Table des matières




Mercredi 10 avril 2002

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Politique en faveur des personnes handicapées - Auditions publiques

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a procédé à des auditions publiques sur la politique en faveur des personnes handicapées.

M. Nicolas About, président, a indiqué que la commission, après avoir entendu des « personnalités qualifiées », le 27 mars dernier, souhaitait plus particulièrement aborder, à la faveur de cette seconde journée d'auditions publiques, la question de l'insertion scolaire, professionnelle et sociale de la personne handicapée. Il a rappelé que l'ensemble de ces auditions publiques ferait l'objet d'un compte rendu intégral annexé au rapport d'information sur la politique en faveur des personnes handicapées que présentera M. Paul Blanc, rapporteur, au début du mois de juillet.

Audition de M. Jean-Louis Brison, chargé de mission auprès du ministre de l'éducation nationale

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Louis Brison, chargé de mission auprès du ministre de l'éducation nationale.

M. Jean-Louis Brison
a exposé les quatre axes prioritaires de la politique en faveur de l'intégration scolaire des enfants handicapés (rendre accessible le second degré ; renforcer l'accessibilité du premier degré ; améliorer les conditions de la scolarisation à domicile ; favoriser un accueil plus personnalisé des familles).

Répondant ensuite aux questions de MM. Nicolas About, président, et Paul Blanc, rapporteur, il a dressé un bilan général du plan « handiscol », qui vise à favoriser l'intégration scolaire des enfants handicapés, tout en soulignant, notamment, les lacunes encore constatées dans le dénombrement statistique de la population concernée. A cet égard, il s'est interrogé sur la pertinence des choix méthodologiques de l'enquête réalisée par l'Association nationale des communautés éducatives (ANCE), selon laquelle 40.000 enfants handicapés ne seraient pas scolarisés, avant de préciser que, d'après les chiffres officiels des administrations compétentes, il manquerait aujourd'hui 6.600 places d'accueil pour satisfaire l'ensemble des demandes de scolarisation.

M. Jean-Louis Brison a présenté les nouvelles mesures récemment définies dans le cadre du plan « handiscol » (création d'un groupement d'intérêt public afin de développer l'édition de manuels scolaires pour les mal-voyants ; reconnaissance académique de l'apprentissage de la langue des signes ; précision, par voie de circulaire, des conditions de passation des examens et des concours ; aides aux élèves confrontés à de graves difficultés de langage ; accès à l'université des étudiants handicapés). Il a également souligné l'importance et la spécificité du rôle des auxiliaires d'intégration scolaire, qui doivent désormais être consacrées par une formation adaptée.

En ce qui concerne les difficultés encore rencontrées par de nombreux parents souhaitant scolariser leurs enfants handicapés, qui acculent certains d'entre eux à des solutions extrêmes, M. Jean-Louis Brison en a identifié les deux causes principales : d'une part, les lacunes du système scolaire, notamment dans l'enseignement du second degré et, d'autre part, l'hétérogénéité du parc des établissements médico-éducatifs. Il a néanmoins tenu à ajouter que, s'agissant du cas individuel récemment évoqué par la presse, une offre éducative avait bien été proposée à la famille, qui l'avait refusée. M. Jean-Pierre Brison a donc réaffirmé la nécessité d'améliorer les conditions d'accueil et d'écoute des parents d'enfants handicapés par l'éducation nationale.

Puis, en réponse à Mme Gisèle Prinz, MM. Jean Chérioux et Dominique Leclerc, M. Jean-Louis Brison a notamment confirmé que le plan « handiscol » prenait bien en compte la diversité des handicaps. Il a également admis la nécessité d'améliorer le dialogue entre l'éducation nationale et les établissements médico-éducatifs.

Audition de M. Hasni Jeridi, chargé de mission auprès de Mme Bachelier, déléguée ministérielle à l'accessibilité au ministère de l'équipement, des transports et du logement

La commission a ensuite entendu M. Hasni Jeridi, chargé de mission auprès de Mme Catherine Bachelier, déléguée ministérielle à l'accessibilité au ministère de l'équipement, des transports et du logement.

