Loi de finances rectificative pour 2007

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2007.

Discussion générale

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.  - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Woerth ce matin, retenu par des négociations avec les organisations syndicales, qui assistera à vos débats cet après-midi.

Ce premier collectif de la législature ne s'apparente pas, comme c'est le cas trop souvent, à une session de rattrapage. Tout au contraire, il constitue une session de confirmation et même d'amélioration avec la stricte maîtrise des dépenses dans le respect de l'autorisation parlementaire, un solde budgétaire amélioré -ce qui est rare !-, le renforcement de la transparence dans les relations financières et, enfin, la poursuite de la modernisation de la fiscalité.

Sur le plan budgétaire, ce collectif respecte les règles de bonne gouvernance issues de la Lolf, que votre assemblée a contribué à définir et dont votre rapporteur général est le gardien sourcilleux. Les dépenses de 2007 sont strictement maîtrisées. D'un montant de 1,4 milliard, les ouvertures de crédits sont limitées aux opérations nécessaires pour solder la gestion, dont 280 millions pour la prime de Noël allouée aux bénéficiaires du RMI et de l'allocation de solidarité spécifique, conformément au souhait du Président de la République, plus de 320 millions pour l'allocation adulte handicapés, l'allocation parent isolé et l'hébergement d'urgence et, enfin, 117 millions au titre de nos contributions internationales et des opérations de maintien de la paix. Toutes ces ouvertures sont entièrement gagées par des annulations de crédits, lesquelles n'ont rien d'arbitraires puisqu'elles portent sur des crédits résiduels ou devenus sans objet. Avec ce collectif équilibré, le Gouvernement démontre ainsi sa capacité à tenir la dépense dans le respect de l'autorisation parlementaire.

Le solde budgétaire enregistre une amélioration de 3,7 milliards par rapport au budget initial, grâce aux hypothèses prudentes retenues initialement. Les recettes fiscales ont été réévaluées de 2,9 milliards, 1,5 milliard une fois déduits les transferts de recettes effectués au profit de la sécurité sociale et des collectivités territoriales. Cette évolution favorable est due au dynamisme de l'impôt sur les sociétés qui pourrait atteindre 5 milliards, dynamisme compensé par une progression plus faible des recettes de TVA en retrait de 2,4 milliards. Les recettes non fiscales progressent de 500 millions, en tenant compte du versement par EDF d'un acompte sur dividende de 923 millions décidé en novembre dernier. Enfin, les prélèvements sur recettes diminuent de près de 2 milliards, en raison principalement de la réduction du prélèvement au profit du budget communautaire.

Ensuite, nous renforçons la transparence dans les relations financières qu'entretient l'État avec ses partenaires. S'agissant de la sécurité sociale, après l'apurement de la dette de l'État, qui s'élevait à 5,1 milliards fin 2006, le 5 octobre dernier, 1 milliard supplémentaire est consacré dans ce collectif aux allégements de cotisations patronales, auxquels nous ajoutons 270 millions pour financer la défiscalisation des heures supplémentaires et complémentaires prévue par la loi Tepa. Ce souci de transparence se traduit également par la reprise de la dette résiduelle de l'ex-Bapsa, pour 618 millions.

Afin d'assurer la compensation à l'euro près des transferts de charges aux collectivités territoriales, nous majorons d'un peu plus de 140 millions la part de la TIPP et de la taxe sur les conventions d'assurance affectée aux départements et aux régions. Enfin, nous tirons les conséquences de la requalification en dette publique de l'engagement de l'État vis-à-vis de la SNCF en reprenant cette dette de 8,2 milliards fin 2006, par l'intermédiaire de la Caisse de la dette publique.

Au-delà de ces mesures budgétaires, ce collectif poursuit l'effort de modernisation de la fiscalité en créant, dans le cadre du plan renforcé de lutte contre la fraude, une procédure de flagrance fiscale. Cette nouvelle procédure facilitera les saisies conservatoires et donnera la possibilité d'appliquer immédiatement une amende variant de 5 000 à 20 000 euros. Pour que l'administration fiscale soit davantage à l'écoute des contribuables respectueux de la loi, nous portons à deux mois le délai de réponse du contribuable vérifié et celui de l'administration aux observations des très petites entreprises. En outre, ce collectif traduit le souci que le Gouvernement a d'améliorer le pouvoir d'achat des personnes aux revenus modestes, sans attendre le projet de loi en faveur du pouvoir d'achat discuté sous peu au Parlement. Pour preuve, les allégements de taxe d'habitation et de taxe foncière continueront d'être accordés aux personnes âgées installées en maison de retraite, la garantie universelle des risques locatifs est étendue aux personnes non éligibles au « 1 % logement » et, grâce à un amendement adopté par l'Assemblée nationale, une prime à la cuve de 150 euros sera versée à 700 000 foyers.

L'amendement adopté par l'Assemblée nationale prévoit que les personnes qui sont désormais redevables de la redevance télévision à la suite de son adossement à la taxe d'habitation s'acquitteront de la moitié seulement de son montant en 2008. Cette réforme, votée en 2004, a conduit à exonérer de redevance un million de foyers déjà exonérés de taxe d'habitation ; en outre, les critères prennent mieux en compte la situation sociale qu'auparavant. Il ne paraît pas injuste de demander à ceux qui paient une taxe d'habitation de s'acquitter de la redevance.

Nous élargissons le régime fiscal du mécénat et du patrimoine historique. Le dispositif, modifié par l'Assemblée nationale, prévoit désormais une réduction d'impôt de 25 %, plafonnée à 20 000 euros, pour encourager la restauration et la conservation du mobilier classé. Pour soutenir le spectacle vivant, nous étendons le bénéfice de la réduction d'impôt pour les particuliers et le régime fiscal du mécénat d'entreprise.

Le Grenelle de l'environnement a prôné une taxe écologique sur les véhicules neufs les plus polluants, dont le produit servirait à récompenser l'achat automobile éco-responsable et à financer le retrait des véhicules les plus anciens. Le projet de loi institue un malus sur l'acquisition des véhicules les plus polluants ; le mécanisme incitatif sera quant à lui instauré par décret. Le dispositif est neutre financièrement.

