Modernisation de l'économie (Urgence - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de modernisation de l'économie.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°953, présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de modernisation de l'économie (n°398, 2007-2008).

M. Michel Billout.  - J'ai l'honneur d'inaugurer cette session extraordinaire (applaudissements à gauche) ; je m'étonnerai seulement qu'un projet de loi d'une telle importance soit discuté lors d'une session extraordinaire.

L'exposé des motifs du projet illustre l'usage par le Gouvernement de la notion de « modernisation ». On nous a présenté une série de textes qui prétendent moderniser la France : ses institutions, son économie, son marché du travail. Sous couvert de modernisation, ces textes représentent autant de reculs démocratiques, sociaux et économiques. Mais qu'importe : ces reculs sont considérés par le Gouvernement comme extrêmement modernes. Il s'agit d'une belle illustration de la méthode Coué.

On lit ainsi dans l'exposé des motifs que ce texte a l'ambition de stimuler la croissance et les énergies, en levant les blocages structurels et réglementaires. Il faudrait à la France plus d'entreprises et plus de concurrence. Mais on nous propose toujours plus de déréglementation. Rien de bien nouveau en fait...

Dans un décidément très lyrique exposé des motifs, on lit encore que le texte veut faire souffler sur notre économie un vent de liberté au service de la croissance et de l'emploi. S'il faut rendre hommage au Gouvernement, c'est pour sa constance : la loi Tepa, déjà, devait relancer l'activité, grâce, pouvait-on lire dans son exposé des motifs, à la réhabilitation du travail, outil de revalorisation du pouvoir d'achat et de lutte contre la pauvreté au travail. La suite a prouvé que la réalité ne s'était pas pliée à ces déclarations d'intention. Car enfin, en toute objectivité, que constate-t-on ? Les seules mesures de cette loi qui aient été pleinement appliquées sont les allégements de la fiscalité du patrimoine, dont l'optimisation de l'ISF, cet impôt que certains souhaitent voir disparaître.

M. Philippe Marini, rapporteur de la commission spéciale.  - Ce serait plus simple !

M. Michel Billout.  - Où est passée la réhabilitation du travail ? Aucun coup de pouce au Smic ce 1er juillet, alors que les prix des produits de consommation ne cessent d'augmenter ! Et vous vous apprêtez à remettre en cause la réduction du temps de travail en favorisant le retour à des horaires aussi atypiques qu'excessifs. Où est la réhabilitation du travail lorsque n'importe quel emploi précaire ou saisonnier va devenir une offre raisonnable d'emploi qu'on sera contraint d'accepter sous peine de voir ses allocations réduites ? Pour réduire le chômage, nous dit-on ; parlons-en, du chômage ! Le Gouvernement se glorifie d'une baisse sans précédent du nombre de chômeurs ; mais les chiffres qu'il donne sont ceux des chômeurs de catégorie 1. Si l'on prend en compte toutes les catégories, les dispensés de recherche d'emploi, les Rmistes ou les chômeurs outre-mer -le nombre de ces derniers suffit à faire franchir la barre des deux millions-, on arrive, selon les Assedic, source incontestable, à 3 391 680 demandeurs d'emploi, dont près de 1 400 000 ne perçoivent aucune indemnité et moins de 48 % bénéficient d'une allocation au titre des régimes conventionnels. Le nombre de personnes privées d'emploi non indemnisées est en progression constante depuis le printemps 2007. Voilà la réalité, la France ne cesse de s'appauvrir. Pour la réhabilitation du travail, il faudra repasser !

Et vous persévérez avec ce texte : il suffira d'être auto-entrepreneur pour que tout s'arrange... (M. Jean Desessard approuve) La réhabilitation du travail laisse la place à la concurrence libre et non faussée. En 2007, situation inédite, il s'est plus créé en France d'entreprises que d'emplois : malgré les innombrables blocages dont on nous rebat les oreilles, l'esprit d'entreprise ne se porte pas si mal... Il est vrai que tous les montages sont possibles, tous les cantonnements juridiques pour faire naître dix entités d'une seule, créant par la même occasion des flux financiers croisés sources de bien des avantages fiscaux... (M. Jean Desessard approuve) Il se crée beaucoup d'entreprises, c'est un fait ; mais pour quelle efficacité ? Le nombre fait-il la qualité ? Carrefour, MacDonald, Leclerc usent et abusent des multiples innovations juridiques qu'on met à leur disposition, des PME se créent pour exploiter un magasin dans la distribution de textiles, de chaussures ou de viennoiseries, qui se contentent ensuite de vivre de l'existence de leur nom commercial. Où sont ces fameuses rigidités dans lesquelles notre droit serait enserré, sinon dans l'imagination de ceux qui veulent renforcer encore leur position dominante ? Et je ne parle pas des conséquences pour les relations sociales dans ces PME, des horaires atypiques, des bas salaires, de la répression antisyndicale, de la négation du droit à la formation.

