Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à dix-huit questions orales.

Constructions en zone agricole

Mme Muguette Dini.  - Aux termes de l'article R. 123-7 nouveau du code de l'urbanisme, les plans locaux d'urbanisme peuvent désormais délimiter des zones agricoles qu'il est nécessaire de protéger en raison de leur potentiel agronomique, biologique ou économique. Dans son dernier alinéa, cet article indique que ce zonage exclut toutes les constructions autres qu'agricoles et précise que « seules les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif et à l'exploitation agricole sont autorisées dans les zones agricoles délimitées par le plan local d'urbanisme ». Le code de l'urbanisme ne donne aucune définition de l'expression « constructions nécessaires à l'exploitation agricole » et laisse à l'autorité compétente en matière de délivrance du permis de construire toute latitude pour apprécier, au cas par cas et sous le contrôle du juge administratif, la destination des constructions envisagées. Ainsi, les bâtiments destinés à abriter le matériel, la production ou les animaux sont des constructions admises en zone agricole. A l'inverse, les bâtiments liés à la commercialisation des produits agricoles n'y sont pas autorisés. Les bâtiments d'habitation ne peuvent y être construits que si la présence de l'agriculteur est nécessaire sur l'exploitation. Suivant ce principe, dans le département du Rhône, principalement dans les espaces agricoles et naturels périurbains, les maraîchers et fruitiers se voient refuser la possibilité de construire leur logement sur leur exploitation.

Les élus locaux jugent une telle position incohérente : elle menace l'avenir de nombreuses exploitations et ne permet pas la transmission ou la cession d'un ensemble agricole cohérent.

Quels sont les critères pris en compte ? Pourquoi n'y a-t-il pas un examen au cas par cas ? Pourquoi la direction départementale de l'équipement ne travaille-t-elle pas davantage de concert avec la direction départementale de l'agriculture ? Pourquoi les chambres d'agriculture, associées à l'élaboration des plans locaux d'urbanisme, ne sont-elles jamais consultées pour avis ? Vous avez, monsieur le ministre, engagé un travail de réflexion sur ce sujet. Pourriez-vous m'indiquer votre position sur tous ces points ?

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.  - Votre nouveau collègue, M. Elie Brun, inscrira avec bonheur son action dans le prolongement de celle d'Hubert Falco, je n'en doute pas.

Votre question porte sur un problème important : la pression considérable qui s'exerce effectivement sur le foncier, alors même que les agriculteurs doivent produire mieux et plus, afin que nous relevions les défis mondiaux de l'alimentation. J'ai du reste engagé une réflexion, avec les maires de France et la profession, sur l'usage économe des terres, en vue d'élaborer une Charte sur l'usage économe des terres agricoles, que le Président de la République lui-même a rappelé tout récemment la nécessité de protéger.

Les plans locaux d'urbanisme (PLU) y contribuent : les secteurs d'une commune à protéger en raison de leur potentiel agronomique, biologique ou économique peuvent être classés en zone agricole, ce qui permet d'y interdire l'urbanisation.

L'article R.123-7 autorise cependant dans ces zones les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole -cette nécessité devant être justifiée par le demandeur du permis de construire. Il s'agit des bâtiments indispensables au fonctionnement et aux activités de l'exploitation agricole. La construction d'un logement peut se révéler nécessaire, si la présence de l'exploitant à proximité des terres s'impose.

L'activité agricole présente toutefois une telle diversité que la formulation d'une règle uniforme paraît vaine. C'est à un examen au cas par cas des demandes qu'il faut procéder, de manière à apprécier au mieux la « nécessité », dans une démarche pragmatique qui assure aussi la sécurité juridique et la visibilité des règles.

Voilà comment il faut lire le code et je le rappellerai aux directions départementales de l'agriculture et de la forêt.

Mme Muguette Dini.  - Que les directions départementales de l'équipement écoutent davantage les élus locaux et les professionnels : ceux-ci savent distinguer entre une nécessité réelle et un projet immobilier déguisé en projet agricole.

ZPPAUP

M. Yves Krattinger.  - Je souhaiterais que le Gouvernement nous apporte des précisions sur la valeur juridique et les conditions d'opposabilité des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) en l'absence de document d'urbanisme.

Le ministère de la culture a considéré en 1999 que la création d'une ZPPAUP ne constituait pas une opération d'urbanisme et n'avait pour effet que d'édicter des servitudes s'imposant aux opérations de construction, d'aménagement, de réhabilitation urbaine, celles-ci devant être menées par recours aux instruments classiques.

De nombreuses communes qui ont créé une ZPPAUP mais ne disposent ni d'un plan local d'urbanisme, ni d'un plan d'occupation des sols, ni même d'une carte communale, considèrent parfois que la ZPPAUP fait fonction de document d'urbanisme. Qu'en est-il ? La ZPPAUP est-elle opposable au tiers ?

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.  - Un mot encore à l'intention de Mme Dini : les DDE et DDA vont, dans la plupart des départements, mutualiser leurs moyens et les ingénieurs du territoire sauront répondre à votre préoccupation.

Monsieur Krattinger, les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) sont créées par le préfet sur proposition ou après accord du conseil municipal des communes intéressées. Le document contractuel négocié expose les motifs et les objectifs de la ZPPAUP, délimite la zone et impose des prescriptions et recommandations architecturales et paysagères -qui ne sont pas des règles de construction à proprement parler.

Approuvé par le préfet, ce document est opposable aux tiers. Mais les ZPPAUP ne constituent ni des documents d'urbanisme ni des opérations d'aménagement. Elles ont le caractère de servitudes d'utilité publique. A ce titre, elles sont annexées au PLU. En l'absence de plan local d'urbanisme, les autorisations d'urbanisme sont instruites sur le fondement du règlement national d'urbanisme et des lois d'aménagement.

Le respect des prescriptions de la ZPPAUP relève de la compétence de l'architecte des bâtiments de France, qui émet un avis conforme sur tout projet envisagé dans le périmètre de la ZPPAUP.

M. Yves Krattinger.  - Je vous remercie. Vous confirmez l'analyse que je faisais de l'article du code.

Psychiatrie

M. Adrien Gouteyron.  - Je veux évoquer d'une façon générale la situation de la psychiatrie en France, et tout particulièrement celle de l'établissement de santé mentale de mon département. Le taux de prévalence des troubles psychiatriques en France est d'environ 15 % et la demande adressée aux professionnels n'a cessé de croître, non parce que les pathologies se développent, mais parce que la perception de la psychiatrie évolue et que la demande de soins s'accroît. C'est donc une bonne chose. Hélas, le nombre de praticiens a fortement baissé et les capacités d'hospitalisation ont été réduites. Si de nouveaux médicaments très efficaces sont apparus, pour la schizophrénie notamment, ils sont onéreux et le patient, comme on sait, ne se réduit pas à un catalogue de symptômes.

L'hôpital Sainte-Marie, au Puy-en-Velay, a élaboré dans le dialogue un projet d'établissement ambitieux, mais incontournable, comportant une organisation en pôles, un schéma directeur architectural, des démolitions et des reconstructions en vue d'une remise aux normes. L'effort financier est considérable mais ne suffira pas, une aide est nécessaire. L'unité de soins longue durée fera l'objet d'une partition, qui se traduira par la réduction de moitié des capacités d'accueil psychiatrique en Haute-Loire...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.  - Nous savons la complexité de la prise en charge des malades par la psychiatrie, surtout dans le secteur public.

Les troubles de la santé mentale concernent plus de 10 millions de nos concitoyens ; 1 200 000 personnes sont prises en charge tous les ans en psychiatrie publique. Le nombre de lits a certes diminué au cours des vingt dernières années, mais la psychiatrie dispose toujours de moyens importants : 73 000 places, 63 000 infirmiers, 14 000 psychiatres, un budget de plus de 8 milliards d'euros pour les établissements.

Le plan psychiatrie et santé mentale 2005-2008, prenant en compte toutes les étapes de soins, vise à développer les alternatives à l'hospitalisation, à rénover les structures ainsi qu'à favoriser la recherche clinique, l'évaluation et les bonnes pratiques.

D'importants moyens sont consacrés à ce plan : 287,5 millions d'euros sur quatre ans pour les équipes médico-soignantes ; 188 millions pour la formation et les équipements ; 750 millions d'investissements pour moderniser plus de 340 structures.

Le bilan de juin 2007 est encourageant, avec la création de 1 500 postes non médicaux et de 173 postes médicaux. Environ 60 % des mesures prévues sont en cours de réalisation. Enfin, on note une meilleure coopération entre structures et professionnels.

