Logement (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.

Discussion générale

M. Dominique Braye, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.  - Nous voici au terme d'un petit marathon législatif qui a débuté, pour le rapporteur du Sénat, à la fin du mois d'août, suivi, pour la préparation de la CMP, d'un véritable sprint puisque les députés ont adopté le projet de loi une semaine avant sa réunion.

Je voudrais d'abord rendre hommage aux deux présidents des commissions des affaires économiques, MM. Jean-Paul Emorine et Patrick Ollier, qui ont contribué à la construction de ce compromis et aussi au bon climat qui a régné sur tous les bancs tout au long de notre réunion. Je souhaite également saluer l'ouverture d'esprit de M. Michel Piron, rapporteur de l'Assemblée nationale, et remercier les rapporteurs pour avis, Mme Brigitte Bout et M. Philippe Dallier, qui m'ont accompagné tout au long des débats au Sénat.

Notre tâche n'était pas mince : parti de 27 articles, le projet de loi en comptait, après le vote de notre assemblée, près de 70. Après l'examen par l'Assemblée nationale, nous devions nous prononcer sur 114 articles restant en discussion. La commission mixte devait donc réaliser un travail considérable dans des délais plus que resserrés. Cela dit, je crois que le compromis auquel nous sommes parvenus est satisfaisant.

D'abord, je me réjouis que les députés se soient rangés au point de vue du Sénat sur l'article 17 qui proposait de revenir sur le mode de calcul des obligations des communes au titre de l'article 55 de la loi SRU. Ce texte constitue, en soi, une performance, puisque c'est la première fois depuis longtemps qu'une loi sur le logement ne revient pas sur ce dispositif, dont les grands équilibres sont, je l'espère, désormais stabilisés.

Ensuite, l'Assemblée nationale a opportunément complété ou modifié les dispositifs qui n'étaient pas totalement satisfaisants à l'issue des délibérations du Sénat. Je pense en premier lieu au prélèvement sur les ressources financières des bailleurs sociaux qui ne construisent pas suffisamment, dont nous avions repoussé la date d'application au 1er janvier 2011. Sur ce point, les députés sont revenus à une date plus raisonnable, le 1er janvier 2010, tout en prévoyant un système transitoire en 2010 pour limiter les inconvénients de ce prélèvement que certains jugeaient trop précoce.

Je pense en second lieu à l'élargissement des missions de l'Anah, notamment en matière d'humanisation des centres d'hébergement. Le Sénat, comme en première lecture, soutient cette mesure à condition que les moyens dont l'agence disposera pour assumer cette nouvelle mission soient garantis.

A l'article premier, qui concerne les conventions d'utilité sociale, la CMP en est restée à l'économie générale voulue par le Sénat tout en retenant la modification proposée par le président Ollier prévoyant une modulation obligatoire du système des surloyers, dans les zones tendues.

Sur l'article 3, la CMP a entériné les grands équilibres de la réforme du 1 % logement en retenant la formule proposée par le rapporteur de l'Assemblée nationale prévoyant que la répartition des ressources de ce 1 % sera désormais effectuée par décret pris après concertation -j'y insiste- avec les partenaires sociaux. De même, le Gouvernement sera tenu d'engager, tous les trois ans, une concertation avec ces partenaires sociaux sur les emplois de la participation des employeurs à l'effort de construction. Par ailleurs, conformément à ce que nous avait proposé notre collègue Philippe Dallier, ces répartitions de crédits feront l'objet d'un document de programmation triennal et d'une proposition annuelle qui seront joints aux projets de loi de finances. De la sorte, nous avons concilié la nécessité de préserver une marge de manoeuvre aux partenaires sociaux tout en trouvant une formule intelligente associant le Parlement à l'orientation de ces ressources.

Au chapitre premier bis consacré à la copropriété, nous avons d'abord rétabli la dispense pour les organismes HLM de constituer des avances pour provisionner les gros travaux dans les copropriétés issues de la vente HLM. Ensuite, nous avons amélioré la disposition adoptée par les députés sur la vente des parkings en donnant aux copropriétaires une priorité pendant deux mois en cas de cession d'un lot exclusivement à usage de stationnement au sein de la copropriété. Nous avons aussi amélioré la procédure d'état de carence des copropriétés permettant les acquisitions pour cause d'utilité publique par les collectivités. Enfin, nous avons renforcé les conditions de majorité pour la suppression du poste de gardien ou de concierge et de son logement.

Sur le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, les députés n'avaient apporté que deux modifications substantielles en prévoyant la création de fonds locaux de requalification des quartiers anciens dégradés, et en ouvrant le bénéfice du « Malraux » aux restaurations d'immeuble dans ces quartiers. La commission mixte a conservé ces deux précisions.

Sur la partie « urbanisme », la commission mixte paritaire a validé toutes les dispositions nouvelles introduites par le Sénat à l'initiative de votre commission, afin de donner aux élus des outils supplémentaires de maîtrise du foncier ou d'améliorer les outils existants : élargissement du droit de préemption urbain sur les cessions de parts de SCI, suppression du droit de délaissement en contrepartie de l'obligation de construire des logements sociaux, renforcement des liens entre PLU et PLH, ou encore modification de l'assiette de la taxe sur les terrains rendus constructibles afin de retenir la plus-values effectivement réalisée et non le prix de vente.

La principale modification apportée par la CMP a concerné l'article 10 ter, introduit par l'Assemblée nationale et qui supprimait la zone C du plan d'exposition au bruit de l'aéroport d'Orly. La commission a rétabli les règles d'urbanisme existantes dans le périmètre de l'actuelle zone C, avec un assouplissement permettant au préfet de prévoir, dans les secteurs de renouvellement urbain, un accroissement limité de la population. Elle a également adopté une disposition empêchant toute extension ultérieure de la zone C.

