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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Rappel au Règlement

Garde à vue

Discussion générale

Renvoi en commission

Rappel au Règlement

Bisphénol A

Discussion générale

Discussion des articles

Articles additionnels avant l'article unique

Article unique

Article additionnel

Interventions sur l'ensemble




SÉANCE

du mercredi 24 mars 2010

80e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

Secrétaires : Mme Sylvie Desmarescaux, M. Jean-Paul Virapoullé.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Rappel au Règlement

M. Pierre Fauchon.  - Hier à minuit, notre Haute assemblée a commencé un débat peu banal concernant le destin de l'Europe puisque portant sur la gouvernance économique : excusez du peu ! Il était déplorable de l'entamer à une heure si tardive. On peut le concevoir pour des débats décisionnaires, où l'on sait pouvoir compter sur une certaine présence dans l'hémicycle, puisqu'il faut voter, qu'il y a des décisions à prendre. Mais quand on ne vote pas, il y a fort à craindre que chacun ne quitte l'hémicycle après avoir prononcé son discours, un peu comme dans La symphonie des adieux de Haydn où les musiciens quittent un à un l'orchestre après avoir soufflé leur bougie ! (Sourires)

Je m'interroge sur l'état d'une Nation où, quelques jours à peine après des élections où presque la moitié des électeurs se sont abstenus, le Parlement débat de l'avenir de l'Europe devant une assistance clairsemée.

Je souhaite que la Conférence des Présidents veille à ce que des sujets aussi importants ne soient pas débattus en pleine nuit ! (Applaudissements sur quelques bancs)

M. le président.  - Je vous donne acte de votre déclaration et je suis sûr que M. About se fera votre porte-parole ce soir même en Conférence des Présidents !

M. Nicolas About.  - Avec votre aide !

M. le président.  - A la décharge des responsables de l'organisation de nos travaux, je vous rappelle que M. Haenel avait demandé un débat en séance publique et une réunion de la commission, mais que sa nomination entretemps au Conseil constitutionnel a quelque peu désorganisé nos débats.

M. Pierre Fauchon.  - Oui, je sais que la circonstance est fortuite !

Garde à vue

Discussion générale

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à assurer l'assistance immédiate d'un avocat aux personnes placées en garde à vue, présentée par M. Mézard et plusieurs de ses collègues du groupe RDSE.

M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi.  - Madame le ministre d'État, merci de votre présence. Nous voici à nouveau réunis pour traiter du sujet de la garde à vue. La persévérance du RDSE n'est pas diabolique, c'est la constance du système pénal dans l'erreur, qui l'est ! Le problème de la garde à vue ne suscite pas la polémique mais la révolte.

La situation actuelle constitue, comme l'a dit M. Badinter, un véritable scandale, décrié de tous bords, une lèpre défigurant le visage de notre justice, une lèpre qu'il faut guérir, ce qui nécessite non pas un placebo ni des incantations, mais un changement radical !

Lors du débat du 9 février, vous avez bien voulu me remercier d'avoir adopté un ton exempt de polémique, mais vous en avez profité pour envoyer une salve à Mmes Guigou et Lebranchu qui n'en méritaient point tant.

La garde à vue est une dérive sécuritaire, aux antipodes de la sécurité et du maintien de l'ordre, une machine à produire du chiffre devenue incontrôlable, une machine qui n'impressionne plus les vrais délinquants mais qui terrorise le citoyen lambda, une machine qui a fait perdre la confiance des citoyens dans leur police. C'est aussi une source de conflits entre policiers d'une part, magistrats et avocats d'autre part.

On n'assure pas l'ordre républicain en humiliant 800 000 Français chaque année, dont plusieurs centaines de milliers qui ne feront l'objet d'aucune poursuite tandis que des zones de non-droit se développent dans tout le pays !

Nous ne faisons pas et nous n'avons jamais fait le procès de la police ni de la gendarmerie, qui accomplissent leurs missions dans des conditions souvent très difficiles.

Pourquoi en est-on arrivé là en une petite dizaine d'années ? La responsabilité est certainement partagée, mais il faut souligner le rôle d'une médiatisation exacerbée des faits divers, ainsi que l'excès de discours, de lois et de règlements sécuritaires, la culture du chiffre, de la statistique, avec le rejet inconséquent de la police de proximité. M. Pasqua lui-même a souligné l'importance du travail de terrain.

En participant à un débat sur Public Sénat avec M. Danio, délégué national du syndicat SGP-Unité Police, j'ai constaté une grande convergence, pour dénoncer la dérive d'une procédure qui mobilise le temps des policiers, inefficace à prévenir la délinquance et indigne d'un pays démocratique.

Tenter de faire croire que l'augmentation exponentielle des gardes à vue participe d'une diminution de la délinquance est une faribole. Comment la délinquance pourrait baisser quand les gardes à vue sont multipliées par deux ou trois ?

Pourquoi en est-on arrivé au dévoiement de nos principes de droit les plus élémentaires ? Était-il raisonnable de retenir le nombre de placements en garde à vue parmi les indicateurs de performance de la police ? Si le ministère de l'intérieur a prévu que ce chiffre ne figurerait même plus comme simple information de l'activité des services, c'est qu'il reconnaît l'erreur !

L'exécutif reconnaît les errements : le Premier ministre s'est dit choqué par le nombre des gardes à vue, et vous-même, madame la ministre, vous avez rappelé le caractère exceptionnel de la garde à vue. Nous craignons cependant que votre projet de loi en préparation ne soit aux antipodes de ces bonnes intentions !

Le 16 février dernier, M. Fournier, directeur de la sécurité publique, adressait à tous les fonctionnaires de police une note de service des plus édifiantes : « L'actualité récente m'amène à vous rappeler les principes fondamentaux régissant la mise en oeuvre des mesures de garde à vue qui doivent impérativement garantir la dignité des personnes qui en font l'objet. Elle ne saurait être systématique sans être considérée comme attentatoire à la dignité de la personne gardée à vue si en plus elle s'accompagne d'un déshabillage systématique ».

L'urgence est manifeste, parce que les conditions de rétention sont déplorables et dégradantes y compris pour les policiers : promiscuité, fouilles, déshabillage, retrait des lunettes ou des soutiens-gorge, tutoiement systématique. De récentes émissions télévisées, sans doute destinées à mettre en valeur l'action de la police, ont montré au contraire ces dérapages et des comportements brutaux. En outre, les gardes à vue sont utilisées pour tout et n'importe quoi. Il n'y a aucune cohérence entre garde à vue, poursuites et sanction pénale et curieusement, les statistiques relatives aux suites des gardes à vue sont introuvables, de même que le nombre de gardes à vue pour taux d'alcool excessif parmi les gardes à vue liées à des infractions routières -la cellule de dégrisement à bon dos ! Quant au contrôle du parquet, il est devenu symbolique, voire inexistant. A quoi sert l'information par fax la nuit ? Et le parquet est matériellement dans l'incapacité de contrôler 800 000 gardes à vue... L'article 63 du code de procédure pénale a fait l'objet d'une pratique viciée qui a pollué toute la chaîne judiciaire. En conséquence, les règles procédurales sont souvent transgressées : en particulier, l'avocat est prévenu plusieurs heures après le début de la garde à vue.

Nous sommes à la croisée des chemins. Où est l'habeas corpus à la française promis par le Président de la République ? Ce que nous vous proposons, ce n'est pas la rupture, ni des débats malsains sur l'identité nationale, mais la réconciliation avec l'État de droit, là où la règle a pour but non la prochaine échéance électorale, mais l'organisation de la vie en société, dans le respect des principes de la République, là où l'ordre est au service des libertés.

J'avais déjà indiqué, lors du débat du 9 février, sur la base du rapport de la division des études de législation comparée du Sénat, les axes à suivre. La plupart de nos voisins européens subordonnent le placement en garde à vue à l'existence d'une infraction grave ; en France aujourd'hui, on place en garde à vue sans infraction caractérisée, avec comme seule conséquence humiliation et introduction dans les fichiers informatiques sans véritable droit à l'oubli. Partout sauf en Belgique, on peut réclamer un avocat dès que l'on est privé de liberté. Ces errements ont conduit à une insécurité juridique incompatible avec le fonctionnement d'une grande démocratie. La France est en contradiction avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, devenue univoque avec les arrêts Danayan, Kolesnik et Savas du dernier trimestre 2009, et celui du 2 mars 2010, Adamkiewicz contre Pologne. « L'équité d'une procédure pénale requiert que le suspect jouisse de la possibilité de se faire assister par un avocat dès le moment de son placement en garde à vue ou en détention provisoire ». On ne saurait être plus clair. Et soutenir que les arrêts de la Cour européenne relatifs à la Turquie et à la Pologne ne nous sont pas opposables est une argutie. Ces derniers mois, nombre de tribunaux français -mais pas tous, ce qui crée des contradictions- ont annulé des procédures en se fondant sur la jurisprudence européenne ; au début de ce mois de mars 2010, la 23chambre du tribunal correctionnel de Paris a saisi la Cour de cassation qui décidera de la saisine du Conseil constitutionnel. Bref, c'est la confusion. En y ajoutant le projet de suppression du juge d'instruction, l'institution judiciaire risque la paralysie. Madame la ministre, il n'est point besoin de rapports de personnalités, qui ont peu fréquenté les commissariats ni les dépôts. En harmonie avec les avocats du barreau de Paris et le bâtonnier Charnière-Bournazel, avec l'association « Je ne parlerai qu'en présence de mon avocat », nous voulons rendre le code de procédure pénale compatible avec le droit européen et les principes fondamentaux de notre République.

Revenons-en aux fondamentaux : la garde à vue est une mesure privative de liberté, contraire à la présomption d'innocence et qui ne se justifie que dans trois cas : risque de disparition de preuves, risque de pression sur les témoins, risque que le suspect ne se dérobe à la justice. Si l'on respectait ces conditions, le nombre de gardes à vue s'effondrerait ! Si nous n'adoptons pas cette proposition de loi, les recours se multiplieront, l'insécurité juridique deviendra chronique. Nous mettons l'article 63-4 du code de procédure pénale en adéquation avec les principes que j'ai rappelés. Toute personne placée en garde à vue fait immédiatement l'objet d'une audition, en présence d'un avocat si elle en fait la demande. L'audition est différée jusqu'à l'arrivée de l'avocat. A l'issue de cette audition, la personne ne peut être entendue ou interrogée, ni assister à tout acte d'enquête hors la présence de son avocat. Cela fonctionne parfaitement dans de nombreux pays démocratiques. Balayons les objections caricaturales, selon lesquelles par exemple l'avocat serait une entrave à la bonne marche de l'enquête. Combien d'incidents découlant de l'entretien actuel de l'avocat avec le gardé à vue ? Quelques dizaines tout au plus. Mais combien de bavures sécuritaires dans le système ? Épargnez-nous aussi les discours sur l'appât du gain qui motiverait les avocats ; utilisez donc la rente des compagnies d'assurance sur la protection juridique pour rétablir les droits de la défense !

Je remercie le rapporteur M. Zocchetto, non pour sa conclusion, mais pour les dix-huit pages et demi qui la précédent. (Sourires)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - On ne peut pas tout avoir !

M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi.  - Les développements du rapporteur sur les risques de dévoiement de la procédure ou les conditions de rétention déplorables, son jugement sur notre texte, base cohérente d'évolution du régime, sont constructifs. En revanche l'avant-projet de loi du Gouvernement, tout au moins ce que nous en connaissons, ne nous rassure pas...

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.  - Le texte est intégralement en ligne.

M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi.  - Le nouvel article 327-2 limitant la garde à vue aux infractions punies d'une peine d'emprisonnement est un leurre puisque l'immense majorité des infractions est dès lors concernée. La création de l'audition libre pendant quatre heures, avec une liberté de choix éminemment contestable, entraînera de fait une privation de liberté pendant quatre heures sans garantie d'éviter la garde à vue après ! Quant au nouvel article 327-17, il n'améliorera le statut actuel que sur un point : la communication des procès-verbaux d'audition, ce qui constituera la preuve que le suspect aura déjà été entendu avant l'entretien avec l'avocat. Rien sur le droit au silence ; et les conditions de la garde à vue pour les infractions les plus graves sont durcies. Il me tarde de lire les réactions des nombreux parlementaires UMP qui ont cosigné les propositions de loi sur la garde à vue...

Madame la ministre, si votre projet de réforme doit répondre aux conditions posées par le ministre de l'intérieur, le droit n'en sortira pas grandi. II ne s'agit pas de victoire des magistrats et des avocats sur les policiers, il ne s'agit pas de nuire à l'efficacité de l'enquête, ni de protéger mieux les délinquants que les victimes. Il s'agit d'utiliser les mesures de privation de liberté à bon escient et dans le respect des droits de la personne. Il s'agit aussi de restaurer la confiance entre les citoyens et les forces de l'ordre et de faire en sorte que l'État de droit fasse de l'ordre et de la liberté un couple indissociable. (Applaudissements au centre)

M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois.  - L'examen de ce texte prolonge le débat organisé, le 9 février dernier, sur le renforcement des droits des personnes placées en garde à vue. Je m'interroge sur l'organisation de nos travaux car si d'autres propositions sont déposées sur ce sujet, nous ne cesserons d'y revenir.

Les conditions de garde à vue sont trop souvent déplorables. En outre, les évolutions de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme fragilisent le régime actuel de la garde à vue, au risque de créer une insécurité juridique préoccupante. Si nous modifions le droit actuel, ce doit être pour concilier exigences de la sécurité et respect des droits de la personne. Comme l'a montré le débat du 9 février 2010, les préoccupations à l'origine de cette proposition de loi dépassent les clivages partisans. Une réforme est indispensable. Elle se doit d'être ambitieuse.

M. Jean-Pierre Sueur.  - M. Mézard est ambitieux !

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Néanmoins, elle a vocation à s'inscrire dans la réforme d'ensemble de la procédure pénale.

Pendant 35 ans, le régime de la garde à vue a été marqué par une grande stabilité. En revanche, depuis 1993, plus d'une dizaine de lois d'une portée variable ont modifié la définition et le régime de la garde à vue. Depuis, la machine s'est emballée et les procédures ont fait l'objet d'un certain dévoiement. En 2009, 800 000 gardes à vue, dont 150 000 pour des infractions routières ! Et, indéniablement, c'est une perversion de retenir comme indicateur de performance le nombre de gardes à vue. Le mal est fait pour les personnes concernées -et chacun en connaît...

Je ne reviens pas sur les conditions de détention ni sur le fait que les forces de police et de gendarmerie ne sont pas responsables de l'état des locaux. Reste que la garde à vue peut faire basculer la vie quotidienne.

La Cour européenne des droits de l'homme a jugé dans l'arrêt Salduz du 27 novembre 2008 dès le premier interrogatoire, puis, dans l'arrêt Dayanan du 13 octobre 2009 que l'action de l'avocat doit s'exercer librement et permettre à l'intéressé de bénéficier de la vaste gamme d'interventions propre aux conseils. Une jurisprudence plus récente a rappelé ces principes. La cour de Strasbourg entend également limiter les exceptions au principe de la présence de l'avocat, n'acceptant aucune dérogation, sauf à démontrer des raisons impérieuses. C'est la législation visant les infractions en matière de terrorisme et de criminalité organisée qui est visée. On peut s'interroger sur des arrêts qui concernent la Turquie, mais veut-on, sur ce sujet, être comparé à celle-ci ou à la Pologne ?

