Parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles primaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence, présentée par M. Jean-Claude Carle et plusieurs de ses collègues du groupe UMP.

Discussion générale

M. Jean-Claude Carle, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires culturelles.  - Depuis son adoption par une nuit de juillet 2004, l'article 89 a éveillé bien des passions. Certains y ont vu une attaque rampante contre la parité, d'autres une remise en cause de la laïcité. Le temps est venu d'apporter un peu de clarté et de sérénité dans ces débats sans fin. Je remercie M. Détraigne, auteur d'une proposition de loi très semblable, d'avoir accepté de cosigner ce texte.

La guerre scolaire est terminée : nous ne sommes plus à l'époque où l'école des bons pères et celle des hussards noirs de la République se livraient un combat sans merci ! Aussi, le vieil adage « à école privée, fonds privés ; à école publique, fonds publics » n'a-t-il plus grande pertinence. Car si les écoles privées sous contrat perçoivent des fonds publics, c'est parce qu'elles remplissent des missions de service public et qu'elles délivrent un enseignement placé sous le contrôle de l'État. Qui pourrait encore en douter ? Il y a vingt ans, l'enseignement privé était encore largement confessionnel ; aujourd'hui, nombreux sont les parents qui inscrivent leurs enfants dans les écoles privées non plus pour des raisons philosophiques ou religieuses mais parce qu'ils apprécient la pédagogie qui y est proposée.

Je suis viscéralement attaché à ces deux principes fondamentaux : la liberté de l'enseignement et la parité entre le public et le privé.

La liberté de l'enseignement offre aux parents un véritable choix entre des formes de pédagogie différentes, dans le respect de la liberté de conscience. C'est l'article premier de la loi Debré : « L'établissement [sous contrat], tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants, sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyances, y ont accès ». Mais cette liberté a comme corollaire que nous acceptions tous de prendre en charge notre part des dépenses qui lui sont liées. Que nous soyons maires d'une commune de résidence, d'une commune d'accueil, qu'il y ait ou non sur notre territoire une école publique ou une école privée, nous devons tous participer à l'exercice de cette liberté fondamentale !

Il reste cependant, monsieur le ministre, à préciser l'étendue de ces obligations. Ce texte clarifie celles qui pèsent sur les communes de résidence ; pouvez-vous nous préciser les dépenses qui entrent dans le calcul du forfait ? Les investissements n'y entrent pas, nous confirmez-vous que leur statut est inchangé ?

Le principe de parité garantit que les élèves du public et du privé sous contrat seront traités de manière égale. Le Conseil constitutionnel a garanti successivement les droits de l'enseignement privé, puis de l'enseignement public. Le public et le privé sous contrat ont toute leur place dans notre système d'enseignement : le temps de la sérénité est venu, nous le démontrerons en apportant un peu de clarté au régime de financement des écoles élémentaires sous contrat.

En présentant son amendement qui allait devenir l'article 89 de la loi du 13 août 2004, M. Charasse déclarait ceci dans notre hémicycle : « A partir du moment où, quoi que l'on en pense sur le fond, on a voulu, à travers les conventions, aligner complètement enseignement public et enseignement privé, je suggère tout simplement que les règles de participation des communes à la scolarisation des enfants dans les écoles privées soient les mêmes que si les enfants sont scolarisés dans les écoles publiques. ». Le Sénat suivait notre collègue, avec l'avis favorable du Gouvernement, représenté par M. Copé.

Pour des raisons techniques, cette volonté s'est perdue dans des sables rédactionnels, contraignant ainsi l'État à une construction juridique complexe pour redonner à l'article 89 son sens originel : celui d'une disposition paritaire alignant le régime applicable au privé sous contrat sur celui de l'enseignement public.

Je vous propose aujourd'hui de graver cette parité dans la loi. L'article premier définit un principe simple : une commune de résidence n'aura jamais à prendre en charge les dépenses de fonctionnement liées à la scolarisation dans le privé sous contrat d'un élève dans un cas où elle n'aurait pas dû le faire pour un élève scolarisé dans le public. Une commune de résidence n'aura à acquitter cette contribution pour un élève du privé sous contrat que si l'une de ces quatre conditions est remplie : si elle ne dispose pas des capacités d'accueil dans l'école publique de sa commune ; si les obligations professionnelles des parents imposent la scolarisation dans une autre commune, sans que la commune de résidence n'ait organisé de service de garde ni de service de restauration ; si des raisons médicales imposent la scolarisation de l'enfant dans une autre commune ; enfin, si le frère ou la soeur de l'enfant est déjà scolarisé dans cette autre commune.

Ces conditions sont les mêmes que pour le public, à cette exception près : l'accord du maire n'a pas à être recherché pour l'inscription dans le privé, alors qu'il doit l'être pour le public. Certains l'ont regretté ; cependant, l'accord préalable ne serait pas conforme à la Constitution puisque le Conseil constitutionnel, en 1985, a jugé que l'exercice effectif de la liberté de l'enseignement ne pouvait pas être soumis à l'accord préalable d'une quelconque autorité locale ; ensuite, l'information du maire est déjà prévue par le code de l'éducation, nul n'est besoin d'un accord préalable ; enfin, la commune n'étant pas obligée de financer la scolarisation dans le privé hors des quatre cas précités, il n'y a pas lieu d'étendre au privé l'accord du maire, car cet accord est lié dans le public à une obligation de financer.

Je vous propose un régime autonome, respectueux de la singularité de l'enseignement sous contrat, et paritaire, où le public et le privé sont traités de manière égale. Chaque partie y gagnera : les maires sauront dans quels cas verser la contribution légale ; les établissements pourront compter que les financements leur seront effectivement versés. Actuellement, les circulaires sont claires mais leur contestation latente entretient l'insécurité juridique. La position du ministère, conforme à l'intention du législateur n'a pas été invalidée en justice. Le Conseil d'État a annulé la première circulaire d'application pour un motif de pure forme. Quant aux tribunaux administratifs, ils n'ont jamais eu à connaître que de délibérations manifestement illégales des conseils municipaux, pour refus d'appliquer la loi ou bien pour exigence d'un accord préalable du maire.

Je vous propose donc de dissiper l'insécurité juridique qui règne encore et de consacrer le principe d'un traitement paritaire du public et du privé.