J'en viens aux améliorations des dispositifs fiscaux existants. En définitive, la CMP a maintenu l'augmentation de 45 à 60 % du taux de déduction forfaitaire pour les bailleurs qui conventionnent leurs logements au niveau de ressources des occupants d'appartements à loyers « très sociaux ». Elle a également étendu aux logements « intermédiaires » conventionnés avec l'Anah le taux de 70 % de déduction dans le cas où ces logements sont mis à la disposition d'une association utilisant ces logements pour la sous-location ou l'hébergement de personnes défavorisées.

Le Sénat avait souhaité exclure les personnes de plus de 70 ans de l'application des mesures dites de mobilité qui devraient permettre d'instiller un soupçon de fluidité dans le parc locatif social. Les députés avaient ramené, dans des conditions de transparence discutables, cet âge à 60 ans. Vous ne serez donc pas étonnés que la CMP ait, en définitive, décidé de retenir l'âge de 65 ans...

Au sujet des locataires aux ressources au moins deux fois supérieures aux plafonds HLM, la commission a approuvé l'exclusion proposée par les députés pour les personnes occupant un logement faisant, en cours de bail, l'objet d'une convention. En revanche, nous avons précisé que cette exclusion ne s'appliquerait qu'aux locataires installés préalablement à l'entrée en vigueur de la convention et non aux occupants suivants.

Enfin, les députés avaient limité le montant du « loyer plus surloyer » au niveau des loyers plafonds prévus pour les mécanismes d'amortissement « Robien ». Initialement réservé sur ce dispositif, je me suis en définitive rallié à la solution proposée par le rapporteur de l'Assemblée nationale, qui prévoyait un plafonnement ad hoc par décret.

Je serai naturellement extrêmement vigilant, en particulier sur les surloyers.

Les chapitres 5 et 6 ont été améliorés. Le Sénat avait souhaité des détecteurs de fumée dans tous les logements et le président Emorine a efficacement relayé le travail de M. Beaumont, rapporteur de la proposition de loi sur ce sujet. Les frais d'entretien des détecteurs normalisés -la nouvelle expression générique- incombera aux propriétaires des logements saisonniers, des foyers, des logements de fonction et des meublés. Le décret fixera les mesures de sécurité à mettre en oeuvre dans les parties communes car c'est là que prend le tiers des incendies domestiques. Les sociétés d'assurances auront l'obligation de baisser leurs tarifs en cas d'installation et d'entretien de détecteurs. Enfin, leur installation sera obligatoire dans les trois ans après la publication de la loi.

Résumer une centaine d'articles en une dizaine de minutes tenait de la gageure. La commission mixte paritaire a retenu un texte équilibré que je vous invite à adopter. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Christine Boutin, ministre du logement.  - J'adhère totalement au texte de la commission mixte paritaire. Les débats qui ont eu lieu au Sénat en octobre et tout récemment à l'Assemblée nationale ont été passionnants et d'une grande justesse. Ils se sont déroulés dans un climat de respect réciproque. Je remercie les rapporteurs qui ont su faire partager leurs positions sur ces sujets complexes. Vous avez voulu construire avec le Gouvernement un projet partagé et l'ancienne parlementaire que je suis a la conviction que le travail législatif doit s'effectuer dans cet esprit.

Les défis que la France est appelée à relever nous y incitent. Nous devons réunir nos forces et nos compétences, agir collectivement pour maintenir un haut niveau de production de logements, car 10 000 logements construits de moins, c'est 20 000 chômeurs de plus. Il est indispensable de lutter contre tous les types d'exclusion afin de faire vivre la mixité et l'égalité des chances, ces valeurs que porte la République.

Nous avons la volonté d'y parvenir et les dispositions innovantes du projet, associées au plan de relance, nous donnent des outils efficaces et instaurent une nouvelle culture de la responsabilité, du résultat et de l'efficacité. Les bailleurs sociaux devront engager une réflexion stratégique en relation avec les collectivités locales ; la gouvernance du 1 % est refondue : il appartiendra au Gouvernement et aux partenaires sociaux de mettre fin aux dysfonctionnements mis en évidence par la Cour des comptes, dont j'avais lu les conclusions avec satisfaction. Ce projet et le plan de relance donneront ainsi les moyens d'amplifier encore l'effort de construction de logement ; ce sera notre priorité pour répondre à la crise.

Pour aider les plus fragiles à accéder au logement et à s'y maintenir, nous réformons entièrement un dispositif peu lisible et inadapté. Vous avez aussi consolidé juridiquement le droit au logement opposable en tenant compte des spécificités de l'Ile-de-France. Des mesures très concrètes favoriseront les initiatives en faveur des exclus, ainsi de l'intermédiation locative.

Rien ne pourra se faire sans les acteurs locaux : d'où la nouvelle impulsion que donne ce projet. Je veux en effet tous les mobiliser, car ils sont le fer de lance de cette nouvelle dimension de la politique du logement. Ils auront à leurs côtés l'ensemble des acteurs du logement.

Nous devons tous oeuvrer à relever le défi de la crise immobilière. Je remercie la commission mixte paritaire qui a travaillé dans des délais très courts mais a retenu un texte très abouti, que nous devons maintenant mettre en oeuvre. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Françoise Laborde.  - Je veux d'abord dénoncer les conditions de travail imposées à notre Assemblée : le rapport de la commission mixte paritaire n'est pas disponible ni consultable en ligne.

La France s'enfonce dans une crise du logement sans précédent. On ne construit pas assez, et l'on construit trop cher, de sorte que 3,5 millions de Français sont mal logés et que 6,5 millions connaissent une situation de grande fragilité. Ces chiffres alarmants soulignent l'inefficacité des politiques publiques conduites jusqu'ici. Qui plus est, la mobilité sociale est très inégale, les plus modestes étant assignés à résidence dans des quartiers en difficulté et dans des logements dégradés. La crise économique accroît encore ces situations dramatiques.

