Aide publique au développement

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M. le président. - Nous allons examiner la mission « Aide publique au développement », le compte spécial « Prêts à des États étrangers » et le compte spécial « Accords monétaires internationaux ».

M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Avec une part du revenu national brut de 0,42 % en 2007, la France ne pourra pas respecter l'objectif fixé par le précédent Président de la République d'un seuil de 0,5 % du revenu national brut pour notre aide publique au développement. Cette inflexion n'est pas propre à la France, puisque l'aide des membres de l'OCDE a diminué de 5 % en 2006, pour la première fois depuis dix ans. Une augmentation de près d'un milliard d'euros de l'aide française est prévue pour 2008, mais rien n'est moins sûr.

Baisse de l'aide et de l'intérêt lors des sommets du G8, report de l'objectif de 0,7 % à 2015, essoufflement des annulations de dettes... cela ressemble à une fin de cycle. Pourtant, à mi-parcours de la trajectoire vers les objectifs du millénaire, nous savons déjà qu'il sera très difficile, voire impossible, de les remplir tous. Les avancées en matière de vaccination et d'achat de médicaments et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, auxquels la France contribue largement, donnent toutefois des raisons d'espérer sur les objectifs concernant la santé.

Cette mission interministérielle ne constitue qu'une fraction de l'effort global de l'aide notifiée à l'OCDE, soit un peu plus du tiers en 2008. Une douzaine d'autres programmes budgétaires y contribuent pour environ un tiers, et le solde se répartit entre les prêts, l'aide des collectivités territoriales, le prélèvement sur recettes au profit du budget européen, et surtout les annulations de dette, qui devraient encore s'élever à plus de 2 milliards d'euros. L'aléa sur ce chiffre demeure cependant élevé, car ces annulations concernent en priorité la Côte d'Ivoire et la République démocratique du Congo, où la situation politique instable a conduit à reporter les accords avec le FMI et les annulations de dette bilatérale, notamment dans le cadre des contrats de désendettement-développement (C2D). Le Gouvernement a-t-il à présent une vision plus claire de ces perspectives d'annulation ? En outre, le financement de ces contrats est désormais intégralement débudgétisé. Je ne crois pas que cette procédure, qui s'apparente à une contraction de recettes et de dépenses, soit conforme aux principes de la Lolf.

La complexité de la comptabilisation est une donnée structurelle de l'aide publique au développement, mais je m'interroge sur plusieurs points. Sur le plan de la « nomenclature Lolf », des actions telles que la promotion de la culture française, la francophonie multilatérale et les dotations à trois fonds de dépollution et sécurité nucléaires devraient sortir de la mission. Inversement, d'autres pourraient y figurer, comme la quote-part de subvention aux organismes de recherche. Où en sont les réflexions des ministères concernés ?

Il subsiste de réelles zones d'ombre sur les critères de notification à l'OCDE de dépenses qui comptent pour une part substantielle dans l'aide : écolage et aide aux réfugiés, dépenses de recherche, aide à Mayotte et Wallis-et-Futuna. Les explications très sommaires ou inexistantes, tant dans le document de politique transversale que dans les réponses aux questionnaires budgétaires, créent un malaise. Les chiffres sont-ils fiables et conformes aux directives du Comité d'aide au développement ? Le Parlement doit être mieux informé.

La réduction et la clarification des intervenants de l'aide, au caractère fondamentalement interministériel, relevant pour l'instant de la gageure, les outils de pilotage et de coordination ont au moins été étoffés. Les documents-cadres de partenariat deviennent des instruments de référence, mais je m'interroge sur leur portée juridique et sur le respect des priorités dans certains pays, dont Madagascar.

L'externalisation auprès d'opérateurs publics va croissant, sous la forme de regroupements d'organismes comme CulturesFrance et CampusFrance, de conventions d'objectifs et de moyens ou d'un recours aux partenariats public-privé. J'en tire au moins trois conclusions : l'Agence française de développement (AFD) doit être juridiquement considérée comme un « opérateur Lolf », les subventions pour charges de service public aux opérateurs doivent être cohérentes avec l'augmentation du volume d'activités et la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) doit s'adapter à son recentrage sur des fonctions de stratégie, de pilotage et de coordination. C'est le sens de deux amendements que je vous proposerai.

La mesure de la performance des administrations centrales s'est améliorée et les grands axes de la DGCID sont désormais beaucoup mieux présentés dans le programme « Solidarité à l'égard des pays en développement ». Des imperfections et des incohérences subsistent cependant. L'appropriation par le réseau culturel et de coopération est encore trop lente. Le futur logiciel unique de gestion devrait contribuer à l'accélérer. Quand l'expérimentation actuelle pourra-t-elle être généralisée à l'ensemble des services de coopération et d'action culturelle (SCAC) ?

Les canaux multilatéraux représentent plus d'un tiers de notre aide globale en 2007. Cette fraction est sous-évaluée en 2008, puisque la contribution au Fonds européen de développement (FED) me paraît sous-budgétisée d'au moins 60 millions d'euros. Ces chiffres ont été vérifiés avec le rapporteur général du budget, car nous les avions appréciés différemment. Les décaissements du FED s'accélèrent, et j'ai suffisamment critiqué son inertie dans le passé pour ne pas m'en réjouir aujourd'hui. Mais il n'agit trop souvent que comme un sas pour de nouveaux versements à des initiatives et fonds multilatéraux. De même, le recours à l'aide budgétaire est en hausse. Si cette aide facilite l'harmonisation entre bailleurs et l'appropriation par le pays bénéficiaire, il y a deux écueils à éviter : les détournements et la dilution des apports de la France. La fiabilisation du contrôle financier et de la justice des pays aidés sont donc un préalable de l'aide budgétaire.

Ce budget ne sacrifie pas l'aide-projet à laquelle le Sénat est très attaché, puisqu'elle est visible sur le terrain et palpable par les bénéficiaires. L'AFD, qui bénéficie d'une hausse de ses subventions de près de 40 %, en est le principal attributaire. Les administrateurs de l'agence, le président Gouteyron et moi-même, nous en réjouissons.

Si j'approuve les principales orientations de ce plan, je maintiens que l'exposition croissante sur les pays émergents tels que la Chine, l'Inde, le Brésil ou la Thaïlande ne doit pas distraire l'Agence de son coeur de métier ni doublonner avec l'aide au commerce extérieur. Je serai donc particulièrement vigilant sur l'indépendance et les conclusions de l'évaluation qui sera conduite en 2008.

J'avais souhaité il y a quelques mois que la création d'un programme relatif au co-développement accompagne celle du ministère dirigé par M. Hortefeux -je salue l'arrivée de mon compatriote auvergnat. Cette approche du développement permet notamment de capitaliser sur les compétences des migrants, de les faire participer financièrement au développement de leur pays.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - C'est du paternalisme auvergnat.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial.  - Pas du tout. De grands Auvergnats ont contribué au développement de l'Afrique !

Ce programme reçoit une dotation modeste mais ses axes sont clairs et ses indicateurs peuvent être encore améliorés. Son succès, ou son échec, dépendra de l'étroitesse des liens entre le ministère du co-développement et celui dirigé par M. Bockel. Une concurrence entre eux aurait des conséquences dramatiques.

Je m'interroge également sur les perspectives du compte et du livret épargne co-développement. Ces dispositifs sont techniquement bien calibrés, d'un impact positif en termes de communication, mais peut-on garantir que cette épargne servira bien le développement ? J'espère, madame la ministre, que vous ferez inscrire la dépense fiscale correspondante en APD car les niches fiscales constituent de véritables dépenses.

Sous le bénéfice de ces observations et sous la réserve d'amendements que je vous présenterai, la commission des finances vous propose donc de voter les crédits de cette mission et des deux comptes spéciaux. (Applaudissements à droite.)

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.  - Les crédits de la francophonie sont répartis entre la mission « Aide publique au développement » -programme « Solidarité à l'égard des pays en développement »- et les missions « Action extérieure de l'État », « Culture » et « Médias ». C'est une première difficulté.

Notre effort financier demeure important : 58,4 millions sont consacrés à l'organisation internationale de la francophonie et à ses opérateurs. Plus de 15 millions d'euros, inscrits dans la sous-action « Langue française et diversité linguistique » du programme « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l'État », iront au plan de relance du français, notamment en Europe, axe à mes yeux essentiel de notre politique francophone.

Les crédits de TV5 Monde sont portés à 65,7 millions, un dégel étant en outre intervenu pour pallier ses difficultés. C'est la chaîne de la francophonie, il faut la soutenir. Les crédits de la délégation générale à la langue française et aux langues de France sont maintenus autour de 4 millions.

En dépit de ces chiffres satisfaisants, j'ai une désagréable impression de déjà vu. Année après année, la France consacre des crédits importants à une politique qu'elle pilote mal et dont elle ne semble pas convaincue. Les majorités et les gouvernements changent. Mais la responsabilité de la francophonie continue à être confiée à un secrétaire d'État chargé à la fois de la coopération et de la francophonie. Est-ce bien pertinent ? La géographie, l'histoire et la force des choses condamnent le ministre à privilégier la coopération.

Vous n'avez pas, monsieur le ministre, d'autorité directe sur la direction générale de la coopération internationale et du développement qui dispose de l'essentiel des moyens.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.  - Hélas !

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis.  - Il est par ailleurs difficile de mener une action concertée avec le ministère de la culture. Il faudrait réunir dans une même main les relations culturelles extérieures, la francophonie et l'audiovisuel extérieur de la France, au sein du ministère des affaires étrangères.

