Article 25 de la Constitution et élection des députés (Urgence - Suite)

Election des députés (Urgence - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 2

I. - L'article L.O. 176 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L.O. 176. - Les députés dont le siège devient vacant pour cause de décès, d'acceptation des fonctions de membre du Conseil constitutionnel ou de prolongation au-delà du délai de six mois d'une mission temporaire confiée par le Gouvernement sont remplacés jusqu'au renouvellement de l'Assemblée nationale par les personnes élues en même temps qu'eux à cet effet.

« Les députés qui acceptent des fonctions gouvernementales sont remplacés, jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation de ces fonctions, par les personnes élues en même temps qu'eux à cet effet. Toutefois, dans le cas où ils renoncent à reprendre l'exercice de leur mandat avant l'expiration de ce délai, leur remplacement devient définitif jusqu'au renouvellement de l'Assemblée nationale. La renonciation est adressée par l'intéressé au Bureau de l'Assemblée nationale. »

II. - À l'article L.O. 135 du même code, la référence : « L.O. 176-1 » est remplacée par la référence : « L.O. 176 ».

III. - Au premier alinéa de l'article L.O. 178 du même code, les mots : « L.O. 176-1 ou lorsque les dispositions des articles L.O. 176 et L.O. 176-1 » sont remplacés par les mots : « L.O. 176 ou lorsque les dispositions de cet article ».

M. Michel Magras.  - Nous avons tous bien conscience que nos interventions feront foi pour le juge constitutionnel chargé de juger de la conformité de ce texte. Je rappelle donc que le Conseil constitutionnel considère que le principe de proportionnalité entre la représentation à l'Assemblée nationale et la réalité démographique peut souffrir, « dans une mesure limitée », certaines dérogations pour des motifs d'intérêt général. C'est ainsi qu'il a jugé que chaque département peut, quelle que soit sa population, élire deux représentants à l'Assemblée nationale, pour assurer « un lien étroit entre l'élu d'une circonscription et l'électeur », à condition que cette disposition dérogatoire n'entraîne pas une inégalité sensible de représentation au sein d'un département.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Eh oui !

M. Michel Magras.  - Je note que Saint-Barthélemy et Saint-Martin ne sont ni un département, ni d'ailleurs un archipel.

Le Conseil constitutionnel a déjà admis, outre-mer, la représentation par un siège de député à l'Assemblée nationale de collectivités d'outre-mer faiblement peuplées comme les îles Wallis-et-Futuna, qui comptent 15 000 habitants aujourd'hui, mais n'en comptaient que 8 000 lors de leur accession au statut de territoire d'outre-mer, l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, voire Mayotte.

Lors de son examen de la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, le Conseil constitutionnel n'a pas sanctionné la création de deux nouveaux sièges de députés pour les deux nouvelles communautés de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin -ce qu'il aurait pu faire, en théorie, en se fondant sur la faible population de Saint-Barthélemy- il l'a simplement différée dans l'attente d'un remodelage général des circonscriptions législatives.

L'écart de représentation doit rester, aux yeux du juge constitutionnel, limité. Or, les trois sièges des petites communautés d'outre-mer concernées représenteraient 0,51 % du total des 577 sièges de députés.

A l'occasion de la réforme de la composition du Sénat, le Conseil constitutionnel a expressément admis le maintien, au profit de la Creuse et de Paris, d'inégalités démographiques à caractère exceptionnel et portant sur un nombre limité de sièges, jugeant que cette dérogation, pour regrettable qu'elle soit, ne concernant que quatre sièges sur 346, ne portait pas atteinte au principe d'égalité devant le suffrage. Or, la proportion de quatre sur 346, soit 1,15 %, est bien supérieure à celle de trois sur 577, soit 0,51 %.

J'ajoute que fusionner les circonscriptions de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin revient à accepter le principe de circonscriptions « interdépartementales ». Cela conduirait à admettre, en métropole, la création de circonscriptions englobant deux départements faiblement peuplés...

J'ai donc déposé à l'article 2 un amendement visant à rétablir dans la loi le principe qui veut que toute collectivité soit représentée au moins par un député. J'ai entendu, monsieur le rapporteur, votre message clair et précis ; j'ai apprécié, monsieur le président, la force de votre engagement ; j'ai compris, monsieur le ministre, qu'à ce stade du projet, il vous était difficile de m'apporter une réponse concrète, mais que vos propos témoignaient néanmoins d'un engagement du Gouvernement. Il se pourrait bien, dans ces conditions, que je vienne à retirer mon amendement. (Applaudissements à droite)

M. Robert del Picchia.  - J'interviendrai sur les articles 2 et 3. Il ne m'appartient pas de contester ce qu'une autre chambre a décidé pour elle-même, et c'est pourquoi je n'ai pas déposé d'amendement à l'article 2. Je voterai l'un et l'autre de ces textes, mais non sans m'être exprimé comme élu des Français de l'étranger, ce que je suis depuis 1988. Car ces dispositions concernent tous les Français établis hors de France, qui ne sont, pour l'heure, défendus que par le Sénat. Je crois donc pouvoir ici apporter sinon mon expertise, du moins mon expérience. Les élus des Français de l'étranger ont apprécié l'engagement du Président de la République.

Cet engagement est apprécié, mais les Français établis hors de France se voient de nouveau victimes d'une discrimination. On ne veut pas tenir compte de l'intégralité de leur population. Je me fais l'écho de l'AFE : pendant des décennies, on a reproché aux Français de l'étranger d'être partis, et puis on les a incités à s'inscrire. Aujourd'hui, cet attachement à la France les pénalise puisqu'il les empêche d'être représentés à l'Assemblée nationale.