Le début 2008 avait été prometteur : mise en oeuvre du droit au logement opposable, premier rapport Pinte, nomination d'un délégué général, annonce d'une nouvelle loi. L'habitat allait-il être le grand chantier prioritaire annoncé par le Président de la République ? Hélas ! La laborieuse mise en oeuvre du droit au logement ne garantit pas un toit aux publics prioritaires. Le nombre de recours demeure bien faible -il est vrai que la communication est restée confidentielle... Au déficit d'information et aux hésitations s'ajoute l'incertitude sur les logements mobilisables.

La loi Droit opposable au logement restera lettre morte si on ne construit pas plus. La majorité en a-t-elle la volonté ? Elle privilégie les logements intermédiaires et tente de remettre en cause l'article 55 de la loi SRU. La vigilance des sénateurs a vaincu ses velléités et les députés ont eu la sagesse de ne pas y revenir.

Votre texte contenait certes des mesures intéressantes, mais nous les avons améliorées.

Mme Christine Boutin, ministre.  - C'est le travail parlementaire.

Mme Françoise Laborde.  - Il n'en envoie pas moins des signaux négatifs alors qu'il faudrait mobiliser tous les acteurs du logement : c'est la volonté politique qui fera bouger les lignes. L'État ne peut s'affranchir de l'effort qu'il demande aux autres ; il doit être exemplaire mais le plan de relance est insuffisant...

Mme Christine Boutin, ministre.  - 1,8 milliard !

Mme Françoise Laborde.  - La politique menée ces dernières années a provoqué une spéculation sur le foncier et un renchérissement des logements. Dès lors, vos propositions sont perçues comme une mainmise sur le magot du logement social. Le RDSE n'est pas opposé à une mutualisation des moyens des organismes HLM ni à une réforme du 1 % logement, mais ce n'est pas en encadrant les bailleurs sociaux et en écartant les acteurs locaux que vous obtiendrez des résultats. Les articles 2 et 3 atténuent cet excès d'autoritarisme et le prélèvement sur les organismes HLM interviendra progressivement.

Nous aurions néanmoins préféré, comme le Sénat l'avait souhaité, que ce prélèvement soit reporté à 2011. L'exigence d'une concertation avec les partenaires sociaux sur l'emploi des fonds du 1 % logement est bienvenue, à condition que le Gouvernement ne cherche pas, par ce texte, à compenser le désengagement financier de l'État. De même, pour que le plan national de requalification des quartiers anciens dégradés n'entraîne pas une gentrification, l'État devra veiller à ce que les plus démunis aient accès aux logements réhabilités. Plusieurs amendements en ce sens ont été adoptés. Mais, en matière de mixité sociale, les bonnes intentions ne suffisent pas ; a fortiori, lorsque des fonds publics sont mobilisés. D'ailleurs, je regrette que la CMP ait entériné le choix des députés d'abaisser l'objectif de production de logements sociaux de 30 000 à 25 000.

Je me réjouis que des mesures visant à améliorer la mixité sociale aient été retenues par la CMP ; je pense à celles introduites par le Sénat, notamment le droit de préemption urbain au bénéfice de l'État dans les communes qui, sciemment, mènent une politique discriminatoire en matière d'habitat et la faculté accordée aux maires d'inscrire dans les PLU des zones réservées au logement social, mais aussi au recentrage des dispositifs Robien et Borloo sur les zones les plus tendues. En revanche, la remise en cause du droit au maintien dans les lieux me laisse perplexe : pourquoi les plus modestes devraient-ils être privés de leur logement, dernier refuge de la cellule familiale dans une société où l'individualisme prévaut, quand bien même ils le sous-occupent ? Des amendements ont limité cette remise en cause, notamment pour les plus de 65 ans, ce qui est heureux, compte tenu de la situation critique des personnes âgées qu'a soulignée le rapport de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement.

Dans le contexte actuel, la diminution du plafond de ressources pour l'attribution des logements sociaux risque de plonger beaucoup de nos concitoyens dans la précarité, malgré le report de la mesure dans trois mois. Certes, madame la ministre, vous avez consenti une application différée de trois mois. Mais, à cette date, la crise sera-t-elle derrière nous ? Cet optimisme tranche avec le pessimisme affiché par le Gouvernement pour justifier les restrictions imposées aux Français. Enfin, pourquoi attendre l'hiver pour se préoccuper des sans-abri ? Les parlementaires ont enrichi ce volet du texte, considérant que la question de l'hébergement d'urgence est étroitement liée à celle du manque de logements.

Pour conclure, comme tous les Français, les membres du groupe RDSE souscrivaient aux objectifs du Gouvernement : construire des logements, favoriser l'accession populaire à la propriété, ouvrir l'accès au parc de logements HLM, lutter contre l'habitat indigne. Hélas !, nos espoirs ont été déçus face à un projet de loi initial dépourvu de toute ambition. Malgré les enrichissements apportés par le débat parlementaire, le compte n'y est pas. Pas de signes tangibles, dans ce texte, d'une vraie mobilisation de l'État en faveur du logement, d'un investissement massif dans le locatif social ; bref, pas de mesures qui auraient un impact à court ou moyen terme sur les difficultés rencontrées par les Français. C'est pourquoi la très grande majorité des membres du RDSE et l'ensemble des radicaux de gauche ont décidé de voter contre. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Madame Laborde, je tenais à vous informer que le rapport de la CMP a été distribué ce matin.

Mme Françoise Laborde.  - Certes, mais il n'était pas disponible cette nuit à 1 heure du matin...

Mme Odette Terrade.  - Exact !