La francophonie attire chaque année de nouveaux pays. Jusqu'où irons-nous dans cette expansion ? Il y a dans le monde entier des personnes qui aiment et utilisent la langue française, qui souhaitent échanger et lire en français. La francophonie est avant tout une notion linguistique. Privilégions la notion de réseau mondial plutôt que de rassembler des États plus ou moins francophones.

Nous ne tirons pas toutes les conséquences de l'adoption par l'Unesco de la convention en faveur de la diversité culturelle, et donc linguistique. Les langues doivent pouvoir exprimer les réalités du XXIème siècle. Croit-on vraiment qu'une langue qui n'est plus utile, utilisée, pour exprimer la création nouvelle, la découverte, la modernité, peut conserver un rayonnement mondial ? Or nous nous résignons à ce que le français soit de moins en moins utilisé dans le domaine des sciences -le débat sur le protocole de Londres l'a montré.

On cantonne l'usage du français à la sphère privée, en prétextant le coût des traductions. Mais le recours à la traduction, avec l'apprentissage de langues étrangères, est la seule façon de permettre aux langues de s'exprimer sur tout et de favoriser entre les différentes aires linguistiques un véritable dialogue. Parce que j'aime et respecte le français, j'aime et respecte toutes les langues : je fais donc le choix d'un monde qui traduit, où la francophonie trouve sa raison d'être.

En dépit de l'absence de vision stratégique, la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

Trois questions pour conclure : monsieur le ministre, où en est le projet de la Maison de la francophonie ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Beau sujet !

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis.  - Où en est le chantier de la réforme de l'audiovisuel extérieur et quelle est votre ambition pour TV5 Monde ? Enfin, le Gouvernement va-t-il inciter l'Assemblée nationale à examiner enfin la proposition de loi de notre collègue M. Marini, adoptée à l'unanimité par le Sénat ? (Applaudissements à droite)

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - Devant notre commission, le ministre a parlé de « pause dynamique » : en effet, après cinq années de progression, l'aide française au développement se stabilise. Le Président de la République a cependant réaffirmé l'objectif d'y consacrer à terme 0,7 % de la richesse nationale.

L'impératif d'efficacité impose de faire des choix. Des choix d'organisation tout d'abord : il faut stabiliser le dispositif d'aide, conforter les personnels, donner une vision claire à tous. Des choix géographiques ensuite : la France ne peut pas tout faire, partout. L'urgence et les attentes sont en Afrique. Concentrons nos moyens là où nous sommes plus efficaces. Des choix stratégiques enfin, quant aux instruments à mettre en oeuvre et aux résultats attendus.

Nos contributions multilatérales ne doivent pas répondre pas à une simple logique de dépense : il ne suffit pas de faire un chèque. Qu'attendons-nous précisément de telle ou telle institution ? Notre contribution au Fonds européen de développement (FED) pourrait atteindre plus de 860 millions si le lissage demandé par les gouvernements allemand et français n'est pas accepté. Comment la Commission a-t-elle accueilli cette demande ? De même, il serait paradoxal d'augmenter nos contributions volontaires avant l'aboutissement des réformes du système de développement des Nations unies et d'affranchir les organisations multilatérales de la rigueur que nous nous imposons !

Tout effort supplémentaire doit s'effectuer au sein de l'enveloppe multilatérale actuelle, sous peine de mettre en péril nos instruments bilatéraux. Comme en 2007, les instruments de l'aide-projet ne sont préservés qu'en sollicitant l'intégralité du résultat de l'Agence française de développement : ce sont les intérêts des prêts de l'Agence qui financent les subventions bilatérales. Je ne suis pas hostile à ce recyclage de l'argent du développement, mais l'Agence doit pouvoir prendre des risques, comme elle le fait en Afrique. Son rôle dans le développement de l'union des pays riverains de la Méditerranée sera précieux : n'hypothéquons pas l'avenir.

Le déclin de nos instruments bilatéraux est enrayé : les crédits progressent de 9,4 %. Il faut désormais être offensif en matière d'assistance technique. Les coopérants, recrutés et payés par les pays bénéficiaires, ne font pas obstacle à une démarche de partenariat. Il faut renforcer les capacités en Afrique, pour permettre une absorption utile de l'aide.

Ces orientations positives devront être confortées, au service d'une vision claire et d'une vraie stratégie. La tâche est gigantesque mais nous sommes sortis de la phase d'ajustement structurel en Afrique. Il y a place pour un nouvel élan et une nouvelle ambition. Notre commission a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Tasca. - La mondialisation, c'est plus d'échanges dans le monde, mais pas, loin s'en faut, moins de conflits et d'inégalités. La responsabilité d'organiser les solidarités en direction des pays du Sud nous incombe plus qu'à d'autres, en raison de notre histoire, du poids de la France et de l'Europe. Or le budget de la mission « Aide Publique au développement » révise à la baisse cette ambition. Je déplore l'abandon d'objectifs chiffrés qui engageaient la France, le gonflement artificiel de l'aide multilatérale au détriment de l'aide bilatérale, l'insuffisant soutien aux ONG, et le nouveau programme « co-développement », qui risque fort de ressembler à un faux-nez.

La France s'était engagée à consacrer au moins 0,7 % de sa richesse nationale à l'aide publique au développement d'ici 2012. En 2005, nos partenaires européens ont repoussé l'échéance à 2015, engagement confirmé par le Président Sarkozy lors du dernier G8. Je ne vois pas comment nous parviendrons à tenir cette échéance au rythme actuel.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial.  - On n'y arrive pas.

Mme Catherine Tasca. - Après plusieurs années d'augmentation, les crédits de l'APD ont en effet reculé.

En 2002, la France s'était fixé comme objectif intermédiaire 0,5 % du RNB pour 2007. Ce rendez-vous a également été manqué. Le budget réel 2007 a donc constitué une rupture regrettable, à rebours de nos engagements internationaux.

Puisque le montant des annulations de dettes inscrit dans les statistiques de l'APD française entamera une forte décrue à l'horizon 2010 ou 2011, il faudrait que l'APD devienne une véritable priorité budgétaire de l'État, et ce de manière significative et régulière tout au long de la législature. On en est loin. Bien sûr, le niveau d'APD prévu pour 2008 augmente de 931 millions si on le compare aux prévisions d'exécution du budget 2007. Mais dans l'hypothèse, probable, d'un nouveau retard des annulations de dettes de la République démocratique du Congo et de la Côte-d'Ivoire, l'APD française en 2008 sera en réalité en stagnation, voire à nouveau en baisse. Comment comptez-vous éviter un nouvel écart majeur entre l'objectif affiché et la réalisation effective ? Plutôt que de préparer la forte progression de l'APD nécessaire au respect de l'engagement des 0,7 %, votre projet de budget aligne la mission APD sur la règle générale de la croissance zéro des dépenses publiques. Pourquoi dès lors continuer de faire croire à des objectifs dont on sait à l'avance qu'ils ne seront pas respectés ? Cela entame la crédibilité de la France.

Mais je relève aussi une mauvaise répartition interne des crédits. La France s'est engagée à contribuer de manière importante à plusieurs fonds multilatéraux d'aide au développement, comme le Fonds européen de développement, le Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, l'Agence internationale de développement de la Banque mondiale. Nous saluons cet effort comme l'ont salué de nombreuses ONG, tout en regrettant qu'il ne soit guère articulé avec les outils actuels de l'APD française. Reste que l'augmentation de l'aide multilatérale se fait au détriment de l'aide bilatérale. C'est ainsi que les crédits des programmes 110 et 209 sont en baisse. L'aide bilatérale fait figure de variable d'ajustement afin de tenter d'honorer nos engagements européens et multilatéraux.

Certaines contributions, comme celle du Fonds européen de développement, semblent sous-budgétisées, ce qui fait courir un risque de redéploiement en cours d'exercice qui serait encore au détriment de l'aide bilatérale, j'imagine. Du point de vue de la politique globale d'aide au développement, je pense pourtant que la France doit garder des instruments d'actions variés et efficaces ; l'aide bilatérale en est un, qu'il ne faut pas abandonner.

La France est toujours le dernier pays de l'OCDE pour la part de son aide publique au développement transitant par les ONG : un peu plus de 1 %, contre 8 % par exemple pour le Royaume-Uni et pour l'Allemagne. Certes le Président de la République a confirmé l'engagement de son prédécesseur de doubler cette part d'ici à 2009, mais de cela aussi on a de sérieuses raisons de douter.... Beaucoup d'ONG s'inquiètent de ne pas voir leurs crédits dans le PLF 2008. La surmédiatisation de la récente mésaventure d'une pseudo-ONG au Tchad ne doit pas occulter l'immense travail effectué par les ONG françaises, particulièrement en Afrique. Beaucoup d'entre elles se sont engagées dans un dialogue sérieux avec les pouvoirs publics, notamment sous le label Coordination Sud. Ne les décevez pas !

J'ai noté une autre illustration des incohérences de votre budget à propos de la contribution au Fonds mondial sida : elle a été doublée depuis 2005, ce qui constitue un effort notable. La France s'est engagée, lors de la conférence de reconstitution du fonds en septembre dernier, à y participer à hauteur de 900 millions par an sur la période 2008-2010. Mais ne sont inscrits que 280 millions en crédits de paiement, contre 300 en 2007. En outre, il n'est même pas sûr que ces 300 millions votés l'année dernière soient réellement affectés cette année dans leur intégralité. Il est pourtant essentiel que la France honore ses engagements dans ce secteur crucial. Et il n'est pas normal que les recettes levées par la taxe sur les billets d'avion soient utilisées pour alimenter la contribution de la France au fonds sida, alors qu'elles sont en principe destinées à Unitaid, c'est-à-dire au financement et à l'approvisionnement en médicaments des populations qui en ont le plus besoin.