Cependant, je ne méconnais pas les difficultés inhérentes à l'exercice de la psychiatrie, et je reconnais les efforts et le sens des responsabilités des professionnels, au service des patients et de leur entourage, qu'il ne faut pas oublier.

De nouveaux progrès seront accomplis cette année, puisque j'ai affecté 28 millions d'euros au renforcement des équipes hospitalières, 1 million d'euros aux équipes de psychogériatrie et 3 millions d'euros supplémentaires aux équipes mobiles de précarité. En outre, j'accorde une priorité à la pédopsychiatrie (Mme Marie-Thérèse Hermange approuve) car il y a trop de jeunes dans des services pour adultes. Je veux y remédier. Ma stratégie de prévention du suicide est principalement dirigée vers les jeunes, en particulier les jeunes homosexuels, afin de mieux repérer les crises suicidaires.

Vous avez mentionné l'augmentation du nombre d'hospitalisations sous contrainte. Les précisions que je vous apporte illustrent ma détermination à résoudre les problèmes de la psychiatrie, dans l'intérêt des professionnels et des personnes en souffrance psychique.

J'en viens au centre hospitalier Sainte-Marie, du Puy-en-Velay, auquel je vous sais particulièrement attaché, tout comme le maire de cette commune.

M. Adrien Gouteyron.  - En effet !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Cet établissement bénéficie de travaux de mise aux normes. En 2006, il a reçu 50 000 euros pour couvrir les surcoûts liés à la rénovation du service de psychiatrie infanto-juvénile. Depuis 2007, une somme d'1 million d'euros a permis de restructurer les consultations et de créer une unité fermée sécurisée.

D'autre part, l'agence régionale d'hospitalisation d'Auvergne consacrera 40 000 euros à l'étude de la filière gériatrique, le centre hospitalier Sainte-Marie ayant demandé à conserver l'unité géronto-psychiatrique.

Vous le voyez : l'État accompagne clairement les projets du centre hospitalier Sainte-Marie. A chaque fois que vous souhaiterez évoquer cet établissement, monsieur Gouteyron, soyez assuré d'une excellente écoute de ma part.

M. Adrien Gouteyron.  - Je vous remercie pour cette réponse. Les circonstances m'ont conduit à compléter une question initialement très générale, pour aborder un cas particulier.

Vos propos d'aujourd'hui, madame, sont conformes à ceux qu'avait suscités ma question sur le suicide, qui devient un drame dans notre pays. Je vous remercie pour vos efforts et ne manquerai pas de donner suite à l'invitation de vous rencontrer.

Conservation du sang placentaire

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - En 1987, une équipe américaine a envoyé une fille de cinq ans, gravement malade, dans le service du Pr. Éliane Gluckman, de l'hôpital Saint-Louis à Paris, qui a eu l'idée de réaliser la première greffe mondiale de sang placentaire. Paradoxalement, la France occupe aujourd'hui le seizième rang mondial pour la collecte de sang placentaire, derrière la République tchèque ! Nous conservons quelque 6 000 unités de ce sang, quand l'Italie en conserve 14 000 et l'Espagne 16 000.

Or, le sang placentaire contient des cellules souches qui offrent d'immenses espoirs thérapeutiques. La revue Science du 28 juillet 2006 mentionne 85 pathologies susceptibles d'être soignées par des cellules souches adultes et issues de sang de cordon.

Par ailleurs, le don du sang de cordon ombilical tend à remplacer le don du sang de moelle osseuse, car il est sans douleur, de disponibilité infinie et immédiate. Sa greffe soulève moins de difficultés liées à la compatibilité tissulaire entre donneur et receveur. Je rappelle également que l'on recense 150 000 donneurs bénévoles de moelle osseuse, mais que l'Agence de biomédecine en recherche 10 000 supplémentaires. Ainsi, les greffes de sang de cordon ont représenté, en 2006, 13,5 % des greffes de cellules souches hématopoïétiques réalisées en France.

La France doit retrouver la première place qui était historiquement la sienne et réduire les importations de sang placentaire, dont chaque unité coûte 15 000 à 25 000 euros en fonction du pays d'origine. Certes, l'Agence de biomédecine a élaboré un plan destiné à conserver d'ici trois ans 10 000 unités. Ainsi, deux banques de sang de cordon devraient ouvrir en sus des trois existantes. L'effort est louable, mais très insuffisant, puisqu'il faut neuf unités de sang placentaire pour 100 000 habitants, soit 50 000 greffons de sang de cordon.

Or, le sang de cordon est aujourd'hui traité comme un déchet opératoire ! On ne propose jamais à une parturiente de conserver le sang du cordon ombilical de son enfant. Notre système -fondé sur le bénévolat, l'anonymat et le financement public- atteint ses limites. Certains pays, comme l'Espagne et l'Italie, ont mis en place un financement privé parallèlement au financement public.

Quelles mesures envisagez-vous, madame la ministre, pour compléter la politique élaborée par l'Agence de biomédecine ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.  - Le sang placentaire qui est un de vos sujets de prédilection, madame la sénatrice, permet, vous l'avez rappelé, de soigner un certain nombre de pathologies et le développement des banques assurant sa conservation est inscrit dans le contrat de performance signée par mon ministère avec l'Agence de biomédecine. L'intérêt thérapeutique du sang placentaire est ainsi clairement pris en compte. L'objectif est de doubler le nombre d'unités de sang placentaire, pour atteindre les 10 000 unités. Les mesures décidées consistent à rouvrir les banques qui avaient fermé, comme celle de Paris Saint-Louis, à renforcer l'activité des deux banques de Bordeaux et de Besançon grâce à la collaboration avec de nouvelles maternités, enfin à créer de nouvelles banques. L'Agence de biomédecine examine actuellement les dossiers sur le plan organisationnel et médical.

L'ouverture de nouvelles banques représente un très lourd investissement. La complexité du dispositif à mettre en place fait intervenir des acteurs multiples. En outre, garantir la qualité et la sécurité sanitaire des unités de sang placentaire depuis la collecte jusqu'à la greffe impose d'évaluer les banques, de former des équipes et d'associer à cette chaîne les maternités et les parturientes. Mais il faut aussi organiser l'acheminement des unités vers le laboratoire de thérapie cellulaire, sans oublier l'inscription sur le registre des donneurs de cellules souches hématopoïétiques. C'est pourquoi la montée en charge des banques de sang placentaire ne peut être immédiate ni spectaculaire.

D'autres pays disposent d'un plus grand nombre d'unités, mais avec de moindres normes de qualité, sans même parler des exigences éthiques -puisque la France exclut toute démarche commerciale.

Par ailleurs, cette question doit être examinée dans le contexte général des allogreffes de cellules souches hématopoïétiques, qu'elles soient issues du sang placentaire, de la moelle osseuse ou du sang périphérique. Il convient de développer ces deux derniers types d'allogreffes, car le sang placentaire ne peut être utilisé que pour des patients ou des enfants pesants moins de 50 kilogrammes.

Les mesures prises pour étoffer le registre des donneurs de cellules souches hématopoïétiques ont permis à un nombre accru de patients d'accéder à la greffe. Nous poursuivons l'effort en ce sens.

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Deux prix Nobel de physique ont été décernés récemment, à un Français et à un Allemand. Tous deux ont reçu le même prix, mais c'est l'Allemand qui détient les brevets. Avec le sang placentaire, nous retrouvons un paradoxe comparable : la France a réalisé la première mondiale, mais elle n'a pas développé sa politique dans ce domaine.

Je conçois que l'on poursuive la recherche selon d'autres axes, mais je regrette que le sang de cordon ne bénéficie pas de la même attention.

Comme je travaille avec le Pr. Gluckman et d'autres médecins de l'Assistance Publique, je vous propose une réunion conjointe. L'Agence de biomédecine et l'Établissement français du sang pourraient réfléchir aux moyens de mettre fin aux lourdeurs juridiques qui entravent cette activité.

