trois premières et une assemblée territoriale d'outre-mer pour la dernière, mais que les enseignements que l'on pouvait en tirer s'appliquaient a fortiori à la prorogation du mandat de l'Assemblée nationale.

M. Louis Favoreu a observé que le Conseil constitutionnel avait à chaque fois validé la démarche tout en la subordonnant au respect de conditions strictes, à savoir le caractère exceptionnel et transitoire de la prorogation et l'existence d'une réelle justification. Il a noté que les motifs retenus par le Conseil avaient été par exemple : de favoriser la participation des électeurs, d'assurer la continuité de l'administration départementale, d'éviter la concomitance des élections avec une réforme sur le statut des élus, de permettre aux électeurs d'être mieux informés des conséquences de leur choix.

Observant que cette jurisprudence était évidemment transposable au cas d'une élection nationale, il a indiqué que le Conseil constitutionnel serait donc amené à exercer un véritable contrôle des motifs de la modification proposée alors qu'en doctrine, il avait été relevé que le début d'un tel contrôle avait été observé justement à propos des décisions précitées de 1990 et 1994.

M. Louis Favoreu a ensuite récusé l'idée selon laquelle le Conseil constitutionnel aurait donné, par avance, une justification à l'inversion du calendrier dans ses recommandations du 23 juillet 2000, et il a estimé que la seule préoccupation exprimée par le Conseil constitutionnel -à savoir le respect de la date-limite de présentation des candidats- pouvait être parfaitement satisfaite par une fixation de la date des élections législatives aux 3 et 10 mars et par une clôture des présentations pour l'élection présidentielle au 2 avril à minuit, pour une élection présidentielle fixée aux 21 avril et 5 mai. Il a remarqué que le 19 décembre 2000, à l'Assemblée nationale, le ministre de l'intérieur l'avait reconnu explicitement.

Soulignant qu'il n'y avait donc pas de justification technique et, en conséquence, pas de motif à l'inversion des élections, il a fait valoir que la seule motivation était d'ordre politique et qu'elle était plutôt floue, le contenu de " l'esprit des institutions " variant selon les interlocuteurs. Il en a conclu qu'il flottait un parfum de " détournement de pouvoir ".

M. Louis Favoreu a rappelé que certains avaient estimé que la proposition pouvait apparaître soit comme un coup de semonce en réponse à l'intervention du Président de la République lors de la crise de la vache folle, soit comme un instrument ayant pour objectif réel de favoriser l'élection de certains. Il a toutefois souligné que les résultats de l'inversion du calendrier étaient difficilement prévisibles selon les spécialistes.

Il a fait ressortir qu'un projet de loi, tels les quatre projets de loi précédents, aurait comporté un exposé des motifs clair permettant au Conseil constitutionnel d'exercer un contrôle, ce qui n'était pas le cas de la proposition de loi organique dont les motifs avancés restaient diffus, que ce soit le respect d'une logique institutionnelle de la Ve République ou la mise en cohérence avec la réforme du quinquennat.

Considérant qu'on ne pouvait pas modifier une loi organique sans justification précise ne reposant pas uniquement sur des supputations politiques, M. Louis Favoreu, sans préjuger d'une éventuelle annulation, a estimé que le Conseil constitutionnel pourrait être conduit à émettre de sérieuses réserves sur le texte après avoir exercé un contrôle des motifs comme il l'avait fait s'agissant de l'écotaxe.

En conclusion, M. Louis Favoreu a considéré que, dans un Etat de droit, les choix politiques devaient reposer sur des bases juridiques claires, ce qui n'était pas le cas en l'occurrence.

En réponse à M. Guy Allouche, qui avait regretté qu'il ne se soit pas prononcé sur la question des conflits entre les majorités présidentielle et législative et avait considéré qu'il semblait difficile de prêter aux personnalités de droite ayant soutenu la proposition l'intention de favoriser l'élection de M. Lionel Jospin, M. Louis Favoreu a estimé que la question de la légitimité présidentielle ou législative ne relevait pas du droit et que le soutien de diverses personnalités ne suffisait pas à donner une motivation constitutionnelle au texte.

A M. Christian Bonnet qui l'interrogeait sur l'esprit des institutions, M. Louis Favoreu a indiqué que cette notion n'avait pas pour lui de caractère juridique et que le Conseil constitutionnel s'y référait très rarement.

A M. Jean-Jacques Hyest qui s'était demandé si le texte ne tendait pas à transformer l'interprétation de la Constitution par l'intermédiaire d'une modification de la loi organique, M. Louis Favoreu a répondu que ce fait ne serait pas susceptible d'être sanctionné par le Conseil constitutionnel. Il a répété que les conséquences de la loi n'étaient pas prévisibles et qu'elle était sans motivation juridique.

Elections - Date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale - Audition de M. Didier Maus, professeur associé à l'université de Paris I, codirecteur de la revue française de droit constitutionnel

La commission a ensuite entendu M. Didier Maus, professeur associé à l'université de Paris I, codirecteur de la revue française de droit constitutionnel.

