Lundi 17 juillet 2023

- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -

La réunion est ouverte à 16 heures.

Projet de loi relatif à l'accélération de la reconstruction des bâtiments dégradés ou démolis au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 - Examen du rapport et du texte de la commission

Mme Sophie Primas, présidente, rapporteur. - Mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le rapport relatif au projet de loi d'habilitation concernant la reconstruction des bâtiments dégradés, brûlés ou démolis au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet dernier.

Compte tenu de la nature transversale de ce texte, notre commission a délégué au fond l'article 2, qui concerne la commande publique, à la commission des lois, et l'article 3, qui concerne le financement de ces opérations de reconstruction et de réhabilitation, à la commission des finances.

Il nous appartiendra donc d'examiner uniquement l'article 1er et d'adopter formellement l'amendement adopté par la commission des lois sur l'article 2.

Vous le savez, après la mort du jeune Nahel, le 27 juin dernier à Nanterre, la France s'est embrasée : à Nanterre même, puis très rapidement dans toute l'Île-de-France, enfin dans toute la France, dans des communes très urbaines, avec des quartiers en politique de la ville, mais aussi dans de plus petites villes.

Ces manifestations ont bien souvent débouché sur des violences extrêmes : attaques contre les forces de l'ordre et les représentants de l'État au premier chef, mais aussi incendies de voitures, feux de poubelles, incendies de bâtiments publics et scènes de pillages, notamment dans les commerces de centre-ville comme de périphérie.

À ce jour, nous ne disposons pas encore de chiffres définitifs, mais plus de 2 500 bâtiments et commerces seraient dégradés, souvent attaqués plus par opportunisme que par colère.

Les bâtiments publics, symboles de la République, ont été violemment attaqués : postes de police, écoles, crèches, mairies, trésoreries, gymnases, maisons de la culture ou centres d'action sociale. Au total, plus de 750 bâtiments publics auraient été touchés.

Parmi eux, 243 écoles, dont une dizaine ont été partiellement ou totalement détruites. Mon département des Yvelines a payé un lourd tribut à cette violence : à La Verrière, dans la nuit du 28 au 29 juin, deux des trois écoles élémentaires ont été incendiées et ont complètement brûlé. Des solutions d'urgence ont été trouvées pour accueillir les enfants pour les derniers jours de classe et la prochaine rentrée scolaire. Partout, les communes se réorganisent pour trouver les solutions de court terme.

Au-delà, il est urgent de reconstruire et de rouvrir les bâtiments qui ont été détruits ou endommagés. Il s'agit d'une urgence économique, mais aussi et surtout d'une urgence républicaine : il faut marteler que la République ne reculera pas, en reconstruisant sans délai les équipements emblématiques du service public. Nous ne pouvons pas et nous ne devons pas donner prise à cette rhétorique de l'abandon, que nous entendons trop souvent pour justifier les violences.

J'entends certains de nos compatriotes, stupéfiés, choqués et fatigués de ces violences, dire qu'ils ne veulent pas « payer » de nouveau pour ces dégâts, après les émeutes de 2005, après celles provoquées par les casseurs en marge du mouvement des gilets jaunes et en marge des manifestations contre la réforme des retraites.

Cependant, sont-ils certains que laisser les enfants de ces communes sans école, sans bibliothèque, sans équipements sportifs est une solution ? Il me semble, au contraire, que laisser les enfants dans l'ignorance, le désoeuvrement, à portée de mafieux très éloignés des valeurs de la République, privés de la vertu de l'éducation et donc de la liberté du libre arbitre et de l'émancipation, conduira inexorablement à toujours plus de violence.

Il faut donc reconstruire.

Cet impératif ne doit pas nous dispenser d'une réflexion de moyen terme sur l'avenir de ces jeunes et de ces quartiers. Ces évènements doivent nous faire réfléchir sur les réponses à apporter aux difficultés structurelles rencontrées par les maires de ces communes en matière de sécurité publique - y compris en matière de formation de la police -, de logement, d'éducation, de soutien social, de gestion des flux migratoires, d'intégration et d'emploi.