S'il est difficile d'interpréter cette jurisprudence, des tribunaux français n'ont pas hésité à annuler des actes de procédure accomplis pendant des gardes à vue et des premiers présidents de cour d'appel m'ont dit qu'ils seraient sensibles à des moyens fondés sur les arrêts de la cour de Strasbourg. Je suis très préoccupé par l'insécurité juridique conséquente : n'a-t-on pas vu remettre en liberté des personnes à ranger plutôt dans la catégorie des délinquants que des innocents : elles avaient déjà été condamnées et seront jugées de nouveau.

Alors, quelle solution ? L'avant-projet que le Gouvernement a mis en ligne il y a trois semaines, s'inspire des réflexions du comité présidé par Philippe Léger. La garde à vue doit être limitée aux strictes nécessités de l'enquête ; un deuxième entretien est prévu dans les douze heures ; en cas de prolongation au-delà de 24 heures, la personne pourra être assistée par un avocat. Pour les infractions passibles d'une peine inférieure à cinq ans d'emprisonnement, l'audition sera libre pour quatre heures au maximum. Cela mérite d'être étudié : c'est une proposition intéressante, tout comme celle de M. Mézard.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Voilà !

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Le principe de celle-ci est simple : la personne gardée à vue ne saurait être entendue sans avocat.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous avez très bien compris...

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Il faudra donc retarder l'audition jusqu'à l'arrivée de l'avocat. La personne ne pourra ensuite être entendue hors la présence de l'avocat.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

M. François Zocchetto, rapporteur.  - On prévoit encore de supprimer le régime dérogatoire relatif à la grande criminalité tout en maintenant celui du terrorisme. L'extension du rôle de l'avocat ne va pas jusqu'à un accès immédiat au dossier. Enfin, l'avocat ne pourra, jusqu'à son issue, faire état des entretiens qui auront pris place durant la garde à vue -c'est un élément de déontologie. A titre personnel, j'aurais quelques réserves sur la suppression des dérogations relatives à la grande criminalité.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Amendez !

M. François Zocchetto, rapporteur.  - La traite des êtres humains, le blanchiment à grande échelle ou le grand trafic de stupéfiants sapent les bases de la société et de notre démocratie.

Je confirme ce qu'a dit M. Mézard, cette proposition constitue une base cohérente et constructive d'évolution du régime de la garde à vue. (M. Jean-Pierre Sueur s'en félicite) Si une réforme est nécessaire, elle doit être ample...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nécessaire et cohérente, elle l'est !

M. Pierre Fauchon.  - Assez !

M. le président.  - Écoutons le rapporteur !

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Faut-il que l'avocat intervienne dès le premier interrogatoire ? J'y suis personnellement favorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

M. François Zocchetto, rapporteur.  - C'est le cas chez tous nos voisins, sauf en Belgique. Faut-il que l'avocat ait accès au dossier pénal ? C'est très compliqué et nos collègues socialistes ne sont pas d'accord sur cette question. Enfin, quid des régimes dérogatoires ? Il y a un consensus sur le terrorisme.

Les avocats ont-ils les moyens matériels, techniques et d'organisation d'une réforme qu'ils appellent de leurs voeux ? Même si les comportements erratiques y sont marginaux, comment encadrer les plus jeunes membres d'une profession qui compte 50 000 personnes ?

Le sujet n'est pas simple et nous ne sommes pas encore prêts à la réforme nécessaire. Le renvoi en commission ne signifiera pas que l'on refermera le dossier mais, au contraire, qu'on y ajoutera de nombreuses pages. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce que dit le rapporteur n'est pas crédible, et pourtant, il se donne beaucoup de mal !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.  - Je me plais à le souligner parce que c'est relativement rare, nous sommes d'accord sur le constat : le recours à la garde à vue est trop systématique, les conditions en sont trop souvent indignes malgré les efforts accomplis...

M. Jean-Claude Gaudin.  - Vous en avez accompli beaucoup !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Nous sommes également unanimes à constater que cela ne met pas en cause la police et la gendarmerie. Nous sommes d'accord sur ce point : l'avocat n'a pas les moyens de jouer tout son rôle.

La contribution de M. Mézard tend à apporter des solutions. J'en tiendrai le plus grand compte...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Bravo, monsieur Mézard !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - ...ainsi que des réflexions de la commission des lois et d'autres propositions afin de retenir les aspects les plus intéressants.

Depuis trente ans, la procédure pénale a fait l'objet d'une multiplicité de réformes parcellaires qui nuisent à sa cohérence et à sa lisibilité. C'est pourquoi j'ai voulu mener une réflexion globale allant de la commission des faits jusqu'aux voies d'exécution. La garde à vue, qui n'est qu'un des éléments de l'enquête, doit s'inscrire dans cette approche globale de la réforme de la procédure pénale. La question de la présence de l'avocat lors de la garde à vue doit prendre en compte tous les paramètres de l'enquête judiciaire.

La réforme de la procédure pénale constitue une véritable refondation. L'unité de la Nation repose sur le fait que les mêmes règles s'appliquent à tous. Il faut donc que nous parvenions à un texte qui soit le plus lisible possible et je souhaite que notre démarche soit la plus consensuelle possible même si je connais les limites du consensus. C'est pourquoi j'ai entamé une concertation de deux mois sur ce texte, que j'ai voulue la plus large possible avec les représentants des magistrats, des avocats, des forces de l'ordre et avec les parlementaires. Cette concertation a commencé depuis quinze jours : fin mai, le groupe de travail que j'ai réuni autour de moi essayera d'intégrer le plus possible les propositions qui auront été faites, sans pouvoir naturellement satisfaire tout le monde car certaines positions sont incompatibles. A ce moment-là, j'assumerai mes responsabilités.

La réforme de la garde à vue sera un des volets importants de ce texte et elle sera menée en totale cohérence avec mes propos du 9 février : il s'agit en effet de trouver un point d'équilibre entre la liberté et la sécurité.

Il ne faut pas faire dire à la Cour européenne plus qu'elle ne dit : elle statue selon les principes du droit anglo-saxon au cas par cas. Elle n'a jamais condamné la France pour la garde à vue. Lorsqu'elle dit que la personne mise en cause doit avoir accès à un avocat, c'est sur la totalité de la procédure d'enquête. La France ayant d'ores et déjà prévu qu'un avocat peut intervenir pour une demi-heure au cours de la première heure remplit totalement les exigences de la Cour européenne. D'ailleurs, notre pays eut été condamné s'il y avait eu le moindre problème en la matière. Comme le rapporteur l'a dit, notre texte prévoit aussi la possibilité d'un entretien à la douzième heure : on nous a en effet fait remarquer que pendant la première demi-heure, l'avocat joue plutôt le rôle d'une assistante sociale. Au bout de la douzième heure, c'est autre chose : pour que l'avocat puisse travailler utilement il est prévu qu'il puisse avoir communication des procès-verbaux d'interrogatoires pour qu'il puisse commencer à construire une défense. Les avocats m'ont dit qu'ils étaient souvent un peu désemparés car ils ne savaient pas jusqu'à présent ce que leur client avait dit.

Je souhaite que sur la logique d'ensemble de cette réforme ne pèsent aucune arrière-pensée, aucun soupçon.

J'en viens au rôle réel de la garde à vue : elle permet d'entendre directement une personne pour obtenir des informations indispensables à la poursuite de l'enquête. La garde à vue ne doit donc intervenir que dans des cas relativement graves, dans le cas de crimes ou de délits punis de peine d'emprisonnement. Il est également important que la garde à vue soit distinguée d'autres situations telles que les cas de dégrisement. Il faudrait aussi prévoir des locaux séparés car les conditions matérielles des gardes à vue, lorsqu'il y a le mélange des deux, sont absolument épouvantables.

Les critères nécessitant une garde à vue doivent être davantage précisés : pour des affaires qui ne présentent pas une gravité particulière, mon projet prévoit que la personne concernée doit pouvoir être entendue librement, si elle en est d'accord. Si elle veut bénéficier des garanties de la garde à vue, elle pourra demander à être mise en garde à vue. Mais quand il s'agit d'une gamine qui a volé un tube de rouge à lèvres dans un magasin, je ne vois pas l'intérêt d'une garde à vue. Après avoir beaucoup hésité, nous avons prévu d'instaurer une audition libre pendant quatre heures, ce qui permettra de répondre à de nombreux petits cas qu'il est possible de régler facilement, lorsqu'on ne craint pas que la personne disparaisse ou qu'elle fasse disparaître des preuves.

On craint aussi que durant la garde à vue, les policiers ou les gendarmes n'obtiennent des aveux sous la pression. Dans mon projet, consultable sur internet, l'aveu en garde à vue hors présence de l'avocat ne peut être retenu comme seule cause d'une condamnation. Bien entendu, les conditions de la garde à vue ne peuvent être détachées de ce sujet et certaines pratiques doivent effectivement être mieux encadrées pour préserver la dignité des personnes, comme le retrait des soutiens-gorge ou des lunettes.

Il y a des questions qu'il va falloir régler, notamment si l'on demande la présence continue d'un avocat. D'abord, quid des affaires de terrorisme ou de crime organisé ? En la matière, l'Europe admet un régime spécial et j'y suis favorable.

En second lieu, si l'on ne peut entendre un gardé à vue hors la présence d'un avocat, que se passe-t-il dans les cas d'enlèvement ou de séquestration : va-t-on attendre l'arrivée de l'avocat alors qu'il y a urgence ?

Ensuite, que se passe-t-il si l'avocat ne se présente pas au bout de 24 heures ? Que se passe-t-il si dans le Cantal quelqu'un est arrêté alors que les routes sont bloquées par la neige et que l'avocat ne peut rejoindre la gendarmerie ? Quid si l'avocat ne se présente jamais ? On bloquera l'enquête ?

Il ne nous faut pas un système si rigide qu'il empêche de répondre aux situations d'urgence, aux nécessités de l'enquête et, finalement, à la lutte contre la délinquance. Et votre proposition est précisément trop rigide et, dans certains cas, inadaptée à la manifestation de la vérité.

Mon objectif est de parvenir avec vous et avec les praticiens du droit à une réforme qui protège au maximum tant les droits de la défense que ceux des victimes. La refondation -car c'est de cela qu'il s'agit- de la procédure pénale ne peut être le travail du seul Gouvernement. Ma méthode, c'est l'écoute et le dialogue. Mais ce n'est pas pour autant le report à l'infini : le calendrier sera tenu ; le projet de loi, déposé sur les bureaux des assemblées fin juin/début juillet, sera discuté au dernier trimestre de cette année.

Je ne rejette donc pas le contenu de votre texte, mais je considère qu'il doit être étudié au sein d'une réforme plus vaste qui améliorera vraiment la loi et sera à l'honneur du Parlement et du Gouvernement. (Applaudissements à droite)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Cette proposition de loi, déposée par le groupe RDSE, et dont je suis cosignataire, peut mettre un terme à un débat récurrent qui, ces derniers temps, a pris une accélération subite. La presse a multiplié, depuis plusieurs semaines, les titres aguicheurs dénonçant le nombre et la nature des gardes à vue, pour in fine, en réclamer la suppression. Le Premier ministre lui-même a annoncé un texte les encadrant, concluant son propos d'un : « On ne doit pas utiliser la garde à vue à tout va » ; ce que vous avez relayé vous-même, madame la ministre d'État en déclarant que « les gardes à vue seront limitées aux réelles nécessités de l'enquête, garantissant la liberté de chacun en assurant la sécurité de tous ».

Je constate qu'un consensus assez général se dégage autour de ce sujet.

Selon les sources officielles, 580 000 personnes ont été placées en garde à vue en 2009, ce qui est effectivement beaucoup, d'autant que la culture de l'aveu, qui prévaut dans notre droit pénal, engendre des abus qui vicient l'ensemble de la procédure. Doit-on imputer ce nombre à l'échec d'une politique de lutte contre la délinquance ou à la culture du chiffre, née de l'application inconsidérée d'une Lolf qui, en matière pénale, a bien mal choisi ses indicateurs de performance ?

La multiplication des dérives de la garde à vue porte atteinte aux principes fondateurs de l'État de droit, à commencer par celui de la sûreté des personnes. Car si, dans certains cas, la garde à vue peut être une bonne chose, ce n'est pas le cas lorsque le chef d'inculpation a du mal à être défini, ce qui est fréquent. Les mots sont trop faibles pour dénoncer les humiliations morales et physiques auxquelles sont trop souvent soumis les gardés à vue. Fouilles au corps, parfois indécentes lorsqu'il s'agit de femmes, locaux sordides, manque d'eau et de sanitaires, admonestations non compatibles avec les règles les plus élémentaires de l'humanisme -le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté ne laisse aucun doute sur la question- tandis que la garde à vue tend à se banaliser.

Ce n'est pas le cas partout, puisque dans certains pays d'Europe -Danemark, Espagne, Italie, Grande Bretagne- les gardés à vue peuvent bénéficier de l'assistance d'un avocat dès qu'ils sont privés de liberté, ce qui est aussi le cas de l'Allemagne s'ils en font la demande. Ce droit, au reste, est parfaitement conforme à la philosophie du droit européen, comme l'a montré la Cour européenne des droits de l'homme qui, à deux reprises, s'est prononcée clairement en énonçant, d'une part que la condamnation d'un prévenu sur la base d'aveux obtenus en l'absence d'un avocat viole le paragraphe 3 de l'article 6 de la Convention et, d'autre part, que si un accusé privé de liberté, ne peut avoir accès à un avocat, y compris commis d'office, durant sa garde à vue, c'est une violation du droit à un procès équitable. Le droit français, de ce fait, n'est plus en conformité avec le droit européen.

Cette constatation a conduit le groupe RDSE, au nom de ses valeurs humanistes, à élaborer cette proposition de loi, qui assure l'assistance immédiate d'un avocat aux personnes placées en garde à vue, à leur demande, y compris par commission d'office si nécessaire. Et ce, quels que soient les crimes et délits constatés, à l'exception, naturellement, des actes de terrorisme, pour lequel le dispositif actuel est maintenu. Aujourd'hui, un avocat, soit dans le cadre de sa permanence pénale, soit commis d'office, est avisé de la mise en garde à vue d'une personne mise en cause, mais le délai nécessaire pour rejoindre son client est très variable, selon sa disponibilité ou la géographie locale. A plusieurs reprises, des avocats m'ont dit leur difficulté sinon de disposer du dossier de la personne mise en cause, du moins de savoir exactement le grief auquel sont exposés leurs clients et de recevoir les informations les plus élémentaires les concernant avant de les rencontrer.

L'objet de ce texte est donc de régler définitivement ce problème, tout en garantissant la sécurité juridique de la procédure judiciaire, au bénéfice, non seulement des personnes placées en garde à vue, mais encore des forces de l'ordre qui, ainsi, exerceront leurs missions dans les meilleures conditions possibles. Il s'agit, en outre, d'éviter d'inutiles oppositions entre police et justice, entre siège et parquet.

Le Sénat est, traditionnellement, le garant des libertés individuelles.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Eh oui !

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Je vous invite à confirmer cette tradition qui fait toute la noblesse de notre Haute assemblée, et plus particulièrement dans le domaine judiciaire, qui est un des plus sensibles. (Applaudissements sur les bancs RDSE ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit aussi)

M. Jean Louis Masson.  - Cette proposition traite d'une façon trop restrictive d'un problème qui aurait mérité d'être considéré dans sa globalité. Le principe de la garde à vue est admissible mais ce qui ne l'est pas c'est que la police et la justice s'en servent souvent comme moyen de pression ou de chantage sur les personnes interrogées. Dans certains cas les conditions de cette garde sont scandaleuses, honteuses pour un pays démocratique, censé être évolué et qui considère avec condescendance les faiblesses du système judiciaire de pays exotiques... Balayons d'abord devant notre porte ! Et l'humanisation de cette garde à vue est encore plus importante que la présence d'un avocat -que je juge par ailleurs nécessaire.