Estimant qu'en une telle matière on ne pouvait que se répéter ou se contredire, M. Didier Maus a rappelé une de ses opinions exprimées quinze mois auparavant, le 25 octobre 1999 : " si on veut que l'élection présidentielle demeure l'acte essentiel de la vie politique, il faut qu'elle ait lieu en premier ". Il a indiqué n'avoir pas changé de position sur ce point.

Il a cependant regretté que les problèmes liés au calendrier électoral n'aient pu être réglés deux ans avant les élections de 2002, le télescopage des calendriers n'ayant pas été évoqué plus en amont, notamment au moment des débats parlementaires relatifs au quinquennat, réforme à laquelle il était par ailleurs défavorable. Il a ajouté qu'une modification du calendrier électoral s'avérait de toute façon indispensable, indépendamment des débats sur la durée du mandat présidentiel.

M. Didier Maus a signalé qu'aucun précédent significatif depuis quarante ne pouvait servir d'exemple, qu'il s'agisse des élections de 1969, 1974, 1981 ou 1988. Il a estimé que, contrairement au cas présent où le télescopage des calendriers était annoncé depuis la dissolution de 1997, aucun des enchaînements précédents n'avait été prévu ou annoncé par avance.

Il a évoqué plusieurs aspects de la modification proposée. S'interrogeant sur l'existence d'un argument constitutionnel en faveur d'un tel changement, il a fait valoir qu'une logique, une cohérence, une stratégie constitutionnelle pouvaient le justifier. Affirmant son attachement personnel à une interprétation parlementaire du régime, il a estimé que, dès lors que le Président de la République était l'élément pilote de la vie politique, il fallait assurer sa prééminence et faire en sorte que le fait majoritaire soit mis en oeuvre, le quinquennat ayant de surcroît renforcé cette prépondérance présidentielle. Il a donc jugé indispensable d'éviter une incohérence constitutionnelle, et donc nécessaire de permettre que la majorité parlementaire soit un fidèle soutien du Président de la République.

M. Didier Maus a ensuite pointé la difficulté de dénomination de cette opération. Il a relevé plusieurs expressions employées pour qualifier cette modification de la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale, évoquant tour à tour l'inversion, le rétablissement, la modification, la remise en cause et l'aménagement. Il a constaté que chaque mot était une arme, que l'inversion révélait une connotation péjorative, tandis que le rétablissement relevait d'un vocabulaire erroné puisqu'il ne s'agissait pas de revenir à une situation ex-ante, mais d'appréhender une situation à venir. Il a marqué sa préférence pour le terme aménagement, estimant qu'il reflétait une plus grande neutralité dans le choix du vocabulaire.

Evoquant la constitutionnalité d'un tel aménagement, M. Didier Maus a jugé qu'il existait peu de risque pour qu'un aménagement limité prévu par la loi organique soit censuré par le Conseil constitutionnel. Il a expliqué que les jurisprudences de 1990 et 1994, concernant les élections locales, pouvaient être transposées aux élections législatives. Il a ajouté que la prolongation envisagée n'aurait pas pour effet de proroger la durée du mandat des députés actuels au-delà de cinq ans.

Signalant qu'il était indispensable de réexaminer l'ensemble du calendrier électoral, il a rappelé qu'aux débuts de la Ve République, le premier trimestre était réservé aux campagnes électorales, cette situation ayant été notablement modifiée par la session unique. Il a fait part de son souhait de voir adopter pour 2002 des dispositions dérogatoires et a jugé indispensable de reposer ensuite la question de l'ensemble des opérations électorales de manière générale.

M. Didier Maus a fait valoir que le calendrier pour 2002, issu du texte adopté par l'Assemblée nationale n'était pas rationnel. Il a observé que le premier tour de l'élection présidentielle aurait lieu le 21 avril et le deuxième tour le 5 mai, le mandat du Président de la République Jacques Chirac expirant le vendredi 17 mai.

Considérant que l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale serait, selon la proposition de loi, fixée au mardi 18 juin, il a estimé qu'il serait impossible d'organiser le second tour des élections législatives le 16 juin tout en indiquant que le ministre de l'intérieur avait tenu des propos inverses. A cet égard, il a rappelé que le délai le plus court entre des élections législatives et la réunion de l'Assemblée avait été de quatre jours en 1993.

M. Didier Maus a estimé que les élections législatives ne pourraient avoir lieu que les 2 et 9 juin. Il a souligné que l'ouverture du dépôt des candidatures serait en conséquence fixée le 6 mai, lendemain de l'élection présidentielle, et que la campagne législative débuterait le 13 mai avant la prise de fonctions du nouveau président. Il en a déduit que ce délai serait beaucoup trop court pour que le président de la République puisse façonner une majorité et faire en sorte que les différents camps se positionnent face à lui. Il a rappelé que cette logique avait prévalu en 1981 et 1988, le président prenant l'initiative de dissoudre l'Assemblée nationale.