Il faut donc trouver une solution pour séparer les législatives des autres élections pour lesquelles ces Français sont inscrits en France, notamment les municipales et les cantonales.

L'AFE a souhaité obtenir douze députés, mais cela ne sera malheureusement pas le cas. Vous avez laissé entendre, monsieur le ministre, que neuf députés seraient sans doute une solution possible. Nous nous en contenterions car cela permettrait d'avoir quatre députés pour l'Europe, deux pour le continent américain, deux pour l'Afrique et un pour l'Asie. Il faudra bien sûr étudier de près le découpage et les sénateurs représentants les Français hors de France et les membres de l'AFE sont prêts à vous y aider, monsieur le ministre.

Le scrutin majoritaire à deux tours a été retenu. On a parlé d'un délai de quinze jours entre le premier et le deuxième tour. Trois semaines seraient préférables, car il faut déjà deux jours pour obtenir tous les résultats, du fait des décalages horaires et du temps nécessaire pour faire remonter les informations à Paris. Enfin, il est absolument nécessaire de prévoir une possibilité de vote par internet afin de limiter l'abstention. En outre, internet permettrait de mieux diffuser les programmes des candidats.

Nous savons que la politique, c'est l'art du possible. Nous savons que vous faites de votre mieux, monsieur le ministre, et c'est pourquoi nous voterons votre projet de loi. (Applaudissements à droite)

M. Christian Cointat.  - Si j'ai voulu intervenir dans l'intimité pourpre de cet hémicycle, (murmures d'admiration à droite) c'est pour rendre un vibrant hommage à Nicolas Sarkozy. (Murmures d'approbation sur les mêmes bancs) Sans lui, nous n'aurions pas débattu ce soir de cette question !

M. Bernard Frimat.  - Vous serez ministre quinze jours !

M. Christian Cointat.  - Durant la campagne de la présidentielle, il a fait deux promesses aux Français établis hors de France : la gratuité de l'enseignement dans les lycées français et des sièges de députés. Ces deux promesses ont été tenues ! (M. Robert del Picchia applaudit)

En dépit des vicissitudes et des oppositions qu'il a rencontrées, y compris dans cet hémicycle, où certains ont essayé de remettre en cause il y a deux jours la gratuité de l'enseignement à l'étranger, ce qui a obligé le Gouvernement à demander une deuxième délibération, je suis heureux de constater que Nicolas Sarkozy a tenu bon.

Pour les députés représentant les Français hors de France, on nous avait annoncé l'égalité de traitement avec ceux élus en métropole. Nombreux ont été ceux qui ont cherché tous les artifices pour réduire cette représentation. Il est vrai que, lorsque le gâteau ne peut plus grandir, les parts deviennent moins larges pour ceux qui arrivent et, malheureusement, les députés métropolitains sont plus nombreux que ceux d'outre-mer et, demain, que ceux représentant les Français hors de France. Le sénateur de Mayotte en sait quelque chose ! Tout ce qui permet de réduire la part des autres augmente celle des métropolitains ! Cela me choque énormément, car cette approche ne respecte pas l'intérêt général et va à l'encontre de l'équité entre tous les Français.

Je veux aussi rendre hommage à notre ministre. (Marques d'approbation sur les bancs de la commission et à droite) J'ai toujours été fasciné par son intelligence et son habileté (ironie à gauche) : il a réussi, tout en nous sauvant la face, à réduire le nombre de députés auxquels nous pouvons prétendre. Avec 1 430 000 citoyens inscrits volontairement au registre, cela veut dire qu'ils sont bien plus nombreux. Or, notre ministre est arrivé, et je l'en félicite, même si je le regrette, à en réduire le nombre pour qu'ils aient moins de députés à les représenter. Si l'on arrive à en garder neuf, il faudra nous estimer heureux, car ce sera en définitive l'habileté de l'équilibre. Le paradoxe est que les Français de l'étranger qui sont inscrits dans des communes de métropole ou d'outre-mer veulent remplir leurs devoirs civiques. Or, ce sont ceux-là qui vont être pénalisés. Mon ami del Picchia et moi-même sommes tous deux inscrits dans une commune de France : nous ne serons donc pas comptabilisés comme Français de l'étranger et nous ne pourrons donc pas voter pour ces députés !

Respectons donc la volonté d'équité du Président de la République : avec neuf députés, vous nous avez sauvé la face, et nous pourrons continuer à travailler, mais vous savez bien que ce chiffre ne correspond pas à la réalité. Avec près de 1 500 000 personnes, nous sommes comparables à la population parisienne qui élit... 21 députés ! Nous devrions en avoir autant ! (M. Alain Marleix s'étonne)

Comme disait Vaclav Havel, l'espérance n'est pas au bout d'une prévision mais au coeur de la volonté et c'est pourquoi je suis très reconnaissant à Nicolas Sarkozy ! (Applaudissements à droite)

Mme la présidente.  - Amendement n°11, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Bernard Frimat.  - Je rends hommage au vibrant plaidoyer de M. Cointat : il est toujours émouvant de voir quelqu'un se porter au secours de ceux qui sont en difficulté ! (M. Christian Cointat rit) Mais la représentation parlementaire ne saurait être comparée avec un gâteau que l'on se partagerait.