Cette proposition de loi n'est pas parfaite mais je ne voterai pas le renvoi en commission. Je refuse cette sempiternelle façon de botter en touche et de tout renvoyer à plus tard. On nous annonce un projet de loi : mais cela fait 50 ans qu'on pouvait le présenter ! Et le Président de la République, depuis 2007 qu'il est élu et qu'il gesticule dans tous les sens, aurait pu se réveiller avant, au lieu de faire des réformes dont personne ne veut et qui lui ont valu d'être massivement désavoué aux régionales !

Je ne voterai donc pas la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur quelques bancs du RDSE ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit aussi)

M. François-Noël Buffet.  - M. Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, a constaté dans son dernier rapport d'activité l'augmentation constante du nombre de gardes à vue depuis quinze ans, passé de 276 000 en 1994 à 580 000 en 2009, sans compter l'outre-mer ni les gardes à vue consécutives à des infractions routières. Mais le taux d'élucidation est passé quant à lui de 25 % à 40 % depuis 2002 : sans établir un lien direct entre ces deux séries de statistiques, je note que l'usage de la garde à vue permet aux forces de l'ordre de remplir efficacement leurs missions. Ne confondons pas le principe et les conditions de la garde à vue.

Il est vrai que celle-ci s'est banalisée. Comme le disait le Premier ministre le 21 novembre, le placement en garde à vue est une décision grave, qui ne doit pas devenir une routine. Il est nécessaire de garantir les droits des personnes et de leur offrir l'assistance d'un avocat. Les dérives récentes ternissent l'image de notre État de droit. Le Président de la République s'est récemment déclaré favorable à un habeas corpus à la française (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ironise) afin d'assurer le caractère contradictoire du débat dès l'origine du procès. Il faut également en finir avec la primauté de l'aveu dans notre procédure pénale.

L'avant-projet de loi que vous avez soumis à la concertation et diffusé très largement sur internet, madame le ministre, n'autorise la garde à vue que pour les crimes et délits pouvant donner lieu à une peine d'emprisonnement. Cela permettra d'éviter les abus. Actuellement, la garde à vue est régie par les articles 63 et suivants du code de procédure pénale, qui disposent que toute personne au sujet de qui il existe une ou plusieurs raisons plausibles de penser qu'elle a commis une infraction peut être placée en garde à vue par un officier de police judiciaire pour les nécessités de l'enquête, pour une durée de 24 heures renouvelables avec l'accord du procureur de la République. Des prolongations sont permises dans les affaires de criminalité organisée et s'il existe un risque sérieux et imminent d'attaque terroriste : Mme la ministre a raison de dire que ces cas sont spécifiques. Le code énonce les droits des personnes gardées à vue, qui doivent être informées de la nature de l'infraction qui leur est reprochée, de leurs droits, de la durée de la garde à vue, qui peuvent prévenir quelqu'un par téléphone et s'entretenir avec un avocat dès la première heure.

La Cour européenne des droits de l'homme a précisé les conditions de la garde à vue par sa jurisprudence, et condamné certains États dans des arrêts récents. Mais cette jurisprudence ne s'impose qu'aux États parties aux affaires jugées. La France, en prévoyant la présence d'un avocat, s'est mise à l'abri d'une condamnation, mais cela n'empêche pas de faire évoluer notre droit. D'ailleurs le nombre de propositions de loi déposées sur le bureau des deux assemblées nous incite à agir. Je me réjouis que Mme la ministre ait fait de l'amélioration des conditions de garde à vue l'une de ses priorités. Le groupe UMP souhaite que la réforme de la garde à vue soit incluse dans celle, plus vaste, de la procédure pénale.

L'article unique de la présente proposition de loi prévoit l'assistance immédiate d'un avocat dès le début de la garde à vue, et sa présence lors des interrogatoires, sauf renonciation expresse de l'intéressé. La commission Léger préconisait seulement de permettre à l'avocat d'avoir un nouvel entretien avec son client à la douzième heure, de lui donner accès aux procès-verbaux des auditions et de le faire assister aux interrogatoires à partir de la 24e heure. L'avant-projet de loi du Gouvernement suit ces recommandations. Le présent texte va plus loin, mais il poserait des problèmes matériels : comment donner à l'avocat accès au dossier alors que celui-ci est constitué au cours de la garde à vue, surtout en cas de flagrance ?

Pour avoir une vue d'ensemble de la réforme, une mission parlementaire coprésidée par MM. Lecerf et Michel va bientôt être mise en place. Une large consultation est organisée. C'est pourquoi nous sommes favorables au renvoi de ce texte en commission. On nous a assez reproché de saucissonner les réformes, comme celle des collectivités territoriales, pour ne pas nous faire grief de vouloir appréhender de manière globale un sujet qui touche aux libertés fondamentales ! (Applaudissements à droite et au banc des commissions)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le débat du 9 février nous a permis de dresser un constat partagé : les gardes à vue se multiplient, leur principe est dévoyé, les conditions en sont souvent humiliantes et indignes. Mais il y a souvent un gouffre entre le constat et l'action : nous avons mis plus de dix ans pour voter une timide réforme des prisons ! Notre législation n'est pas conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, ce qui a conduit plusieurs tribunaux à annuler des procédures. J'ai déjà mis en cause la politique pénale toujours plus répressive du Gouvernement. Il est urgent d'agir. Les avocats et magistrats nous y incitent en se mobilisant en grand nombre, comme le 9 mars dernier. Il est significatif que les secrétaires de la Conférence aient soulevé pour la première fois à propos de la garde à vue la question prioritaire de constitutionnalité, au motif qu'elle porte atteinte aux libertés et aux droits de la défense en n'accordant qu'un rôle limité aux avocats.

Dans sa proposition de loi, M. Mézard veut permettre à l'avocat d'être présent dès la première heure : j'y souscris. Cependant, ce texte ne répond que partiellement à nos préoccupations. L'avant-projet de réforme de la procédure pénale du ministère ne m'a pas rassurée, non plus que les professionnels. Le président du Conseil national des barreaux considère que l'audition libre de quatre heures n'est qu'un faux-semblant, et je partage son avis : soit la personne mise en cause est libre de refuser l'audition, soit elle ne l'est pas, et alors l'audition n'a rien de « libre » !

Au fil des lois successives, le régime de la garde à vue est devenu plus complexe et plus sévère. Cette procédure a été dévoyée : à l'origine, elle n'était permise que dans les cas de flagrance ou si les charges le justifiaient pour les nécessités de l'enquête ; mais elle est devenue un moyen d'intimidation. Or cette mesure de privation de liberté doit demeurer exceptionnelle, d'autant plus que les conditions en sont souvent dégradantes, voire attentatoires à la dignité physique. Si la personne mise en cause avoue, elle devient présumée coupable, ce qui influe sur la suite de l'enquête ; or les preuves recueillies pendant l'enquête fournissent le cadre dans lequel l'infraction sera examinée lors du procès.

La vérité policière, difficile à contester, risque de devenir une vérité judiciaire.

C'est pourquoi la proposition de loi CRC revient à la définition originelle de la garde à vue. Nous proposons d'encadrer le recours à la garde à vue, de renforcer les garanties procédurales et d'en sanctionner les violations.

La loi doit prévoir la condition d'indices graves et concordants et restreindre la garde à vue aux crimes ou délits passibles d'au moins cinq ans d'emprisonnement. Nous supprimons la garde à vue pour les mineurs, en prévoyant toutefois des cas exceptionnels.

Nous proposons aussi d'abroger les dispositions exorbitantes du droit commun. Le juge Thiel, du pôle antiterroriste à Paris, critique l'extension « insidieuse » de la notion de terrorisme. Depuis la loi Perben II, le terrorisme relève de la criminalité organisée, et ne revêt plus de caractère exceptionnel.

Nous voulons mettre fin à l'isolement du gardé à vue, notamment en supprimant les dérogations de l'article 63-2 du code de procédure pénale.

La loi de juin 2000 prévoyait la présence de l'avocat dès la première heure, mais uniquement pour un entretien de 30 minutes. Nous proposons que l'avocat soit présent dès le début de la procédure et ait accès au dossier. Quant aux fouilles intégrales et aux investigations corporelles, elles doivent être interdites et les fouilles de sécurité réalisées avec des moyens de détection électronique. Alors notre procédure de garde à vue sera conforme aux règles européennes.

L'aggravation pénale est orchestrée par un matraquage médiatique et politique qui surfe sur le triptyque « peur, victime, répression » : on veut à tout prix trouver rapidement un coupable, or la justice a besoin de temps. La statistique n'a que faire des droits fondamentaux ; elle permet seulement un affichage politique.

S'il faut concilier les droits de la défense et l'ordre public -ou plutôt la sûreté-, attention à ne pas avoir une vision maximaliste de la sécurité. Les droits fondamentaux sont le socle de la démocratie.

Les conclusions du rapporteur manifestent l'impuissance du Parlement.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Mais non !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Chacun admet que la garde à vue doit être réformée. Pourquoi la commission des lois n'en a-t-elle pas pris l'initiative ? On ne peut s'en remettre aux propositions du Gouvernement. Nous ne voterons pas la motion de renvoi en commission. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Michel.  - Faut-il adopter cette proposition de loi ? A l'évidence, oui, étant donné l'inflation du nombre de gardes à vue et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui concerne tous les signataires de la Convention. C'est l'avis unanime de la doctrine - et notamment de M. Gabriel Roujou de Boubée.

Faut-il adopter ce texte tout de suite ou plus tard ? Le projet de loi du Gouvernement, qui bouleverse notre procédure pénale, modifierait la nature même de la garde à vue. Aujourd'hui, la garde à vue est une étape préalable à l'instruction : c'est pourquoi elle ne présente pas les mêmes garanties. Le juge demande d'ailleurs au prévenu s'il confirme les procès-verbaux de la garde à vue. Demain, si le texte est adopté, les premiers interrogatoires ne seront pas soumis au contrôle d'un juge indépendant.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - C'est faux. Vous n'avez pas lu le texte.

M. Jean-Pierre Michel.  - Pour que le droit à un procès équitable soit respecté, l'autorité judiciaire qui procède aux investigations doit être indépendante du pouvoir politique. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, étant donné le statut du parquet. La Cour européenne a confirmé que le parquet n'était pas une autorité judiciaire.

Tout le monde sait que les interventions du pouvoir politique sont constantes, et souvent suivies ! Depuis 2004, ses interventions se sont multipliées : on se croirait revenus aux années 70...

Si le verrou du juge d'instruction saute, le parquet devra être totalement indépendant. Or vous n'en voulez pas ! Est-ce même souhaitable ? Pour ma part je ne le pense pas. Les forces de police et de gendarmerie qui mèneront l'enquête judiciaire sous l'autorité du parquet devront également être indépendantes du ministère de l'intérieur et être rattachées directement au ministère de la justice. Il faut également étendre l'aide juridictionnelle. Enfin, il faut la présence de l'avocat dès le début de la garde à vue, qui sera déterminante pour l'issue du procès ; l'avocat doit pouvoir assister à tous les interrogatoires et avoir accès aux pièces du dossier.

Quoi que nous réserve l'avenir, cette proposition de loi doit être adoptée immédiatement. Elle s'appliquera à la situation actuelle, et, le cas échéant, à la situation future. Je vous invite donc à repousser la motion de renvoi en commission, qui est dénuée de tout fondement.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien.

M. Jean-Pierre Michel.  - Nous avons déjà largement débattu du sujet : tout le monde est d'accord ! La commission ne fera rien de plus ; quant au groupe de travail dont je suis chargé, avec M. Lecerf, c'est une autre histoire ! (Applaudissements à gauche)

présidence de M. Roger Romani,vice-président

M. Pierre Fauchon.  - Nous avions déjà débattu il y a quelques mois de ce sujet sensible lors d'une question orale, à l'initiative, déjà, de Jacques Mézard.

La garde à vue connaît aujourd'hui des dérives, tant dans la manière dont elle est utilisée au quotidien, que dans ses conditions matérielles, parfois épouvantables.

La première chose à faire est d'en restreindre l'usage : cela relève de la pratique, et donc de la responsabilité du ministre. Le nombre de gardes à vue atteint des records : 900 000 par an !

Il n'est pas question, évidemment, de renoncer à la garde à vue, à moins d'être indifférent à l'efficacité de la procédure pénale ! C'est une option un peu particulière, qui ne peut être celle d'un parlementaire responsable.

Deux éléments permettent d'expliquer ces chiffres. Le premier tient au fait que le nombre des gardes à vue a été retenu parmi les critères d'évaluation de la performance des services de police et de gendarmerie dans le cadre de la Lolf, ce qui incite à multiplier les gardes à vue.

C'est le problème général de la statistique : elle ne mesure que du quantitatif, même dans des domaines où c'est le qualitatif qui importe. Il n'est pas aisé de trouver des critères qui ne soient pas purement comptables pour évaluer une matière comme la justice. Quand on veut parler de la durée des procédures, on met dans le même pot des requêtes qui se traitent en quatre heures et des procès qui traînent cinq ans !

Je ne vais pas répéter ce qui vient d'être dit sur le quotidien de la garde à vue et ses abus. Il faudrait un seuil minimal d'infraction. Dans la plupart des pays de l'Union, la garde à vue n'est possible que lorsque les faits reprochés sont susceptibles d'être punis d'une peine d'emprisonnement au moins égale à cinq ans, soit à un an. Toutefois, il faut garder à l'esprit le risque de surqualification juridique dès l'origine des faits reprochés que pourrait engendrer cette évolution. Ce point avait été justement rappelé par M. Zocchetto.

Ne doit-on pas réfléchir à une mesure alternative ou plutôt complémentaire ? Une retenue de quatre heures au maximum ? Pourquoi pas ? Si les praticiens, c'est-à-dire les enquêteurs, le souhaitent, il sera sage de leur faire confiance. Il faut aborder ce genre de questions dans un esprit pragmatique, avec le regard de celui qui a vécu ce genre de choses et pas avec les idées préconçues des donneurs de leçons qui n'ont jamais été avocats, policiers ou gardés à vue. Bien entendu la présence de l'avocat doit être possible.

J'en viens au coeur de la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui, l'assistance de l'avocat durant la garde à vue. Nous sommes favorables à une extension de l'intervention de l'avocat durant la garde à vue. Sa simple présence lors des interrogatoires améliorera probablement les droits de la défense dès le début de l'enquête pénale. Cela présente des avantages pour les suspects entendus mais aussi pour les OPJ qui mènent les interrogatoires : la présence de l'avocat limiterait la possibilité de remettre en cause un aveu, renforçant ainsi la force probante du travail des policiers et des gendarmes.

Un aspect de cette proposition de loi me laisse sceptique. Le dispositif supprime les dispositions dérogatoires concernant les formes les plus graves de criminalité, c'est-à-dire la criminalité organisée, en les réservant aux seules infractions de terrorisme. Toutes les infractions liées à la criminalité organisée, que ce soit pour les trafics de stupéfiants ou d'êtres humains seraient renvoyées au droit commun de la garde à vue. Le critère, à mon sens, ce ne doit pas être terrorisme ou non, mais de savoir s'il s'agit d'une criminalité organisée ou individuelle. A l'évidence, dès lors qu'il existe un réseau criminel, il faut des précautions particulières. Il s'agit d'éviter la diffusion d'informations, des fuites qui permettraient au réseau de détruire des preuves ou d'exercer des pressions.

