Table des matières


- Présidence de M. Jacques Larché, président.

Outre-mer - Mayotte - Examen des amendements

La commission a tout d'abord procédé à l'examen des amendements au projet de loi n° 262 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à Mayotte.

A l'article 5 (dispositions communes aux communes et à la collectivité départementale), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 1 présenté par le Gouvernement visant à subordonner l'éligibilité des communes et de la collectivité départementale au FCTVA à l'application de la TVA.

A l'article 5 (dispositions communes aux communes et à la collectivité départementale), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 2 de coordination présenté par le Gouvernement.

A l'article additionnel après l'article 46 bis (situation des enfants décédés avant la déclaration de leur naissance à l'état civil), la commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 3 présenté par le Gouvernement.

A l'article additionnel après l'article 46 bis (mise à disposition d'agents de la collectivité départementale aux fins d'exercer les fonctions d'officier d'état civil), la commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 4 présenté par le Gouvernement.

Droit civil - Successions - Droits du conjoint survivant - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Nicolas About, sur les propositions de loi n° 224 (2001-2001), adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux droits du conjoint survivant et n° 211 (2000-2001) visant à améliorer les droits et les conditions d'existence des conjoints survivants et à instaurer dans le code civil une égalité successorale entre enfants légitimes et les enfants naturels et adultérins.

Elle a tout d'abord entendu le rapport de M. Philippe Nachbar au nom de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

M. Philippe Nachbar, après avoir rappelé que la situation successorale des 3.200.000 veuves et des 700.000 veufs reflétait le déséquilibre existant dans notre droit entre le mariage et le lignage résultant de la volonté de favoriser le maintien de la propriété des biens dans la famille, le conjoint survivant ne recueillant en général qu'un usufruit limité et n'étant pas réservataire, a observé que 78 % des conjoints prenaient des dispositions à cause de mort à travers des libéralités, un testament ou le régime matrimonial, mais que la succession des 20 % de personnes restantes posait fréquemment de graves problèmes humains, financiers et sociaux.

Il a considéré que cette situation ne reflétait plus l'état de la famille, ni dans sa structure de plus en plus recomposée, ni dans son patrimoine constitué principalement de biens acquis pendant le mariage et non plus de biens provenant de la famille. Il a indiqué qu'il convenait d'inscrire la réflexion sur le droit des conjoints survivants dans une réflexion plus générale sur les liens entre l'usufruit et la pleine propriété et sur le maintien de la réserve.

M. Philippe Nachbar a ensuite fait part à la commission des trois recommandations émises par la délégation.

Il a en premier lieu indiqué qu'il était indispensable d'améliorer l'information des couples sur le droit de la famille et en particulier sur les droits du conjoint survivant, marquant toutefois sa préférence pour une délivrance de cette information en amont du mariage au moment où les futurs époux entreprennent leurs démarches en mairie, plutôt qu'en annexe au livret de famille comme l'avait prévu l'Assemblée nationale. Il a ajouté qu'il serait en outre souhaitable qu'une information écrite systématique sur la transmission des patrimoines accompagne les achats immobiliers.

Il a en second lieu souligné que les droits accordés ne valant que s'ils étaient garantis, le législateur ne pouvait faire abstraction du débat sur l'attribution d'une part réservataire au conjoint survivant. Il a cependant considéré qu'une telle attribution à laquelle avaient déjà procédé de nombreux pays européens était difficile à envisager dans le cadre de notre droit actuel, et qu'il conviendrait d'étudier la question dans le cadre d'une réforme globale du droit des successions et des libéralités. Il a souhaité à cet égard qu'une telle réforme soit mise à profit pour revoir la théorie désuète des co-mourants contraire au principe de l'égalité des sexes.

M. Philippe Nachbar a enfin insisté sur l'importance des dispositions du texte permettant le maintien du conjoint survivant dans son cadre de vie, souhaitant à cet égard que soit écartée la possibilité pour le défunt de s'opposer de son vivant à l'exercice par le conjoint de son droit d'habitation et d'usage.

M. Jacques Larché, président, soulignant l'apport réel des travaux de la délégation, s'est félicité de ce que la commission des lois ait largement contribué, lors de l'examen de la proposition de loi instituant cet organe, à apporter des modifications ayant permis d'assurer son efficacité.

