Table des matières




Mardi 9 juillet 2002

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Audition de M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, accompagné de M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, et Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées

M. Nicolas About, président, s'est dit très heureux que le Gouvernement comporte désormais un ministre de la santé de plein exercice et a rappelé qu'il s'agissait là de la concrétisation d'un souhait unanimement formulé au sein de la commission. Il a estimé que la réunion des dossiers de la santé, de la famille et du handicap constituait déjà un bloc ministériel très lourd et a précisé qu'il appartenait, de surcroît, à M. Jean-François Mattei, de présenter le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a souligné qu'un ministère de la santé, de la famille et des handicapés ne constituait pas un regroupement arbitraire, mais la poursuite, au plan politique, d'un projet professionnel.

Evoquant le dossier de la famille, il a jugé qu'il convenait de redéfinir une politique familiale neutre, qui réponde aux choix différents que les familles peuvent faire en matière de garde d'enfant ou de conciliation de la vie professionnelle et familiale. Il a souligné qu'une politique de la famille doit être universelle et que la modification du plafond du quotient familial et la réduction de moitié de l'allocation de garde d'enfant à domicile étaient allées à l'encontre d'une telle politique.

Il a observé en outre que l'on avait fait jusqu'ici porter l'essentiel de l'effort sur les crèches. Or, sur 2 millions d'enfants de moins de trois ans, 10 % seulement sont gardés en crèche et environ la moitié sont gardés par leurs parents, 400.000 par leurs grands-parents et autant par des assistantes maternelles agréées.

M. Jean-François Mattei a jugé que l'idéal serait l'organisation d'un système comportant garde individuelle et garde en institution, puis scolarisation en maternelle. Il a souligné que c'était le sens de l'allocation de libre choix pour l'accueil du jeune enfant, qui n'est pas un substitut à la politique des crèches ou un salaire maternel destiné à permettre aux femmes de se retirer du marché du travail, mais l'instrument de la liberté de leur choix d'avoir un enfant, de travailler ou non, d'élever elles-mêmes leur enfant ou de le faire garder. Il a considéré que c'était une réforme ambitieuse, car elle exigeait de repenser l'accueil même du jeune enfant dans un continuum qui va de la garde individuelle à la scolarisation en maternelle, en passant par un mode collectif de garde.

Evoquant la politique envers les personnes handicapées, M. Jean-François Mattei a estimé qu'il fallait adapter notre système d'aide pour le « tourner vers la personne », et non le service ou l'institution qui intervient auprès de lui. Il a souligné que c'était le sens du droit à compensation pour les personnes handicapées. Jusqu'ici les personnes handicapées bénéficiaient d'un minimum social, l'allocation aux adultes handicapés, de même nature que le revenu minimum d'insertion (RMI), mais de montant différent parce que les besoins de base sont différents. Le handicap lui-même n'était pris en compte qu'à travers l'allocation compensatrice de tierce personne (ACTP), les services d'auxiliaires de vie et le placement en institution. Mais ces services et ces institutions montraient aujourd'hui leurs limites face aux personnes handicapées lourdement dépendantes.

M. Jean-François Mattei a jugé que notre législation ne favorisait pas l'insertion des personnes handicapées en milieu ordinaire de travail. Qu'il s'agisse des modalités d'attribution de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) (notamment l'interdiction de cumul avec un salaire) ou de la proximité des minima sociaux et du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), les personnes handicapées n'étaient guère incitées à se risquer dans le monde du travail. Au surplus, aucune disposition n'existait pour orienter efficacement les personnes handicapées vers l'emploi. Enfin, l'obligation d'emploi des personnes handicapées était encore mal respectée.

Evoquant les axes communs à ces deux politiques, M. Jean-François Mattei a estimé que la simplification de la législation était une nécessité pour faciliter l'accès aux droits. Il a jugé qu'il fallait rapprocher la décision de la personne, dans le cadre de la décentralisation et que, s'agissant des handicapés, des clarifications étaient possibles, en particulier pour les responsabilités respectives de l'Etat et des départements. De même, des expérimentations de nouveaux transferts de compétences étaient envisageables sur la base des responsabilités des régions en matière de formation professionnelle.

Abordant la politique de santé, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a estimé que la situation était extrêmement tendue, pour ne pas dire « explosive ». Dans le secteur libéral, la revalorisation cahoteuse des honoraires était source d'un profond mécontentement ; les revenus des professionnels n'étaient toujours pas en rapport avec le niveau de compétence et de responsabilité acquis au terme de longues études ; enfin, un manque de médecins apparaissait dans certaines zones géographiques ou dans certaines spécialités. Dans le secteur hospitalier, on assistait à la dégradation des conditions de travail et à la « paupérisation des murs » ; on souffrait de l'insuffisant renouvellement des équipements, voire d'équipements insuffisants (imagerie à résonance magnétique (IRM), scanners...), ainsi que d'un manque d'effectifs soignants (il était parfois difficile de pourvoir les vacances de postes d'infirmières dans certains hôpitaux).

M. Jean-François Mattei a souligné que la réduction du temps de travail avait aggravé la situation et que les congés estivaux constituaient aujourd'hui une menace sur la permanence du service public hospitalier. Il a fait observer que la situation financière des établissements était de plus en plus tendue, puisque la moitié des hôpitaux étaient en déficit et que beaucoup reportaient leurs charges d'une année sur l'autre. Il a également considéré que l'absence de financement prévu pour la réduction du temps de travail (RTT) ou le protocole « filières professionnelles » menaçait les droits sociaux des personnels.

Il a souligné que le monde de la santé traversait une crise matérielle et morale qui s'exprimait par des revendications nombreuses et par une profonde exaspération : le découragement et la démotivation guettaient des personnels traditionnellement habités par l'enthousiasme de servir. Il a estimé que l'on s'était concentré, ces dernières années, sur la difficile question de l'équilibre des finances sociales, au risque de négliger l'investissement, la prévention, l'acte intellectuel. Rappelant que les outils utilisés avaient pour la plupart échoué (maîtrise de l'offre avec le numerus clausus, maîtrise de la dépense avec les mécanismes comptables et collectifs...), il a fait valoir que la branche maladie resterait toujours déficitaire, avec un solde négatif de 5,6 milliards d'euros en 2002, soit un niveau à peu près analogue à celui de 1995.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a estimé qu'il n'y avait pas là, pour autant, matière à se décourager mais qu'il fallait avoir conscience de l'ampleur des efforts à accomplir. Il s'est dit convaincu de la nécessité de changer de regard sur le monde de la santé et de laisser place à une nouvelle logique. Soulignant que la croissance des dépenses de santé dans le budget des ménages était inéluctable en raison du vieillissement de la population, de l'amélioration des techniques et de l'aspiration au mieux-être, il a considéré qu'il fallait donc poser la question du niveau des dépenses d'assurance maladie dans le budget de la nation.