Enfin, comme tout collectif, celui-ci contient un certain nombre de mesures de modernisation, dont celle du système d'immatriculation des véhicules. Il transpose également la directive énergie, et met en oeuvre l'engagement de l'État d'augmenter la rémunération nette des débitants de tabac.

Ce premier collectif de la législature confirme donc les engagements et les prévisions du projet de loi de finances initial, en faisant même un peu mieux que prévu. Il s'inscrit clairement dans la perspective de réforme de nos politiques publiques et d'assainissement progressif des finances de l'État. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.  - S'agit-il d'une session de rattrapage ? En tout cas, un collectif est un texte mixte : d'un côté, survol économique, budgétaire et financier, de l'autre, voiture-balai, utile mais toujours critiquée.

Chacun sait le contexte économique incertain. Les récents propos du Premier ministre ont pris d'un ralentissement économique. Certains s'interrogent sur le lien entre la sphère financière et la sphère réelle. De fait, les banques centrales ont décidé une action concertée pour remédier aux conséquences de l'onde de choc issue du comportement irrationnel du système financier américain sur le financement de l'immobilier résidentiel. Des mesures techniques bienvenues ont été annoncées pour enrayer le processus de défiance. En réalité, l'effet inverse a joué et les grands groupes bancaires -et les français ne font plus exception- ont découvert des provisions à faire dans leurs filiales et leurs bilans consolidés. Singulier paradoxe, cette prise de conscience des banques centrales, plutôt que de rassurer, a pu effrayer certains acteurs...

Quelles incidences cette situation peut-elle avoir sur l'équilibre budgétaire ? Si tout se passe bien, M. le ministre l'a dit, les plus-values de recettes devraient être proches de 3 milliards, et le déficit s'établir autour de 38 milliards, soit l'équilibre primaire qui stabilise le ratio de la dette sur le PIB. La TVA marque un peu le pas, mais l'impôt sur les sociétés va faire, une fois de plus, la clôture réelle de l'année. Or ce dernier est sensible aux décisions de politique comptable, notamment dans le secteur bancaire...

Mme Nicole Bricq.  - Ils vont nettoyer leur bilan !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Les commissaires aux comptes sont là pour veiller. Je rappelle que le secteur privé est soumis à des exigences bien plus contraignantes que l'État en matière de comptabilité !

Nous pouvons supposer que nous arriverons à un résultat 2007 un peu meilleur qu'en prévision, notamment parce que le gouvernement précédent, tout comme l'actuel, ont respecté la norme de dépenses. A l'avenir, le niveau de contrainte pourra être plus astreignant encore : il faudra être vigilant et rigoureux -terme à ne pas prendre en mauvaise part !

S'agissant de la sincérité budgétaire, mes propos seront, comme il est d'usage, balancés. J'observe des progrès, notamment dans la résorption d'une partie des sous-budgétisations. Lors de l'examen du dernier décret d'avance, j'avais craint, je l'avoue, de retrouver dans le collectif une partie des crédits d'équipement annulés pour financer les Opex. Cette prévision a été démentie : je m'en réjouis et j'en rends hommage au Gouvernement. En revanche, s'agissant de l'article d'équilibre et de la comptabilité patrimoniale, le collectif ne retrace pas correctement un certain nombre d'opérations financières lourdes sur le plan patrimonial : l'apurement de la dette de l'État envers la sécurité sociale, pour 5 milliards, devrait faire l'objet d'une inscription en comptabilité patrimoniale.

Mme Nicole Bricq.  - Et comment !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - La reprise de dette concernant le service annexe d'amortissement de la dette -en réponse à une excellente injonction de la Commission- est une bonne chose ; celle concernant le FFIPSA, une criante nécessité.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Elle n'est que partielle...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Mais quel est le cheminement comptable et budgétaire de ces opérations ? Le Gouvernement en reste à une lecture littérale de l'article 35 de la loi organique relative aux lois de finances, selon lequel une telle actualisation n'est pas obligatoire en loi de finances rectificative. L'esprit de la Lolf voudrait pourtant que l'on relève en loi de finances rectificative le plafond de variation de la dette. Là, on augmente subrepticement la dette de l'État, sans passer par la case déficit... (M. le président de la commission approuve) C'est une conception un peu opportuniste du partage entre opérations budgétaires et opérations de trésorerie ! En cette période propice aux voeux, la commission des finances compte d'ailleurs présenter une proposition de loi organique pour réformer la Lolf quant à la comptabilité patrimoniale de l'État.

Il faut rendre son sens au vote d'approbation du plafond de l'endettement.

M. Alain Lambert.  - Pour l'instant, la loi n'interdit pas cette pratique.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Il faudra y revenir et reprendre le cours du mouvement vertueux lancé par MM. Lambert et Migaud, afin de nous doter de la loi organique la mieux adaptée aux réalités de la gestion.

L'inventaire à la Prévert que constituent les articles variés de tout collectif est utile, souple, et propice à l'initiative parlementaire. C'est la loi du genre. Il faut s'en servir. Le Gouvernement s'en sert, il sait même trouver dans les hémicycles d'utiles relais pour aborder des problèmes qui sont ainsi souvent résolus. Mais il s'agit souvent de niches fiscales, que l'on accole souvent à un régime qui a mal fonctionné et que l'on tente ainsi de rendre plus attractif. D'article en article, nous observerons donc ces comportements rémanents, qui ne sont pas, je le reconnais, l'apanage de votre gouvernement, monsieur le ministre, mais qui font partie des mauvaises habitudes de notre République.

Bien entendu la commission des finances utilisera, elle aussi, ce collectif pour soulever et traiter certains problèmes. C'est ainsi que je lui ai proposé deux initiatives. La première concerne le Comité consultatif de répression des abus de droit : il faut davantage garantir le respect du principe du contradictoire et faire en sorte que notre système fiscal utilise mieux ce corps extérieur.

