Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.

Sanction des rémunérations excessives

M. Jean-Pierre Fourcade .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Madame la ministre de l'économie, au moment où vous recevez le secrétaire américain au Trésor, nous apprenons la remontée des cours de bourse de certaines banques américaines et la publication de résultats supérieurs aux attentes. D'un côté, nous nous réjouissons de l'amélioration de la situation du secteur financier aux États-Unis et en Europe. L'action rapide et efficace que vous avez menée a permis de sauver certains établissements, de rassurer les épargnants et de soutenir le financement de l'activité des entreprises. De l'autre, nous nous interrogeons sur les bénéfices et les bonus conséquents annoncés par certaines grandes banques d'investissement américaines, celles-là même qui sont largement responsables de la crise financière. (Marques d'approbation sur les bancs socialistes)

La France a imposé des conditions et des règles claires en matière de soutien de l'État, intégrant les problèmes de la rémunération des dirigeants, et elle plaide en faveur de la régulation du secteur financier. Comment faire en sorte que les règles et les pratiques de ce secteur soient mieux harmonisées entre les États-Unis, la Grande-Bretagne et la zone euro ? Comment y renforcer la régulation et améliorer la gouvernance, aux plans européen et mondial ?

Madame la ministre, vos conversations avec vos partenaires américains vous permettent-elles de penser que le bon sens va enfin triompher des mauvaises habitudes ? (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi .  - Effectivement, le Premier ministre a reçu ce matin Timothy Geithner, secrétaire américain au Trésor, qui a ensuite participé à une réunion technique dans mes bureaux.

La tentation est grande, pour les acteurs du secteur bancaire, de revenir à leurs vieilles habitudes. Nous devons les en empêcher. Des principes ont été posés en ce sens à Washington, lors de la réunion du G20 du 15 novembre dernier, suivis de décisions prises à Londres le 2 avril, d'après une initiative franco-allemande. Nous avons réussi, notamment, à convaincre nos partenaires de l'utilité des mesures contracycliques destinées à éviter l'accélération de la crise, que les rémunérations avec bonus garantis favorisent. Lors de la prochaine réunion du G20 de Pittsburgh, les 24 et 25 septembre prochain, nous ferons un état des lieux des mesures engagées. J'ai rappelé ce matin à Timothy Geithner la nécessité de faire cause commune sur cette question.

J'ai été satisfaite d'apprendre que la Commission européenne a proposé de modifier certaines directives, dont la directive Capital Requirements, afin de sanctionner les politiques de rémunérations de nature à accélérer la crise et d'imposer des mécanismes prenant en compte la performance -avec éventuellement un remboursement des bonus. Nous serons extrêmement vigilants sur leur application. (Marques de scepticisme sur les bancs socialistes ; applaudissements à droite et au centre)

Épidémie de grippe A

M. Jean Milhau .  - Mme la ministre de la santé a annoncé hier l'achat par la France de 94 millions de doses de vaccins, pour un milliard d'euros, auprès de trois laboratoires pharmaceutiques. Ces chiffres démontrent que la propagation du virus pour le dernier trimestre représente une menace bien réelle pour la population française, contrairement aux déclarations rassurantes entendues jusqu'ici. Malgré la déclaration de pandémie par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la France maintient son niveau d'alerte compte tenu du faible nombre de cas avérés de grippe A dans notre pays.

Or tout porte à croire que la pandémie est très sous-estimée. L'Institut de veille sanitaire (InVS) a indiqué hier que, sur 628 cas identifiés, 481 sont confirmés et 147 probables. Quel crédit accorder à ces chiffres ? Selon une revue médicale britannique, le nombre de cas de grippe A ainsi que la mortalité seraient bien supérieurs aux statistiques officielles. Faute de précautions suffisantes et adaptées à la réalité, les risques de voir s'étendre la pandémie augmentent. Plus grave, l'absence de données fiables retarde la prise en compte de la mutation du virus.

Nous sommes seulement à quelques semaines des premiers rhumes automnaux. Comment notre pays entend-il remporter la course de vitesse qui s'engage entre propagation du virus et mise à disposition du vaccin ? Pour gagner du temps, envisagez-vous de mettre sur le marché un vaccin qui n'aurait pas été évalué selon les protocoles en vigueur ? Enfin, pourquoi ne pas admettre que la grippe A est une pandémie très largement sous-estimée dans notre pays ?

