Table des matières


Mardi 26 mars 2002

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Auditions sur les comptes sociaux
Audition de M. Jean-Louis Buhl, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), et de M. Robert Moland, agent comptable

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Louis Buhl, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), accompagné de M. Robert Moland, agent comptable.

M. Nicolas About, président, a rappelé que l'importante, et tardive, correction des comptes 2001 du régime général par rapport aux prévisions présentées, d'une part, dans le rapport de septembre 2001 de la commission des comptes de la sécurité sociale et, d'autre part, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, avait conduit la commission des affaires sociales à organiser, depuis le début de l'année, une série d'auditions afin de disposer de données actualisées et fiables sur la situation financière de la sécurité sociale. Après l'audition, le 12 février dernier, de M. François Monier, secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, la commission a donc souhaité entendre le directeur de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), les difficultés rencontrées par cet organisme dans la mise en oeuvre de la comptabilité de droits constatés expliquant, pour partie, la correction des comptes 2001 du régime général.

En propos liminaire, M. Jean-Louis Buhl, directeur de l'ACOSS, a rappelé les principales missions de cet organisme en matière de centralisation des recettes et de gestion de la trésorerie du régime général. A ce sujet, il a insisté sur le fait que l'ACOSS, en raison même de la nature de ces missions, n'appréhendait qu'imparfaitement les dépenses de chaque caisse nationale du régime général et ne disposait, ainsi, que d'une vision partielle des comptes de la sécurité sociale.

M. Jean-Louis Buhl a donc indiqué à M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux, qui l'interrogeait sur les dernières données disponibles concernant la situation financière du régime général en 2001, que sa réponse ne pouvait porter que sur les recettes. Celles-ci devraient être légèrement inférieures (- 650 millions de francs) aux prévisions établies par M. François Monier, secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, dans son rapport de janvier 2002 à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, notamment en raison d'un taux de créances restant à recouvrer (soit 1,12 % en 2001) supérieur au taux constaté en 2000 (1,04 %). M. Jean-Louis Buhl a donc estimé que, sous réserve de cette correction marginale, les comptes du régime général pour 2001, tels qu'évalués par M. François Monier, devraient être conformes aux résultats définitifs.

Interrogé ensuite par M. Alain Vasselle sur l'erreur d'évaluation en comptabilité de droits constatés, du montant des produits restant à recevoir, début 2001, au titre de l'année 2000, M. Jean-Louis Buhl a, tout d'abord, souligné que cette erreur n'était pas la seule cause expliquant la correction des comptes 2001 du régime général par rapport aux prévisions initiales, mais qu'il convenait de prendre en compte, également, les effets de mesures définies par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, ainsi qu'une progression de la masse salariale plus forte que prévu. Il a ensuite précisé que l'erreur de l'ACOSS résultait, en fait, de deux éléments distincts à savoir, d'une part, une erreur de synthèse de 2 milliards de francs dans la centralisation des données en provenance des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) et, d'autre part, une erreur de 4 milliards de francs dans l'évaluation des produits restant à recevoir au titre de l'exercice 2000.

Au sujet de cette seconde erreur, M. Jean-Louis Buhl a souligné les difficultés d'une telle évaluation compte tenu, d'une part, du choix de la date de versement du salaire comme fait générateur en comptabilité de droits constatés, qui rend particulièrement délicate l'évaluation des recettes à la « charnière » (décembre-janvier) entre deux exercices et, d'autre part, les limites des outils informatiques utilisés, jusqu'à présent, par l'ACOSS qui ne permettent pas de distinguer, parmi les recettes perçues en début d'année, celles qui doivent être imputées à l'année précédente de celles qui relèvent d'exercices antérieurs.

Ayant souligné le niveau relativement modique de l'erreur d'évaluation de l'ACOSS au début de 2001, soit 6 milliards de francs sur un total de produits à recevoir de 120 milliards de francs, M. Jean-Louis Buhl a ensuite présenté les mesures prises, dès cette année, afin d'éviter que cette erreur se reproduise. La date retenue pour évaluer le montant des produits à recevoir a ainsi été retardée de la mi-janvier à fin janvier, pour obtenir une base d'évaluation plus significative et, de ce fait, plus fiable. Par ailleurs, le nouvel outil informatique dont sera équipée l'ACOSS fin 2002 lui permettra d'identifier avec précision l'exercice d'imputation des produits restant à recevoir au titre d'exercices antérieurs. Enfin, les échanges d'informations et les contacts entre l'ACOSS et la direction de la sécurité sociale seront, à l'avenir, davantage formalisés. M. Jean-Louis Buhl a toutefois insisté sur le fait que, en dépit de ces améliorations, le caractère nécessairement évaluatif de la détermination du montant des produits à recevoir faisait toujours persister, en comptabilité de droits constatés, un risque d'erreur de l'ordre de quelques centaines de millions de francs.