Le présent projet de loi ne propose rien de nouveau, sinon de faire plus. Le vent de la liberté va souffler, panacée pour la croissance du pays, de l'Europe et du monde. Mais on y retrouve aisément la trace des attentes de tel ou tel groupe ou commanditaire. Loi de modernisation de l'économie ? Loi Lidl, loi Carrefour, loi Bolloré ! C'est tellement évident ! Des cadeaux faits à Bouygues pour qu'il puisse développer ses réseaux, à Numéricâble pour asseoir son monopole, à Lagardère pour que son empire enfle sans risque ! Et les marges arrière seront intégrées aux conditions générales de vente...

Nous n'aurons pas plus de concurrence mais plus de profits, toujours plus de profits ! Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme, la loi est l'expression de la volonté générale. Mauvaise illustration que ce texte, qui promet une République confisquée, une République dont on fait l'étalage pour vendre les centrales nucléaires d'une entreprise encore publique, mais dont certain grand groupe privé tirera profit. On déroule le tapis rouge à quelques dirigeants étrangers, mais on fait du chiffre en renvoyant des sans-papiers qu'on a fait trimer pendant des années ! Quelle est cette république où la fiscalité devient un outil au service des profits et des plus aisés ?

Votre enthousiasme sur la croissance 2007, madame la ministre, n'est pas partagé par les Français ; eux subissent l'angoisse du lendemain, la hausse des prix, la pression sur les salaires -et votre politique archaïque. Vous ne proposez que des mesures toutes plus libérales les unes que les autres, au service de quelques grands groupes clairement identifiés. Rien de moderne, rien qui réponde aux préoccupations de nos concitoyens. En votant la question préalable, nous refuserons cette modernité-là ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean Desessard.  - Belle analyse !

M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale.  - Nous venons de passer minuit, la France préside l'Union européenne à mi-parcours de la mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne. C'est l'occasion de faire gagner la France et l'Europe dans la globalisation.

Ce texte répond pour partie à cet enjeu ; et nous avons un rendez-vous le 19 décembre avec la flexisécurité devant le Conseil des ministres de l'Union. Nous devons plus que jamais poursuivre nos débats parce qu'il faut libérer les énergies, équilibrer nos territoires, maîtriser les prix ; parce que le très haut débit, comme l'ont excellemment dit MM. Retailleau et Leroy, doit être développé partout ; parce que notre place financière doit être modernisée afin que Londres ne devienne pas l'unique pôle magnétique de l'Union. Oui, ce texte doit être débattu. (Marques d'approbation à droite)

La motion n°953 est mise aux voix par scrutin public à la demande du groupe CRC.

M. Daniel Raoul.  - Nous partageons sur le fond l'argumentation du groupe communiste, mais nous aurions préféré voter une motion de renvoi en commission afin d'avoir réellement le temps d'étudier ce texte. C'est pourquoi nous nous abstiendrons sur la question préalable.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 327
Nombre de suffrages exprimés 230
Majorité absolue des suffrages exprimés 116
Pour l'adoption 28
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

Discussion des articles

Division additionnelle

M. le président. - Amendement n°507, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC.

Avant le titre premier, ajouter une division additionnelle et un article ainsi rédigés :

Titre premier A

Dispositions relatives au pouvoir d'achat des personnels des grandes surfaces de distribution

Article premier AA

Le Gouvernement remet au Parlement avant le 31 décembre 2008, un rapport sur l'ampleur et l'opportunité du travail à temps partiel dans le secteur de la grande distribution, ainsi que sur le pouvoir d'achat des salariés de ce secteur.

Mme Odette Terrade.  - Le rapporteur a indiqué que ce projet de loi portait sur la croissance et le pouvoir d'achat. Cet amendement a trait au pouvoir d'achat : il propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le travail à temps partiel dans la grande distribution. Le secrétaire d'État chargé du commerce a indiqué à l'Assemblée nationale être conscient de l'ampleur du problème, souligné par plusieurs rapports sur la grande distribution. Quelles suites leur seront données ?