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. - Le passage à la phase 6, décidé par l'OMS, signifie que le monde est bien confronté à une pandémie, le Gouvernement ne le conteste pas. Depuis le début de la pandémie, notre pays a recensé environ 600 cas, principalement importés, sans aucun décès lié à la maladie. L'efficacité du dispositif retenu s'est vérifiée récemment à Megève.

Nous avons pris trois mesures. Premièrement, le dispositif de protection et de vaccination est activé. La France dispose d'un milliard de masques anti-projections, de 723 millions de masques de protection, de 33 millions de traitements antiviraux ; 94 millions de doses de vaccins ont été commandées, sachant qu'il faudra parfois deux vaccinations.

Nous adaptons notre dispositif sanitaire. Il a été décidé hier que les malades seraient pris en charge par la médecine libérale dès le 23 juillet. Les préfets ont reçu dès aujourd'hui des instructions.

Enfin, nous mobilisons les acteurs de proximité. A la demande du Président de la République, j'ai réuni hier tous les préfets de département et de zone. Je leur ai demandé de s'assurer que les plans de continuité d'activité sont dès à présent opérationnels et de prendre contact avec les élus locaux, à commencer par les maires.

Nous ne devons pas inquiéter inutilement la population mais nous lui devons la vérité. C'est en agissant ensemble, en mobilisant l'État, les collectivités locales, les entreprises, la société civile que l'on apportera une réponse efficace à une pandémie bien réelle. (Applaudissements à droite)

Fracture télévisuelle

M. Yves Détraigne .  - Ma question s'adresse au ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. (Exclamations allègres et applaudissements à droite et au centre)

L'extinction du signal analogique et le passage au tout numérique risque d'entraîner, pour plus d'un million de ruraux, la suppression pure et simple de la télévision. La loi du 5 mars 2007 impose aux chaînes historiques une couverture TNT obligatoire pour 95 % de la population au niveau national et pour 91 % seulement par département. Seuls 1 626 réémetteurs vont être mis aux normes TNT ; ils seront 2 000 à ne pas être équipés pour diffuser le numérique. Ce sont plusieurs centaines de milliers d'habitants, dans une quarantaine de départements, qui devront donc soit passer par le câble, l'ADSL ou le satellite, soit financer, au travers de leur commune, la mise aux normes TNT du réémetteur local. Ils seront condamnés à une double peine : payer la redevance pour un service qui aura disparu ou financer le maintien de ce service !

Or les communes concernées n'ont pas de réseau câblé, attendent souvent encore l'ADSL, ou le reçoivent à un débit insuffisant, et se trouvent souvent dans des secteurs protégés où les paraboles satellitaires sont interdites !

Le service public en milieu rural risque de reculer encore. Qu'entend faire le Gouvernement pour que le passage au tout numérique n'amplifie pas la fracture territoriale ? (Applaudissements au centre et sur plusieurs bancs à droite)

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire .  - (« Ah ! » à droite) Le Gouvernement partage vos préoccupations, que je fais volontiers miennes : elles ont trait au développement de tous nos territoires et au bien-être des populations.

La loi de 2007 prévoit la couverture de 95 % de la population. Sachant que la desserte est quasi-intégrale en zone urbaine, il y avait là un risque de fracture territoriale. Le CSA est donc allé plus loin, en exigeant que soient desservis 91 % de la population de chaque département. Le Sénat aura l'occasion d'inscrire cette excellente règle dans la loi dès la semaine prochaine.

Ce taux de 91 % n'est pas un recul, sachant que la couverture analogique n'est pas intégrale. L'objectif du Gouvernement est de parvenir le plus rapidement possible à une couverture homogène.

La loi prévoit un fonds destiné à aider les ménages modestes à s'équiper en télévision numérique et en paraboles. Pas question d'accepter une nouvelle fracture numérique ! La mission qui m'a été confiée est d'éviter l'accumulation des handicaps. La « double peine » que vous évoquez sera au coeur de réflexions que nous mènerons avec Mme Kosciusko-Morizet.