M. le président.  - Il a été distribué ce matin, et j'ai demandé aux huissiers de vous en faire parvenir un exemplaire, ainsi qu'à tous les sénateurs présents qui le souhaitent. (Les huissiers distribuent le rapport de la CMP dans l'hémicycle)

M. Michel Teston.  - Appelé à suppléer M. Repentin qui n'a pu être présent, je ne manquerai pas de vous exposer très exactement son point de vue. A l'issue d'un débat fort en rebondissements, nous voici appelés à nous prononcer définitivement sur un projet de loi qui porte bien mal son nom. De fait, il s'agit plutôt d'un projet de démobilisation de l'État ! Pour pallier l'incurie du Gouvernement, vous organisez le pillage des organismes HLM, le pillage de la Caisse de garantie du logement locatif social, le pillage du 1 %. (Exclamations au banc de la commission) Madame la ministre, malgré vos efforts pour nous en convaincre, l'État ne se mobilise pas pour le logement. Nous aurions aimé une seconde lecture, mais désormais l'examen en urgence est la règle. Nous voterons contre, malgré les avancées adoptées à votre corps défendant. Citons la suppression de l'article 17 et l'introduction de l'article 14 bis, que vous avez accepté à l'Assemblée nationale après l'avoir combattu au Sénat. Nous voterons contre parce que le texte désorganisera la construction sur les territoires. Le recentrage du « Robien » est vidé de sa substance par l'adoption du « Scellier » en loi de finances ainsi que par les perspectives de modification des PLU combinées au texte sur la relance. Nous voterons contre parce que les concessions que vous avez faites à la majorité sont scandaleuses. Vous avez entériné un bouclier fiscal logement en soutenant les amendements Lamour et Goujon ! (M. Dominique Braye, rapporteur, proteste)

Mme Christine Boutin, ministre.  - D'habitude, le Sénat est plus nuancé...

M. Michel Teston.  - Vous insultez les locataires de bonne foi, les classes moyennes, que vous chassez sans ménagement du parc social. Nous voterons contre ce texte, enfin, parce que vous l'avez truffé de cavaliers. Quel rapport entre la ratification de l'ordonnance qui prévoit d'appliquer le code des communes aux communes de Polynésie et ce texte ? Pire, un amendement est proposé en CMP qui modifie la représentation dans les conseils d'administration des organismes interdépartementaux de HLM à la seule fin qu'un élu de votre département prenne la présidence de son organisme !

Mme Christine Boutin, ministre.  - Faux !

M. Michel Teston.  - Ce texte, qui aurait pu être amélioré, s'est terriblement aggravé. Nous voterons contre ! (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques.  - Au moins, c'est court !

Mme Muguette Dini.  - A l'issue des débats, mon groupe juge que le texte, globalement satisfaisant, est bienvenu, alors que la crise du logement, malgré les réformes successives, est accentuée par la dégradation de la conjoncture économique. Nous souscrivions, dès le départ, à ses objectifs, et nous nous réjouissons d'avoir obtenu satisfaction sur trois points que nous considérions comme cruciaux, à commencer par la suppression de l'article 17 qui comptabilisait l'accession sociale à la propriété dans le quota de logements sociaux et, partant, remettait en cause l'objectif de l'article 55 de la loi SRU. Ensuite, bien que nous ne soyons pas opposés à la rotation dans les logements sociaux organisée à l'article 20 du projet de loi, nous souhaitions qu'elle ne s'applique pas dans les quartiers sensibles afin d'en finir avec les ghettos. Enfin, nous nous réjouissons du fléchage du financement du 1 % logement vers les salariés les plus modestes et du rétablissement de la possibilité pour les pouvoirs publics d'abonder le fonds de garantie universelle du risque locatif.

En outre, je veux souligner deux acquis de ce texte : les structures intercommunales dotées de la compétence personnes âgées pourront louer des logements à des bailleurs sociaux, qui les sous-loueront à des personnes âgées ; les HLM et les SEM de construction pourront confier à un cabinet d'études une mission portant sur la réalisation des études et l'exécution des travaux, lorsque l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage est rendue nécessaire pour des raisons techniques.

En revanche, notre groupe regrette que la CMP ait rejeté notre proposition de reporter au 1er janvier 2011 l'entrée en vigueur du dispositif créant un prélèvement sur les bailleurs sociaux investissant peu et que seule une concertation préalable des organisations syndicales soit nécessaire concernant l'emploi du 1 % logement. Ce n'est pas conforme à l'idée que nous nous faisons de la démocratie sociale.

Cependant, les débats se sont déroulés dans un esprit d'écoute et de collaboration constructive.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Merci !

Mme Muguette Dini.  - Nous voterons donc le texte, bien que des efforts considérables restent à accomplir, notamment en matière de production de logements très sociaux. A cet égard, la diminution du budget dans un contexte aussi dégradé est un mauvais signal. Aussi veillerons-nous, madame la ministre, à ce que l'État ne se désengage pas et nous continuerons à vous faire des propositions ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Odette Terrade.  - Nous voici donc arrivés, après quelques péripéties, au bout des discussions de ce texte.

Je commencerai par quelques observations de caractère formel.

D'abord, l'urgence déclarée semblait traduire la volonté gouvernementale de faire face à une crise aggravée du logement. Notre première lecture s'est déroulée entre le 14 et le 21 octobre. Nous sommes aujourd'hui le 19 février, si bien que le débat engagé juste avant la trêve hivernale des expulsions s'achèvera cinq mois plus tard, à la fin de celle-ci. Voilà qui relativise l'urgence invoquée. Mais nous ne nous plaignons pas du retard pris par ce texte auquel nous nous sommes opposés dès la première lecture pour des raisons de fond.