Orthèse avancée mandibulaire

Mme Élisabeth Lamure.  - L'orthèse avancée mandibulaire constitue un remède à ce véritable problème de santé publique qu'est l'apnée obstructive du sommeil. Le traitement de référence reste aujourd'hui la ventilation par pression positive continue, un procédé contraignant que la moitié des patients refusent ou abandonnent. L'orthèse avancée mandibulaire est la seule solution thérapeutique alternative à avoir été validée et, en juillet 2006, la Haute autorité de santé a jugé son efficacité suffisante pour une prise en charge. Son coût n'est d'ailleurs que de 700 euros pour deux ans contre 1 300 par an pour la ventilation par pression positive continue. Cependant, le début d'expérimentation qu'annonçait un courrier du directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ne verra pas le jour, le non-remboursement empêchant le développement de cette technique. L'assurance maladie envisage-t-elle de la prendre en charge ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.  - Tous les sujets de santé sont importants et celui-ci concerne nombre de nos concitoyens. La société Narval a développé un dispositif contre le syndrome invalidant qu'est l'apnée obstructive du sommeil et la Haute autorité de santé a rendu le 15 avril dernier un avis favorable à la prise en charge de l'orthèse d'avancée mandibulaire. Cet avis nous a été transmis. La prise en charge du dispositif et de l'acte médical sera-t-elle conjointe ou séparée ? Mes services avaient commencé à réfléchir dès avant les démarches officielles de la société Narval si bien qu'à cette heure, je ne doute pas d'une prochaine issue favorable.

Mme Élisabeth Lamure.  - Je vous remercie de cette réponse qui rassurera les 70 000 personnes concernées.

Accueil des jeunes enfants

M. Christian Demuynck.  - On constate de grandes disparités entre territoires en matière de places de crèches : selon que vous vivez dans un département riche ou pauvre, leur nombre peut varier de deux à trente pour cent enfants de moins de 3 ans, et la Seine-Saint-Denis ne compte que dix places pour cent enfants. Les familles les plus modestes rencontrent toujours plus de difficultés à faire garder leurs enfants et beaucoup éprouvent un sentiment d'abandon.

Pourtant, 60 000 places ont été financées par les quatre plans successivement présentés depuis 2002 ; les assistantes maternelles ont été dotées d'un meilleur statut et on a instauré la prime pour l'accueil du jeune enfant, la Paje. Le plan « Petite enfance » présenté en 2006 a prévu 12 000 places supplémentaires. Durant la campagne électorale, M. Sarkozy avait défendu un droit opposable à la garde des enfants. Je partage l'analyse selon laquelle seule une diversification des modes de garde permettra d'atteindre cet objectif. Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, quel est l'impact concret des mesures mises en place et quelles sont les perspectives à moyen et long terme ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.  - Vous avez rappelé les efforts engagés depuis 2002 : 72 000 places d'accueil collectif ont été financées par quatre plans successifs ; un nouveau statut rend plus attractif le métier d'assistante maternelle ; nous avons revalorisé la Paje pour les foyers les plus modestes de 50 euros par mois : 62 000 familles recevront 600 euros de plus. Le plan « Petite enfance » présenté le 7 novembre 2006 a permis d'amplifier cet effort et l'expérimentation de micro-crèches a été développée. Nous aidons les PME à créer ou à participer à la création de crèches et la convention d'objectifs et de gestion a fait l'objet d'avenants.

Les familles peuvent consulter les pages « Poussins » du site des allocations familiales : elles y trouveront des informations sur les structures d'accueil ainsi que sur les aides publiques ; elles pourront bientôt y découvrir en temps réel le nombre de places disponibles.

Le Gouvernement souhaite continuer à privilégier le choix des parents et à leur permettre de décider librement entre l'interruption de leur activité professionnelle ou le recours à un mode de garde. A cette fin, nous avons intensifié les efforts et débloqué 10 millions pour les zones urbaines sensibles et 15 millions pour que 50 000 enfants soient accueillis le mercredi en centres aérés. Nous venons, avec Xavier Bertrand, d'autoriser 4 000 places supplémentaires d'ici la fin de l'année. Nous poursuivons ainsi la mise en place d'ici 2012 du droit opposable à un mode de garde promis par le Président de la République. Il faut pour cela créer 350 000 places et prévoir l'effort financier et les recrutements conséquents. Nous serons au rendez-vous.

Je suis également très attentive à l'expérimentation de la diversification des modes de garde : crèches d'entreprise ou interentreprises, crèches associatives. Nous réfléchissons en outre aux modes de garde pour les parents qui ont des horaires atypiques car, si l'élargissement des horaires d'accueil est une bonne chose, je n'ignore pas le stress que peut représenter pour une mère le fait de devoir déposer son enfant à 6 heures du matin, avant de rejoindre son travail : ne serait-il pas mieux, pour le bébé aussi, qu'une assistante maternelle le prenne en charge à domicile ? Je pense enfin à des regroupements d'assistantes maternelles dans des appartements mis à la disposition par des collectivités locales pour assurer un meilleur accueil des enfants, comme cela se fait dans le département de M. Pierre Méhaignerie, où je vais me rendre. Soyez sûr que je suis attentive à ce qui se passe dans les départements.

M. Christian Demuynck.  - Merci beaucoup de cette réponse : l'expérimentation de la diversification et une plus grande amplitude des horaires vont dans le sens que je souhaite.

Contrat enfance jeunesse

M. Bernard Piras.  - La politique enfance et jeunesse que de nombreuses communes développent seules ou en intercommunalité, en partenariat avec leur caisse d'allocations familiales, est remise en cause par la misse en place du contrat enfance jeunesse, qui s'accompagne d'un important désengagement financier de la Caisse nationale d'allocations familiales. Non seulement les actions éligibles et les critères de prise en charge des dépenses ont été réduits unilatéralement, mais encore des plafonds ont été instaurés, de sorte qu'à terme, les financements des caisses d'allocations familiales diminueront de moitié.

Au-delà des importantes répercussions financières, le désengagement de la Cnaf oblige les collectivités à mener une politique de simple gestion, plutôt que de développement des services. Madame la ministre, confirmez-vous ce nouveau transfert dissimulé de charges aux collectivités locales ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille  - La réforme des CAF, engagée par mon prédécesseur, M. Philippe Bas, demande à l'évidence de la pédagogie.

La convention d'objectifs et de gestion, signée entre la Cnaf et l'État sur la période 2005-2008, prévoit 33 % de crédits supplémentaires pour l'action sociale de la branche, des crédits qui financent en particulier le fonctionnement des établissements d'accueil de jeunes enfants.

Pour 2005, nous avons constaté un dépassement de 248 millions, soit une progression des dépenses en prestations de service de 20 % au lieu des 13 % initialement prévus. Interpellés par la Cour des comptes et les corps d'inspection, nous nous devions de moderniser les outils de financement contractuels consacrés à la petite enfance et au temps libre.

La réforme vise donc à maîtriser l'enveloppe prévue dans la convention d'objectifs tout en privilégiant la qualité de l'accueil et l'équilibre financier des structures de la petite enfance. Nous avons également souhaité cibler davantage nos aides sur le territoire, en prenant en compte notamment leurs besoins et leur potentiel financier.

Désormais, le taux de cofinancement du contrat « enfance et jeunesse » est fixé à 55 %, ce qui maintient la part de financement de la caisse d'allocations familiales à un niveau élevé. Pour éviter les à-coups, les nouvelles règles de financement s'appliqueront progressivement au moment du renouvellement des contrats en cours. Hors contrat, la part des CAF dans le financement des établissements d'accueil du jeune enfant est comprise entre 19 % du prix de la place pour les familles disposant de ressources équivalentes à six Smic et 42 % pour les familles disposant de ressources équivalentes à un Smic. Avec un contrat enfance, cette part varie de 46 % à 70 %.

Un fonds national de 20 millions a été ouvert l'an passé pour l'accompagnement, en sus des 2 milliards d'aides au fonctionnement octroyés par les caisses. Des actions qualitatives spécifiques aux zones urbaines sensibles sont expérimentées cette année grâce à l'inscription d'un fonds pérenne de 10 millions. Le Gouvernement a également décidé d'augmenter de 15 millions les sommes notifiées aux CAF pour financer des actions nouvelles pour la jeunesse, ce qui représente 675 emplois nouveaux en centres de loisirs et 1 500 000 de journées enfants financées dans les structures, soit 52 500 enfants supplémentaires qui bénéficient d'un accueil tous les mercredis pendant un an.

J'ai également autorisé la Cnaf à lancer la création de 4 000 places de crèches avec une enveloppe de 50 millions : les opérations devraient commencer avant la fin de l'année.

Le Gouvernement continuera de privilégier la politique de la famille, en particulier pour que les parents puissent choisir librement entre interrompre leur activité professionnelle ou recourir à un mode de garde pour s'occuper d'un enfant de moins de trois ans. La France compte le plus fort taux de natalité d'Europe et le taux d'emploi féminin progresse sans interruption depuis longtemps : c'est aussi le fruit de notre politique familiale.

Nous poursuivrons cette politique, pour mettre en place, dès 2012, un droit opposable à la garde d'enfants, comme le Président de la République s'y est engagé.