Preuve de la mobilisation du Gouvernement, le Premier ministre présidera la semaine prochaine le Conseil du numérique ; les décisions prises à cette occasion vous seront communiquées. (Applaudissements à droite et au centre)

Situation de l'audiovisuel

M. David Assouline .  - Ma question s'adresse à Frédéric Mitterrand, homme de culture, de toutes les cultures, dont j'attends une réponse sincère et non conventionnelle. (Exclamations à droite)

Monsieur le ministre, vous qui avez soutenu une grève au CNC en octobre 2001, en tant que président de la commission d'avance sur recettes, comprenez-vous les salariés de RFI qui ont cessé le travail pendant deux mois pour protester contre une brutale restructuration ? Le personnel n'a toujours pas été entendu : six programmes en langue étrangère et 20 % des postes doivent toujours disparaître. Ancien directeur des programmes de TV5 Monde, ce formidable outil de promotion de la francophonie, serez-vous sensible au sort réservé par la majorité à l'AFP, promise à la privatisation ?

Vous qui dénonciez, en 1990, dans un geste fort, en direct devant plus de huit millions de téléspectateurs, la paupérisation du service public, laisserez-vous résorber les 50 millions d'euros de déficit qu'aura accumulés France Télévisions en 2010 par la suppression de 500 emplois sur 900 départs en retraite d'ici à 2012 ?

Vous qui avez quitté TF1 avec fracas en 1988, en affirmant, avec des mots d'une rare violence -« Ils n'aiment ni les Noirs, ni les Arabes, ni les pédés, ni les gens de gauche, autant dire que je n'avais pas beaucoup d'avenir. »-, pouvez- vous nous assurer qu'aujourd'hui, ministre, vous vous engagez à agir pour que le service public reste un lieu de diversité et d'indépendance et non pas un lieu voué à encenser, d'abord et toujours, le Président Sarkozy ? (Protestations à droite) Allez-vous fermer les yeux devant la véritable catastrophe démocratique que constitue la mise sous tutelle politique de notre télévision et de notre radio publiques et qu'illustre la scandaleuse et complaisante valorisation du Président de la République sur les antennes audiovisuelles les 13 et 14 juillet, alors que l'opposition n'avait pas le droit à la parole ? (Vives apostrophes à droite) Agirez-vous pour garantir la pérennité des éditions locales de France 3, auxquelles les Français sont très attachés, et l'indépendance des rédactions nationales des antennes de France Télévisions ? (Applaudissements à gauche)

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.   - Première observation sur votre question à épisodes, bâtie sur des citations datant de ma « carrière » antérieure : vous n'avez pas tout à fait la même personne face à vous (applaudissements sur les bancs UMP) et vos citations sont sorties de leur contexte. Je suis cependant très sensible à votre volonté de reconstituer un destin dans son intégralité : vous savez combien ce genre d'inspiration m'est cher. (On apprécie à droite)

La réforme en cours à RFI ne vise pas, comme vous semblez le soupçonner, à éteindre une chaîne à laquelle les Français sont très attachés mais à la redéployer. Certaines zones de diffusion méritent, de fait, un redéploiement, notamment celles qui usent de langues vernaculaires comme l'haoussa ou le swahili, encore insuffisamment pratiquées. En revanche, RFI, au travers de ses émissions en langue arabe, collabore plus intensivement avec France 24 et TV5.

La réforme, qui entérine en effet la réduction de 206 emplois, passera, conformément à ce que nous avons toujours essayé de faire, par un plan le plus juste possible. J'ajoute que 34 nouveaux emplois ont été dégagés pour accompagner l'adaptation de RFI au numérique.

La vérité est que cette chaîne a été trop longtemps laissée à l'abandon et que, comme toujours en pareil cas, ce sont les salariés qui payent la facture. (Applaudissements à droite)

Quant à mon appui au service public, il est constant. J'y ai très longtemps travaillé...

M. le président.  - Il est temps de conclure.

M. Frédéric Mitterrand, ministre.  - La réponse à votre question vous a été donnée hier soir avec la diffusion, grâce à la suppression de la publicité en prime time, de La Traviata, qui a rencontré un succès éclatant. (Applaudissements sur les bancs de l'UMP)

Indépendance du Parquet

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat .  - Ma question porte sur les rapports entre l'exécutif et la justice. Marc Robert, procureur de Riom, a été muté d'office à la Cour de cassation. Alors que le Conseil supérieur de la magistrature avait donné un avis défavorable, le 23 juin, un décret du Président de la République procédait à sa nomination « vu l'avis du Conseil supérieur de la magistrature du 4 juin 2009 » ! Or, le 4 juin, madame Dati, alors garde des sceaux, avait retiré sa proposition de mutation de l'ordre du jour. Monsieur Ouart, conseiller du Président de la République, était cependant intervenu contre ce retrait.