Comment vivre aujourd'hui avec un salaire correspondant à 27 heures rémunérées au Smic horaire ? Les caissières aimeraient travailler plus pour gagner plus ! En outre, comment concilier vie professionnelle et familiale avec des horaires décalés s'étendant sur les soirées et les dimanches ? Ce travail partiel et précaire, imposé aux femmes, ne contribue pas à l'objectif d'égalité salariale contenu dans un énième texte sur ce sujet voté pendant la précédente législature. Et au début de l'année, une grève historique des salariés de la grande distribution a touché 80 % des enseignes.

En ne prenant aucune disposition sur le temps partiel, en refusant d'augmenter clairement le Smic et d'encadrer la durée du travail, vous contribuez à accroître le nombre déjà important de salariés pauvres. Le rapport que nous proposons aiderait à lutter contre cette précarité.

M. Laurent Béteille, rapporteur de la commission spéciale.  - La commission ne souhaite pas que soit commandé un nouveau rapport car le Parlement peut étudier cette question dans le cadre de sa mission de contrôle. En outre, nous ne sommes pas au coeur du sujet. Avis défavorable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Madame Terrade, vous m'avez cité à l'Assemblée nationale : je n'ai pas changé d'avis.

Mme Odette Terrade.  - Dommage !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Le Conseil économique et social a publié en février 2008 une étude sur l'emploi des femmes à temps partiel dans la grande distribution, et la branche professionnelle s'est penchée sur cette pratique. Ces rapports préconisent le développement de la polyactivité des salariés par le biais d'actions de formation professionnelle continue. Le constat est partagé et la négociation doit permettre de régler le problème. Avis défavorable.

Mme Nicole Bricq.  - L'amendement du groupe CRC va dans le bon sens, même s'il prévoit la remise du rapport à une date trop rapprochée. Dans le secteur de la grande distribution, les gains de productivité avalent l'emploi, qui est de mauvaise qualité et mal rémunéré. Il est bien de se prononcer sur ce sujet avant le début des négociations sur l'abus du temps partiel. Nous voterons cet amendement.

M. Jean Desessard.  - Madame la ministre, l'étude sur la filière poisson que vous avez annoncée a-t-elle été rendue publique ? Vous avez, dans un premier temps, consenti à vous inquiéter des écarts importants entre le prix des poissons à la descente du bateau et sur les étals, et puis vous en avez conclu qu'il n'y avait pas d'abus. J'aimerais savoir où se situent les marges !

M. Philippe Marini, rapporteur de la commission spéciale.  - Ce n'est pas vraiment le sujet.

M. Jean Desessard.  - De la même façon, M. Novelli reconnaît qu'il y a un gros problème dans la grande distribution. Vous défendez un projet de loi sur le pouvoir d'achat et vous ne prévoyez rien pour lutter contre un problème reconnu par tous ? Vous prônez la négociation mais tout le monde s'accorde à dire que les acteurs de la grande distribution détiennent un pouvoir énorme. Vous affirmez que la loi pourrait défendre les plus faibles mais sans rien proposer. Votre position illustre vraiment l'esprit de ce texte.

L'amendement n°507 n'est pas adopté.

Article premier A

Le particulier employeur est un acteur économique et social à part entière qui participe à la croissance sans pour autant poursuivre de fin lucrative au moyen des travaux de son ou ses salariés.

M. le président.  - Amendement n°186, présenté par M. Béteille, au nom de la commission.

Supprimer cet article

M. Laurent Béteille, rapporteur de la commission spéciale.  - Cet amendement de suppression va de pair avec un amendement après l'article 5, qui transfère à la fin du chapitre premier les dispositions instituées par l'Assemblée nationale pour définir les particuliers employeurs. Ceci afin que le texte débute sur l'article traitant du régime fiscal et social des micro-entreprises, conformément à l'intitulé du chapitre premier.

M. le président.  - Amendement identique n°323, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Daniel Raoul.  - Cet article, purement déclaratif, permettra cependant au secteur concerné d'éviter les inspections du travail, alors qu'on est employeur, quel que soit le nombre de ses employés. Le contrat de travail lie, eût-il la forme d'un chèque emploi service. Dès lors que des salariés travaillent dans un local, quel qu'en soit la nature, ils sont couverts par le code du travail et, partant, l'inspecteur du travail a le droit de visiter ce local. La seule restriction, pour les locaux d'habitation, est qu'ils doivent obtenir l'autorisation d'y pénétrer. Tout refus doit être justifié. A défaut, l'obstacle ainsi opposé peut faire l'objet d'un procès-verbal et d'une condamnation à 3 750 euros d'amende ou un an de prison.