La seconde vise à mettre de l'ordre dans le maquis des taxes communales sur la publicité. Je montrerai combien le régime actuel est obsolète, voire risible, hors d'âge et d'une complexité ingérable ; mais une complicité générale amène à s'en satisfaire tant il semble compliqué de le simplifier. La commission des finances n'a pas hésité à présenter un long amendement qui, s'il n'était pas voté dans le cadre de ce collectif, pourrait faire une excellente proposition de loi lors d'une « fenêtre » réservée. Pour économiser le temps parlementaire, mieux vaudrait l'adopter maintenant...

Notre commission a voté vingt-deux amendements et réservé une dizaine d'articles soit parce qu'elle n'en comprend pas le bien-fondé, soit parce qu'elle en demande la suppression -position toujours susceptible d'une position de repli ou de compromis.

Quatre points peuvent faire débat : le Pass foncier, cher à Mme Boutin, la taxe « poisson » destinée à financer un programme nécessaire, et pour laquelle il nous faudra trouver le meilleur système entre l'amont et l'aval, compte tenu des différentes solutions envisagées, l'écopastille sur les véhicules automobiles. Enfin, s'agissant de l'ISF, nous examinerons l'amendement ouvrant aux FCPI la réduction d'impôt pour investissement dans les PME. A ce sujet, nous pensons qu'il faut éviter le « tout-intermédiation », le tout-bancaire, et admettre, comme l'avait proposé initialement le Président de la République, qu'on puisse investir directement en franchise d'impôt dans n'importe quelle PME selon la règle du de minimis et quel que soit le secteur. Nous nous réjouissons d'aborder avec M. Woerth ces heureux moments de réflexion. (Applaudissements à droite et au centre).

M. Dominique Leclerc, en remplacement de M. Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - Dans son dernier rapport, la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale présidée par notre collègue, M. Vasselle, a proposé des améliorations au pilotage des finances publiques. Parmi celles-ci figure la possibilité pour la commission des affaires sociales de s'impliquer davantage dans le suivi des lois de finances, initiales et rectificatives, afin de mieux coordonner les sphères budgétaire et sociale. L'expérience a en effet montré que trop d'éléments importants nous échappent dans les relations financières entre l'État et la sécurité sociale, car inscrits en loi de finances et plus encore en collectif budgétaire, où des mesures peuvent être votées sans même que nous en ayons connaissance à temps. L'idée est donc de permettre à notre commission, si cela se révèle nécessaire, d'exercer son contrôle sur tel ou tel aspect de ces relations, en fonction des décisions du Gouvernement inscrites dans les projets de loi de finances.

Notre présent avis applique cette préconisation pour la première fois, le collectif pour 2007 comportant plusieurs mesures qui ont un impact direct sur les finances sociales. Plus précisément, trois séries de dispositions de ce collectif motivent cette saisine. Premièrement, certaines ouvertures de crédits sur des lignes de dépenses destinées à la sécurité sociale et, hélas, régulièrement sous-dotées en loi de finances initiale ; deuxièmement, l'abondement des sommes dues au titre de la compensation des allégements Fillon et des allégements de charges au titre des heures supplémentaires ; enfin, la reprise par l'État de la dette ancienne du Bapsa, soit 620 millions.

L'allocation parent isolé et l'allocation adulte handicapé voient leurs dotations progresser, respectivement, de 100 et de 68 millions. C'est à peu de choses près ce qui était nécessaire. Acceptons-en l'augure. Pour l'aide médicale de l'État, en revanche, aucun crédit supplémentaire n'est inscrit au titre de 2007, ce qui se justifie par le fait que des mesures de maîtrise des dépenses doivent prochainement entrer en vigueur. Mais ces mesures ne sont toujours pas prises et l'expérience passée nous conduit à être sceptiques et c'est pourquoi nous évaluons à au moins 200 millions la somme qui pourrait manquer. Les crédits de l'AME augmentent certes en 2008 mais cela ne résout pas la question pour 2007.

Pour la compensation des exonérations de charges ciblées, répartie entre différentes missions, principalement les missions Travail et Emploi et Outre-mer, les exercices budgétaires précédents se sont terminés avec une insuffisance de crédits, d'environ 1 milliard en 2006 !

Les dotations initiales pour 2007 ont été de nouveau sous-évaluées dans des proportions non négligeables, puisqu'il manquera de 1,1 à 1,3 milliard d'euros à la sécurité sociale.

Monsieur le ministre, comment réussirez-vous à ne pas reconstituer la dette de l'État envers la sécurité sociale, alors qu'il manque 200 millions d'euros pour l'aide médicale d'État et au moins 1 100 millions pour la compensation des exonérations ciblées ?

J'en viens aux allégements de portée générale, les allègements Fillon et l'exonération des heures supplémentaires, qui sont compensés non par des crédits budgétaires mais par différentes taxes et l'affectation de recettes fiscales. Les articles 5 et 6 du collectif majorent d'1 milliard environ les recettes destinées aux allégements Fillon ; ils ajoutent 270 millions au titre des heures supplémentaires, par l'affectation d'une partie de la taxe sur les véhicules de société. Ces montants paraissent conformes aux besoins, ainsi que vous vous y étiez engagé.

Enfin, l'article 30 du projet de loi de finances rectificative organise la reprise par l'État des 620 millions d'euros dus au Ffipsa par le Bapsa au 31 décembre 2004. Cette mesure est bienvenue, mais ne résout en rien le déficit cumulé du Ffipsa lui-même, qui atteindra 5 milliards d'euros à la fin de cette année, puis 7,7 milliards fin 2008.

Ainsi, le présent collectif comporte des dispositions vertueuses attestant la volonté du Gouvernement d'améliorer les relations financières entre l'État et la sécurité sociale, ce que nous appelions de nos voeux et apprécions à sa juste valeur. Toutefois, nous resterons vigilants, car il est indispensable que les restes à payer au titre de l'exercice 2007 soient régularisés dès le début de l'exécution 2008 pour empêcher la reconstitution d'une dette de l'État envers la sécurité sociale. De même, les finances sociales ne doivent plus redevenir une variable d'ajustement du budget général.