Cela suppose de garantir aux établissements sous contrat qu'ils ne seront plus victimes de refus de paiement : l'article 2 prévoit, en cas de conflit, une intervention préfectorale dans un délai de trois mois. Quant à l'article 3, il supprime, par coordination, des dispositions actuelles.

L'histoire de l'article 89 de la loi du 13 août 2004 commence en 1985. Le Sénat avait souhaité alors poser le principe d'une participation de la commune de résidence au financement du privé, en confiant au préfet le soin de trancher les éventuels conflits. Notre regretté collègue Paul Séramy, rapporteur de la commission des affaires culturelles, soulignait alors que l'absence de recours possible à un arbitrage inciterait les communes à ne pas contribuer. Les faits lui ont donné raison, tout a démontré depuis combien le Gouvernement d'alors avait eu tort de refuser cet arbitrage préfectoral : je vous propose de refermer ce feuilleton vieux de près de vingt-trois ans !

La commission des affaires culturelles a adopté ce texte. Il est équilibré, respectant le libre choix des familles et la stricte parité public-privé ; il est d'application aisée, grâce aux prérogatives reconnues au préfet. Je vous propose d'adopter ce texte « gagnant-gagnant » ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.  - Le Gouvernement soutient cette proposition de loi : elle est claire, avec des solutions concrètes, pragmatiques, respectueuses de la liberté de choix des familles et qui apportent aux établissements scolaires la sécurité qu'ils demandent.

L'article 89 de la loi du 13 août 2004 visait à corriger une disparité de traitement entre le public et le privé sur le financement par la commune de résidence, de la scolarité des élèves scolarisés à l'extérieur de la commune.

L'intention était louable, l'intuition était juste. Mais l'application a donné lieu à diverses interprétations... Finalement, un accord a été signé en 2006 entre le secrétaire général de l'enseignement catholique, l'Association des maires de France (AMF) et le ministère de l'intérieur. La loi préservait bien sûr la parité entre public et privé, telle qu'elle a été posée dans la loi Debré de 1959 et jamais remise en cause depuis lors.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Hélas !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Le compromis a été repris dans la circulaire de septembre 2007. A présent, votre collègue vous propose d'ancrer les principes du compromis et de la circulaire dans la loi. On ne peut que s'en féliciter car il n'est pas souhaitable que les difficultés d'application rencontrées par les maires soient tranchées par le juge, alors même que des solutions existent.

Le compromis de 2006 a inspiré les auteurs de cette proposition qui prend en compte les réalités concrètes. La loi Debré prévoyait de financer dans les mêmes conditions le privé sous contrat et le public. C'est en s'appuyant sur ce principe incontestable que le Sénat avait adopté l'article 89, qui hélas n'a pas résolu le cas des élèves non résidents et qui est apparu imprécis et insuffisamment en phase avec les règles applicables au public.

La proposition le réaffirme : la commune de résidence sera obligée de financer un élève scolarisé dans le privé à l'extérieur de son territoire uniquement dans les cas prévus pour les écoles publiques. En revanche, ainsi que l'a fait remarquer M. de Raincourt, ni l'investissement dans l'école ni les amortissements comptables ou financiers ne figurent dans le forfait. La commune de résidence participera obligatoirement à cette dépense si elle ne dispose pas de capacités d'accueil sur son territoire, ou si l'élève est scolarisé à l'extérieur de la commune pour les motifs contraignants déjà mentionnés par le rapporteur.

Cette proposition de loi répond pleinement aux préoccupations des maires soucieux de préserver le réseau des écoles publiques, notamment en milieu rural. Les règles qui s'appliqueront à leur commune seront claires désormais, dans le respect de la parité. Aux établissements privés, le texte apporte également une garantie, un champ d'application bien délimité et incontestable. Le préfet pourra être saisi en cas de différend entre une commune et une école privée. Il disposera de trois mois pour faire connaître sa position ; alors seulement un recours contentieux pourra être engagé. Tout est fait pour éviter les contentieux. Je suis convaincu que cette proposition règlera définitivement les questions soulevées par l'article 89 et que, dans un esprit républicain, vous serez nombreux à la voter. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Yannick Bodin.  - La laïcité est un fondement de notre République et un principe qui a guidé toute l'organisation du service public de l'éducation. En 1984, le gouvernement Mauroy avait voulu mettre en place un grand service unifié. L'opinion publique, hélas !, n'était pas prête à l'accepter.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Seulement les réacs !

M. Yannick Bodin.  - En 2004, l'égalité entre les établissements publics et privés sous contrat était rompue par l'adoption du fameux article 89, qui a remis en cause la laïcité comme fondement de l'organisation de l'enseignement scolaire. La participation forfaitaire des communes ne tient aucun compte des cas d'obligation et d'exonération prévus par l'article L. 212-8 du code de l'éducation. Une « possibilité » de contribution est devenue obligatoire !

Les conséquences sont lourdes pour les petites communes rurales, contraintes de financer l'école privée d'une autre commune, parfois au détriment du maintien de classes ou d'une école publique sur leur propre territoire ! Cet article pose également des problèmes d'équité entre les établissements publics et privés sous contrat. En 2004, l'enseignement privé n'accueillait que 17 % des élèves, mais disposait déjà de 20 % des postes d'enseignants. Et voilà que le déséquilibre s'accentue encore.

Il y a aussi le coût. Le mécanisme s'applique potentiellement à environ 120 000 élèves. Le forfait annuel s'élevant à 400 ou 500 euros, le coût total atteindrait 60 millions d'euros, selon l'AMF. Les petites communes, exsangues, sont celles qui ont subi la plus forte augmentation des charges. De nombreux élus, de toute sensibilité politique, se sont émus du profond déséquilibre ainsi créé. Et des contentieux ont surgi, entre des communes et des établissements privés, entre des communes et des préfets.

Ainsi, l'Union des maires de la Seine-et-Marne, dont je salue le président, (M. Michel Houel sourit) a unanimement appelé les communes à refuser de payer et a répété son conseil à chaque congrès annuel. Les organisations syndicales, opposées à ce texte, ont déposé un recours devant le Conseil d'État contre la circulaire de décembre 2005. Le Conseil l'a annulée en 2007 pour vice de forme. Une nouvelle circulaire, adoptée en août 2007, a fait l'objet d'un nouveau recours. Le feuilleton aurait pu continuer longtemps...