Il n'y a pas de réponse simple. L'ensemble des politiques publiques sont concernées. Ce sont non pas seulement les communes possédant des quartiers en politique de la ville qui ont été touchées, mais un nombre considérable de communes dans lesquelles ces faits sont nouveaux et inédits. Notre réflexion doit le prendre en compte.

Pour l'heure, l'urgence est à la reconstruction.

Les maires concernés - certains d'entre eux ont été personnellement la cible d'attaques odieuses - sont en première ligne. Ils doivent être soutenus et encouragés.

Dans cette optique, dès le 3 juillet dernier, j'ai déposé, avec plusieurs de nos collègues, une proposition de loi d'urgence pour la reconstruction des bâtiments et équipements publics endommagés lors des émeutes. Je remercie les très nombreux collègues qui l'ont cosignée.

Cette proposition de loi visait à lever les obstacles en matière de réglementation de l'urbanisme et de passation de marchés publics pour accélérer la reconstruction ; elle tendait aussi à adapter les règles relatives aux subventions versées aux collectivités pour garantir que la reconstruction ne pèse pas financièrement sur les communes touchées.

Avec le président du Sénat, nous avons porté haut et fort ces revendications et, dès le lendemain, le Président de la République annonçait, devant les maires invités à l'Élysée, un projet de loi d'urgence pour accélérer la reconstruction. C'est ce texte que nous examinons aujourd'hui.

Il tend à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour prendre toutes les mesures propres à hâter la reconstruction des bâtiments détruits lors des émeutes, dans trois domaines : la réglementation de l'urbanisme, à l'article 1er ; les règles de passation des marchés publics, à l'article 2 ; les règles relatives au financement des travaux, à l'article 3. Le projet de loi reprend donc toutes les dispositions prévues dans notre proposition de loi.

Pour les marchés publics, l'article 2 prévoit la possibilité, en dessous d'un certain seuil qui sera défini dans l'ordonnance, de passer les marchés sans publicité préalable. Il assouplit également les règles d'allotissement.

En ce qui concerne le soutien financier, l'article 3 tend à déroger au plafond maximal de 80 % pour les subventions à l'investissement des collectivités et d'anticiper, l'année même du règlement des travaux, les remboursements aux collectivités via le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), remboursements qui se faisaient normalement l'année n+ 2.

En ce qui concerne plus spécifiquement les règles d'urbanisme, l'article 1er prévoit trois dispositions.

Premièrement, il vise à autoriser la reconstruction ou la réfection des bâtiments touchés, à l'identique ou avec des adaptations mineures, y compris si les règles d'urbanisme en vigueur s'y opposent. Il s'agit d'une extension d'une disposition existant déjà dans le code de l'urbanisme, pour les bâtiments détruits par un sinistre : ces derniers doivent bien faire l'objet d'une autorisation d'urbanisme, mais la conformité du projet est examinée au regard des règles en vigueur au moment de la construction du premier bâtiment. Il tend à prémunir le demandeur contre d'éventuelles modifications, entretemps, des règles du plan local d'urbanisme (PLU).

Par ailleurs, le champ des modifications admises, extrêmement restreint dans le droit actuel, serait élargi, notamment lorsque ces modifications sont justifiées par des impératifs d'accessibilité, de sécurité ou d'amélioration de la performance énergétique ou environnementale, rejoignant ainsi l'esprit d'un amendement qui a été déposé par Mme Férat. C'est une mesure de bon sens : alors qu'on ne parle que de rénovation énergétique, il serait absurde de contraindre à refaire à l'identique les écoles des années 1970, qui étaient de véritables passoires thermiques.

Deuxièmement, le texte permet l'engagement des opérations et travaux préliminaires dès la déclaration préalable ou le dépôt de la demande de permis. Il s'agit du déblaiement, de l'installation du chantier ou de certains travaux de terrassement. Là aussi, c'est une mesure de bon sens : elle permettra de paralléliser cette première phase de travaux avec l'instruction de la demande d'autorisation, sans pour autant vider cette dernière de sa substance, puisque les travaux sur le bâti à proprement parler ne pourront pas débuter avant la délivrance de l'autorisation.