Pour terminer, je présenterai deux articles additionnels que la commission des affaires sociales soumettra au Sénat. Le premier reprend encore une proposition formulée dans le dernier rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale pour demander qu'un document annuel récapitule l'ensemble des dépenses publiques concourant à la politique familiale. En effet, ces composantes sont actuellement éclatées entre la branche famille de la sécurité sociale, certaines dépenses budgétaires et des mesures fiscales. Cette dispersion gêne toute approche cohérente de l'ensemble. Le document dont nous demandons l'élaboration pourrait être joint simultanément au projet de loi de finances et au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le second amendement tend à réduire le prélèvement de l'État sur les contributions sociales liées aux revenus du patrimoine. En effet, les hausses successives de la CSG, la création de la CRDS et de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie ont multiplié ce prélèvement par 10 entre 1991 et 2006, malgré les gains de productivité permis par les nouvelles procédures comme la télédéclaration et alors que le nombre d'avis d'imposition à gérer progressait de seulement 3 % par an. L'avantage procuré à l'État par ce prélèvement n'est pas inférieur à 100 millions d'euros. Nous vous proposons de le diviser par deux, dans un premier temps, ce qui procurerait 50 millions supplémentaires à la sécurité sociale.

Telles sont les observations inspirées par le collectif budgétaire pour 2007. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)

M. Alain Lambert.  - Je souhaite dire quelques mots au nom du groupe UMP, qui va bien sûr voter cette loi de finances rectificative dans la rédaction améliorée par notre commission des finances.

Je ne sais si le collectif est ou non une session de rattrapage, mais l'essentiel est qu'il explicite la politique cohérente proposée par l'exécutif, approuvée et soutenue par la majorité parlementaire, dont il ne faut d'ailleurs pas oublier le rôle majeur quelles que soient les tentations de l'exécutif à ce sujet.

Au plan fiscal, le projet de loi de finances traduit les engagements pris par le Président de la République et le Gouvernement. Je pense notamment aux mesures destinées aux personnes de condition modeste lorsqu'elles doivent quitter leur résidence principale, par exemple pour vivre dans une maison de retraite.

Je pense aussi à la lutte contre la fraude et à l'amélioration du dialogue entre l'administration et les contribuables. Ainsi, si la notion nouvelle de « flagrance fiscale » doit aider à corriger des fraudes manifestes, les outils nouveaux dont disposera l'administration pour combattre cette fraude devraient être assortis d'un vrai dialogue avec les contribuables, pour mettre fin au harcèlement et à la méfiance systématique envers ceux de bonne foi, notamment les petites entreprises, soumises à des règles incompréhensibles.

M. Aymeri de Montesquiou.  - C'est vrai.

M. Alain Lambert.  - Il ne suffit pas d'ajouter une bombe atomique à la panoplie en vigueur : les contribuables doivent se sentir en sécurité. C'est une nécessité absolue pour ne pas étouffer l'initiative économique. On ne peut parler chaque jour des points de croissance que l'on ira chercher avec les dents et oublier que l'activité est produite d'abord par les agents économiques. Ne gênons pas leur travail !

L'Assemblée nationale a introduit des dispositions nouvelles, dont le bonus malus applicable aux voitures neuves en fonction du dioxyde de carbone rejeté. Espérons que ce dispositif ne posera pas plus de problèmes qu'il n'en résoudra...

Mme Nicole Bricq.  - Ce n'est pas sûr !

M. Alain Lambert.  - Notre commission a déjà pointé certaines difficultés d'application, comme la non-prise en compte des biocarburants et de la dimension familiale. Enfin, les contribuables ayant commandé un véhicule avant le 1er janvier 2008, mais livrés ultérieurement seraient assujettis à la taxe. Je vous appelle, monsieur le ministre, à écouter notre commission, qui souhaite une législation aussi utile que possible.

À propos des cours du pétrole, nous devons dire à nos compatriotes que tous nos efforts ne peuvent éviter une répercussion des prix. Dire l'inverse serait les tromper. Or, s'il reste un instituteur de la démocratie, c'est bien le Parlement !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Très bien ! Soyons de bons instituteurs.

M. Alain Lambert.  - Prenons exemple sur ceux de la IIIe République, qui ont largement fait la France d'aujourd'hui. La pression de l'opinion publique impose certaines dispositions dont le réalisme économique est imparfait.

En matière de redevance audiovisuelle, les députés ont remplacé par une réduction de 50 % l'exonération dont bénéficient les quelque 750 000 personnes âgées de plus de 65 ans le 1er janvier 2004. Il serait bon de revoir ce point, qui suscite une certaine émotion.

Sur le plan budgétaire, le projet de loi de finances s'inscrit dans la continuité des principes de bonne gestion appliqués depuis quelques années.

Le déficit s'établit à 38,3 milliards d'euros, contre une prévision initiale de 42 milliards, soit une amélioration de 3,7 milliards. Le déficit budgétaire est ramené au niveau de l'équilibre primaire, conformément à la « règle d'or » proposée par notre rapporteur général et qui pourrait être consacrée lors de la réforme constitutionnelle,...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Très bien.

M. Alain Lambert.  - ... pour que nous ne soyons jamais tentés de compromettre les intérêts des générations futures.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Il faudra le faire.

M. Alain Lambert.  - Le redressement du solde budgétaire bénéficie de recettes fiscales supérieures d'1 milliard et demi aux prévisions, de recettes non fiscales en excédent de 500 millions, enfin de moindres prélèvements sur recettes. J'observe à ce propos qu'il ne faut pas raisonner en solde, sauf à commettre l'erreur du gouvernement socialiste en 2000, qui a engagé des dépenses rigides dont on ne sait comment se débarrasser quand la croissance ralentit.

En 2007, le plafond des dépenses, soit 266,9 milliards d'euros, aura été strictement respecté, conformément au principe « pas un euro de plus » appliqué depuis 2003, ce dont je me réjouis, car nous y sommes très attachés.

Je reste convaincu que pour soutenir la croissance, il faut infléchir le rythme des dépenses car, contrairement à une idée reçue, les pays européens qui l'ont fait n'ont pas une croissance moindre.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Absolument !