M. Didier Maus s'est déclaré favorable à une autre modification du calendrier et a proposé que les élections législatives soient organisées les 16 et 23 juin, comme en 1988. Néanmoins, il a mis en lumière que l'assemblée nouvellement élue aurait à surmonter une difficulté, dans la mesure où elle ne pourrait se réunir qu'à l'extrême fin de la session ordinaire et qu'il serait nécessaire de convoquer une session extraordinaire pour constituer ses organes.

Il a proposé plusieurs pistes de réflexion sur la modification du calendrier. Il a signalé l'opportunité de reporter l'organisation des élections législatives à la fin du mois de septembre, afin de permettre au Président de la République nouvellement élu de préparer les élections législatives comme en cas de dissolution.

Il a également évoqué la possibilité de modifier en profondeur le code électoral, et de faire en sorte que les élections législatives se déroulent les 9 et 16 juin, ce choix s'accompagnant d'une réduction de la durée de la campagne électorale de trois semaines à quinze jours. Il a estimé que cette solution permettrait de faire débuter la campagne après l'installation du président de la République.

M. Didier Maus a également émis l'idée de fixer au 30 juin la fin des pouvoirs de l'Assemblée nationale et de réviser la Constitution, afin de permettre la tenue d'une session extraordinaire de droit les années d'élections législatives.

Il a enfin mentionné la possibilité de fixer au 15 avril la fin du mandat du Président de la République, pour permettre au nouveau Président de disposer de deux mois et demi pour organiser la campagne législative, ajoutant qu'une révision de la Constitution serait nécessaire.

En conclusion, il a estimé que la modification de calendrier électoral était souhaitable, constitutionnellement possible, politiquement logique, mais techniquement difficile. Il a insisté sur la nécessité d'attendre que le président occupe ses fonctions pour entamer les opérations d'organisation des élections législatives.

Répondant à M. Daniel Hoeffel, qui l'interrogeait sur son appréciation à l'égard de la session unique établie depuis 1995, M. Didier Maus a souligné qu'en période électorale, la situation n'avait guère évolué, compte tenu des interruptions prévues de la session unique. Il a relevé que la session unique avait eu le mérite de permettre au Parlement de siéger moins d'heures de séance publique qu'auparavant, ajoutant qu'il n'était pas nécessaire que le Parlement siège à marche forcée pour que la loi soit bien faite.

M. Robert Badinter, après avoir réaffirmé son opinion exprimée avec constance selon laquelle il ne pouvait y avoir de révision constitutionnelle relative au quinquennat sans modification du calendrier, a questionné M. Didier Maus sur les difficultés posées dans le cas où le calendrier serait laissé en l'état.

Ce dernier a répondu que la majeure difficulté résidait dans le parrainage des candidats à l'élection présidentielle par les députés. Il a indiqué que, même si on avançait les élections législatives au mois de février, ce problème ne serait pas réglé, le mandat des députés actuels devant expirer le 2 avril.

M. Lucien Lanier a fait remarquer à M. Didier Maus que le calendrier ne pouvait être figé par un texte et que les événements pouvaient le modifier. Il a estimé que la cohabitation pouvait finalement triompher de cette inversion du calendrier, la majorité présidentielle ne correspondant pas forcément à la majorité parlementaire. Il lui a demandé s'il pensait que placer l'élection présidentielle avant les élections législatives pouvait suffire à forcer la main du peuple pour éviter la cohabitation.

M. Didier Maus a répondu qu'il n'avait aucune idée de la traduction politique d'un maintien ou d'un changement du calendrier. Jugeant que le peuple était souverain, il a rappelé des propos de Lamartine tenus en 1848 : " Si le peuple se trompe, tant pis pour le peuple ".

Il a ajouté qu'il était nécessaire de songer à la remise en ordre globale du calendrier. Il a fait remarquer que, depuis 1958, le calendrier électoral s'était enrichi de trois nouvelles consultations : l'élection présidentielle, les élections européennes et les élections régionales.

Répondant à M. Pierre Fauchon, président, qui l'interrogeait sur la possibilité d'organiser les deux élections aux mêmes dates, M. Didier Maus a estimé que cet aménagement était techniquement possible et éviterait aux Français deux déplacements dans les bureaux de vote. Il a cependant évoqué l'impopularité d'une telle mesure auprès des députés, qui n'apparaîtraient plus que comme des représentants locaux d'un candidat à l'élection présidentielle. Il a exprimé la crainte que les élections législatives soient occultées et a fait remarquer que cette modification n'irait pas dans le sens d'une plus grande autonomie de l'Assemblée nationale.

M. Robert Bret ayant demandé à M. Didier Maus de lui fournir plus de précisions s'agissant de sa proposition de fixer au 15 avril la fin du mandat du Président de la République, ce dernier a ajouté que cette idée nécessitait un approfondissement intellectuel et ne pourrait intervenir que dans un climat politique différent.