M. Christian Cointat.  - C'est malheureusement ce que je ressens !

M. Bernard Frimat.  - Ce n'est pas bien sérieux ! Le principe, c'est un homme, une voix.

M. Christian Cointat.  - Faites le calcul : 1 450 000 divisés par 125 000, cela fait douze sièges !

M. Bernard Frimat.  - Dans le Nord, nous avons onze sénateurs pour 2 500 000 habitants. Mais je vais arrêter là ce dialogue sans intérêt.

La révision constitutionnelle prétendait développer les droits du Parlement. Même si ce n'est pas le cas, vous continuez à le prétendre. Et demain, quand vous réduirez le droit d'amendement, vous direz sans doute encore que c'est pour renforcer le Parlement.

Cet amendement supprime l'autorisation de recourir à la loi d'habilitation. J'en ai exposé les raisons lors de la discussion générale. D'abord, il est possible de présenter un projet de loi : le découpage actuel en est un bon exemple.

En deuxième lieu, il revient au Parlement de déterminer le nombre de députés et votre démarche me semble réductrice. Quand le marchandage sur le nombre de députés représentant les Français établis hors de France sera terminé, il restera un solde et on arrivera à des inégalités très fortes entre circonscriptions.

Il aurait été préférable de faire les choses dans l'ordre : d'abord, créer la Commission indépendante, si tant est qu'elle le soit, pour qu'elle puisse donner un avis sur les critères

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Mais non ! Sur les découpages !

M. Bernard Frimat.  - Une fois la commission créée, elle aurait pu émettre des avis. La voie que vous suivez dessaisit le Parlement et le réduit à une chambre d'enregistrement.

C'est ce que vous faites de texte en texte ! Supprimons la loi d'habilitation, cela aura le mérite de la clarté, et faisons les choses dans l'ordre.

Mme la présidente.  - Amendement identique de suppression n°24, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Chercher à justifier le recours aux ordonnances par le précédent de 1986 ne vaut pas : François Mitterrand avait refusé de signer et il avait fallu en passer par une loi. Le Parlement est seul légitime pour débattre publiquement du découpage des circonscriptions. Nous ne nous faisons pas trop d'illusions sur les conditions dans lesquelles il sera conduit. M. le secrétaire d'État est chargé de ce dossier au Gouvernement, il fut secrétaire national aux élections à l'UMP...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Cela n'a rien à voir.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Il est juge et partie. Il a déjà évoqué les circonscriptions qui seraient concernées !

Mme la présidente.  - Amendement n°12, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le deuxième alinéa (1°) du I de cet article.

M. Bernard Frimat.  - C'est un amendement de repli, tendant à limiter l'habilitation au redécoupage. La répartition des sièges entre catégories ne saurait échapper au débat parlementaire.

Mme la présidente.  - Amendement n°13, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le cinquième alinéa (4°) du I de cet article, après le mot :

les

insérer le mot :

deux

M. Richard Yung.  - Nous encadrons l'habilitation : les députés représentant les Français établis hors de France doivent être élus dans le cadre de deux circonscriptions : « Europe » et « hors Europe ». L'exemple nous est donné par le Portugal. Cet amendement est en cohérence avec un autre tendant à établir le scrutin proportionnel.

Notre proposition a le mérite de la simplicité, chaque circonscription représentant à peu près la moitié des Français expatriés. Nous facilitons le travail du secrétaire d'État.

L'amendement n°1 rectifié bis est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°14, présenté par M. Yung et Mmes Cerisier-ben Guiga et Lepage.

Rédiger comme suit le huitième alinéa (4°) du II de cet article :

L'évaluation du nombre de Français établis hors de France est établie sans minoration du nombre de personnes inscrites au registre des Français établis hors de France.

M. Richard Yung.  - Le mode de calcul -oralement précisé mais non écrit- du nombre de Français de l'étranger n'est pas satisfaisant. Prendre en considération le nombre d'électeurs inscrits, au lieu du nombre de Français, n'est pas conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Et l'Assemblée des Français de l'étranger a adopté plusieurs résolutions pour demander que s'applique la même méthode qu'en métropole, la répartition par tranches de population.

Mme la présidente.  - Amendement n°15, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le V de cet article, après le mot :

Parlement

insérer le mot :

et fait l'objet d'un examen spécifique,

M. Bernard Frimat.  - La « ratification expresse » signifie-t-elle que nous aurons un texte isolé à examiner ? Ou traiterons-nous de cette ordonnance dans le cadre d'un bloc d'ordonnances ? Il faut un débat spécifique, ouvert. J'attends une réponse précise sur la signification des termes « ratification expresse ».

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Avis bien entendu défavorable aux amendements n°s11 et 24. Il n'est pas besoin d'y revenir en détail.

M. Bernard Frimat.  - Vos arguments sont faibles...

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Je les ai indiqués au moins quatre fois ! Et ils sont meilleurs.

M. Bernard Frimat.  - Ils ne se sont pas améliorés en chemin !

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Avis défavorable au n°12, le Sénat n'a pas à intervenir dans le mode de désignation des députés. Défavorable au n°13, parce que le scrutin proportionnel est contraire à la position de la commission et du Gouvernement.

Nous sommes d'accord sur le point de départ de l'amendement n°14. Néanmoins l'évaluation du nombre de Français de l'étranger doit être minorée pour tenir compte de ceux qui votent en France pour certaines élections. Mais là encore, nous n'avons pas à intervenir dans le mode de désignation des députés.

La ratification expresse sera bien sûr l'occasion d'un examen spécifique, même si l'ordonnance nous est présentée dans un train de textes : il ne dépend que de nous de nous arrêter plus longuement sur telle ou telle question, et je fais toute confiance pour cela à M. Frimat.