Une loi était donc nécessaire, pour apaiser le climat. La proposition de loi Todeschini visait donc à abroger purement et simplement l'article 89. Pourquoi en effet accorder à l'enseignement privé des droits nouveaux, qui sont soumis à des conditions restrictives lorsqu'ils s'appliquent à des établissements publics ? L'égalité entre l'enseignement public et l'enseignement privé étant rompue, la braise qui couvait sous le foyer de la guerre scolaire risquait de s'enflammer à nouveau. Il ne faut pas jouer avec le feu...

L'hostilité de la majorité sénatoriale m'avait alors incité à appeler à un texte de compromis, pour mettre un terme à une situation devenue ingérable pour tous. Une année supplémentaire s'est écoulée : ce fut une année supplémentaire d'incertitude pour les élus locaux. Le statu quo n'était pas viable. Le Gouvernement ne bougeant pas, le Parlement a pris l'initiative.

Le texte est le résultat d'un compromis. En supprimant l'article 89, il rétablit une égalité entre les établissements publics et les établissements privés sous contrat, en utilisant les mêmes critères que ceux posés par l'article L. 212-8 du code de l'éducation. L'égalité est rétablie. J'émettrai cependant quelques réserves. Il y aura des difficultés sérieuses pour les communes qui n'ont pas d'écoles publiques sur leur territoire

Je pense en particulier au Grand Ouest : je suggère des solutions ad hoc pour que des communes ne soient pas pénalisées. Notre objectif n'est pas de rallumer la guerre scolaire. La plupart des grandes organisations se sont déclarées plutôt favorables. Le Comité national d'action laïque note avec satisfaction que la proposition de loi reprend sa propre analyse, même s'il indique que le texte ne peut le satisfaire entièrement. L'Association des maires de France a souhaité qu'il soit rapidement adopté : elle s'était fortement investie, n'hésitant pas à déférer les circulaires ministérielles au Conseil d'État. Sa volonté d'arriver à un accord en a fait l'un des inspirateurs de la proposition. Nous ne sommes pas insensibles à la recherche d'un compromis, aussi donnerons-nous notre accord à ce texte afin de lever les difficultés des communes et de préserver la paix scolaire. (Applaudissements sur les bancs socialistes, au centre et à droite)

M. Jean-Luc Mélenchon.  - La guerre scolaire ?

M. Yves Détraigne.  - Je ne peux que me réjouir de notre débat et espérer que l'Assemblée nationale examinera bientôt ce texte, non parce que j'en suis cosignataire mais parce qu'il règle un problème qui dure depuis plusieurs années et sur lequel j'ai attiré l'attention par une question écrite dès février 2005. J'ai ensuite déposé des amendements à la loi d'orientation pour l'école, en mars suivant, puis j'ai été reçu au ministère de l'éducation par M. de Robien en janvier 2006, avant de déposer une proposition de loi en février suivant, une initiative renouvelée en octobre 2008. Je remercie donc M. Carle qui nous propose de mettre un terme à cette course d'obstacles par une proposition de loi à laquelle il a bien voulu m'associer. Le 28 février, le tribunal administratif de Dijon a annulé une délibération municipale de Semur-en-Brionnais refusant de prendre en charge les frais de scolarité d'enfants inscrits dans une école privée située sur le territoire d'une école voisine. Le commissaire du Gouvernement avait relevé que l'obligation de prise en charge s'imposait plus pour les enfants scolarisés dans le privé que dans le public. M. Carle tient ainsi l'engagement qu'il avait pris en février lors de l'examen de la proposition de loi de M. Todeschini et de la mienne.

Au fil de ces quatre années de débat, il n'a pas été question de rallumer la guerre scolaire : mon souhait était que le législateur prenne ses responsabilités et qu'un texte équilibré assure une véritable parité. Il n'est pas normal que les communes assurent les frais de fonctionnement d'une école désertée et doivent contribuer à la scolarisation d'enfants sur le territoire d'autres communes.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Voilà le scandale !

M. Yves Détraigne.  - Je ne pense pas, malgré les inquiétudes de certains parents, qu'il y ait de recul. Au contraire, car des communes refusaient de payer et qu'il y avait des situations d'attente. Cette proposition de loi, qui s'inscrit dans le compromis intervenu entre l'Association des maires de France, l'enseignement catholique et l'Intérieur clarifiera les choses. Autant il était contestable qu'une commune de résidence soit totalement exonérée des frais de scolarisation dans une école privée d'une autre commune, autant il est inéquitable qu'elle y soit tenue quelles que soient les circonstances. Celles qui sont retenues pour l'enseignement public sont acceptées depuis des années ; en les étendant aux écoles privées, on met fin aux conflits et l'on rétablit la parité.

Nous partageons cette approche. Pour être acceptée, une réforme doit être équitable. La proposition de loi rétablit l'équité, elle sera donc comprise et appliquée. Nous la voterons. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Voici la deuxième fois cette année que nous débattons de l'article 89 de la loi du 13 août 2004. Ce débat, mon groupe l'a porté à plusieurs reprises, et d'abord avec la proposition de loi que Mme David avait déposée en 2005 à la suite de nombreuses auditions. Cet article a en effet introduit une véritable différence de traitement entre écoles publiques et privées, mais la majorité et le Gouvernement nous ont à chaque fois opposé une fin de non-recevoir. En février encore, le rapporteur nous expliquait que notre interprétation ne pouvait être retenue, qu'il était urgent d'attendre la décision du Conseil d'État sur la deuxième circulaire d'application et qu'il était inutile de mettre en cause un compromis juridiquement fondé et politiquement équilibré.

Le juge administratif ne s'est pas prononcé et nous sommes pourtant réunis à son initiative pour abroger l'article 89. Que de temps perdu...

La question est loin de faire l'objet d'un large accord et le compromis « juridiquement fondé et politiquement équilibré » intervenu entre l'Association des maires de France et l'enseignement catholique sous l'égide de M. Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, n'a jamais eu force de loi et il ne réglait pas les divergences d'interprétation !

En revanche, le tribunal administratif de Dijon a bel et bien annulé une délibération municipale de Semur-en-Brionnais refusant de participer aux frais de scolarisation d'enfants inscrits dans une école privée d'une autre commune. La première excipait de l'absence d'accord préalable de son maire et de l'existence d'un service de garderie et de cantine mais la juridiction administrative lui a donné tort : la notion de capacités d'accueil ne peut être retenue puisque les établissements privés ne sont pas soumis à la carte scolaire. Il ne s'agit pas là d'inquiétudes mais de réelles divergences d'interprétation.