Ce n'est ni le nombre d'employés ni le lieu qui font la qualité d'employeur. Si l'inspection du travail doit intervenir, c'est à elle de juger comment opérer avec discernement. Oubliez-vous les cas d'esclavage domestique dont sont victimes tant de jeunes femmes ? Ils relèvent avant tout du droit pénal. Imposer des conditions de travail ou d'hébergement dégradantes est passible de cinq ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende. Il n'y a pas lieu de modifier cet arsenal juridique.

M. le président.  - Amendement identique n°451, présenté par Mme Beaufils et les membres du groupe CRC.

M. Thierry Foucaud.  - Ainsi donc, la quintessence de la modernité économique serait le développement de l'emploi à domicile par la création d'un statut du particulier employeur. Étrange conception de la modernité ! Cet article, introduit à l'Assemblée nationale par Mme Vautrin, a pourtant reçu l'agrément et de la commission et du Gouvernement. Au-delà de la déclaration de principe, rien qui ait la moindre valeur normative. Un député n'a d'ailleurs pas manqué de le rappeler : 1,6 million de salariés, travaillant le plus souvent à plein temps, sont concernés. Ce n'est pas rien. Ils ont besoin d'une reconnaissance garantissant la qualité du service qu'ils sont appelés à rendre. Nous devons, ajoutait-il, les considérer comme des professionnels à part entière et leur reconnaître les droits que leur confère le code du travail, tant qu'il en subsiste un...

J'ajoute qu'une bonne part de ce qui est confié au seul réseau des employés à domicile devrait être assurée par la collectivité : je pense à l'assistance aux personnes âgées et à la prévention de la dépendance, qui devraient relever du service public.

Cette disposition de pur affichage ne règlera ni le problème de la précarité ni celui de la faiblesse des rémunérations.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Favorable à l'amendement n°186 du rapporteur, défavorable aux amendements n°323 et n°451. Contrairement à ce que vous pensez, donner dans la loi une définition du particulier employeur n'est pas sans portée. C'est une profession qui se développe et évolue ; il est temps que le législateur s'y intéresse.

Les amendements identiques n°s186, 323 et 451 sont adoptés et l'article premier A est supprimé.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°539, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC.

Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 235 ter C du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art.... - A compter du 1er septembre 2008, les sociétés dont l'objet principal est d'effectuer la première transformation des hydrocarbures ou de distribuer les produits issus de cette transformation, sont assujetties à une contribution égale à 45 % de l'impôt sur les sociétés calculée sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés au I et IV de l'article 219. »

M. Michel Billout. - .  - Il y a quelques semaines, notre collègue, M. Le Cam, à l'occasion d'une question d'actualité, vous demandait, madame la ministre, ce que comptait faire le Gouvernement face à la flambée des prix de l'énergie. L'impatience de nombreux professionnels prenait alors des allures de révolte. Révolte d'autant plus légitime que les Français subissent déjà de plein fouet la flambée des prix de l'alimentaire et que la spéculation sur les prix du pétrole est prétexte à augmenter les prix des matières premières ou celui du gaz, abusivement indexé sur celui du pétrole. Les habitants de nos villes doivent déjà faire face à des loyers prohibitifs, et ceux des campagnes n'ont pas le choix de leur mode de transport : la situation ne peut plus durer. Le désengagement de l'État ne cesse de s'aggraver. M. Wauquiez nous a expliqué que le Gouvernement avait prévu un tarif de première nécessité pour l'électricité et un tarif social de solidarité pour le gaz. Nous aurions espéré un peu plus de vergogne après le démantèlement du service public de l'énergie et la remise en cause de la péréquation tarifaire.

Vos campagnes publicitaires elles-mêmes ne suffisent pas à masquer votre incurie.

L'augmentation de la prime à la cuve, que nous demandons depuis des mois, est présentée comme un effort sans précédent. Il faut relativiser. L'effort, pour Total, ne représente pas plus de 1 % de ses bénéfices alors que l'entreprise a gaspillé plus de 1,8 milliard pour racheter ses propres actions.

Il est temps d'agir. Des solutions existent. Notre amendement, résolument tourné vers la « modernité », tient compte des évolutions en prévoyant une taxe sur les profits de sociétés pétrolières.