Interrogé par M. Alain Vasselle sur les raisons pour lesquelles il avait fallu attendre le début de l'année 2002 pour corriger les comptes du régime général sur la base d'une erreur établie à partir des encaissements réalisés au début de l'année 2001, M. Jean-Louis Buhl a notamment indiqué que les conséquences financières de l'erreur d'évaluation des produits à recevoir, effectivement pressenties dès le début de l'année 2001, n'avaient pu toutefois être déterminées avec exactitude qu'à la fin de l'année 2001, c'est-à-dire trop tard pour être prises en compte dans le rapport de septembre de la commission des comptes de la sécurité sociale et dans les annexes du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. Il a rappelé, en outre, que le « basculement » définitif de ces documents en comptabilité de droits constatés n'était intervenu qu'à compter de l'automne 2001, ce qui pouvait expliquer pourquoi l'ensemble des acteurs participant à leur élaboration, peu familiarisés avec ce nouvel outil, n'aient pas immédiatement saisi l'importance, pour les comptes en droits constatés de la sécurité sociale, d'une erreur d'évaluation des produits à recevoir.

En réponse à une question de M. Alain Vasselle sur l'actualisation des comptes prévisionnels du régime général pour 2002, M. Jean-Louis Buhl a rappelé que l'ACOSS ne disposait, fonctionnellement, d'informations pertinentes qu'en ce qui concernait le profil de trésorerie. A cet égard, le profil effectif de trésorerie du régime général pour les deux premiers mois de l'année 2002 est inférieur d'environ 400 millions d'euros par rapport au profil prévisionnel établi par l'ACOSS sur la base de la loi de financement de la sécurité sociale . Deux causes peuvent expliquer cet écart à savoir, d'une part, une croissance de la masse salariale inférieure aux prévisions initiales et, d'autre part, une croissance des exonérations de cotisations sociales éventuellement plus soutenue que prévu.

L'appréciation que peut formuler l'ACOSS sur l'évolution des dépenses repose sur les tirages des différentes caisses. De ce point de vue, elle observe, sur le début de l'année, des tirages de la branche maladie supérieurs aux prévisions, traduisant des dépenses qui ne sont pas aujourd'hui sur une trajectoire permettant de respecter l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) fixé par la loi de financement. En revanche, les tirages de la branche famille sont nettement en deçà des prévisions.

Interrogé par M. Alain Vasselle sur les effets pervers de la modification incessante et, le cas échéant, rétroactive, de l'affectation du produit des impôts et taxes affectés à la sécurité sociale dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale, M. Robert Moland, agent comptable de l'ACOSS, a confirmé que ces modifications se traduisaient par des régularisations comptables particulièrement complexes, tout en soulignant que la répartition finale du produit de ces impôts et taxes correspondait bien, au terme de ces régularisations, au choix du législateur.

Répondant à une dernière question de M. Alain Vasselle sur la situation financière du fonds de financement de la réforme des cotisations sociales patronales (FOREC), M. Robert Moland a indiqué que celui-ci serait équilibré en 2001 et M. Jean-Louis Buhl a déclaré qu'il ne comprenait donc pas, à cet égard, l'analyse développée par l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) dans sa présentation des comptes des administrations publiques pour 2001, et selon laquelle le déficit du FOREC contribuerait à dégrader en 2001 le solde excédentaire des administrations de sécurité sociale.

Audition de M. Pierre-Louis Bras, directeur de la sécurité sociale au ministère de l'emploi et de la solidarité

Puis la commission a entendu M. Pierre-Louis Bras, directeur de la sécurité sociale au ministère de l'emploi et de la solidarité.

A titre liminaire, M. Nicolas About, président, a exprimé le malaise ressenti par la commission des affaires sociales du Sénat lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, qui faisait également fonction de loi de financement rectificative pour 2001 et, pour certaines de ses dispositions, de loi de règlement pour 2000. Il a rappelé que les comptes de l'exercice 2001 soumis à l'examen du Sénat s'étaient finalement révélés inexacts, compte tenu de l'annonce par le Gouvernement, en dernière lecture, d'une « bonne surprise » se traduisant par des recettes beaucoup plus élevées que prévu dans le projet de loi débattu par le Parlement. Il a également souligné que les hypothèses de croissance et d'évolution des dépenses d'assurance maladie, retenues par le Gouvernement pour l'élaboration des comptes prévisionnels 2002, s'étaient révélées irréalistes comme l'avait, alors, dénoncé la commission des affaires sociales. M. Nicolas About, président, a donc souligné la nécessité de disposer de données actualisées et fiables sur les comptes de la sécurité sociale en 2001 et 2002. Il a souhaité, à cet égard, connaître la date de la réunion de printemps de la commission des comptes de la sécurité sociale qui, en application des textes en vigueur, devrait se tenir entre le 15 avril et le 15 juin prochains.