Il a fait observer en outre que le déficit avait un caractère quelque peu artificiel puisqu'à fixer un objectif trop contraint, sans que l'on dispose des moyens de l'atteindre, on aboutissait nécessairement à un déficit sans grande signification. Il a ajouté que le déséquilibre du régime général en 2002 devait être relativisé et comparé à la contribution de 2,8 milliards d'euros de la sécurité sociale au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), qu'il résultait donc, pour partie, de « tuyauteries » compliquées, inventées par opportunité pour couvrir des dépenses non gagées, telles que le financement de la RTT.

M. Jean-François Mattei a souligné qu'il fallait néanmoins conduire une nouvelle politique qui, prenant acte du fait que les ressources publiques ne sont pas infinies, assure aux Français que les dépenses de santé sont médicalement légitimes. Il a estimé qu'il convenait d'inventer et de conduire une nouvelle stratégie de santé reposant sur la patience (il faut prendre le temps nécessaire de l'écoute et de la concertation, il faut inscrire l'action dans la durée), sur la confiance (on n'obtiendra rien en agissant contre les professions de santé), et sur la responsabilité partagée (quatre acteurs -l'Etat, l'assurance maladie, les professions de santé et les patients- doivent être sollicités pour accomplir le redressement nécessaire).

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a indiqué que cette politique de santé comportait cinq orientations. La première consistait à bâtir une véritable politique de prévention grâce à une loi de programmation de santé publique élaborée après concertation avec les régions et la Conférence nationale de santé. M. Jean-François Mattei a souligné que, si la France était classée au premier rang mondial par l'Organisation mondiale de la santé pour la qualité de son système de soins, elle enregistrait néanmoins des résultats très médiocres en matière de prévention. Il a souhaité en conséquence que soit organisé, avant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, un débat d'orientation de santé publique.

Il a indiqué que la deuxième orientation de cette politique de santé visait à instaurer une nouvelle gouvernance du système de santé et d'assurance maladie. Il a précisé que ceci recouvrait trois chantiers : la régionalisation (renforcer la proximité avec les citoyens, avancer dans le décloisonnement entre ville et hôpital) ; la gestion de l'assurance maladie (clarifier les responsabilités de l'Etat et de l'assurance maladie selon des modalités qui seront différentes selon que l'ensemble des partenaires sociaux revient ou non siéger au sein des conseils d'administration des caisses, créer des agences régionales de santé) ; enfin, la responsabilisation accrue des professionnels de santé et des caisses, mais aussi des patients, puisque tout ce qui est gratuit finit par être gaspillé.

M. Jean-François Mattei a précisé que la troisième orientation consistait à promouvoir l'excellence de notre système de soins. Ceci supposait la rénovation de l'hôpital public, dans le cadre du projet « hôpital 2007 », programme quinquennal d'investissement, la déconcentration et la décentralisation, l'assouplissement de la gestion, la réforme du mode de financement avec la tarification à la pathologie et le partenariat public-privé. Ceci supposait également de développer les bonnes pratiques médicales par la formation initiale et continue, l'évaluation et l'accréditation, de mettre en place les outils de régulation de la démographie des professions de santé et de concevoir et appliquer une politique du médicament centrée sur le service médical véritablement rendu, qui ne brime pas l'innovation, respecte un secteur industriel important et qui soit soucieuse d'un bon emploi des deniers publics, en favorisant notamment le développement des génériques. Ceci supposait enfin de diversifier les modes d'exercice de la médecine libérale, afin de répondre par exemple au problème des urgences hospitalières.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a indiqué que la quatrième orientation consistait à améliorer la sécurité sanitaire. Rendant hommage aux travaux menés en la matière par le Sénat et à l'action de son prédécesseur, M. Bernard Kouchner, il a souhaité que l'on s'oriente à terme vers une agence à l'image de la Food and Drug Administration américaine, qui serait en outre également responsable de la sécurité sanitaire environnementale.

Il a souligné enfin que la cinquième et dernière orientation de cette politique de santé consistait à clarifier et à sécuriser le financement de l'assurance maladie. Il a souhaité que l'on respecte à l'avenir la loi de 1994, qui impose la compensation intégrale des allégements de charges, que l'on répartisse les ressources et les charges entre l'Etat et la sécurité sociale en fonction des missions de chacun et que l'on ne fasse plus de la loi de financement de la sécurité sociale une variable d'ajustement de la loi de finances.

Il a souligné pour conclure que donner à notre système de santé et d'assurance maladie les moyens de conserver ses hautes ambitions de liberté professionnelle, de qualité des soins accessibles à tous et de solidarité, impliquait de dépasser les égoïsmes catégoriels et que le dialogue social, la confiance des engagements réciproques devaient contribuer à l'exercice d'une responsabilité partagée. Il a estimé que chaque partie au contrat devait apporter sa contribution au pilotage du système, au développement des bonnes pratiques et à la sauvegarde du financement solidaire.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, a fait part de sa volonté d'inscrire son action dans le droit fil des engagements pris par le Président de la République durant la campagne présidentielle, qui traduisent une ambition forte pour la famille.

Il a précisé les trois grands principes qui devaient, selon lui, sous-tendre la politique familiale : l'universalité, la liberté de choix et la simplicité. Citant l'exemple de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle (AFEAMA), qui combine prise en charge de cotisations, avantages en numéraire et avantages fiscaux, il a déploré la complexité actuelle des prestations familiales : plus de vingt, dont près de la moitié, sont destinées aux enfants.

Il a indiqué que la mise en place de l'allocation unique de libre choix, annoncée par le Président de la République et confirmée par le Premier ministre dans son discours de politique générale, reposerait sur ces trois grands principes. Il a expliqué que cette allocation regrouperait certaines prestations existantes et serait accordée quel que soit le mode de garde choisi, que les parents travaillent ou non.

Il a affirmé que son ambition était celle d'un dispositif simple, équitable, compréhensible et stable au service des familles et a précisé que cette réforme nécessiterait une concertation préalable avec le mouvement familial dans son ensemble, la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), les partenaires sociaux et les élus, concertation qu'il comptait engager, dès le mois de septembre afin de déboucher sur des propositions concrètes au printemps 2003, lors de la prochaine Conférence de la famille.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, a ajouté que la question des modes de garde de la petite enfance devait mobiliser également les entreprises, qui devront s'impliquer dans le domaine de l'articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle, qu'il s'agisse de l'aménagement des horaires et des conditions de travail ou d'une action plus ciblée en faveur des modes de garde. Il a souhaité la création d'un crédit d'impôt « famille-entreprise ». Il a rappelé par ailleurs que le retour à la vie professionnelle devait faire l'objet d'une attention particulière à travers des programmes de formation adaptés.