Votre démarche est guidée par un souci de clarification. Vous proposez d'abroger l'article 89, comme mon groupe le demandait depuis le début. Dont acte ! Pour autant, le nouveau système de financement ne nous satisfait pas pleinement. En dépit de vos explications, vous ne retenez pas les modalités de financement prévues pour le public par l'article 212-8 du code de l'éducation. La notion de contraintes n'apparaît pas, d'où l'un de nos amendements, et les parents ne sont pas tenus de présenter une demande à l'approbation du conseil municipal. Votre texte ne règle pas plus le cas des regroupements pédagogiques intercommunaux : la commune qui se bat pour faire vivre l'enseignement public, sinon sur son territoire du moins à proximité, subira-t-elle la double peine en devant financer des scolarisations dans des écoles privées ? On ne peut ignorer une telle question au moment où les restrictions budgétaires atteignent des niveaux sans précédent, où l'on supprime la carte scolaire et où l'on veut généraliser l'autonomie des établissements. Quid des efforts des communes pour faire vivre le service public, dont l'école gratuite et laïque ? Où sont l'égalité et la liberté quand des écoles publiques ferment faute de moyens ? C'est que la situation n'est plus celle de 2004 : 25 000 postes ont été supprimés en deux ans, et avec quels effets pour les communes rurales !

En France, 12 000 communes ne disposent plus d'école communale et 28 % des écoles ont deux classes au plus, et la situation ne va pas en s'arrangeant. Ce surcoût sera donc préjudiciable au maintien de petites structures publiques.

Ces interrogations et inquiétudes me conduisent à émettre beaucoup de réserves sur cette proposition de loi, au point de voter contre.

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

Mme Colette Mélot.  - Cette proposition de loi tend à garantir la parité de financement entre les écoles primaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence. Cette parité est déjà reconnue en principe, mais sa mise en oeuvre requiert le vote d'une loi.

L'article 89 de la loi du 13 août 2004 visait à réaffirmer cette parité dont le principe, posé par la loi du 31 décembre 1959 dite loi Debré, ne fait plus l'objet d'aucune contestation. L'article 89 posait le principe d'une participation de chaque commune aux frais d'accueil de ses enfants scolarisés dans les écoles privées sous contrat des communes voisines. Sa justification était claire : éviter que certains maires se défaussent sur leurs voisins de leurs obligations financières. Il a limité l'incitation faite aux maires de pousser les parents à scolariser leurs enfants dans les établissements privés des communes voisines, mais n'y a pas mis fin, faute de préciser la répartition entre la commune d'origine et la commune de résidence des enfants. Une commune pouvait ainsi se trouver contrainte à les prendre en charge pour un établissement privé situé sur son territoire, alors que ces frais auraient dû incomber à la commune de résidence pour une école publique.

Pour mettre fin à ces abus, l'Association des maires de France a engagé un dialogue avec les ministères de l'éducation nationale et de l'intérieur. Il s'est conclu par le compromis de mai 2006 et l'édiction de deux circulaires prévoyant que « la commune de résidence doit participer au financement de l'établissement privé sous contrat dans tous les cas où elle devrait participer au financement d'une école publique qui accueillerait le même élève. » L'accord entre l'AMF, l'État et l'enseignement catholique a donc permis un compromis pratique qui reste juridiquement fragile tant que le principe de parité n'est défendu que par des circulaires. Il convenait donc de l'ancrer dans la loi. Tel est l'objet de cette proposition de loi.

Celle-ci soustrait les communes de résidence à l'obligation de participer aux dépenses de fonctionnement liées à la scolarisation d'un enfant dans une école privée extérieure, comme pour l'enseignement public -à condition qu'elles puissent l'accueillir dans leur propre école publique et abstraction faite des cas dérogatoires prévus par l'article L. 212-8 du code de l'éducation nationale : obligations professionnelles des parents dont la commune de résidence n'assure pas la restauration et la garde des enfants ; inscription d'un frère ou d'une soeur dans une école de la même commune ; raisons médicales. Sans mettre en cause ces dérogations, la proposition de loi de notre collègue abroge l'article 89 et définit précisément les situations dans lesquelles le financement par les communes de résidence sera obligatoire.

Ce texte est le fruit d'un long travail de la commission des affaires culturelles, d'un large consensus et d'un travail pédagogique dans lequel notre collègue Carle s'est énormément impliqué aux côtés de l'Association des maires et des ministres. Je souhaite que ce texte juste et utile soit appliqué dans les meilleurs délais. Il va de soi que le groupe UMP le votera. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Sylvie Desmarescaux.  - Cette proposition de loi a un objectif simple : clarifier les règles contenues dans l'article 89 de la loi du 13 août 2004. Son intérêt est donc évident et je félicite nos collègues qui en ont pris l'initiative.

L'enseignement privé sous contrat d'association est de loin la plus importante des quatre formes d'enseignement privé existantes. Il scolarise 2,2 millions d'élèves et 17 % des effectifs totaux. Ouverte à tous, sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyance, l'école privée sous contrat propose un projet éducatif adapté. La contribution financière de la commune fait vivre le pluralisme scolaire dans le cadre de la liberté de choix des familles, reconnue par la Constitution. Le dire n'est pas critiquer l'enseignement dispensé au sein de nos écoles publiques : je rends hommage à tous ceux qui, parfois dans des conditions difficiles, mettent tout en oeuvre pour apporter à nos enfants et petits-enfants un enseignement de qualité.

Je me demande encore si en votant cet amendement, nous avions conscience des débats qu'il allait susciter. Il est vrai que notre collègue Charasse l'avait présenté avec beaucoup de doigté... En souhaitant harmoniser les conditions de financement des écoles privées et publiques, on a créé un véritable paradoxe. Les maires de mon secteur des Flandres, un secteur rural, sont inquiets : nous pouvons craindre de voir les enfants de nos communes s'inscrire en école privée sous contrat d'association dans une autre ville parce que nous aurons refusé une dérogation pour convenance personnelle dans une école publique. Conséquence : la commune de résidence se voit dans l'obligation de financer l'école privée d'une ville voisine alors qu'elle n'avait pas à le faire pour l'école publique. Bien évidemment, les maires respectent le choix des parents d'inscrire leurs enfants dans une école privée d'une autre ville. Mais cela relève d'un choix personnel que les communes de résidence n'ont pas à assumer.