M. Nicolas About, rapporteur, a observé qu'il existait un consensus général sur la nécessité d'accroître les droits du conjoint survivant dans la dévolution successorale légale, mais que les modalités de cet accroissement faisaient l'objet de débats.

Rappelant que le profil actuel moyen du conjoint survivant était celui d'une femme âgée (84 % des conjoints survivants étant des femmes et 87 % étant âgés de plus de 60 ans, 1.490 veuves de moins de 20 ans ayant cependant été dénombrées en 1999), il a indiqué que ce conjoint ne recevait, en l'absence de testament ou de donation, qu'une dotation limitée en usufruit mais que sa situation pouvait être améliorée par des dispositions à cause de mort ou, au contraire, aggravée dans la mesure où il n'était pas réservataire. Il a noté que si 80 % des époux prenaient des dispositions spécifiques, il convenait d'améliorer le régime des 20 % restants, l'évolution de la société conduisant à souhaiter un rééquilibrage de la place du conjoint par rapport à celle de la famille.

M. Nicolas About, rapporteur, a souligné la diversité des situations familiales, résultant notamment de la multiplication des familles recomposées, un quart des mariages en 1996 ayant impliqué un époux divorcé et un douzième, deux époux divorcés. Il a considéré que cette diversité rendait difficile l'adoption d'une solution uniforme. Il a noté que les situations pouvaient en outre être rendues difficiles par la présence d'un conjoint survivant de la même génération, voire moins âgé, que les enfants d'un premier mariage.

Après avoir rappelé que depuis 15 ans, s'étaient succédé des projets de loi et des rapports officiels proposant tous des solutions différentes, il a considéré qu'il revenait au législateur de trancher enfin les questions débattues, à savoir, doter le conjoint en usufruit ou en propriété, lui accorder une réserve ou pas et le faire bénéficier de droits minimaux au maintien de ses conditions d'existence antérieures.

S'agissant des enfants adultérins, M. Nicolas About, rapporteur, a approuvé la suppression de la limitation de leurs droits successivement prévue par le code civil actuellement, après avoir rappelé que la condamnation de la France par la Cour européenne de justice le 1er février 2000 rendait indispensable la suppression des limitations actuelles de leurs droits successoraux prévues par le code civil.

Décrivant le contenu de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, il a précisé qu'elle accroissait les droits du conjoint dans plusieurs directions en l'élevant au deuxième rang des successibles, en lui accordant dans tous les cas des droits en propriété, à savoir, un quart de la succession en pleine propriété en présence d'enfants et la moitié en présence des père et mère du défunt, en lui accordant un droit d'usage et d'habitation viager sur le logement dépendant de la succession qui lui servait de résidence principale à l'époque du décès, en créant en sa faveur une réserve sur un quart des biens en l'absence de descendants ou d'ascendants, en prévoyant la prise en charge par la succession de son logement pendant un an après le décès et en instituant à son bénéfice un véritable devoir de secours.

Il a précisé que l'Assemblée nationale avait prévu en outre qu'une information sur le droit de la famille, notamment sur les droits du conjoint survivant, serait annexée au livret de famille délivré par l'officier d'état civil lors du mariage.

S'agissant des enfants adultérins, M. Nicolas About, rapporteur, a indiqué que l'Assemblée nationale avait abrogé l'ensemble des dispositions visant ces enfants dans le code civil, alignant de ce fait leurs droits successoraux sur ceux de l'ensemble des enfants naturels.

M. Nicolas About, rapporteur, a proposé à la commission de modifier le texte adopté par l'Assemblée nationale en s'appuyant sur trois principes : l'établissement d'un équilibre entre le conjoint et la famille par le sang, la préservation de la liberté testamentaire du défunt sous réserve de la garantie de droits minimaux au conjoint et la prise en compte de la diversité des situations familiales, notamment en cas de présence d'enfants d'un premier lit.

M. Nicolas About, rapporteur, a considéré en premier lieu que les droits du conjoint ne devraient porter que sur les biens existants au décès, estimant que, dans l'optique de préserver les conditions de vie du conjoint, il ne convenait pas de remettre en cause, à son bénéfice, des donations antérieures pouvant avoir été faites, notamment aux enfants, y compris aux enfants d'un premier lit.