Est-il possible d'éviter un tel système dérogatoire en posant le principe selon lequel, au stade de la garde à vue, l'avocat d'une personne relevant d'une éventualité de délinquance organisée ne pourrait être désigné par elle-même mais seulement par le bâtonnier sur une liste d'avocats pouvant être commis d'office ? Ce serait le système pratiqué en Espagne dans les affaires concernant l'ETA.

Pour conclure sur un aspect plus technique, il apparait légitime d'attendre la concrétisation -qu'on nous annonce imminente- de la réforme du Gouvernement sur ce thème, afin de se prononcer en pleine connaissance de cause.

Je ne saurais conclure sans remercier M. Zocchetto pour l'excellence de son rapport. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Laurent Béteille.  - Comme l'a souligné le Premier ministre, la mise en garde à vue, loin de rester une décision grave, s'est banalisée dans des proportions inquiétantes. En 2001, il y avait 336 718 gardes à vue, en 2008, il y a eu 577 816. Les gardes à vue de moins de 24 heures représentant les trois quarts du total. On peut s'interroger sur le sens de ces chiffres. N'a-t-on pas inclus dans les statistiques de gardes à vue des cas qui n'en relevaient pas ? Il n'en reste pas moins que le nombre de gardes à vue est excessif.

La proposition de nos collègues permet à la personne mise en cause d'être assistée immédiatement par son avocat et entendue en sa présence lors de la première audition. Celle-ci est alors différée jusqu'à l'arrivée de l'avocat. Ce dispositif n'induit pas que l'avocat dispose aussitôt du dossier de son client, pour des raisons matérielles. Cela risque plutôt d'allonger la durée des gardes à vue que de la raccourcir. L'avocat que j'ai longtemps été se souvient d'avoir été appelé en pleine nuit à 70 kilomètres de chez lui pour servir en fait d'assistante social à un gardé à vue mal réveillé. Ce qui est indispensable, c'est que l'avocat ait accès au dossier d'enquête, grâce à quoi il puisse concourir à l'oeuvre de justice. Il y a effectivement un problème déontologique ; nous devons être vigilants.

Dans certaines matières comme la criminalité organisée, il faut être particulièrement prudent avant de changer la loi. C'est pourquoi, comme notre rapporteur, je crois qu'une réflexion approfondie est nécessaire. Le projet de loi en préparation prévoit des dispositions sur la garde à vue, n'en prenons pas aujourd'hui qui seraient décalées avec celles de demain ! Nous suivrons notre rapporteur : il est urgent d'agir, mais pas à n'importe quelle condition, nous légiférerons plus largement avec le projet de loi ! (Applaudissements à droite)

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Aux propositions que nous avons faites en février dernier sur la garde à vue, la Chancellerie nous a répondu invariablement qu'un projet de loi était en préparation, sans rien nous dire du contenu de ce texte. Nous proposions la présence effective d'un avocat dès le début de la garde à vue, c'est l'objet de cette proposition de loi. Mais nous voulions aussi que notre droit se range à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, pour élargir les capacités d'intervention de l'avocat ou encore pour réduire le recours à la garde à vue aux seuls crimes et délits les plus graves.

L'avant-projet de loi est enfin connu, il est en concertation, nous l'avons examiné de près. A preuve le dossier que j'ai sous le bras...

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Je vous en félicite !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous ne doutons pas de votre volonté de changer les choses, nous reconnaissons l'ampleur du travail accompli, mais votre avant-projet est décevant !

Le recours à la garde à vue serait limité aux seuls crimes et délits punis d'une peine d'emprisonnement : c'est intéressant, mais comme tous les délits sont désormais punis d'une peine d'emprisonnement, ce n'est pas avec cette mesure qu'on réduira vraiment le nombre de gardes à vue !

Vous prévoyez l'entretien avec un avocat au début de la garde à vue puis à la 12heure, et que l'avocat puisse recevoir copie des procès-verbaux des auditions et assister même à ces auditions si la garde à vue est renouvelée après 24 heures. C'est intéressant, mais encore faudrait-il que l'avocat puisse s'entretenir avec son client, assister aux interrogatoires et accéder au dossier pénal, ou bien on ne se conforme pas à la Convention européenne des droits de l'homme.

Nous constatons aussi qu'il n'y a aucune avancée sur les gardes à vue en matière de crimes en bande organisée et de terrorisme : l'avocat continuerait de n'intervenir qu'à la 48heure pour les crimes en bande organisée et à la 72heure en matière de terrorisme, tandis qu'il interviendrait à la 48heure en matière de stupéfiants, au lieu de la 72heure actuellement. Cette modification mineure ne rend pas ces régimes conformes à la Convention européenne des droits de l'homme, puisque la Cour recommande l'intervention de l'avocat à la première heure, quelle que soit la gravité de l'infraction.

Madame la ministre, j'espère que vous allez mieux prendre en compte les exigences européennes et que la concertation rendra votre texte acceptable.

La proposition de loi de notre collègue M. Mézard est intéressante, même si toutes les conséquences de procédure n'en sont pas tirées. Il serait dommage, par exemple, qu'un avocat renonce à assister à une garde à vue parce qu'il ne disposerait pas d'éléments suffisants pour assurer la défense de son client. Nous aurons donc à préciser les choses.

Nous ajouterons l'exigence d'effectivité, en discutant le 25 avril prochain notre proposition de loi portant réforme de la garde à vue.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Eh oui, c'est l'avantage de l'initiative parlementaire !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous voterons pour cette proposition, elle représente la première étape d'une réforme plus approfondie, que nous appelons de nos voeux ! (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs du centre)

M. Jean-Pierre Sueur.  - En montant à cette tribune, je me suis dit : « Que d'hypocrisie ! »

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Vous parlez de vous ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - On nous répète que cette loi est utile, qu'elle est nécessaire même, mais... qu'il est urgent d'en reporter l'examen ! Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, j'entends bien vos réserves sur ce texte, mais s'il ne vous convient pas, amendez-le !

Madame la ministre, vous paraissez dire qu'on ne saurait régler l'importante question de la garde à vue à l'occasion d'une simple proposition de loi, mais qu'il y faudrait tout le sérieux d'un projet de loi : je conteste cette hiérarchie, un projet de loi n'est pas plus digne qu'une proposition de loi !

M. Nicolas About.  - Un projet devient même parfois une proposition !

M. Jean-Pierre Sueur.  - La Constitution confie l'initiative de la loi au Gouvernement et au Parlement !

Aussi serait-il souhaitable d'adopter cette proposition de loi, fût-elle amendée, car nous sommes là pour amender si nécessaire, plutôt que d'en reporter l'examen par un renvoi en commission ! J'entends les arguties de M. Zocchetto, croyez que nous avons de la peine à le voir se contorsionner ainsi pour nous expliquer que la mesure est excellente, mais qu'il ne faut surtout pas l'adopter ! Vous-mêmes, mes chers collègues de droite, vous allez voter le renvoi en commission, mais faites-moi la politesse de ne pas dissimuler que vous n'êtes pas convaincus !

Voix à droite.  - Nous sommes convaincus !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous le dites en riant, nous voyons bien que vous n'en croyez rien !

Si j'avais eu le temps de développer mon propos, j'aurais évoqué l'arrêt John Murray, du 8 février 1996, qui se prononce pour l'assistance d'un avocat dès le premier interrogatoire, j'aurais évoqué l'arrêt Salduz du 27 novembre 2008, qui ouvre la voie à un véritable exercice de la défense en garde à vue, je me serais référé à l'arrêt Dayanan du 13 octobre 2009, qui prévoit que la défense équitable implique que l'avocat puisse notamment organiser la défense, préparer les interrogatoires, soutenir l'accusé en détresse, j'aurais enfin évoqué l'arrêt Savas contre Turquie, du 8 décembre 2008, où la Cour reconnaît que la renonciation au droit d'être assisté par un avocat doit être faite sans équivoque.

Nous ne pouvons pas continuer à demeurer en infraction par rapport au droit reconnu par la Cour européenne des droits de l'homme. La proposition de loi peut sans doute être améliorée mais il faut l'adopter, c'est une question de justice, d'équité et de conformité à toutes les décisions de la Cour européenne. Puissions-nous être entendus ! (Applaudissements à gauche)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Je remercie Mme Escoffier, qui a également commencé à travailler sur le projet de réforme de la procédure pénale. Je suis la première à le dire : trop souvent, les conditions matérielles de la garde à vue sont intolérables, je songe notamment à la propreté des locaux. Mais des avancées ont eu lieu grâce aux efforts de tous ; et dans beaucoup de cas, les modalités de la garde à vue respectent la dignité des personnes. Arrêtons de battre notre coulpe sur tout et n'importe quoi et de stigmatiser notre pays par rapport à ses voisins ! J'ajoute que la présence de l'avocat ne changera rien à l'état des locaux : il y a deux problèmes bien distincts.

M. Masson juge le texte insuffisant mais s'oppose au renvoi en commission, j'ai eu quelque difficulté à saisir la logique du propos...

M. Buffet a bien souligné l'équilibre à trouver -mais dans de nombreux cas, a-t-il rappelé, la garde à vue est nécessaire. Le groupe UMP souhaite intégrer cette question dans la réforme de la procédure pénale. Le texte comporte un grand nombre d'articles et serait utilement scindé en deux parties, nous pouvons le faire tout en gardant une cohérence d'ensemble. Où faut-il placer la coupure ? J'en parlerai avec les présidents des deux commissions des lois.

Mme Borvo Cohen-Seat estime que les professionnels ne sont pas rassurés par l'avant-projet ; or les inquiétudes exprimées avant la mise en ligne -et avant même la rédaction de l'avant-projet, ce qui en dit long sur l'a priori idéologique...- se sont calmées. Le président de la cour d'appel de Paris approuve les grandes lignes de la réforme et dans la presse, les avocats, les universitaires sont de plus en plus nombreux à s'en féliciter, même s'ils souhaitent des amendements. Mme Borvo Cohen-Seat livre une interprétation erronée de l'audition libre, conditionnée à la nature sans gravité de l'infraction et à l'accord de la personne. Quant aux mineurs, ils relèvent d'un code particulier. Le terrorisme aussi fait l'objet de dispositions spécifiques. La constitutionalité de la garde à vue sera évoquée à l'occasion de la question prioritaire de constitutionalité. Dois-je rappeler que dans sa décision du 2 mars 2004, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution le report de l'intervention de l'avocat lorsqu'il s'agit de criminalité organisée.

Je veux signaler à M. Michel que la Turquie a été condamnée pour avoir interdit la présence de l'avocat durant toute la garde à vue ! Soyons précis ! Chez nous, les enquêtes seront menées par le parquet, sous le contrôle du juge de l'enquête et des libertés -le statut et les garanties sont les mêmes qu'avec le juge d'instruction. La présentation faite de l'avant-projet est erronée. L'aveu hors de la présence de l'avocat ne pourra être retenu comme seul support de condamnation, contrairement à ce que vous dites. Il y a extension du contradictoire, ne laissez pas entendre que les dispositions sont inspirées par autre chose qu'un souci d'améliorer la justice.

M. Fauchon a raison de rappeler que l'on doit être prudent quand on ne connaît pas les difficultés et les réalités du terrain. L'audition libre a été qualifiée de mini garde à vue : ne retombons pas dans les lourdeurs de la garde à vue, nous avons voulu un système léger et peu traumatisant. Merci d'avoir réaffirmé la nécessité d'un régime dérogatoire pour la grande criminalité et le terrorisme. Quant à la désignation de l'avocat par le bâtonnier, il faudra en discuter : je serai à l'écoute.

M. Béteille a démontré que la connaissance concrète de la procédure est indispensable pour étudier dans ses détails la réforme : c'est pourquoi j'ai souhaité une large concertation incluant les praticiens. Merci d'avoir rappelé la déontologie qui s'impose aux avocats. Elle n'est pas toujours respectée. Quelles sont les conséquences concrètes de la proposition de loi ? L'intervention obligatoire de l'avocat rallongera la garde à vue. L'audition sera reportée jusqu'à l'arrivée de l'avocat.

Je félicite Mme Boumediene de s'être immergée dans les 725 articles de l'avant-projet déjà rédigés. J'ai choisi de ne pas ignorer un certain nombre de questions.

Non, les régimes dérogatoires ne sont pas contraires aux décisions de la Cour européenne des droits de l'homme : cette dernière a reconnu que la grande criminalité et le terrorisme pouvaient en nécessiter. Votre vote en faveur de cette proposition de loi, madame, est-il cohérent avec le constat que beaucoup de questions restent en suspens ? Je ne vous taxerai pas pour autant d'hypocrisie.

Il y a en revanche une certaine incohérence et de l'hypocrisie, monsieur Sueur, à prétendre que le Gouvernement voudrait reculer la décision alors que le projet sera déposé avant l'été, à affirmer qu'on ne voudrait pas faire bouger les choses quand le texte proposera des modifications substantielles, et à faire comme s'il était bouclé, bien que ce Gouvernement n'ait jamais donné autant de temps à la concertation. Il est également hypocrite de trouver beaucoup d'avantages au texte de M. Mézard, simplement parce que la commission et le Gouvernement demandent son renvoi en commission. Il est incohérent, enfin, de regretter qu'on légifère par petits bouts mais d'accepter une proposition de loi même si votre groupe en a déposé une autre.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous dévalorisez toute proposition de loi !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - La cohérence, elle résultera d'un texte de refondation.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous niez l'initiative parlementaire.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Dernière hypocrisie, vous citez l'arrêt Murray, qui date du 8 février... 1996, bien avant 2001. Votre Gouvernement a sans doute modifié la loi pour s'y conformer. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'ai cité dix décisions !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Travaillons plutôt dans la transparence et la confiance avec pour seul objectif de parvenir au meilleur texte possible. Je n'établis nulle hiérarchie entre proposition et projet de loi -j'ai enseigné le droit constitutionnel. En revanche, je sais que, lorsqu'un projet permet une refondation, il donne plus de cohérence et de visibilité, plus de certitude aussi sur le droit applicable. Il sera ouvert à toutes les améliorations que l'Assemblée nationale et le Sénat voudront y apporter : nous remplirons alors notre mission de législateurs au nom du peuple français et pour lui. (Applaudissements prolongés à droite)

La discussion générale est close

Renvoi en commission

M. le président.  - Motion n°1, présentée par M. Zocchetto, au nom de la commission.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, la proposition de loi tendant à assurer l'assistance immédiate d'un avocat aux personnes placées en garde à vue (n° 208, 2009-2010)

M. François Zocchetto, rapporteur.  - J'ai défendu cette motion dans mon intervention en discussion générale.

M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi.  - On vient de parler de cohérence et d'hypocrisie. Quand même... Il me semble que cette proposition marque un progrès par rapport à la situation existante. Elle est même moins libertaire que celle qu'ont déposée à l'Assemblée nationale le 21 décembre 2009 31 députés dont MM. Aeschlimann, Balkany et Clément, ancien garde des sceaux : elle prévoit la présence immédiate de l'avocat afin de garantir un procès équitable et d'éviter une déclaration incriminant une personne privée d'avocat. Et cette proposition supprime tout régime dérogatoire...

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est incohérent !

M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi.  - Où est la cohérence, où est l'hypocrisie ? Nous avons cherché une solution raisonnable...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Réaliste !