J'observe également que les 27 articles du projet initial sont devenus 70 après la première lecture au Sénat, le texte modifié par l'Assemblée nationale en comportant 139. Même avec les ajustements opérés par la CMP, le volume du texte aura donc quintuplé. Cette enflure trouve évidemment sa source dans l'impréparation du projet de loi, que nous avions soulignée en octobre. On nous dit pourtant que c'était la cinquième ou sixième mouture du texte !

En première lecture au Sénat, le Gouvernement a déposé 16 amendements. Il a récidivé 23 fois devant l'Assemblée nationale, dans la plupart des cas pour insérer un nouvel article. Aujourd'hui encore, le Gouvernement propose cinq modifications...

M. Charles Revet.  - C'est pour la bonne cause !

Mme Odette Terrade.  - ...à un texte qui nous a été remis en séance grâce à la bienveillance du président.

Comme il est d'usage en pareil cas, les commissions ont été priées de proposer d'autres dispositions complétant le texte initial. Ainsi, 80 % des 180 amendements présentés par le rapporteur de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale ont été adoptés, amendements qui avaient souvent pour caractéristique d'abriter un souhait ministériel. Cela mérite d'être souligné au moment où nous examinons les nouvelles modalités du débat parlementaire. A contrario, seuls huit des 125 amendements déposés par les collègues députés ont été retenus. Avec 36 amendements adoptés sur 235 déposés, nos collègues députés socialistes n'ont guère été mieux lotis. Il faut dire qu'en octobre, seule une trentaine d'amendements déposés par l'opposition sénatoriale avait été prise en compte.

En définitive, 681 amendements ont été déposés au Sénat, plus d'un millier à l'Assemblée nationale, et, pour faire bonne mesure, la CMP en a encore examiné 174 avant-hier. Cette manière de faire n'est pas respectueuse des droits du Parlement car elle dissimule jusqu'au dernier moment des mesures parfois significatives. Elle permet aussi d'éviter l'appréciation critique du Conseil d'État sur bien des points. Enfin, le Gouvernement instrumentalise les commissions, transformées en troupes auxiliaires chargées de soutenir les dispositions les plus sujettes à caution. Tout cela réduit l'initiative parlementaire à sa plus simple expression. Voulez-vous une preuve ? Seule une vingtaine d'amendements issus de la majorité sénatoriale ont été adoptés.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Le rapporteur est totalement autonome, il ne se sent pas du tout petit soldat du Gouvernement.

Mme Odette Terrade.  - Je l'espère !

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Vous venez de dire le contraire !

Mme Odette Terrade.  - Voilà qui préjuge étrangement des nouvelles modalités de discussion du projet de loi, car les détournements de procédure et le refus de prendre en compte la diversité des approches l'emportent sur la volonté à faire en sorte que la loi exprime l'intérêt général.

De l'intérêt général, il est évidemment question dans cette loi au titre séduisant. Il est vrai que, depuis le mois d'octobre, la situation du logement a gagné en urgence, ne serait-ce qu'en raison du décès de plusieurs personnes sans domicile fixe, victimes de la vague de froid qui a frappé le pays dès le mois de décembre.

Au moment où le Gouvernement s'évertuait à expliquer comment faire plus avec moins de crédits, ce texte prit aussi un sacré coup de froid lorsque le collectif budgétaire de fin 2008 a retiré 120 millions d'euros à la rénovation urbaine. Selon l'exposé des motifs, il s'agissait « d'ajuster la subvention versée à l'agence nationale de rénovation urbaine (Anru) », qui disposait d'une ample trésorerie disponible, tout en réduisant de 14,7 millions les besoins de paiement sur les grands projets de ville. Rappelons que l'annulation de 120 millions venait en déduction de crédits de paiement inscrits dans la loi de finances initiale pour 227,3 millions d'euros.

Les habitants des quartiers sensibles peuvent toujours attendre la réfection des ascenseurs, la rénovation des cités où la construction de nouveaux logements sociaux : l'intérêt général commandait que l'État mette de côté 120 millions d'euros.

Mais cette fameuse situation de trésorerie de l'Anru, qui lui permet de supporter sans broncher un tel manquement de l'État, ne trouve-t-elle pas sa source dans la non-utilisation des crédits disponibles pour réhabiliter, rénover et reconstruire la ville ? Où est passé le plan Marshall des banlieues ?

Décembre fut donc difficile, puisque vous aviez accepté de payer un lourd tribut à la régulation budgétaire, sur le dos des plus modestes. Janvier fut-il plus heureux ? Il devenait impératif d'agir, puisque la loi sur le droit au logement opposable (Dalo) commençait à montrer ses limites. Il faut effectivement changer de braquet quand on voit qu'à Paris ou dans la petite couronne, 1 % des demandes au titre de la loi Dalo sont prises en compte ! Si bien que 1 157 millions d'euros de nouvelles autorisations d'engagement ont été inscrits dans le plan de relance, mais seulement 760 millions au titre des crédits de paiement, soit 5 milliards des ex-francs français.

Et voici que l'on retrouve 200 millions d'euros dans le collectif budgétaire de janvier. Qu'en dit l'exposé des motifs ? Que le programme national de rénovation urbaine, dont la mise en oeuvre est assurée par l'Anru, vise à rénover certains quartiers prioritaires de la politique de la ville, dans un objectif de mixité sociale et de développement durable. Il est ajouté qu'un financement complémentaire de 350 millions d'euros en autorisation d'engagement et de 200 millions d'euros en crédits de paiement, accordé dans le cadre du plan de relance, abondera des subventions en faveur de projets gelés pour des raisons financières, le montant total des travaux correspondant à cette enveloppe exceptionnelle étant estimé à 1 150 millions d'euros. Il était précisé enfin que les projets devaient être exemplaires en termes de qualité environnementale et favoriser la mixité sociale. Allez, encore un effort, et vous ajouterez une éco-conditionnalité des aides à la rénovation urbaine ! On peut comprendre que l'on veuille permettre aux locataires de moins dépenser pour leur chauffage mais on trouvera aussi, dans ces conditions, de bonnes raisons pour ne pas accorder de financement...