Les conditions de cette mutation suscitent beaucoup d'émoi. En effet, le décret de nomination est notoirement irrégulier, puisque l'avis du CSM doit être explicite. Or, il est intervenu sans que cet avis soit rendu. M. Robert lui-même conteste la légalité du décret. Il a saisi le Conseil d'État et les syndicats de magistrats se sont joints à sa requête.

Cette affaire est une atteinte extrêmement grave à l'institution judiciaire et au principe de séparation des pouvoirs. Je m'inquiète de la multiplication des interventions de l'exécutif auprès des magistrats du Parquet. L'injonction de Mme la garde des sceaux à celui de Paris de faire appel, alors qu'il ne l'envisageait pas, dans l'affaire Fofana, n'est pas faite pour rassurer. Votre politique interventionniste ouvre la voie à toutes les dérives. Entendez-vous donc faire appel de toutes les décisions de justice qui ne seraient pas conformes aux réquisitions des avocats généraux ? Sinon, sur quels critères déciderez-vous ? Alors que ces affaires interviennent en plein débat sur la suppression du juge d'instruction et alors qu'a été présenté en conseil des ministres un projet de loi organique réformant le CSM, qu'entendez-vous faire pour sortir de la crise que vous avez-vous-même provoquée ? (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG et sur certains bancs socialistes)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés .  - Je remercie Mme Borvo Cohen-Seat de sa double question qui me permet de rappeler que dans l'affaire Robert, j'ai, dès ma prise de fonctions, reçu les présidents des trois formations du CSM et celui de la formation du Parquet pour leur dire ma volonté de travailler en toute transparence, en toute confiance, dans le respect des institutions et de la Constitution.

Hier, le CSM s'est réuni, en ma présence et celle de ses trois membres qui s'étaient retirés à la suite de l'affaire : voilà bien la première marque de la confiance retrouvée. Je leur ai dit que dès lors que le Conseil d'État avait été saisi, c'est à lui seul désormais qu'il revenait de se prononcer.

Oui, j'ai demandé qu'appel soit interjeté dans l'affaire Fofana. Mes critères ? Ce sont et ce seront toujours les mêmes : l'intérêt de la société et la paix publique. Lorsque j'ai constaté que les condamnations prononcées conduiraient à ceci que dans quelques mois, quelques-uns des participants les plus engagés dans ce crime pourraient se retrouver libres dans le quartier même où se sont déroulés les faits, il m'a semblé qu'un problème se posait, qui n'avait pas été envisagé. Je ne juge pas à la place de la Cour mais je demande que l'on réexamine les choses à la lumière de ce problème.

M. Yannick Bodin.  - Supprimez donc les jurés, pendant que vous y êtes !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Je connais bien les quartiers, je sais ce qui s'y passe. Je suis préoccupée par la banalisation de la violence. Remettre très tôt en liberté des personnes qui ont commis de tels actes de barbarie serait envoyer un signal très négatif. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Il faut éviter que, n'ayant plus confiance en la justice, les victimes ne soient tentées de se faire justice elles-mêmes. J'ai demandé au procureur général de faire appel, pour ces raisons et pour sauvegarder la paix publique. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)

Grenelle de la mer

Mme Monique Papon .  - Ma question porte sur le Grenelle de la mer, lancé en avril.

L'importance des enjeux maritimes exige une stratégie nationale pour le développement durable de la mer et du littoral.

Constitués dans la continuité de la concertation mise en place par le ministère au cours des deux dernières années, des groupes de travail ont abouti à des tables rondes finales réunissant les cinq collèges du Grenelle de la mer.

Des Grenelle de la mer régionaux ont eu lieu dans 18 régions de l'hexagone, dont 10 littorales. Ce fut notamment le cas en juin à Pornic.