Troisièmement, enfin, le texte vise à accélérer l'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme, notamment en réduisant les délais d'instruction des demandes d'autorisation elles-mêmes, mais aussi des différents avis, accords et autorisations préalables qui peuvent être requis : l'avis de l'architecte des bâtiments de France (ABF), mais aussi l'autorisation d'exploitation commerciale ou, par exemple, l'autorisation préfectorale pour les établissements recevant du public (ERP). Le recueil de ces différents avis, mis bout à bout, peut porter le délai maximum d'instruction des demandes jusqu'à cinq mois, ce qui est beaucoup trop long.

Parallèlement, le texte prévoit que le silence gardé par les différentes instances qui doivent être consultées pourra, dans certains cas, valoir accord, et non plus refus.

Il est difficile d'évaluer quelles adaptations seront concrètement nécessaires, car nous n'avons pas encore de liste définitive des bâtiments endommagés et de leurs caractéristiques. Dans le doute, il me semble justifié de laisser au Gouvernement et à l'administration une certaine marge de manoeuvre dans l'adaptation de ces règles d'urbanisme, dont une partie est d'ailleurs de nature réglementaire. Nous avons néanmoins vérifié que les conditions de la participation du public, prévues par le code de l'environnement, ne seront pas affectées par ces modifications.

Au Sénat, nous n'aimons pas beaucoup les ordonnances - c'est bien naturel -, car nous n'aimons pas nous dessaisir de notre rôle de législateur. Toutefois, ces ordonnances sont justifiées par l'urgence de la situation et par le fait que ces dérogations ne s'appliquent qu'aux bâtiments touchés par ces évènements.

En outre, le droit de l'urbanisme est très technique, et il faudra une bonne coordination entre les nombreuses adaptations réglementaires et les éventuelles adaptations législatives. Le sujet étant consensuel, je vous propose de faire confiance au Gouvernement. La confiance n'excluant pas le contrôle, nous serons bien sûr attentifs au contenu et à la ratification de ces mêmes ordonnances.

Il ne m'a pas non plus semblé utile de réduire la durée d'habilitation, qui est de trois mois : il faut bien sûr que les premiers textes portant les adaptations déjà identifiées soient publiés dès que possible, dans les jours qui viennent. Cependant, il pourrait être utile de les compléter au cours de l'été, si des difficultés non identifiées à ce stade émergeaient. C'est également la position prudentielle défendue par le Conseil d'État, puisque le projet de loi prévoyait à l'origine deux mois, délai que le Conseil d'État a jugé trop court.

En tout état de cause, ces adaptations sont strictement limitées aux dégradations occasionnées par les émeutes sur une période d'une semaine, et elles n'ont pas vocation à être étendues.

Je ne vous proposerai donc aucun amendement à l'article 1er et un unique amendement rédactionnel portant sur l'intitulé du projet de loi.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois. - La commission des lois a été saisie au fond sur l'article 2, qui tend à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance dans un délai de deux mois afin de déroger à certaines règles de la commande publique. Il s'agit de garantir aux acheteurs publics une assise juridique sûre et de les inciter à commencer promptement les travaux.

Les marchés publics pourront être passés sans publicité, mais avec une mise en concurrence, à condition que le montant des travaux ne dépasse pas un seuil défini par l'ordonnance - d'après les informations transmises par Bercy, ce seuil serait de 1 million d'euros, contre 100 000 euros pour le droit commun. Il est aussi prévu de déroger au principe d'allotissement, alors que celui-ci demeure l'une des clefs de voûte de la commande publique et que les dérogations en la matière sont très encadrées. Enfin, une troisième dérogation permet de conclure plus facilement des marchés globaux, qui incluent les études et l'exécution des travaux.

Le gain de temps pour la dérogation à l'exigence de publicité est estimé à quatre semaines, et à quatre mois pour la conclusion d'un marché global.

La commission des lois, souscrivant aux objectifs du Gouvernement, a jugé ces dispositions proportionnées. Elle a adopté deux amendements.

Le premier vise à préciser que les dérogations permises par l'article 2 du projet de loi s'appliqueront à l'ensemble des acheteurs soumis au code de la commande publique, y compris, par exemple, les bailleurs sociaux.

Le second amendement tend à compléter le titre du projet de loi, en mentionnant les travaux de réfection des bâtiments endommagés. En effet, le seuil envisagé de 1 million d'euros est insuffisant pour inclure les travaux de reconstruction. Cette précision reflète mieux la portée du texte.