Les objectifs réels et les moyens du programme 301 dit de codéveloppement ne sont pas à la hauteur des enjeux. Ce programme, qui est une innovation budgétaire, est doté de 60 millions en autorisations d'engagement et de 29 millions en crédits de paiement, ces crédits provenant d'ailleurs pour une bonne part de redéploiement des programmes 110 et 209. Ne nous y trompons pas : les trois actions engagées, sont en réalité presque entièrement centrées sur le contrôle des flux migratoires et l'accompagnement des retours. Ce n'est évidemment pas une surprise quand on connaît l'intitulé de votre ministère, monsieur Hortefeux ! Le volet co-développement de chaque accord avec les pays d'origine n'est destiné qu'à « vendre » ces accords aux pays réticents -et on comprend leurs réticences. Je regrette ce mélange très préjudiciable entre une partie de la politique d'aide publique au développement et celle dite de maîtrise des flux migratoires. C'est ce type de confusion qui pèse sur la gestation du Centre d'informations et de gestion des migrations de Bamako. Où en est ce projet ?

Les migrations sont largement dues à la misère qui sévit dans de trop nombreux pays. La politique française d'aide au développement devrait plus se soucier de supprimer la pauvreté plutôt que d'empêcher les hommes et les femmes de la fuir. Je préfèrerais donc que l'on replace le codéveloppement dans le cadre d'une coopération partenariale ambitieuse avec les pays du Sud, dont beaucoup, faut-il le rappeler, appartiennent à l'ensemble francophone. Obtenir une réelle implication des pays d'origine est la condition première de la réussite d'une politique d'aide au développement. Ce n'est certainement pas la perspective ouverte par ce budget avec vos engagements revus à la baisse.

Pour toutes ces raisons, les socialistes voteront contre votre projet de budget. (Applaudissements à gauche)

M. Robert del Picchia. - Depuis neuf ans que je suis sénateur, j'attire l'attention du ministère des affaires étrangères et du ministère de la coopération sur nos compatriotes retraités d'Afrique. Ceux-ci ont travaillé et cotisé aux régimes obligatoires de sécurité sociale locaux, conformément aux conventions bilatérales, mais ils ne perçoivent pas, en retour, leur pension. Ils ont passé la majeure partie de leur vie active en Afrique et n'ont pas d'autre source de revenus que leurs retraites africaines, déjà réduites de moitié du fait de la dévaluation du franc CFA de 1994. Beaucoup d'entre eux sont acculés à quémander les minima sociaux alors qu'ils ont travaillé et cotisé toute leur vie Allons-nous attendre encore des années que nos compatriotes retraités soient tous décédés et que le problème disparaisse avec eux ?

À Djibouti, la situation s'est améliorée pour certains de nos ressortissants mais d'autres attendent toujours depuis des années la liquidation de leurs droits à pension, le paiement des arriérés ou le versement régulier de leur pension. Si ce dysfonctionnement ne concerne encore que quelques personnes, il faut bien se rendre compte que pour celles-ci le quotidien est dramatique. Au Congo, des centaines de personnes sont piégées par une mauvaise volonté institutionnalisée. Et malgré tous ses efforts depuis une dizaine d'années, la France n'est pas parvenue à convaincre son partenaire de régler les arriérés et de verser les pensions.

Le Congo souhaite renégocier le Document cadre de partenariat (DCP) signé il y a seulement quelques mois ; on comprend mieux ce souhait quand on sait que le calendrier de paiement des arriérés de pension est lié au DCP et que celui-ci prévoit qu'en cas de difficulté, la France pourra ajuster en conséquence son aide publique au Congo. On est dans ce cas ! (Mme Paulette Brisepierre le confirme) Le Président de la République ne s'y est pas trompé, qui conditionne la renégociation du DCP au paiement total des arriérés de pension.

J'ai donc déposé un amendement en parfaite conformité avec le DCP pour la création d'un programme « Prise en compte de la dette aux ressortissants français ». Ce programme est doté de 16 millions destinés à l'apurement de la dette de l'État congolais vis-à-vis de nos retraités. Il est incompréhensible et inadmissible que l'on continue à verser de l'argent au Congo pendant que nos ressortissants retraités doivent mendier le minimum vieillesse parce que le Congo qui n'est pas aujourd'hui en difficulté bien au contraire, grâce au pétrole, persiste encore à ne pas payer les retraites. L'adoption de cet amendement prouvera la solidarité de la France envers ses ressortissants retraités du Congo, en permettant de régler enfin et définitivement leurs arriérés de pension. Ce sera également un signal fort, vis-à-vis de tous les États défaillants, de la volonté de la France de faire respecter les obligations réciproques qui découlent des conventions bilatérales. (Applaudissements à droite et au centre)

À la suite de l'appel de Porto Alegre, en 2005, contre la pauvreté, le budget des États européens devait être orienté vers les pays les plus pauvres. Mais deux ans se sont écoulés et les promesses sont oubliées : ce budget, son recul l'atteste, n'est plus une priorité. L'année 2007 devait marquer une étape décisive, celle où l'on franchirait le palier symbolique de 0,5 % du PIB. Notre effort a pourtant été ramené à 0,42 %, alors que celui des Anglais, des Allemands, des Espagnols connaît une croissance sensible.

L'Afrique est le premier continent touché. Il est malheureusement probable que l'objectif du millénaire ne sera pas atteint en 2015. Le discours empreint de suffisance du Président de la République à Dakar a été ressenti comme une humiliation par de nombreux dirigeants africains.

L'Afrique reste la première région qui continue d'être durement frappée par la misère : huit cent mille personnes y meurent de faim, des milliers d'enfants y font la guerre, d'autres, un travail harassant, trois cent mille meurent de maladies.

Les documents budgétaires n'aident pas à cerner la réalité. Les allégements et les annulations de dettes représentent encore, une part non négligeable du volume des crédits mais ils ne masquent pas leur baisse.

Que prévoirons-nous pour maintenir ou augmenter nos efforts quand ces lignes budgétaires n'existeront plus ? Rien n'est fait pour lever nos inquiétudes quant à la clarté et à l'efficacité de notre aide sur le terrain. Votre budget est-il sincère, qui prévoit 2 milliards d'annulation de dette en faveur de la Côte-d'Ivoire et du Congo, quand on sait que la France a été à l'initiative d'une proposition, à l'ONU, visant à poursuivre la restriction des aides destinées à la Côte-d'Ivoire, notamment ?

La représentation internationale doit pourtant se concentrer sur sept objectifs, classés comme prioritaires par le programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) : éliminer l'extrême pauvreté -en Afrique subsaharienne, la population vit avec moins d'un dollar par jour- ; assurer l'éducation primaire pour tous ; promouvoir l'égalité des sexes ; réduire la mortalité des enfants de moins de 5 ans ; combattre le virus du sida et le paludisme -si la contribution de la France à l'Onusida a doublé grâce à la taxe sur les billets d'avion elle n'en reste pas moins nettement insuffisante : 7 millions de personnes, dans les pays en voie de développement, attendent un traitement contre le sida- ; assurer un environnement propre et sain -en Asie occidentale, 80 % des habitants n'ont pas accès à l'eau potable- ; assurer, enfin, un partenariat mondial pour le développement en poursuivant la mise en place d'un système commercial et financier fondé sur des règles non discriminatoires.

La participation de la France au Fonds européen de développement (FED), principal instrument de la coopération entre la Communauté européenne et les États ACP, à 725 millions, est en recul. Je plaide pour un renforcement de ce fonds, et j'ai voté contre le projet de loi relatif aux accords de partenariat ACP-Communauté européenne, qui ne respecte en aucune façon nos partenaires. Le président Wade s'en est expliqué dans un article du Monde, et je ne sache pas qu'il vienne de rejoindre une cellule communiste de Seine-Saint-Denis. (Sourires.) Il serait infiniment plus réaliste de repousser la signature de cet accord et d'envisager une période transitoire, afin de poursuivre les négociations.

Même si 984 millions sont consacrés à l'aide financière aux pays en voie de développement, soit une hausse de 13 %, c'est peu, compte tenu des objectifs prioritaires que je viens d'énoncer. Le problème de la dette est loin d'être résolu. Comment un pays tel que le Kenya pourrait-il réaliser les objectifs du millénaire tandis que 40 % de son budget est consacré au remboursement de la dette ?

On peut aussi s'interroger sur le fonctionnement de l'Agence Française de Développement qui n'aurait utilisé que 50 % des 327 millions de crédits qui lui sont alloués pour 2007.

J'en viens à l'aide aux ONG. Les activités contestables de l'Arche de Zoé ont été l'occasion pour certains de jeter l'opprobre sur les ONG.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - Elles s'en chargent elles-mêmes.

M. Robert Hue. - Notre soutien reste trop timide : les ONG ne reçoivent pas plus de 1 % du budget total de l'aide publique au développement. Le peu de lisibilité des crédits...

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - Elles ne les utilisent même pas.

M. Robert Hue. - ... paralyse leur action. Désappointées par le peu d'efficacité, depuis des décennies, de nos politiques de coopération successives et le peu de vergogne de certaines élites, elles ont le sentiment que leur action difficile ne profite que très peu aux populations concernées.