Le Grenelle de la mer a achevé hier sa troisième étape, celle de la négociation et les arbitrages collectifs avec les tables rondes finales. Aujourd'hui, le Président de la République s'est rendu au Havre pour présenter la politique maritime de notre pays. (Marques d'ironie sur les bancs socialistes)

Pourrions-nous être éclairés sur cette étape décisive, sur les avancées majeures auxquelles aboutissent ces mois de débats et sur la poursuite de ce projet indispensable à l'avenir de notre planète ? (Applaudissements à droite)

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Nous étions ce matin au Havre avec M. Borloo, M. Le Maire et M. Bussereau pour entendre le Président de la République présenter ses ambitions pour la politique maritime de la France. Notre pays doit corriger l'oubli de son destin maritime. Songez qu'il n'y a pas d'ambassadeur de France auprès de l'Organisation maritime internationale ! (Sur les bancs socialistes, on suggère de nommer un ancien ministre)

Notre pays possède le deuxième domaine public maritime au monde, équivalant à vingt fois la surface de ces terres. Or, la mer dispose d'un considérable potentiel énergétique et alimentaire, auquel s'ajoute sa contribution à la biodiversité.

Le Président de la République a fait siennes les conclusions du Grenelle de la mer, qui s'est achevé hier, notamment la nécessité de protéger la mer pour que les pêcheurs puissent y exercer leur activité. C'est pourquoi 20 % de nos eaux seront classés « eaux protégées ». C'est pourquoi les pêcheurs seront les premières sentinelles de la mer. M. Le Maire a chargé M. Le Pensec d'une mission sur les conditions de la pêche en haute mer.

Le Président de la République a confirmé que la France jouerait un rôle de premier plan pour l'essor de l'énergie maritime, qui pourrait produire 6 000 mégawatts à l'horizon 2020, soit l'équivalent de 3 000 éoliennes.

Le Président de la République a redéfini l'action de l'État en mer, avec des garde-côtes à la française qui devront combattre la pollution. C'est une rupture avec la politique traditionnelle, puisque la haute mer sera considérée comme un bien commun de l'humanité, non comme une zone de non-droit.

Tous les acteurs du Grenelle de la mer ont décidé de se parler ; tous souhaitent poursuivre ce processus au sein de comités opérationnels du futur conseil interministériel de la mer.

Il est temps que la France prenne la mesure de l'immense potentiel d'avenir que lui apporte son domaine maritime, le deuxième au monde ! (Applaudissements à droite)

Élection présidentielle et répressions en Iran

Mme Dominique Voynet .  - Les électeurs iraniens ont massivement participé à l'élection présidentielle du 12 juin, dont le vainqueur proclamé est Mahmoud Ahmadinedjad, soutenu par les fractions les plus conservatrices de la république islamique. Après un simulacre de recomptages, les soupçons de fraude massive ont été écartés sans ménagement par le Guide suprême, malgré les nombreuses observations directes.

Soutenus par la volonté populaire, les candidats réformateurs ont fermement contesté le pouvoir. Pendant des semaines, le peuple iranien a manifesté son indignation dans les rues de Téhéran et dans les grandes villes iraniennes. « Où est mon vote ? » : tel était le cri de ralliement des manifestants, qui refusaient de voir piétiner le suffrage universel, seule soupape de liberté tolérée par le régime.

Des manifestants ont été blessés ou tués ; des opposants ont été arrêtés et maltraités. La répression brutale touche les Iraniens, mais aussi les journalistes et touristes étrangers, ce dont témoigne l'arrestation arbitraire et révoltante de Clotilde Reiss, l'étudiante française détenue depuis quinze jours.

Rien ne sera plus comme avant car les fraudes ont privé le régime de sa légitimité démocratique, l'appui apporté par le guide suprême Ali Khamenei l'ayant ensuite privé de sa légitimité religieuse.

Que fera la France dans les prochaines semaines ? Reconnaîtra-t-elle que le Président iranien n'a pas été élu ? Exigera-t-elle la libération inconditionnelle des personnes arrêtées, comme l'y invitent ce matin des dizaines de militants, d'artistes et d'intellectuels solidaires du peuple iranien ?

A cette question, j'en ajouterai une autre, plus complexe.