Après avoir rappelé le rôle du délégué ministériel à l'accessibilité, M. Hasni Jeridi, répondant aux questions de M. Paul Blanc, rapporteur, a indiqué que les dispositions législatives actuelles, et notamment la loi du 13 juillet 1991, avaient permis d'améliorer l'accessibilité de la Cité, mais restaient néanmoins insuffisantes pour garantir une accessibilité effective. Il a considéré, à cet égard, que l'obligation d'accessibilité posée par la législation n'avait pas une portée générale et prévoyait sans doute trop de possibilités de dérogations, mais aussi que son application était insuffisamment contrôlée.

Il a estimé qu'une meilleure accessibilité exigeait avant tout une plus grande sensibilisation et une meilleure coordination des acteurs tant au niveau national qu'au niveau local. Il a également précisé qu'il était nécessaire de renforcer la place et les moyens accordés aux associations de personnes handicapées pour garantir l'accessibilité.

Considérant que les transports publics étaient le révélateur de l'accessibilité de la Cité, il a présenté plusieurs mesures en faveur d'une plus grande accessibilité des transports.

Puis, à l'issue d'un large débat dans lequel sont intervenus MM. Nicolas About, président, Louis Souvet, Mme Gisèle Printz, MM. Jean-Pierre Godefroy et Jean Chérioux, M. Hasni Jeridi a considéré que la sanction à l'inaccessibilité ne devait pas être systématique et que l'amélioration de la situation exigeait plus largement une sensibilisation accrue des citoyens et une incitation réelle pour les opérateurs.

Audition de M. André Fertier, président de CEMAFORRE et de EURCREA FRANCE

Puis la commission a entendu M. Michel Fertier, président des associations CEMAFORRE (Centre national de ressources loisirs et culture pour tous) et EUCRÉA France (Europe créativité France).

M. Michel Fertier a présenté l'association CEMAFORRE qui, régie par la loi de 1901, vise à promouvoir l'accès à la culture et aux loisirs des personnes handicapées ou hospitalisées et des personnes âgées dépendantes. Elle a pour vocation principale de susciter et de soutenir des projets en ce sens, et favorise l'implication des établissements culturels, des institutions d'accueil, des collectivités publiques et des associations dans le développement d'actions communes. CEMAFORRE préside également l'association EUCRÉA France, rassemblement national de 96 organismes et associations impliqués dans le développement de l'accès à la culture des personnes handicapées, qui est elle-même affiliée à l'organisation non gouvernementale EUCRÉA Europe.

Répondant ensuite aux questions de M. Paul Blanc, rapporteur, M. Michel Fertier a évoqué les principaux obstacles qui rendent encore difficile l'accès à la culture des personnes handicapées, mettant en évidence, à cette occasion, les responsabilités respectives des institutions d'accueil, des établissements culturels, des collectivités territoriales, des associations et de l'Etat.

Puis M. Michel Fertier a dressé le bilan des travaux de la commission nationale culture et handicap, instituée le 23 mai 2001. Soulignant la mobilisation de l'ensemble des acteurs concernés dans le cadre des travaux de cette commission, il a toutefois estimé que les propositions élaborées à cette occasion risquent de demeurer lettre morte compte tenu, d'une part, de l'engagement insuffisant du ministère de la culture en ce domaine et, d'autre part, de l'absence de moyens financiers.

M. Michel Fertier a également insisté sur l'utilité des emplois jeunes (5.000 environ) créés en faveur de l'accès à la culture des personnes handicapées, avant de souhaiter que ces emplois puissent bénéficier des mesures de pérennisation prévues dans la convention conclue, le 20 novembre 2001, entre la Caisse des dépôts et consignations et le ministère de l'emploi et de la solidarité.

En conclusion, et après avoir exposé diverses mesures susceptibles, selon lui, de favoriser l'accès des personnes handicapées à la culture et aux loisirs, M. Michel Fertier a estimé que les retards ou les insuffisances constatés en ce domaine étaient essentiellement imputables à l'absence d'une véritable volonté politique.

Audition de MM. René Bernard, président de l'ANCE, et François Martin, secrétaire général adjoint

La commission a ensuite procédé à l'audition de MM. René Bernard, président de l'association nationale des communautés éducatives (ANCE), et François Martin, secrétaire général adjoint.

Après avoir rappelé l'activité de l'ANCE, M. René Bernard a présenté les résultats de l'enquête qu'elle a réalisée sur la scolarisation des enfants et adolescents handicapés.

En réponse aux questions de M. Paul Blanc, rapporteur, MM. René Bernard et François Martin ont souligné l'évolution progressive de l'offre de prise en charge des enfants handicapés.