En réponse, M. Pierre-Louis Bras a indiqué que la date précise de cette réunion relevait de la compétence exclusive du ministre chargé de la sécurité sociale ; il a précisé que les services étaient habituellement prêts techniquement au début du mois de mai.

Interrogé ensuite par M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux, sur la situation financière du régime général en 2001, M. Pierre-Louis Bras a indiqué que ce dernier devrait être excédentaire de 10 milliards de francs (1,52 milliard d'euros) en 2001, en comptabilité de droits constatés, compte tenu de l'inscription dans ses comptes, sur instruction ministérielle, et comme l'avait proposé M. François Monier dans son rapport de janvier, d'une provision de 14 milliards de francs (2,13 milliards d'euros) au titre des exonérations de cotisations non compensées à la sécurité sociale par le FOREC en 2000. Il a précisé que l'opération comptable d'inscription de cette provision dans les comptes des caisses nationales du régime général n'avait pas nécessité l'identification précise du débiteur correspondant.

S'agissant des soldes par branche, avant provision au titre de la non-compensation des exonérations de cotisations, M. Pierre-Louis Bras a indiqué que les dernières données disponibles confirmaient, en les amplifiant, les évolutions constatées dans le rapport de M. François Monier : dégradation supplémentaire de 500 millions d'euros du solde de la branche maladie, amélioration de l'excédent des branches famille (+ 300 millions d'euros) et vieillesse (+ 100 millions d'euros), la branche accidents du travail voyant son solde se dégrader de 100 millions d'euros. Au total, le solde du régime général diminue de 200 millions d'euros par rapport à l'actualisation réalisée en janvier par M. François Monier.

S'agissant de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) pour 2001, M. Pierre-Louis Bras a tout d'abord rappelé que celui-ci avait été fixé à 693,3 milliards de francs par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, puis révisé à 710,2 milliards de francs par la loi de financement pour 2002, avant d'ajouter qu'il atteignait actuellement 713,4 milliards de francs, soit un dépassement de 20 milliards de francs par rapport à l'objectif initial. Il a notamment précisé que, au sein de l'ONDAM 2001, les médicaments constituaient le poste de dépenses ayant connu la croissance la plus forte, soit + 7,5 %.

Répondant à une question de M. Alain Vasselle sur la fiabilité de l'évaluation, en comptabilité de droits constatés, des produits restant à recevoir et des charges restant à payer, début 2002, au titre de l'exercice 2001, M. Pierre-Louis Bras a estimé que l'écart finalement constaté entre cette évaluation et les résultats définitifs devrait être faible et que l'importante erreur d'évaluation des produits à recevoir, qui avait affecté les comptes du régime général pour 2000 et 2001, ne devrait pas se reproduire cette année. A ce sujet, M. Pierre-Louis Bras a souligné la difficulté et les limites, en comptabilité de droits constatés, de cette évaluation, avant d'estimer que, compte tenu des mesures prises et, notamment, de la mise en oeuvre d'un outil informatique plus performant par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) à la fin de 2002, le risque d'erreur était désormais limité. Il a donc jugé que le débat sur la pertinence du passage des comptes sociaux en comptabilité de droits constatés appartenait maintenant au passé, et qu'il convenait désormais d'appliquer, dans les meilleurs conditions possibles, cette réforme engagée depuis dix ans, et voulue par la Cour des comptes et le Parlement.

M. Pierre-Louis Bras a ensuite indiqué que la direction de la sécurité sociale n'avait pas procédé, pour l'instant, à une actualisation des comptes prévisionnels du régime général pour 2002.