M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi.  - Notre proposition n'est certes pas parfaite, mais elle marque un progrès et mieux vaut la voter que la renvoyer aux calendes grecques. (Applaudissements à gauche)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Le Gouvernement est favorable à la motion.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Que M. Mézard se rassure : nous continuerons notre travail dès mercredi matin en examinant la proposition de loi de Mme Boumediene-Thiery. Nous pourrons alors utiliser la vôtre.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Pour la renvoyer en commission ?

A la demande du groupe RDSE, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l'adoption 183
Contre 157

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à droite)

Rappel au Règlement

M. Jean Louis Masson.  - A de nombreuses reprises, les parlementaires ont regretté que les lois votées ne soient pas applicables en raison des carences de l'exécutif, qui ne publie pas les décrets d'application.

La presse a évoqué récemment un dossier sur lequel nous avons délibéré en 2004 : les numéros de téléphone surtaxés. Je regrette vivement que le Gouvernement ne réponde même pas aux questions écrites sur le sujet et qu'il fasse preuve d'une totale désinvolture six ans après le vote de cette loi.

M. Guy Fischer.  - C'est du mépris !

M. le président.  - Acte est donné de votre rappel au Règlement.

Bisphénol A

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à interdire le Bisphénol A dans les plastiques alimentaires.

Discussion générale

M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi.  - Utilisé depuis plus de quarante ans dans de très nombreux domaines, le Bisphénol A est une molécule de synthèse qui entre dans la composition de certains récipients à usage alimentaire comme les biberons, les revêtements de boîtes métalliques ou encore le petit électroménager. Produit aujourd'hui dans le monde à raison de 3 à 4 millions de tonnes par an, ce produit chimique agit comme un perturbateur endocrinien dont les premiers effets toxiques pour la santé ont été détectés il y a déjà plus de vingt ans. Depuis, sa responsabilité a été mise en cause dans de nombreuses maladies telles que l'obésité, le diabète, les troubles du comportement, les dysfonctionnements thyroïdiens, la diminution de la fertilité, les cancers du sein et de la prostate. II aurait également des effets néfastes sur le développement du cerveau des foetus et des nouveau-nés, population à risque. Des effets nocifs viennent également d'être découverts sur l'intestin. Au fil des études qui lui sont consacrées, la liste des méfaits du Bisphénol A continue décidément à s'allonger.

Loin d'être rassurantes, les études scientifiques se suivent et n'en sont que plus alarmantes, démontrant, s'il en était encore besoin, le caractère urgent de passer du champ scientifique pour entrer enfin dans celui du politique et de la prise de décision responsable.

C'est véritablement dans cet esprit de responsabilité, pour susciter un débat politique au sens le plus noble du terme, que s'inscrit le dépôt de cette proposition de loi demandant l'interdiction du Bisphénol A dans la composition des plastiques alimentaires. Notre texte n'entend pas seulement répondre aux inquiétudes des scientifiques et des médecins ainsi qu'à la préoccupation grandissante de nos concitoyens en interdisant le Bisphénol A dans les plastiques alimentaires, principale voie de contamination C'est aussi un acte citoyen et politique dans la mesure où nous demandons au Parlement, et en premier lieu au Sénat, de faire un choix et de prendre une décision politique, et non pas une décision scientifique puisque l'unanimité scientifique n'existe pas.

En matière de santé publique comme dans tous les autres domaines, c'est bien le politique qui décide, pas le scientifique, n'est-ce pas madame la ministre ? Les scientifiques nous livrent des expertises, les politiques décident en responsabilité. Les vérités scientifiques ont toujours un caractère partiel, c'est le propre de la science. Aujourd'hui, les scientifiques nous disent, avec certitude pour les uns, avec des doutes pour les autres, qu'il y a de sérieux risques, pour ne pas dire davantage, pour la santé de l'homme, et particulièrement pour les bébés et les foetus.

De telles mesures, fondées sur le principe de précaution, ont d'ailleurs été adoptées par plusieurs pays. Le Canada envisage d'interdire le Bisphénol A, notamment dans les biberons et les gobelets pour enfants, à la suite d'études qui ont mis en évidence l'omniprésence de ce composé chimique dans notre environnement et sa dangerosité. En outre, les six plus gros fabricants de biberons américains ont renoncé, début 2009, à commercialiser les biberons au Bisphénol A. Plus récemment, l'agence sanitaire américaine, la Food and Drug Administration, qui avait déclaré le BPA sans danger en 2008, a conclu, sur la foi de récentes études, à des effets potentiels sur le cerveau et sur la prostate des bébés et des foetus, et elle a conseillé le recours exclusif à des biberons sans BPA.

En France, un avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, de février dernier, fait état d'« éléments nouveaux » et de « signaux d'alerte » après une exposition in utero et postnatale. Des centaines d'expérimentations animales et d'observations chez l'homme, justifiant que les autorités sanitaires sortent de leur attentisme, ont en effet montré les répercussions du Bisphénol A sur la santé. C'est ainsi qu'une étude réalisée en janvier 2008 auprès de 2 500 Américains a relevé des traces de Bisphénol A chez 93 % d'entre eux. La population qui absorbe quotidiennement des aliments contaminés, même à de faibles doses, est totalement imprégnée. Les études scientifiques alarmantes ne cessent de se multiplier. Récemment, deux études américaines ont démontré que les foetus seraient déjà exposés au Bisphénol A dans le ventre de leur mère. La première, menée à partir de cellules extraites du placenta de la mère, a permis d'établir que le Bisphénol A est capable de traverser aisément le placenta pour se retrouver dans l'organisme du foetus et qu'il serait responsable de problèmes de croissance du foetus, de naissances prématurées et de fausses couches. La seconde étude, menée auprès de 249 femmes enceintes, a mis en évidence les effets du Bisphénol A chez les enfants après une exposition prénatale au BPA. Les résultats de cette étude montrent en effet que les filles les plus exposées au Bisphénol A au stade du foetus étaient plus susceptibles d'avoir un comportement agressif et hyperactif à 2 ans.

Plus récemment, le professeur Patrick Fénichel, endocrinologue au CHU de Nice, a réalisé des dosages dans le sang du cordon ombilical d'une centaine de bébés et a trouvé du Bisphénol A dans 90 % des échantillons. Enfin, le Bisphénol A possède une structure proche de celle du Distilbène, produit qui avait été donné aux femmes enceintes dans les années 1960 et 1970 et qui a été à l'origine de nombreuses malformations.

Toutes ces raisons m'ont poussé, avec plusieurs de mes collègues, à déposer cette proposition de loi en juillet pour interdire le Bisphénol A dans la fabrication des plastiques alimentaires, et pas seulement dans les biberons. D'ailleurs, le Bisphénol A est un perturbateur endocrinien, présent dans notre environnement depuis quelques décennies, qui peut toucher tous les nouveau-nés, qu'ils soient nourris au biberon ou pas. L'interdiction des biberons à base de Bisphénol A n'est donc pas suffisante pour protéger les bébés.

Par conséquent, il faut agir vite, sans attendre nécessairement d'avoir la preuve scientifique : lorsque ces enfants arriveront à l'âge adulte, il sera beaucoup trop tard. Il s'agit d'une mesure de santé publique prioritaire. Les doutes sérieux que nous avons aujourd'hui doivent nous convaincre de prendre nos responsabilités, en application du principe de précaution. C'est le fondement même de ce principe contenu dans la Charte de l'environnement, laquelle a valeur constitutionnelle depuis 2005 : responsabiliser l'individu à défaut d'anticiper et de prévenir des risques qui restent impossibles à vérifier dans le présent mais dont la réalisation future est susceptible d'entraîner un préjudice sérieux et généralisé. En effet, l'absence de certitudes ne doit pas retarder l'adoption de mesures visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles. Et, dans le cas du Bisphénol A, les preuves ne manquent pas.

Considéré par certains comme un frein à l'innovation, le principe de précaution définit l'attitude que doit observer toute personne qui prend une décision concernant une activité dont on peut raisonnablement supposer qu'elle comporte un danger grave pour la santé ou la sécurité des générations actuelles ou futures, ou pour l'environnement.

De nombreux drames humains se sont produits par l'absence de prise en compte du principe de précaution : les tragédies du sang contaminé et de l'hormone de croissance n'auraient pas eu lieu si ce principe avait été respecté. C'est également le cas de l'amiante dont les dangers sont reconnus depuis 1906 mais dont l'usage en France n'a été interdit qu'en 1997, au prix d'un combat très rude contre les industriels du secteur. Pendant des décennies, en dépit de tout ce que l'on savait de la toxicité de l'amiante, on a continué à en mettre partout. Pourtant, au début du siècle, on enregistrait déjà un grand nombre de décès parmi les travailleurs de l'industrie de l'amiante. Les dégâts provoqués sur la santé ont été soigneusement étudiés et dénoncés dès les années 1960, en particulier aux États-Unis, de telle sorte que ni les industriels concernés ni les pouvoirs publics ne pouvaient les ignorer. Cette catastrophe sanitaire aurait pu, aurait dû être évitée. Mais personne, ni les industriels ni les pouvoirs publics ni les institutions de prévention, n'ont joué le rôle de veille sanitaire. Chacun supporte la responsabilité de ce scandale. Encore aujourd'hui, ce poison tue dix personnes chaque jour en France et 100 000 personnes mourront à cause de l'amiante d'ici quinze ans. Personne n'est à l'abri de ce fléau.

Pour toutes ces raisons, nous n'avons pas le droit de faire preuve d'attentisme, de rester les bras croisés face à un nouveau fléau sanitaire. S'agissant du Bisphénol A, il est intéressant de noter qu'au début, les instances de sécurité sanitaire, que ce soit aux États-Unis, au Canada, au Japon, dans l'Union européenne ou en France, ont toutes conclu à l'absence de risque du BPA pour les consommateurs, y compris les nourrissons. Mais dès avril 2008, le Canada a annoncé sa volonté de vouloir classer ce produit comme substance toxique pour la santé humaine et nuisible à l'environnement.

Le ministre de la santé canadien a en effet déclaré qu'il valait mieux jouer la sécurité que d'avoir des regrets, et les pouvoirs publics ont jugé préférable d'interdire le Bisphénol A, même si les données scientifiques ne l'imposaient pas.

Madame la ministre, il y a tout juste un an, en réponse à des députés qui réclamaient l'application du principe de précaution, vous aviez déclaré à l'Assemblée nationale, que des études « fiables concluaient en l'état actuel de la science à l'innocuité du Bisphénol A ». Vous faisiez référence à l'étude menée en novembre 2008 par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments qui évaluait les estimations d'exposition inférieures à 30 % de la dose journalière tolérable. Pourtant, à cette époque, la grande majorité des 670 études internationales répertoriées ne laissait plus aucun doute quant aux effets toxiques de cette substance chimique. Pourquoi, madame la ministre, ne pas l'avoir pris en considération ? Si les agences sanitaires affirment qu'il n'y a pas de preuve avérée, est-ce une raison pour attendre...

M. Jean Desessard.  - Non !

M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi.  - ...et ne rien faire, alors qu'il existe de multiples preuves chez l'animal et que ce qui est mauvais pour l'animal ne peut être bon pour l'homme. Ne faut-il agir qu'à partir du moment où l'on a une certitude, au risque d'aboutir à une catastrophe sanitaire ? C'est pourtant de votre responsabilité -et de la nôtre- de prendre des mesures de protection sans attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées. C'est un devoir envers nos concitoyens et les générations futures. Parmi les prévisions, nous devrions toujours accorder la préférence à la prévision pessimiste. C'est là l'humilité de la sagesse. II ne s'agit pas de contrer le progrès médical ou technologique, mais de l'encadrer en adoptant des mesures de précaution.

M. Jean Desessard.  - Très bien !

M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi.  - Nous devons être les gardiens de l'humanité. C'est la conception du philosophe allemand Hans Jonas, selon laquelle « face à l'indétermination qui caractérise notre monde et à l'incertitude à l'égard du futur, nous devons dorénavant assumer nos responsabilités face à l'avenir, c'est-à-dire face aux générations futures. II faut se tenir responsable par avance, même pour l'inconnu ; c'est là, devant le caractère incertain de l'espérance, justement une condition de la responsabilité agissante ». Notre éthique de la responsabilité doit être guidée par la prudence, dont Aristote disait « qu'elle fait de celui qui la pratique non pas un peureux, mais au contraire un valeureux ».

Malgré les alertes de nombreux scientifiques, d'ONG de défense de l'environnement et d'associations, malgré les décisions de plusieurs maires de retirer des crèches les biberons contenant du Bisphénol A, malgré les diverses interventions de parlementaires, le Gouvernement n'a toujours pas choisi d'appliquer le principe de précaution pour cette substance toxique, pourtant au coeur d'un vif débat sanitaire. En juin dernier, madame le ministre, vous affirmiez dans cet hémicycle qu'une collectivité, ici ou là, pouvait interdire le Bisphénol A, mais que cette mesure n'était absolument pas fondée scientifiquement.

Pourtant, récemment vous n'avez pas hésité à appliquer ce principe de précaution. Tout d'abord, s'agissant de l'émetteur à ultrasons « Beethoven », vous avez déclaré : « Nous ne disposons d'aucune étude sur son effet. (...) Puisqu'il s'agit d'une question de santé, le principe de précaution doit être mis en oeuvre ». Ensuite, face au risque de grippe A, et ce malgré les très nombreuses critiques, vous avez affirmé clairement qu'il fallait pratiquer le principe de précaution. Cette recommandation était pourtant loin d'être basée sur des études sanitaires aussi concluantes que les études menées dans le monde entier sur le Bisphénol A.

Le problème du Bisphénol A est un problème de santé publique qui concerne la quasi-totalité de la population ; la contamination se fait dès le stade foetal pour se propager jusqu'à l'âge adulte et sur plusieurs générations. Il y a donc urgence. L'homme politique désire toujours que la science lui offre la maîtrise des moyens et des conséquences. Mais, en même temps, il sait que la science ne le délivrera jamais de l'obligation de choisir parce que les dieux sont multiples et les valeurs contradictoires. Il nous appartient aujourd'hui de choisir en conscience. J'en appelle au sens de la responsabilité de chacun pour interdire le Bisphénol A dans les plastiques alimentaires. (Applaudissements sur les bancs socialistes, du groupe RDSE et sur certains bancs à droite)

M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - Le Bisphénol A est un composé chimique, synthétisé dès la fin du XIXe siècle et présent depuis plus de quarante ans dans de nombreux produits, y compris dans notre vie quotidienne. Constituant de base du polycarbonate et des résines époxydes, il est notamment utilisé en contact alimentaire dans les biberons, les bouteilles, les canettes, les fûts ou encore dans les boîtes de conserve. Il est fabriqué, commercialisé et contrôlé dans le respect des règles sanitaires en vigueur, particulièrement prudentielles dans l'Union européenne. L'ensemble des agences sanitaires l'ont ainsi évalué et l'Agence européenne de sécurité des aliments a fixé une « dose journalière admissible » de 0,05 mg par kilogramme de poids corporel.

Pourtant, certaines études scientifiques remettent aujourd'hui en cause l'approche toxicologique classique adoptée jusqu'alors. Le BPA fait partie d'une famille de molécules, les perturbateurs endocriniens, reconnus par le corps humain comme des hormones naturelles et qui influent en conséquence sur le système hormonal. De ce fait, ils ont des incidences potentielles, encore mal mesurées, sur la reproduction, le développement des cancers hormonaux-dépendants, le métabolisme ou le comportement. Ils pourraient même avoir des effets, à dose faible, voire très faible, en se « surajoutant » aux hormones naturelles.