Elections - Date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale - Audition de M. Pierre Pactet, professeur émérite de l'université de Paris XI

La commission a enfin entendu M. Pierre Pactet, professeur émérite de l'université de Paris XI.

M. Pierre Pactet
a estimé que la réforme du calendrier électoral, sans bouleverser le régime de la Ve République, appelait néanmoins de sérieuses réserves tenant à la cohérence institutionnelle.

Regrettant que la révision constitutionnelle relative au quinquennat n'ait pas fait l'objet d'un débat approfondi portant notamment sur ses incidences sur le régime, il a affirmé que celle-ci constituait l'une des plus grandes révisions de la Ve République depuis une quarantaine d'années, comparable à celle de 1962 relative à l'élection au suffrage universel direct du président de la République et à celle de 1974 ouvrant la saisine du Conseil constitutionnel à l'opposition parlementaire.

M. Pierre Pactet a rappelé que la révision constitutionnelle relative au quinquennat, décidée afin de rendre la cohabitation moins fréquente, ne pouvait avoir cet effet, dans la mesure où le droit de dissolution était maintenu et où le décès du président provoquait une nouvelle élection présidentielle, du fait de l'absence d'un vice-président de la République. Ajoutant que les électeurs, dans un souci d'éviter une trop grande concentration des pouvoirs, pouvaient très bien émettre des votes différents lors des élections législatives et présidentielle, il s'est demandé si la motivation du quinquennat ne résidait pas dans une conception nostalgique des périodes de convergence observées au début de la Ve République.

Citant l'exemple des Etats-Unis, M. Pierre Pactet a démenti l'argument selon lequel le régime présidentiel serait moins propice à la cohabitation que celui de la Ve République.

Concernant la logique des institutions de la Ve République, il a noté que le régime, à l'origine conçu en réaction contre le régime des partis, avait beaucoup évolué et était redevenu un régime de partis, semblable en cela aux autres démocraties occidentales. Il a ajouté que le président de la République ne demeurait la clé de voûte du régime que dans l'hypothèse où il était soutenu par la majorité parlementaire, celle-ci constituant le véritable moteur du régime depuis la cohabitation.

Soulignant la complexité et l'ambiguïté de la répartition des pouvoirs, M. Pierre Pactet a estimé que le régime avait bien fonctionné, amenant la stabilité des institutions et de l'exercice des pouvoirs et permettant l'alternance. Se prononçant contre un changement de régime, il a regretté que le quinquennat, premier pas vers un régime présidentiel, puisse être suivi d'un second pas plus accentué, celui de l'inversion du calendrier électoral. Il a rappelé que le régime présidentiel, qui ne fonctionnait que dans un seul pays, les Etats-Unis, y était conforté par deux siècles de traditions, mais manquait totalement de souplesse et n'empêchait pas la cohabitation.

Estimant souhaitable d'éviter les périodes de cohabitation conflictuelles entre le président de la République et le Premier ministre, M. Pierre Pactet a indiqué que le septennat, assorti de l'interdiction de la réélection immédiate du président de la République, aurait été préférable au quinquennat.

Il a de plus regretté le " pointillisme constitutionnel " consistant à réviser la Constitution par réformes successives, au détriment d'une vision d'ensemble des institutions, aboutissant à insérer des dispositions contradictoires dans le texte constitutionnel.

En conclusion, il a noté qu'il n'était pas cohérent de modifier le calendrier électoral sans agir sur le droit de dissolution ni tenir compte du décès éventuel du président de la République. Il s'est ensuite prononcé contre l'inversion du calendrier électoral, jugeant choquant de chercher à influencer le résultat des urnes en agissant sur la date des élections.

Mercredi 10 janvier 2001

- Présidence de M. Pierre Fauchon, vice-président.

Nomination d'un rapporteur

La commission a tout d'abord nommé M. Christian Bonnet rapporteur sur la proposition de loi organique n° 166 (2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.

Environnement - Pollution par les navires - Examen des amendements

La commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Lucien Lanier, les amendements à la proposition de loi n° 415 (1999-2000) adoptée par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 83-583 du 5 juillet 1983, réprimant la pollution par les navires.

A l'article 5 (compétence juridictionnelle), la commission a émis un avis défavorable aux amendements n°s 7 et 8 présentés par Mme Anne Heinis tendant respectivement à instituer une juridiction spécialisée, s'agissant des rejets d'hydrocarbures intervenus en haute mer ainsi que dans la zone économique exclusive, à Cherbourg et à Nantes en lieu et place de Paris.

La commission a ensuite émis un avis défavorable aux amendements du même auteur, tendant à insérer des articles additionnels après l'article 5 :

- l'amendement n° 9 tendant à interdire de navigation dans les eaux territoriales et dans la zone économique exclusive française les capitaines de navires ayant déballasté, au motif que le véritable responsable, c'est-à-dire l'armateur, n'était pas concerné par cette mesure ;

- l'amendement n° 10 visant à permettre la poursuite, après l'accord de l'Etat du pavillon, et en dehors de la limite des eaux territoriales ou, lorsqu'elle existe, de la zone économique exclusive, des capitaines de navires ayant déballasté, au motif qu'une telle disposition nécessitait la conclusion de conventions bilatérales ;

- l'amendement n° 11 tendant à créer une infraction de déversement de déchets ou résidus autres que d'hydrocarbures au motif qu'une telle infraction était déjà prévue à l'annexe V de la Convention MARPOL, et réprimée par l'article L. 218-18 du code de l'environnement.