Je regrette que le Gouvernement ne soit pas allé au bout de sa démarche d'urgence, en inscrivant directement dans la loi la dérogation. En effet, le délai pour publier l'ordonnance étant de deux mois, cela risque de neutraliser le bénéfice de la dérogation à l'exigence de publicité, qui offre un gain de quatre semaines. Dès cet été, les acheteurs publics auraient pu passer des marchés.

Malgré cette réserve, la commission des lois a adopté l'article 2.

Mme Sophie Primas, présidente, rapporteur. - Ces deux mois sont un délai maximum.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Nous allons inviter le Gouvernement à publier les ordonnances très rapidement.

M. Pierre Cuypers. - Les dates mentionnées par le projet de loi, à savoir du 27 juin au 5 juillet 2023, prennent-elles bien en compte tous les problèmes ? Quid des déclarations tardives ou des dégradations qui auraient eu lieu après, par exemple le 14 juillet ?

Mme Sophie Primas, présidente, rapporteur. - Craignez-vous un effet d'aubaine ?

M. Pierre Cuypers. - Pas du tout, je veux simplement éviter toute injustice, et souhaite que l'ensemble des dommages soient bien pris en compte.

Mme Sophie Primas, présidente, rapporteur. - L'intitulé est très clair : sont concernées les dégradations intervenues entre le 27 juin et le 5 juillet 2023 et portant sur des bâtiments.

M. Pierre Cuypers. - En ce qui concerne les équipements, dans mon département, il y a eu pour 20 millions d'euros de dégradations de caméras et équipements de surveillance. Qu'en est-il des lampadaires ? Ces équipements sont-ils inclus ?

Mme Sophie Primas, présidente, rapporteur. - Bonne question, nous examinerons ce point avant la séance. Cependant, il s'agit de voirie, pour laquelle il n'y a pas besoin d'autorisation d'urbanisme.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Nous avons tous été touchés, nous connaissons des communes balafrées. Dans mon territoire, un centre culturel encore en construction, à 4,3 millions d'euros, a été détruit... Ce texte est nécessaire, il accélérera utilement la reconstruction. Il faudra d'ailleurs s'interroger sur l'opportunité d'inscrire certaines de ces dérogations dans le droit commun, car elles permettent d'aller plus vite quand c'est nécessaire, pour reconstruire et même pour faire mieux, notamment en matière de normes environnementales. Enfin, l'article 3 porte sur le financement : c'est le nerf de la guerre. Les besoins sont significatifs au-delà des bâtiments stricto sensu. La question de la vidéosurveillance est importante, je crois qu'un fonds ad hoc a été mis en place ; les questions de voirie, en particulier, sont prégnantes. Le groupe RDPI votera ce texte.

Mme Daphné Ract-Madoux. - La vidéoprotection est en effet un élément important. Il faudra inclure les besoins qui concernent la voirie, car s'ils n'ont pas besoin d'autorisations d'urbanisme, les dégâts sont considérables, et les besoins en termes de marchés publics et de co-financements et subventions sont réels.

M. Christian Redon-Sarrazy. - Des équipements temporaires devront être construits, en particulier pour accueillir les enfants à l'école début septembre : entrent-ils dans le champ de ce texte ?

M. Daniel Gremillet. - Merci et félicitations à nos deux rapporteurs. Je soutiens tout ce qui est proposé. Néanmoins, je ne peux m'empêcher de dire ce que pense toute une partie de la population qui trime et qui paie l'impôt : elle a un sentiment de gâchis et de ras-le-bol. Interrogeons-nous sur le fonctionnement de nos sociétés, notamment sur la responsabilité parentale. Ensuite, il convient d'examiner quelles mesures d'urgence prendre à l'égard du privé. Il faut aider les entreprises touchées - et parfois pas pour la première fois - à sortir la tête de l'eau. Enfin, des collectivités ont déjà délibéré pour accompagner les victimes de dégradations : il faut coordonner les différents échelons d'action.