M. Christian Jacob a déclaré vouloir également revaloriser la fonction parentale. Il a indiqué avoir pris connaissance avec intérêt du rapport de la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs et en partager les conclusions. Il a souligné le rôle des parents comme premiers éducateurs et a insisté sur la nécessité de les renforcer dans cette fonction et de les impliquer dans toutes les décisions prises concernant leur enfant, qu'il s'agisse de l'école, des services de la police, de la justice ou des collectivités locales. Il a fait part de son souhait de développer les actions de prévention et la médiation familiale. Il a toutefois affirmé que ces actions ne seraient efficaces que si une sanction existe. Il a évoqué à cet égard l'idée d'une « amende parentale », prononcée par un juge après des procédures d'avertissement, qui lui semblait mieux adaptée que la suppression des allocations familiales, qui appelait de sa part de fortes réserves.

Enfin, M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, a souhaité une réflexion sur la situation des jeunes adultes, de plus en plus nombreux à demeurer tardivement au domicile de leurs parents ou à se trouver sans ressources. Citant les statistiques publiées par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), il a déploré que 17 % des jeunes de 20 à 25 ans vivent en dessous du seuil de pauvreté. Il a estimé que ces jeunes ne devaient pas tomber dans l'assistanat et voir leur avenir borné à l'obtention d'un RMI. Au contraire, il a souhaité qu'ils puissent exprimer leur enthousiasme et leur générosité à travers un projet ou une formation et faire preuve d'innovation.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, a tout d'abord fait part de son intention de s'inscrire dans la continuité des travaux de la commission sur le handicap.

Rappelant la part prise, à l'époque, par l'actuel Président de la République dans la rédaction de la loi du 30 juin 1975, et l'attention qu'il porte aujourd'hui à cette question, elle a insisté sur l'immense progrès qu'a constitué cette loi et sur sa volonté de mener à bien sa révision, conformément à la mission que lui avait confiée le Premier ministre.

Mme Marie-Thérèse Boisseau a estimé nécessaire de rappeler les convictions sur lesquelles se fonde son action : le caractère unique et irremplaçable de chaque être humain et le devoir de la société de l'accueillir, de le respecter et de l'intégrer. Pour donner corps à ces convictions simples, mais exigeantes, elle a souligné la nécessité de l'engagement de tous, pour justifier une large consultation des différents acteurs de la politique en faveur du handicap.

Evoquant ses objectifs, Mme Marie-Thérèse Boisseau a souhaité insister sur deux priorités : la liberté du choix du mode de vie et la participation de la personne handicapée à la vie en société.

Concernant le choix du mode de vie, elle a indiqué que 90 % des personnes handicapées vivent actuellement à domicile et souligné que, dans ce contexte, l'accent devait être mis sur le développement des services de soins et d'aide à domicile, ainsi que sur celui des structures d'accueil temporaire, pour répondre à la demande, largement insatisfaite, d'une plus grande autonomie pour les personnes handicapées.

Elle a néanmoins précisé que, parmi ces 90 %, beaucoup restaient à domicile, faute d'une solution adaptée en établissement et insisté sur le fait qu'il était inadmissible d'obliger ces personnes à faire face à des listes d'attente de plusieurs années ou à aller chercher des solutions à l'étranger, notamment en Belgique, en raison du manque chronique de places dans nos établissements.

S'agissant de la participation à la vie sociale, Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, a énuméré les quatre domaines où un effort particulier devait être engagé : l'accessibilité des transports, des lieux publics et des logements ; l'intégration scolaire, dans la mesure des capacités de l'enfant et en portant une attention particulière aux aides humaines qui la facilitent ; l'intégration professionnelle, en concertation avec le ministère des affaires sociales, les partenaires sociaux et l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH) ; l'accès aux loisirs, aux sports, à la culture et aux voyages.

Soulignant l'immensité de la tâche et la nécessité de revenir plus longuement sur chacun de ces sujets, Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, a réaffirmé que sa préoccupation première était d'assurer une prise en charge personnalisée de chaque personne, au plus près du terrain. C'est pourquoi elle a insisté sur l'intérêt d'un cadre plus décentralisé et mis l'accent sur sa volonté de simplifier financement et système de prise en charge, tant au profit des personnes handicapées elles-mêmes que des autres acteurs, familles, associations et élus.

Prenant comme exemple de simplification la réforme des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) et des commissions départementales de l'éducation spéciale (CDES), Mme Marie-Thérèse Boisseau a indiqué qu'elle comptait poursuivre l'expérience de fusion des deux sections des COTOREP et la réduction des délais de traitement des dossiers. Elle a surtout insisté pour que les décisions prises par ces commissions s'inscrivent dans l'organisation de véritables parcours individualisés.

En concluant, Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, a tenu à réaffirmer que l'objectif de toute révision de la loi d'orientation du 30 juin 1975 serait de définir un véritable droit à compensation, qui donne un sens à la vie des personnes handicapées.

La commission a ensuite abordé les questions relatives à la politique en faveur des personnes handicapées.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis des crédits de la « solidarité », a tout d'abord rappelé que, suite au débat sur la jurisprudence « Perruche », la commission, consciente des lacunes dramatiques de la solidarité nationale, avait engagé une vaste réflexion et organisé plusieurs journées d'auditions publiques sur la nécessaire révision de la loi d'orientation n° 75-534 du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées et qu'elle lui avait fait l'honneur de le désigner pour présenter, le 23 juillet prochain, le rapport, résultant de ces travaux, portant sur la politique de compensation du handicap. Puis il a interrogé Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, sur son appréciation générale de la situation actuelle des personnes handicapées dans notre pays, notamment au regard des exemples étrangers, sur l'état d'application, d'une part, du plan triennal (2001-2003) d'action en faveur des enfants et adultes handicapés et, d'autre part, du programme quinquennal (1999-2003) de création de places en établissements pour les handicapés adultes et sur les aménagements possibles de la répartition des compétences entre les différents acteurs institutionnels. Enfin, il a souhaité obtenir des précisions sur la création d'un fonds d'indemnisation des personnes victimes de faute commise lors du diagnostic prénatal, dont l'éventualité a été récemment évoquée.

