Travaux de la commission des lois



- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

Droits de l'Homme - Création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité - Examen du rapport en deuxième lecture

La commission a tout d'abord procédé à l'examen, en deuxième lecture, du rapport de M. Jean-René Lecerf sur le projet de loi n°  105 (2004-2005), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE).

Après avoir rappelé à titre liminaire que le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, rapporteur du projet, avait souhaité que le Sénat se prononce par un vote conforme dès la première lecture de ce texte, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a indiqué que le projet de loi avait été considérablement élargi et enrichi avec l'adoption par le Sénat en première lecture de quatre amendements présentés par le gouvernement reprenant, avec d'importantes modifications tenant compte des critiques soulevées, l'essentiel des dispositions du projet de loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe déposé à l'Assemblée nationale en juin dernier.

Il a estimé que l'ensemble du texte avait gagné en consensus, puisque le projet de loi avait finalement recueilli le vote favorable en deuxième lecture à l'Assemblée nationale des groupes UMP, UDF et socialiste (alors que le groupe socialiste s'était abstenu en première lecture), seul le groupe communiste s'abstenant.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a ensuite rappelé que le Sénat avait adopté en première lecture 35 des 88 amendements déposés, dont 17 sur proposition de la commission, tandis que l'Assemblée nationale avait adopté en deuxième lecture le 7 décembre dernier 15 amendements, dont 8 concernant le renforcement de la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe.

Il a indiqué que l'Assemblée avait adopté sans modification les amendements du Sénat relatifs à l'objectif de représentation équilibrée entre les hommes et les femmes pour la désignation des membres de la HALDE par le Président de la République, les présidents des assemblées parlementaires et le Premier ministre, au régime de déport des membres de la HALDE en cas de conflit d'intérêt, ainsi qu'à l'ouverture de la saisine aux parlementaires et aux associations.

A ce sujet, il a rappelé que la commission avait proposé que toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans, et se proposant dans ses statuts de combattre les discriminations, puisse saisir la haute autorité conjointement avec toute personne s'estimant victime d'une discrimination, avant de préciser que l'Assemblée nationale avait ajouté que cette saisine conjointe devrait se faire avec l'accord de la victime.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a également indiqué que les garanties de procédure introduites par le Sénat (assistance d'un conseil et rédaction d'un procès-verbal contradictoire pour les personnes privées et les agents publics entendus par la haute autorité, retrait des informations protégées par le secret professionnel des avocats du champ des secrets professionnels auxquels une personne entendue par la haute autorité pourrait porter atteinte sans encourir de poursuite), ainsi qu'un certain nombre d'amendements relatifs aux modalités du concours des autorités publiques aux investigations de la haute autorité, aux conditions d'information du procureur de la République en cas de médiation, à l'affirmation du rôle consultatif de la haute autorité, et à la suppression de la gratuité du service d'accueil téléphonique, avaient été confirmés.

Il a ensuite présenté les désaccords persistant entre les deux assemblées, indiquant que dans deux cas, il ne proposerait pas de revenir au texte du Sénat, considérant que le message qu'il souhaitait délivrer avait été entendu.

Il a ainsi indiqué que les députés avaient supprimé à l'article 2 l'objectif de respect du pluralisme dans la désignation des membres de la HALDE, mais il a estimé que les débats parlementaires avaient permis d'en établir la nécessité.

De même, il a rappelé que les députés, estimant que l'organisation territoriale de la HALDE ne relevait pas de la loi, avaient supprimé l'article 3 bis prévoyant la création de délégués territoriaux. Tout en soulignant que les délégués du médiateur bénéficiaient d'une telle consécration législative, il a estimé suffisant que le décret d'application définisse le rôle de ces délégués territoriaux et précisé que cinq délégations pilotes seraient mises en place dès 2005.

Par ailleurs, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a jugé paradoxal un amendement de l'Assemblée nationale rendant applicables aux dépenses de la haute autorité les dispositions de la loi du 10 août 1922 et instituant donc un contrôle a priori des dépenses engagées, tout en estimant que ce contrôle était compatible avec l'indépendance de la haute autorité. Il a sur ce point rappelé son souhait d'une réflexion approfondie sur les autorités administratives indépendantes.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a alors indiqué qu'il avait saisi l'office parlementaire d'évaluation de la législation, afin de travailler sur cette question, et que son actuel président, M. Pascal Clément, président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, lui avait indiqué qu'une première réunion pourrait intervenir dès janvier, afin notamment de procéder à la nomination d'un ou de plusieurs rapporteurs.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a ensuite exprimé son désaccord à l'égard de deux amendements de l'Assemblée nationale, supprimant d'une part la possibilité pour le président de la haute autorité, en cas d'opposition du responsable des lieux à des vérifications sur place de la HALDE, de saisir le juge des référés afin qu'il autorise ces vérifications, et transposant, d'autre part, a minima la directive du 29 juin 2000. Il a en effet estimé qu'il serait plus opportun d'étendre à d'autres critères de discrimination que les seules discriminations raciales ou ethniques le droit à un traitement égal et d'élargir dans les mêmes conditions l'aménagement de la charge de la preuve pour les victimes de discriminations.