Un mot, enfin, sur la délimitation nouvelle des compétences entre le ministère de la coopération et celui de l'identité nationale et du co-développement, nouvellement créé, qui ternit sensiblement notre image en Afrique et dans le monde. Il aurait pour mission, sur fond de politique de l'immigration encadrée par des statistiques ethniques et autre tests ADN, de participer à la politique d'aide au développement ? L''opinion africaine en est vivement choquée, à juste titre. Ce n'est pas cette conception régressive qui aidera les pays du Sud à sortir de la pauvreté.

Les pays riches, quoi qu'on en dise, sont favorisés dans les négociations commerciales. Le Président de la République souhaite un « nouvel ordre mondial ». Soit, pourvu qu'il soit dirigé par des motivations d'humanité, de justice et d'équité sociale.

Parce que telle n'es pas la priorité de ce gouvernement, le groupe CRC ne votera pas ces crédits et demande que la représentation nationale puisse exercer plus régulièrement son rôle de contrôle de la politique étrangère du Gouvernement. Car cette politique, si elle devait se poursuivre, briserait la dynamique nécessaire à un co-développement partagé entre la France, l'Europe et l'Afrique. (Applaudissements à gauche.)

M. Georges Othily. - La continuité prévaut dans notre politique d'aide au développement. L'effort français, depuis la création du ministère de la coopération au début des années 60, ne s'est jamais démenti. Certes, un décalage demeure entre les objectifs proclamés et les résultats obtenus et l'on s'indigne dès que les crédits ne sont pas engagés...:

Les annulations de dettes conditionnées aux réformes menées par les États -je pense aux opérations financières de l'année passée engagées en faveur de la Côté-d'ivoire et de la République du Congo- contreviennent, par leur caractère virtuel, à la sincérité budgétaire. De même, le récent rapport du PNUD indique que l'objectif d'atteindre, à l'horizon 2012, un montant de l'aide au développement représentant 0,7 % du revenu national brut des États développés semble bien compromis.

Mais ne peut-on renverser les termes du problème ? Au lieu de déplorer la persistance de la grande pauvreté, demandons-nous plutôt ce qu'il serait advenu sans les actions menées depuis plus d'une quarantaine d'années.

Les critères permettant de mesurer l'efficience « exogène » de notre politique d'aide au développement doivent être clairement définis. On ne peut que louer la démarche engagée en ce sens par le Gouvernement lors des Journées de la coopération internationale et du développement, le 17 juillet dernier.

Quels contours pour la réforme ? En premier lieu, ne nous laissons pas intimider par ceux qui reprochent à la France le saupoudrage de son aide. Les thèses qui prévalent à la Banque mondiale me semblent procéder d'une éthique mal comprise : il ne faut aucunement renoncer à aider les pays mal gouvernés. Conditionner l'aide, sur le mode anglo-saxon, au respect des droits de l'homme ou à la clarté de la gouvernance est un leurre lorsque l'on sait, comme le rappellent bon nombre d'experts de la transition démocratique, que les conditions économiques déterminent pour beaucoup les possibilités d'évolution -la Corée du Sud en est une illustration historique. N'oublions pas que les mal gouvernés sont aussi les plus pauvres.

Le paradoxe est que l'on reproche dans le même temps à la France la trop grande sélectivité de ses aides, centrées sur l'Afrique subsaharienne. Mais le maintien de liens étroits avec des pays francophones ne contrevient en rien à l'efficience de notre action, dès lors qu'elle se garde de tout clientélisme.

Plus intéressant me semble le principe de conditionnalité de performance, qui vise à sanctionner la surévaluation, par les États bénéficiaires, d'engagements économiques qu'ils se révèlent généralement inaptes à tenir. Les conclusions d'un récent rapport du Conseil d'analyse stratégique, qui rompent avec un certain néo-colonialisme ambiant, soulignent que l'enjeu véritable réside en une appropriation, par les États aidés, des politiques suscitées par les États aidants. Les objectifs finaux qui conditionnent l'aide devraient ainsi être mesurés par des indicateurs d'impact, tels qu'en matière de santé, la réduction de la mortalité infanto-juvénile, ou d'éducation, le taux de scolarisation. Car c'est la faiblesse des indicateurs retenus qui a fait partiellement manquer son but à la tentative de la Commission européenne de promouvoir une culture de résultat.

L'évaluation devrait également laisser le temps aux politiques de produire leurs effets et tenir compte des chocs extérieurs qui influent sur la performance.

A cette efficience exogène s'ajoute une efficience endogène propre à notre circuit de décision : la continuité prévaut puisque les réformes de 1998 et de 2004 permettent de rationnaliser nos circuits de décisions. Pourtant, tous les travaux universitaires et de récents rapports d'expert notent que le processus reste inachevé. La politique d'aide au développement est historiquement une mission interministérielle et la création de l'Agence française de développement n'a pas résolu le double problème d'une dispersion des centres de décisions et d'une tutelle trop distendue. La sélectivité du champ d'action de l'AFD contredit sa qualification d'opérateur pivot. Dès lors, le Royaume-Uni fait office de modèle car la réforme entamée en 1998 fut menée à terme et permit une réelle autonomisation ministérielle. Alors même que l'aide du Royaume-Uni est inférieure à celle de la France, là où l'AFD gère moins de 10 % de l'aide brute, son homologue anglais, le DIFD, en gère plus des trois quarts. Un tel élargissement du champ de compétence de l'Agence ne serait possible que si elle s'accompagnait d'une refondation des liens politico-administratifs.

Au début des années soixante, notre politique d'aide au développement est née d'une combinaison parfois difficile entre diverses visions portées par plusieurs départements ministériels : le ministère de la coopération était favorable à l'essor des régions aidées tandis que le ministère des finances encourageait notre rayonnement économique et que les affaires étrangères privilégiaient l'influence culturelle de notre pays. La création récente du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du co-développement, semble ne pas faciliter cette convergence de vue, dès lors qu'elle ne contribue pas tant à clarifier qu'à ajouter un nouveau « référentiel migratoire » fondé sur la régulation des flux migratoires et l'abaissement des tensions entre résidants et citoyens français. Cette voie est-elle la bonne ? Sans nul doute si cette politique parvient à abaisser les tensions et à protéger ces malheureux candidats de la misère.

Néanmoins notre groupe, attaché aux valeurs humanistes, met en garde contre toute dérive qui tendrait à chercher une substitution d'un référentiel global aux diverses visions portées jusqu'à présent par l'aide française au développement. Le simple ajout de la ligne budgétaire réservée nous donne, pour l'heure, satisfaction de même que les 13 millions consacrés à l'aide multilatérale.

Enfin, nous nous félicitons que le programme co-développement crée un fonds fiduciaire doté de 3 millions, ce qui permettra de mener à bien de nombreux projet ambitieux. Pouvez-vous nous indiquer précisément quel sera le rôle de ce nouveau fonds et quelles seront les banques qui le soutiendront ?

Le groupe RDSE, dans sa majorité, votera cette mission aide au développement. (Applaudissements à droite)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - En dépit de mon goût pour les oxymores, je ne commencerai pas mon discours par une « pause dynamique » ! (Sourires) Une pause dynamique n'entraverait pas la marche de la France vers l'objectif de 0,7 %, fixé de longue date, mais elle retarderait certainement ma péroraison, ce que les règles du débat ne m'autorisent pas.

J'en viens donc aux questions désagréables.

L'aide publique française au développement est, à 75 %, orientée depuis les indépendances vers l'Afrique francophone et méditerranéenne. Mais toutes les études et les enquêtes judiciaires conduisent au même constat : nous continuons à recevoir de l'Afrique beaucoup plus que nous ne lui donnons. D'après le dernier rapport de la Cnuced, sur la période 1991-2004, 13 milliards de dollars en moyenne ont été transférés illégalement chaque année de l'Afrique vers l'Europe. En trente ans ce sont 400 milliards de dollars qui ont été subtilisés aux peuples africains, et transférés dans les pays riches, dont le nôtre. Ce montant doit être comparé aux 215 milliards de dollars de la dette de l'Afrique. Qui doit combien à qui ? A qui la faute ? A l'instabilité politique et économique de certains pays qui incite les entrepreneurs à mettre leurs capitaux à l'abri. Mais ces détournements de fonds sont surtout le fait de régimes corrompus. Nous maintenons au pouvoir des gouvernements grâce à des accords de défense obscurs et à l'appui de nos forces armées comme cela a été le cas au Tchad il y a moins d'un an. Nous sommes piégés par des décennies de politique complaisante et complice avec ces chefs d'État qui font plus ou moins rempart à des anarchies encore plus prédatrices et sanglantes que leurs régimes. Ces détournements de fonds sont aussi le fait des entreprises internationales qui emportent les marchés grâce aux pots de vin versés aux responsables politiques et administratifs. La Banque Mondiale estime leur montant à 40 % de l'aide publique internationale. Et la situation s'aggrave avec l'arrivée des entreprises et de l'État chinois en Afrique. « Qui osera rendre un jour au Nigeria, au Cameroun, au Congo, au Congo-Brazzaville ce que la France leur doit ? » s'interroge Eva Joly à l'issue de son instruction de l'affaire Elf et sur la base des enquêtes qu'elle mène actuellement.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - On se demande à quel titre !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Le Comité catholique contre la faim, dans son rapport Biens mal acquis, évalue à 3 milliards de dollars les fonds versés au Libéria et détournés par l'ancien Président Charles Taylor, à 4 milliards de dollars la fortune amassée par le Président Bongo. Pour Sassou N'guesso, dont la fortune est immense, on a retrouvé trace de 472 millions aux Bermudes : c'est la partie visible de l'iceberg.