En réponse, Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, a souligné les lacunes de l'information statistique relative à la population des personnes handicapées, avant d'estimer que la politique mise en oeuvre dans notre pays supportait la comparaison avec celle des pays étrangers, qu'il s'agisse, notamment, des moyens financiers qui lui sont consacrés, le « budget du handicap » représentant 2 % du produit intérieur brut, de la garantie d'un revenu minimum par le biais de l'allocation aux adultes handicapés ou des structures d'accueil pour enfants handicapés. Mme Marie-Thérèse Boisseau a toutefois souligné les insuffisances de cette politique et, notamment, les retards constatés en matière d'intégration scolaire des enfants handicapés, question qu'elle entend, dès la rentrée prochaine, traiter en concertation avec M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation et de la recherche.

Puis Mme Marie-Thérèse Boisseau a indiqué que, sur les 14.000 places devant être créées en établissements, en centres d'aide par le travail et en ateliers protégés dans le cadre du programme quinquennal (1999-2003) en faveur des handicapés adultes, seulement 7.248 d'entre elles étaient effectives à la fin de l'année 2001. Il reste donc un peu moins de deux ans, aujourd'hui, pour créer la moitié des places initialement prévues. Elle a, en outre, souhaité une simplification des procédures et des répartitions de compétences, la complexité administrative pénalisant toujours nos concitoyens les plus vulnérables.

S'agissant de la création éventuelle d'un fonds d'indemnisation, M. Jean-François Mattéi, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a notamment indiqué qu'après mûre réflexion, il en était venu à la conclusion que la réponse apportée par le législateur dans le cadre du débat sur l'arrêt « Perruche » était toujours fondée, car la logique « assurantielle » n'était pas la solution. Il a constaté en revanche que le Parlement n'avait encore fait que la moitié du chemin et qu'il appartenait, désormais, à l'Etat d'assumer pleinement, au titre de la solidarité nationale, ses responsabilités à l'égard des personnes handicapées et de leurs familles. En conséquence, il ne lui a pas semblé utile de créer, sur ce point particulier, une nouvelle structure administrative ou financière.

M. André Lardeux s'est interrogé sur la réalité et l'étendue du droit à l'expérimentation qui pourrait être reconnu aux départements, à l'occasion d'une nouvelle répartition des compétences entre les différents acteurs institutionnels de la politique en faveur des personnes handicapées.

Mme Michelle Demessine a pris acte des déclarations d'intention du nouveau Gouvernement, avant de rappeler les nombreuses lacunes et insuffisances de l'action publique en faveur des personnes handicapées, au regard de la revendication, par ces dernières, de leur citoyenneté et de leur droit au libre choix. Elle a également estimé que la décentralisation n'était pas, en ce domaine, une « solution miracle » car elle pourrait aboutir, dans les faits, à remettre en cause l'égalité de traitement entre les personnes handicapées, égalité que, seule, la solidarité nationale peut véritablement garantir. Elle a également rappelé son soutien personnel à la réponse fournie par le législateur au problème posé par l'arrêt « Perruche » qui permet, notamment, d'éviter que le montant de l'indemnisation obtenue par une personne handicapée puisse dépendre de l'origine de son handicap.

Répondant aux intervenants, Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées :

- s'est déclarée favorable à l'expérimentation de solutions concrètes par les collectivités locales, avant leur extension éventuelle au plan national. Elle a estimé, à cette occasion, que la décentralisation pourrait favoriser la mise en oeuvre d'une politique de proximité en faveur des personnes handicapées ;

- a confirmé la volonté du Gouvernement de concrétiser, dans les meilleurs délais, ses engagements à l'égard des personnes handicapées ;

- a regretté les retards pris par le précédent Gouvernement, tant dans la réalisation des objectifs du plan quinquennal 1999-2003 qu'en matière d'intégration scolaire des enfants handicapés ;

- a indiqué que l'action publique en direction des personnes handicapées devait, en toute hypothèse, être respectueuse du libre choix de leur mode de vie.

Puis la commission a abordé une seconde série de questions consacrée à la santé, à la famille et à la situation financière de la sécurité sociale.

M. Alain Vasselle, rapporteur des projets de lois de financement de la sécurité sociale pour l'assurance maladie, s'est félicité de l'identité de vues qui prévalait entre la commission et le Gouvernement sur l'ensemble des points évoqués par le ministre.

Il a constaté que la Commission des comptes de la sécurité sociale, qui allait se réunir prochainement, se limitait actuellement à un rite formel, au cours duquel son secrétaire général se contentait d'introduire les comptes élaborés par la Direction de la sécurité sociale. Il s'est interrogé sur le rôle de la Commission des comptes de la sécurité sociale et sur la façon dont ce rôle pouvait évoluer à l'avenir. Il a également souhaité connaître le sort que le Gouvernement entendait réserver à la dette du FOREC à l'égard de la sécurité sociale pour l'année 2000.

S'agissant de l'assurance maladie, il a rappelé que le précédent Gouvernement avait fait voter une nouvelle architecture conventionnelle qui maintenait notamment les sanctions collectives dites des « lettres-clés flottantes » pour les professions non signataires d'une convention. Il a demandé si le nouveau Gouvernement entendait conserver ce dispositif et s'est enquis du système de régulation des dépenses de santé que celui-ci envisageait d'instituer à moyen terme. Il a souhaité connaître les mesures prises dans l'immédiat pour faire face aux difficultés extrêmes suscitées par l'application brutale et précipitée de la réduction du temps de travail aux établissements hospitaliers.

En réponse à M. Alain Vasselle, M. Jean-François Mattei a estimé qu'il revenait au ministre de la santé, qui présidait la Commission des comptes de la sécurité sociale, de faire vivre cette instance. Il a indiqué qu'il avait souhaité que le rapport qui serait présenté le 11 juillet soit plus simple en sa forme et communiqué aux participants avant la réunion. Il a considéré que la Commission des comptes n'avait pas pour fonction d'entériner les comptes, mais d'être un lieu de débat et de réflexion.

S'agissant du FOREC, M. Jean-François Mattei a fait valoir qu'il n'appartenait pas au ministre de la santé de décider des modalités de son financement. Après avoir formulé le souhait que des mesures soient prises afin de « remettre les choses d'aplomb », il a indiqué néanmoins qu'aucun arbitrage n'avait encore été rendu sur ce point.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a souligné que le Gouvernement entendait supprimer « les derniers vestiges de la maîtrise comptable » des dépenses de santé, en abrogeant les lettres-clés flottantes et les comités médicaux régionaux, qui n'avaient, au demeurant, jamais fonctionné, et privilégier, au contraire, la régulation par les bonnes pratiques, à l'image de ce que prévoyait l'accord « fondateur » du 5 juin avec les généralistes.