M. Bernard Piras.  - Votre réponse ne me satisfait guère et je doute qu'il en aille autrement pour les maires, qui constatent un transfert de charges ! Le désengagement de l'État freine les progrès dans l'accueil des enfants, et ce n'est pas en laissant les dotations progresser moins vite que l'inflation, que vous atteindrez vos objectifs !

Service des droits des femmes et de l'égalité

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le service des droits des femmes et de l'égalité, le SDFE, qui est composé d'un service central, d'un réseau de déléguées régionales et de chargées de mission départementales placées sous l'autorité des préfets, a pour mission de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités politiques et économiques, à l'emploi, de promouvoir l'égalité salariale et professionnelle, de garantir l'accès aux droits fondamentaux, et de lutter contre les violences faites aux femmes. Son action consiste à mobiliser les ministères, les collectivités territoriales, les associations, les entreprises et les partenaires sociaux.

Or, à deux mois de la présidence française de l'Union européenne, la révision générale des politiques publiques (RGPP) semble remettre en cause cette approche transversale et partenariale. Au-delà de l'inquiétude légitime des personnels, la suppression de ce service porterait atteinte à la politique de l'égalité, qui exige une action dans la durée ; ce serait même un véritable recul. Le Président de la République déclare s'engager en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes, mais le Gouvernement va-t-il sacrifier le service des droits des femmes et de l'égalité ? Madame la ministre, que comptez-vous faire pour maintenir la politique d'égalité ? Je note que votre Gouvernement ne dispose pas, hélas, d'un ministre en titre chargé de l'égalité entre les sexes.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.  - Permettez-moi de vous rappeler que le chef de l'État s'est engagé concrètement pour l'égalité, dans la formation même du Gouvernement : voyez la place qu'y occupent les femmes et nos concitoyens issus de ce que l'on appelle les minorités. C'est bien le signe d'une reconnaissance de notre société dans sa diversité !

La RGPP vise à améliorer l'efficacité de nos politiques publiques dans tous les domaines : mieux gérer, pour mieux gouverner. Elle ne remet nullement en cause nos objectifs, en particulier l'égalité entre les femmes et les hommes.

Nous continuerons de respecter la déclaration et le programme d'action de la de la 4ème conférence mondiale sur les femmes, qui s'est tenue à Pékin en 1995, en particulier pour que l'égalité concerne toutes les politiques publiques, et pour que des actions spécifiques soient prises contre les inégalités constatées.

Cette année, le service des droits des femmes et de l'égalité prépare un document de politique transversale, en vue du projet de loi de finances pour 2009 : les actions des différents ministères seront ainsi récapitulées.

Nous voulons conforter les fonctions actuelles de ce service, dans la définition des orientations stratégiques de l'État comme l'évaluation des actions de la politique de l'égalité.

La recherche d'une plus grande qualité au sein de nos administrations nous incite à imaginer des solutions nouvelles, à réduire la mosaïque de petites structures pour en faciliter le fonctionnement avec une gestion conjointe de leurs moyens.

A ce jour, rien n'est arrêté en ce qui concerne le service des droits des femmes et de l'égalité et de son réseau déconcentré. Nous tenons à préserver la spécificité et la visibilité des deux niveaux d'intervention de ce service, quelles que soient les configurations adoptées. Aussi, aucun démantèlement n'est-il prévu. Nous voulons que la nouvelle organisation des services renforce la dynamique vers l'égalité réelle !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous nous dites qu'aucun démantèlement n'est à l'ordre du jour, mais nous constatons aussi que les moyens régressent !

Vous dites que le chef de l'État et le Gouvernement agissent pour faire progresser l'égalité ; membre de l'Observatoire de la parité, je peux témoigner que les résultats ne sont pas au rendez-vous, qu'il s'agisse de la participation des femmes aux mandats électifs et aux responsabilités économiques ou encore de l'égalité salariale. Dans ce contexte, le renforcement des services qui travaillent sur le terrain serait très opportun, comme la création d'un ministère en charge de ces questions. Nous jugerons aux actes.

Accessibilité des bâtiments et espaces publics aux personnes handicapées

M. Georges Mouly.  - Sans accessibilité, pas d'égalité des chances ni intégration. La mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005 requiert la plus grande vigilance. Alors que l'échéance de 2015 s'approche, de nombreuses communes n'ont pas installé la commission ad hoc ni procédé à l'état des lieux. Selon une étude de 2008, 175 000 établissements recevant du public sont concernés, pour un coût total de 15 milliards d'euros. A titre d'exemple, la mise en accessibilité d'une crèche coûterait 28 000 euros. Une étude de Dexia parue en 2007 montre que sur un échantillon de 300 communes de plus de 5 000 habitants, moins de la moitié ont créé leur commission communale d'accessibilité, moins de 20 % réalisé un état des lieux et moins de 10 % évalué le budget nécessaire aux travaux. Le financement reposerait à 85 % sur les communes, à 12 % sur les conseils généraux et à 3 % sur les conseils régionaux.

On ne saurait se satisfaire, comme le note le président du Conseil national consultatif des personnes handicapées, d'une accessibilité de façade. Il faut au plus vite mettre en place les outils que sont les commissions communales et procéder aux diagnostics. Quelles actions peuvent-elles être envisagées pour accélérer le mouvement et aussi clarifier les compétences au sein des EPCI ?

Je m'inquiète en outre d'une rumeur : selon certains, les associations seraient en trop grand nombre et il ne faudrait agréer que les plus importantes d'entre elles. La diversité est pourtant source de richesse, c'est elle qui permet de prendre en compte la complexité du problème du handicap.

Enfin, au regard de l'ampleur du financement nécessaire, des aides ciblées de l'État, subventions ou prêts bonifiés, peuvent-elles être envisagées, comme cela fut le cas pour la mise aux normes incendie des écoles entre 1994 et 1999 ?

L'accessibilité de la cité est la condition du vivre ensemble dans une société riche de ses différences.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.  - Vous avez raison. L'accessibilité est un des chantiers les plus ambitieux de la loi du 11 février 2005 ; c'est un droit pour les personnes handicapées et une chance pour nous tous. Il faut cesser d'envisager cette question sous l'angle de la contrainte ou de la revendication catégorielle. Familles, personnes âgées, des millions de personnes sont concernées.

La loi rend obligatoire sans délai l'accessibilité de toutes les réalisations neuves et fixe au 1er janvier 2015 la mise en accessibilité des moyens de transport et des établissements recevant du public. Une commission ad hoc doit être créée dans les communes de plus de 5 000 habitants ; elle est le lieu où peut s'élaborer la stratégie communale de mise en accessibilité.

Pour que les avancées de la loi de 2005 se traduisent concrètement et rapidement dans les faits, le Gouvernement a engagé une triple démarche : échelonner dès 2010 la réalisation des diagnostics et la planification des travaux, s'assurer au travers des préfets de l'installation de commissions communales, pour laquelle les DDE apportent conseil et appui, enfin donner la priorité à l'accessibilité des locaux professionnels. Nous entendons aider les collectivités locales et les employeurs à faire face au coût des travaux en mobilisant le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique et l'Agefiph.

Quant à la rumeur dont vous avez fait état, je la traiterai pour ce qu'elle est : une rumeur.

M. Georges Mouly.  - J'ai apprécié votre réponse et me félicite de l'esprit dans lequel travaille le Gouvernement. Les associations lui en sauront gré.

Pôles de compétitivité

Mme Christiane Hummel.  - En juillet 2005, après un appel à projets qui a suscité un grand intérêt dans le monde industriel et celui de la recherche, la Datar a labellisé 67 pôles de compétitivité, dont 15 à vocation mondiale. Ils sont aujourd'hui 71. Une évaluation est en cours, initiée par la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité du territoire, confiée à deux cabinets privés.

Sénatrice du Var, département qui accueille la tête de réseau du pôle mer de Provence-Alpes-Côte d'azur, à vocation mondiale, mais aussi de nombreuses entreprises des sept autres pôles de la région, je souhaite savoir quand et sous quelle forme les résultats de cette évaluation seront communiqués au Parlement et aux organismes concernés. Pouvez-vous en outre m'indiquer si les crédits d'État destinés à soutenir la gouvernance des pôles et à financer les projets de recherche-développement seront maintenus ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.  - Je suis heureuse de répondre à votre question, en remplacement de Mme Lagarde, car je constate dans mes fonctions l'importance des pôles de compétitivité pour le rayonnement de nos entreprises.

Une évaluation de la politique nationale des pôles de compétitivité a en effet été confiée aux cabinets Boston consulting group et CM international. Ils rendront leurs conclusions fin juin, sur le fondement desquelles le Gouvernement prendra des décisions pour 2009. Les représentants des collectivités locales et du monde économique sont associés au comité de pilotage de cette étude. Le Parlement et tous les acteurs concernés seront naturellement informés, chaque pôle l'étant de ses propres résultats.