Considérant ensuite que l'usufruit était le meilleur moyen d'assurer au conjoint un maintien de ses conditions d'existence antérieures au décès, mais conscient des difficultés qu'il pouvait entraîner en présence d'enfants d'un premier lit, il a proposé, en présence de descendants, de compléter le quart des biens en propriété dont l'Assemblée nationale avait doté le conjoint par un usufruit portant sur la part des seuls enfants communs avec le défunt, tout en donnant la possibilité au conjoint d'abandonner à ses enfants la nue-propriété du quart des biens.

Il a considéré que cette solution ne portait pas atteinte à l'égalité des filiations, mais prenait en compte la situation différente où se trouvaient les enfants d'un premier lit et les propres enfants du conjoint, ces derniers ayant seuls vocation à hériter in fine du quart en propriété échappant a priori définitivement aux enfants non communs. Il a en outre jugé utile d'organiser la conversion de l'usufruit du conjoint en rente viagère ou en capital tout en rendant impossible la conversion de l'usufruit portant sur la résidence principale du conjoint sans l'accord de ce dernier.

En l'absence de descendants, M. Nicolas About, rapporteur, a insisté pour que demeure un équilibre entre les droits de la famille par le sang et ceux du conjoint, estimant que la dévolution légale ne devait pas exclure l'un en faveur de l'autre. Il a donc préconisé un partage par moitié de la succession entre le conjoint et la famille par le sang, proposant que la part accordée par l'Assemblée nationale aux père et mère du défunt revienne, s'ils sont décédés, à ses frères et soeurs ou aux grands-parents, et non au conjoint, sachant qu'il serait possible à chacun de prendre des dispositions testamentaires différentes, selon sa situation familiale, s'il souhaitait avantager l'un ou l'autre.

De manière à préserver la liberté testamentaire du défunt, il a proposé de supprimer la réserve créée par l'Assemblée nationale au bénéfice du conjoint en l'absence de descendants et d'ascendants.

M. Nicolas About, rapporteur, a cependant estimé que le droit d'habitation institué par la proposition de loi devrait être un droit minimal intangible dont le défunt ne pourrait priver son conjoint. Il a toutefois considéré qu'il fallait permettre au défunt d'aménager l'exercice de ce droit dans un autre logement que celui servant de résidence principale au conjoint à l'époque du décès. Il a souhaité, en outre, dans le cas où la valeur de ce droit excéderait le montant des droits successoraux du conjoint, que celui-ci soit tenu de récompenser la succession si le logement par son importance dépassait de manière manifestement excessive ses besoins effectifs. Il a enfin préconisé un assouplissement des conditions posées par l'Assemblée nationale permettant au conjoint de donner le logement à bail, estimant qu'il ne convenait pas de réserver cette possibilité au seul cas où ce dernier viendrait à être hébergé dans un établissement spécialisé.

S'agissant du devoir de secours institué par l'Assemblée nationale, il a préféré subordonner le versement d'une pension alimentaire aux besoins de l'époux plutôt qu'à un amoindrissement, fût-il grave, de ses conditions d'existence. Il a proposé en outre, dans le cas où les héritiers auraient accordé des subsides au conjoint après le décès, de faire partir le délai dans lequel les aliments pourraient être demandés à la date où ils auraient cessé d'acquitter les prestations.

Sur le deuxième volet de la proposition de loi concernant les enfants adultérins, M. Nicolas About, rapporteur, a souhaité le compléter par une disposition étendant l'action en retranchement aux enfants naturels, de façon à aligner totalement le statut successoral de ces enfants naturels sur celui des enfants légitimes.

M. Nicolas About, rapporteur, a enfin constaté qu'une refonte générale du droit des successions résultant des travaux d'un groupe de travail animé par le Doyen Carbonnier et le professeur Catala avait fait l'objet, en 1988 et en 1995, de deux projets de loi présentés à l'Assemblée nationale par deux gouvernements issus de majorités différentes, sans avoir jamais été inscrits à l'ordre du jour du Parlement.