Ils ont également considéré qu'il fallait garantir la complémentarité entre scolarisation en milieu ordinaire et scolarisation dans les établissements ou à domicile avec le soutien de services spécialisés, regrettant à cet égard que l'intégration scolaire soit parfois considérée comme un dogme.

Après avoir dressé un bilan parfois mitigé du plan Handiscol et de l'action des auxiliaires d'intégration scolaire, ils ont souligné la complexité du système de prise en charge, regrettant qu'il apparaisse comme un véritable parcours du combattant pour les familles. Ils ont notamment jugé qu'il était nécessaire de le gérer au plus près du terrain.

Ils ont enfin insisté sur la nécessité de réviser la législation actuelle pour garantir un meilleur accès aux droits, et notamment au droit à la scolarisation, pour les enfants handicapés et formulé plusieurs propositions en ce sens.

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a poursuivi les auditions publiques sur la politique en faveur des personnes handicapées.

Audition de MM. Jean-Pierre Philibert, directeur des relations avec les pouvoirs publics, Dominique Tellier, directeur des relations sociales, et Mme Catherine Martin, chargée de l'emploi du MEDEF

La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Philibert, directeur des relations avec les pouvoirs publics, accompagné de M. Dominique Tellier, directeur des relations sociales, et de Mme Catherine Martin, chargée de l'emploi, du Mouvement des entreprises de France (MEDEF).

MM. Jean-Pierre Philibert et Dominique Tellier ont souligné le rôle des entreprises en ce qui concerne l'insertion professionnelle des personnes handicapées qui est devenue, depuis plusieurs années, une préoccupation majeure de leurs organisations professionnelles. A cette occasion, ils ont présenté les objectifs du réseau « Handicap et Emploi » qui, créé par le MEDEF, soutient et coordonne les diverses actions engagées par les entreprises et leurs organisations professionnelles en ce domaine.

MM. Jean-Pierre Philibert et Dominique Tellier ont, en outre, estimé que les difficultés rencontrées en matière d'intégration professionnelle des personnes handicapées n'étaient pas imputables aux entreprises mais à des causes d'ordre structurel (faible niveau de qualification et âge moyen relativement élevé de la population concernée), à la complexité du dispositif législatif et administratif en vigueur et au désengagement, notamment financier, de l'Etat. Ils ont donc souhaité la clarification des dispositifs existants, la primauté du dialogue social et du partenariat contractuel sur la contrainte législative et le remplacement de l'actuelle obligation d'emploi de travailleurs handicapés, fondée sur des quotas, par l'affirmation d'un principe général de non-discrimination, inspiré des législations anglo-saxonnes.

M. Jean-Pierre Philibert, M. Dominique Tellier et Mme Catherine Martin ont ensuite répondu aux questions de MM. Nicolas About, président, Paul Blanc, rapporteur, Jean-Pierre Godefroy etJean-Claude Etienne. A cette occasion, ils ont notamment souligné l'inadéquation entre, d'une part, les candidatures de personnes handicapées proposées par les réseaux publics d'aide à la recherche d'emploi et, d'autre part, les offres d'emplois des entreprises. Ils ont également estimé que le dialogue social pouvait contribuer à favoriser l'intégration professionnelle des personnes handicapées sans souhaiter, toutefois, y associer les associations qui sont, par définition, extérieures au monde de l'entreprise.

Enfin, M. Jean-Pierre Philibert a insisté sur la nécessité de simplifier les dispositions législatives relatives à l'emploi des personnes handicapées et de dépasser les cloisonnements administratifs et réglementaires actuels dans le cadre d'un dialogue social renouvelé.

Audition de MM. Hervé Knecht, président, et Sylvain Aurian, secrétaire général du GAP-UNETA

La commission a ensuite procédé à l'audition de MM. Hervé Knecht, président, et Sylvain Aurian, secrétaire général du Groupement national des ateliers protégés - Union nationale des entreprises de travail adapté (GAP-UNETA).

Après avoir présenté les spécificités du secteur adapté, M. Hervé Knecht a souligné les difficultés rencontrées par les personnes handicapées pour accéder au travail.

S'agissant des ateliers protégés, dont il a appelé la modernisation en profondeur, il a regretté que ceux-ci apparaissent trop souvent comme un dernier recours, observant que l'orientation vers les ateliers protégés constituait largement une orientation par défaut. Il s'est alors prononcé en faveur d'une pré-orientation professionnelle des personnes handicapées.