Après avoir précisé qu'il n'appartenait pas au ministre de décider du contenu de la convention signée avec les professionnels de santé, il a estimé qu'il lui revenait cependant d'intervenir quand la qualité et la sécurité des soins n'étaient plus assurées, comme cela avait été le cas à l'occasion des grèves de médecins.

Evoquant l'architecture du système conventionnel, il a considéré que les professions de santé devenaient peu à peu un corps de santé partageant les mêmes préoccupations et que l'on pouvait concevoir dans ce contexte le principe d'un premier étage constitué d'un socle interprofessionnel commun à toutes ces professions. Le deuxième étage devait comporter des conventions différenciées selon les professions. Le troisième étage pouvait offrir une forme de diversification de la rémunération des médecins, pour ceux qui le souhaiteraient, par le biais d'une forfaitisation correspondant à l'exercice de certaines missions de service public. Ce troisième étage devrait nécessairement être régionalisé dans le cadre d'accords conclus avec les futures agences régionales de santé.

M. Jean-François Mattei a estimé que l'application des trente-cinq heures à l'hôpital relevait « de la quadrature du cercle », puisqu'il fallait tout à la fois appliquer la loi de la République et assurer la continuité et la sécurité des soins. Il a expliqué que le précédent Gouvernement avait entendu répondre à ce défi en privilégiant les heures supplémentaires et les crédits d'épargne-temps. Il a indiqué qu'il avait pour sa part décidé dans l'immédiat de financer cinq jours d'épargne-temps supplémentaires et de dégager les crédits nécessaires au financement des heures supplémentaires. Il a souligné cependant que la création d'emplois n'avait guère de signification si personne n'était disponible pour les occuper et que les créations d'emplois pouvaient, dans certaines spécialités et dans certaines régions, venir augmenter le stock déjà important de postes non pourvus.

Il a fait observer qu'il existait aujourd'hui une véritable cassure au sein du corps médical entre les générations plus âgées, pour qui l'exercice de leur art relevait d'une « démarche messianique », et les générations plus jeunes, qui souhaitaient pouvoir bénéficier d'une certaine qualité de vie. Il a indiqué qu'en matière de politique hospitalière le Gouvernement entendait faire preuve de pragmatisme, sans dogme ni tabou, et était disposé à ouvrir davantage l'hôpital au privé et à revenir à la possibilité de temps partiels.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur des projets de loi de financement de la sécurité sociale pour la famille, s'est félicité de la volonté forte exprimée par le Gouvernement de redonner à la famille toute sa place dans la société. Il a souligné la nécessité de redéfinir la parentalité, au travers des droits et devoirs des parents. Il a rappelé que, depuis plusieurs années, la commission dénonçait les prélèvements qui, sous différents prétextes, ont été effectués sur les excédents de la branche famille. Il a demandé si, dans un souci de transparence, le Gouvernement entendait retenir le principe d'une loi d'orientation sur la famille, qui programme une véritable politique et définisse clairement les ressources nécessaires qui lui sont affectées.

M. Jean-Louis Lorrain a ensuite noté que le Gouvernement avait fait part, dans sa déclaration de politique générale, de sa volonté de mettre en place une allocation unique d'accueil du jeune enfant. Il a demandé si le ministre pensait être prêt pour la prochaine loi de financement de la sécurité sociale et si, plus largement et dans l'optique de nouvelles réformes, le Gouvernement souhaitait s'inspirer des apports du Sénat dans le domaine de la politique familiale, en particulier des mesures de l'importante proposition de loi votée en juin 1999.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, a estimé qu'il était nécessaire, concernant les prélèvements, de revenir aux principes fondamentaux de la loi de 1994 et de s'assurer que les excédents ne soient plus utilisés pour le financement de politiques étrangères à la famille. Il a souhaité revenir dès l'automne dans des voies qui n'auraient pas dû être abandonnées.

Il a considéré que le principe d'une loi d'orientation, ou à tout le moins une forme de programmation pluriannuelle, était une bonne idée, mais devrait être précédé d'une large concertation.

Il a confirmé que le dispositif de l'allocation unique d'accueil du jeune enfant serait examiné par la prochaine Conférence de la famille à l'issue d'une concertation qu'il entendait conduire dès la rentrée.

M. Jean-Pierre Fourcade a constaté que la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 avait eu pour effet de rendre à la CNAF 762 millions d'euros que le précédent Gouvernement entendait prélever indûment au profit du fonds de réserve des retraites. Il s'est interrogé sur l'utilisation de ces fonds.

M. Nicolas About, président, a précisé que M. Jean-Pierre Fourcade avait été désigné à la fin du mois de décembre dernier par le président des deux assemblées pour présider le conseil de surveillance de la CNAF, mais qu'à sa connaissance, le précédent Gouvernement n'avait pas publié les arrêtés ratifiant cette nomination.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, a confirmé son attachement à ce que les excédents de la branche famille ne soient pas détournés de leur objet.

M. Francis Giraud a rappelé qu'il avait été désigné par la commission, rapporteur du projet de loi relatif à la bioéthique, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, et a souhaité connaître le calendrier prévisionnel de l'examen de ce texte.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a indiqué qu'il était prêt à travailler avec le Sénat dès la rentrée d'octobre sur ce projet de loi révisant les lois bioéthiques, de sorte que le texte puisse être définitivement adopté dans le courant du printemps.

Après avoir souligné les évidentes qualités d'écoute du ministre, M. Gilbert Chabroux a regretté que celui-ci se soit laissé aller à la « sinistrose » en dressant un tableau particulièrement noir de la situation du système de santé. Sans nier les difficultés que notre système de santé pouvait connaître, il a rappelé que celui-ci avait néanmoins été classé au premier rang mondial par l'Organisation mondiale de la santé et était souvent envié à l'étranger. Evoquant le dérapage des dépenses de l'assurance maladie, il a souligné que ce phénomène s'était déjà produit à plusieurs reprises par le passé et qu'il convenait, plutôt que de polémiquer sur les chiffres, de valoriser et de soutenir notre système de santé.