Puisque nous sommes d'accord, du moins je l'espère, pour repousser toute guerre de civilisation -conception erronée de l'histoire-, puisque nous voulons renforcer les relations d'amitié entre Orient et Occident, puisque nous aspirons à construire des passerelles entre les peuples de traditions judéo-chrétienne et arabo-musulmane, puisque tout cela doit s'incarner sans naïveté dans des options stratégiques, pourquoi la France reste-t-elle réticente à envisager l'adhésion à l'Union européenne d'un grand pays de culture et d'histoire musulmanes à qui nous n'avons rien à reprocher, sinon, justement d'être musulman ? (Exclamations à droite)

M. Dominique Braye.  - Mélangeons, mélangeons tout.

Mme Dominique Voynet.  - Est-ce la meilleure façon d'honorer l'islam laïcisé, démocratique et pluraliste souhaité par le peuple iranien ? (Applaudissements à gauche)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes .  - Vous avez posé au moins deux questions, sans grand rapport entre elles.

D'abord, vous avez rappelé la répression tragique et multiple des manifestations qui ont eu lieu juste après la proclamation officielle des résultats. Les opposants sont descendus dans la rue par centaines de milliers.

Il y a en effet eu des arrestations et beaucoup de morts.

Et puis il y a Clotilde Reiss : cette jeune française qui enseignait à l'université d'Ispahan a été arrêtée le 1er juillet et elle est encore détenue. Ce n'est pas acceptable : l'Europe a mené une action concertée mais, en dépit d'une visite de notre ambassadeur et une deuxième visite prévue samedi prochain, des contacts téléphoniques qui nous rassurent sur son état physique et psychique, nous ne pouvons accepter que cette innocente soit emprisonnée (applaudissements à droite) et nous faisons tout, avec le G8 et l'Europe, pour obtenir sa libération.

Les Vingt-sept ont convoqué les ambassadeurs d'Iran dans leurs pays respectifs et nous réagirons violemment à chaque fois que nous le pourrons, mais il ne faut pas non plus que le gouvernement iranien se ferme.

Vous estimez aussi, madame Voynet, qu'il ne faut pas reconnaître le régime issu des urnes. Je crains que ce ne soit pas le premier qui, se maintenant, doive être reconnu. Il y a eu une contestation et nous l'avons ressentie presque physiquement, avec amitié pour le peuple iranien. Mais si les autorités proclament l'élection de ce président, il serait contreproductif que d'aller seul dans le sens contraire.

En revanche, il convient de soutenir ce mouvement, de multiplier les contacts avec lui et de s'opposer à ce qui se passe en matière atomique. Nous avons maintenu les contacts directs et maintes fois rencontré les dirigeants iraniens. Je téléphone tous les deux jours à mon homologue pour faire pression afin que Mme Reiss soit libérée.

Quant à votre autre question...

M. le président.  - Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Bernard Kouchner, ministre.  - C'est ce que je fais ! (Applaudissements à droite)

Prime à la casse

M. Jackie Pierre .  - (Applaudissements à droite) En décembre 2008, dans le cadre du plan de relance de l'économie française, des mesures spécifiques ont été prises pour aider le secteur automobile particulièrement touché. Ainsi, une prime à la casse de 1 000 euros pour l'achat d'un véhicule neuf émettant moins de 160 grammes de C02 a été instaurée, dispositif le plus populaire du plan de relance et prévu jusqu'à la fin de l'année.

Pour assurer l'avenir de notre outil industriel automobile et préserver ce secteur stratégique pour notre économie et nos emplois, un pacte automobile a également été prévu dans le collectif budgétaire de mars.

Le ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance et le ministre de l'industrie viennent d'annoncer que la prime à la casse ne pourrait être maintenue indéfiniment. Nos voisins allemands font de même, Berlin ayant exclu d'étendre ce dispositif. Certains journaux titrent déjà sur une fin trop rapide de la prime en rappelant les effets dommageables de l'arrêt de la « Balladurette » et de la « Jupette ». En outre, les déclarations de nos ministres ont suscité de nombreuses réactions chez les constructeurs mais aussi chez les sous-traitants, nombreux dans les Vosges, ainsi que dans les réseaux de ventes automobiles.

Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, quel est le premier bilan de ce dispositif, sachant qu'il a été conçu pour soutenir l'activité, écouler les stocks et faire repartir la production ? D'autre part, pouvez-vous nous préciser dans quel délai et suivant quelles modalités vous envisagez sa suppression ? (Applaudissements à droite)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi .  - Le bilan de la prime à la casse est positif car nous voulions que la production de cette année se maintienne par rapport à celle de 2008. Or, nous constatons au premier semestre une progression de 0,2 % de la commercialisation des véhicules : l'objectif est donc atteint, et même dépassé, puisque nous avions prévu d'affecter à cette mesure 220 millions. Compte tenu du succès de la prime à la casse, il en coûtera vraisemblablement 390 millions au budget de l'État. Pour nos entreprises, c'est une bonne nouvelle, à tel point que certains constructeurs ont réengagé la production. Ainsi, les chaînes de fabrications de petits véhicules de PSA se sont remises à tourner en deux-huit et Renault a été contraint, et c'est heureux, de rapatrier à Flins une partie des chaînes de petits véhicules fabriqués en Slovénie.

Nous devons maintenant éviter que la fin du dispositif ne provoque les mêmes conséquences que précédemment : la sortie brutale avait entraîné une chute des ventes de 20 %. Il avait fallu attendre trois ans pour revenir à la production antérieure. Nous examinons divers scénarios pour une sortie en sifflet de ce mécanisme à partir de 2010. Nous tiendrons bien évidemment compte de nos finances publiques et de la situation économique, car ce secteur industriel doit être soutenu. (Applaudissements à droite et au centre)

Incarcération de Clotilde Reiss

Mme Brigitte Bout .  - (Applaudissements à droite) Depuis plus d'un mois, le peuple iranien connaît une situation dramatique. Les règles élémentaires de la démocratie, comme le respect des droits de l'homme, y sont bafouées.

Le 23 juin, des ressortissants britanniques en poste diplomatique à Téhéran ont été expulsés du territoire iranien.

Depuis le 1er juillet, une Française, Clotilde Reiss, depuis cinq mois lectrice de français à l'université technique d'Ispahan, est accusée à tort d'espionnage. Elle est retenue par les autorités iraniennes, lesquelles sont en passe d'en faire un symbole face à l'Occident.

Cette jeune femme, originaire de la région Nord-Pas-de-Calais et qui a été élève de l'Institut d'études politiques de Lille, doit savoir que ses compatriotes la soutiennent.

Pour la deuxième fois en dix jours, vous vous êtes entretenu, monsieur le ministre, avec votre homologue iranien au sujet de Clotilde Reiss. Quelle est la situation de cette jeune Française, qui n'est en rien impliquée dans les faits dont on l'accuse et qui mérite de recouvrer la liberté ? (Applaudissements à droite)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes .  - Plusieurs fois au téléphone et une fois de visu, notre ambassadeur s'est entretenu avec Mme Clotilde Reiss, dont vous avez bien raison de réclamer la libération immédiate puisqu'elle est innocente. Elle se trouve dans une prison épouvantable...

Voix sur les bancs socialistes.  - Comme en France !

M. Bernard Kouchner, ministre.  - ...qui s'appelle Evin, avec plusieurs codétenues avec lesquelles elle s'entretient en persan puisqu'elle parle couramment cette langue depuis longtemps. Nous l'avons trouvée résistante, vive et désireuse de recouvrer sa liberté.

Nous faisons tout, juridiquement, pour répondre aux cinq chefs d'accusation, dont celui, invraisemblable, d'espionnage. Cette jeune femme, qui n'a pas 24 ans, était en Iran depuis cinq mois, y faisait son travail et a simplement pris des photographies sur son téléphone portable, qu'elle a envoyées à un ami français à Téhéran. Cette accusation est ridicule.

Oui, nous sommes témoins d'un mouvement promis, je le crois, à un avenir au sein du peuple iranien. Oui, nous constatons au sommet de la hiérarchie chiite des dissensions majeures, pour la première fois depuis trente ans. Aujourd'hui, nous avons appris l'arrestation, ou le licenciement, ou le limogeage, je ne sais comment qualifier la chose, du patron de l'organisation iranienne de l'énergie atomique, M. Aghazadeh. On lui reproche d'avoir fait savoir au peuple iranien quelles questions l'Agence internationale de l'énergie atomique posait au gouvernement iranien.