Il a estimé qu'il n'y avait aucune raison de retarder la mise en oeuvre de cette réforme consensuelle, attendue par les professionnels, techniquement étudiée de longue date et de nature à régler de nombreuses difficultés rencontrées actuellement dans le cours des règlements successoraux. Considérant que la présente proposition présentait un vecteur adapté pour cette refonte, il a proposé à la commission d'inclure la réforme relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins dans une refonte générale du droit des successions. Il a craint, à défaut, que cette réforme essentiellement procédurale ne voie jamais le jour, le Gouvernement donnant la priorité à des textes plus politiques.

M. Jacques Larché, président, après avoir souligné la complexité d'un débat juridique traduisant des évolutions sociologiques, a regretté que l'examen des dispositions relatives aux droits du conjoint survivant résulte d'une proposition de loi, et non d'un projet de loi, qui aurait été soumis à l'avis du Conseil d'Etat.

M. Patrice Gélard a fait ressortir la situation dramatique où se trouvaient certains conjoints survivants n'ayant pas pris de dispositions de dernière volonté, situation d'autant plus grave quand les biens propres du défunt étaient importants par rapport aux biens communs. Il a insisté sur l'attachement demeurant, dans sa région, au maintien du patrimoine au sein de la famille. Soulignant que les règles actuelles applicables en matière de donation au dernier vivant entre époux donnaient toute satisfaction, il a souhaité qu'elles puissent être généralisées à l'ensemble des cas de succession ab intestat.

En réponse, M. Nicolas About, rapporteur, a indiqué qu'en présence d'enfants communs, la solution qu'il proposait aboutirait à un résultat identique à celui obtenu par une donation au dernier vivant.

M. Robert Badinter, après avoir regretté que les dispositions relatives aux droits du conjoint survivant n'aient pas fait l'objet d'un projet de loi, a considéré qu'il ne serait pas de bonne méthode de procéder à une réforme générale du droit des successions sans étude préalable et au détour de l'examen d'une proposition de loi dont l'objet était limité. S'agissant de la question des droits du conjoint survivant, il a souligné que les évolutions sociales, en particulier la multiplication des divorces ainsi que l'accroissement de l'espérance de vie, conduisaient à avoir aujourd'hui une approche différente de celle d'hier, concernant notamment la possibilité d'accorder au conjoint une dotation en usufruit.

En réponse, M. Nicolas About, rapporteur, a insisté sur le caractère essentiellement procédural de la réforme globale des successions proposée. Il a souligné que, contrairement aux dispositions relatives aux droits du conjoint survivant, les mesures procédant à la refonte du droit des successions étaient très consensuelles et que s'il revenait au législateur de trancher les questions faisant l'objet de débats, il ne devait pas pour autant laisser de côté celles sur lesquelles se dégageait un consensus. Il a précisé qu'il ne s'agissait pas d'aborder le droit des libéralités, ni le droit fiscal, mais de procéder à des aménagements techniques permettant de clarifier le droit, de le moderniser, notamment en supprimant la théorie des co-mourants, et d'accélérer le cours des successions.

M. Jacques Larché, président, évoquant les récentes initiatives parlementaires, et notamment du Sénat, en matière de droit de la famille, a constaté que l'inaction du Gouvernement conduisait à persévérer dans cette voie.

M. Jean-Jacques Hyest s'est déclaré réservé sur le fait d'improviser une réforme des successions, déclarant qu'il lui était personnellement difficile de se prononcer sur un titre entier du code civil sans avoir été en mesure de procéder à une étude approfondie. S'agissant de la proposition adoptée par l'Assemblée nationale, il a considéré que les évolutions sociales exigeaient un accroissement des droits du conjoint survivant et il s'est déclaré favorable aux dispositions relatives aux enfants adultérins. Il a estimé qu'il convenait de favoriser les transmissions anticipées du patrimoine à travers les donations. S'agissant des propositions du rapporteur, il a considéré qu'elles désavantageaient les enfants communs par rapport aux enfants d'un premier lit en les privant de la jouissance des biens du vivant du conjoint.

En réponse, M. Nicolas About, rapporteur, a souligné que la proposition de loi ferait l'objet d'une deuxième lecture et éventuellement d'une commission mixte paritaire qui permettraient d'apporter d'éventuels correctifs à la réforme proposée. Il a considéré en outre qu'il n'était pas illogique d'accorder au conjoint un usufruit sur les biens revenant à ses propres enfants.