Que représente notre aide au développement par rapport à cette corruption qui profite aux pays riches, dont nous-mêmes ? Bien peu de choses. C'est avec gravité que je vous demande, monsieur le ministre, si dans un tel contexte, il est convenable, honorable de se servir de montants présumés d'annulation de dettes pour masquer la baisse réelle de notre aide au développement ? Ce procédé a permis d'inscrire 9 milliards dans la loi de finances pour 2007 alors que seuls 7,84 milliards ont été versés. En 2007, notre véritable aide publique au développement a donc atteint le montant des sommes que les migrants maghrébins et africains établis en France envoient dans leur pays d'origine, d'après les chiffres du ministère de l'immigration. Au concours de la générosité, qui gagne ? Notre grand pays généreux ou les migrants méprisés, sous-payés et contrôlés au faciès ?

Je ne reviendrai que brièvement sur les manipulations comptables, pas toujours conformes aux prescriptions du Comité pour l'aide au développement de l'OCDE et dont le montant atteint 1,68 milliard dans ce budget, soit près de 20 % de l'aide publique au développement annoncée : dépenses pour les étudiants gonflées à près de 900 millions, alors que les visas d'études pour les Africains et les Maghrébins diminuent, accueil des réfugiés estimé à 439 millions, alors que la police des frontières refoule les demandeurs potentiels dès la descente des avions. Vous devez voir cela comme moi quand vous allez, à Roissy de bon matin...

Comme notre rapporteur, j'estime que les statistiques établies selon les critères du Comité pour l'aide au développement de l'OCDE sont utiles pour les comparaisons internationales, mais elles ne permettent pas de juger de la réalité de notre contribution. Notre aide publique au développement réel ne représente qu'environ un tiers de celle que nous notifions à ce comité.

J'en viens au programme 209 dont les crédits diminuent de 13,6 millions : les crédits de coopération multilatérale ne peuvent augmenter que si les crédits de coopération bilatérale baissent. Seul 1 milliard est donc mobilisable sur le terrain par nos postes et par l'Agence française de développement pour l'aide publique bilatérale au développement. Il est regrettable que, de ce fait, la France n'apparaisse plus aux yeux des populations comme un partenaire actif pour la scolarisation, pour la santé et dans la lutte contre la pauvreté. Au Sénégal, l'Agence française de développement dispose de seulement 20 millions alors que les organismes multilatéraux en ont 100, dont une part vient d'ailleurs de la France. Mais qui le sait, au Sénégal, et qui contrôle l'usage des fonds à Paris ?

Quant aux organisations de solidarité internationale, elles restent le parent pauvre. Les promesses de 2007 concernant le doublement des crédits mis à leur disposition n'ont pas été tenues. Comment le seraient-elles, cette année, quand le projet de loi de finances n'indique que 35,5 millions de crédits ? Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner des précisions ?

Malheureusement, notre engagement pour le développement baissera encore plus dans les prochaines années, puisque les autorisations d'engagement pour 2008 ne permettent pas d'anticiper une forte croissance des crédits de paiement. Au moment où les parlementaires ACP et Union Européenne, réunis à Kigali, appellent l'Europe à s'engager pour l'accès aux soins de santé, au moment où les pays ACP s'inquiètent des accords de partenariat régionaux que l'Union veut leur imposer et qui ruineront leurs agricultures non subventionnées et leurs industries et artisanats non concurrentiels, quelle sera la position de la France au sommet de l'Union européenne-Afrique qui se tiendra à Lisbonne les 8 et 9 décembre ? Dans le cadre de la revue générale des politiques publiques, il faudra veiller à ce que les moyens que la France affecte au développement ne soient pas réduits, en hommes, en structures et en financement.

Tous les efforts seront vains, cependant, si la lutte contre la corruption n'est pas menée efficacement : le Gouvernement compte-t-il renforcer les moyens contre ce fléau ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.  - Nous prévoyons de porter notre APD de 0,42 % du PIB cette année à 0,45 % l'an prochain, avec l'hypothèse -partagée par les institutions financières concernées- d'une annulation de dettes de 1,2 milliard. L'aspect qualitatif, cependant, est au moins aussi important et nous poursuivrons quatre priorités.

La qualité de l'aide, d'abord. Nous voulons mieux mesurer l'efficacité de chaque euro d'aide, et pour cela développer la culture du résultat, y compris auprès des organismes multilatéraux avec lesquels nous coopérons. L'aide doit avoir un impact tangible, mesurable par des critères aussi concrets que l'accès à l'eau, à la santé, ou encore les flux migratoires. Elle doit avoir également un effet d'entraînement sur le développement. Mme Brisepierre l'a dit, nous devons élever notre niveau d'exigence d'une gestion rigoureuse envers les organisations multilatérales. Nous devons aussi veiller à une meilleure coordination entre bailleurs bilatéraux et multilatéraux ; la présidence française plaidera pour une division internationale du travail plus efficace.

Un nombre plus restreint de priorités, ensuite, en cohérence avec nos grands enjeux politiques et nos domaines d'expertise : santé, environnement, co-développement grâce à la revalorisation des transferts des migrants.

Nous voulons aussi recentrer l'aide avec un meilleur ciblage géographique. Conforme à nos liens historiques, à nos intérêts et à notre expertise. A trop vouloir satisfaire chacun, on mécontente tout le monde ! L'Afrique sub-saharienne demeurera le premier destinataire de notre APD, avec 57 %. Nous venons d'insister auprès de la Banque mondiale, qui a décidé d'accroître ses interventions en Afrique. Notre participation au fonds africain de développement progressera de 6,5 %, avec un effet levier dans le cadre multilatéral, au profit des États fragiles.

Nous voulons mieux prendre en compte la place croissante des nouveaux acteurs dans l'aide au développement, qu'il s'agisse des collectivités locales, des fondations, ou d'autres associations. Nous pouvons encourager ces nouveaux acteurs par la fiscalité, développer des partenariats public privé. Sans prétendre attirer tous les Bill Gates ou Warren Buffett, pourquoi notre ingénierie juridique et fiscale ne leur offrirait-elle pas des moyens de coopérer avec nous ? La mondialisation voit émerger de nouveaux pays donateurs, vous avez évoqué la Chine : le fonds chinois représente 200 milliards de dollars. A Pékin, le Président de la République a proposé que l'expertise française se mette au service de projets réalisés par les Chinois, où on ne décèle pas toujours un intérêt manifeste pour le développement africain.

Quant à la définition du périmètre de l'APD, les différences constatées avec les définitions de l'OCDE sont normales, le programme ayant directement vocation à suivre l'action menée au titre du budget de l'Etat. Vous souhaitez, monsieur Charasse, améliorer l'impact de l'annulation de la dette, j'y suis très attachée également. L'APD ne fait pas l'objet d'une fiscalité affectée, mais elle répond aux mêmes obligations que les autres crédits pour la mesure de performance. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - La France engage son APD pour soutenir les pays les plus pauvres, d'abord africains. Nous voulons améliorer la gouvernance de l'aide : non pas donner moins, mais autrement.

Nous travaillons en parfaite harmonie avec les services de M. Hortefeux sur le co-développement. La modernisation de notre coopération passe par des opérateurs comme l'Agence française de développement, qui est largement reconnue sur le plan international. Grâce à ces opérateurs reconnus, nos administrations centrales pourront se concentrer sur leurs fonctions d'orientation stratégique et d'arbitrage.

Nous devons accroître les synergies entre nos moyens bilatéraux et multilatéraux. Notre influence est encore insuffisante dans les organismes multilatéraux, nous sommes insuffisamment des actionnaires soucieux de leurs intérêts, alors que l'aide au développement elle-même change de modèle, devenant pluraliste à mesure qu'elle intègre un plus grand nombre d'opérateurs.

L'APD constatée cette année n'a pas atteint les objectifs que nos prédécesseurs lui fixaient : 0,42 % du PIB, au lieu de 0,47 %.

En 2008, elle devrait atteindre 0,45 % du PIB, grâce au rôle positif joué par les prêts. J'ai entendu vos observations sur la comptabilisation de la taxe sur les billets d'avion. Quoique nous y perdions dans certains domaines, nous avons tout à gagner à redéfinir les contours de l'aide au développement de manière précise, notamment pour les dépenses de sécurité et de paix dont la réalité est loin de la description caricaturale qui en a été faite tout à l'heure. L'objectif est de tenir l'engagement qu'a pris le Président de la République, comme ses autres collègues européens, de porter l'aide publique au développement à 0,7 % en 2015. Dans le contexte budgétaire très tendu qui est le nôtre, l'essentiel a été préservé, grâce à nos interventions de cet été. D'autant que, pour reprendre l'expression de Mme Brisepierre, nous sommes dans une phase de « pause dynamique » puisque nous avons obtenu l'assurance que les autorisations d'engagement progresseraient. Les graines de l'APD de 2009, 2010 et 2011 sont bien plantées ! Nous respecterons nos engagements internationaux. Monsieur Charasse, s'agissant de l'appel à contribution renforcé du fonds européen, nous discutons actuellement avec la Commission d'un lissage de notre participation afin que nous soyons en mesure de contribuer de manière, certes modeste, mais régulière.

L'aide bilatérale a longtemps fait longtemps figure de parent pauvre de notre budget, mais les autorisations d'engagement sont en progression.