Nous sommes en contact plusieurs fois par jour avec notre ambassade, et plus précisément avec ceux qui travaillent sur le dossier de notre compatriote. Sa libération interviendra, je l'espère, au plus vite. (Applaudissements à droite)

Réforme de la taxe professionnelle

M. Jean-Claude Frécon .  - Ma question s'adresse au Premier ministre.

M. Didier Boulaud.  - Il est déjà parti !

M. Jean-Claude Frécon.  - Le Gouvernement devait présenter la semaine dernière la réforme de la taxe professionnelle. Cette annonce a été repoussée, dans l'attente des derniers arbitrages. Il est urgent de jouer franc-jeu avec les collectivités territoriales qui élaborent déjà leurs projets pour 2010. Elles ont largement contribué à la mise en oeuvre du plan de relance. Elles ne peuvent rester plus longtemps dans l'incertitude. Vous leur devez, ainsi qu'à nos concitoyens, des réponses claires !

Tenu par la promesse électorale du candidat Sarkozy au Medef, le Gouvernement veut coûte que coûte supprimer la taxe professionnelle, en dépit de la conjoncture économique, en dépit de l'état déplorable des finances publiques. Le rapporteur général de notre commission des finances lui-même vous demande d'attendre des jours meilleurs...

Les socialistes sont favorables à une réforme de la taxe professionnelle ambitieuse pour le développement des territoires et des entreprises et à l'instauration d'un véritable impôt économique local dynamique -à l'opposé de ce que vous proposez. Outre la contribution sur la valeur ajoutée, qui ne représente que la moitié du montant de la perte de recettes fiscales, vous prévoyez de transférer aux collectivités territoriales des morceaux d'impôts nationaux et des dotations sur lesquelles elles n'auront aucune marge de manoeuvre.

M. Didier Guillaume.  - Eh oui !

M. Jean-Claude Frécon.  - En proposant une réforme uniquement axée sur la taxe professionnelle, vous faites l'impasse sur une réforme globale de la fiscalité locale, et notamment des impôts ménages. Pourtant, nous savons tous que la suppression de cette taxe aura pour conséquence inéluctable la hausse des impôts payés directement par nos concitoyens. (« C'est ce que veut le Gouvernement ! » sur les bancs socialistes) Cette réforme aura un coût important pour l'État et il faudra bien le combler. Nous refusons que la taxe carbone serve de palliatif budgétaire. Du reste, sur ce point, vos ministres ne sont pas unanimes.

Ne jugez-vous pas dangereux de maintenir une telle réforme, incomplète et inadaptée ? Privées de visibilité, les collectivités feront moins de projets, moins d'investissement. Quel scénario leur proposerez-vous ? Après les avoir fortement sollicitées pour le plan de relance, oserez-vous porter un coup d'arrêt à leur investissement ? Profiterez-vous de la période estivale pour les asphyxier ? (Applaudissements à gauche)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi .  - Vous êtes trop bon spécialiste de ces questions pour ignorer qu'en France, l'investissement public et privé est insuffisant. Le Président de la République s'est engagé, devant le pays et non auprès du Medef, à stimuler l'investissement, et donc à éliminer la part de la taxe professionnelle assise sur les équipements et biens mobiliers, c'est-à-dire sur l'investissement productif. Tous les gouvernements en parlent depuis vingt ans ; chacun s'accorde à estimer qu'une taxe sur l'investissement productif n'est pas un bon impôt. On l'a même qualifié d'imbécile !

Nous avons engagé tout un processus. J'ai reçu à trois reprises en séance plénière toutes les associations représentant les collectivités locales, toutes catégories confondues. J'ai rencontré par trois fois les représentants des entreprises. Nous travaillons ensemble, en partageant l'information. La taxe professionnelle est une ressource importante pour les collectivités et nous savons que cette réforme fondamentale pour les entreprises, l'économie, l'emploi ne pourra aboutir que dans la concertation.

Je vais continuer d'appliquer cette méthode, comme je l'ai fait depuis le 5 février dernier, en poursuivant quatre objectifs : supprimer la taxe professionnelle sur les investissements productifs, maintenir un lien étroit entre les entreprises et les territoires, maintenir l'autonomie des collectivités locales, maintenir les financements de celles-ci par niveau de collectivités. A quoi s'ajoute une réflexion sur la reliaison des taux, indispensable pour parvenir à une fiscalité équilibrée. Dans la prochaine loi de finances, je vous soumettrai un projet qui répondra à ces objectifs. J'espère que nous les poursuivrons tous ensemble. (Applaudissements à droite)