La politique des pôles de compétitivité doit s'inscrire dans la durée, afin de construire des réseaux industriels de classe mondiale. Le Gouvernement décidera le moment venu et au vu de l'évaluation des moyens nécessaires à la poursuite de cette politique.

Mme Christiane Hummel.  - Je vous remercie de cette très satisfaisante réponse. Je m'interroge toutefois sur l'action du secrétariat d'État à l'aménagement du territoire et sur celle de la délégation interministérielle.

Ces deux organismes seront chargés de l'application de vos décisions. Dans cette attente, je vous remercie, madame le ministre, pour ces bonnes nouvelles.

Projets du groupe Alcan-Rio Tinto en vallée de la Maurienne

M. Jean-Pierre Vial.  - Alors que nous subissons les effets de l'accélération de la mondialisation des regroupements industriels, ma question porte sur l'avenir de l'activité de l'ancien groupe Péchiney. Il y a quatre ans, celui-ci représentait 25 000 emplois. Aujourd'hui propriété de Rio Tinto, il pourrait, avec la cession de l'emballage et de la transformation, être réduit à la seule activité de l'aluminium, soit moins de 4 000 emplois. Le démantèlement du site aluminium de Saint-Jean-de-Maurienne, qui représente directement 750 emplois et globalement 2 000, n'est pas encore arrivé à son terme.

En 2005, Alcan estimait que la survie du site dépendait de l'augmentation des capacités de production de 140 à 250 000 tonnes et de la garantie d'un coût compétitif de l'énergie au-delà de 2012. Malgré les engagements financiers des collectivités, cet agrandissement n'a été décidé ni par Alcan hier, ni par Rio Tinto aujourd'hui. Le groupe a, de toute évidence, décidé d'abandonner l'activité de l'aluminium de Saint-Jean-de-Maurienne au-delà des années 2012-2016. Il se consacre, en Algérie, à l'un des plus gros projets d'unité de fabrication d'aluminium au monde, soit plus de 750 000 tonnes, à Oman au démarrage d'une unité de 330 000 tonnes, et en Arabie Saoudite au projet d'une unité de production d'un million de tonnes. Sous couvert d'une amélioration de la rentabilité du site, c'est un quasi-plan social qui est mis en oeuvre par la direction de Rio Tinto.

Nous ne pouvons admettre qu'aux contraintes de l'économie mondiale s'ajoute le cynisme en trompant les salariés et les élus. L'intention de fermeture du site se confirme tous les jours davantage. S'il en était autrement, une mission conduite sous l'autorité du ministère permettrait à Rio Tinto de faire connaître son plan stratégique à quinze ans. Dans le cas contraire, il faudrait obliger le groupe à le mettre dès à présent en vente afin de trouver des repreneurs, comme pour Pechiney électrométallurgie, devenu Ferropem après son rachat par un groupe espagnol.

Pendant cette période intermédiaire, nous avons demandé au Président de la République et au Premier ministre de s'opposer au projet de cession des activités d'emballage et de transformation. Nous ne voulons pas aller contre la mondialisation qui impose des rapprochements industriels, mais il faut respecter les salariés qui ont fait la richesse de ce groupe en leur donnant, comme aux collectivités concernées, les informations nécessaires et chercher des repreneurs à un moment où le prix de l'aluminium assure à Rio Tinto des profits considérables.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.  - Votre question confirme votre parfaite connaissance de ce dossier, et je vous répondrai au nom de Christine Lagarde.

Alcan, qui emploie plus de 15 000 personnes en France sur 49 sites, a fait l'objet d'une offre publique d'achat amicale du groupe anglo-australien Rio Tinto. Le 4 octobre dernier, Rio Tinto a pris envers le Gouvernement des engagements précis quant à la pérennité de l'activité de recherche et développement en matière d'électrolyse assurée par les centres de Rhône-Alpes et à la sécurité d'approvisionnement des industries aéronautiques et de défense à partir de sites français.

Christine Lagarde, qui suit ce dossier de près, a eu l'occasion d'évoquer le sort du site de Saint-Jean-de-Maurienne avec Paul Skinner, président de Rio Tinto. Le Gouvernement souhaite qu'une activité industrielle solide et compétitive y soit maintenue. Ce site est une plate-forme de démonstration pour les innovations développées en Rhône-Alpes, et la recherche comme l'innovation constituent des enjeux cruciaux pour le maintien d'une base industrielle forte en France -la réforme du crédit d'impôt recherche en témoigne. L'avenir du site repose également sur les conditions d'accès à l'énergie à moyen et long terme. Le projet Exeltium, en attente de l'accord de la Commission européenne, permettra aux industries électro-intensives de sécuriser leur approvisionnement en électricité.

A la demande de Rio Tinto, la direction du site doit proposer mi-2008 un plan d'action visant à en faire un des plus compétitifs au niveau mondial d'ici 2012. Il s'agit d'un préalable à toute décision. Le ministère de l'économie sera attentif à l'évolution de ce dossier

M. Jean-Pierre Vial.  - Je remercie les membres du Gouvernement et les fonctionnaires qui suivent ce dossier depuis plusieurs mois. Toutefois, je ne crois en rien aux engagements pris par Rio Tinto envers le Gouvernement. Rio Tinto ment en prétendant vouloir moderniser le site car le groupe a abandonné le projet de doublement de sa capacité de production, condition de sa survie. Les industriels et les techniciens savent que ce site ne peut survivre dans ces conditions.

La vente de l'activité transformation et emballage ne doit pas être autorisée car l'avenir du site de Saint-Jean-de-Maurienne, comme celle d'autres centres de production d'aluminium en France, en dépend. Si Rio Tinto ne peut garantir la survie du site, qu'il le mette en vente pour trouver un repreneur. Je remercie Mme le ministre de l'attention qu'elle porte à ce dossier car l'avenir du site dépend de la vigilance du Gouvernement.

Charges d'amortissement pour les collectivités territoriales

M. André Rouvière.  - Je m'exprime au nom de Josette Durrieu, empêchée.

L'article L. 2321-2.27 du code général des collectivités territoriales impose aux communes et groupements de plus de 3 500 habitants l'amortissement des immobilisations inscrites à certains comptes budgétaires et des immeubles productifs de revenus. La nomenclature comptable M4 applicable aux services publics à caractère industriel et commercial (SPIC) impose également cet amortissement, mais sans faire référence à un seuil de population. L'application de ces deux textes se révèle particulièrement contraignante pour les petites structures intercommunales car cette inscription obligatoire de crédits grève fortement leur budgets, surtout si les biens à amortir ne sont pas renouvelés. Serait-il possible d'assouplir ces règles pour des collectivités de taille modeste ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur  - L'instruction budgétaire et comptable M14, applicable aux communes et à leurs établissements publics à caractère administratif, dispense les collectivités de moins de 3 500 habitants de procéder à l'amortissement de leurs immobilisations. Pour les autres communes et pour les groupements régis par l'instruction M14, l'obligation d'amortissement, très atténuée, ne concerne que les biens meubles et les immeubles productifs de revenus. En sont donc exclus les immeubles administratifs, telles les mairies et les écoles.

En revanche, les services publics industriels et commerciaux doivent comptabiliser l'amortissement de leurs équipements puisqu'ils interviennent dans un champ d'action concurrentiel, et se conforment au plan comptable général et à l'instruction comptable M4. En outre, leur activité est financée par une redevance versée par les usagers, dont le niveau dépend du coût complet des services rendus et inclut obligatoirement l'amortissement des équipements utilisés. M. Woerth vous confirme que la comptabilisation de ces amortissements s'impose quelle que soit la taille de la structure intercommunale qui assure le service.

M. André Rouvière.  - Comme Mme Durrieu, j'ai connu ces problèmes en tant que maire. Je comprends votre réponse mais comprenez qu'il est très contraignant pour les petites communes, dont le budget est étriqué, de bloquer des sommes dont on n'est pas sûr qu'elles seront utilisées. Je souhaite que le Gouvernement étudie ce problème bien réel.

Conséquences pour les radios associatives de la suppression de la publicité sur les chaînes de l'audiovisuel public

M. André Rouvière.  - J'attire l'attention du Gouvernement sur la menace que la suppression de la publicité sur les chaînes de l'audiovisuel public fait peser sur les radios associatives non commerciales, qui sont principalement financées par le Fonds de soutien à l'expression de la communication (FSER) qu'alimente une taxe prélevée sur les recettes publicitaires des régies de l'audiovisuel du secteurs privé et du secteur public.