Dans ces conditions, on peut légitimement se demander si l'approche toxicologique classique, tendant à définir une dose journalière tolérable, reste adaptée. Est-il toujours pertinent de fixer une dose plafond pour mesurer l'impact sanitaire de ces perturbateurs endocriniens ?

La réponse est encore incertaine et, dans ce nouveau contexte scientifique, toutes les agences sanitaires ont abouti à des conclusions similaires. Pour sa part, l'Afssa a rendu un nouvel avis sur le BPA en janvier dernier : elle y évoque des « signaux d'alerte » et des « effets subtils sur le comportement », mais elle précise également que « la méthodologie des nouvelles études ne permet pas d'interprétation formelle des données qui remettrait en cause les précédentes évaluations du risque sanitaire ». Elle annonce enfin qu'elle souhaite définir rapidement une nouvelle méthodologie. Au niveau international, l'autorité européenne rendra un nouvel avis en mai prochain et plusieurs rencontres d'experts sont programmées courant 2010.

Sur le plan technique, la rédaction de cette proposition de loi pose des difficultés juridiques, notamment en termes de compatibilité avec le droit international et communautaire. D'autant qu'un dispositif du même ordre existe déjà dans le code de la consommation : le Gouvernement peut, par arrêté, suspendre la mise sur le marché d'un produit, procéder à son retrait ou le détruire, « en cas de danger grave ou immédiat ».

Pour autant, il semble légitime que le Parlement prenne position sur cette question, qui inquiète nos concitoyens, encore qu'il aurait peut-être été préférable d'utiliser la voie nouvelle, ouverte par la dernière révision constitutionnelle, d'une résolution, plus adaptée au sujet, car non normative.

Sur le fond, le champ d'application de cette proposition de loi -l'interdiction totale des plastiques alimentaires contenant du BPA- est extrêmement vaste, ce qui pose trois questions. Premièrement, par quel produit remplacer à court terme le BPA, dont l'usage est très fréquent ? Des difficultés d'approvisionnement pourraient créer des troubles non négligeables pour les consommateurs. Deuxièmement, ces produits de substitution ont-ils été suffisamment évalués eux-mêmes ? Il ne s'agirait pas que le remède soit pire que le mal.

Enfin, une interdiction aussi générale excéderait, dans les faits, les données des études scientifiques qui la sous-tendent, lesquelles ont identifié deux facteurs de risque déterminants : le chauffage intense du produit, qui favoriserait la dissémination du BPA dans les aliments, et la vulnérabilité des bébés, dont le système hormonal est encore immature. Dans son avis du 2 mars, l'Afssa indique d'ailleurs qu'une période critique d'exposition correspond à celle du développement des systèmes nerveux et reproducteur, c'est-à-dire in utero et jusqu'à l'âge de trois ans.

C'est pourquoi la commission des affaires sociales s'est déclarée défavorable à l'adoption, en l'état, de ce texte. Jugeant nécessaire de pouvoir prendre en compte précisément les derniers éléments scientifiques, elle a déposé un amendement suspendant la commercialisation de biberons au Bisphénol A, jusqu'à ce que l'Afssa se prononce en fonction de la nouvelle méthodologie qu'elle prépare. Si nous votions cet amendement, la France serait le premier pays au monde à prendre une telle mesure, puisque le Canada, contrairement à ce que l'on entend ici ou là, n'a pas encore appliqué l'interdiction, que les autorités fédérales ont pourtant annoncée depuis presque deux ans.

Par ailleurs, notre commission a incité le Gouvernement à amplifier les mesures qu'il a déjà engagées pour diminuer l'exposition humaine aux perturbateurs endocriniens. La multitude des sources d'exposition et des substances incriminées justifie une politique globale, incluant notamment un meilleur étiquetage, un dialogue avec les industriels et le développement de la recherche pour mieux évaluer les effets des produits et leur trouver d'éventuels substituts. En outre, il faut lancer des campagnes de communication, à la fois générales pour l'ensemble de la population, et ciblées sur des catégories particulières, comme les femmes enceintes, pour diffuser les bonnes pratiques d'utilisation.

Le Bisphénol A n'est que l'un des perturbateurs endocriniens et les plastiques alimentaires ne sont que l'une des sources d'exposition humaine. Le Gouvernement a d'ailleurs demandé à l'Inserm une expertise collective portant sur 55 produits, qui sera rendue en mai en ce qui concerne le BPA et, à l'automne 2010, pour les autres.

Dans le même souci, notre commission a saisi l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques d'une étude sur l'impact sanitaire des perturbateurs endocriniens. Je propose enfin, même si je suis conscient des limites de l'exercice, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les mesures qu'il a prises et celles qu'il envisage à ce sujet.

Le Sénat écoute, le Sénat agit et il continuera de suivre cette question essentielle de santé publique, sans pour autant céder à des impulsions qui ne seraient pas fondées sur des éléments scientifiques suffisamment documentés. Si la vigilance est nécessaire, elle ne doit pas obérer les avantages du progrès ; si le principe de précaution est légitime, il doit constituer une réponse adaptée car la précipitation pourrait, au final, se révéler de bien mauvais conseil. (Applaudissements à droite)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.  - Au ministère de la santé, j'ai toujours été attentive au problème du Bisphénol A : dès 2008 j'ai saisi l'Afssa qui a remis deux avis rassurants en octobre et novembre 2008 et qui, chargée d'une mission de veille, a remis un nouvel avis en janvier dernier, suivi d'un avis complémentaire ce mois-ci. Comme sur tous les autres sujets relatifs à la santé publique et à la sécurité des consommateurs, je resterai vigilante et prendrai toutes les mesures utiles au vu des études disponibles.

Le Bisphénol A (BPA) entre dans la fabrication du polycarbonate et de résines. Le polycarbonate est largement utilisé dans des objets qui entrent en contact avec les aliments et les liquides : biberons, vaisselle, récipients destinés au four à micro-ondes et boîtes pour la conservation des aliments. Les résines servent de revêtement de surfaces, notamment dans les canettes, les conserves, les conteneurs d'eau et les cuves à vin. Elles assurent également l'étanchéité de récipients en verre, ce qui garantit la salubrité de l'aliment.

On sait depuis l'origine que le BPA est un perturbateur endocrinien, mais on a toujours pensé que ses effets sanitaires étaient nuls, étant donné la faible migration de cette substance des contenants au contenu, faible migration que toutes les études confirment. Quel que soit le mode d'alimentation, l'exposition des nourrissons est très inférieure à la dose journalière tolérable (DJT) définie par l'Autorité européenne de sécurité des aliments. Cependant des publications récentes, dont la méthodologie ne permet pas d'interprétation scientifique formelle, font état de signaux d'alerte après une exposition in utero et postnatale de bébés rats. Mais le métabolisme du Bisphénol A est très différent chez le rat et chez l'homme.

Certains voudraient interdire les biberons contenant du Bisphénol A. Mais ce n'est là qu'une des sources d'exposition des nourrissons. La plus importante est le lait, maternel -par le biais de l'exposition des femmes aux produits alimentaires en contact avec du BPA- ou maternisé -par le biais du BPA utilisé pour assurer l'étanchéité des boîtes de poudre de lait.

Il faut donc longuement peser les bénéfices et les risques d'une interdiction. Il existe tout d'abord un risque de contentieux au niveau européen et international. La clause de sauvegarde qui permet à un État membre de l'Union européenne de suspendre ou de restreindre provisoirement sur son territoire l'utilisation d'un matériau entrant en contact avec des denrées alimentaires suppose que le danger pour la santé humaine soit démontré. Or l'Afssa ne parle que de signaux d'alerte. Une interdiction, même par la voie législative, risquerait donc d'être annulée.

Surtout, nous ne sommes pas assurés de l'innocuité des substituts des produits contenant du Bisphénol A, en dehors des biberons en verre. Pour reprendre une expression de M. le rapporteur, il ne faudrait donc pas que le remède soit pire que le mal, à supposer qu'il y ait un mal !

Au cours des mois prochains, nos connaissances sur les perturbateurs endocriniens vont progresser. Au niveau national, l'Inserm rendra en mai 2010 ses conclusions sur l'ensemble des perturbateurs endocriniens. L'Afssa réalise une étude d'imprégnation en Bisphénol A dans la population française ; les premiers résultats concernant les femmes enceintes seront disponibles dans trois mois, l'ensemble des résultats sur un panel représentatif de la population dans un an et demi ou deux ans. Au niveau international, l'Autorité européenne de sécurité des aliments rendra un nouvel avis en mai 2010, l'étude de la Food and Drug Administration américaine qui devrait permettre d'extrapoler du rat à l'homme en termes pharmacocinétiques sera disponible au printemps 2010, et l'OMS réunira ses experts sur ce thème en octobre 2010. Les études de toxicité chez les rongeurs de la FDA devraient être disponibles en 2012.

Je suis très attachée au principe de précaution : j'ai moi-même préparé la Charte de l'environnement lorsque j'étais ministre de l'écologie. Toutefois ce principe n'implique pas de prendre une décision d'interdiction à la moindre alerte, mais d'agir sur la base d'informations fiables. Encore une fois, les substituts pourraient être plus toxiques que les produits contenant du BPA ! Prenons le temps de recueillir l'avis des experts.

Mes services étudient la possibilité de modifier par voie réglementaire, sur la base de l'article R. 1342-3 du code de la santé publique, la limite autorisée de migration spécifique du Bisphénol A dans les aliments, actuellement fixée à 0,6 mg/kg. Nous diffuserons auprès de la population des recommandations destinées à limiter l'exposition quotidienne. Il faut tout d'abord éviter de chauffer les contenants en plastique afin de ne pas augmenter la migration du Bisphénol A du contenant vers le contenu. Il est également préférable de ne pas employer de biberons en polycarbonate trop usagés, présentant des rayures sur la surface ou une opacification de leur matière. Des biberons en verre sont d'ailleurs disponibles dans le commerce. Il n'est pas recommandé de modifier les préparations pour nourrissons, car les bénéfices d'une alimentation équilibrée sont plus importants que le risque potentiel lié à l'exposition au Bisphénol A.

Évitons la précipitation. Aucun pays n'a encore interdit le BPA, contrairement à ce que l'on entend dire. Les études dont nous disposons sont rassurantes, et nous en attendons d'autres. Cette proposition de loi ne me paraît donc pas proportionnée au risque. J'ai confiance en la sagesse de votre Haute assemblée, qui saura se donner le temps de la réflexion. (Applaudissements au centre, à droite et au banc des commissions ; Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également)

M. Jean Louis Masson.  - Cette proposition de loi n'aurait pas lieu d'être si les services de l'État et ceux de l'Union européenne faisaient leur travail. Nul ne conteste qu'il y a un risque : Mme la ministre concède elle-même que l'Afssa décerne des « signaux d'alerte ». C'est bien le lieu d'appliquer le principe de précaution ! J'ai été stupéfait de vous entendre dire, madame, que le ministère recommande aux parents de ne pas chauffer les biberons des bébés, de vérifier qu'ils ne sont pas rayés, etc. Vous reconnaissez donc la réalité du danger ! Mais le Gouvernement a pris la fâcheuse habitude de renvoyer les problèmes à plus tard.

Au lieu de faire des réformes tous azimuts, le Président Sarkozy ferait mieux de s'occuper de dossiers de bon sens ! (Protestations sur les bancs UMP)

Dernier argument du ministre : il n'y aurait pas d'alternative. Mais il y a bien les biberons en verre ! Pourquoi, dès lors, ne pas interdire ceux qui contiennent du Bisphénol A ? Seraient-ce des intérêts financiers ou autres qui conduisent ainsi à différer les décisions ?

Il y a trente ans, ceux qui se méfiaient de l'amiante étaient traités de fous. Jeune député, j'ai entendu le ministre de l'époque vociférer que l'amiante avait toujours existé, qu'il n'y avait pas de raison que cela cesse. Et voilà que l'on tient le même discours sur le Bisphénol A... Si, il y a des raisons pour que cela cesse ! (Marques d'impatience) Pour les nourrissons, le b.a.-ba serait d'exiger des biberons en verre, comme autrefois ! (M. François Fortassin applaudit)

M. Guy Fischer.  - Né en France avec la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, confirmé en 1995 par la loi Barnier, le principe de précaution s'est vu reconnaître en 2005 une place fondamentale dans notre hiérarchie des normes avec l'intégration de la Charte de l'environnement dans notre bloc de constitutionnalité.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Je crois me souvenir que vous aviez voté contre... (Sourires)

M. Guy Fischer.  - Vous me titillez déjà ? (Sourires)

Ce droit ne s'est pas construit sans heurts. Entre excès et inaction, il n'a pas encore trouvé sa place, notamment en matière d'alimentation. Et pour cause : le principe de précaution s'est développé dans un contexte de crise, sang contaminé ou vache folle. Selon le philosophe du risque François Ewald, qui est professeur au Cnam, cette construction est « une spécificité française ».

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Il est formellement opposé au principe de précaution.

M. Guy Fischer.  - Dans ce contexte, « le principe de précaution a d'abord été entendu comme principe de responsabilité de l'État », dit-il.

Il est indéniablement difficile d'agir dans l'incertitude. La précipitation risque d'alimenter la méfiance envers les scientifiques. L'opacité entourant la prise de décision sur la grippe A, les conflits d'intérêts entre experts et laboratoires pharmaceutiques n'ont guère rassuré nos concitoyens. Mais ne pas agir, comme pour l'amiante, c'est menacer leur santé ! Cette réserve est contraire à l'esprit du principe de précaution : selon la Charte, les autorités publiques doivent agir même si le dommage est incertain, y compris « en l'état des connaissances scientifiques ». Lors de l'embargo sur le boeuf britannique, la Cour de justice des communautés européennes a jugé que « lorsque des incertitudes subsistent quant à l'existence ou la portée de risques pour la santé des personnes, les institutions peuvent prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées ».

La majorité de la commission des affaires sociales estime qu'il n'y a pas lieu d'adopter ce texte, faute de consensus scientifique sur les risques de l'exposition au BPA. Pourtant, de nombreux collèges de spécialistes, dont la société internationale d'endocrinologie, soulignent l'effet potentiel des molécules de BPA sur la reproduction masculine ou féminine, l'obésité, la thyroïde, ou encore sur le cancer du cerveau ou de la prostate.

La proposition de loi permet d'agir de manière préventive, plutôt que d'attendre le dommage pour rechercher ensuite des responsables. Notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs RDSE)

Mme Patricia Schillinger.  - Le BPA est présent dans de nombreux objets utilisés quotidiennement. Il se libère au contact de la chaleur, de l'acidité ou des graisses, contaminant ainsi les aliments, et peut agir sur l'équilibre hormonal. Le BPA serait facteur de nombreuses maladies : cancer du sein, de la prostate, diabète de type 2 et obésité, problèmes neuro-comportementaux et de reproduction, maladies cardio-vasculaires... Cette substance affecterait le système nerveux et hormonal du foetus, du nouveau-né et de l'enfant.

Cette proposition de loi interdit le Bisphénol A dans les plastiques alimentaires au nom du principe de précaution. La toxicité du Bisphénol A a été soulignée par de nombreuses études, émanant de l'Institut de recherche agronomique, de l'Afssa ou encore de la FDA.

Or le gouvernement français s'est toujours opposé à l'application du principe de précaution sur le BPA, malgré les demandes du réseau Environnement santé. L'inquiétude est grande chez nos concitoyens : aux autorités de prendre des mesures nécessaires, notamment en direction des nourrissons et des femmes enceintes.