Le rapporteur a enfin rappelé que l'Assemblée nationale avait adopté le dispositif de lutte contre les propos à caractère sexiste et homophobe dans des termes très proches de ceux retenus par le Sénat. Il a toutefois ajouté que les députés avaient utilement précisé que le parquet ne pourrait poursuivre l'auteur de diffamations ou injures commises à l'égard d'un particulier que sous réserve de l'accord de la victime, et qu'avait été adopté un amendement de Mme Christine Boutin étendant aux propos discriminatoires à raison du handicap le dispositif prévu pour les propos à caractère raciste ou homophobe.

M. Jean-Pierre Sueur a regretté que le rapporteur renonce à inscrire un objectif de pluralisme pour la désignation des membres de la HALDE, estimant qu'il s'agissait d'une première avancée importante, même si le groupe socialiste avait en outre proposé une désignation par les membres des assemblées parlementaires et non par leur président et s'était opposé à la désignation de membres par le Premier ministre.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a également déploré cette situation, estimant que cette question aurait pu être tranchée en faveur de la position du Sénat en commission mixte paritaire. Il a indiqué que contrairement à ce qui avait été avancé lors du débat à l'Assemblée nationale, il était évident qu'un chef de juridiction ne pourrait demander à des magistrats leur appartenance politique. Il a également regretté la suppression de la mention dans la loi des délégués départementaux, rappelant qu'une telle consécration avait été prévue pour les délégués du Médiateur de la République.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a indiqué que la notion de pluralisme ne recouvrait pas que le pluralisme politique, et ajouté qu'il regrettait que les délégués du Médiateur de la République figurent dans la loi, l'organisation territoriale d'une autorité administrative indépendante ne relevant pas du domaine législatif.

M. Laurent Béteille a pour sa part estimé que l'Assemblée nationale aurait également dû supprimer la référence à l'objectif de représentation équilibrée entre les hommes et les femmes pour la désignation des membres de la HALDE, ceci constituant une répétition fastidieuse des mêmes principes. S'agissant de l'objectif de pluralisme, il a estimé qu'il convenait de faire confiance aux autorités de nomination et que la compétence devait primer.

En réponse à MM. Jean-Pierre Sueur et Michel Dreyfus-Schmidt, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a rappelé que le gouvernement souhaitait pour sa part un vote conforme par le Sénat, et que s'agissant du pluralisme, il considérait que les débats avaient démontré qu'il serait recherché. Il a en outre souligné l'opposition de nombreux groupes politiques à cette mention, et estimé nécessaire d'avoir une démarche pragmatique. Il a ainsi rappelé que l'amendement de repli présenté par le rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale proposant de limiter l'objectif de pluralisme aux nominations par les présidents des assemblées parlementaires n'avait pas non plus été adopté.

En conclusion, M. Jean-Jacques Hyest, président, a estimé qu'une HALDE non pluraliste au sens large serait dépourvue de tout sens.

La commission a ensuite adopté un amendement à l'article 7 (vérifications sur place) tendant à permettre au président de la haute autorité, en cas d'opposition du responsable des lieux à des vérifications sur place, de saisir le juge des référés afin qu'il autorise et contrôle ces vérifications.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a précisé que cette nouvelle rédaction, inspirée du dispositif appliqué par la CNIL, était encadrée par des garanties assurant le respect des prérogatives de l'autorité judiciaire.

A l'article 17 (transposition de la directive n° 2000/43/CE du 29 juin 2000), elle a adopté un amendement afin d'étendre à d'autres critères que l'appartenance raciale ou ethnique le droit à un traitement égal dans les matières visées par la directive du 29 juin 2000 et l'application de l'aménagement de la charge de la preuve en faveur des victimes devant les juridictions civiles et administratives. M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a indiqué qu'il ne proposait pas de retenir, à ce stade de la navette, les critères des convictions religieuses, de l'âge, de l'état de santé et du handicap, afin d'éviter toute contradiction avec d'autres dispositifs concernant notamment la laïcité ou les régimes de protection des travailleurs âgés ou handicapés.