M. Laurent Béteille, rapporteur de la commission spéciale.  - Vous entendez créer un nouvel impôt sur la transformation et la distribution d'hydrocarbures. Est-ce bien le moment ? En tout état de cause, il est étranger à ce texte et aurait mieux sa place dans la discussion budgétaire. Défavorable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est attentif aux difficultés suscitées par l'augmentation des prix de l'énergie. C'est pourquoi Mme Lagarde a institué une prime à la cuve pour les ménages modestes, dont le financement est assuré par une taxe exceptionnelle ou un versement alternatif au fonds social.

Dans le cadre du processus de concertation engagé entre le Gouvernement et les entreprises pétrolières, sous l'égide du ministre de l'économie, Total s'est engagé à renouveler sa contribution de 150 à 200 euros par foyer. Il ne serait pas soutenable de multiplier les dispositifs. Défavorable.

L'amendement n°539 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°508, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC.

Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Afin de contribuer à l'objectif gouvernemental affiché de revalorisation du pouvoir d'achat, le gouvernement organise un Grenelle des salaires, reposant sur une négociation entre les représentants syndicaux, patronaux et l'État. Il se conclura par la négociation d'accords de branche et d'accords d'entreprises avant le 1er novembre 2008.

En vue de la tenue d'une conférence sociale tripartite sur les salaires, d'ici le 31 décembre 2008, dans chaque branche les partenaires sociaux doivent avoir engagés et conclu des accords portant revalorisation des minima salariaux au niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance.

Mme Odette Terrade.  - Il faut organiser rapidement un Grenelle des salaires, car les rémunérations stagnent alors que la précarité s'aggrave. La France devient un pays à bas salaires ; elle deviendra aussi un pays à population pauvre si l'on poursuit la casse du travail engagée par le Gouvernement et sa majorité.

De très nombreuses familles sont à la merci du moindre accident de parcours, qui les condamne au surendettement. Elles voient partir des personnes en vacances, mais ne peuvent que rêver d'en faire autant. Je pense aux caissières des grandes surfaces, mais aussi à de nombreux fonctionnaires, surtout parmi les retraités.

Nous assistons à la précarisation accélérée des classes moyennes, prises à la gorge par la hausse des dépenses courantes.

Les entreprises souffrent non pas de salaires trop élevés mais de l'appétit insatiable de profit. Pourtant, à l'Assemblée nationale, vous avez conditionné la hausse salariale à la baisse des charges, ce qui revient à faire payer la hausse des rémunérations par les salariés, en rognant sur la solidarité nationale ! Gagner plus grâce aux heures supplémentaires ? Seuls les employeurs en décident ! En outre, la plupart des salariés travaillant à temps partiel aimeraient occuper un emploi à temps plein.

Le pays ne s'est jamais aussi bien porté que lorsque les salariés pouvaient vivre avec leur salaire, dont le pouvoir d'achat s'accroissait ; il ne s'est jamais aussi bien porté que lorsque les salariés étaient convaincus que leurs enfants vivraient mieux. Aujourd'hui, le pays régresse, alors qu'une économie moderne doit bien rémunérer ses salariés, car la justice sociale est au coeur de la modernité. (M. Jean Desessard applaudit)

M. Laurent Béteille, rapporteur de la commission spéciale.  - Cette injonction est inconstitutionnelle et étrangère au projet de loi.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Même avis.

Au demeurant, le Gouvernement ne reste pas inactif. Ainsi, Mme Lagarde a réuni les partenaires sociaux le 23 octobre pour une conférence sur l'emploi et le pouvoir d'achat. Les entreprises qui ne négocient pas, alors qu'elles y sont tenues, perdront le bénéfice des allégements généraux de charges. Lorsque les minimums conventionnels sont inférieurs au Smic, ces allégements seront diminués si la grille des salaires n'est pas améliorée d'ici 2010.

Le Gouvernement agit donc, tout en privilégiant la concertation avec les partenaires sociaux.

M. Daniel Raoul.  - Mon explication s'appliquera aux trois amendements présentés par le groupe CRC avant l'article premier.

L'amendement n°539 n'a pas sa place dans ce texte, mais il faudra y revenir lorsque nous examinerons le budget pour 2009.

Il est exact que la contrainte inscrite dans l'amendement n°508 est inconstitutionnelle, mais le rôle des syndicats est bien posé. Le Gouvernement doit organiser une grande négociation salariale.

Enfin, le rapport demandé à l'amendement n°510 couperait l'herbe sous les pieds des syndicats dans les négociations à venir. J'y vois donc un amendement d'appel. Nous nous abstiendrons à chaque vote.

L'amendement n°508 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°510, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC.

Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement un rapport avant le 31 octobre 2008 sur les conséquences de la très faible revalorisation du salaire minimum interprofessionnel de croissance ces dernières années sur le pouvoir d'achat des salariés à revenu modeste.

M. Michel Billout.  - Ces dernières années, la revalorisation du Smic a été très modeste. En outre, le dernier conseil des ministres a confirmé qu'un projet de loi serait présenté sur le Smic, les salaires et les primes d'intéressement. Le Gouvernement aura sans doute à coeur de l'inscrire à l'ordre du jour parlementaire dès le début de la session ordinaire.

La politique du Gouvernement est fondée sur l'engrenage d'un Smic non revalorisé, de salaires qui baissent et de l'inflation qui revient. Le candidat Sarkozy avait pourtant dit que les salaires français étaient faibles et que les entreprises devraient les revaloriser, puisque l'État réduirait leurs charges. Cette dernière promesse est tenue, nous en convenons, mais les entreprises restent délestées de toute obligation envers la solidarité nationale : en écartant ce que l'on appelle un coup de pouce au Smic, l'État démontre qu'il n'entend pas les faire contribuer à la revalorisation des bas salaires. Ainsi, le Smic est revalorisé aujourd'hui de 0,9 %, après les 2,3 % octroyés en mai. Du jamais vu depuis 1996, mais exclusivement à cause de l'inflation qui repart. Est-ce ainsi que les 2,5 millions de salariés modestes concernés par le Smic réussiront à vivre décemment ?

Le secrétaire d'État à l'emploi ne nous rassure pas quand il dit qu'un groupe d'économistes fera des évaluations et formulera des recommandations en tenant compte de l'inflation et des perspectives salariales. Il ne nous rassure pas quand il évoque les vieilles errances où le politique faisait semblant d'accorder des cadeaux, alors qu'il signait des chèques en blanc. Celui de mai représente moins d'un euro par jour !

Il y a de plus en plus de travailleurs pauvres dans notre pays. Dans son Livre blanc, la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS) précise que 21 % des personnes hébergées en 2006 dans les foyers d'Ile-de-France travaillaient. Dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), ce taux culminait à 42 %. Voilà où conduit une politique des bas salaires !

Vous dites que le coût du travail est le principal frein à l'emploi, mais vous supprimez des services publics alors que les services de proximité sont les moins coûteux. Vous déremboursez des médicaments et vous financez le RSA sur le dos de la prime pour l'emploi, alors que 15 000 foyers fiscaux ont reçu en moyenne 16 000 euros chacun au titre du bouclier fiscal ! Bravo !

Le rapport que nous demandons favoriserait la prise en compte des réalités. Il formerait un terreau fertile pour des négociations sociales.

M. Laurent Béteille, rapporteur de la commission spéciale.  - J'aurais pu faire miennes plusieurs observations formulées par M. Daniel Raoul.

N'étant guère favorable à la production de nouveaux rapports, la commission en a supprimé plusieurs que l'Assemblée nationale avait introduits.

En outre, celui-ci est extérieur à l'objet du projet de loi, qui tend à mobiliser les entrepreneurs.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est défavorable à ce nouveau rapport. Je rappelle qu'entre 1999 et 2007, le pouvoir d'achat du Smic horaire s'est accru de 18 %. Contrairement à ce qui a été dit, cette progression est donc sensible, au point de perturber la grille salariale. Ainsi, les minimums conventionnels sont inférieurs au Smic dans de nombreuses branches.

Le Gouvernement proposera qu'une commission d'experts indépendants analyse dans un rapport public les équilibres économiques et sociaux, y compris le pouvoir d'achat des personnes concernées, dont l'amélioration reste une priorité.

L'amendement n°510 n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 1 heure pour reprendre à 16 heures.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mardi 1er juillet 2008

Séance publique

A SEIZE HEURES ET LE SOIR

Suite de la discussion du projet de loi (n° 398, 2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de modernisation de l'économie.

Rapport (n°413, 2007-2008) de M. Laurent Béteille, Mme Élisabeth Lamure et M. Philippe Marini, fait au nom de la commission spéciale.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :

- M. Adrien Gouteyron un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur l'action culturelle de la France à l'étranger ;

- M. Jean-Jacques Jégou un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur la taxation de l'industrie du médicament.

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ERRATUM

Dans le compte rendu du jeudi 26 juin 2008, à la page 37, colonne de gauche, dix-huitième ligne avant la fin, bien lire « Pierre-Yves Collombat ».