M. Bernard Frimat.  - Donc, avis favorable ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Pas besoin de l'écrire !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Défavorable aux amendements n°s11 et 24 : jamais le recours aux ordonnances n'a été exclu et la loi d'habilitation de 1986 a été validée par le Conseil constitutionnel. Le Parlement n'est pas pour autant dessaisi : il débat en amont à l'occasion du projet de loi d'habilitation, en aval lors de l'examen du projet de loi de ratification -en l'occurrence, à la fin de l'année 2009. Les termes « ratification expresse » figurent à l'article 38 de la Constitution.

C'est le Conseil constitutionnel qui a demandé des ajustements dans la carte des circonscriptions : il a fait ses observations avant les dernières législatives et a précisé que les corrections devraient intervenir après cette échéance. La commission indépendante sera saisie sur toutes les questions de sa compétence, telles que la répartition entre catégories ; elle aura deux mois pour rendre son avis. Je rappelle qu'aucune commission n'a été saisie en 1985, lors du passage à la proportionnelle, des modalités de calcul des sièges ni de la répartition entre départements.

M. Bernard Frimat.  - Pourquoi renoncer à s'améliorer ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Par souci de transparence, le sujet étant sensible, nous avons annoncé dans l'exposé des motifs les critères qui seraient retenus. Le Gouvernement n'avait aucune obligation de le faire, une loi d'habilitation ne devant comporter que l'objet et le délai. Telle était au demeurant la position du Conseil d'État.

Nous reprenons le tableau de répartition de 1985, celui retenu par le gouvernement de M. Fabius, M. Joxe étant ministre de l'intérieur, et les critères de 1986, validés par le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État.

Avis défavorable à l'amendement n°12 : nous ne pouvons pas fixer le nombre des députés élus par les Français établis hors de France et inscrire le tableau de la répartition des sièges en métropole et outre-mer dans ce texte, car les chiffres du recensement de 2004, recensement dit « glissant », ne seront validés que par un décret en fin d'année. Nous ne sommes pas dans la situation de 1986 où la carte électorale avait été remodelée en fonction d'un recensement effectué quatre ans auparavant. Attendre, ce serait retarder encore cette réforme dont le Conseil constitutionnel a demandé maintes fois la mise en oeuvre et que des gouvernements de gauche, je le rappelle, auraient eu tout le temps de mener depuis douze ans.

Avis également défavorable pour l'amendement n°13. Sans compter qu'il est contradictoire de vouloir encadrer une habilitation que vous avez voulu supprimer dans l'amendement n°12, on ne peut délimiter les circonscriptions législatives des Français de l'étranger dans cette loi sans que le nombre de leurs députés, élus au scrutin majoritaire uninominal, n'ait été fixé et la commission indépendante, chargée d'y réfléchir, consultée. Toutefois, ces circonscriptions, le Gouvernement en a pris l'engagement, seront équitablement réparties entre l'Europe et le reste du monde.

Le Gouvernement est opposé à l'amendement n°14, contraire à l'article 3 de la Constitution, car, malgré leur caractère imprécis, les listes consulaires, seules données objectives dont nous disposons, peuvent servir de base de calcul pour fixer le nombre des députés des Français de l'étranger.

S'agissant de l'amendement n°15, l'exigence d'une ratification expresse des ordonnances par le Parlement, posée à l'article 38 de la Constitution, vous garantit que le Parlement débattra des ordonnances, après leur adoption en conseil des ministres.

L'amendement n°11, identique à l'amendement n°24, n'est pas adopté, non plus que les amendements nos12, 13, 14 et 15.

L'article 2 est adopté.

Article 3

I. - Au code électoral, il est rétabli un livre III ainsi rédigé :

« LIVRE III

« DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES RELATIVES À LA REPRÉSENTATION DES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE

« Art. L. 328. - Le chapitre II du titre II du livre Ier du présent code est applicable à l'élection des députés représentant les Français établis hors de France. »

II. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, les autres dispositions nécessaires à l'élection des députés représentant les Français établis hors de France.

Le projet de loi portant ratification des ordonnances est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant celui de leur publication.

III. - L'article L. 125 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 125. - Les circonscriptions sont déterminées conformément aux tableaux n° 1 pour les départements, n° 1 bis pour la Nouvelle-Calédonie et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et n° 1 ter pour les Français établis hors de France annexés au présent code. »

IV. - L'article L. 394 du même code est abrogé.

IV bis - À l'article L. 395 du même code, les mots : « du deuxième alinéa de l'article L. 125 et » sont supprimés.

V. - Les I, III, IV et IV bis du présent article, ainsi que les dispositions prises par ordonnance sur le fondement du II, prennent effet lors du premier renouvellement général de l'Assemblée nationale suivant la publication de la présente loi.

M. Christian Cointat.  - L'essentiel ayant été dit, je serai bref... Puisque, en dépit des souhaits de l'Assemblée des Français de l'étranger, le choix du scrutin majoritaire uninominal pour l'élection des députés des Français de l'étranger n'est pas négociable, je dois attirer l'attention du Gouvernement sur les difficultés pratiques que soulève cette décision : compte tenu de l'immensité des territoires, il faudra prendre des mesures spécifiques pour rapprocher les électeurs des bureaux de vote et faire connaître les candidats. On me rétorquera que les Français de l'étranger ont déjà l'expérience d'un tel type d'élection. Certes, mais c'était celle du Président de la République dont les médias, TV5, RFI et les journaux nationaux rendent compte. La démocratie, ce n'est pas si simple sur de telles distances. Rendez-vous compte : si la Polynésie française, que M. Frimat connaît comme moi, et qui élit deux députés, est éparpillée sur un territoire de la superficie de l'Europe, que dire de la circonscription Asie-Océanie qui élit un député ?