La commission a ensuite adopté deux amendements du rapporteur tendant à insérer des articles additionnels après l'article 5 :

- le premier modifiant l'article L. 218-30 du code de l'environnement, pour prévoir que l'immobilisation du navire est faite aux frais de l'armateur ;

- le second étendant les hypothèses de mise en cause de la responsabilité pénale des personnes morales prévues à l'article L. 218-25 du code de l'environnement.

Enfant - Adoption internationale - Examen des amendements

Puis la commission a examiné, sur le rapport de M. Nicolas About, les amendements à la proposition de loi n° 287 (1999-2000) adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'adoption internationale.

A l'article premier (effets des décisions d'adoption prononcées à l'étranger et loi applicable au prononcé de l'adoption en France), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 6, présenté par Mme Nicole Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à appliquer aux conditions de l'adoption la loi de l'Etat de résidence de l'adoptant au lieu de sa loi nationale.

Mme Nicole Borvo a précisé que l'amendement visait à éviter d'opérer, s'agissant de la loi applicable, une distinction entre les conditions et les effets de l'adoption.

M. Guy Allouche s'est déclaré favorable à l'amendement estimant que, dans l'intérêt de l'enfant, il ne convenait pas d'interdire l'adoption à des personnes résidant en France, y compris dans le cas où leur statut personnel prohibe l'adoption.

M. Nicolas About, rapporteur, a fait ressortir que l'application de la loi nationale de l'adoptant était plus protectrice de l'enfant car elle permettait d'éviter le prononcé d'une adoption susceptible de ne pas être reconnue dans le pays d'origine de l'adoptant dans le cas où ce dernier déciderait d'y retourner. Il a rappelé que cette solution était d'ailleurs conforme à la jurisprudence constante de la Cour de cassation. Il a souligné, en tout état de cause, que des personnes dont le statut personnel prohibe l'adoption et désirant rester en France pouvaient lever l'interdiction d'adoption en demandant leur naturalisation.

Après l'article premier, la commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 7, présenté par les mêmes auteurs, tendant à accorder de manière automatique la nationalité française aux pupilles de l'Etat qui ne la posséderaient pas.

M. Nicolas About, rapporteur, a admis qu'il était logique d'accorder la nationalité française à des enfants dont l'éducation est placée sous la responsabilité de l'Etat français et de gommer ainsi l'inégalité existant entre les pupilles dont la filiation est inconnue, qui sont Français en application de l'article 19 du code civil, et les autres pupilles, qui peuvent acquérir la nationalité française par déclaration en application de l'article 21-12 du code civil. Il s'est cependant demandé s'il était opportun de prévoir un cas supplémentaire d'acquisition automatique de la nationalité française pour gagner quelques mois. En réponse à une interrogation de M. Patrice Gélard, il a indiqué que l'amendement ne semblait pas s'appliquer aux admissions provisoires comme pupilles de l'Etat prévues à l'article L. 224-6 du code de l'action sociale et des familles.

A l'article 3 (Conseil supérieur de l'adoption), la commission a constaté que l'amendement n° 8 des mêmes auteurs, tendant à inclure des représentants des associations de personnes adoptées dans la composition du Conseil supérieur de l'adoption, était satisfait par son propre amendement n° 4.

Elections - Statut de l'élu - Examen du rapport

La commission a enfin procédé, sur le rapport de M. Jean-Paul Delevoye, à l'examen des propositions de loi : n° 59 rectifié (2000-2001) de M. Alain Vasselle et plusieurs de ses collègues, relative au statut de l'élu ; n° 98 (2000-2001) de M. Jean Arthuis et les membres du groupe de l'Union centriste, visant à créer une indemnité de retour à l'emploi pour les élus locaux ; n° 398 (1999-2000) de M. Jacques Legendre et plusieurs de ses collègues, tendant à assurer le maintien de la proportionnalité des indemnités de tous les élus municipaux ; n° 443 (1999-2000) de M. Serge Mathieu, tendant à la prise en compte, pour l'honorariat des maires, maires délégués et maires adjoints, des mandats accomplis dans différentes communes,  et n° 454 (1999-2000) de M. Jean-Claude Carle et plusieurs de ses collègues, tendant à revaloriser les indemnités des adjoints au maire, des conseillers municipaux, des présidents et vice-présidents d'un établissement public de coopération intercommunale.

M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a exposé qu'il ne lui semblait pas souhaitable de retenir la proposition de la Commission pour l'avenir de la décentralisation, présidée par M. Pierre Mauroy, de créer pour l'élu local un statut d'agent civique territorial, qui lui paraissait de nature à créer une confusion entre les collectivités territoriales et des entités administratives, considérant que ces collectivités devaient conserver leur caractère politique.