Soit l'exemple d'une radio associative de mon département, le Gard : sur un budget de fonctionnement de 50 000 euros, le FSER apporte 42 000 euros. Si cette aide disparaît, la radio disparaîtra.

Le service public a été assuré de conserver l'intégralité de ses ressources. Parce qu'elles remplissent une fonction à caractère public à travers un cahier des charges très précis donné par le CSA et le ministère de la culture et de la communication, les radios associatives veulent bénéficier des mêmes garanties.

Quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.  - Mme Albanel, ministre de la culture, rappelle combien le Gouvernement est attaché aux radios associatives, qui occupent une place importante au sein du paysage radiophonique et de l'environnement culturel, économique et social local. Elles ont acquis cette place grâce au travail effectué sur le terrain et au soutien financier prévu par la loi, qui n'a jamais été démenti depuis 1982.

Le FSER, financé par une taxe perçue sur les messages publicitaires radiophoniques et télévisés, est aujourd'hui confronté à des défis importants qui concernent aussi bien son financement que son périmètre : la suppression partielle, progressive ou complète de la publicité sur France Télévisions et Radio France entraînerait pour lui une perte de recettes plus ou moins importante selon l'hypothèse retenue.

La réforme du financement de l'audiovisuel public fait l'objet d'une réflexion dans le cadre de la commission Copé. Afin de travailler en concertation avec les acteurs, la commission du Fonds de soutien à l'expression radiophonique locale a été saisie pour avis. Cependant, les évolutions envisageables demandent de savoir préalablement quelle réforme connaîtra la télévision publique.

Le Gouvernement s'engage à assurer la pérennisation d'un système d'aides qui a fait ses preuves. Les radios associatives sont en effet essentielles au pluralisme de la vie démocratique et à l'offre de médias de proximité.

M. André Rouvière.  - J'ai bien noté que le Gouvernement souhaite trouver une solution. J'espère que l'attente des radios associatives, mais aussi des auditeurs, ne sera pas déçue, et que ces radios pourront poursuivre leur important travail d'information et de culture, notamment dans le monde rural.

Mise en oeuvre de la procédure de la kafala judiciaire

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Avant d'entrer dans le vif du sujet, je souhaite vous faire part d'un « couac » gouvernemental concernant le ministère en charge de répondre à ma question, qui concerne l'accueil d'enfants en France au titre d'une procédure non reconnue par le droit français, la kafala, et plus spécialement les conditions d'entrée dans notre pays de ces enfants étrangers recueillis par des familles françaises. Je m'attendais donc à ce que Mme la ministre de l'intérieur ou M. le ministre de l'immigration me répondent, mais les services de Matignon m'ont fait savoir que ma question devait, à mon étonnement, être attribuée à Mme la Garde des sceaux. Or, l'interlocuteur que j'attendais en premier lieu est absent, et celui qui m'a été attribué d'office également ! Je déplore qu'un sujet si sérieux pour de nombreuses familles françaises ne fasse pas l'objet de l'attention qu'il mérite par le ministre compétent, au sens juridique du terme.

La kafala judiciaire concerne le Maroc et l'Algérie où elle se substitue, dans le droit interne de ces pays, à l'adoption. Elle constitue un parcours sécurisé, encadré et structuré, qui permet le placement d'un enfant abandonné dans un foyer, sous le contrôle strict d'un juge. Cette mesure est en réalité proche, quant à ses effets, de l'adoption simple, même si notre droit civil ne la reconnaît pas.

Les parents ayant obtenu un jugement de kafala au Maroc ou en Algérie rencontrent les plus grandes difficultés pour faire venir les enfants en France : les visas sont délivrés au compte-goutte et donnent parfois lieu à des contrôles d'opportunité sur le bien-fondé des mesures de placement prises par les juges. Les délais d'obtention des visas sont de surcroît extrêmement longs, au minimum de trois à six mois, ce qui crée aux parents des difficultés professionnelles, leur impose une séparation très longue d'avec l'enfant et un aller-retour coûteux tout en les privant de droits sociaux comme le congé d'adoption ou l'inscription à la sécurité sociale.

Cette situation est liée à l'absence de consignes données aux services concernés pour le traitement des demandes de visas. Les familles concernées aspirent à la reconnaissance du lien crée par la voie de la kafala judiciaire et souhaitent que l'arrivée en France de l'enfant recueilli soit mieux encadrée juridiquement. Il s'agit de garantir le droit de vivre en famille de ces personnes en prescrivant un traitement uniforme et diligent des demandes de visa pour les enfants recueillis par kafala. Une circulaire destinée aux postes consulaires devrait leur rappeler les règles applicables en matière de délivrance des visas pour ces enfants et énumérer les documents devant être produits, tels l'acte de naissance, la décision de kafala judiciaire et l'autorisation de sortie de territoire délivrée par le juge des tutelles.

Le Conseil d'État a développé une jurisprudence constante en la matière. L'entrée en France relève de la procédure de regroupement familial pour les enfants algériens et d'un visa classique pour les enfants marocains. Le Conseil d'État a défini le pouvoir d'appréciation des autorités consulaires et sanctionné systématiquement les refus d'octroi de visa sur la base d'une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée des requérants.

En se fondant sur l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et sur l'article 3-1 de la Convention relative aux droits de l'enfant, la haute juridiction garantit l'intérêt supérieur de l'enfant et une meilleure prise en compte des obstacles administratifs et financiers que les parents rencontrent dans leurs démarches. Dans ces affaires, le juge a systématiquement condamné l'autorité administrative à délivrer sous un mois le visa à l'enfant recueilli par kafala.

Monsieur le secrétaire d'État, vous engagez-vous à permettre un meilleur traitement des demandes de visa d'enfants recueillis par kafala et à rendre la délivrance de ces visas conforme aux engagements internationaux de la France en clarifiant, par une circulaire, les règles applicables ?

M. Eric Besson, secrétaire d'État chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et du développement de l'économie numérique.  - Mme la Garde des sceaux ne peut vous répondre personnellement, mais c'est pour une noble cause puisqu'elle accompagne le Président de la République, actuellement en visite d'État en Tunisie. Lorsque M. Karoutchi m'a proposé de la remplacer, le natif de Marrakech que je suis, et qui a passé les dix-sept premières années de sa vie au Maroc, a considéré que c'était un honneur pour lui.

La ministre de la justice partage votre souci de mieux prendre en considération la situation des enfants recueillis en France dans le cadre d'une kafala judiciaire marocaine ou algérienne. J'appelle cependant votre attention sur le fait que la kafala ne crée pas de lien de filiation et ne peut donc être assimilée à une adoption. La loi française ne permet pas l'adoption d'un enfant qui n'est pas adoptable selon sa loi personnelle. Toutefois, dès lors que l'enfant a été élevé pendant cinq ans en France par des Français, il peut être naturalisé et, la loi française lui étant alors applicable, il peut être adopté par ceux qui l'ont recueilli. Ce dispositif apparaît tout à fait équilibré et le rapport sur l'adoption, remis en mars au Président de la République par M. Colombani, ne propose aucune modification législative sur ce point. Mais il préconise de s'orienter vers des mécanismes de coopération avec les pays d'origine, notamment en vue de faciliter la délivrance de visas au profit des enfants concernés. Ces conclusions rejoignent celles du groupe de travail chargé de réfléchir au statut des enfants recueillis par kafala, mis en place par le ministère de la justice en février 2007, en lien avec les autres ministères concernés. Elles font actuellement l'objet d'une concertation au niveau interministériel.

Les difficultés des parents qui recueillent des enfants sous kafala judiciaire paraissent pouvoir être résolues à droit constant. Pour ce faire, une circulaire interministérielle viendra prochainement rappeler aux services administratifs, consulaires, sociaux et éducatifs, que les enfants sous kafala judicaire doivent se voir reconnaître les mêmes droits que les enfants placés sous une autorité parentales déléguée.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je sais bien que le Président de la République et la ministre de la justice sont en Tunisie. Peut-être pour régler des problèmes de flux migratoires ? La question de ces enfants sous kafala en fait partie.

Car il ne s'agit pas du problème des liens de filiation, ni de celui de l'adoption en elle-même : il existe une procédure d'exequatur qui permet de valider la tutelle. Le problème est celui de la délivrance des visas et de l'arrivée en France. Faute de visa, beaucoup de ces enfants y entrent de façon illégale. Votre circulaire leur accordera les mêmes droits sociaux qu'aux enfants adoptés et c'est très bien, mais je souhaite qu'elle leur facilite aussi l'obtention de visas.