M. Alain Lambert.  - Les plus-values de recettes sur l'impôt sur les sociétés atteignent deux milliards mais elles proviennent pour l'essentiel des grandes entreprises et des banques, que nous ferions bien de ne pas trop maltraiter si nous voulons conserver ces ressources précieuses.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Exactement !

Mme Nicole Bricq.  - C'est déjà le cas !

M. Alain Lambert.  - Je me garde toujours de me joindre au choeur des prévisionnistes et si je peux vous donner un conseil, monsieur le ministre, c'est de conserver dans votre poche un comparatif des pronostics et des résultats réels : rien ne devrait autant inciter à l'humilité...

Tout a déjà été dit de la sécurité sociale et, après avoir mentionné le Saad de la SNCF et le Ffipsa, je voudrais évoquer les relations de l'État et des collectivités locales dans la perspective de la révision des politiques publiques. De profondes réformes structurelles sont indispensables : l'ambitieuse opération qui a été engagée doit absolument aboutir. Il convient d'abandonner une logique de moyens pour s'interroger sur la finalité des politiques publiques. L'État doit être exemplaire et performant. Le Président de la République a lancé la semaine dernière ce grand chantier. L'établissement d'un budget pluriannuel répond à une attente. M. Woerth le transmettra aux autorités de Bruxelles. Il serait paradoxal que la représentation du peuple français ne le reçut point. Plaise au Gouvernement nous l'adresser également.

Le Président veut recentrer les ministères sur le coeur de leur action et mieux valoriser le travail des fonctionnaires en utilisant mieux les moyens : c'est l'esprit de la Lolf. Il est urgent de clarifier les compétences respectives de l'État et des collectivités territoriales, de refonder leurs relations financières en allégeant les contraintes. J'ai remis récemment un rapport au Premier ministre et un accord semble possible : les collectivités sont prêtes à tenir leurs dépenses si l'État cesse les transferts non compensés ; elles sont disposées à admettre la lutte contre l'inflation si l'on ouvre le chantier de la fiscalité locale.

Le groupe UMP votera ce projet sous réserve des amendements de la commission des finances. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Thierry Foucaud.  - Le climat économique national et international est de plus en plus troublé ; les bourses souffrent de la crise des subprimes -Citygroup détient 50 milliards d'actifs déprimés- ; la croissance mondiale marque le pas malgré le dynamisme de l'Asie ; la Banque centrale européenne, autiste, s'obstine dans une politique monétaire contraire au bon sens ; le CAC 40 n'est pas au mieux et l'activité économique est marquée par des à-coups. Le collectif se présente alors comme la phase ultime d'une embellie temporaire des comptes publics.

Le niveau de croissance attendu lors du vote du budget et espéré lors de la discussion du projet Tepa, cette loi de finances déguisée, n'est pas au rendez-vous. Nous serons sous les 2 % de croissance, d'où une nette contraction des recettes de TVA et du produit l'impôt sur le revenu. Avec la loi Tepa, les droits d'enregistrement sont en chute nette sans que cela se traduise dans l'activité du secteur du bâtiment : le nombre de mises en chantier reste orienté à la baisse.

Il est paradoxal que la situation budgétaire s'améliore quand il manque 4 milliards pour résorber le déficit. Les entreprises, il est vrai, ont gagné en rentabilité en rémunérant moins le travail et les qualifications Le produit de l'impôt sur les sociétés augmente de 15 %, qui est passé de 37,5 milliards en 2002 à 51,1 milliards cette année. Cette progression est nuancée par une optimisation fiscale qui se chiffre à 12,2 milliards pour le report en arrière.

Bref, croissance ou pas, ça rentre dans les caisses et, si l'ISF, fort allégé par la loi Tepa, progresse, c'est que la progression du pouvoir d'achat est une réalité pour les plus fortunés. De même, l'augmentation du prix de l'électricité n'est pas perdue pour tout le monde, ni pour l'État qui touche un dividende exceptionnel, ni pour les autres actionnaires qui se partagent le cinquième de celui-ci : EdF reste une vache à lait que l'on trait pour boucler le budget.

Les plus - values fiscales sont consacrées à la réduction du déficit et toute augmentation de dépenses est gagée par une annulation. Tout se passe comme si dans la loi de finances initiale votée par le Parlement, la réserve de précaution devait systématiquement être utilisée : 700 millions ont ainsi été annulés. A quoi sert le Parlement quand la loi qu'il vote n'est pas appliquée ? La fièvre de l'austérité a particulièrement touché la mission Ville et logement qui perd encore 228 millions dans le collectif, soit 60 % des crédits votés et l'on prélève encore 76 millions sur le financement de l'APL et 150 millions sur la construction de logements : pendant que les banlieues flambent, l'État met de côté 500 millions d'euros grâce à des artifices pour réduire le déficit budgétaire. Enfin, une bonne part des 607 millions de crédits ouverts pour la solidarité résultent d'une sous-évaluation des dépenses en loi de finances initiales.

Ce budget annonce clairement la couleur : austérité à tous les étages, échec du « choc de croissance », inégalités sociales... Tout concourt à nous le faire rejeter. (Applaudissements à gauche)

M. Aymeri de Montesquiou.  - Session de rattrapage pour les recalés de la loi de finances initiale ou véritable ajustement budgétaire ? Les collectifs oscillent toujours entre ces deux tendances et celui-ci comporte beaucoup de mesures nouvelles qui appellent toute notre attention.

La situation des finances publiques reste fragile car les réformes, trop timides, restent tributaires d'une conjoncture internationale sur laquelle la France n'a que très peu de prise.

Le texte que vous nous proposez permet de ramener le déficit d'exécution de 42 à 38,26 milliards, soit une amélioration du solde courant de 3,74 milliards. Mais après analyse, on constate que cette réduction ne résulte hélas, pour 80 %, que d'un surcroît de recettes exceptionnelles, dont je vous rappelle que la Commission européenne ne les prend pas en compte dans le calcul du solde budgétaire courant. Ainsi, la minoration de 1,9 milliard de la contribution de la France au budget des communautés européennes est purement conjoncturelle et d'ailleurs presque neutralisée par la hausse de 1,6 milliard, en 2008, de notre contribution, laquelle devrait encore augmenter avec l'entrée en vigueur des nouvelles perspectives financières de l'Union européenne pour la période 2008-2013.