Il a considéré qu'il ne convenait pas d'élaborer un " statut de l'élu " susceptible d'être perçu comme comportant des privilèges pour les titulaires de mandat, mais plutôt de permettre un meilleur fonctionnement de la démocratie locale par une participation plus équilibrée des diverses catégories socioprofessionnelles.

M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a exposé que les difficultés pour concilier les mandats électoraux avec la vie professionnelle et la vie privée devaient être analysées dans le contexte du renforcement de la décentralisation et, plus récemment, de la mise en oeuvre de la parité pour l'accès aux mandats et fonctions.

Evoquant tout d'abord la formation des élus locaux, il a considéré que la préparation à l'exercice d'un mandat appartenait pour l'essentiel aux partis politiques.

M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a ensuite exposé que l'Association des maires de France proposait une obligation d'utiliser les crédits de formation prévus par le code général des collectivités territoriales et que la proposition de loi de M. Alain Vasselle prévoyait une formation initiale des nouveaux élus dans les six premiers mois de leur mandat.

Remarquant que les crédits de formation n'étaient généralement pas utilisés dans leur totalité, il a observé que figuraient souvent, en dehors de l'enveloppe budgétaire de formation, des dépenses qui n'étaient pourtant pas sans lien avec celle-ci, évoquant par exemple la visite d'une usine d'incinération.

M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a considéré que l'élu, sans avoir une compétence de même nature que celle des fonctionnaires territoriaux, devait disposer d'une formation à même de sécuriser ses décisions.

Il a marqué sa préférence pour laisser, dans ce domaine comme dans les autres, un maximum de liberté d'appréciation aux collectivités territoriales et donc pour ne pas instituer une obligation de formation initiale et pour ne pas prévoir une contrainte d'utilisation de la totalité des crédits.

M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a estimé en revanche souhaitable d'annexer au compte administratif de la commune un compte rendu d'utilisation de ces crédits de formation, afin de favoriser un débat sur la question au sein des assemblées délibérantes concernées.

Evoquant ensuite les indemnités de fonction, accordées aux élus locaux, il a rappelé que leur nature juridique n'était pas établie par la loi et que, de ce fait, il y avait de nombreux contentieux portant sur la question de savoir si ces indemnités constituaient un traitement et sur les conséquences à en tirer quant aux droits sociaux des élus.

M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a souligné que de trop nombreux élus renonçaient volontairement à tout ou partie des indemnités de fonction dans l'unique but de limiter les charges de leur collectivité et que, en sens inverse, certains élus éprouvaient des difficultés pour obtenir une indemnité d'un montant correspondant aux responsabilités qu'ils exerçaient effectivement.

Réaffirmant son souci de préserver la liberté de décision des collectivités, M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a suggéré que les indemnités de fonction soient fixées au montant maximal prévu par la loi, sauf délibération expresse de la collectivité fixant un montant inférieur à ce plafond.

Il a observé que les dispositions en vigueur du code général des collectivités territoriales autorisant une majoration de certaines indemnités de fonction à la condition de compenser ces majorations par la minoration des indemnités d'autres élus, selon les responsabilités effectives exercées par les uns et les autres, étaient encore méconnues ou insuffisamment mises en oeuvre.

M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a considéré souhaitable de majorer les indemnités de fonction des maires adjoints et des responsables des structures intercommunales dans les proportions consenties aux seuls maires par la loi du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités. Il a aussi souhaité aligner les indemnités versées aux présidents des conseils généraux et régionaux sur celles attribuées aux maires des communes de plus de 100.000 habitants.

M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a indiqué qu'il proposait aussi à la commission diverses mesures destinées à améliorer la protection sociale des élus ayant cessé d'exercer leur profession et de ceux dont les droits sociaux se trouvaient réduits du fait de l'utilisation de crédits d'heures.

Il a ajouté qu'il proposait aussi des mesures destinées à prendre en compte certains frais engagés par les élus dans la perspective exclusive de l'exercice de leur mandat, citant en particulier les dépenses de garde d'enfants ou de personnes malades et qu'il suggérait, enfin, l'institution d'une indemnité de fin de mandat destinée à faciliter la réinsertion professionnelle des anciens élus.

En réponse à M. Charles Jolibois, M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a précisé que les indemnités de fin de mandat ne concerneraient pas les élus percevant une pension de retraite. Il a ajouté que le principe de libre administration des collectivités territoriales lui paraissait justifier un financement, pour l'essentiel par les collectivités territoriales, des mesures proposées.

Il a considéré que l'éventualité de création d'un fonds pour mutualiser le financement de l'indemnité de fin de mandat, proposé par M. Jean Arthuis, méritait réflexion.