Elle a enfin adopté un amendement de conséquence tendant à adapter l'intitulé du titre II (mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans discrimination d'origine ethnique et portant transposition de la directive n° 2000/43/CE du 29 juin 2000) du projet de loi aux modifications proposées à l'article 17.

La commission a adopté l'ensemble du projet de loi sous réserve des amendements précédemment adoptés.

Juridictions civiles - Compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance - Examen du rapport en deuxième lecture

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport en deuxième lecture de M. Pierre Fauchon sur la proposition de loi n° 111 (2004-2005), modifiée par l'Assemblée nationale, relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance, présenté par M. François Zocchetto, en remplacement du rapporteur, empêché.

Après avoir rappelé que l'initiative du présent texte revenait à MM. Jean-Jacques Hyest, président, Christian Cointat et lui-même, M. François Zocchetto en a décrit les deux volets : élargir les compétences, trop étroites, de la juridiction de proximité en matière civile et pénale, d'une part, clarifier la répartition des compétences entre le tribunal d'instance et le tribunal de grande instance, d'autre part. Il s'est félicité de la forte convergence de vues entre le Sénat et l'Assemblée nationale sur les avancées proposées.

M. François Zocchetto a indiqué que les députés l'avaient utilement complété en y apportant, outre des clarifications rédactionnelles, trois modifications d'ordre technique :

- la première pour modifier la répartition de la compétence entre le tribunal d'instance et la juridiction de proximité en matière de louage d'immeubles afin de permettre à cette dernière de statuer sur les restitutions du dépôt de garantie. Après avoir rappelé que le Sénat avait souhaité confier au tribunal d'instance, exclusivement, le contentieux des baux d'habitation, il a jugé judicieux de prévoir une exception au profit de la juridiction de proximité faisant valoir, à cet égard, qu'il eût été dommage de la priver d'une compétence qui représente actuellement une part substantielle de son activité ;

- la deuxième pour reporter de trois mois l'entrée en vigueur du volet pénal de la présente proposition de loi ;

- la dernière afin d'ajouter une précision destinée à permettre au tribunal de police de statuer sur plusieurs contraventions connexes relevant, pour les unes, de sa compétence et pour les autres, de celle de la juridiction de proximité.

Se félicitant du travail accompli au terme d'une lecture dans les deux assemblées, M. François Zocchetto a proposé à la commission d'adopter la proposition de loi sans modification.

M. Michel Dreyfus-Schmidt s'est étonné que, lors des débats à l'Assemblée nationale, le garde des sceaux ait fait valoir que l'exception d'inconstitutionnalité n'avait jamais été soulevée à l'encontre de la possibilité pour les avocats de compléter une formation collégiale correctionnelle pour justifier de la constitutionnalité de la participation des juges de proximité à cette formation de jugement. Relevant le caractère erroné de cette affirmation, il a expliqué que le contrôle de la constitutionnalité des lois s'exerce uniquement avant leur promulgation et qu'une fois promulguées, leur conformité à la Constitution ne peut plus être mise en cause.

Il a fait part de sa détermination à saisir le Conseil constitutionnel, estimant que l'insuffisance des effectifs des juges de proximité ne garantirait pas aux justiciables d'être jugés par des formations correctionnelles composées de façon identique, ce qui posait un problème évident d'égalité des citoyens devant la justice. Convaincu de la nécessité de confier les affaires pénales à des magistrats professionnels, il s'est démarqué de la position exprimée à l'Assemblée nationale par son collègue, M. André Vallini. Il a jugé inopportune la comparaison entre les juges de proximité, d'une part, et les juges consulaires, les conseillers prud'homaux et les assesseurs des tribunaux pour enfants, d'autre part, dans la mesure où ces derniers, bien que non professionnels, présentaient de plus fortes garanties de compétence.

M. François Zocchetto a jugé conforme à la Constitution la possibilité pour les juges de proximité de siéger en qualité d'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux correctionnels. Il a précisé qu'il n'appartiendrait pas à la juridiction de proximité, mais toujours au tribunal correctionnel, quelle que soit sa composition, de prononcer des peines privatives de liberté. Il a jugé souhaitable de laisser au Conseil constitutionnel le soin de trancher ce débat.

M. Laurent Béteille a observé que les décisions d'une formation collégiale étaient toujours réputées prises conjointement par tous ses membres.

La commission a adopté sans modification la proposition de loi.