S'agissant des ONG, nous travaillons avec les ONG volontaires sur l'élaboration d'une charte de qualité après l'affaire de l'Arche de Zoé. Il leur sera consacré 30 millions, ce qui constitue une augmentation.

Je partage les analyses de M. Legendre sur la francophonie, nous en avons d'ailleurs discuté lors de récentes réunions à Ventiane et à Libreville. L'inspection générale des finances et les affaires étrangères, que le Premier ministre avait chargées d'une mission sur la maison de la francophonie, rendront leur rapport dans les jours prochains. Sans éventer son contenu, nous serons en mesure d'affirmer à M. Abdou Diouf, secrétaire général de la francophonie, que nous trouverons une solution avant la fin de l'année.

J'en viens à l'audiovisuel extérieur. Nous avons convaincus nos partenaires de TV5 lors de la réunion de Lucerne qu'il fallait moderniser la chaîne et créer une espèce de « marque ombrelle », de holding pour parler en « franglais ». En effet, si nous ne bougeons pas, la chaîne disparaîtra du fait de l'évolution des technologies.

Monsieur Marini, je m'engage à ce que votre proposition soit discutée dès que possible par l'Assemblée nationale.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Excellent ! Elle avait recueilli l'unanimité au Sénat.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - Monsieur del Picchia, s'agissant de la question sensible du Congo, nous avons progressé : un premier versement de 250 millions de francs CFA a été réalisé en septembre, mais nous avons indiqué au Président Sassou-Nguesso que le document ne sera pas signé tant que le problème des pensionnés n'aura pas été réglé. Le Gouvernement restera donc vigilant.

Je suis disposé à répondre à d'autres questions.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Vous ne m'avez apporté aucune réponse ! (Rires)

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - Je fais ce que je peux !

Un dernier mot sur les relations entre l'Union européenne et les pays ACP pour rappeler l'accord, que le Sénat vient d'approuver, dont l'objectif est de mettre en oeuvre le 10e FED. (Applaudissements à droite)

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du co-développement.  - Quelques mots rapides après les réponses précises et exhaustives de M. Jean-Marie Bockel, responsable de la coordination de la politique de coopération.

80 % des fonds envoyés par les migrants de France dans leurs pays d'origine sont consacrés à la consommation courante. L'utilisation, même partielle, de ces transferts à des fins d'investissement productif serait un levier essentiel du développement. Ces transferts sont considérables : ils représentent 8 milliards pour une aide publique au développement de 9 milliards. Le développement est la seule manière de maîtriser, à long terme, les flux migratoires.

Au sein de la mission que nous examinons, le programme « co-développement » est doté de 60 millions en autorisations d'engagements et de 29 millions de crédits de paiement, soit des augmentations respectives par rapport à 2007 de 139 % et de 85 %. Grâce à ces nouveaux moyens, nous serons en mesure de négocier six accords de gestion concertée des flux migratoires et de co-développement, à l'image de celui que j'ai signé le 5 juillet 2007 avec le Gabon, et plus récemment le 25 octobre dernier avec la République du Congo et hier, le 28 novembre, avec le Benin.

Avec ces deux derniers accords, le ministère va consacrer près de 6 millions d'euros par an à soutenir des projets de création d'entreprises au Congo ou le secteur de la santé au Benin.

Monsieur Charasse, je vous remercie de la qualité de votre rapport. La création d'un nouveau programme pour le co-développement, que vous avez saluée, traduit la priorité que le Gouvernement accorde à cette politique, laquelle s'incarne également par l'institution d'un compte et d'un livret épargne-développement.

Madame Brisepierre, je vous sais gré d'avoir insisté sur le lien réel entre co-développement, lutte contre la pauvreté et création d'emplois.

Madame Tasca, veuillez croire que j'ai écouté attentivement votre intervention. Si j'ai été distrait par moment, c'est à cause de M. Karoutchi ! (Sourires)

Le co-développement n'est pas une annexe de la politique de maîtrise des flux migratoires. L'accord de gestion des flux et de co-développement que j'ai signé avec le Bénin en est un bon exemple.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Très bien !

M. Brice Hortefeux, ministre. - Il comporte, ce qui est sans précédent, des mesures de co-développement en matière de santé. Il ne s'agit en rien de favoriser le retour de clandestins, comme on nous suspecte souvent de le faire, mais d'aider des infirmiers, des médecins et des pharmaciens, des gens compétents et bien installés, qui veulent rentrer pour participer à la modernisation de leur système de santé confronté au paludisme et au sida.

Avec la signature de cet accord, nous les aidons à réussir leur retour, ponctuel ou définitif, dans leur pays. Ce retour est ardemment souhaité par le gouvernement du Bénin dont le ministre de la santé a lui-même été, pendant près de trente ans, chirurgien urologue à Paris, puis a renoncé à cette situation pour retourner dans son pays. Je souhaite que cette politique de co-développement, innovante et concertée, soit prise en exemple ailleurs.

J'étais encore hier au Centre d'information et de gestion des migrations à Bamako, centre que nous avons créé en début d'année avec la Commission européenne. Notre nouvelle politique d'immigration se veut globale. Avec le Mali, nous n'avons pas besoin d'initiatives isolées, aussi constructives et brillantes soient-elles. Nous avons besoin d'un accord global permettant de mieux organiser l'immigration professionnelle, mais aussi de lutter, avec les pays d'origine, contre l'immigration illégale et de promouvoir le co-développement. Hier, le président Amani Touré a approuvé ce message utile et constructif que la France a adressé à son pays. (Applaudissements à droite).

Examen des crédits

Article 33

Il est ouvert aux ministres, pour 2008, au titre du budget général, des autorisations d'engagement et des crédits de paiement s'élevant respectivement aux montants de 358 886 842 503 € et de 354 974 914 061 €, conformément à la répartition par mission donnée à l'état B annexé à la présente loi.

M. le président. - Amendement n°II-64, présenté par M. del Picchia.

Article 33

état B

I. Créer le programme : Prise en compte de la dette aux ressortissants français dans l'aide au développement

II. En conséquence, diminuer de 16 millions les crédits des programmes : « solidarité à l'égard des pays en développement » et les affecter au programme créé.

M. Robert del Picchia. - J'ai déjà longuement expliqué la dramatique situation de cinq cent cinq Français qui vivent du minimum vieillesse au Congo-Brazzaville, alors qu'ils y ont cotisé toute leur vie. L'amendement crée un programme « Prise en compte de la dette aux ressortissants français dans l'aide au développement » doté de 16 millions en autorisations d'engagement et crédits de paiement pour apurer la dette de l'État du Congo-Brazzaville vis-à-vis des retraités français, conformément au document-cadre de partenariat entre la France et ce pays. Le programme est créé par transfert de crédits en provenance de l'action n° 3 « Politiques et stratégies sectorielles bilatérales dans les pays de la ZSP et les PMA »  du programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », à imputer sur l'aide bilatérale au Congo-Brazzaville. C'est un audit international digne de confiance qui a déterminé la somme et le ministre nous a dit que seuls 184 000 euros d'arriérés avaient été payés.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - La commission n'ayant pas examiné cet amendement, déposé après que nous ayons statué sur cette mission, je m'exprime à titre personnel. C'est un amendement plus qu'utile. Je parcours moi-même beaucoup de ces pays et j'y reçois toujours les doléances de concitoyens âgés qui ne parviennent pas à percevoir la pension qu'ils se sont constituée et, cela, du fait des gouvernements de toute une série de pays. Certains règlent le problème -le Cameroun, par exemple, est venu, non sans mal, à résipiscence. Reste le Congo-Brazzaville.

Personnellement, je pense quand même difficile de créer un programme spécifique pour ce pays, programme appelé à disparaître aussi vite qu'il sera apparu. Ce n'est sans doute pas dans l'esprit de la Lolf. En outre, il semble délicat de prendre sur le budget que la France consacre aux pauvres de ces pays, pour payer d'autres pauvres et rembourser la dette d'un État étranger. La commission s'en remet à l'avis du Gouvernement. Mais nous n'éviterons pas un point complet de la situation dans l'ensemble de ces pays, afin de chiffrer leurs dettes et de mettre leurs gouvernements en demeure de payer. On peut bien, à l'occasion des multiples négociations que nous avons avec eux, leur demander d'ajouter ce petit chouïa d'apurement d'une dette sociale. Si l'amendement était adopté, il faudrait compléter le DCP par un avenant. Ma longue expérience me permet de considérer que, si on le veut, on peut « convaincre » ces États à faire le nécessaire. En tout cas, la situation n'est plus moralement supportable. (Applaudissements à droite).

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Cet amendement est une interpellation, un ferme avertissement à ne plus nous laisser mener en bateau. Mais son adoption aurait un effet pervers, celui d'encourager une fois de plus les responsables à fuir leurs responsabilités. Au nom du Gouvernement, je prends l'engagement de ne pas signer de DCP avant que la question ne soit réglée et je propose une réunion dans les prochaines semaines, avec les sénateurs représentant les Français de l'étranger et le rapporteur spécial.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - L'amendement n'est pas techniquement recevable mais on ne peut continuer à laisser le Congo-Brazzaville ne pas payer nos retraités alors que les pensions des Congolais sont payées ! Nos avons déjà eu plusieurs réunions à Bercy sur ce problème qui ne peut être réglé que dans le cadre de l'annulation de la dette. Il faut rendre hommage à Paulette Brisepierre qui se bat depuis longtemps et avec ténacité pour régler ce problème. (Applaudissements à droite). Je note l'engagement du ministre ; il faut que cela soit résolu dans l'année qui vient.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'initiative est opportune. M. Charasse nous dit que voter l'amendement serait reconnaître que la France doit payer des arriérés.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - Exactement.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cela ne peut être admis, car ce problème relève de la responsabilité de nos partenaires. M. Bockel l'a indiqué : des négociations sont en cours pour trouver un équilibre et en finir avec cette question. Il était utile de traiter de ce sujet lors du débat budgétaire et l'appel de M. del Picchia a porté ses fruits. L'engagement du Sénat, et plus particulièrement de ses membres représentant les Français établis hors de France, devrait lui permettre de retirer son amendement.