Il a ainsi jugé que le secteur hospitalier était victime de son succès et que les augmentations importantes de la dotation qui lui était consacrée au sein de l'ONDAM consenties par le précédent Gouvernement n'avaient pas suffi à réparer les dégâts causés par le plan Juppé. Il a estimé que l'avenir montrerait que la réduction du temps de travail à l'hôpital constituait une avancée sociale.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a souligné qu'il n'avait pas l'intention de dénigrer un système de santé auquel il avait consacré sa vie. Il a estimé qu'il n'avait en aucune manière fait preuve de « sinistrose », mais qu'il avait souhaité faire prendre conscience des efforts à accomplir. Il a rappelé que les médecins libéraux venaient d'achever une grève dure, marquée par des comportements parfois violents qui témoignaient, à l'évidence, d'un sentiment profond de révolte. Il a fait observer que le plan Juppé, qui prêtait souvent à polémique, se composait en réalité de trois ordonnances : la première avait rapproché l'hospitalisation publique et l'hospitalisation privée en créant des agences régionales de l'hospitalisation dont personne ne niait l'utilité aujourd'hui ; la deuxième avait permis un débat annuel au Parlement sur le financement de la sécurité sociale ; seule la troisième, relative à la maîtrise comptable des dépenses de santé, était contestée. Soulignant que la maîtrise comptable avait échoué, sans que le précédent Gouvernement n'y renonce pour autant, il s'est dit convaincu que l'on reconnaîtrait à long terme les effets bénéfiques du plan Juppé.

S'agissant de l'ONDAM, M. Jean-François Mattei a indiqué que celui-ci ne serait naturellement pas supprimé, mais qu'il convenait en revanche de substituer « au mode de calcul budgétaire », qui avait prévalu au cours des cinq dernières années, un mode de fixation qui soit fonction des besoins sanitaires.

M. Bernard Seillier a mis l'accent sur la nécessaire politique de prévention en direction des jeunes et a souhaité que l'éducation précoce en milieu scolaire puisse être effectuée sans exclusive, en respectant les convictions de toutes les familles.

M. Alain Gournac s'est félicité de l'annonce de la création d'une allocation de libre choix, qu'il a qualifiée de mesure très importante. Il a mis l'accent sur le rôle des parents et des grands-parents dans l'éducation des enfants et a souhaité que l'on aide les mères de famille qui ne travaillent pas à faire garder leur enfant ponctuellement, dans le cadre de haltes-crèches. Il a appelé l'attention du ministre sur la situation des « mal-nés », ces enfants qui ne sont plus admis à la crèche, mais qui ne sont pas encore acceptés à l'école en raison de leur date de naissance.

M. Claude Domeizel a indiqué qu'en tant que membre de la Commission des comptes de la sécurité sociale, il se réjouissait des annonces faites par le ministre quant à l'évolution du rôle de cette instance. Il s'est félicité de la suppression annoncée des « tuyauteries » qui affectaient le financement de la sécurité sociale ; il a rappelé que les majorités successives avaient toutes contribué à ce « siphonnage » de la sécurité sociale et que le rétablissement d'une étanchéité totale entre les différentes branches ne se ferait pas sans difficultés. Il a souhaité connaître les intentions du Gouvernement concernant le fonds d'investissement pour la petite enfance. Il a mis l'accent sur les difficultés que créait l'absence de plus en plus fréquente de médecins en milieu rural et en zone de montagne.

M. Guy Fischer s'est inquiété des conséquences, pour les assurés sociaux, des revalorisations tarifaires accordées aux médecins dans le cadre de l'accord du 5 juin. Il a fait part de ses craintes de voir la contribution sociale généralisée (CSG) ou les cotisations sociales augmenter pour financer les demandes, au demeurant souvent légitimes, des professionnels de santé. Evoquant la politique du médicament, il a jugé paradoxal que l'on souhaite à la fois lutter contre la surconsommation médicamenteuse et développer l'automédication.

Mme Gisèle Printz a mis l'accent sur les efforts d'information à accomplir en faveur de la prévention du Sida. Elle a souhaité savoir si le Gouvernement entendait amplifier l'aide accordée aux pays d'Afrique frappés par cette maladie.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a indiqué qu'il venait, en collaboration avec M. Luc Ferry, ministre de l'éducation nationale, de confier à un spécialiste une mission de réflexion sur l'éducation précoce en milieu scolaire. Evoquant le manque de médecins dans certaines régions et dans certaines spécialités, il a souligné que si les rémunérations à l'acte étaient identiques partout, rien n'inciterait véritablement les médecins à s'installer dans les zones les plus déficitaires. Il a souhaité que l'on s'achemine vers des compléments de rémunération qui seraient fonction de la zone géographique où les praticiens exercent et de la pénibilité et du risque de leur activité.

M. Jean-François Mattei a confirmé qu'il n'y aurait aucune augmentation des cotisations sociales ou de la CSG. Rappelant qu'il avait trouvé, en prenant ses fonctions, 500 millions d'euros d'accords non financés laissés par le précédent Gouvernement, il a souligné que l'accord du 5 juin prévoyait, quant à lui, un engagement des médecins généralistes à prescrire des génériques, afin de dégager les économies nécessaires au financement de l'augmentation du tarif de la consultation à 20 euros, et que les visites non justifiées ne seraient désormais plus remboursées en totalité. Il a indiqué que cet accord était significatif de ce qu'il souhaitait à l'avenir, c'est-à-dire une régulation par les bonnes pratiques.

S'agissant du médicament, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a rappelé que la France avait défendu, au sein des instances communautaires, le principe d'une autorisation et d'un agrément européens uniques. Il s'est dit opposé à l'autorisation de toute publicité sur le médicament.

Evoquant le thème du Sida, il a indiqué qu'il était présent le matin même à la conférence de Barcelone pour lire un message du Président de la République consacré aux efforts internationaux de la France en la matière. Il a rappelé que la France était particulièrement impliquée dans la lutte contre le Sida, spécialement en Afrique, et que la position qu'elle défendait, qui conjuguait efforts de prévention et accès aux traitements, était de plus en plus partagée au niveau international.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, a indiqué qu'il s'inscrivait tout à fait dans la logique des propos tenus par M. Alain Gournac. Il a souligné qu'il croyait beaucoup à l'expérimentation et au fonctionnement en réseaux ; il a précisé que le fonds d'investissement pour la petite enfance serait pérennisé.

M. Nicolas About, président, a remercié les ministres pour leur exceptionnelle disponibilité dont témoignaient les trois heures qu'ils venaient de consacrer à une audition particulièrement dense.

Nomination de rapporteur

La commission a désigné M. Louis Souvet, rapporteur du projet de loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise sous réserve de son dépôt sur le bureau du Sénat.

Jeudi 11 juillet 2002

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Emploi - Création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise - Audition de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité

La commission a procédé à l'audition de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, sur le projet de loi n° 351 (2001-2002) portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise.