M. Lucien Lanier, tout en estimant qu'il aurait été préférable de délibérer sur une réforme du droit des successions à partir d'un projet de loi, a considéré qu'en incluant celle-ci dans la proposition de loi en discussion, le Sénat jouerait le rôle d'incitation qui lui revenait à l'égard du Gouvernement. Il a par ailleurs souligné que le barème d'évaluation de l'usufruit à partir duquel était calculé le droit d'usage et d'habitation reconnu au conjoint par l'Assemblée nationale était sous-évalué car ne tenant pas compte de l'espérance de vie actuelle des usufruitiers.

Mme Nicole Borvo a craint que l'inclusion de la réforme des successions dans la proposition de loi ne retarde l'adoption de dispositions attendues sur les droits du conjoint survivant. Elle a rappelé que les personnes possédant des biens réglaient généralement leur succession avant leur décès. Elle s'est prononcée pour le respect d'une égalité absolue des enfants du défunt entre eux, qu'ils soient communs ou non avec le conjoint survivant. Elle s'est, en conséquence déclarée favorable à l'attribution au conjoint survivant de la totalité des biens en usufruit.

En réponse, M. Nicolas About, rapporteur, a considéré qu'il ne serait pas cohérent de traiter douze articles du livre du code civil donnant lieu à débat et d'ignorer ce qui était consensuel. Il a estimé que le législateur devait, d'une part, trancher les questions débattues et, d'autre part, acter l'accord existant sur les autres. Il a jugé que l'usufruit n'était pas une bonne solution en présence d'enfants du premier lit, estimant qu'il était préférable de ne pas imposer le maintien des liens entre le conjoint survivant et ces enfants. Il a souligné que la solution qu'il proposait ne créait pas d'inégalité entre les enfants de lits différents mais tenait compte de leur situation différente à l'égard du conjoint survivant.

M. Jacques Larché, président, a souligné que la réforme proposée par le rapporteur était le fruit de travaux élaborés de longue date par les meilleurs spécialistes du droit des successions.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.

Avant l'article premier, elle a adopté un amendement tendant à insérer un nouveau chapitre intitulé « dispositions relatives aux droits du conjoint survivant ».

A l'article premier (réorganisation du chapitre III du titre premier du livre troisième du code civil), la commission a, après un débat sur le principe, adopté une nouvelle rédaction donnant, dans la ligne des propositions du rapporteur conduisant à opérer une réforme générale du droit des successions, une nouvelle rédaction complète du début du chapitre III, cette rédaction reprenant pour l'essentiel, en les clarifiant, les dispositions actuelles du code civil, sous réserve de la suppression de la notion de collatéraux germains, consanguins et utérins et de la suppression des dernières exceptions à la limitation de la vocation successorale des collatéraux au 6e degré.

M. Robert Badinter a déclaré que, faute d'avoir pu prendre la mesure de la réforme proposée en considération de son ampleur, il s'abstiendrait en l'état sur les dispositions liées à la refonte générale.

M. Jacques Larché, président, a souligné qu'il était préférable d'adopter la réforme des successions par le biais d'une proposition de loi que d'être contraint de ratifier une éventuelle ordonnance sur le sujet.

A l'article 2 (droits successoraux du conjoint survivant), la commission a tout d'abord débattu sur la proposition du rapporteur tendant à compléter le quart des biens en propriété accordé au conjoint en présence d'enfants par un usufruit sur la part revenant aux enfants communs.

M. Patrice Gélard a considéré que les propositions du rapporteur étaient plus équilibrées que celles de l'Assemblée nationale.

M. Jean-Jacques Hyest a estimé que ces propositions désavantageaient les enfants communs.

M. Robert Badinter, se référant au projet de loi déposé par M. Pierre Méhaignerie, a considéré qu'il fallait accorder une option au conjoint entre l'usufruit et un quart des biens en propriété.