En réponse aux questions de MM. Paul Blanc, rapporteur, Georges Mouly, Nicolas About, président, et Jean Chérioux, il a contesté l'idée que les ateliers protégés ont vocation à jouer un rôle de passerelle entre le secteur ordinaire et le secteur adapté. Il a également insisté sur les difficultés, notamment d'ordre juridique, rencontrées par les ateliers protégés pour l'exercice de leur mission et sur le risque d'une « privatisation » de l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés.

Audition de M. Jean-Louis Segura, directeur général de l'AGEFIPH

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Louis Ségura, directeur général de l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH).

M. Jean-Louis Ségura a présenté un bilan général de l'activité de l'AGEFIPH, apprécié tant du point de vue de sa gestion financière que de l'évolution du nombre de travailleurs handicapés dans les entreprises privées. Ayant ainsi souligné les acquis de la loi du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés, il a toutefois estimé que l'insertion professionnelle des personnes handicapées avait incontestablement atteint, aujourd'hui, un palier, compte tenu, d'une part, des « effets de seuil » qui peuvent dissuader les bénéficiaires d'allocations de chercher un emploi et, d'autre part, du faible niveau moyen de qualification de la population concernée.

Il a ensuite répondu aux questions de M. Paul Blanc, rapporteur.

M. Jean-Louis Ségura a notamment indiqué que l'AGEFIPH consacrait un important effort financier, soit 541 millions d'euros (3,5 milliards de francs) en 2001, à l'amélioration du niveau de qualification des travailleurs handicapés, cet effort concernant tous les domaines de la formation professionnelle. Il a présenté les démarches partenariales engagées par l'AGEFIPH avec l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Il a également souligné que la proportion d'entreprises assujetties ayant choisi de verser une contribution à l'AGEFIPH (soit 37 % en 2001) était demeurée stable au cours de ces dernières années, démentant ainsi l'assertion selon laquelle les entreprises préféreraient s'acquitter de cette contribution plutôt que d'employer, directement ou indirectement, des travailleurs handicapés.

M. Jean-Louis Ségura a, en outre, estimé que la politique en faveur des personnes handicapées souffrait, en France, moins d'un manque de moyens financiers que de l'absence d'un « chef d'orchestre », définissant des objectifs et assurant la cohérence d'ensemble des actions entreprises. Il a indiqué que l'AGEFIPH n'avait pas vocation à assumer ce rôle qui relève, selon lui, de la responsabilité de l'Etat.

Audition de M. Eric Villeneuve, vice-président, et M. Jean-René Marchalot, secrétaire général de l'UNITH

La commission a enfin procédé à l'audition de MM. Eric Villeneuve, vice-président, et Jean-René Marchalot, secrétaire général de l'Union nationale pour l'insertion des travailleurs handicapés (UNITH).

Après avoir présenté l'action des organismes de placement et d'accompagnement dans l'emploi des actifs handicapés dans le cadre du réseau Cap-emploi, M. Eric Villeneuve a souligné la persistance de nombreux obstacles à l'insertion professionnelle en milieu ordinaire, même s'il a considéré que la loi du 10 juillet 1987 avait permis de réaliser des progrès. Il a notamment insisté sur les difficultés de coordination entre les différents acteurs du dispositif en direction de l'emploi des travailleurs handicapés dans certains départements.

A l'issue d'un débat où sont intervenus MM. Paul Blanc, rapporteur, Nicolas About, président, et Jean Chérioux, M. Jean-René Marchalot a alors indiqué les principes sur lesquels devait se fonder, selon lui, une politique de l'emploi des personnes handicapées et a présenté plusieurs préconisations pour améliorer le dispositif actuel.

Désignation des membres de la mission au Canada du 17 au 23 juin 2002

La commission a désigné les membres de la délégation chargée d'accomplir une mission au Canada, du 17 au 23 juin 2002, sur la politique en faveur des personnes handicapées. Cette délégation, présidée par M. Nicolas About, président, sera composée de MM. Gilbert Barbier, Paul Blanc, Mme Annick Bocandé, MM. Guy Fischer, Jean-Marc Juilhard, André Lardeux, Dominique Larifla, Jean-Louis Lorrain et Mme Michèle San Vicente.