Toujours à la demande de M. Alain Vasselle, M. Pierre-Louis Bras a ensuite estimé le coût, pour l'assurance maladie, du protocole conclu, le 24 janvier dernier, entre la caisse nationale d'assurance maladie et le syndicat de médecins généralistes MG-France. Il a indiqué que le coût total de ce protocole pouvait être évalué, si l'on y inclut certaines enveloppes forfaitaires (aide à l'installation, astreintes, formation médicale continue, etc.), à 456 millions d'euros (2,9 milliards de francs) en année pleine. M. Pierre-Louis Bras a ensuite détaillé le coût de certaines mesures prévues dans ce protocole et, notamment, la revalorisation de la lettre-clé « C » (160 millions d'euros en année pleine), la consultation approfondie (22 millions d'euros), l'augmentation de 35 à 40 euros de la majoration de nuit (24 millions d'euros) et l'extension au samedi après-midi de la majoration de dimanche (23 millions d'euros). Au total, les seules mesures de revalorisation des actes s'élèvent à 251 millions d'euros (1.646 millions de francs) en année pleine et 222 millions d'euros (1.457 millions de francs) pour l'année 2002.

Répondant à une question de Mme Anne-Marie Payet, M. Pierre-Louis Bras a précisé que ces revalorisations tarifaires avaient été également adaptées aux règles de tarification propres à l'outre-mer.

Interrogé par M. Alain Vasselle sur les comptes du FOREC, M. Pierre-Louis Bras a indiqué que celui-ci devrait être légèrement excédentaire de 1,8 milliard de francs en 2001 et que, pour 2002, aucune des données actuellement disponibles ne permettait de remettre en cause l'équilibre prévu, à hauteur de 15,5 milliards d'euros (102 milliards de francs) de dépenses et de recettes, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale.

En réponse à une dernière question de M. Alain Vasselle sur le financement en 2002, par le biais d'un avenant à la convention d'objectif et de gestion conclue, le 5 mars dernier, entre la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) et l'Etat, des investissements en faveur des structures d'accueil de la petite enfance, M. Pierre-Louis Bras a indiqué que la dépense correspondante, soit 230 millions d'euros (1,5 milliard de francs), serait imputée sur les comptes de la CNAF et relevait bien, en outre, des agrégats de dépenses de la loi de financement de la sécurité sociale. M. Alain Vasselle s'étant étonné que cette dépense puisse être ainsi engagée par simple voie conventionnelle, et sans habilitation législative, M. Pierre-Louis Bras a répondu que le projet de loi de financement de sécurité sociale pour 2003, faisant alors office de loi de financement rectificative pour l'exercice 2002, pourrait, le cas échéant, valider ultérieurement cette opération.

La commission a ensuite confirmé M. Paul Blanc comme rapporteur des travaux engagés par la commission concernant la politique en faveur des personnes handicapées.

Mercredi 27 mars 2002

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Politique en faveur des personnes handicapées - Auditions publiques

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a procédé à des auditions publiques sur la politique en faveur des personnes handicapées.

M. Nicolas About, président, a rappelé qu'au Sénat, en février dernier, dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé, s'était déroulé un débat riche et passionné sur la jurisprudence Perruche. A cette occasion, la nécessité d'une ambitieuse réforme de la loi d'orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées était apparue avec une acuité nouvelle. Dès lors que le Parlement avait souhaité privilégier la solidarité nationale, il était cohérent qu'il veille à ce que cette dernière soit effective et efficace.

Il a rappelé que la commission avait annoncé alors, malgré un calendrier dont chacun connaît les contraintes, son souhait d'entreprendre, au printemps, un travail de réflexion sur la politique en faveur des personnes handicapées.

Trois journées d'auditions ont été prévues, la présente journée consacrée à l'audition de ce qu'il convient d'appeler les « personnalités qualifiées », une deuxième journée plus thématique, consacrée à l'insertion et à l'accessibilité, qui se déroulera le mercredi 10 avril et une troisième journée, le mercredi 22 mai, au cours de laquelle seront entendues les grandes associations, mais également recueillis un certain nombre de témoignages individuels.

M. Nicolas About, président, s'est réjoui que Mme Simone Veil, ancien ministre, ait accepté de participer à cette dernière journée pour rappeler les conditions dans lesquelles la loi du 30 juin 1975 avait été élaborée.

Il a indiqué que l'ensemble de ces auditions publiques ferait l'objet d'un compte rendu intégral annexé au rapport d'information que présenterait M. Paul Blanc, rapporteur à la commission au début du mois de juillet. Il a précisé que ce rapport d'information prendrait également en compte les premières conclusions de la mission de la commission au Canada, également sur le thème du handicap, qui se déroulera fin juin.

Audition de Mme Marie-Thérèse Hermange, députée européenne, vice-présidente de la commission de l'Emploi et des Affaires sociales du Parlement européen, auteur du rapport « Vers une Europe sans entraves pour les personnes handicapées »

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de Mme Marie-Thérèse Hermange, députée européenne, vice-présidente de la commission de l'Emploi et des Affaires sociales du Parlement européen, auteur du rapport « Vers une Europe sans entraves pour les personnes handicapées ».