M. Jacques Larché, président, a donné sa préférence à une solution légale ne laissant pas d'option au conjoint.

M. Jean-Jacques Hyest et M. Nicolas About, rapporteur, ont estimé qu'il ne convenait pas de donner au conjoint survivant la possibilité de choisir l'usufruit en présence d'enfants d'un autre lit si l'on voulait éviter d'imposer le maintien des liens entre le conjoint et ces enfants.

M. Robert Badinter a indiqué qu'une option entre l'usufruit et la propriété pourrait être proposée en la seule présence d'enfants communs.

M. Nicolas About, rapporteur, a suggéré à M. Robert Badinter de formaliser une proposition d'amendement en ce sens, susceptible d'être examinée par la commission lors d'une prochaine réunion.

M. Lucien Lanier a souligné que les conjoints divorcés étaient exclus de la succession de leur ex-époux.

La commission a ensuite débattu des droits du conjoint par rapport à la famille par le sang en l'absence de descendants et de père et mère du défunt.

M. Patrice Gélard s'est déclaré en accord avec les propositions du rapporteur prévoyant un partage de la succession entre le conjoint survivant et sa famille par le sang.

M. Robert Badinter a au contraire considéré que l'évolution sociologique conduisait à considérer que le conjoint devait primer sur les frères et soeurs du défunt, ceux-ci n'appartenant pas à ce qui était désormais regardé comme la famille proche du défunt.

M. Jacques Larché, président, a souligné que les grands-parents, exclus de la succession par l'Assemblée nationale au bénéfice du conjoint, faisaient néanmoins partie de la proche famille du défunt.

A l'issue de ces débats, la commission a adopté les propositions du rapporteur tendant à :

- faire porter les droits du conjoint sur les biens existants au décès et non sur l'ensemble de la succession ;

- attribuer au conjoint le quart de la propriété des biens existants complété par l'usufruit sur la part de ces mêmes biens revenant aux enfants communs, tout en donnant au conjoint la possibilité de faire l'abandon aux enfants communs de la nue-propriété du quart des biens ;

- en l'absence du père et de la mère du défunt, ou de l'un d'eux, attribuer la part qui serait revenue à ces derniers, à ses frères et soeurs, ou, à défaut, aux grands-parents, et à supprimer, en conséquence, le droit à aliments sur la succession institué par l'Assemblée nationale au bénéfice de ces ascendants ordinaires.

Après l'article 2, la commission a adopté un article additionnel prévoyant les conditions de conversion de l'usufruit du conjoint en rente viagère ou en capital.

A l'article 3 (droit au logement), la commission a adopté une nouvelle rédaction de l'article prévoyant :

- que le défunt ne pourra pas priver son conjoint de son droit d'habitation, mais qu'il pourra cependant aménager ce droit dans un logement autre que celui dans lequel le conjoint avait sa résidence principale à l'époque du décès ;

- un assouplissement des conditions dans lesquelles le conjoint peut louer le logement, la mention de l'hébergement dans un établissement spécialisé étant remplacée par celle de l'état du conjoint faisant que le logement ne répond plus à ses besoins et l'oblige à financer de nouvelles conditions d'hébergement ;

- que le conjoint devrait récompenser la succession si par son importance le logement dépassait de manière manifestement excessive ses besoins effectifs ;

- que le bail du logement servant de domicile aux deux époux, dont ils sont co-titulaires en application de l'article 1751 du code civil, serait attribué de plein droit de manière exclusive au conjoint survivant ;

- que la succession serait exonérée de la charge du droit d'habitation si le conjoint avait gravement manqué à ses devoirs envers le défunt ;

A l'article 3 bis (couverture du risque décès en cas de suicide), elle a complété l'article L. 132-7 du code des assurances par un alinéa contraignant les assureurs à couvrir le suicide à compter de la deuxième année après la signature du contrat et, au premier alinéa du même article, elle a supprimé le mot : « consciemment » caractérisant le fait de se donner volontairement la mort.

A l'article 4 (devoir de secours à l'égard du conjoint survivant), elle est revenue à la notion actuelle de besoin du conjoint conditionnant le versement de la pension et, au cas où les héritiers auraient volontairement servi des prestations au conjoint après le décès, elle a reporté le point de départ du délai dans lequel les aliments doivent être demandés à la date à laquelle ils auraient cessé d'acquitter ces prestations. Elle a également visé le maintien de l'indivision et non le partage comme condition permettant de prolonger ce même délai jusqu'à l'achèvement du partage. Elle a enfin transféré le contenu de l'article 207-1 actuel du code civil dans une section intitulée « du droit à pension » comprenant les articles 767 et 767-1.