La proposition de loi clarifie et stabilise un cadre juridique flou. Il est bien dommage qu'il ait fallu plus de quatre ans pour y aboutir. Mais le résultat est là. Vous l'aurez compris, je voterai pour. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Serge Lagauche.  - Il y a quelques mois, le 6 février dernier très exactement, M. Carle, alors rapporteur de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi de mon collègue Todeschini, affirmait qu'il n'y avait pas lieu de rouvrir le débat sur l'article 89 de la loi du 13 août 2004, en dépit des multiples initiatives parlementaires prouvant que son application posait un problème sérieux. Nous n'avons pas vu venir non plus de texte gouvernemental, pourtant un temps évoqué. A croire que le sujet n'était pas assez porteur médiatiquement...

Le ministre de l'éducation nationale a été plus prompt à transférer une part de la responsabilité de l'État en matière scolaire aux collectivités locales, avec une loi inapplicable sur le service minimum d'accueil...

M. Xavier Darcos, ministre.  - Il y avait longtemps !

M. Serge Lagauche.  - ...ou à mettre les communes devant le fait accompli du bouleversement des horaires hebdomadaires de l'école primaire qu'à résoudre cette délicate question.

Je salue donc le ralliement de notre rapporteur à la nécessité de légiférer, en regrettant juste le temps perdu : les maires attendent depuis longtemps une clarification.

Nous avons pris acte du refus de la majorité sénatoriale, comme de celle de l'Assemblée, d'abroger purement et simplement l'article 89, qui nous a été clairement signifié par le rejet de nos propositions de loi. Les groupes socialistes des deux assemblées ont saisi toutes les occasions législatives pour sortir du statu quo, en vain. Notre priorité reste de mettre fin aux désaccords d'interprétation de l'article 89, à ce flou juridique préjudiciable, par un cadre législatif juste et équilibré.

Des décisions de tribunaux, notamment l'arrêt du tribunal de Dijon, ont fragilisé un peu plus l'application de l'accord conclu entre l'Association des maires de France et le Secrétariat général de l'enseignement catholique. Quant au Conseil d'État, il n'a toujours pas statué sur le fond.

Ce flou entretient la suspicion à l'égard de certaines écoles privées, auxquelles il est reproché de bénéficier de financements publics indus. Il faut dire que certains organismes de gestion d'établissements privés semblent ignorer les modalités d'application de l'article 89 et saisissent les communes de demandes de financement pour tous les élèves scolarisés dans leurs écoles. Il est donc urgent d'instaurer un cadre législatif clair.

Cette proposition de loi y contribue ; elle présente les garanties suffisantes à une application apaisée du principe de parité. Nous sommes toutefois sensibles au risque de pression financière sur les plus petites communes et à celui de fragilisation de l'école publique en milieu rural.

Si nous comprenons tout à fait l'impression que peuvent ressentir certains maires de se trouver mis devant le fait accompli, on ne peut recevoir la demande portée par certaines associations de soumettre à l'avis du maire les dérogations pour le privé. Subordonner l'inscription dans une école privée sous contrat d'association à l'autorisation d'un élu local serait assurément inconstitutionnel.

La crainte d'une déstabilisation des petites écoles rurales a conduit notre collègue Collombat, vice-président de l'Association des maires ruraux, à déposer un amendement.

Le caractère obligatoire de la contribution serait alors subordonné à la capacité d'accueil du regroupement. Je ne doute pas que cette mesure d'équité trouvera un large écho dans notre assemblée.

Il est nécessaire de sortir rapidement de l'incertitude juridique, en adoptant un dispositif équilibré. (Applaudissements à gauche, sur certains bancs du centre ainsi que sur le banc des commissions)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président.  - Nous allons passer à la discussion des articles, tels qu'ils figurent dans les conclusions de la commission des lois.

Article premier

Dans la section 3 du chapitre II du titre IV du livre IV du code de l'éducation, il est inséré un article ainsi L. 442-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 442-5-1. - La contribution de la commune de résidence pour un élève scolarisé dans une autre commune dans une classe élémentaire d'un établissement privé du premier degré sous contrat d'association constitue une dépense obligatoire lorsque cette contribution aurait également été due si cet élève avait été scolarisé dans une des écoles publiques de la commune d'accueil.

« En conséquence, cette contribution revêt le caractère d'une dépense obligatoire lorsque la commune de résidence ne dispose pas des capacités d'accueil nécessaires à la scolarisation de l'élève concerné dans son école publique ou lorsque la fréquentation par celui-ci d'une école située sur le territoire d'une autre commune que celle où il est réputé résider trouve son origine dans des contraintes liées :

« 1° Aux obligations professionnelles des parents, lorsqu'ils résident dans une commune qui n'assure pas directement ou indirectement la restauration et la garde des enfants ;

« 2° A l'inscription d'un frère ou d'une soeur dans un établissement scolaire de la même commune ;

« 3° A des raisons médicales.

« Lorsque la contribution n'est pas obligatoire, la commune de résidence peut participer aux frais de fonctionnement de l'établissement sans que cette participation puisse excéder par élève le montant de la contribution tel que fixé à l'alinéa suivant.

« Pour le calcul de la contribution de la commune de résidence, il est tenu compte des ressources de cette commune, du nombre d'élèves de cette commune scolarisés dans la commune d'accueil et du coût moyen par élève calculé sur la base des dépenses de fonctionnement de l'ensemble des écoles publiques de la commune d'accueil, sans que le montant de la contribution par élève puisse être supérieur au coût qu'aurait représenté pour la commune de résidence l'élève s'il avait été scolarisé dans une de ses écoles publiques. En l'absence d'école publique, la contribution par élève mise à la charge de chaque commune est égale au coût moyen des classes élémentaires publiques du département. »

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Cette proposition de loi vise, selon M. le rapporteur, à restaurer la sérénité des rapports entre l'école publique et l'école privée, et à clarifier l'article 89 de la loi de 2004.

Mais d'où venait le trouble ? D'un privilège exorbitant accordé aux écoles privées par un article adopté à deux heures du matin par des parlementaires noctambules, qui n'ont peut-être pas compris toutes les conséquences du texte qu'ils votaient... (Protestations sur le banc des commissions, sourires à gauche) L'auteur de cet article l'a peut-être présenté avec doigté, mais il n'avait aucunement l'intention d'accorder un privilège supplémentaire à l'école privée ! On peut déplorer sa maladresse mais non mettre en cause sa sincérité !