Après avoir estimé le nombre de personnes handicapées à 10 % de la population européenne -soit 37 millions de personnes-, Mme Marie-Thérèse Hermange a souligné l'hétérogénéité des handicaps et a exprimé sa méfiance envers toute définition trop globalisante du handicap qui risquerait d'aboutir à une politique trop uniforme et insuffisamment personnalisée.

Elle a ensuite répondu aux questions de M. Paul Blanc, rapporteur.

Elle a notamment présenté l'évolution des programmes communautaire en faveur des personnes handicapées et a rappelé les propositions qu'elle avait formulées au niveau européen dans son rapport « Vers une Europe sans entraves pour les personnes handicapées » et au niveau national, en faveur de l'enfance handicapée, dans son rapport « Les enfants d'abord : 100 propositions pour une nouvelle politique de l'enfance ».

Elle a également dressé un bilan de la mise en oeuvre de la loi d'orientation du 30 juin 1975, considérant en particulier qu'elle ne permettait qu'une intégration insuffisante, que le dispositif institutionnel avait vieilli et s'était complexifié à l'extrême, et qu'elle ne permettait d'anticiper qu'imparfaitement les mutations touchant au champ du handicap.

Puis à l'issue d'un large débat où sont intervenus MM. Alain Gournac, Jean Chérioux, Francis Giraud, Nicolas About, président, et Mme Anne-Marie Payet, elle a insisté sur les différences de systèmes de prise en charge existant dans les pays européens, estimant que ces différences tenaient avant tout à des facteurs culturels et ne permettaient pas aujourd'hui une véritable libre circulation des personnes handicapées dans l'espace européen.

Audition de M. Patrick Risselin, auteur du livre « Handicap et citoyenneté au seuil de l'an 2000 »

Puis la commission a entendu M. Patrick Risselin, auteur du livre« Handicap et citoyenneté au seuil de l'an 2000 ».

Ayant rappelé qu'il avait été conduit à s'intéresser, en diverses occasions, au problème du handicap au cours de sa carrière administrative, M. Patrick Risselin, administrateur civil, a estimé que la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées avait incontestablement initié et favorisé des avancées essentielles, qu'il s'agisse, notamment, de la définition de nouvelles prestations ou de la diversification des réponses institutionnelles. Il a toutefois souligné que l'objectif d'intégration des personnes handicapées, affirmé en 1975, était encore loin d'être atteint, principalement en raison de l'aspiration nouvelle et légitime des personnes handicapées à une prise en charge désormais plus personnelle et individualisée. Il a donc jugé nécessaire de réaffirmer dans la loi, et de manière plus explicite, les enjeux qui lui paraissaient essentiels en ce domaine, à savoir l'intégration des personnes handicapées, et une pleine et entière citoyenneté favorisant l'exercice de leur libre choix.

Il a ensuite répondu aux questions de M. Paul Blanc, rapporteur.

Puis Mme Sylvie Desmarescaux a souligné les difficultés rencontrées par les communes pour intégrer les enfants handicapés dans leurs centres de loisirs, en l'absence d'une formation adaptée des éducateurs ou des animateurs.

Evoquant son expérience à la présidence de la commission des affaires sociales de son département, Mme Annick Bocandé s'est demandé si la conception dominante du handicap, considéré comme une injustice dont la victime doit être « dédommagée » par la collectivité, ne pouvait pas expliquer les échecs de l'intégration individuelle. Elle a également dénoncé les zones d'ombre des transferts de compétences organisés à la faveur de la décentralisation qui ont généralement pour conséquence de conduire les personnes handicapées, ou leur famille, à s'adresser en priorité à l'interlocuteur le plus proche et le plus accessible, à savoir le département, pour pallier la complexité d'un système de prise en charge particulièrement opaque.

M. Patrick Risselin a déclaré partager cette dernière analyse et a souligné la nécessité d'introduire davantage de souplesse dans les relations entre les différents acteurs institutionnels.

Audition de M. Patrick Segal, délégué interministériel aux personnes handicapées

Ensuite la commission a entendu M. Patrick Segal, délégué interministériel aux personnes handicapées.

Après avoir rappelé les grandes lignes de son action en tant que délégué interministériel aux personnes handicapées, M. Patrick Segal, en réponse aux questions de M. Paul Blanc, rapporteur, a souligné les incertitudes persistantes sur le nombre de personnes handicapées en France, regrettant que le recensement de 1999 n'ait pas intégré un volet spécifique sur le handicap.