Elle a supprimé, par coordination, l'article 5 relatif à l'attribution préférentielle de la propriété du logement.

Elle a supprimé l'article 6 instituant une réserve d'un quart des biens au profit du conjoint survivant.

A l'article 7 (transmission du droit au bail au conjoint survivant) et à l'article 8 (coordinations), elle a adopté des amendements de coordination.

Avant l'article 9, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un nouveau chapitre intitulé « dispositions relatives aux droits des enfants naturels et adultérins ».

A l'article 9 (suppression des discriminations successorales applicables aux enfants adultérins), elle a adopté un amendement de coordination pour tenir compte des abrogations tacites résultant de la réécriture aux articles 2 bis et 3 de la proposition de loi.

Après l'article 9, elle a adopté un article additionnel étendant aux enfants naturels le bénéfice de l'action en retranchement actuellement réservée aux enfants légitimes, ainsi qu'un amendement tendant à insérer un nouveau chapitre intitulé « autres dispositions réformant le droit des successions ».

Elle a ensuite adopté 29 amendements insérant autant d'articles additionnels tendant à réécrire le titre Ier du livre III du code civil relatif aux successions de manière à en clarifier la rédaction, à moderniser certaines de ses dispositions et à apporter des améliorations procédurales de nature à éliminer certains blocages apparaissant actuellement dans le règlement des successions, les principales modifications par rapport au texte actuel consistant à :

- moderniser les qualités requises pour succéder par l'abandon de la théorie des co-mourants et par la personnalisation de l'indignité, les enfants de l'indigne étant désormais susceptibles de représenter leur auteur dans la succession dont il est exclu ;

- légaliser et simplifier les pratiques en matière de preuve de la qualité d'héritier à travers l'établissement des actes de notoriété ;

- raccourcir les délais de l'option héréditaire en ouvrant aux héritiers une action interrogatoire permettant de forcer un héritier inactif à opter dans un délai de cinq mois et en ramenant le délai de prescription du droit d'opter de trente à dix ans ;

- limiter les risques de l'acceptation simple en prévoyant qu'un héritier pourra être exonéré de tout ou partie du passif successoral résultant de dettes qui lui étaient inconnues au moment de son acceptation ;

- réorganiser profondément le régime de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire afin de mieux protéger les créanciers en organisant une publicité et des modalités de règlement des créances inspirées des procédures collectives de règlement du droit commercial, et de donner plus de souplesse aux héritiers en leur offrant une alternative à la vente aux enchères des biens ;

- unifier le régime des successions vacantes ;

- permettre l'administration temporaire de la succession par un mandataire qualifié désigné par le juge en l'absence d'accord entre tous les successibles ;

- accélérer le partage et en assouplir les règles en promouvant le partage amiable, en affirmant l'égalité en valeur des parts et lots, en présumant non rapportables les donations faites à des héritiers autres que des descendants et en sécurisant le partage par la substitution à l'actuelle action en rescision pour lésion d'une action nouvelle en complément de part n'entraînant pas l'annulation rétroactive du partage.

Avant l'article 9 bis, la commission a adopté un amendement tendant à insérer une nouvelle division intitulée « dispositions diverses ».

A l'article 9 bis (information sur le droit de la famille), elle a adopté une nouvelle rédaction de l'article prescrivant la délivrance d'une information sur le droit de la famille au moment de l'accomplissement des formalités du mariage et prévoyant qu'une telle information sera également annexée au livret de famille.

A l'article 10 (entrée en vigueur de la loi), elle a adopté une nouvelle rédaction de l'article prévoyant notamment que les dispositions relatives aux enfants naturels et adultérins seraient d'application immédiate aux successions ouvertes à la publication de la loi.

A l'article 10 bis (application de la loi outre-mer), elle a mentionné explicitement l'applicabilité de la loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie et dans les îles Wallis-et-Futuna.

Enfin, elle a, par coordination, adopté le nouvel intitulé suivant : proposition de loi relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et réformant le droit des successions.