M. Michel Charasse.  - Merci !

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Il ne subissait nullement les pressions de l'enseignement catholique ! (M. Michel Charasse le confirme) Les membres des groupes progressistes de cette assemblée...

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles.  - Progressistes !

M. Jean-Luc Mélenchon.  - ...-socialistes et communistes- ont demandé l'abrogation de cette disposition qui n'était réclamée par personne, mais ils n'ont pas été entendus.

On fait une nouvelle fois entendre aux défenseurs de l'école publique la musique doucereuse des mises en garde contre la guerre scolaire afin de leur faire accepter de repousser un peu plus loin la frontière des droits de l'école privée. Ce n'est pourtant pas la gauche qui a compromis la paix scolaire mais ceux qui ont organisé délibérément la concurrence scolaire sur tout le territoire ! Tant qu'il existe des communes où il n'y a pas d'école publique, il n'est pas question qu'elles financent le transfert des élèves vers des écoles privées !

M. le rapporteur déclare que l'idée selon laquelle l'école privée doit être financée par des fonds privés et l'école publique par des fonds publics est une idée dépassée. (M. Jean-Claude Carle, rapporteur, le confirme) Qu'il permette que tous les législateurs ne soient pas de son avis ! Dans les collectivités que nous gérons, nous nous soumettons à la loi, mais nous ne voterons pas ici contre notre conscience.

Abrogeons enfin ce privilège exorbitant de l'école privée, qui nuit à la bonne organisation de l'école publique.

M. François Fortassin.  - Comme beaucoup d'autres dans cette assemblée, je suis un enfant de l'école de la République. C'est pourquoi je suis fermement attaché à la laïcité, socle des principes républicains. Tous les élus républicains se doivent de défendre et de promouvoir l'école publique. Mais je partage le souci de mes collègues de ne pas rallumer la guerre scolaire.

Etre laïque au vrai sens du terme, c'est accepter l'expression de toutes les religions, mais aussi affirmer que celle-ci doit avoir un caractère exclusivement privé. Il faut défendre la liberté de l'enseignement mais aussi respecter les principes républicains et ne pas se laisser enfermer dans un piège.

Un de nos collègues parlait avec raison de double peine. Je citerai l'exemple de cinq communes qui se sont associées pour créer un regroupement pédagogique intercommunal (RPI) doté de deux établissements. Il n'est pas normal que les communes qui n'ont pas d'école sur leur territoire mais participent au financement d'un RPI soient obligées de financer le transfert des élèves vers les écoles privées sous contrat.

Il faudra aussi prendre garde aux dérives permises par le certificat médical.

Si l'amendement du groupe socialiste est adopté, je voterai cette proposition de loi ; sinon, je m'abstiendrai.

M. le président.  - M. le ministre doit s'absenter quelques instants en raison d'une obligation urgente. Je suspens la séance pour quelques minutes.

La séance, suspendue à 19 h 25, reprend à 19 h 40.

M. Michel Charasse.  - Dans le système qui était en réalité celui de l'article 89, mais bien mieux rédigé par la version élaborée par la commission des affaires culturelles, il était admis que, lorsqu'une commune ne devait pas régler de frais pour la scolarisation d'enfants à l'école publique d'une commune voisine, elle ne devait rien payer non plus pour les enfants scolarisés à l'école privée. C'est la règle, sauf en cas de dérogation puisque les élèves partent alors sans que le maire ne puisse s'y opposer, l'exception valant aussi pour les écoles privées.

Il convient toutefois de préciser que, lorsque l'obligation financière est liée au caractère dérogatoire de la scolarisation dans un établissement privé, celui-ci ne peut en tirer un argument pour exiger quoi que ce soit pour les élèves dont la scolarisation n'est pas dérogatoire. Bref, si une commune ne doit payer que pour la scolarisation dérogatoire dans l'établissement public de la commune voisine, l'obligation est strictement identique en cas de scolarisation à l'école privée.

Vous avez eu une discussion entre vous au sujet des regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI). Il faut bien être conscient qu'ils sont tous d'organisations différentes car si ce sont des ententes intercommunales au sens du code général des collectivités territoriales, chacun règle ses affaires comme il l'entend. Parfois les dépenses sont mutualisées, parfois non, et le pouvoir des maires reste entier pour la partie de l'école qui est sur son territoire. Je suggère donc qu'il soit précisé qu'un décret règlera la question des RPI, de façon à ce qu'il y ait des règles uniformes sur tout le territoire.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 442-5-1 du code de l'éducation :

« En conséquence, cette contribution revêt le caractère d'une dépense obligatoire lorsque la commune de résidence ou le regroupement pédagogique intercommunal dont elle fait partie ne dispose pas des capacités d'accueil nécessaires à la scolarisation de l'élève concerné dans son ou ses écoles publiques ou lorsque la fréquentation par celui-ci d'une école située sur le territoire d'une autre commune que celle où il est réputé résider est justifiée par des motifs tirés des contraintes liées :

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Il convient de ne pas oublier la question des regroupements pédagogiques intercommunaux, concentrés ou non. Il ne serait pas juste que les communes qui ne disposent pas d'école sur leur territoire, mais qui participent au financement d'un RPI, se voient exclues du dispositif que vous allez mettre en place, d'autant que cette politique de regroupement a souvent été imposée par l'éducation nationale pour faire des économies. Les communes rurales qui ont fait le deuil de leur école publique seraient aujourd'hui doublement sanctionnées. Il s'agirait d'une rupture d'égalité.

La notion de capacité d'accueil doit donc aussi comprendre les RPI. Sinon, les écoles privées qui ne sont pas sous contrat bénéficieraient d'un effet d'aubaine.

En outre, les écoles publiques doivent justifier des cas de dérogations mais pas les écoles privées : quid alors de l'égalité de traitement ? Le maire, qui a un droit de regard sur l'école publique, n'en disposera pas pour les écoles privées, que celles-ci soient sur son territoire ou non !