Surtout, en décembre, on nous disait que l'Anru pourrait supporter le désengagement de l'État, pour avouer en janvier que certains investissements étaient gelés faute de financement !

Soyons clairs : ce n'est pas la première fois que les crédits de la rénovation urbaine subissent un tel tour de passe-passe budgétaire. C'est l'action de l'Anru qui est ainsi mise en question. D'où le retard de la rénovation urbaine, l'exercice de rattrapage tenté en janvier ne devant pas faire illusion.

Depuis longtemps, la seule logique qui anime le Gouvernement en ce domaine consiste à ne pas satisfaire les attentes de la population, tout en accentuant une politique de l'offre qui a montré son inadéquation à la demande. C'est ainsi que le collectif de décembre, après avoir taillé dans le vif les crédits de la rénovation urbaine, a introduit un nouveau dispositif d'incitation à l'investissement immobilier privé, après les désastreux dispositifs Robien et Borloo, qui ont fait construire des logements vacants dont la mise sur le marché à des tarifs élevés contribue à la hausse des loyers dans le voisinage !

On me dira que tout cela ne figure pas dans le texte. Hélas ! Nous sommes en plein dedans. En effet, à quoi sert l'article premier, sinon à imposer aux bailleurs sociaux une politique patrimoniale différenciée organisant une forme de ségrégation et à les contraindre de vendre certains logements pour se financer ?

A quoi sert l'article 2, qui oblige les organismes HLM à solliciter les locataires pour compenser le désengagement de l'État ? A quoi sert l'article 3, qui « rackette » les organismes collecteurs de l'ancien « 1 % logement », devenu la caisse où l'État puise pour se désengager encore plus ?

A quoi sert l'article 4, sinon à faire payer par le secteur HLM l'échec des politiques d'incitation à l'offre locative privée, puisque les bailleurs sociaux pourront désormais acquérir les logements que les promoteurs ne réussissent pas à vendre ?

De même, à quoi sert la philosophie générale de l'article 20, toujours aussi discriminatoire et honteux ? Il avoue l'échec d'un Gouvernement qui n'a peut-être pas la capacité financière, et sûrement pas la volonté politique d'une construction audacieuse de logements sociaux. On désigne donc de commodes boucs émissaires à la vindicte populaire : les logements sociaux seraient occupés par des ménages aux ressources excessives qu'il faudrait faire décamper au plus tôt. Les chiffres les plus fantaisistes ont circulé sur le nombre de locataires susceptibles de vider les lieux. Allez donc expliquer à un jeune couple de salariés vivant en province ou à de jeunes fonctionnaires sans enfants vivant en région parisienne qu'ils sont trop riches pour se voir attribuer un logement social ! Laissez-les aux prises avec les emprunts immobiliers refusés par les banques et les loyers du secteur privé qui consomment jusqu'au tiers de leurs ressources !

En première lecture, le président Fourcade, qui connaît l'état du marché immobilier, notamment en Ile-de-France, avait démontré qu'un nombre croissant de ménages moyens privés du droit au logement social risquaient de ne pas pouvoir louer dans le secteur privé. L'article 21 sur l'abaissement des plafonds de loyers consacre d'ailleurs cette logique.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Encore une fois, vous défendez les riches !

Mme Odette Terrade.  - Vous vous méprenez, monsieur le rapporteur. En revanche, les vrais riches, vous les défendez bien !

En prétendant lutter contre l'exclusion, ce texte organise une nouvelle exclusion, car il frappe les couches salariées moyennes, sans résoudre les problèmes de logement.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Ce n'est pas possible d'entendre cela !

Mme Odette Terrade.  - Vous voulez libérer plusieurs dizaines de milliers de logements sociaux de leurs occupants pour éviter d'en construire des neufs.

Paradoxalement, le plan de relance du Gouvernement va commencer par réduire le nombre de logements sociaux disponibles. En effet, la Caisse des dépôts et consignations va participer au Fonds stratégique d'investissement. Or, comme elle a besoin d'argent frais, elle va vendre 35 000 logements sociaux à sa filiale immobilière Icade, après les avoir déconventionnés.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Il ne faut pas tout mélanger !

Mme Odette Terrade.  - Quelles seront les conséquences de cette opération de grande envergure destinée à utiliser l'argent du logement social au profit de grands groupes du bâtiment ? Avec cette loi, nous allons assister à la fois à la dissolution d'un patrimoine social important et à l'exclusion du droit au logement social d'un nombre croissant de foyers !

Quand quelques spécialistes budgétaires s'indignent de constater que 70 % des ménages peuvent demander un logement social, il faut les ramener à un peu plus de raison. Grâce aux politiques de déflation du coût du travail et de réduction du pouvoir d'achat des retraites, 50 % des foyers fiscaux ne paient pas d'impôt sur le revenu. Au demeurant, ce chiffre va sans doute encore augmenter, après les annonces du Président de la République d'hier soir. Que 20 % des 50 % restants puissent avoir accès au logement social n'a rien de scandaleux et respecte le principe de mixité sociale. Cantonner ce type de logements aux ménages non imposables reviendrait à stigmatiser le logement HLM et la population qui y réside.

Le véritable problème tient à l'insuffisance du nombre de logements sociaux et aux difficultés pour accéder au secteur privé. Pourquoi construire aussi peu de logements sociaux en 2009 et continuer à encourager des programmes de logements défiscalisés à la rentabilité incertaine ?