La cession par l'État, à hauteur de 3,7 milliards, de participations au capital d'EDF doit financer les programmes d'investissements immobiliers dans les universités.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Et pas le fonctionnement !

M. Aymeri de Montesquiou.  - On peut en effet s'interroger sur l'affectation future de ces crédits. Rien ne garantit aujourd'hui qu'ils n'iront pas financer demain la dette de l'État. Quel montage juridique envisagez-vous de mettre en place, monsieur le ministre, pour garantir l'utilisation de ces crédits ?

Inversement, la soulte sur le service annexe d'amortissement de la dette de la SNCF doit être clairement fléchée sur le désendettement de l'État. Le passé nous offre trop d'exemples de cessions d'actifs destinées au désendettement qui n'ont pas abouti à leur destination d'origine.

Car il est urgent d'agir pour un désendettement massif et durable de l'État. L'expédient des cessions d'actifs, ou de l'utilisation des dividendes d'établissements publics de l'État ne saurait tenir lieu de politique en la matière. Le patrimoine mobilier et immobilier de l'État n'a pas vocation à corriger les errements de ces vingt-cinq dernières années. Il est là pour servir l'intérêt général de notre pays. Si nous n'inversons pas la tendance, à quand le rachat par des fonds souverains du Château de Versailles voire -horresco referens- du Palais du Luxembourg ?

La solution, vous le savez, passe par la réforme du fonctionnement de l'État et la transformation des méthodes de gestion de notre fonction publique. Notre commission des finances vous a déjà présenté des solutions, parmi lesquelles la réduction des niches fiscales, au coût prohibitif. Le chantier de modernisation lancé par le Président de la République, mercredi dernier, constitue la grande réforme indispensable et tant attendue. La première réunion du conseil de modernisation des politiques publiques a posé le bon diagnostic : l'action administrative souffre d'une grande dispersion. Je me réjouis de votre volonté de rationaliser et de simplifier notre administration, pour la mettre au service des usagers, sans parler de nos PME, trop souvent étouffées dans leur développement par les charges administratives. Il y a là un gisement considérable d'économies susceptibles de relancer la croissance. Les dépenses d'administration rapportées à la population seraient en France supérieures de 150 milliards à ce qu'elles sont en Allemagne. Que d'infrastructures, que d'investissements productifs, que de redistribution sociale représente une telle somme !

J'en viens aux mesures fiscales nouvelles, au premier rang desquelles le dispositif dit de l'éco-pastille, que vous avez introduit à l'Assemblée nationale. Il va dans le bon sens : il est urgent d'agir en faveur de l'environnement. J'attire toutefois votre attention sur la nécessité de ne pas pénaliser les familles, comme le fait, en l'état, le dispositif de l'article 23 bis, qui taxe le volume d'émissions de CO2 par véhicule et non par occupant.

J'attire également votre attention, monsieur le ministre, sur l'importance que nous devons accorder à l'innovation et à la compétitivité des PME innovantes, dont le président Laffitte s'est fait l'inlassable porte-parole. Nos jeunes entreprises doivent bénéficier d'un accès facile à des fonds beaucoup plus importants pour participer à la compétition internationale. Je défendrai un amendement permettant d'aligner le régime de réduction de l'ISF des fonds communs de placement dans l'innovation sur celui des fonds d'investissement de proximité.

J'attire enfin votre attention, monsieur le ministre, sur les inégalités créées par l'assiette de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, dite taxe Adar, que le plafonnement institué pour 2007 n'atténue que provisoirement. Sur le fond, le problème demeure pour des entreprises déjà happées par un marché international très concurrentiel où chaque gain de compétitivité compte. Cette taxe mérite d'être supprimée et une remise à plat du système de financement de la recherche agricole engagée.

Convaincue que le grand chantier de la modernisation lancé par le Président de la République et sur lequel s'appuie ce budget constitue une orientation très positive, la majorité du groupe du RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs au centre, à droite, et au banc des commissions)

M. Denis Badré.  - Comme tout collectif de début de législature, ce texte a un goût particulier : même s'il est vrai que la majorité d'aujourd'hui ne se situe pas aux antipodes de celle qui a voté le projet de loi de finances pour 2007, le Gouvernement est amené à ajuster des données budgétaires et économiques dont il n'est pas l'initiateur. Les mesures nouvelles et les ajustements sont si divers, qu'il serait vain de leur chercher une signification d'ensemble.

Les opérations de reprise de la dette du Ffipsa et du service annexe de la dette de la SNCF, requalifiée en dette publique, vont dans le sens de la sincérité à laquelle le groupe UC-UDF, comme le président de la commission des finances et son rapporteur général, reste très attaché.

Je regrette que les dispositions relatives à l'éco-pastille aient été proposées in extremis à l'Assemblée nationale. Il est toujours hasardeux d'introduire en cours de débat une mesure emblématique dont l'essence, si je puis ainsi m'exprimer (sourires), est d'une telle portée. Il est vrai que le dialogue avait eu lieu au cours du Grenelle de l'environnement, mais pourquoi, dès lors, n'avoir pas proposé le dispositif dans le texte initial de ce projet ? Se pose véritablement le problème du rôle et de l'engagement du Parlement.

Sur le fond, la mesure va dans le bon sens, et notre groupe la soutient, même si le dispositif souffre encore de quelques imperfections, que notre discussion, je l'espère, permettra de gommer. Où en est ainsi votre réflexion, monsieur le ministre, sur la situation des familles nombreuses qui se trouveraient dans l'incapacité de remplacer un véhicule qui laisse à désirer ? Je proposerai également un amendement visant à réajuster le montant des bonus-malus de véhicules non polluants, comme les voitures au super-éthanol ou au flex-fuel, qui méritent de bénéficier du même soutien qu'auparavant.