Il a également estimé que le « budget social du handicap » restait insuffisant pour répondre aux besoins des personnes handicapées, insistant notamment sur l'insuffisance des places en établissement, sur la faiblesse des aides techniques et humaines, sur l'inadaptation des allocations, sur le coût de l'accessibilité et de la formation des personnels spécialisés et sur les disparités territoriales de la prise en charge.

Jugeant souvent décevants les résultats des actions menées depuis 1995, prises fréquemment dans l'urgence et de manière trop segmentée, sans s'intégrer dans une politique globale, M. Patrick Segal s'est prononcé en faveur de l'adoption d'une nouvelle loi-cadre en direction des personnes handicapées, qui devrait nécessairement être précédée d'une réflexion approfondie sur le droit à compensation.

En réponse aux questions de MM. Francis Giraud et Alain Vasselle, il a enfin insisté sur l'impact économique des dépenses en matière de handicap et sur la nécessité d'une réévaluation de l'allocation adulte handicapé et d'une refonte des allocations compensatrices.

Audition de M. Michel Mercier, sénateur, président de la commission du développement social de l'Assemblée des départements de France (ADF)

Enfin la commission a entendu M. Michel Mercier, sénateur, président de la commission du développement social de l'Assemblée des départements de France (ADF).

M. Michel Mercier a rappelé les compétences des départements en matière de politique en faveur des personnes handicapées avant de souligner l'importance de l'effort engagé par ces derniers en ce domaine. Il s'est plus particulièrement félicité de la mise en oeuvre des schémas départementaux d'accueil des personnes handicapées, qui facilite un dialogue fructueux entre toutes les parties concernées. Il a également insisté sur la dimension économique de la prise en charge du handicap, qui peut favoriser la création d'emplois, notamment dans des cantons menacés de dépopulation. M. Michel Mercier a donc estimé, de ce point de vue, que les dépenses sociales ne devaient pas seulement être envisagées comme un « coût » mais pouvaient, également, être considérées comme un facteur de développement économique et d'aménagement du territoire. Enfin, il a souligné la nécessité, pour les départements, d'organiser aujourd'hui des modes de prise en charge plus personnalisés et plus individualisés afin de pouvoir répondre aux nouveaux besoins et aux nouvelles demandes des personnes handicapées.

Il a ensuite répondu aux questions de M. Paul Blanc, rapporteur.

Puis Mme Annick Bocandé, après avoir rappelé les effets pervers, pour les finances des départements, de la répartition actuelle des compétences avec l'Etat en matière de prise en charge du handicap, a souhaité savoir si l'Assemblée des départements de France avait procédé à des évaluations financières en ce domaine.

M. Alain Vasselle a préconisé l'harmonisation, dans l'ensemble des départements, des conditions de prise en charge des personnes handicapées, avant de s'interroger sur les solutions éventuellement envisagées par l'ADF à ce sujet. Il a également dénoncé les incohérences et les rigidités excessives qui sont aujourd'hui constatées dans le service de certaines prestations.

En réponse, M. Michel Mercier a souscrit à la nécessité de simplifier les règles administratives. Il a, à nouveau, insisté sur le potentiel économique que représentait, pour les départements, le développement des services ou des structures d'accueil en faveur des personnes handicapées. Il a rappelé que l'inégalité de traitement entre les assujettis pouvait également être constatée en ce qui concerne les politiques sociales mises en oeuvre au niveau national, avant d'estimer que la répartition actuelle des compétences entre de multiples acteurs pouvait également favoriser les demandeurs, qui peuvent ainsi s'adresser aux interlocuteurs les mieux adaptés à leur situation.

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a poursuivi les auditions publiques sur la politique en faveur des personnes handicapées.

Audition de M. Michel Fardeau, Professeur au Conservatoire national des Arts et Métiers, auteur du rapport « Personnes handicapées : analyse comparative et prospective du système de prise en charge »

La commission a procédé à l'audition de M. Michel Fardeau, Professeur au Conservatoire national des Arts et Métiers, auteur du rapport « Personnes handicapées : analyse comparative et prospective du système de prise en charge ».

Après avoir rappelé que le rapport qu'il avait remis en septembre 2000 visait principalement à analyser les différences entre les systèmes de prise en charge des personnes handicapées dans les pays européens, M. Michel Fardeau a souligné les décalages importants entre les pays d'Europe du Nord et les pays anglo-saxons, d'un côté, et l'Europe latine et germanique, d'un autre côté, observant que l'intégration des personnes handicapées était bien plus aboutie dans le premier cas.