Bref, prenons des mesures spécifiques pour éviter l'absentéisme sans quoi certains se prévaudront du bas taux de participation pour répandre l'idée que donner des députés aux Français de l'étranger était une erreur. Donnons le droit de vote aux Français de l'étranger pour qu'ils votent bien !

M. Bernard Frimat.  - Comment faut-il comprendre cette dernière phrase ?

M. Christian Cointat.  - J'encourage simplement les Français à voter...

Mme la présidente.  - Amendement n°16, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Bernard Frimat.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°17, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 328 du code électoral, après le mot :

code

insérer les mots :

à l'exception de l'article L. 123

M. Richard Yung.  - En tant que représentant des Français de l'étranger, il est de mon devoir de continuer à défendre le scrutin à la proportionnelle, même si je sais le combat perdu d'avance, alors qu'il permettrait de réduire le taux d'absentéisme.

M. Cointat a rappelé les difficultés de l'organisation d'une élection au scrutin majoritaire compte tenu des superficies de nos circonscriptions. Je crains que votre décision, qui pourrait être source de contentieux, ne jette un trouble sur la validité des résultats du scrutin et je déplore ce blocage idéologique...

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Vous, vous êtes bloqués sur la proportionnelle ! (Sourires)

Mme la présidente.  - Amendement n°18, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le paragraphe II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Il autorise le vote par correspondance sous pli fermé et le vote par voie électronique. Il introduit des dérogations aux articles L. 55, L. 56 et L. 173 du code électoral.

M. Richard Yung.  - Pour réduire les distances qui séparent les Français de l'étranger de leurs bureaux de vote et, partant, pour lutter contre l'absentéisme, il faut développer le vote électronique et le vote par correspondance, que l'on a expérimentés lors de l'élection des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger -les résultats sur le taux de participation n'étaient pas satisfaisants mais, en la matière, il faut laisser du temps. Prenons exemple sur le modèle démocratique que nous offre la Suisse qui offre à ses électeurs la possibilité de vote par anticipation, par procuration, par correspondance et par voie électronique.

L'amendement n°19 est retiré.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°16 pour des raisons déjà évoquées de même qu'à l'amendement n°17, car le Sénat a choisi de ne pas remettre en question le choix de l'Assemblée nationale. S'agissant de l'amendement n°18, les dispositions sur les modalités de vote ne relèvent pas de la loi... Puis-je rappeler que le vote par correspondance a été supprimé par M. Joxe, alors ministre de l'intérieur...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - A juste titre !

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - ...parce qu'il avait donné lieu à de nombreuses fraudes dans plusieurs départements ?

L'ordonnance précisera les modalités du vote. L'Assemblée des Français de l'étranger sera d'ailleurs associée aux discussions préparatoires, comme s'y est engagé M. le ministre. Retrait ou rejet.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Il est dommage que M. Yung ait retiré l'amendement n°19, auquel je n'étais pas hostile...

En ce qui concerne l'amendement n°17, le Gouvernement est défavorable par principe au mode de scrutin proportionnel. Ce n'est pas un blocage idéologique. Le scrutin majoritaire est une caractéristique essentielle de la Ve République, et assure depuis des années la stabilité politique de notre pays : l'histoire récente pourrait l'illustrer a contrario, y compris pour certains partis politiques... L'adoption d'un mode de scrutin proportionnel pour l'élection des députés des Français de l'étranger aurait pour effet de singulariser ceux-ci parmi leurs collègues. Certes, les sénateurs sont élus selon deux modes de scrutin différents.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Encore la proportionnelle a-t-elle été réduite !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Mais les députés ont été hostiles à la proportionnelle. Les Français de l'étranger doivent avoir un député bien identifié, auquel ils puissent s'adresser. C'est le choix du pragmatisme et de l'efficacité.

Avis également défavorable à l'amendement n°18. L'ordonnance apportera toutes les adaptations nécessaires ; ce serait anticiper sur celle-ci que de légiférer dès à présent. Je me suis engagé à élaborer ce texte en concertation avec les tous les sénateurs représentant les Français établis à l'étranger et avec l'Association des Français de l'étranger : une réunion aura lieu dès le 19 décembre prochain. Nous aborderons les problèmes du financement des campagnes électorales, du délai entre les deux tours, du mode de scrutin et des campagnes audiovisuelles. Après la réunion du 19 décembre, je vous propose de mettre en place un groupe de travail sur les ordonnances dès le mois de janvier. Cette réforme sera menée en concertation avec tous les partis, dans un esprit de consensus républicain. (Applaudissements à droite)

M. Robert del Picchia.  - Très bien !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Je soutiens l'amendement n°18 présenté par M. Yung : les explications de M. le rapporteur et de M. le ministre ne m'ont pas rassurée. Je sais que le vote par correspondance suscite de nombreuses réticences, qu'il y a eu des fraudes par le passé, et qu'il a été aboli en 1977. Mais les Français de l'étranger forment une circonscription très particulière, songez aux distances. Il faut tout mettre en oeuvre pour éviter l'abstention : de nouveaux bureaux de vote doivent être ouverts, et il faut autoriser aussi le vote par correspondance et le vote électronique.

L'information des électeurs est indispensable pour qu'ils participent en nombre. En 2005, lors de l'examen du projet de loi sur le vote des Français établis hors de France, j'avais proposé un amendement visant à obliger les organismes de l'audiovisuel public à mener des campagnes d'information civique à destination de ces électeurs. Je l'avais retiré, le Gouvernement s'engageant à mener une réflexion en ce sens. Mais rien n'a été fait. Je le répète, il s'agit d'une mesure indispensable : il y va de la légitimité des futurs députés !