Et puisque nous sommes dans le registre du développement durable, permettez-moi de vous interroger, monsieur le ministre, sur l'état de nos finances publiques. Nous avons besoin de vraies mesures de rupture pour équilibrer les comptes publics. La suppression de la dette est une exigence pour l'avenir de nos enfants. La laisser s'aggraver, c'est les condamner à payer, volens nolens, le prix de notre laxisme. Si encore nous nous endettions en faveur de l'investissement, de la recherche et du développement. Mais non. Nous nous contentons de conforter notre train de vie, et ce laisser-aller nous pénalise, tant au niveau international qu'en Europe. Notre gestion interne ne nous permet plus de donner de leçons à nos partenaires. À quelques semaines de la présidence française, n'est-il pas urgent de donner un signe fort de notre volonté d'assainir la situation de nos finances publiques ?

Dans sa dernière évaluation des programmes nationaux de réformes, la Commission européenne émet de sérieux doutes sur la stratégie économique de notre pays, qu'elle juge excessivement optimiste, et nous demande d'engager un effort sérieux d'assainissement budgétaire et de réduction de notre dette. N'est-il pas paradoxal, après Maastricht, que nous ayons encore besoin que la Commission tire la sonnette d'alarme pour réagir ? Nous avons repoussé de 2010 à 2012 le retour à l'équilibre budgétaire, au motif que la loi Tepa aurait alors porté ses fruits. Mais la Commission estime que les allègements fiscaux introduits par ce texte vont accroître les déséquilibres sans que les effets de long terme soient véritablement perceptibles. Je vous demande, monsieur le ministre, d'entendre les autorités communautaires.

Ce collectif enregistre un déficit de 38,3 milliards, c'est 3 milliards de moins que prévu, grâce au dynamisme des recettes fiscales. Nous avons prévu 41,8 milliards pour 2008, ce sera difficile à tenir : comment comptez-vous y parvenir ? Comment améliorer les comptes plus durablement : par la RGPP ? La révision des prélèvements obligatoires ? Un Grenelle de la fiscalité locale ? Nous soutiendrons toutes les démarches dans ce sens !

Nous espérons que tous ces chantiers de réforme iront à leur terme, il en va de notre crédibilité et de notre autorité. J'ai fait partie de ceux qui ont regretté que nos marges de manoeuvre budgétaires ne soient pas entièrement consacrées aux réformes les plus utiles à la croissance et à l'emploi : vous pouvez compter sur notre vigilance pour le redressement de nos finances publiques ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Nicole Bricq.  - Collectif « charnière » pour M. Woerth, « mixte » pour M. Marini, « session de rattrapage » selon M. le ministre, les euphémismes ne manquent pas...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Quelle est donc votre définition ?

Mme Nicole Bricq.  - ...pour tenter de masquer la réalité : le fameux « choc de confiance » n'a pas eu lieu et n'aura pas lieu ! Les deux Gouvernements précédents n'ont pas été capables d'orchestrer une croissance égale à celle des autres pays européens, M. Fillon est bien obligé de reconnaître que la prévision de croissance pour 2007 ne sera pas tenue ! Après cinq ans d'inaction, le Gouvernement a fait une erreur de diagnostic l'été dernier. Les maux de notre économie sont pourtant bien connus : trop faibles créations d'emplois, chômage persistant, précarité -une masse salariale en baisse, donc aussi le pouvoir d'achat, une compétitivité dégradée, des comptes publics dans le rouge !

Et que lit-on dans ce collectif ? Des recettes fiscales en bas de la fourchette prévue, en particulier la TVA et la TIPP. Quant à l'impôt sur le revenu, notre dernier impôt progressif, vous n'avez de cesse d'en diminuer l'assiette et le taux.

En fait, le niveau du déficit dépendra du versement de l'impôt sur les sociétés, avec l'acompte au 31 décembre. La crise financière n'a pas fini de faire sentir ses effets, la réunion des banques centrales a envoyé un signe positif mais la situation reste alarmante ! La capitalisation boursière est trop élevée, si la bulle éclate, comment les économies atterriront-elles ?

Nos réserves sont donc faibles, d'autant que vous bénéficiez cette année du versement de 120 millions de dividendes par EDF, et de la diminution de notre prélèvement européen. Vous financez par des opérations de trésorerie la reprise partielle de la dette de la SNCF et de celle du Ffipsa, au prix de ce que notre rapporteur général a qualifié de « conception extensive de ces opérations de trésorerie », ce qui vous évite de modifier la norme de dépenses. Notre déficit est donc inférieur aux frais financiers de la dette, mais notre dette n'est pas stabilisée pour autant. Dans ces conditions, quelle sera la crédibilité de la présidence française de l'Union ?

Vous affectez 735 millions de surplus de recettes fiscales, au financement de la loi Tepa, alors que la loi de finances initiales prévoyait une affectation intégrale au désendettement.

Côté dépenses, les annulations de crédits sont souvent incohérentes. Parmi tant d'autres : vous annulez des crédits de la politique de la ville, tout en appelant à « un plan Marshall pour les banlieues » ! Les crédits annulés seront-ils mis en réserves ?

Côté recettes, ce collectif reconduit les niches fiscales, quand il n'en invente pas de nouvelles, sans évaluation aucune. Dernière trouvaille attestant l'impréparation du Gouvernement, « l'éco-pastille », arrivée par amendement à l'Assemblée nationale et dont le rapporteur général a demandé la réserve pour l'examiner en commission.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Je n'ai effectivement pas tout compris.

Mme Nicole Bricq.  - Cette « éco-pastille » ne correspond pas à l'esprit du Grenelle de l'environnement et elle sera, apparemment, d'une complexité sans pareille. On tiendrait compte du quotient familial ? Ce serait aux confins du comique et du tragique. Pour éviter le ridicule, nous proposerons un dispositif bien plus écologique !

Quant à la ristourne d'ISF pour les investissements dans les PME, votre dispositif est d'une complexité telle qu'on peut douter de son efficacité : vous en appelez au père Ubu, contre cet impôt que vous détestez tant !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - C'est une exception française !

Mme Nicole Bricq.  - Deux mesures modiques ne parviennent pas à tempérer les effets néfastes de vos choix : la prime à la cuve, financée par une légère surtaxe sur les compagnies pétrolières, et le retour pour moitié de l'exonération de redevance pour les personnes de plus de 65 ans et non imposables. C'est très peu pour compenser la cherté de la vie !