Le principe de précaution peut être invoqué face à un danger potentiel pour la santé humaine, même si les données scientifiques ne permettent pas une évaluation complète du risque. Face à ce danger, différentes villes, dont Paris, Toulouse, Nantes, Lille et Besançon, ont supprimé les biberons au Bisphénol A dans les crèches municipales. Dans le même temps, la ministre de la santé affirme que le Bisphénol A ne présente aucun risque...

C'est au nom du principe de précaution que le Canada a interdit les biberons contenant du Bisphénol A en octobre 2008. Plusieurs États américains ont suivi, et de grands industriels ont supprimé le BPA de leur production.

Ces autorités ont donc pris des mesures radicales. C'est dans ce contexte que nous est présentée cette proposition de loi. On ne comprend pas pourquoi le ministère de la santé n'a cessé de temporiser, Mme Bachelot allant jusqu'à dire devant l'Assemblée nationale qu'il ne fallait pas confondre principe de précaution et principe d'émotion. On peut trouver étrange que le principe de précaution soit appliqué largement dans le cas de la grippe A et avec une grande réticence ici. On observe clairement les tiraillements entre les enjeux économiques et ceux liés à la santé publique. Serait-on plus enclin à utiliser le principe de précaution quand il est en faveur des industriels ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - D'importants industriels français sont disposés à produire une grande quantité de biberons en verre...

Mme Patricia Schillinger.  - Je rejoins le rapporteur pour considérer qu'il ne faut pas se limiter au Bisphénol A car ce sont tous les perturbateurs endocriniens qui posent problème. Le Gouvernement doit amplifier les mesures visant à diminuer l'exposition humaine aux perturbateurs endocriniens, sans attendre les résultats d'études supplémentaires. Celles qui ont été faites suffisent pour appeler à la prudence et justifient qu'on applique le principe de précaution. II faut aller au plus vite et empêcher la commercialisation de biberons contenant du Bisphénol A.

Celui-ci est présent dans la plupart des biberons en plastique et peut être dangereux pour la santé lorsqu'il est chauffé. De plus, ces biberons en polycarbonate sont présentés comme stérilisables ; ils supportent donc des chauffages répétés qui favorisent l'extraction du BPA. Des solutions alternatives existent puisque certains fabricants présentent déjà des biberons affichés « sans BPA », en verre, en polyéthylène ou autre.

L'interdiction des plastiques alimentaires contenant du BPA doit poser la question de son remplacement. Comment, en effet, garantir que les nouveaux produits ne seront pas plus dangereux que ceux qu'on interdit ?

Si les pouvoirs publics ne régissent pas de manière effective et rapide à l'encontre du BPA, ce sont les consommateurs qui exerceront une pression telle que l'administration française n'en sortira pas grandie, alors qu'elle est là pour protéger ses citoyens. (Applaudissements à gauche)

M. François Fortassin.  - Depuis des années, de nombreuses études et publications scientifiques internationales montrent que le Bisphénol A constitue une véritable menace pour notre santé.

J'attire votre attention sur les incohérences de la défense : on nous dit que le danger n'est pas connu mais qu'il faut prendre des précautions et ne pas chauffer les produits contenant du Bisphénol ! Ce ne doit pas être aisé, quand quasiment toute la batterie de cuisine en contient. A moins de faire chez soi toute une chaîne du froid, comment fera-t-on ? En principe, on prend des repas chauds...

M. Nicolas About.  - Il ne faut pas non plus manger trop gras !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Et le risque est grand de se brûler en mangeant !

M. François Fortassin.  - J'applaudis des deux mains mais vous ne m'avez pas convaincu.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Je le regrette.

M. François Fortassin.  - Utilisez des arguments plus convaincants !

Autre incohérence : nous dire que l'on ne peut pas produire tout de suite des emballages alimentaires sans BPA. Comme s'il était impossible de ménager une période transitoire !

On veut à la fois protéger nos nouveau-nés si précieux qu'ils suscitent l'application du « principe d'émotion », et nos industriels qui ne seraient pas capables de produire des emballages alimentaires dénués de toute substance dangereuse. J'en connais un dans les Hautes-Pyrénées, honoré par le Sénat, qui fabrique des emballages alimentaires à partir des rafles de maïs, ce qui est donc sans danger.

Mme Muguette Dini présidente de la commission des affaires sociales.  - A moins qu'il ne soit génétiquement modifié ?

M. François Fortassin.  - Nous sommes ici en tant qu'hommes politiques et que citoyens, pas en tant que spécialistes, et encore moins en tant que défenseurs de lobbies industriels dont les laboratoires sont destinés à nous sauver sur le mode du « Dormez tranquilles, nous nous occupons du reste ! » (Applaudissements et rires à gauche)

M. Nicolas About.  - Et la défense des viticulteurs ?

M. Alain Milon.  - Lorsque nous avons étudié ce texte ce matin, en commission, nous nous sommes demandés s'il ne relevait pas plutôt du règlement et si l'article 34 ne devait pas lui être opposé.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Je ne l'ai pas invoqué par respect pour le Sénat.

M. le président.  - Nous y sommes très sensibles.

M. Alain Milon.  - A l'avenir, n'hésitez pas à le faire.

M. Nicolas About.  - Cela nous fera gagner du temps.

M. Alain Milon.  - Que ce soit sous forme d'antioxydant dans les plastiques et PVC ou de résine époxyde, le BPA est présent dans notre vie courante depuis des décennies. Mais ce sont les dernières analyses sur la toxicité du composé qui ont occupé les services de sécurité sanitaire. Le BPA est un perturbateur endocrinien, autrement dit, il interfère avec les fonctions du système hormonal. Si la majorité des pays avaient conclu précédemment à « l'absence de risque pour le consommateur dans les conditions d'emploi », de nouvelles études sont revenues sur cette appréciation. L'Afssa, qui avait conclu en 2008 à l'absence de risque pour le consommateur, parle désormais « d'effets subtils sur le comportement ». L'agence précise toutefois qu'il n'y a pas urgence et préconise un approfondissement des recherches et l'apprentissage d'une méthodologie adaptée à la détection de toxicité des perturbateurs endocriniens.

Des agences de sécurité alimentaire étrangères ont émis des avis contrastés. Cela conforte la position du groupe UMP quant à la proposition de loi : nous pensons qu'il faut attendre des avis plus certains avant toute mesure radicale. Il faut en outre élargir les recherches à tous les perturbateurs endocriniens. Sur ce point, nous attendons l'étude commandée par le Gouvernement à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale. Ces enjeux doivent faire l'objet d'une mutualisation des connaissances scientifiques à l'échelle internationale.

La suppression pure et simple du BPA en France n'est pas, à ce jour, la meilleure des solutions ni la plus rationnelle. On risque de le remplacer par un autre composé chimique qui se révélerait encore plus toxique. C'est également une solution irrationnelle étant donné le principe de libre échange qui régit l'Union européenne puisqu'on n'empêchera pas ainsi l'arrivée sur le marché français de produits fabriqués avec du BPA dans un autre pays membre. On risquerait plutôt de pénaliser le marché national qui serait soumis à cette restriction, avec des problèmes d'approvisionnement et des coûts de production alourdis par le changement de matériau. Toutefois, en cas de danger grave ou immédiat, le Gouvernement doit pouvoir prendre un arrêté d'interdiction rapide.

Cet arrêté pourrait viser en priorité les nourrissons les plus fragiles.

Nous ignorons l'ampleur du risque pour le corps humain mais nous pouvons cependant prendre des mesures de précaution car, comme l'a dit Mme la ministre, le « signal d'alerte » est déjà déclenché. Nous pouvons lancer une campagne d'information, en particulier auprès des femmes enceintes et des parents, sur les risques du BPA. Les étiquetages peuvent être améliorés, avec une marque distinctive pour la présence de BPA. Il peut être aussi recommandé aux fabricants de biberons et d'autres produits pour bébés de se passer de ce produit.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera les amendements de notre rapporteur. (Applaudissements à droite)

M. Jean Desessard.  - Ce problème du BPA n'est pas nouveau : nous proposions déjà de l'interdire dans la loi qui a suivi le Grenelle de l'environnement. Les auteurs de la proposition de loi n'avaient pas, alors, voté notre amendement...

M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi.  - Je ne devais pas être présent ! (Sourires)

M. Jean Desessard.  - ...mais nous nous félicitons néanmoins de cette initiative. Nous n'oublions pas ce qu'on nous disait à l'époque : il était délicat d'interdire ce produit à la sauvette, toutes les garanties étaient prises, des colloques devaient avoir lieu... Mais vient le moment où il faut avoir le courage d'agir ; à Paris, les élus Verts ont adopté le voeu que toutes les crèches de la capitale se débarrassent des biberons contenant du BPA !

Mme Christiane Hummel.  - Vous le remplacez par quoi ?

M. Jean Desessard.  - Devons-nous rester les bras ballants ? Le Canada et les États-Unis viennent quasiment de l'interdire, n'est-ce pas le signe que l'industrie est prête à faire face ? Monsieur le rapporteur, vous dites qu'il n'y a pas de produits de substitution : vous ne faites donc pas confiance au polyéthylène ?

M. Gérard Dériot, rapporteur.  - C'est interdit dans la fabrication des biberons !

M. Jean Desessard.  - L'Afssa a fini par changer de position, mais sans recommander le retrait du BPA ; pourtant, le Gouvernement continue de nier le danger et refuse de se décider, se contentant de recommander de nouvelles études ! Quatre études sur cinq établissent le danger, que vous faut-il de plus ? Madame la ministre, sur 34 études expérimentales réalisées sur des rats, des souris ou des singes, 32 ont conclu à des effets négatifs du BPA ! L'Afssa a recommandé de ne pas chauffer les biberons directement, ce n'est pas sérieux ! C'est hypocrite, puisque les études démontrent aussi que 94 % de la population incorpore du BPA. Une étude américaine sur 249 enfants démontre que plus la présence de BPA est forte chez la mère, plus son enfant risque des troubles du comportement. Une autre étude a même démontré les effets négatifs du BPA sur la fécondation in vitro. (Exclamations et moqueries à droite) Mais je m'informe des études les plus récentes, mes chers collègues ! Près de 500 études concluent au danger du BPA, quelles autres preuves attendez-vous ? Pourquoi ne prenez-vous pas aux sérieux les études qui vous dérangent, comme avec l'amiante ?

Il faut définir des règles de déontologie, en particulier sur les commissions d'experts, qui doivent être contradictoires. Leurs analyses nous éviteront bien des débats stériles, et bien du temps perdu !

Vous l'avez compris, nous voterons ce texte ! (Applaudissements à gauche sur les bancs du RDSE)

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

M. Antoine Lefèvre.  - (Applaudissements à droite) Ce sujet est récurrent, nous l'avons abordé à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, au sein du groupe de travail relatif aux OGM, au sein du groupe de travail sur la prévention et la lutte contre l'obésité, ou encore lors de la loi sur l'hôpital. Il y a eu une première décision de l'Union européenne en 2002, puis l'appel de Paris en 2004, déclaration sur les dangers sanitaires de la pollution chimique où figuraient 164 recommandations et mesures à mettre en oeuvre dans le domaine de la santé environnementale, en particulier le retrait du BPA.

Le 18 avril 2008, le gouvernement canadien a décidé d'interdire les biberons de bébés munis de tétines en plastique rigide fabriquées à partir de BPA. Parallèlement, un rapport préliminaire du gouvernement américain estimait que ce produit pourrait provoquer des problèmes hormonaux et neuronaux.

L'an passé, les États-Unis ont constaté que 93 % de leur population était imprégnée de BPA. Les six plus gros fabricants américains de biberons ont décidé de cesser de vendre les produits contenant du BPA.

Il faut dire que les décisions aux États-Unis ont parfois été prises sous la pression de l'opinion publique.

Lors de la discussion du texte HPST, le rapporteur estimait que nous avions besoin de données plus approfondies sur le Bisphénol A. Aujourd'hui, il pense que la proposition de loi doit être plus nuancée. Et surtout, qu'il faut mieux informer la population sur les plastiques. Et encourager l'industrie à chercher des alternatives, comme aux États-Unis. Si les industriels jouent le jeu, la commercialisation de produits de substitution pourrait commencer avant deux ans ! Nous soutenons la position du rapporteur en faveur d'une suspension plutôt que d'une interdiction. (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Mme la présidente.  - La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous examinerons les articles de la proposition de loi initiale.

Articles additionnels avant l'article unique

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Sont interdites la fabrication, l'importation, l'offre, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, la mise à la vente ou la distribution à titre gratuit de plastiques alimentaires produits à base de Bisphénol A dont l'usage est destiné aux enfants en bas âge.

Un décret précise les modalités d'application du présent article.

M. Guy Fischer.  - Nous voterons la proposition au nom du principe de précaution. Nous n'avons pas voulu par cet amendement liminaire affaiblir la portée de l'article unique, mais éviter qu'un amendement de suppression de l'article fasse tomber le nôtre. La commission des affaires sociales juge la rédaction trop globale et préfère des mesures ciblées. Fort bien ! Nous proposons donc à la majorité sénatoriale de prendre une position claire sur les produits concernant les enfants en bas âge.

M. Gérard Dériot, rapporteur.  - Vous ne définissez pas précisément le bas âge. En outre, une suspension de la commercialisation me semble préférable à une interdiction, je l'ai dit : sinon, il faudrait une nouvelle disposition législative pour lever, le cas échéant, cette interdiction. Enfin, le résultat sera le même dans les deux cas : les bébés seront protégés ! Retrait ou rejet.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Dans l'attente des résultats des travaux engagés, nous avons demandé à l'Afssa des études complémentaires, nous avons lancé une évaluation approfondie des produits de substitution en matière de plastiques alimentaires et nous veillons à un examen attentif du dossier par les autorités européennes compétentes sur la sécurité alimentaire et sur la composition chimique des produits. Défavorable.

L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.

Article unique

Sont interdites la fabrication, l'importation, l'offre, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, la mise en vente, la vente ou la distribution à titre gratuit de plastiques alimentaires contenant du Bisphénol A (n° CAS 80-05-7).

Mme la présidente.  - Amendement n°7, présenté par M. Dériot, au nom de la commission.

I. - Rédiger ainsi cet article :

La fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de biberons produits à base de Bisphénol A sont suspendues jusqu'à l'adoption, par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, d'un avis motivé autorisant à nouveau ces opérations.

II. - En conséquence, dans l'intitulé de la proposition de loi :

Après les mots :

tendant à

rédiger ainsi la fin de cet intitulé :

suspendre la commercialisation de biberons produits à base de Bisphénol A

M. Gérard Dériot, rapporteur.  - Une interdiction complète des plastiques alimentaires serait très difficile à appliquer, alors que deux facteurs de risque sont déterminants : le chauffage intense des produits et la vulnérabilité des bébés. Nous proposons donc une mesure temporaire de suspension de la commercialisation portant sur les biberons produits à base de Bisphénol A, jusqu'à ce que l'Afssa se prononce : nous en saurons plus très rapidement.