Constatant, en France, une réelle insatisfaction des besoins des personnes handicapées en dépit du montant du budget social du handicap, il a considéré qu'il était indispensable d'assurer, dans notre pays, la reconnaissance et la dignité des personnes handicapées. Il a alors insisté sur la nécessité de réformer notre système de prise en charge en le refondant sur les principes de non-discrimination et de droit à compensation, afin d'adresser un signal fort aux personnes handicapées.

En réponse aux questions de M. Paul Blanc, rapporteur, il a estimé que l'action publique, en la matière, devait se fonder sur une relation de proximité avec les personnes handicapées, guidée par l'analyse de leurs besoins, à l'image de ce qui se fait en Grande-Bretagne. Il a également insisté sur les efforts à réaliser en matière d'accessibilité de la cité, citant en exemple les pays d'Europe du Nord et le Japon, et de maintien à domicile. Il a aussi considéré que l'intégration scolaire en milieu ordinaire des enfants handicapés constituait le point central pour toute évolution de notre système.

A l'issue d'un large débat où sont intervenus MM. Nicolas About, président, Jean Chérioux, Francis Giraud, Alain Gournac, et Mme Sylvie Desmarescaux, M. Michel Fardeau a notamment souligné la nécessité de s'inspirer des « bonnes pratiques » expérimentées à l'étranger et de réserver une place centrale aux personnes handicapées et à leurs familles dans un système de prise en charge rénové, et notamment par leur meilleure représentation au sein des instances gestionnaires de ce système.

Audition de M. Daniel Lenoir, directeur de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAMTS), accompagné de Mme Béatrice de Casson, responsable de la mission handicap

Puis la commission a entendu M. Daniel Lenoir, directeur de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAMTS), accompagné de Mme Béatrice de Casson, responsable de la mission handicap.

Après avoir regretté que la politique en faveur des personnes handicapées ait été parfois considérée comme un enjeu secondaire des politiques sociales, M. Daniel Lenoir a dressé un bilan critique des résultats obtenus par la France en ce domaine. A cette occasion, il a notamment déploré que les modes de vie ou de prise en charge des personnes handicapées résultaient moins de leurs choix personnels que des insuffisances ou des contraintes institutionnelles. Il a également mis en évidence les lacunes existantes en matière de connaissance statistique et d'évaluation, tant pour les personnes que pour les structures d'accueil, avant de souhaiter une remise à plat des dispositifs existants. Il a indiqué que la CNAMTS, qui finance à elle seule la moitié du budget du handicap, soit 11 milliards d'euros sur un total de 25 milliards d'euros, entendait désormais jouer un rôle actif en ce domaine, et que cette détermination s'était notamment traduite par la création récente, en son sein, d'une mission handicap.

M. Daniel Lenoir et Mme Béatrice de Casson ont ensuite répondu aux questions de M. Paul Blanc, rapporteur, de Mme Sylvie Desmarescaux et de M. Jean Chérioux.

Ils ont notamment indiqué que la complexité de la répartition actuelle des compétences s'expliquait, pour partie, par la sédimentation historique de dispositions qui se sont progressivement juxtaposées, tant en ce qui concerne les personnes que les établissements, tout en estimant nécessaires, d'une part, une harmonisation des barèmes d'évaluation du handicap ou de l'invalidité et, d'autre part, une réforme de la tarification afin de pouvoir distinguer ce qui relève de l'hébergement, des aides à la personne et des soins proprement dits. Ils ont également souligné la volonté de la CNAMTS de favoriser le maintien à domicile des personnes handicapées. Interpellés à ce sujet par les divers intervenants sur les insuffisances et les incohérences de la prise en charge, par l'assurance maladie, tant des auxiliaires de vie que des aides techniques, ils ont notamment précisé, d'une part, que les récentes négociations engagées avec les infirmières libérales avaient permis de « desserrer », dans des limites raisonnables, les quotas d'activité et que, d'autre part, compte tenu de l'atomisation du marché et des progrès incessants en matière d'aides techniques, les effets bénéfiques attendus d'une revalorisation tarifaire, certes nécessaire dans son principe, risquaient d'être rapidement neutralisés par l'augmentation continue du prix des matériels.

Audition de M. Marc Maudinet, directeur du Centre technique national d'études et de recherches sur les handicaps et les inadaptations (CTNERHI)

La commission a alors entendu M. Marc Maudinet, directeur du Centre technique national d'études et de recherches sur les handicaps et les inadaptations (CTNERHI), accompagné de M. Jésus Sanchez, directeur de recherche.