De tous côtés, montent les périls économiques et financiers, mais vous n'y préparez pas la France ! Il ne sert à rien d'invoquer les risques de la mondialisation, de réclamer plus de protection aux frontières, les nôtres et celles de l'Europe, quand on n'est pas capable d'assurer aux Français les solidarités nécessaires ! Au lieu de quoi vous repoussez à plus tard le recouvrement de la dette et vous privilégiez la rente et l'aggravation des inégalités, au détriment des investissements utiles à la croissance et à l'emploi !

Votre responsabilité est grande : vous avez déjà gaspillé votre victoire et les espérances qu'elle avait fait naître chez nombre de Français sincères. Vous leur avez raconté une fable ! Vous exaltez la valeur travail d'autant plus facilement que vous voulez faire oublier que le travail ait une valeur, un prix ! L'explosion des patrimoines, au gré des réformes fiscales depuis 2002, dessine une France qui se désunit et se replie sur des protectionnismes et corporatismes dangereux ! A nous, la gauche, le parti socialiste, d'élaborer l'alternative : les Français nous entendront ! En attendant, nous voterons contre ce collectif ! (Applaudissements à gauche)

M. André Santini, secrétaire d'État.  - Monsieur Marini, vous vous inquiétez à juste titre des turbulences financières que nous traversons, mais je ne fais pas la même lecture que vous de l'action conjointe des banques centrales, la semaine dernière.

Les actions qui ont eu lieu ont montré que les mesures nécessaires sont et seront prises. Les banques centrales jouent leur rôle. S'agissant des effets de la crise sur l'économie réelle, il faut rester optimiste : nos indicateurs fondamentaux sont très bons et nous serons très proches de la croissance prévue.

Le collectif confirme les prévisions de recettes indiquées lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2008. Il n'y a donc pas lieu de revenir dessus. L'impôt sur les sociétés devrait apporter un surplus de 5 milliards par rapport à la loi de finances initiale pour 2007 ; les acomptes confirment les prévisions. J'entends vos réserves sur la dette de l'État par rapport à la sécurité sociale mais c'est un vrai apurement d'une dette existante. En se désendettant, l'État a réduit de 200 millions la dette du régime général. L'opération sera bien retracée dans le bilan de l'État.

M. Leclerc a souligné l'importance de l'action engagée par le Gouvernement pour réduire la dette et en prévenir de nouvelles. Il est vrai que nous n'avons pas pu tout régler encore et que la sécurité sociale fait de nouvelles dettes. C'est pourquoi nous avons prévu des crédits en hausse dans le projet de loi de finances 2008. Je vous confirme qu'Éric Woerth va diffuser une circulaire pour la mise en oeuvre des principes suivants : convention de limitation à trois du nombre d'échéances par rapport à la sécurité sociale ; engagement de l'intégralité des autorisations d'engagement dès signature de l'échéancier ; répartition de la réserve de précaution sur l'ensemble du programme.

M. Lambert m'a interrogé sur le respect des normes de dépense. Oui, le Gouvernement reste dans le chemin que vous avez tracé : ne pas dépenser plus que ce qu'a autorisé le Parlement. On ne pourrait, sinon, revenir à l'équilibre. Le Gouvernement est résolu à réformer en profondeur nos politiques afin de rendre un meilleur service à meilleur coût.

La lutte contre la fraude et les relations de l'administration avec les contribuables ? Le fait est qu'il faut instaurer une relation adulte, équilibrée. Nous imposerons un délai de deux mois pour les réponses, tant celles demandées aux contribuables que celles attendues de l'administration.

La variabilité des prévisions ? Nous en sommes conscients, c'est pourquoi nous préférons indiquer des fourchettes.

On ne peut pas, monsieur Foucaud, laisser filer le déficit ; ce serait ne pas respecter l'autorisation parlementaire. Les choses sont claires : les crédits annulés sont choisis parmi ceux qui avaient été mis en réserve en début de gestion, ou alors c'est parce qu'ils sont devenus sans objet ou sans utilité, comme ceux qui étaient destinés à l'Anru : l'Agence n'en avait pas besoin, du fait du ralentissement des actions locales de rénovation urbaine. Il est inutile d'ajouter 200 millions à une trésorerie qui est déjà excédentaire de 600 !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Très bien !

M. André Santini, secrétaire d'État.  - Oui, monsieur de Montesquiou, le produit de la cession de titres d'EDF ira bien à l'investissement dans les universités. L'État s'est comporté en gestionnaire avisé : il cède une partie de ses actifs pour investir dans d'autres actifs qui ne sont pas moins stratégiques. Je puis aussi vous assurer que le produit de la soulte de la SNCF ira bien au désendettement de l'État.

M. Badré a évoqué les critiques des instances internationales. Il est vrai que la Commission européenne nous a critiqués mais elle nous a aussi adressé des satisfecits, qu'on ne cite jamais ! Aller plus vite ? Nous aussi le voulons ! Je ne méconnais pas la brièveté du délai que le Gouvernement aura laissé au Parlement pour se prononcer sur l'écopastille. Mais c'est une mesure phare du Grenelle et elle était très attendue.

Mme Bricq a brossé un tableau bien sombre de la situation mais elle n'a formulé aucune proposition. Le problème du pouvoir d'achat ?

Mme Nicole Bricq.  - De la masse salariale !

M. André Santini, secrétaire d'État.  - Voyez la loi Tepa, celle sur le pouvoir d'achat ! Nous agissons. Et je puis évoquer la réforme des universités ou la revue générale des politiques publiques.

L'Anru ? Le budget 2007 lui attribuait 1 328 millions ; ses besoins auront été de 524 ; on pouvait donc sans dommage annuler des crédits. Il reste à l'Agence plus que fin 2006, plus de 600 millions. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - La commission va maintenant se réunir pour examiner les amendements extérieurs et les nouveaux amendements du rapporteur général.

La séance est suspendue à midi.

présidence de M. Adrien Gouteyron,vice-président

La séance reprend à 15 heures.