En réponse à M. Charles Jolibois concernant les difficultés rencontrées par certaines petites communes pour financer les indemnités de fonction, M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a fait valoir que le développement de l'intercommunalité pouvait conduire, dans ces communes, soit à réduire le nombre des maires adjoints, soit à un ajustement en conséquence des indemnités de fonction qui leur sont versées.

Il a exprimé ses réserves quant à l'extension éventuelle du champ des communes éligibles à la " dotation élus locaux ", actuellement réservée à certaines communes de moins de 1.000 habitants, afin de préserver l'autonomie des finances locales, estimant que, le cas échéant, les structures intercommunales pourraient permettre une mutualisation des moyens.

En réponse à M. Jean-Pierre Schosteck, qui s'interrogeait sur l'opportunité de prévoir un mécanisme de reversement aux collectivités territoriales des impôts d'Etat sur les indemnités de fonction perçues par les élus, M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a indiqué que, si le débat sur cette question pouvait en effet être ouvert, il ne lui paraissait pas souhaitable de le faire dans le cadre de l'examen des présents textes.

Il a ajouté que les auditions auxquelles il avait procédé l'avaient conduit à s'interroger sur d'autres questions dignes d'intérêt pour lesquelles il n'avait cependant pas fait de proposition particulière dans le cadre de la présente procédure, citant en exemples la question du nombre maximum de membres de cabinet de maire, du contrôle du patrimoine des élus locaux ou celle du logement et du véhicule de fonction des chefs d'exécutif.

La commission a ensuite procédé à l'examen des propositions du rapporteur concernant le texte de la proposition de loi qu'elle a intitulée " proposition de loi relative à la démocratie locale ".

La commission a décidé de porter de 6 à 18 le nombre de jours de formation auxquels les élus locaux ont droit au cours de leur mandat et d'imposer la récapitulation des actions engagées par les collectivités territoriales au titre de la formation dans un tableau annexé à leur compte administratif (articles premier à 3).

Elle a décidé, en revanche, de maintenir le principe d'un plafond de dépenses et de ne pas rendre obligatoire l'utilisation de la totalité des crédits autorisés par la loi.

La commission, reprenant des dispositions déjà adoptées par le Sénat lors de l'examen de la loi du 5 avril 2000 relatives aux incompatibilités mais refusées ensuite par l'Assemblée nationale, a décidé que les indemnités de fonction ne revêtaient pas le caractère d'une rémunération et ne seraient pas prises en compte pour l'attribution des prestations sociales de toutes natures. Elle a aussi décidé que ces indemnités ne seraient pas assujetties aux cotisations de sécurité sociale, à l'exception de celles prévues par le code général des collectivités territoriales pour la protection sociale des élus, mais seraient néanmoins soumises à la contribution sociale généralisée (article 4).

La commission a ensuite décidé que les indemnités de fonction des élus seraient fixées à leur montant maximal prévu par la loi sauf dans le cas où l'assemblée délibérante prendrait la décision de réduire ce montant ou si l'élu était soumis aux dispositions concernant le plafonnement des indemnités de fonction en cas d'exercice simultané de plusieurs mandats. Elle a aussi décidé que toute délibération concernant les indemnités d'un ou plusieurs élus serait accompagnée d'un tableau annexe récapitulant l'ensemble des indemnités allouées aux membres de l'assemblée concernée (article 5).

La commission a retenu le principe selon lequel les dépenses de toutes natures exposées par un élu dans le but exclusif de lui permettre de remplir des mandats spéciaux, formule susceptible de s'appliquer aux dépenses de caractère personnel mais rendues impérativement nécessaires pour l'exercice des fonctions, comme par exemple, la garde d'un enfant ou d'une personne malade, pourraient être remboursées.

Elle a également décidé que des indemnités pour frais de représentation pourraient être accordées au président du conseil général et au président du conseil régional dans les mêmes conditions que pour les maires (article 6).

La commission a majoré les indemnités de fonction des maires adjoints et des responsables de structures intercommunales dans les mêmes proportions que l'indemnité de maire l'avait été par la loi du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités. Elle a aussi porté les indemnités de fonction des présidents de conseil général et régional au montant de celles prévues pour les maires des communes d'au moins 100.000 habitants (article 7).

La commission a décidé que les collectivités pourraient aussi rembourser les dépenses de toutes natures engagées par les élus ne percevant pas d'indemnités de fonction, dans le but exclusif de participer aux réunions liées à l'exercice de leur mandat, comme, par exemple, les frais de garde.

Elle a également prévu que les pertes de revenus résultant de l'assistance à des réunions, soit sur convocation du préfet soit à la demande d'une autre collectivité, pourraient aussi être compensées par l'Etat ou la collectivité ayant sollicité sa participation, selon les cas (article 8).

La commission a ensuite majoré le barème des crédits d'heures pour permettre aux élus d'accomplir leur mandat, M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, soulignant que les élus garderaient la faculté d'utiliser ou de ne pas utiliser ces crédits (articles 9 à 11).