M. Robert del Picchia. - Monsieur le ministre, vos prédécesseurs ont déjà tenu les mêmes propos. Mme Cerisier-ben Guiga a rappelé que plusieurs réunions se sont déjà tenues sur ce sujet. Le Sénat ne peut aller plus loin, et les rapporteurs s'occupent de ce problème d'un point de vue technique. Un audit effectué par une grande institution internationale a donné au ministère des affaires étrangères tous les chiffres pour agir.

Au lieu de dire que vous ne signerez pas le DCP avant que la question ne soit réglée, vous devriez dire à la République démocratique du Congo que vous ne payerez pas tant qu'elle ne se sera pas engagée à payer. Nous avons procédé ainsi avec le Cameroun et quatre semaines plus tard les retraites étaient payées. Je vous renvoie à un discours du Président de la République.

Si vous me donnez cette assurance, je retire mon amendement.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. - Nous ne financerons pas de nouveau programme tant que cette question n'est pas réglée. Nous ne pouvons pour autant suspendre les affaires en cours sur le terrain, nous irions à l'encontre de notre éthique.

M. Michel Charasse. - Il n'y aura pas de nouvel engagement ? (M. Bockel, secrétaire d'Etat, le confirme.) Si une nouvelle réunion a lieu avec l'AFD ou le Fonds de solidarité prioritaire (FSP), le programme sera renvoyé ultérieurement tant que le problème n'est pas réglé ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. - Oui.

L'amendement n°II-64 est retiré.

M. le président. - Amendement n°II-35, présenté par M. Charasse, au nom de la commission des finances.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

  (en euros)

Réduire de 1440660 les autorisations d'engagement et crédits de paiement du programme « Solidarité à l'égard des pays en développement » et accroître du même montant le titre 2 « Codéveloppement ».

 

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - Il s'agit de réduire les crédits de la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) du ministère des affaires étrangères, qui emploie quatre cent quatre vingt cinq équivalent temps plein travaillé (ETPT), dont plus des deux tiers sont imputés sur le programme 209 de la mission « Aide publique au développement ».

L'évolution de l'aide française, désormais confiée de manière croissante aux services de coopération et d'action culturelle (SCAC) et à des opérateurs extérieurs, au premier rang desquels l'AFD, Egide et Cultures France, implique un recentrage de cette direction sur des fonctions d'état-major, de pilotage et de coordination des nombreux intervenants. Malgré la réforme de la coopération menée en 1998, la DGCID est un monstre ingérable quelles que soient les qualités de ses directeurs. En 2008, moins de 25 % des actions financées sur le programme 209 seraient conduites par la DGCID, le solde étant délégué aux organismes multilatéraux, aux opérateurs Lolf et à l'AFD.

Si la création en 2006 d'un bureau de la tutelle des opérateurs et du contrôle répondait à une réelle nécessité, la DGCID ne dispose pas d'effectifs cohérents avec sa vocation. En outre, les bureaux géographiques de la direction des politiques du développement tendent à doublonner avec les directions et sous-directions régionales du Quai d'Orsay.

Cet amendement propose donc de supprimer vingt ETPT afin d'initier le mouvement de mutation de la DGCID en une administration « de mission », dans la perspective des conclusions de la revue générale des politiques publiques qui sera certainement plus sévère. Cet amendement est le pendant de celui présenté par notre collègue Adrien Gouteyron pour la mission « Action extérieure de l'Etat » (suppression de dix ETPT sur le programme 185). Ces vingt postes ne représentent que 6 % de l'effectif de la DGCID : on est loin du non-remplacement d'un fonctionnaire sur trois ! Cet amendement est vertueux car il va dans le sens de la réforme de l'Etat. Il est très modéré, mais il incite la direction à se réformer. Ainsi, elle compte onze emplois dans un bureau de la mobilité étudiante dont l'utilité n'est pas flagrante (Mme Cerisier ben-Guiga le conteste) et cinq dans un bureau des questions européennes, comme si personne ne s'en occupait ailleurs.

Soyons raisonnable, ce n'est pas la mort du cheval... Il vaut mieux renforcer les crédits du co-développement et améliorer l'efficacité des opérations de terrain.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. - Il faut effectivement recentrer la DGCID sur ses missions stratégiques, mais dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Ce n'est pas facile et créera des tensions, mais nous nous sommes engagés dans une démarche qui ira très loin. Il ne faut pas la perturber, au risque de la bloquer. C'est une question de méthode.

M. Charles Josselin. - Je suis réservé sur l'amendement Charasse.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - Présenté au nom de la commission !

M. Charles Josselin. - Je l'ai bien compris, et c'est pourquoi il est difficile de le retirer. Nous voterons contre, car cette mesure est prématurée. Le Quai d'Orsay bruisse de projets de réorganisation et de restructuration. Il faut attendre mars, et au-delà, la révision générale des politiques publiques. Attendons les conclusions de celle-ci avant de supprimer vingt emplois.

M Michel Charasse, rapporteur spécial. - Avec les dix autres suppressions prévues, cela fait trente emplois.

M. Charles Josselin. - On ne peut utiliser l'argument du bureau des affaires européennes. Pour les programmes d'aide au développement, une relation directe avec Bruxelles peut être nécessaire. Le fait de passer par les couloirs de l'administration française nous affaiblit par rapport à nos partenaires britanniques.

Ce matin, M. Sarkozy a commis un lapsus en parlant du ministère de l'immigration, de l'identité nationale et de la coopération. (Sourires.) Je fais partie de ceux qui ont du mal à accepter l'association entre politique migratoire et développement.

M. Brice Hortefeux, ministre. - La nouveauté fait parfois peur !

M. Charles Josselin. - La politique migratoire concerne des milliers de personnes, le co-développement quelques-unes seulement.

Nous verrons les résultats à l'usage. Il est trop tôt pour mesurer les conséquences concrètes de la politique migratoire et des accords de gestion concertée des flux.

J'invite nos rapporteurs à suivre l'application de ces accords et leur impact sur les flux migratoires.

Cette mesure de réduction des crédits est inopportune. M. Charasse, qui, sur ce dossier, est plus radical que socialiste, a sans doute été un peu rapide.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ne croyez pas ça.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - Être socialiste, c'est créer des emplois à tour de bras ?

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Que M. Josselin se rassure : c'est au terme d'une très longue discussion en commission des finances que M. Charasse a emporté notre conviction. La réforme de l'État est à l'oeuvre, elle est difficile. Il est de la responsabilité du Parlement d'aider les ministres à mettre leur administration sous tension : c'est dans cet esprit constructif que nous avons approuvé la proposition de suppression de ces vingt emplois.

M. Charasse conduit sa mission avec opiniâtreté depuis de nombreuses années, et connaît bien le sujet. Tout en étant attentif aux arguments du ministre, nous pensons lui rendre service en créant l'électrochoc dont les administrations ont besoin.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - C'est pour cela qu'on a des suicides chez Renault !

Mme Catherine Tasca. - J'approuve l'attitude de M. Bockel face à cet amendement et je m'étonne que la commission des finances, qui a toujours une approche stratégique et globale et prend d'ordinaire les problèmes de haut, fasse une proposition qui porte sur trente emplois.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Si vous avez plus à nous proposer, n'hésitez pas !

Mme Catherine Tasca. - Je m'étonne de ce travail de broderie.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - De la dentelle d'Alençon !

Mme Catherine Tasca. - Comme M. Josselin, je juge cette mesure fort inopportune. On annonce une révision générale des services de l'État : à moins que le Gouvernement ne préjuge du résultat, il faut laisser cette démarche se dérouler avant d'en déduire les réformes à mettre en oeuvre, y compris pour la DGCID. Une mesure ponctuelle comme celle-ci serait incompréhensible pour les services.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - Ce n'est pas notre problème. Nous ne sommes pas au service des services.

Mme Catherine Tasca. - Mais nous avons le souci de la lisibilité des réformes par les parlementaires et les citoyens, donc aussi par les services !

M. Josselin a mis le doigt sur un vrai problème : qu'est-ce qui relèvera demain du nouveau ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du co-développement ? L'amendement laisse augurer un transfert plus important des compétences et des crédits du Quai d'Orsay vers le nouveau ministère. C'est mettre la charrue avant les boeufs : ce sujet mérite un vrai débat au Parlement, une fois que le Gouvernement aura tiré les conclusions de la révision générale des politiques publiques. Ne préjugeons pas aujourd'hui de l'avenir par cet amendement peu compréhensible.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - Je m'insère loyalement dans la logique engagée par la commission des finances, et ma conviction est faite. Nous ne détournons pas ces crédits, nous les donnons aux pays pauvres en supprimant des emplois superflus au sein de cette énorme direction qu'est la DGCID. À quoi sert le bureau des questions européennes -cinq emplois-, le bureau Europe occidentale et communautaire -encore cinq emplois ? À quoi servent les vingt-huit personnes dans les sous-directions régionales ? M. Josselin sait bien qu'il y a des directions sectorielles au Quai ! Et la DGCID aurait ses propres directions ? Pour quoi faire ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Un Quai d'Orsay bis ?