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Collombat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 442-5-1 du code de l'éducation, après le mot :

résidence

insérer les mots :

ou le regroupement pédagogique intercommunal auquel elle participe

M. Pierre-Yves Collombat.  - Pour les communes qui, de gré ou de force, ont été amenées à scolariser leurs enfants dans le cadre d'un RPI, nous proposons de considérer que la capacité d'accueil est celle du RPI. C'est une affaire de justice et si cet amendement n'est pas adopté, cette proposition de loi d'apaisement perdra une bonne partie de ses effets bénéfiques, car la boite de Pandore des contentieux se rouvrira. Il faut véritablement régler cette question.

Ceci dit, nous sommes d'accord avec le sous-amendement de M. Charasse.

M. le président.  - Sous-amendement n°4 à l'amendement n°2 de M. Collombat et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, présenté par M. Charasse.

Dans le dernier alinéa de l'amendement n°2 après le mot :

ou

insérer les mots :

, dans des conditions fixées par décret,

M. Michel Charasse.  - Je m'en suis expliqué.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Retailleau et Darniche.

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 442-5-1 du code de l'éducation, après le mot :

publique

insérer les mots :

ou au sein d'un établissement privé du premier degré sous contrat d'association situé sur son territoire

M. Bruno Retailleau.  - Je félicite M. Carle pour cette proposition de loi car, depuis quatre ans, beaucoup d'élus ont dû expliquer aux petites communes rurales pourquoi elles étaient victimes d'un texte adopté à la hâte, sans mauvaise intention mais qui posait de réelles difficultés d'application. Le parallélisme des formes entre le privé et le public sera désormais rétabli.

Mon amendement est un plaidoyer en faveur des petites communes : dans certaines régions de l'ouest, il n'y a que des écoles privées sous contrat dans les petites communes.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Ce n'est pas normal !

M. Michel Charasse.  - C'est une infraction à la loi.

M. Bruno Retailleau.  - Or, on assiste à une dévitalisation de ces petites communes qui investissent pourtant dans des haltes-garderies, dans le périscolaire et dans des équipements sportifs, au profit des villes. Ceci dit, M. le rapporteur m'a convaincu qu'il fallait retirer cet amendement pour s'en tenir au strict parallélisme. (Applaudissements sur le banc des commissions)

L'amendement n°1 rectifié est retiré.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur.  - La commission s'est longuement interrogée sur les RPI. Pour ceux adossés à un EPCI, la question est réglée puisque l'EPCI dispose d'une structure juridique précise. Pour les RPI qui ne sont pas adossés, on ne sait pas qui décide, qui est le président, quelles sont les responsabilités. Je souhaite donc entendre le Gouvernement avant de me prononcer.

M. Xavier Darcos, ministre.  - Je remercie M. Retailleau d'avoir retiré son amendement qui posait quelques difficultés. Avis défavorable à l'amendement n°3.

L'amendement de M. Collombat, sous-amendé par M. Charasse, est satisfaisant. Mais comme je suis prudent, je m'en remets à la sagesse de la Haute assemblée.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur.  - Le sous-amendement de M. Charasse réglant le problème juridique par décret, la commission est favorable à l'amendement ainsi sous-amendé. Je remercie également M. Retailleau pour son retrait : sa région connaît effectivement un problème, mais il n'est pas possible d'aller à l'encontre du libre choix de l'école, qui est une liberté constitutionnelle.

Enfin, je souhaite le retrait de l'amendement n°3 au profit de celui de M. Collombat qui est mieux rédigé.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

M. Adrien Gouteyron.  - Je suis heureux que nous nous préparions à voter cette proposition de loi dans la sérénité : fort heureusement, les esprits ont évolué. Les propos de M. Mélenchon me semblent un peu décalés : ils ne représentent pas la réalité de l'opinion.

Pour les RPI adossés à un EPCI, le problème juridique est réglé. Quand il n'y a pas d'EPCI, les choses sont plus compliquées et la rédaction du décret ne va pas être simple, monsieur le ministre. Si le RPI vaut pour l'enseignement public, il vaudra aussi pour l'enseignement privé, qu'on le veuille ou non. Il faut que nous mesurions bien notre vote : je voterai ce sous-amendement, mais le Gouvernement devra bien peser les mots du décret car cette affaire est compliquée et risque de nous entraîner plus loin que nous le pensons.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Avec le sous-amendement de M. Charasse, nous allons avoir la joie de vous remettre un chèque en blanc, monsieur le ministre ! Comme la proposition de loi ne suffisait pas, il faut maintenant prévoir un décret. Et tout le monde applaudit ! (Exclamations sur divers bancs) Avec une opposition de cette nature, le ministre peut dormir tranquille !

Il ne s'agit pas d'un compromis mais d'une capitulation : M. Gouteyron me dit que mon point de vue ne représente pas l'opinion majoritaire mais nous n'avons pas les moyens de le vérifier. Nombre de consciences républicaines sont blessées de devoir se taire quand, dans telle collectivité, le retrait d'un enfant d'une école publique, maintenue à bout de bras par la commune, amène à fermer ladite école, ou, quand dans certains secteurs, il n'y a pas d'école publique. J'ai l'intime conviction que l'opinion est plutôt de mon côté que de celui de ceux qui suggèrent le compromis de ce soir.

Je ne voterai naturellement pas ce texte, je ne serai pas de ces gens de gauche qui demandent à des gens de droite d'organiser la paix scolaire après l'avoir violée !

M. Jean-Claude Frécon.  - Ce décret est important, il faudra en peser les mots, mais je n'emploierai pas le vocabulaire de M. Mélenchon...

Pour les regroupements pédagogiques intercommunaux de droit, les choses seront simples, mais pour les regroupements de fait, il faudra que les communes concernées aient fait savoir officiellement leur volonté d'organiser la scolarité sous cette forme, au minimum par une délibération du conseil municipal.

M. René Garrec.  - Très bien.

M. Jean-Claude Frécon.  - Nous vous faisons confiance pour rédiger ce décret, monsieur le ministre, mais nous souhaitons que notre assemblée soit tenue au courant, par l'intermédiaire de notre rapporteur.

M. Michel Charasse.  - Je souhaiterais apaiser les choses. La création d'un regroupement pédagogique intercommunal n'est pas une décision des communes mais de l'État, responsable de l'école publique.

Mme Jacqueline Gourault.  - Pour éviter les fermetures de classes !

M. Michel Charasse.  - A cette occasion, monsieur Mélenchon, l'État doit respecter toutes les règles et tous les principes qui s'appliquent à l'école de la République ! Les modalités pratiques ne remettent pas en cause les principes.