Après avoir rappelé que le projet de loi correspondait à un engagement du Président de la République et de la nouvelle majorité parlementaire, M. François Fillon a souligné les fortes difficultés rencontrées, par les jeunes, pour accéder à l'emploi : leur taux de chômage est anormalement élevé, notamment pour les moins qualifiés, et a fortement augmenté depuis un an.

Il a considéré que cette situation devait s'apprécier au regard d'un triple constat : les entreprises n'embauchent pas naturellement les jeunes sans qualification qui sont systématiquement en bout de file d'attente, les dispositifs existants ne touchent pas les moins qualifiés, leur entrée dans la vie active se caractérise par des trajectoires précaires et discontinues.

Précisant que le nouveau dispositif présenté par le Gouvernement se fondait sur ces constats, il a indiqué qu'il répondait, avant tout, à un souci pragmatique d'efficacité : favoriser l'embauche des jeunes les plus vulnérables sur des emplois de droit commun dans le secteur privé par une exonération de charges sociales patronales.

Revenant sur le public visé, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a estimé qu'en s'adressant aux jeunes de 16 à 22 ans sans qualification ou avec une qualification de niveau V, le projet de loi cherchait à prendre en compte les jeunes sortant précocement du système éducatif en situation d'échec scolaire, mais aussi la classe d'âge de 21-22 ans, qui constitue la cohorte la plus importante parmi les chômeurs de moins de 25 ans. Ainsi délimité, le dispositif pourrait concerner environ 200.000 jeunes dans sa phase de maturité en 2004-2005, tout en limitant les risques éventuels de détournement de l'aide.

Il a également estimé que, pour être réellement incitatif, le dispositif devait compenser le surcoût lié à l'embauche d'un jeune non qualifié par une compensation des charges patronales. Il a précisé que le soutien de l'Etat serait de 2.700 euros par an en plus des allégements généraux de charges existants, ce qui constituerait une incitation forte pour les entreprises, contribuerait parallèlement à rajeunir l'âge moyen de leurs effectifs et à prévenir, le cas échéant, des difficultés de recrutement.

M. François Fillon a ensuite souligné que le recrutement en contrat à durée indéterminée (CDI) représentait un engagement de long terme pour l'entreprise et que, dès lors, une telle embauche devait constituer pour elle un choix stratégique et ne pouvait donc pas seulement être motivée par le seul bénéfice de l'exonération de charges.

Signalant que le dispositif était dépourvu de toute formation obligatoire, il a justifié ce choix en indiquant que le projet de loi visait les jeunes, souvent en situation d'échec scolaire, qui ne voulaient pas ou ne souhaitaient pas s'engager dans un nouveau parcours de formation. Il a indiqué que l'objectif du dispositif était d'abord de leur permettre de rentrer dans la vie active, même si, par la suite, ils pouvaient revenir, sans préavis, dans une démarche de formation soit au sein de l'entreprise, soit en alternance. Il a en outre précisé que le dispositif pouvait déboucher sur une validation des acquis de l'expérience dans des conditions définies par les branches professionnelles.

Soulignant les dissemblances entre le dispositif et les formations en alternance (publics différents, coût horaire pour l'entreprise également différent), il a considéré que ces deux instruments n'entraient pas en concurrence et que le projet de loi ne portait pas préjudice aux initiatives que pourraient prendre les partenaires sociaux afin de rénover les formations en alternance.

Il a enfin estimé que le dispositif pouvait sans doute encore être complété, dans les entreprises, par des initiatives des partenaires sociaux, notamment en matière de tutorat ou d'accompagnement.

Après avoir rappelé que la commission appelait de ses voeux depuis plusieurs années la création d'une mesure d'insertion durable des jeunes les moins qualifiés en entreprise par une réduction du coût du travail, M. Louis Souvet, rapporteur, a estimé que le dispositif correspondait à un vrai besoin.

Il a alors interrogé le ministre sur le champ des cotisations et charges sociales visées et le montant du soutien de l'Etat. Il s'est également interrogé sur le seuil de 250 salariés, sur l'opportunité de prévoir un tutorat ou un accompagnement social et sur le positionnement du dispositif par rapport aux formations en alternance et à la validation des acquis.

En réponse, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a indiqué que le dispositif visait l'ensemble des charges patronales pesant sur le salaire et se traduirait par une aide de l'Etat de 225 euros par mois au niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), puis proportionnelle dans des conditions fixées par décret jusqu'à 1,3 SMIC. Il a estimé qu'un tel soutien était plus favorable qu'un dispositif d'exonération qui aurait été nécessairement plus restreint.

Indiquant que la question du seuil de 250 salariés avait fait l'objet d'un très large débat, il a avancé l'hypothèse que les effets d'aubaine puissent aller croissant avec la taille de l'entreprise.

S'agissant d'un éventuel accompagnement et de la validation des acquis, il a fait part de son souhait que les partenaires sociaux se mettent d'accord pour proposer des formules adéquates.

Rappelant que le dispositif ne visait pas les mêmes publics que ceux s'orientant vers l'alternance, il a estimé que la mesure permettrait une première insertion, pouvant déboucher par la suite sur une formation en alternance.

M. Guy Fischer s'est interrogé sur le financement du dispositif.

M. Alain Gournac a fait part de sa satisfaction que les associations soient concernées par la mesure et de son attachement à l'accompagnement et à la validation des acquis. Il s'est interrogé sur la possibilité, pour les jeunes, de bénéficier de la mutuelle de l'entreprise. Il a, en outre, souhaité que soient étudiées des passerelles entre le nouveau dispositif et le programme « nouveaux services-emplois-jeunes ».

M. Bernard Seillier s'est félicité du calibrage de la mesure, qu'il s'agisse des publics visés ou de la priorité accordée à la validation. Il a jugé nécessaire de renforcer la portée de la mesure en sensibilisant au mieux les chefs d'entreprises et, le cas échéant, en mobilisant les moyens d'accompagnement des missions locales et de certaines agences locales pour l'emploi.

M. Gilbert Chabroux a insisté sur la nécessité d'examiner le projet de loi avec la plus grande attention, compte tenu des difficultés persistantes d'insertion des jeunes, malgré les bons résultats du précédent Gouvernement en la matière. Il a souligné l'importance du programme « nouveaux services-emplois-jeunes » et s'est interrogé sur son avenir. Relevant les aspects positifs du projet de loi, et notamment la durée indéterminée du contrat et son ciblage sur les petites et moyennes entreprises (PME), il a, en revanche, fait part de ses réserves sur deux points : l'articulation avec les dispositifs existants (programme trajet d'accès à l'emploi (TRACE), apprentissage et formation en lycée professionnel) et l'absence de formation.