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - La commission des finances propose la suppression de vingt emplois à la DGCID, et de dix autres au budget du ministère des affaires étrangères, pour transférer les crédits afférents à l'aide au développement. Choisissez entre les bureaux et les pauvres !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Madame Tasca, c'est quand on voit les problèmes de trop haut qu'on ne décide rien, et nos discussions budgétaires ont été souvent trop générales.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Rien ne vaut le bon sens auvergnat.

M. Jean Arthuis, président de la commission. - La seconde nature du Parlement, c'est le contrôle sur place et sur pièces. C'est parce qu'il est allé au contact des réalités, sur le terrain, que le rapporteur spécial a pu forger sa conviction.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Nous ne sommes pas au service des services, mais nous leur devons le respect. La DGCID est déjà dégarnie et sous tension.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - Dégarnie, avec quatre cent quatre vingt cinq emplois !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Il a déjà fallu rétablir les directions géographiques qui avaient été supprimées car les postes ne savaient plus où s'adresser ! Prétendre que la DGCIF a trop de trois cents agents pour gérer trois programmes Lolf, les actions bilatérales, la coordination géographique, l'orientation de la politique de développement, impulser la coopération pour la gouvernance, coordonner l'action avec les organisations européennes et multilatérales, et j'en passe, c'est inacceptable. Une fois de plus, on dégarnit un service du ministère des affaires étrangères qui n'en peut mais.

L'amendement n°II-35 est adopté.

M. le président. - Amendement n°II-34, présenté par M. Charasse, au nom de la commission des finances.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

Réduire de 1 000 000 d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement le programme « Aide économique et financière au développement ».

Augmenter du même montant les autorisations d'engagement et crédits de paiement du programme « Solidarité à l'égard des pays en développement »

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - J'espère que cet amendement suscitera moins de controverses... Le groupement d'intérêt public « Assistance au développement des échanges en technologies économiques et financières » (Adetef), qui dépend du ministère de l'économie, gère la coopération technique, en même temps que France Coopération Internationale (FCI), qui dépend du Quai d'Orsay.

L'Adetef bénéficie en 2008 de la reconduction d'une subvention de fonctionnement de 4,2 millions, sans compter des avantages en nature évalués à 2,66 millions. Il est prévu qu'il rémunère soixante-quinze emplois hors plafond. Son budget prévisionnel en 2007 s'élève à 17,98 millions, mais ses ressources sont évaluées à 21 millions si l'on inclut les avantages en nature. Il en résulte une réelle aisance financière, qui ne justifie pas ce niveau de subvention. Nous pouvons sans inconvénient réduire ses crédits d'1 million pour augmenter le budget de M. Bockel. Le GIP a vocation à s'autofinancer à terme, comme c'est le cas pour FCI, créé beaucoup plus récemment, auquel le Quai réduit d'ores et déjà la subvention. Si on lui appliquait les mêmes critères qu'à l'Adetef, FCI recevrait neuf fois plus de crédits qu'aujourd'hui !

M. Charles Josselin. - Allons-y !

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - Selon que vous serez au ministère de l'économie ou au Quai d'Orsay, selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront... On connaît la suite.

J'ajoute que, contrairement au Quai d'Orsay ou au ministère du co-développement, et malgré mes demandes répétées, le ministère de l'économie ne m'a jamais transmis les renseignements élémentaires que j'ai réclamés sur l'Adetef -crédits de fonctionnement, crédits d'investissement, fonds de roulement- et que tout rapporteur spécial est en droit d'attendre.

Cette rétention d'information est intolérable.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - L'Adetef a besoin d'une subvention de l'État, car ses actions commerciales ne peuvent subvenir à ses besoins, d'autant qu'elles diminueront si la subvention de l'État est réduite. (M. le rapporteur spécial s'étonne.) Elle doit en effet fournir des cautionnements et prévoir des provisions en cas d'échec lors des appels d'offre. C'est grâce à cette subvention que des appels d'offre ont été gagnés, donnant ainsi une visibilité accrue à l'expertise française. Avis défavorable.

M. Michel Charasse, rapporteur.  - Les ressources non budgétaires de l'Adetef augmentent avec ses activités commerciales et, si elle a besoin d'une dotation en capital, il faut la faire comme il faut et non pas de cette façon irrégulière.

L'amendement n°II-34 est adopté.

M. le Président. - Amendement n°II-36, présenté par M. Charasse, au nom de la commission des finances.

Retirer 620 000 euros du programme « Solidarité à l'égard des pays en développement » pour les ajouter au programme « Co-développement ».

M. Michel Charasse, rapporteur. - Nous supprimons les crédits du Haut conseil à la coopération internationale (HCCI), dont la commission des finances ne sait toujours pas à quoi il sert, soit 620 000 euros.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - Voilà une interpellation provocatrice !

Mme Catherine Tasca. - Radicale.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - Nous avons un rôle à jouer, la question est de savoir comment le remplir. Supprimer le HCCI sans autre forme de procès pose un certain nombre de questions. Il était présidé par Jacques Pelletier et je puis témoigner des services utiles qu'il a rendus. Peut-être avons-nous seulement le tort de ne pas avoir assez utilisé ses travaux. Sans doute aussi doit-il évoluer, se transformer, mais commencer par le supprimer n'est pas la meilleure méthode. Il faudrait pour le moins engager une concertation avec ses partenaires, ONG, entreprises, élus...

M. Charles Josselin. - C'est Jacques Pelletier qui présidait ce Haut Conseil depuis cinq ans, lorsqu'il a eu la mauvaise idée de nous quitter, le 19 septembre dernier. Serait-il encore de ce monde, je ne suis pas sûr que la commission des finances eût osé faire cette proposition.

Ses chiffres mêmes sont faux : comment ôter 620 000 euros à un organisme dont les frais de fonctionnement ne dépassent pas les 61 000 euros ! Le reste est consacré à des actions...

M. Michel Charasse, rapporteur.  - Les voyages !

M. Charles Josselin. - L'argument est choquant...

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - En la matière, il faut bien voyager !

M. Charles Josselin. - ...et trop facile.

On semble oublier la notion même de coopération décentralisée. Où se déroule le dialogue avec les syndicats, les entreprises, les universités ? Au HCCI. Tous y ont des représentants, nommés par décret, et leur mandat court jusqu'en mars 2009. Qu'en ferez-vous ? Comment leur expliquerez-vous cette interruption de mandat à mi-parcours ?

Le HCCI n'est pas un organisme de recherche. Il s'est donc contenté de produire 10 contributions, 42 avis, 23 rapports, dont un en particulier sur la coopération économique avec les pays ACP. Dans sa fonction de lieu d'échanges et de concertation, le HCCI n'est pas contournable. Supprimez-le et, d'ici quelques mois, vous devrez créer autre chose. C'est la seule instance consacrée au développement où la société civile puisse dialoguer avec l'État.

M. Michel Charasse, rapporteur.  - L'Arche de Zoé...

M. Charles Josselin. - Parlons-en ! Quand vous voulez ! Et parlons aussi de la manière dont on échauffe l'opinion publique à propos du Darfour !

Mme Catherine Tasca. - J'appuie M. Josselin, que sa modestie a empêché de dire qu'il avait remplacé Jacques Pelletier à la présidence de cet organisme. Une présidence qu'il n'a pas souhaitée mais qu'il assume par fidélité à Jacques Pelletier.

Cet amendement est une nouvelle initiative incompréhensible. Dans les prochains mois, le Gouvernement va engager le vaste chantier de la modernisation de notre administration de la politique étrangère. Quel est le sens d'un geste comme celui-ci à quelques mois d'un tel remodelage ? On nous regarde ! La politique étrangère est déjà fort peu présente dans le débat national, n'allons pas supprimer un des instruments propres à faire partager les objectifs de notre politique étrangère à nos concitoyens. À certains moments, on réquisitionne la société civile ; à d'autres, on voudrait l'oublier.

Une telle suppression ne pourra que surprendre de nombreux partenaires de l'action publique. Quand existe un lieu où se déroulent le dialogue et la concertation, on doit chercher à améliorer son fonctionnement au lieu de le faire disparaître !

M. Jean Arthuis, président de la commission  - On ne va pas attendre les conclusions de cette révision générale pour prendre des initiatives.

Mme Catherine Tasca. - Alors, cela ne sert à rien.

M. Jean Arthuis, président de la commission  - La France a pris le très noble engagement d'atteindre le chiffre de 0,7 % de son PIB pour l'aide au développement, mais cet engagement est-il crédible quand notre déficit dépasse les 40 milliards ? Notre crédibilité dépend de notre capacité à mettre de l'ordre dans nos finances publiques.

M. Michel Charasse, rapporteur.  - Cela fait dix ans que la commission des finances demande la suppression de cet organisme et que je me bats avec mes amis socialistes. Cela a commencé avant même la présidence de Jacques Pelletier, quand c'était Jean-Louis Bianco. Si cet organisme était si important, il y a bien longtemps que le Gouvernement aurait trouvé quelqu'un pour remplacer Jacques Pelletier.

M. Charles Josselin. - Bravo !

Mme Catherine Tasca. - Quelle élégance !

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°II-36, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.

Les crédits de la mission sont adoptés, ainsi que ceux des comptes spéciaux « Prêts à des États étrangers » et « Accords monétaires internationaux ».