L'entente intercommunale date de 1884 ; elle est antérieure aux premiers établissements publics, les syndicats intercommunaux à vocation unique, en 1890. L'entente intercommunale, c'est une série d'accords, de conventions passées entre les communes. Autant de regroupements pédagogiques intercommunaux, autant de règles pratiques entre les communes !

Même si l'on n'adopte pas mon sous-amendement, il y a tellement de cas particuliers que le ministre sera conduit à prendre un décret quand même ! Autant le prévoir tout de suite ! Ce décret devra concilier les principes de l'école publique avec les pratiques mises en oeuvre sur le terrain en vertu des règles qui touchent à la liberté locale. C'est à l'État de le faire.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - On le demande à la droite !

M. Michel Charasse.  - Je demande au Gouvernement qui est en place, même si ce n'est pas celui que j'aurais souhaité !

Monsieur Gouteyron, il n'y a pas de carte scolaire pour l'école privée, or le regroupement pédagogique intercommunal est un élément de la carte scolaire ! La loi Ferry, c'est une école dans chaque commune.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Allez voir en Vendée ! (M. Philippe Darniche s'émeut)

M. Michel Charasse.  - S'il n'y en a pas, c'est que l'État républicain n'a pas fait son travail.

Comment intégrer l'école privée dans le regroupement pédagogique intercommunal ? Ce serait comme installer dans une école publique une classe relevant de l'enseignement privé ! Le décret devra harmoniser les pratiques sur le territoire, sans pour autant intégrer l'école privée.

M. Jacques Legendre, président de la commission.  - Nous avons pu travailler en commission et en séance publique avec la volonté de trouver ensemble, en toute bonne foi, une solution à un problème qui nous embarrasse tous. Quels qu'aient été les débats de nos grands ancêtres, dont les médailles ornent nos pupitres, c'est cette attitude-là qu'attendent les Français. Les regroupements pédagogiques intercommunaux qui ne sont pas adossés à des EPCI seront de moins en moins nombreux, du fait de ce décret et de l'évolution naturelle du paysage intercommunal. Je propose donc de voter ce sous-amendement et de faire confiance au Gouvernement. La commission des affaires culturelles sera néanmoins désireuse de connaître le projet de décret.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - C'est un vote de confiance au ministre !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Je regrette que vous n'y participiez pas.

M. François Fortassin.  - Avec toute la courtoisie républicaine qui sied à cette assemblée, je ferai remarquer à M. Mélenchon que, malgré tout son talent, il ne me fera pas culpabiliser ! Je ne suis pas ici pour délivrer des brevets de gauche, de républicanisme ou d'européisme, et je n'accepte pas que d'autres s'en arrogent le droit. Très modestement, en politique, j'ai évité les compromissions, mais je fais en permanence des compromis. Le laïque que je suis ce soir a le sentiment d'avoir fait un compromis, qu'il peut expliquer sans problème dans son département. Je crois que nous avons fait du bon travail ; libre à d'autres de considérer que nous nous sommes couchés ! (Applaudissements à droite et au centre)

Le sous-amendement n°4 est adopté.

L'amendement n°2, sous amendé, est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

L'article 2 est adopté, le groupe CRC-SPG votant contre.

Article 3

M. Jean-Luc Mélenchon.  - L'article 3 propose d'abroger l'article 89 de la loi de 2004.

M. Jean-Claude Frécon.  - N'était-ce pas l'article 2 ?

M. le président.  - Dans le texte adopté par la commission, c'est bien l'objet de l'article 3.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - C'est le compromis que le groupe CRC-SPG propose à l'assemblée : on enlève tout, c'était très bien avant ! Pas de compromission ! Nous voterons cet article.

L'article 3 est adopté à l'unanimité.

L'intitulé de la proposition de loi est adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme Jacqueline Gourault.  - Je voterai ce texte, qui est une bonne loi.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Normal, vous êtes de droite !

Mme Jacqueline Gourault.  - Non, je suis du centre. Chacun son appréciation...

Nous constatons les difficultés d'application sur le terrain.

Dans les grandes villes, il existe des écoles publiques et privées ; et quelle que soit la couleur politique des municipalités, aucun problème n'est apparu. De même dans les communes qui n'ont pas d'école, les maires versent sans difficulté une participation ailleurs à une école publique ou privée. Mais là où le maintien d'une école est menacé, des tensions apparaissent si des enfants partent dans l'école privée d'une autre commune -ou l'école publique, soit dit en passant...

Voilà donc une bonne loi, qui soulage tous les maires, quelles que soient leurs convictions. Nous pouvons être fiers de ce consensus. La clarification est bienvenue, pour les écoles publiques comme pour les écoles privées, qui sont aussi les écoles de la République.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Cette proposition de loi réduit considérablement les dégâts collatéraux occasionnés par l'article 89. D'un point de vue pragmatique, elle est un vrai progrès et le groupe socialiste la votera.

Cela ne signifie pas que nous soyons satisfaits de la problématique dans laquelle ce texte nous enferme. L'article 89 partait d'un bon sentiment : pénaliser les petits malins qui se déchargent de leurs devoirs en matière d'enseignement public sur l'enseignement privé. L'amendement nocturne à l'origine de cet article ne visait nullement à affirmer un quelconque principe de parité entre école publique et école privée, comme on voudrait nous le faire croire ! Le préambule de la Constitution de 1946 précise que « l'organisation de l'enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés, est un devoir de l'État ». Il n'est pas question d'un enseignement « public ou privé gratuit à tous les degrés » ! Sur le plan pratique, je ne suis pas certain que le déséquilibre en faveur de l'enseignement privé ne subsiste pas. Il est très rare aujourd'hui que des élus s'envoient des factures par le canal préfectoral -d'autant plus rare que l'intercommunalité s'est beaucoup développée... Je crains qu'il en aille différemment entre communes de résidence et établissements scolaires à la recherche de financements. Nous verrons. En attendant, l'effort pour sortir d'un imbroglio qui empoisonne la vie des petites communes mérite d'être salué. Nous le faisons volontiers, même si nos raisons ne sont pas les vôtres.

L'ensemble de la proposition de loi est adopté, le groupe CRC-SPG votant contre.

(Applaudissements à droite)

La séance est suspendue à 20 h 20.

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 22 h 30.