Agents contractuels du ministère des affaires étrangères

M. Richard Yung.  - Ma question porte sur les conditions d'embauche des agents contractuels recrutés par le ministère des affaires étrangères. Même si la loi du 26 juillet 2005 transposant diverses dispositions du droit communautaire a eu des effets bénéfiques et entraîné la « cé-dé-isation » -quel terme barbare !- d'une partie d'entre eux, les agents non titulaires de la fonction publique continuent d'être considérés comme une variable d'ajustement. La précarité de leur emploi demeure et beaucoup continuent d'être remplacés par d'autres agents contractuels sur des emplois permanents, ce qui, dans la fonction publique, est une aberration. Quelques exemples : un attaché de presse en poste aux États-Unis, remplacé par un autre agent non titulaire a déposé un recours auprès du juge administratif ; à l'administration centrale, un agent s'est récemment vu contraint, avant d'aller pointer au chômage, de recevoir le contractuel désigné pour le remplacer ; en Égypte, un agent en CDD a pris connaissance d'un télégramme diplomatique annonçant l'arrivée d'un contractuel appelé à lui succéder.

La rémunération des contractuels est très souvent inférieure à celle des titulaires de qualification équivalente et exerçant des fonctions analogues : c'est le cas notamment de nombreux conseillers de coopération et d'action culturelle. Les conditions de leur rémunération manquent également de transparence. On s'interroge, par exemple, sur les raisons pour lesquelles un agent recruté en 1984 n'a pas pu bénéficier d'une revalorisation de sa rémunération indiciaire depuis 1998.

La fragilité de leur emploi est entretenue par le maintien d'une période d'essai sur les contrats de renouvellement. Quant aux critères qui fondent le passage d'un contrat à durée déterminée à un contrat à durée indéterminée, ils sont particulièrement flous.

Le ministre entend-il fixer un véritable cadre de gestion des agents non titulaires en associant les syndicats et les associations représentatives ? En particulier, envisage-t-il d'instaurer une véritable grille des salaires et de rendre plus transparentes les conditions d'embauche ? Plus largement, quelles conclusions tirera-t-il du Livre blanc sur l'avenir de la fonction publique ?Si l'on fait abstraction de la proposition très critiquable de renforcer le recours aux contrats de droit privé dans la fonction publique, ce document contient des propositions qui amélioreraient la situation des non titulaires actuellement sous contrat aux Affaires étrangères. Il est par exemple intéressant de vouloir les faire bénéficier des mêmes modalités d'évaluation, d'affectation et de rémunération fonctionnelle que les titulaires. Et l'idée de négocier des d'accords collectifs pour l'ensemble des questions qui les concernent est également opportune. Les agents contractuels, nombreux dans ce ministère, attendent des réponses précises.

M. Eric Besson, secrétaire d'État chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et du développement de l'économie numérique.  - Je vous prie d'excuser M. Kouchner qui est également en Tunisie.

Il me prie de vous rappeler que l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 portant statut de la fonction publique soumet le recrutement d'agents contractuels sur des emplois permanents de l'État à des conditions très restrictives : s'il n'existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; pour les emplois de catégorie A et, dans les représentations de l'État à l'étranger, pour les autres catégories, lorsque la nature des fonctions ou le besoin le justifient. Les postes permanents de l'État ont en effet vocation à être pourvus par des titulaires. C'est pourquoi il n'est pas possible à ce jour de recruter directement en contrat à durée indéterminée. Pour limiter le recours abusif à des agents contractuels, la loi Dutreil du 26 juillet 2005 a imposé à l'administration de conclure un CDI au-delà d'une durée de six années de contrats successifs.

Pour sa part, le ministère des affaires étrangères et européennes a mis en place une procédure de « cé-dé-isation » d'agents contractuels dont il souhaite s'attacher les services de manière permanente et, au total, plus de 310 personnes ont obtenu un contrat à durée indéterminée depuis la loi Dutreil. Autre innovation spécifique à ce ministère, ces agents ont désormais vocation à être gérés comme des titulaires en termes de mobilité professionnelle et géographique.

La rémunération des agents contractuels à durée déterminée recrutés en administration centrale fait désormais l'objet d'une procédure de cotation préalable du poste de travail. La fourchette de rémunération pour chaque poste est fixée en tenant compte des fonctions proposées, du niveau de responsabilité, du profil de l'agent recherché et de l'expérience professionnelle. Depuis le 1er janvier 2007, aucun agent recruté en CDD en administration centrale n'a été recruté à un niveau de rémunération inférieur à celui d'un agent titulaire exerçant des fonctions comparables. Lorsque des compétences techniques spécifiques sont recherchées, la rémunération est même fixée par référence aux rémunérations pratiquées sur le marché du travail. Cette fourchette de rémunération figurant dans toutes les offres d'emplois publiées avant recrutement, c'est donc en pleine connaissance de cause que les candidats peuvent contacter la Direction des ressources humaines. La décision finale de recrutement qui valide la rémunération est prise sur avis d'une commission de recrutement où siègent les services de la DRH, le Contrôleur financier et les services employeurs. Cette nouvelle procédure a permis de mieux ajuster les qualifications des agents aux fonctions réellement exercées.

Enfin, la mention d'une période d'essai sur le renouvellement de contrats d'agents est maintenue lorsque l'agent est amené à changer de fonctions. En revanche, elle ne figure plus dans les contrats de renouvellement sur les mêmes fonctions. En tout état de cause, une telle mention n'a jamais été utilisée pour rompre un contrat de renouvellement.

Les syndicats et les associations représentatives de ces contractuels ont été associés à la réflexion menée pour remédier aux difficultés constatées dans le passé. Cette réflexion commune a été menée dans le cadre d'un groupe de travail qui s'est réuni quatre fois depuis mai 2007 et elle a porté sur cinq thèmes : effectifs, recrutement, modalités de gestion, fin de contrat/reconversion et dialogue social. Des progrès ont été enregistrés en matière de représentation paritaire et l'administration de ce ministère continue à travailler à l'amélioration des conditions de travail et de rémunération de tous les agents, en association étroite avec les organisations syndicales et les associations représentatives.

M. Richard Yung.  - Je prends acte de progrès certains et je me réjouis de ces nouvelles procédures améliorant la transparence. Mais 310 personnes, sur un total de près de 10 000 contractuels en administration centrale ou locale, c'est peu... Encore un effort !

Contrôle parlementaire sur Europol

M. Hubert Haenel.  - Le traité de Lisbonne prévoit l'association des parlements nationaux au contrôle politique d'Europol. En 2005, lorsqu'ils se sont exprimés par référendum, les Français trouvaient certes que l'Europe en faisait trop mais, dans certains domaines, telle la coopération policière, qu'elle n'en faisait pas assez ! Notre délégation pour l'Union européenne a déjà pris position sur cette question, comme la commission des lois, et comme le Sénat tout entier, qui a voté une résolution sur ce sujet.

Contrôle parlementaire signifie contrôle par le Parlement européen mais aussi par les parlements nationaux ; or, il n'y aura de base juridique à l'intervention de ces derniers que lorsque le traité de Lisbonne aura été ratifié, soit, je l'espère, d'ici la fin de l'année.

Mais n'attendons pas pour réfléchir au contenu du règlement qui devra être pris. La France lorsqu'elle exercera la présidence de l'Union sera bien placée pour attirer l'attention de la Commission sur cette affaire. Le Gouvernement pourra-t-il alors lui demander de mener à l'automne le travail nécessaire afin que le contrôle par les parlements nationaux soit effectif en 2009 ?

M. Eric Besson, secrétaire d'État chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et du développement de l'économie numérique.  - Les autorités françaises sont très attachées au renforcement de la coopération policière. Le 18 avril a été adopté à l'unanimité un accord politique sur l'intégration d'Europol dans l'ordre juridique européen -jusqu'à présent, l'instance était régie par une convention et toute révision exigeait une conférence diplomatique et la ratification de conventions modificatives. Nous gagnons en souplesse...

C'est une première étape ; quant au contrôle par le Parlement européen, auquel les parlements nationaux sont associés, votre souhait de concrétiser cette innovation dans les plus brefs délais est parfaitement légitime. Néanmoins, la première chose est de faire entrer en application -en octobre prochain- l'accord du 18 avril. Plusieurs textes d'application seront nécessaires : un gros travail !

Il convient aussi d'éviter de troubler l'examen du traité de Lisbonne dans les États qui n'ont pas encore autorisé sa ratification. Toute anticipation est nécessairement limitée. Les autorités françaises encourageront néanmoins la Commission, qui dispose du pouvoir d'initiative, à entamer ses réflexions sur Europol -quand la rédaction des textes d'application de l'accord politique sera achevée.