Je ne sais pas si M. Yung maintiendra son amendement (M. Richard Yung le confirme) Toujours est-il que je souhaite que M. le ministre réitère son engagement de modifier les modalités de vote, en dépit des réticences de l'administration. Le vote par correspondance existe dans presque tous les pays européens ! Les Français ne sont pas plus fraudeurs que les autres ! Nous avons déjà expérimenté ce type de vote pour l'élection à l'Assemblée des Français de l'étranger, et j'ai déposé une proposition de loi, signée par une majorité de mes collègues, visant à l'étendre à toutes les élections. (Applaudissements sur quelques bancs à droite)

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - M. le ministre a pris l'engagement d'associer les représentants des Français de l'étranger à la suite du processus.

Par ailleurs je répète qu'il n'est pas conforme à la tradition républicaine que le Sénat modifie les dispositions adoptées par les députés au sujet de leur mode d'élection.

M. Bernard Frimat.  - Que faisons-nous ici ?

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Vous avez justement soulevé, madame, le problème de l'information, qui touche aussi les électeurs vivant en France. En ce qui concerne les Français de l'étranger, cette question sera abordée dans le cadre des discussions menées par M. le ministre. L'amendement de M. Yung n'a plus de raison d'être.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°16 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°17.

M. Christian Cointat.  - Compte tenu des engagements de M. le ministre, j'invite nos collègues socialistes à retirer leur amendement. Il serait dommage que nous soyons obligés de voter contre une disposition à laquelle nous sommes favorables !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - La solution est simple : votez pour !

M. Bernard Frimat.  - M. Cointat lance un appel au retrait comme une bouteille à la mer. Mais le mandat impératif n'existe pas : les parlementaires sont libres de leur vote.

Quand nous sommes pour un amendement, nous votons pour ; quand nous sommes contre, nous votons contre. Et vous nous dites que notre amendement est bon et vous allez voter contre.

M. Pierre Fauchon.  - Vous êtes vous-mêmes spécialistes de ce genre d'exercice !

M. Robert del Picchia.  - Je n'ai pas honte de dire que je voterai contre l'amendement : les Français de l'étranger comprendront très bien pourquoi.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - C'est parce que vous êtes pour !

M. Robert del Picchia.  - M. le ministre s'est engagé, et cela nous suffit.

M. Richard Yung.  - J'ai du mal à saisir l'enjeu de ce débat. Il n'y a aucune opposition entre notre amendement, bien modeste, et les engagements de M. le ministre ! (Marques d'impatience au banc des commissions) Les Français de l'étranger comprendront très bien notre position.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Je soutiens entièrement l'esprit de l'amendement. Je tenais à insister sur l'importance de l'information et du vote par correspondance : ce sont des sujets sur lesquels je travaille depuis des années.

Je fais totalement confiance au ministre : s'il a pris un engagement, il le tiendra. Je suggèrerais donc à notre collègue de retirer son amendement après que le ministre aura réitéré son engagement.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Vous êtes crédule !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - J'avais cité le nom de Mme Garriaud-Maylam avant qu'elle prenne la parole ! Je renouvelle bien volontiers mon engagement d'une étroite concertation avec les sénateurs représentant les Français de l'étranger, l'Assemblée des Français de l'étranger et les organisations représentatives pour aborder sans tabou toutes les questions spécifiques aux Français de l'étranger.

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Article 4

L'article 24 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Le représentant dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit est remplacé par le candidat figurant sur la même liste immédiatement après le dernier candidat devenu représentant conformément à l'ordre de cette liste. » ;

2° Le dernier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« En cas de décès ou de démission d'un représentant l'ayant remplacé, tout représentant ayant accepté les fonctions ou la prolongation de missions mentionnées aux articles L.O. 176 et L.O. 319 du code électoral et autres que des fonctions gouvernementales peut, lorsque ces fonctions ou missions ont cessé, reprendre l'exercice de son mandat. Il dispose pour user de cette faculté d'un délai d'un mois.

« En cas d'acceptation par un représentant de fonctions gouvernementales, son remplacement est effectué, conformément au premier alinéa, jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation de ces fonctions. À l'expiration du délai d'un mois, le représentant reprend l'exercice de son mandat. Le caractère temporaire du remplacement pour cause d'acceptation de fonctions gouvernementales s'applique au dernier candidat devenu représentant conformément à l'ordre de la liste. Celui-ci est replacé en tête des candidats non élus de cette liste.

« Si le représentant qui a accepté des fonctions gouvernementales renonce à reprendre l'exercice de son mandat avant l'expiration du délai mentionné au cinquième alinéa, son remplacement devient définitif jusqu'à la date mentionnée au quatrième alinéa. L'intéressé adresse sa renonciation au ministre de l'intérieur. »

Mme la présidente.  - Amendement n°25, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Il est défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°20, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le dernier alinéa de cet article

M. Bernard Frimat.  - Cet amendement revient sur le débat que nous avons eu à propos des membres du Parlement européen et dont vous voulez maintenant prévoir le retour alors qu'il n'en avait pas été question lors de la révision constitutionnelle. Je ne reviens pas sur ce qu'a dit M. Gélard ce matin sinon pour rappeler que notre amendement est tout aussi pertinent.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Avis défavorable par cohérence avec notre position sur les articles 2 à 4 de la loi organique.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°25 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°20.