Mme Françoise Férat. - Madame la présidente, votre rapidité à inscrire une proposition de loi a sans aucun doute joué pour permettre l'inscription ce texte à l'ordre du jour. Sur quoi porte le délai de deux mois ? Sur le dépôt des dossiers ? Les ordonnances ne sont pas la panacée, mais nous n'avons guère le choix : ici, il faut aller vite, nous contrôlerons ensuite. Je suis rassurée de vous entendre dire qu'en reconstruisant on va améliorer les bâtiments : certains en avaient grand besoin...

M. Fabien Gay. - Je voterai le texte, sans l'amender. Il faut aller vite dans la reconstruction. Je m'interroge, comme un certain nombre d'élus locaux, sur l'article 3, car ce qui est possible n'est pas toujours réalisé, et je crois qu'il faut aussi faire payer des assureurs privés. Je ne dépose pas d'amendement sur le sujet, car Bruno Le Maire a prévu d'évoquer ce sujet avec nous. En l'espèce, nous voulons que les assureurs participent au financement de la reconstruction.

Une fois ce texte voté, il faudra faire de la politique : échanger, sans animosité et sans « petites phrases ». Car le pays n'est pas apaisé. Vous avez dit à raison, madame la présidente, que c'est la mort d'un jeune homme, Nahel, qui a entraîné la révolte. Je suis de la génération de ceux que la mort de Zyed et Bouna a révoltés et motivés à s'engager en politique. J'habitais alors - et j'habite toujours - l'un de ces quartiers populaires. Une partie de la population ne comprend plus l'autre. Nous aurions dû avoir un débat sur le rapport entre la police et la population, qui est extrêmement dégradé, pour toute une partie de la population - le reste de la population ne peut pas le comprendre pour la simple raison qu'elle ne vit pas cette situation. Cela ne signifie pas être contre la police, ou considérer que tous les policiers sont racistes.

Si nous condamnons tous la violence, c'est parce qu'elle se retourne contre les catégories les plus pauvres de la population : c'est la voiture de l'ouvrier qui brûle, une voiture souvent ancienne et mal remboursée par les assurances, que l'ouvrier n'aura pas les moyens de remplacer : voilà le drame !

Je ne suis ni dans la plainte ni dans la victimisation. Je dis juste que la République ne s'applique pas partout de la même façon, alors que tout le monde paie l'impôt : qu'on soit millionnaire ou au RSA (revenu de solidarité active), on paie la TVA... En revanche, comme dans les territoires ruraux, comme dans les territoires ultramarins, les services publics ne fonctionnent pas partout de la même façon...

Le fonctionnement du RER n'est pas uniforme tout au long de la ligne B : pour venir, je suis monté comme d'habitude à la station Blanc-Mesnil, où l'ascenseur est souvent en panne et le train régulièrement en retard ; je suis arrivé à la station Luxembourg, bondée mais où le service est bien mieux assuré et où il ne faut pas une semaine pour qu'un ascenseur soit réparé. Voilà la différence concrète, que chacun peut constater ! La situation est la même dans le secteur du logement, de la santé, de la culture...

Le service public est dégradé dans les quartiers populaires, alors que nous sommes tous des enfants de la République. C'est de cela que nous devons débattre, au lieu de quoi nous nous divisons et nous assistons à ce débat nauséabond où il s'agirait seulement de savoir si tel ou tel émeutier est de nationalité française... Si nous n'avons pas ce débat exigeant sur la République, dans trois ans nous aurons Marine Le Pen et nous le regretterons tous - en particulier dans les quartiers populaires. L'enjeu est de débattre pour trouver des solutions plutôt que de nous diviser toujours davantage en ne parlant pas des vrais problèmes.

Mme Sophie Primas, présidente, rapporteur. - Je peux vous apporter d'ores et déjà quelques réponses, en attendant la séance plénière.

La vidéosurveillance et les équipements seront intégrés dans le champ de l'ordonnance, mais pas à l'article 3, et l'article 1er s'appliquera bien aux commerces.

Les deux ou trois mois visent le délai dans lequel le Gouvernement doit prendre les ordonnances : c'est la durée de l'habilitation, rien d'autre.

Les assurances contribuent à la reconstruction, l'idée n'est pas de se substituer à elles, mais de compléter ce qu'elles paieront.

Les équipements provisoires n'ont généralement pas besoin d'autorisation d'urbanisme, sauf parfois d'une déclaration préalable, auquel cas ils bénéficieront des mesures de la partie urbanisme.