Enfin le traité prévoit à propos d'Europol une réflexion d'ensemble, incluant la collecte et les échanges de données policières, la coopération opérationnelle, etc. Il faudra donc y consacrer une période de large concertation, durant laquelle les parlements nationaux et européen pourront faire valoir leurs analyses sur leur association au contrôle politique d'Europol.

M. Hubert Haenel.  - Bref, il est urgent d'attendre ! Alors que la convention qui a décidé d'instaurer ce contrôle politique l'a fait à l'unanimité ! Heureusement que les Français qui ont voté non au référendum n'entendent pas votre réponse, ils seraient confortés dans leur refus, car avec de tels arguments vous décourageriez les plus convaincus des Européens ! Mais comptez sur moi pour inciter tous les parlements nationaux -ils se réunissent bientôt au sein de la Cosa- à exiger que la Commission se saisisse de cette question. Et je demanderai à Jacques Barrot, puisque M. Frattini quitte ses fonctions, de se pencher sur le problème. Nous n'accepterons pas que le Parlement européen grignote tous les pouvoirs et que les parlements nationaux soient laissés à l'écart.

Fonctionnement de certaines sous-commissions départementales

M. Claude Biwer.  - Les élus meusiens sont perplexes devant le mode de fonctionnement de la sous-commission départementale pour la sécurité contre les risques d'incendie et de panique et de la sous-commission pour l'accessibilité des personnes handicapées.

Elles doivent examiner les dossiers relatifs aux établissements recevant du public et aux immeubles de grande hauteur. Je participe souvent à leurs réunions pour y représenter ma commune. L'examen de chaque dossier dure moins de deux minutes. Mais le déplacement me prend trois heures ! Certes, les élus locaux peuvent adresser leur avis par écrit. Mais ils ignorent la position des autres administrations. Et, par écrit ou lors de ces réunions éclair, aucun échange de vues n'est possible.

Peut-on envisager des réunions décentralisées en sous-préfecture ? Un échange de courriers pour préciser les positions des uns et des autres ? Je suis certain que Mme la ministre de l'intérieur a les mêmes problèmes dans son département...

M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer.  - Les commissions peuvent s'adapter aux spécificités locales. Dans la Meuse, les deux sous-commissions que vous mentionnez se sont réunies lors de quinze sessions ; elles ont examiné 236 dossiers.

En outre, le préfet peut réunir la sous-commission départementale en sous-préfecture ou dans tout lieu plus proche des élus locaux concernés par l'ordre du jour. Cette possibilité induit toutefois des contraintes, notamment en matière de secrétariat.

Enfin, conformément à l'arrêté préfectoral du 18 décembre 2006 relatif à la CCDSA, les maires doivent impérativement assister à la réunion ou s'y faire représenter lorsque la commission examine le dossier d'établissements recevant du public de première catégorie. Dans les autres cas, les maires peuvent être représentés par un de leurs adjoints ou formuler un avis écrit et motivé. Il est vrai qu'aucun dialogue n'est alors possible...

Je vous invite à prendre contact avec le préfet de la Meuse, afin d'élaborer une solution de bon sens.

M. Claude Biwer.  - Je vous remercie pour cette réponse, que j'enregistre avec satisfaction, car les services départementaux ne m'avaient pas tenus exactement le même langage...

J'ajoute qu'il serait utile de connaître à l'avance les questions soulevées par les dossiers inscrits à l'ordre du jour.

Alerte au tsunami à la Réunion

Mme Anne-Marie Payet.  - À la suite du tsunami qui a dévasté l'océan Indien en décembre 2004, le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie avait annoncé que la Réunion -où sont implantés Météo France, l'Institut de physique du globe de Paris et le Bureau d'études géologiques et minières- pourraient accueillir un pôle de prévention des catastrophes naturelles à grande échelle. Deux mois plus tard, le gouvernement français confirmait à l'Unesco que la Réunion pourrait jouer un rôle essentiel dans l'alerte au tsunami dans l'océan Indien. Cet ambitieux projet comportait la création d'un centre national d'alertes multirisques.

Aujourd'hui, un rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques déplore l'attentisme inacceptable de la France et souligne que le dispositif en place est décevant par rapport au projet initial. Le retard pris dans l'installation de nouveaux marégraphes est également souligné.

Certes, l'océan indien n'a comptabilisé que 4 % des tsunamis au cours du XXe siècle, contre 77 % dans le Pacifique, mais celui du 26 décembre 2004 a fait plus de victimes que tous les tsunamis enregistrés depuis l'Antiquité ! Aucune côte n'est à l'abri d'un tel phénomène, qui peut atteindre une ampleur inégalée.

En septembre 2006, des spécialistes internationaux, réunis lors d'un séminaire sur les risques naturels, ont souligné que la Réunion n'était pas à l'abri d'un tsunami dévastateur suscité par un séisme ou par l'effondrement du piton de la Fournaise. Un tel événement, évoqué par un éminent spécialiste, M. Karim Kelkoun, provoquerait l'apparition de vagues pouvant atteindre quarante mètres de haut à Saint-Denis de la Réunion, soixante mètres en d'autres points de l'île et jusqu'à cent mètres de haut sur les côtes de Maurice !

L'Office parlementaire a formulé 19 recommandations afin de mettre ce dispositif d'alerte à la hauteur de celui en vigueur dans l'océan pacifique. Il propose ainsi de confier au CEA la mission de centre d'alerte au tsunami pour la Méditerranée, l'Atlantique du Nord-Est, les Antilles et l'océan indien. Il suggère de créer un comité de pilotage chargé de mettre en place un système national d'alerte au tsunami. Il recommande de mandater le service hydrographique et océanographique de la marine pour qu'il coordonne la mesure de hauteur d'eau en France et adapte le réseau de marégraphes afin que les données soient recueillies instantanément.

Quelle est la position du Gouvernement sur ce dossier ?

M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer.  - A la suite de la catastrophe du 26 décembre 2004, la création d'un système d'alerte au tsunami dans l'océan indien a été décidée en mars 2005 sous l'égide de la Commission océanographique internationale de l'Unesco. Les vingt-sept pays de l'océan Indien ont en général désigné leur service météorologique comme référent ; la France, pour sa part, a décidé d'établir à la Réunion un Centre national d'alerte au tsunami dans l'océan indien (CNATOI).

Météo France fournit l'infrastructure du CNATOI, lui-même adossé au Centre météorologique spécialisé et de prévention cyclonique de la Réunion. Depuis avril 2005, les messages des centres d'alerte d'Hawaï et de Tokyo y sont reçus et rediffusés aux États de la zone. En outre, un programme d'équipement des services météorologiques des autres pays concernés complète ceux de l'Organisation météorologique mondiale et de la Commission de l'océan Indien. Le préfet de la Réunion, ceux de Mayotte et des Terres australes et antarctiques françaises sont systématiquement destinataires des alertes transmises par le CNATOI.

J'en viens au réseau de mesure. Un marégraphe a été installé à la Réunion en octobre 2007 ; deux autres sont prévus dans la région d'ici 2009, dont un à Madagascar. En outre, un marégraphe doit être opérationnel à Mayotte en 2008.

Parmi les stations sismiques du réseau Géoscope, celles de la Réunion et de Canberra ont été installées en 2007, la station du Crozet sera raccordée courant 2008 et celles de l'île d'Amsterdam en 2009. Un sismographe sera installé à Madagascar cette année ; celui de Djibouti fera prochainement l'objet d'une remise à jour. Ainsi, deux marégraphes et cinq sismographes ont déjà renforcé le système d'alerte.

Ces actions sont conduites dans le cadre de l'aide apportée aux pays victimes du tsunami du 26 décembre 2004, dont la direction générale de la coopération internationale et du développement a confié la réalisation à Météo France, pour un montant de 1 472 000 euros. Les difficultés de toute nature rencontrée dans le déploiement des capteurs de mesure dans l'océan Indien, ainsi que la nécessité de nouvelles études, expliquent le prolongement de la convention avec Météo France jusqu'à la fin 2009 pour achever les actions engagées.

Les recommandations du rapport que vous avez cité font l'objet d'une attention particulière de tous les participants à la lutte contre les tsunamis. En particulier, la localisation du centre national d'alerte confié au CEA devrait être arrêtée dans quelques jours. Vous le voyez, l'action de l'État n'a pas faibli depuis 2005.

Mme Anne-Marie Payet.  - Je vous remercie pour ces précisions, qui devraient apaiser les élus et les populations concernées. Nous aurions certainement déploré moins de victimes à Sumatra si un système d'alerte avait existé dans l'océan indien.