La commission a étendu à tous les maires adjoints, à tous les membres d'un conseil général ou d'un conseil régional et aux présidents et vice-présidents des établissements publics de coopération intercommunale le régime de suspension du contrat de travail après que M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, eut souligné que l'intérêt principal de ce régime reposait sur la couverture sociale qu'il apportait aux élus concernés et que M. Nicolas About eut fait valoir que les élus exerçant une profession non salariée avaient un régime de protection plus coûteux (articles 12 à 15).

La commission a ensuite décidé que les élus ayant suspendu leur contrat de travail pour exercer leur mandat, déjà bénéficiaires des prestations en nature des assurances maladie, maternité et invalidité, pourraient également percevoir les prestations en espèces des mêmes assurances dans le cas où leur maladie, leur maternité ou leur invalidité ferait momentanément obstacle à l'exercice de leur mandat et si, de ce fait, ils ne percevaient plus d'indemnité de fonction depuis au moins trois mois (articles 16 à 18).

La commission a prévu que le temps accordé par l'employeur à l'élu local pour participer aux réunions de sa collectivité ou les crédits d'heures utilisés par l'élu seraient assimilés à des périodes travaillées pour l'ouverture des droits à l'assurance maladie et à l'assurance vieillesse et que les cotisations afférentes, à la charge des collectivités et des élus, seraient calculées sur la base des rémunérations que ces derniers auraient perçues pendant leur absence (articles 19 et 20).

M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a ensuite exposé qu'il proposait la création d'une indemnité d'aide à la réinsertion professionnelle à l'issue du mandat, d'une durée maximale de six mois, afin de compenser la différence entre, d'une part, les indemnités de fonction perçues par l'élu avant le terme de son mandat et, d'autre part, les revenus professionnels moins élevés ou les prestations d'assurance chômage qu'il percevrait après l'expiration de son mandat. En réponse à M. Jean-Paul Amoudry, M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a marqué son intérêt pour la proposition de loi présentée par M. Jean Arthuis prévoyant la création d'un fond alimenté par les élus locaux afin de mutualiser les charges subies en conséquence par les collectivités territoriales, s'interrogeant toutefois sur l'opportunité de la création d'une structure nouvelle.

Il a proposé que le financement de cette indemnité serait assuré par les collectivités concernées dans les conditions fixées par un décret, M. Patrice Gélard craignant une parution assez tardive d'un tel décret.

Après que M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, eut reconnu que la question de la création éventuelle d'un fonds afin de mutualiser les charges méritait réflexion, et que le débat pourrait être repris à l'occasion de l'examen des amendements extérieurs, la commission a approuvé les propositions du rapporteur concernant la création de cette indemnité d'aide à la réinsertion professionnelle des élus (article 21).

Enfin, la commission a retenu la disposition contenue dans la proposition de loi de M. Serge Mathieu afin de permettre l'attribution de l'honorariat aux maires ayant exercé leur fonction pendant dix-huit ans dans une ou plusieurs communes, au lieu d'une seule commune (article 22).

M. Patrice Gélard a toutefois suggéré qu'il serait opportun d'accorder l'honorariat à l'issue d'un seul mandat local.

M. Jean-Pierre Bel, tout en convenant de la pertinence de nombreuses dispositions proposées, a considéré que la procédure choisie pour cette proposition de loi n'était pas satisfaisante, cette question lui paraissant devoir être traitée dans le cadre d'un texte plus large portant sur la décentralisation. Rappelant que le Gouvernement préparait un projet de loi pour donner suite aux principales propositions du rapport de la Commission pour l'avenir de la décentralisation présidée par M. Pierre Mauroy, il a indiqué que son groupe ne participerait pas au vote sur cette proposition de loi.

M. Pierre Jarlier a souligné qu'un candidat ou un élu ne disposait pas d'un service de conseil public ou privé suffisamment fiable pour répondre aux questions qu'il pouvait se poser concernant les règles très complexes relatives aux incompatibilités et aux inéligibilités prévues par le code électoral.

Après avoir relevé que, en tout état de cause, l'organisation du conseil aux candidats et aux élus n'avait pas à figurer dans le texte de loi, M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a convenu que l'avis du ministère de l'intérieur ou des préfectures n'était pas de nature à apporter une sécurité juridique aux candidats, toute réponse certaine dans ce domaine relevant de l'appréciation souveraine des tribunaux.

M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur, a souligné que les élus ou les candidats ne devaient pas se soumettre à un contrôle a priori de l'Etat et a observé que de nombreux élus s'adressaient, pour le traitement des questions d'éligibilité ou d'incompatibilité, à des sociétés de conseil. M. Pierre Jarlier a fait observer que les réponses formulées par ces dernières n'étaient pas nécessairement plus fiables.

M. Maurice Ulrich a souligné que les associations d'élus pouvaient également remplir une fonction de conseil.

M. Robert Bret a indiqué que son groupe ne voterait pas le texte proposé par la commission pour la proposition de loi, en raison des réserves qu'il faisait sur son caractère incomplet et sur son examen précipité.

La commission a adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi rédigée.