Plusieurs régions ont déjà délibéré - l'Île-de-France a par exemple prévu une enveloppe de 20 millions d'euros pour aider les collectivités touchées -, et il faut effectivement articuler les différents échelons d'intervention.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Des voitures, des bus ont brûlé, de même que du matériel scolaire. Ce type d'équipements n'est pas couvert par l'article 2 du projet de loi, mais les mairies pourront passer commande auprès de l'Union des groupements d'achats publics (Ugap).

Mme Sophie Primas, présidente, rapporteur. - Conformément au vademecum sur l'application des irrecevabilités en application de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous revient à présent d'arrêter le périmètre indicatif du projet de loi.

Sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives : à l'adaptation temporaire des règles d'urbanisme, en vue d'accélérer ou de faciliter les opérations de reconstruction ou de réfection des bâtiments affectés par les dégradations ou destructions liées aux violences urbaines survenues entre le 27 juin et le 5 juillet 2023 ; aux dérogations au droit de la commande publique de nature à accélérer ou faciliter la reconstruction ou la réfection des bâtiments publics endommagés lors des violences urbaines survenues entre le 27 juin et le 5 juillet 2023 ; aux dérogations aux modalités de droit commun de financement des investissements des collectivités territoriales, de nature à accélérer ou faciliter la réparation des dommages directement causés par les actes de dégradation et de destruction liés aux troubles à l'ordre et à la sécurité publics survenus entre le 27 juin et le 5 juillet 2023.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er 

L'amendement  COM-1 est retiré.

Mme Sophie Primas, présidente, rapporteur. - L'amendement  COM-2 vise à réduire la durée de l'habilitation pour l'article 1er. Si, par principe, nous sommes précautionneux en la matière, ces ordonnances me semblent, en l'espèce, tout à fait justifiées. Dès lors, il est préférable de laisser un peu de temps et de marge de manoeuvre à l'administration pour compléter si besoin au cours de l'été ou à la rentrée les mesures à prendre sans tarder. Le Conseil d'État lui-même a suggéré d'étendre la durée de l'habilitation à trois mois, jugeant la durée de deux mois initialement prévue par le Gouvernement peu réaliste.

En conséquence, je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.

M. Christian Redon-Sarrazy. - Nous avions proposé comme échéance ce mois de juillet. En effet, l'urgence appelle moins à un allongement des délais qu'à leur raccourcissement. Accorder trois mois revient à fixer l'échéance au 22 octobre prochain, soit seulement deux mois avant la fin de l'année budgétaire, une période compliquée en matière de gestion budgétaire. Cela ne va pas accélérer le traitement des dossiers, malgré l'attente des collectivités.

Mme Sophie Primas, présidente, rapporteur. - Je voudrais clarifier un point. Dès le mercredi qui a suivi les émeutes, une circulaire a été envoyée aux préfets pour rappeler les facilités réglementaires à mettre en oeuvre, notamment en matière d'urbanisme. L'objectif affiché par le Gouvernement est le même que le vôtre : prendre les ordonnances le plus rapidement possible pour engager au plus vite les reconstructions. Le délai de trois mois permettra de modifier éventuellement l'ordonnance si de nouveaux cas venaient à apparaître, qui n'auraient pas été traités dans le périmètre de cette dernière. Cela apporte un peu de souplesse. Nous demanderons au ministre de s'engager à faire au plus vite.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté sans modification.

Article 2

Mme Sophie Primas, présidente, rapporteur. - L'article 2 a été délégué au fond à la commission des lois. Madame le rapporteur pour avis, pouvez-vous nous faire état des délibérations relatives à cet article en nous présentant les propositions de sorts sur les amendements ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois. - L'amendement  COM-5 vise à apporter une clarification rédactionnelle, afin de préciser que les dérogations s'appliqueront à l'ensemble des « acheteurs soumis au code de la commande publique », y compris les bailleurs sociaux.

L'amendement COM-5 est adopté.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois. - L'amendement COM-3 de M. Redon-Sarrazy était de même nature que celui sur l'article 1er. La commission propose de ne pas l'adopter.