Alors que notre pays reste une des premières puissances économiques mondiale, ce projet de loi marque un nouveau recul en matière de droit au logement, notamment en ce qui concerne les sans-domiciles fixes, les sans-abris et les victimes des habitats insalubres et indignes. Ainsi, l'hébergement d'urgence va être assimilé au logement. Une procédure Dalo pourra aboutir à l'attribution d'une place dans une structure d'hébergement, ce qui est un comble ! Ensuite, les communes ne se conformant pas aux exigences en matière de construction de structures d'accueil pourront reporter sur l'intercommunalité cette charge. Dès lors, les communes résidentielles adhérant à une structure intercommunale comprenant des villes populaires s'étant conformées à leurs obligations légales pourront s'exonérer du moindre effort ! Les centres d'accueil pour sans-abris, c'est bon pour Vénissieux ou Vaulx-en-Velin et, du coup, ils deviennent inutiles pour les communes du Mont-d'Or !

J'en viens au cas spécifique de l'Ile-de-France où la proportion des ménages dont les ressources excèdent les plafonds HLM est la plus importante. N'oubliez pas ce fait, au moment où vous vous apprêtez à réduire ces plafonds : moins les ménages auront accès au logement social, plus les loyers dans le secteur privé vont augmenter ! La région capitale est déjà en tête, et de loin, en matière de procédures Dalo. Or, ce projet de loi va autoriser le relogement et même l'hébergement dans les huit départements de l'Ile-de-France. Ainsi, demain, un ménage mal logé à Pantin et dont l'un des membres travaille à Neuilly-sur-Seine pourra être relogé à Étampes ou à Provins ! N'y a-t-il pas là travestissement, voire perversion, du dispositif adopté en janvier 2007, époque propice à toutes les promesses électorales ?

Je n'ai, par souci de concision (exclamations à droite et sur les bancs de la commission), consacré que peu de temps au texte de la commission mixte paritaire. Nous refusons une politique du logement qui tourne le dos au droit au logement et qui privilégie le profit au détriment des locataires. Or, le logement n'est pas une marchandise. Le jour où la politique du logement du Gouvernement respectera les principes d'égalité, de justice sociale, et permettra de lutter contre les discriminations dont souffrent les plus vulnérables, nous voterons les textes qui nous seront présentés. Pour l'heure, tel n'est pas le cas, et c'est pourquoi nous ne voterons pas le texte de la commission mixte paritaire...

M. Charles Revet.  - C'est une erreur !

Mme Odette Terrade.  - ...dont le titre est manifestement trompeur. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Je vous remercie pour votre concision. (Sourires)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Comme Mme Terrade, je vais faire un effort de concision. Je veux vous interroger, madame la ministre, sur les diligences que vous allez prendre à propos des zonages des constructions de logements locatifs dans le parc privé.

En ces temps de crise, il faut avoir à l'esprit que le secteur du bâtiment est un levier considérable pour sauvegarder l'emploi. Par conséquence, toute modification des incitations fiscales doit être examinée avec attention. Pour répondre aux besoins actuels, il faudrait sans doute construire entre 400 et 500 000 logements sociaux par an. Pour 2008, nous serons sans doute en deçà de 370 000 constructions neuves. Veillons donc à ne pas freiner ce mouvement.

Certes, il faut revoir le dispositif actuel : la loi Robien à certainement suscité quelques dérives et des investisseurs se sont égarés dans des programmes de constructions qui ne répondaient pas aux besoins de nos concitoyens. Lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative voté fin 2008, nous avons mis en place une mesure pour recentrer ces aides fiscales afin que d'ici un an, elles puissent se substituer à celles en vigueur, notamment le Robien. Mais nous avons eu connaissance d'un avant-projet du Gouvernement qui a suscité des inquiétudes et des protestations. Nous voudrions être sûrs que ce dispositif ne se limite pas à l'état des stocks de logements non occupés. Certes, certains programmes n'ont pas correspondu aux attentes de la population.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - C'est marginal !

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je veux m'assurer que le Gouvernement retiendra des critères plus subtils que le simple état des stocks. De grâce, ne vous en tenez pas à lui seul : sinon, les nouveaux logements seraient inadaptés à la demande et ils auraient du mal à trouver des occupants. Toute explication de votre part, madame la ministre, sera la bienvenue. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Christine Boutin, ministre.  - Sans polémiquer, je veux rappeler des chiffres incontestables : en cette période de crise, nous avons construit 110 000 logements sociaux. En 2000, alors que la croissance était au rendez-vous, seuls 40 000 l'ont été. Voilà la vérité ! (Applaudissements à droite)

M. Charles Revet.  - Il fallait le rappeler !

Mme Christine Boutin, ministre.  - J'en viens aux amendements : avant d'être ministre, j'ai longtemps été parlementaire et, comme vous, j'ai souvent eu l'impression que le Gouvernement ne nous écoutait pas assez et ne nous permettait pas d'améliorer ses textes.

M. Charles Revet.  - C'est vrai !

Mme Christine Boutin, ministre.  - C'est pourquoi j'ai voulu tenir compte des observations faites sur tous les bancs des deux assemblées pour améliorer ce projet de loi. Il s'agit peut-être d'une méthode novatrice, mais c'est ainsi que je conçois mes responsabilités ministérielles et je tiens à vous remercier pour votre aide : grâce à vous, ce texte a été enrichi.