M. Jésus Sanchez a rappelé que les estimations de la population handicapée dépendaient étroitement des définitions retenues. Il a, à cet égard, indiqué que, traditionnellement, ces estimations allaient, en France, de 1 à 5 millions de personnes. Il a toutefois précisé que la récente enquête « Handicap-Incapacité-Dépendance » réalisée par l'INSEE, évaluait à 31,7 % de la population le nombre de personnes affectées par une gêne pour leur vie quotidienne.

En réponse aux questions de M. Paul Blanc, rapporteur, M. Jésus Sanchez a estimé que les principales faiblesses du système actuel de prise en charge résidaient dans les limites à l'accessibilité, dans les difficultés de l'autonomie de vie et dans l'insuffisante qualité de la prise en charge institutionnelle. M. Marc Maudinet a également souligné l'insuffisance des moyens de la recherche dans le champ du handicap.

S'agissant de l'amélioration du système, M. Marc Maudinet a relevé que l'article 53 de la loi de modernisation sociale introduisait le principe du droit à compensation dans notre législation, mais il a considéré que sa mise en oeuvre passait avant tout par l'affirmation effective des principes de non-discrimination et d'égalité des chances dans notre droit positif. Il a, à ce titre, estimé que les personnes handicapées devaient relever des dispositions générales aussi souvent que possible, mais aussi de dispositions particulières aussi souvent que nécessaire.

Audition de Mme Françoise Nouhen, vice-présidente de l'Union nationale des centres communaux et intercommunaux d'action sociale (UNCCAS), accompagnée de M. Daniel Zielinski, délégué général

Enfin la commission a entendu Mme Françoise Nouhen, vice-présidente de l'Union nationale des centres communaux et intercommunaux d'action sociale (UNCCAS), accompagnée de M. Daniel Zielinski, délégué général.

Mme Françoise Nouhen a présenté les principaux domaines d'intervention des centres communaux et intercommunaux d'action social (CCAS) en matière de handicap, qu'il s'agisse de l'analyse des besoins, de l'instruction des demandes d'aide sociale, de la gestion des établissements spécialisés, de l'octroi d'aides facultatives, de la gestion des tutelles et de la curatelle et, enfin, de l'accessibilité et du logement. Elle a également souligné que, compte tenu de leurs statuts, et, plus particulièrement, de la composition de leur conseil d'administration où siègent des représentants d'associations, les centres communaux et intercommunaux d'action sociale étaient à même de favoriser l'émergence de démarches partenariales et pouvaient ainsi contribuer, par leur rôle d'observateurs et de catalyseurs, à la mise en oeuvre concrète des objectifs définis au niveau national. Mme Françoise Nouhen a par ailleurs identifié les diverses difficultés auxquelles est aujourd'hui confrontée la politique en faveur des personnes handicapées et, notamment, l'insuffisance de moyens financiers ou de personnels qualifiés, ainsi que l'allongement de la durée de vie des personnes handicapées.

Elle a ensuite répondu aux questions de M. Paul Blanc, rapporteur. Elle a notamment signalé les difficultés particulières des personnes atteintes de maladies orphelines et des polyhandicapés. Elle a souligné les limites de l'intégration scolaire en milieu ordinaire des handicapés intellectuels et a estimé préférable de prévoir, à ce sujet, leur intégration dans des établissements spécialisés, mais néanmoins ouverts sur l'extérieur. Elle a enfin jugé souhaitable le décloisonnement des compétences administratives et tarifaires, afin de favoriser la diversité et la complémentarité des structures et des services proposés aux personnes handicapées.

Puis interrogé par M. Paul Blanc, rapporteur, M. Daniel Zielinski, délégué général, a présenté certaines expériences innovantes engagées par les CCAS en faveur des personnes handicapées, M. Nicolas About, président, saluant, au terme de cette présentation, la richesse et la diversité de l'action des centres communaux et intercommunaux d'action sociale en ce domaine. Ayant, à son tour, salué le rôle essentiel des CCAS, M. Jean Chérioux a souhaité une meilleure coordination de l'action des communes et des départements en matière sociale, notamment par la création d'un « guichet unique ».

Enfin, répondant à une observation de Mme Françoise Henneron concernant le manque de moyens des CCAS dans les petites communes, Mme Françoise Nouhen a souligné l'intérêt, pour ces centres, de se regrouper et M. Daniel Zielinski a ajouté qu'ils pouvaient bénéficier de financements particuliers au titre des fonds structurels européens.