L'article 4 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Nicolas Alfonsi.  - La majorité du groupe RDSE avait voté la réforme constitutionnelle et la minorité, à laquelle je m'étais associé, avait voté contre. Finalement, des deux textes d'aujourd'hui, c'est la loi ordinaire la plus importante. J'aurais pu rejoindre les arguments de M. Frimat sur la composition de la commission, la nomination par le Président de la République ou l'habilitation pour les ordonnances, mais il faut rester mesuré. La commission marque un progrès et c'est pourquoi, avec la majorité de mon groupe, je voterai la loi ordinaire, contrairement à la loi organique. Il fut un temps où l'on dénigrait le Conseil constitutionnel en raison de sa désignation mais aujourd'hui, c'est lui qui invite à créer une commission pour modifier la carte électorale et l'on peut penser que celle-ci vivra sa vie, créera sa propre déontologie.

Quant à la loi organique, la majorité de mon groupe la votera et je voterai contre. Attaché au parlementarisme ou au parlementarisme rationalisé, je désapprouve une loi toute de convenance et une présidentialisation rampante. Du temps du général de Gaulle, quand on devenait ministre, c'était pour servir l'État et se serait-on préoccupé de ce qui se passait après qu'on ne l'aurait plus été par ce fait même.

M. Pierre Fauchon.  - Nous sommes en présence d'un progrès, et quel progrès ! La commission est une innovation d'une grande portée politique. Rappelons-nous d'où nous venons et dans quelle opacité travaillaient les officines -M. Pasqua n'est pas là... On y parlait d'instruments de chirurgie mais il devait aussi y avoir des anesthésistes. (Sourires) Nous introduisons de la transparence et celle-ci, en démocratie, est d'une extrême efficacité : la presse pourra jouer son rôle. Alors je me tourne vers nos collègues socialistes qui auraient préféré introduire telle ou telle nuance, parce qu'il faut parler : pouvez-vous voter contre un tel progrès ? Non, car ce qui est étonnant avec cette réforme constitutionnelle, c'est qu'on l'accueille avec scepticisme, et qu'elle révèlera progressivement ses bienfaits, de sorte que dans dix ans, quand on mesurera qu'on a changé la République, nous pourrons dire avec fierté que c'est à nous qu'on le doit ! (On applaudit au centre et à droite)

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Eh non, monsieur Fauchon, ce n'est pas un progrès car ce qui se confirme, c'est que nous entrons bel et bien dans un régime présidentiel et cela, mon groupe le refuse.

M. Pierre Fauchon.  - Les régimes communistes n'étaient-ils pas présidentiels ?

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Je n'ai jamais soutenu un régime tel que ceux-la !

M. Bernard Frimat.  - Elle n'était pas née quand Staline est mort !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Est-ce que je vous dis, monsieur Fauchon, que les centristes sont tièdes ? Et bien je l'ai dit !

M. Pierre Fauchon.  - Cela dégage une certaine chaleur !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Le retour des membres du Gouvernement à l'Assemblée nationale et au Sénat fragilisera le Parlement et renforce le pouvoir hégémonique du Président de la République. On dévalorise le mandat parlementaire et les citoyens n'auront même pas leur mot à dire sur l'action qu'auront menée les ministres. La commission ? Quelle grande garantie d'indépendance ! Les ordonnances ? Elles sont anti-démocratiques ! Le découpage ? L'opacité demeurera et la commission n'y changera rien. En déclarant l'urgence vous avez achevé de cadenasser la procédure et lorsqu'un frémissement était perceptible dans le débat, le groupe UMP se retirait sur la pointe des pieds. On constate déjà des dérapages par rapport à ce qui avait été dit lors de la révision et demain, la situation sera encore pire. Le groupe CRC-SPG votera contre les deux textes.

M. Richard Yung.  - Nous éprouvons une déception car si nous avons fait en quelques heures le tour des principales questions, le débat était dès le départ vidé d'une partie de son sens par la nécessité d'un vote conforme. Pourquoi ce calendrier parlementaire alors que nous aurions pu prendre le temps d'un débat serein ?

Le débat a eu le mérite de permettre aux uns et aux autres de faire un peu de pédagogie. J'espère que le ministre nous aura entendus et nous nous serons surtout adressés au Conseil constitutionnel. Nous avons buté sur le rocher des 577 : pourquoi ce chiffre d'où viennent nos difficultés ? Nous avons buté sur le rocher du mode de scrutin, sur votre a priori idéologique contre la proportionnelle. Nous avons buté sur le rocher de l'ordonnance. J'espère que, comme l'a dit Pierre Fauchon, dans quelques années, on s'apercevra que vous avez fait oeuvre utile...

M. Christian Cointat.  - A force de buter sur des rochers, on est obligé de se hisser à des hauteurs où l'on respire mieux. Ces deux textes permettront d'ajuster les circonscriptions aux évolutions démographiques et de répondre à l'urgence, comme le réclame le Conseil constitutionnel. Le groupe UMP félicite le Gouvernement d'avoir lancé ce difficile exercice qui relève presque de la quadrature du cercle. Le groupe le soutient avec confiance car il apporte les garanties de l'indépendance de la commission. Le Gouvernement est habilité à légiférer par des ordonnances que le Parlement sera libre de ratifier ou non. Le retour au Parlement du ministre qui cesse ses fonctions est une mesure de bon sens compte tenu des pratiques instaurées depuis plusieurs années et qui sont bien différentes de celles qui prévalaient au temps du général de Gaulle. Le groupe UMP votera ces deux projets de loi, clairs, transparents et cohérents. Je remercie enfin le ministre pour sa compréhension, son esprit d'ouverture et sa disponibilité qui laissent présager que les ordonnances correspondront bien à nos attentes et que nous les ratifierons avec enthousiasme. (Applaudissements à droite)

M. Bernard Frimat.  - Je ne remercierai pas le ministre pour son esprit d'ouverture : il a refusé tous nos amendements ! Pierre Fauchon a parlé de progrès mais il n'a présenté aucun amendement, c'est donc qu'il se reconnaissait d'avance dans ce texte !