Je ne peux laisser dire que le texte initial avait oublié la lutte contre l'exclusion. Vous connaissez mon engagement personnel. J'ai seulement fait en sorte que M. Pinte, que le Premier ministre et moi-même avions missionné sur le sujet, fasse d'abord ses propositions. Je n'ai pas voulu me parer des plumes du paon... Je remercie encore le Sénat pour le travail accompli. (Applaudissements à droite)

Un mot enfin au président Arthuis pour apaiser ses inquiétudes sur le zonage. Pour procéder au recentrage et définir les périmètres, il fallait bien s'appuyer sur un document technique. C'est ce document qui a été adressé aux fédérations de promoteurs, mais je le dis solennellement : il ne traduit en rien l'analyse du ministère du logement. Dès que le projet de zonage sera arrêté, je le soumettrai aux associations d'élus et à tous ceux qui ont déjà manifesté leur intérêt. Je regrette que ce qui n'est qu'un document de travail ait suscité tant d'inquiétudes. Mon objectif n'est évidemment pas de contraindre l'effort de construction, mais de l'encourager. (Applaudissements à droite ; Mme Muguette Dini applaudit aussi)

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Je souhaite répondre à mon tour au président Arthuis. Le nombre de logements inadaptés au marché est très faible. On compte 5 000 logements sous le régime Robien qui ne sont ni loués ni vendus et auront sans doute du mal à l'être, chiffre qui doit être mis en rapport avec celui des logements produits et occupés. On a fait beaucoup de battage médiatique autour de cette situation, qui est pourtant moins préoccupante que celle des années 1990. La perfection n'est pas de ce monde. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain...

La discussion générale est close.

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - Je rappelle qu'en application de l'article 42-12 de notre Règlement, aucun amendement n'est recevable sauf accord du Gouvernement. Le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statuera sur les cinq amendements du Gouvernement puis par un seul vote sur l'ensemble du texte.

Article 2 ter

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Remplacer les II et III de cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

II. - Dans la première phrase du dernier alinéa des articles L. 2335-3, L. 5214-23-2 et L. 5215-35 et dans la première phrase du second alinéa de l'article L. 5216-8-1 du code général des collectivités territoriales, la date : « 31 décembre 2009 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2014 ».

Mme Christine Boutin, ministre.  - Le Gouvernement lève le gage. Il s'agit de la prolongation de la compensation pour perte de taxe foncière aux collectivités territoriales et à leurs groupements.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Avis favorable, en espérant qu'une prochaine loi de finances ne viendra pas remettre cette disposition en cause...

M. le président.  - La commission des finances y veillera certainement...

L'amendement n°1 est adopté.

Article 14 bis

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Supprimer les II et III de cet article.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Il s'agit là encore d'une levée de gage.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Favorable.

M. Michel Teston.  - Nous voterons pour, nous avions nous-mêmes défendu cette idée.

L'amendement n°2 est adopté.

Article 15 ter

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

Supprimer le II de cet article.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Levée de gage...

M. Dominique Braye.  - Avis favorable.

Mme Odette Terrade.  - Nous voterons contre. Voilà un nouveau cadeau à l'investissement privé. Il est anormal que nous découvrions les amendements du Gouvernement à la dernière minute...

M. le président.  - Sans levée de gage, le dispositif ne peut s'appliquer...

L'amendement n°3 est adopté.

Article 16 bis

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.

Supprimer le II de cet article.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Nouvelle levée de gage.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Avis favorable. Il est bon que le Gouvernement accède ainsi au souhait du Parlement.

L'amendement n°4 est adopté.

Article 20 bis

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.

I. - Supprimer le 1° du I de cet article.

II. - Dans le I du texte proposé par le 3°du I de cet article pour l'article L. 481-2 du du code de la construction et de l'habitation, remplacer la référence :

L. 442-8-3-1

par la référence :

L.442-8-4

Mme Christine Boutin, ministre.  - Cet amendement de coordination permet aux sociétés d'économie mixte, comme le texte le prévoit pour les autres bailleurs sociaux, de mettre leurs logements en location ou en colocation à des étudiants ou des apprentis.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Avis favorable. Je félicite le Gouvernement de sa vigilance.

L'amendement n°5 est adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme Brigitte Bout.  - Nous examinons les conclusions de la CMP dans un contexte de crise économique et financière majeure, et d'abord de crise du bâtiment, du crédit et de l'immobilier. Cette situation rend impérative l'adoption des mesures proposées par ce texte.

Entre 2003 et 2007, pas moins de six textes de loi ont été consacrés, en totalité ou en partie, à la politique du logement. Le présent projet de loi se fonde sur une approche nouvelle, celle de l'efficacité. Enrichi par les mesures du plan de relance adoptées par le Parlement le 29 janvier dernier, il donnera aux différents acteurs les moyens d'agir et permettra à l'État de suivre les objectifs grâce à des mesures ciblées, pragmatiques, rapidement opérationnelles, qui autoriseront une meilleure gestion des dispositifs existants de soutien au logement.

Le Sénat a apporté sa contribution en complétant le texte de 43 nouveaux articles. Au nom du groupe UMP, je rends hommage à notre excellent rapporteur de la commission des affaires économiques pour sa compétence, la qualité de son travail et, éventuellement, son sens de l'écoute... (Rires) Je remercie également M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances, pour son importante contribution.

Ce texte revêt une importance cruciale. Je salue la démarche courageuse du Gouvernement qui, allant à l'encontre des routines et des préjugés, vise à gérer plus rationnellement le parc social et à lutter contre les injustices qui y perdurent. Le texte issu des travaux de la CMP résulte d'un travail fructueux entre les deux assemblées ; il doit permettre de sortir au plus vite de la crise du secteur immobilier. Le groupe UMP le votera.

Je ne peux conclure sans remercier Mme le ministre pour l'attention qu'elle a bien voulu porter aux propositions du Sénat et pour l'engagement total dont elle fait preuve dans la lutte contre l'exclusion et pour le droit au logement. (Applaudissements à droite ; Mme Muguette Dini applaudit aussi ; Mme le ministre remercie)

A la demande de la commission, les conclusions de la CMP, modifiées, sont mises aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 186
Contre 153

Les conclusions de la CMP, modifiées, sont adoptées.

(Applaudissements à droite, au centre et au banc des commissions)