La commission a adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

Jeudi 14 juin 2001

- Présidence de M. Jacques Larché, président.

Parlement - Directives communautaires - Inscription à l'ordre du jour du Parlement en cas de carence gouvernementale - Examen des amendements

La commission a examiné, sur le rapport de M. Lucien Lanier, les amendements aux conclusions de la commission sur la proposition de loi constitutionnelle n° 74 (2000-2001), de MM. Aymeri de Montesquiou, Hubert Haenel et les membres du groupe du rassemblement démocratique et social européen, tendant à permettre à la France de respecter les délais de transposition des directives communautaires, par l'inscription de ces textesà l'ordre du jour du Parlement en cas de carence gouvernementale.

La commission a examiné l'amendement n° 1 présenté par M. Robert Bret, Mme Nicole Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à compléter l'article 88-4 de la Constitution, pour prévoir qu'une loi organique détermine les conditions dans lesquelles le Gouvernement négocie les propositions d'actes communautaires au sein du Conseil européen dans le respect d'orientations définies par le Parlement.

Le rapporteur a exprimé la crainte qu'un tel système ne conduise à la mise en place d'un gouvernement d'assemblée en matière de conduite de la politique européenne. Il a estimé que la définition d'orientations impératives par le Parlement risquerait de paralyser le processus communautaire de décision. Il a en outre indiqué qu'un tel mécanisme était concevable dans les États dotés d'une seule assemblée, mais qu'il serait beaucoup plus difficile à mettre en oeuvre dans un pays bicaméral.

M. Robert Bret a souligné que le Parlement était devenu une chambre d'enregistrement des directives communautaires et que l'amendement tendait à corriger cette situation en contraignant le Gouvernement à tenir compte des orientations définies par les Assemblées.

M. Maurice Ulrich a souligné que le rôle du Parlement dans l'élaboration des textes communautaires était très insuffisant, alors même que ces textes communautaires relevaient souvent du domaine législatif. Il a souligné que le Gouvernement ne tenait guère compte des résolutions adoptées par les Assemblées et que celles-ci n'étaient pas informées pendant le processus de négociation des textes communautaires. Il a souhaité que soit recherché un moyen de contraindre le Gouvernement à mieux prendre en compte les avis délivrés par les Assemblées. Il a rappelé que certains pays de l'Union, en particulier le Danemark et la Grande-Bretagne, disposaient d'un système contraignant en matière d'association du Parlement à l'élaboration des textes communautaires.

M. Jacques Larché, président, a rappelé que, lors de la révision constitutionnelle, le Sénat avait eu bien du mal à obtenir la possibilité, pour les Assemblées, de voter des résolutions sur les propositions d'actes communautaires. Il a fait valoir que les résolutions des Assemblées n'étaient pas prises en compte par le Gouvernement et que le Parlement ne disposait d'aucune marge de manoeuvre au moment de la transposition des directives.

M. Patrice Gélard a souligné que l'amendement ne pouvait être accepté, dans la mesure où il aurait pour effet de permettre aux Assemblées de donner des mandats impératifs au Gouvernement. Il a estimé que d'autres moyens devaient être recherchés afin de permettre aux Assemblées de faire prendre en compte leurs positions par le Gouvernement.

M. Pierre Fauchon a observé que les institutions de la Ve République avaient organisé dans de nombreux domaines une primauté du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif. Il a rappelé que la majorité de l'Assemblée nationale disposait des moyens d'interroger le Gouvernement sur les suites données aux résolutions. Il a estimé que la solution résidait bien davantage dans l'association collective des parlements nationaux au fonctionnement de l'Union européenne et s'est prononcé en faveur de la création d'une seconde chambre au niveau européen.

M. Lucien Lanier, rapporteur, a rappelé que la délégation pour l'Union européenne du Sénat effectuait un travail très sérieux et examinait l'ensemble des propositions d'actes communautaires soumises au Sénat. Il a estimé qu'il n'était pas possible de passer brutalement d'un système dans lequel le Parlement est associé de manière insuffisante à l'élaboration du droit communautaire à un système dans lequel il donnerait des mandats impératifs au Gouvernement.

La commission a alors donné un avis défavorable à l'amendement.