Nous savions que l'ordre de voter conforme était tombé d'en haut... Monsieur Cointat, je suis prêt à parier que le groupe UMP ratifiera les ordonnances ; quel que soit leur contenu, vous les ratifierez... Nous, nous les étudierons et, s'il s'avère que nous avons fait au ministre un procès d'intention, nous le reconnaîtrons. Nous sommes contre les ordonnances et nous doutons de l'indépendance de la commission : à elle de nous prouver demain que nous nourrissions des préventions à son égard mais elle ne naît pas sous les meilleurs auspices. Le retour des ministres au Parlement est tranché mais le Conseil constitutionnel tranchera à propos des cas que nous avons évoqués. Nous avons vu vos contorsions pour refuser des choses dont vous proclamiez naguère la nécessité et, par nos amendements, nous avons voulu vous mettre à l'aise...

Les premiers travaux pratiques de la révision constitutionnelle ont échoué. La loi organique, deuxième séance de travaux pratiques, s'annonce pleine de dangers. Tout cela est mal parti. Nous voterons contre ces textes, sans enthousiasme car il est toujours triste de voir reculer la démocratie.

A la demande du groupe UMP, le projet de loi ordinaire est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 196
Contre 141

Le Sénat a adopté.

En application de l'article 59 du Règlement, l'ensemble du projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 335
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l'adoption 192
Contre 143

Le Sénat a adopté. (Applaudissements à droite et au banc de la commission)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Je remercie la présidence et tous les intervenants, spécialement le président et le rapporteur de la commission des lois. Ce débat fut un enrichissement pour le Gouvernement, qui prendra en considération certains des arguments qui ont été échangés. La création de sièges de députés représentant les Français de l'étranger est une nouveauté institutionnelle importante, il était normal que les sénateurs les représentant déjà participent activement aux discussions. Je les en remercie et confirme mon engagement de mener une concertation pour la rédaction des ordonnances, s'agissant notamment de l'organisation matérielle du scrutin. J'aurai aussi une pensée particulière pour les représentants des collectivités d'outre-mer, dont les interventions ont retenu l'attention du Gouvernement. Merci à tous. Nous avons eu un de ces débats républicains dont le Sénat est coutumier. (Applaudissements à droite et au banc de la commission)

Prochaine séance mardi 16 décembre 2008, à 10 heures.

La séance est levée à 23 h 20.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mardi 16 décembre 2008

Séance publique

A 10 HEURES

1. Questions orales.

A 16 HEURES

2. Discussion des projets de loi :

- (n°464, 2007-2008) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement ;

- (n°465, 2007-2008) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement ;

- (n°68, 2008-2009) autorisant l'approbation de l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal et de son avenant ;

- (n°69, 2008-2009) autorisant l'approbation de l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du protocole en matière de développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne.

Rapport (n°129, 2008-2009) de Mme Catherine Tasca, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

3. Discussion du projet de loi (n°37, 2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République du Tadjikistan, d'autre part.

Rapport (n°126, 2008-2009) de M. André Dulait, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

4. Discussion du projet de loi (n°122, 2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la coopération dans le domaine de la défense et au statut de leurs forces.

Rapport (n°128, 2008-2009) de M. André Dulait, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

5. Discussion des projets de loi (n°89, 2008-2009) autorisant l'approbation de la déclaration de certains gouvernements européens relative à la phase d'exploitation des lanceurs Ariane, Vega et Soyouz au Centre spatial guyanais et (n°90, 2008-2009) autorisant l'approbation du protocole portant amendement de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais.

Rapport (n°127, 2008-2009) de M. Xavier Pintat, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

6. Discussion du projet de loi (n°35, 2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif au bureau à contrôles nationaux juxtaposés de Biriatou.

Rapport (n°124, 2008-2009) de M. Jean-Louis Carrère, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

7. Discussion du projet de loi (n°36, 2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la création de bureaux à contrôles nationaux juxtaposés en gares de Pontarlier et de Vallorbe.

Rapport (n°125, 2008-2009) de M. René Beaumont, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

A 17 HEURES ET LE SOIR

8. Discussion du projet de loi (n°499, 2007-2008) portant diverses dispositions relatives à la gendarmerie nationale (Urgence déclarée).

Rapport (n°66, 2008-2009) de M. Jean Faure, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Avis (n°67, 2008-2009) de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

A PARTIR DE 18 HEURES :

Désignation des vingt-cinq membres de l'Observatoire de la décentralisation.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu :

- de MM. Jean-Léonce Dupont, Jean-Paul Amoudry, Michel Bécot, Jacques Blanc, Paul Blanc, Dominique Braye, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Christian Demuynck, Jean-Pierre Fourcade, Antoine Lefèvre, Jean-Pierre Leleux et Jean-Pierre Vial une proposition de loi relative aux sociétés publiques locales.

- de M. Jean-Claude Etienne, Premier vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur l'apport de la recherche à l'évaluation des ressources halieutiques et à la gestion des pêches, un rapport établi par M. Marcel-Pierre Cléach, sénateur, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.