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par M. Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après les mots :

plastiques alimentaires

insérer les mots :

, de matériel médical et de matériel de puériculture,

M. Jean Desessard.  - Parmi nos amendements, celui-ci est le plus large, il porte, au-delà des produits alimentaires, sur le matériel médical et de puériculture. On trouve des traces de Bisphénol A dans les biberons, mais aussi dans la vaisselle pour bébés, les prothèses, etc. Or les biberons transparents sans Bisphénol existent ; aux États-Unis ou au Japon, les boîtes de conserve à base d'oléo-résine sont utilisées, le surcoût étant de 2 centimes d'euro par récipient. En octobre 2009, l'étude de Braun mettait en évidence les troubles du comportement chez l'enfant de deux ans ainsi que l'imprégnation maternelle pendant la grossesse. Quant aux prématurés, leur exposition au BPA est environ dix fois plus élevée que celle des enfants de plus de 6 ans. Ainsi dès leur naissance, les enfants sont déjà intoxiqués !

Mme la présidente.  - Amendement n°4, présenté par M. Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Remplacer les mots :

plastiques alimentaires

par les mots :

matériel médical et de matériel de puériculture

II. - En conséquence, procéder au même remplacement dans l'intitulé de la proposition de loi.

M. Jean Desessard.  - La commission estimant irréaliste notre première proposition, nous en présentons une autre qui exclut les plastiques alimentaires mais vise le matériel médical et de puériculture. Les scientifiques préconisent du matériel médical sans Bisphénol A.

Mme la présidente.  - Amendement n°5, présenté par M. Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Remplacer les mots :

plastiques alimentaires

par les mots :

matériel médical

II. - En conséquence, procéder au même remplacement dans l'intitulé de la proposition de loi.

M. Jean Desessard.  - On soupçonne le Bisphénol A d'être à l'origine de nombreux grands problèmes de santé, cancer du sein, cancer de la prostate, diabète de type 2 et obésité, baisse de la fertilité, problèmes neuro-comportementaux... De plus, une étude a fait état des risques d'une coexposition à d'autres perturbateurs endocriniens si le matériel médical n'est pas garanti sans Bisphénol A. L'augmentation des maladies chroniques liées aux facteurs environnementaux doit nous inciter à des mesures résolues.

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par M. Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Remplacer les mots :

plastiques alimentaires

par les mots :

matériel de puériculture

II. - En conséquence, procéder au même remplacement dans l'intitulé de la proposition de loi.

M. Jean Desessard.  - Cette interdiction s'impose : suivons l'exemple donné par de nombreux maires. A Paris, les biberons fabriqués à base de Bisphénol A ont tous été retirés des crèches municipales.

M. Gérard Dériot, rapporteur.  - Je ne relèverai pas certaines contradictions entre vos amendements. Mais faute d'une définition précise du matériel médical et de puériculture visé, le champ d'application est infini, depuis les scanners jusqu'aux lunettes du chirurgien, en passant par les boîtes de rangement des jouets... La question est pertinente mais la réponse plus complexe.

Clairement définis, les dispositifs médicaux sont soumis à des règles plus strictes. Quels substituts trouver ? Cette proposition, scientifiquement peu fondée, demande du temps. Ne remplaçons pas un produit utilisé par un autre moins étudié et puisqu'il convient de défendre les plus fragiles, saisissons l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques et demandons un rapport au Gouvernement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Je suis plutôt favorable à l'argumentation de M. Dériot pour l'amendement n°7.

M. Guy Fischer.  - C'est bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Cependant, il y a un risque réel de contentieux européen car le risque doit être clairement démontré, ce qui n'est pas le cas. Une suspension peut être appropriée jusqu'à ce que l'on dispose de produits de substitution. Je m'en remettrai à la sagesse du Sénat, en insistant sur mes réserves. En revanche, l'élargissement proposé par les amendements nos3 à 6 pose problème. Le matériel médical n'est pas défini juridiquement : « dispositif médical » serait plus approprié, mais cela répond-il à l'intention de l'auteur des amendements ? Il faut d'abord étudier les avantages et les inconvénients. L'emploi de polycarbonates peut être justifié dans certains cas et les remplacer n'a de sens que si l'on a des produits à l'innocuité avérée. Or on n'a mené au niveau européen que six études sur le Bisphénol S en 2000. Enfin, les amendements concernant le matériel de puériculture pourraient concerner...

Mme Catherine Procaccia.  - Les poussettes !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - ...les chaises hautes, les produits destinés à la relaxation ou à l'hygiène... Il est difficile de donner un avis favorable à ces quatre amendements dangereux ou au mieux inefficaces.

Mme Patricia Schillinger.  - Nous voterons l'amendement de la commission bien qu'il soit a minima, parce qu'il obligera l'Afssa à clarifier la situation.

M. Guy Fischer.  - La rédaction est plus claire que celle que nous avions proposée, mais elle n'englobera pas les emballages des plats allant au micro-onde. Le rapporteur souligne pourtant les risques d'un chauffage intense des aliments. Nous aurions donc préféré une interdiction plus globale mais voterons l'amendement qui marque néanmoins une avancée.

Mme Catherine Procaccia.  - L'amendement du rapporteur est sage. Puisqu'on n'a pas établi toutes les incidences du Bisphénol, décidons une suspension en espérant disposer bientôt de produits de substitution. Mais si l'on découvre qu'il a une incidence sur les enfants, alors il ne faut pas se contenter d'en interdire la vente car je sais d'expérience que les familles réutilisent les biberons : il faudra gérer les stocks et ne pas s'occuper que des ventes.

M. Jean Desessard.  - On ne peut pas voter contre l'amendement de la commission, mais on ne peut pas non plus se contenter d'une rédaction aussi restrictive. Cette formulation minimale ne protège pas les embryons alors que les perturbateurs endocriniens peuvent provoquer de gros dégâts entre la cinquième et la septième semaine de grossesse pendant lesquelles se forment les organes génitaux. Une contamination peut provoquer alors des troubles qui n'ont rien d'anecdotique, allant d'un sexe indéterminé à la régression pénienne. Cet amendement n'est pas à la hauteur du problème. J'ai vu un reportage sur l'amiante...

M. Gérard Dériot, rapporteur.  - C'est autre chose !

M. Jean Desessard.  - Avec l'amiante aussi, on disait qu'il n'y avait pas de danger, qu'on ne savait pas par quoi le remplacer et qu'il ne fallait pas s'inquiéter. Mais il y a eu des morts ! Et l'on reprend les mêmes arguments pour le Bisphénol, alors que les études montrent ses dangers. Encore une fois !

L'amendement n°7 est adopté et devient l'article unique.

Les amendements nos3, 4, 5 et 6 deviennent sans objet.

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement, notamment avec le recours des agences mentionnées aux articles L. 1323-1 et L. 1336-1 du code de la santé publique, remet, au plus tard le 30 septembre 2010, sur le bureau de chaque assemblée, un rapport évaluant la nocivité pour les enfants en bas âge comme pour le reste de la population, de l'exposition au Bisphénol A contenu dans les plastiques alimentaires.

M. Guy Fischer.  - Nous entendons continuer à appliquer le principe de précaution. Certes, il est plus facile de légiférer quand on est éclairé à défaut d'être apaisé. Or le rapporteur estime que nous ne disposons pas d'assez d'informations et notre groupe partage cette appréciation, d'où ce rapport que le Gouvernement, aidé de l'Afssa et de l'Afsset, établira avant fin septembre. La ministre a en partie répondu sur ce point.

Mme la présidente.  - Amendement n°8, présenté par M. Dériot, au nom de la commission.

Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les deux mois qui suivent la publication par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale de son expertise collective sur les perturbateurs endocriniens et au plus tard le 1er janvier 2011, un rapport présentant les mesures déjà prises et celles envisagées pour diminuer l'exposition humaine à ces produits est adressé par le Gouvernement au Parlement.

M. Gérard Dériot, rapporteur.  - J'ai évoqué cet amendement dans la discussion générale. Ce rapport complètera notre information et incitera à prendre les mesures nécessaires.

En ce qui concerne l'amendement n°2 rectifié bis, une série d'études et d'analyses scientifiques sont en cours dans le monde. L'Inserm, l'Afssa et l'Autorité européenne de sécurité des aliments y travaillent également. Plusieurs réunions d'experts sont programmées dans les mois à venir, notamment par le Canada en octobre. L'ensemble de ces agences et organisations publieront alors des comptes rendus sur la nocivité potentielle du BPA. Il serait donc préférable, comme le demande la commission des affaires sociales, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la politique qu'il mène globalement pour diminuer l'exposition humaine aux perturbateurs endocriniens, dont le BPA. Je souhaite donc le retrait.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - L'idée du rapport est excellente et j'y souscris. J'aurais également eu tendance à être favorable à l'amendement de M. Fischer mais je rejoins votre rapporteur : il est en effet préférable de disposer d'un rapport plus étendu. Je souhaite donc le retrait de l'amendement n°8.

M. Guy Fischer.  - On ne peut pas ne pas voter l'amendement de M. le rapporteur. De plus, j'ai eu le plaisir d'entendre Mme la ministre dire qu'elle était favorable à mon amendement. (Sourires) Je le retire donc, d'autant que cette proposition de loi marque une réelle avancée.

L'amendement n°2 rectifié bis est retiré.

M. Jean-Louis Carrère.  - L'amendement de M. Fischer prévoyait un rapport pour le 30 septembre alors que celui de M. le rapporteur le renvoie au début de l'année prochaine. S'il y a vraiment un risque, il faut aller le plus vite possible.

M. Gérard Dériot, rapporteur.  - Nous souhaitons tous que ce rapport soit publié le plus rapidement possible, mais le dernier colloque des différents experts mondiaux aura lieu en octobre. Laissons donc au Gouvernement le temps de disposer d'un maximum d'informations scientifiques avant de publier son rapport.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - J'ai dit, mais vous n'étiez pas là, que la réunion des experts de l'OMS aura lieu en octobre. Nous ne pourrons donc pas publier un rapport avant le début de l'année prochaine.

Mme Patricia Schillinger.  - Nous voterons cet amendement qui vise l'ensemble des perturbateurs endocriniens qui sont d'autant plus dangereux qu'ils agissent à de très faibles doses. Il serait indispensable de revoir les normes d'exposition.

L'amendement n°8 est adopté et devient un article additionnel.

Interventions sur l'ensemble

Mme Françoise Laborde.  - Le Bisphénol A est une substance qui entre dans la fabrication des plastiques servant de contenants alimentaires. Diverses études scientifiques ont démontré qu'il faisait partie des perturbateurs endocriniens impliqués dans de nombreuses pathologies, telles que le cancer, l'épidémie de diabète, les risques cardio-vasculaires et certains cas d'obésité sévère, ce composé chimique constitue un véritable danger pour notre santé. Nous en sommes convaincus sur tous les bancs de cet hémicycle.

Mes collègues Yvon Collin et François Fortassin, mais d'autres aussi, l'ont déjà dit : il y a urgence et des décisions doivent être prises. L'initiative de mon groupe vous y invite.

L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments a, le mois dernier, reconnu qu'il y avait des signaux d'alerte, et a notamment recommandé de ne pas chauffer les biberons contenant du Bisphénol A.

A partir du moment où l'effet a été avéré sur le système hormonal des enfants, des municipalités n'ont pas attendu les conclussions du débat sur le seuil de la dose journalière admissible pour prendre leur décision. On ne peut que se féliciter de cette attitude prise au titre du principe de précaution.

Certes, sur proposition de la commission, notre assemblée a préféré limiter le champ d'application de la proposition de loi à la suspension de la commercialisation des biberons fabriqués à base de Bisphénol A. Bien que nous regrettions que le texte ne concerne pas l'ensemble des plastiques alimentaires, comme nous le proposions, nous ne pouvons que nous féliciter de cette première et indispensable étape.

Si le texte est en retrait par rapport à notre proposition de loi, il n'en demeure pas moins qu'il marque un réel progrès car les bébés, particulièrement vulnérables, sont les premières victimes du Bisphénol A. C'est aujourd'hui une certitude scientifique et c'est pourquoi il fallait une réponse politique.

Le groupe du RDSE votera à l'unanimité le texte modifié par le Sénat. Nous espérons que l'ensemble des groupes politique l'adoptera également. Nous pourrons ainsi être fiers d'être le premier pays au monde à interdire la commercialisation des biberons fabriqués à base de Bisphénol A et à reconnaitre ainsi qu'il s'agit d'un grave problème de santé publique auquel la France ne reste pas insensible. Nous servirons alors d'exemple. Nous espérons que le Gouvernement inscrira rapidement ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale en vue d'une adoption rapide et définitive. Pouvez-vous nous apporter des garanties, madame la ministre ? Le temps presse. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Patricia Schillinger.  - Le groupe socialiste ne peut qu'être favorable aux initiatives qui font primer la santé des personnes sur les intérêts industriels. Le principe de précaution doit toujours s'appliquer lorsque des menaces sur la santé publique sont fortement suspectées.

Demander des études supplémentaires pour justifier une inertie totale n'est pas acceptable lorsque de nombreuses études déjà existantes devraient plutôt appeler à une certaine prudence. A trop attendre, le risque de voir se reproduire des drames sanitaires s'accroit nécessairement.

Le BPA est un perturbateur endocrinien, comme le Distilbène. Ces molécules ont la particularité d'agir à très faibles doses et d'avoir un impact sur un individu mais aussi sur ses descendants. II n'est peut-être pas le plus dangereux, mais il est vraisemblablement impliqué dans les grands problèmes de santé actuels. Cette molécule devrait donc être évitée, puisque nous en consommons quotidiennement et qu'il est impossible d'y échapper.

Comme le préconise l'Afssa, il faudra que les produits de remplacement soient soumis « à un processus rigoureux d'évaluation des risques ». Nous devrons commencer à le faire pour le BPA. Ensuite, il faudra prévoir une réglementation plus stricte de tous les plastiques.

Cette proposition de loi interdisait le Bisphénol A dans les plastiques alimentaires. L'amendement du rapporteur suspend, quant à lui, la commercialisation des biberons contenant du BPA. Il s'agit bien évidemment d'une mesure a minima qui n'a de sens qu'à condition que ce modeste premier pas amène les pouvoirs publics à réagir pour diminuer les risques de l'exposition humaine à de tels produits.

Le groupe socialiste votera le texte ainsi modifié.

M. Jean Desessard.  - La commission a réduit la portée de la proposition de loi initiale. Ce texte est désormais a minima. Comme, malgré tout, il s'agit d'une avancée, les sénatrices et les sénateurs Verts le voteront.

La proposition de loi est adoptée.

Prochaine séance demain, jeudi 25 mars 2010, à 9 heures.

La séance est levée à 19 h 30.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du jeudi 25 mars 2010

Séance publique

À 9 HEURES

1. Proposition de loi visant à proroger le mandat du Médiateur de la République, présentée par M. Patrice Gélard (n° 267, 2009-2010).

Rapport de M. Jean-Pierre Vial, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 325, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 326, 2009-2010).

2. Proposition de loi tendant à autoriser les consommateurs finals domestiques d'électricité et les petites entreprises à retourner au tarif réglementé d'électricité, présentée par M. Ladislas Poniatowski et plusieurs de ses collègues du groupe UMP (n° 183, 2009-2010).

Rapport de M. Ladislas Poniatowski, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (n° 323, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 324, 2009-2010).

À 15 HEURES

3. Questions d'actualité au Gouvernement.

4. Proposition de loi relative à la protection des missions d'intérêt général imparties aux services sociaux et à la transposition de la directive services, présentée par M. Roland Ries et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 193, 2009-2010).

Rapport de Mme Annie Jarraud-Vergnolle, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 319, 2009-2010).

5. Proposition de loi autorisant l'adoption par les partenaires liés par un pacte civil de solidarité, présentée par M. Jean-Pierre Michel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 168, 2009-2010).

Rapport de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 334, 2009-2010).