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

Mme Sophie Primas, présidente, rapporteur. - L'article 3 a été délégué au fond à la commission des finances. Je vous propose de confirmer la position de nos collègues.

L'amendement  COM-4 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté sans modification.

Intitulé du projet de loi

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois. - L'amendement COM-6 vise à ajouter la notion de « réfection ».

L'amendement COM-6 est adopté.

Mme Sophie Primas, présidente, rapporteur. - L'amendement de coordination rédactionnelle COM-7 a pour objet de remplacer le mot « démolis » par « détruits ». Cette modification était importante pour nos collègues de l'Assemblée nationale, l'objectif étant d'aboutir à une adoption conforme jeudi prochain.

L'amendement COM-7 est adopté.

L'intitulé du projet de loi est ainsi modifié.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Article 1er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme FÉRAT

1

Limitation des modifications permises dans le cadre des reconstructions à l'amélioration de la performance environnementale

Retiré

M. REDON-SARRAZY

2

Réduction de la durée de l'habilitation de 3 mois à jusqu'au 31 juillet

Rejeté

Article 2

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme DI FOLCO, rapporteur pour avis

5

 

Adopté

M. REDON-SARRAZY

3

 

Rejeté

Article 3

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. REDON-SARRAZY

4

 

Rejeté

Projet de loi relatif à l'accélération de la reconstruction des bâtiments dégradés ou démolis au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme DI FOLCO

6

Ajout de la notion de « réfection »

Adopté

Mme PRIMAS, rapporteur

7

Coordination rédactionnelle

Adopté

Projet de loi relatif à l'accélération de la reconstruction des bâtiments dégradés ou démolis au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire

La commission soumet au Sénat la nomination de Mme Catherine Di Folco, M. Arnaud Bazin, M. Vincent Delahaye, M. Franck Montaugé, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, M. Julien Bargeton et Mme Sophie Primas comme membres titulaires, et de Mme Micheline Jacques, Mme Christine Lavarde, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, Mme Françoise Férat, M. Claude Raynal, M. Henri Cabanel et M. Fabien Gay comme membres suppléants de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'accélération de la reconstruction des bâtiments dégradés ou démolis au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023.

La réunion est close à 16 h 45.

Mardi 18 juillet 2023

- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -

La réunion est ouverte à 10 heures.

Projet de loi relatif à l'accélération de la reconstruction des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 - Examen des amendements au texte de la commission

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 1er

Mme Sophie Primas, présidente, rapporteur. - L'amendement n°  2 tend à réduire la durée de l'habilitation à légiférer par ordonnance.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 2 et, à défaut, y sera défavorable.

Article 2

Mme Sophie Primas, présidente, rapporteur. - L'article 2 a été délégué au fond à la commission des lois. Je vous propose de confirmer la position de nos collègues.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  3.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n°  5.

Article 3

Mme Sophie Primas, présidente, rapporteur. - L'article 3 a été délégué au fond à la commission des finances. Je vous propose de confirmer la position de nos collègues.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  4.

Après l'article 3

Mme Sophie Primas, présidente, rapporteur. - L'amendement n°  1 d'André Reichardt a pour objet une demande de rapport au Parlement en vue d'une pérennisation des dérogations au droit de l'urbanisme afin de rendre les procédures plus rapides et plus efficaces. Même si l'idée n'est pas mauvaise, nous n'aimons au Sénat ni les ordonnances ni les rapports.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 1 et, à défaut, y sera défavorable.

Les avis de la commission sur les amendements dont elle est saisie sont retracés dans le tableau ci-après :

Article 1er

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. REDON-SARRAZY

2

Réduction de la durée de l'habilitation de 3 mois à jusqu'au 31 juillet

Défavorable

Article 2

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme de LA GONTRIE

3

Réduction du délai de l'habilitation au 31 juillet 2023

Défavorable

Le Gouvernement

5

Ajout des équipements publics au sein du périmètre de l'habilitation à légiférer par ordonnance

Favorable

Article 3

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. RAYNAL

4

Cet amendement vise à réduire le délai de l'ordonnance de 3 mois à 15 jours (31 juillet 2023)

Défavorable

Article additionnel après Article 3

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. REICHARDT

1 rect.

Rapport au Parlement

Défavorable

La réunion est close à 10 h 05.