Mme Janine Rozier s'est interrogée sur les possibilités, pour les jeunes les plus en difficulté, très éloignés du monde du travail, d'entrer dans le dispositif.

M. Roland Muzeau, après avoir regretté l'absence de concertation avec les partenaires sociaux, a déclaré ne pas partager l'analyse du Gouvernement, qui fait du coût du travail non qualifié la cause principale du chômage des jeunes. Il a regretté que le projet de loi ne prévoie pas de tutorat et a considéré que la possibilité de temps partiel était une erreur.

M. Jean Chérioux s'est demandé s'il ne serait pas souhaitable d'ouvrir la mesure de soutien aux entreprises de plus de 250 salariés à condition de prévoir des contreparties spécifiques, notamment en matière de formation et de tutorat, dans le cadre d'un accord de branche.

M. Paul Blanc a souligné l'intérêt qu'il y aurait à ouvrir la mesure aux entreprises à caractère saisonnier et aux travailleurs handicapés reconnus comme tel par les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP). Il s'est également interrogé sur les raisons des refus rencontrés actuellement par les collectivités locales pour passer de nouvelles conventions de recrutement d'emplois-jeunes avec l'Etat.

Mme Nelly Olin, après avoir souligné les mérites du dispositif, s'est inquiétée de l'avenir des emplois-jeunes dans les associations et des difficultés rencontrées par les missions locales, difficultés notamment liées à la complexité des dispositifs d'insertion et à l'enchevêtrement des financements croisés.

M. Jean-Pierre Godefroy a critiqué la possibilité ouverte de conclure des contrats à temps partiel. Il s'est interrogé sur les conditions de cumul de la mesure avec les aides des régions et sur les types d'entreprise de pêche maritime susceptible d'en bénéficier.

Mme Françoise Henneron s'est interrogée sur l'opportunité d'ouvrir la mesure aux jeunes de 22 à 24 ans.

M. Jean-Louis Lorrain a souhaité la mise en place d'un accompagnement spécifique des chefs d'entreprises recrutant par ce dispositif les jeunes les plus en difficulté.

M. Alain Vasselle a souhaité des précisions sur le financement de la mesure et s'est demandé s'il n'était pas souhaitable d'offrir, dans ce cadre, des portes de sortie aux emplois-jeunes de plus de 22 ans.

En réponse aux différents intervenants, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a précisé que la mesure serait financée en totalité par le budget de l'Etat : en 2002 par des redéploiements de crédits et, par la suite, par l'ouverture d'une ligne budgétaire spécifique. Elle n'aura donc aucun impact sur les comptes de la sécurité sociale ou de l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC).

S'agissant de l'accès des jeunes à la formation, il a rappelé que le texte prévoyait explicitement une possibilité de formation dans le cadre du plan de formation de l'entreprise. Il s'est déclaré favorable à une incitation à la formation, mais s'est refusé à en faire une condition ouvrant droit au bénéfice du soutien de l'Etat. Il s'est également déclaré prêt à favoriser au mieux le tutorat.

Il a insisté, à nouveau, sur l'importance de l'obligation d'un recours au contrat à durée indéterminée (CDI) et a considéré qu'elle inciterait les employeurs à former et à accompagner les jeunes dans les meilleures conditions. Il a souligné, à cet égard, que le dispositif proposé ne saurait être qualifié de « contrat-jeune », car il était un contrat de droit commun.

Revenant sur l'articulation de la mesure avec les dispositifs déjà existants, il a estimé que le projet de loi ne pouvait pas constituer, à lui seul, la « solution miracle » pour en finir avec le chômage des jeunes. Il a jugé que l'addition et la complémentarité des dispositifs devaient permettre de régler, dans la durée, une grande part du problème. Il a alors précisé qu'il ne comptait pas revenir sur les dispositifs existants, mais qu'il préférait les encourager plus encore, comme l'apprentissage et l'alternance, ou les compléter pour accroître leur efficacité. A cet égard, il a considéré que le programme TRACE devait se concentrer sur les jeunes les plus en difficulté et qu'il serait dans l'avenir prolongé par le contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) annoncé par le président de la République et le Premier ministre.

Abordant les emplois-jeunes, il a indiqué que le présent dispositif ne se substituait pas à ce programme. Mais soulignant les limites du programme « nouveaux services-emplois jeunes », notamment en matière de coût budgétaire, de ciblage des publics et d'incertitude quant à l'insertion, il a fait part de son souci d'organiser la sortie progressive de ce dispositif. Il a toutefois jugé nécessaire de maintenir un soutien spécifique pour une partie des emplois-jeunes du secteur éducatif et pour ceux du secteur associatif. Il a indiqué, en outre, que les quotas budgétaires pour 2002 étant, d'ores et déjà, atteints pour ce programme, il avait donné des instructions à ses services à effet de ne plus conclure de nouvelles conventions.

S'agissant des jeunes les plus en difficulté, il a estimé, notamment au regard d'expériences locales et des réactions favorables de certaines fédérations professionnelles, que les entreprises « joueraient le jeu ». Il a plus globalement considéré que le succès du dispositif reposait en définitive sur sa simplicité, sur l'implication des entreprises et sur l'information des employeurs.

Il a rappelé que la concertation avec les partenaires sociaux avait bien eu lieu, même si elle avait dû être accélérée compte tenu des délais d'examen du texte. Il a, en outre, indiqué que plusieurs de leurs observations avaient été intégrées dans le texte soumis au Parlement.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a précisé que des études récentes avaient montré que les allégements de charges créaient des emplois et que les autres pays européens connaissaient un coût du travail moins élevé à l'embauche.

Il a estimé que la question du temps partiel pourrait être utilement évoquée lors des débats parlementaires.

S'agissant des publics particuliers, il a indiqué que les travailleurs saisonniers ne pourraient pas bénéficier de la mesure, car leur contrat n'est pas à durée indéterminée et que les travailleurs handicapés seraient éligibles s'ils répondaient aux conditions d'âge et de qualification.

S'agissant des entreprises de pêche maritime, il a précisé que la mesure concernait à la fois les armateurs, les coopératives et les patrons de pêche.

A propos d'un éventuel cumul avec des aides des collectivités locales, il a fait part de ses réserves à un encadrement, par l'Etat, de celles-ci, estimant qu'il revenait aux collectivités locales de redimensionner, le cas échéant, leur intervention.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a indiqué que le projet de loi ne visait pas les jeunes de 22 à 24 ans, car cette tranche d'âge recourt plutôt aux contrats en alternance.

Il a enfin jugé qu'un accompagnement spécifique des employeurs pouvait se révéler utile dans certains bassins d'emplois.