Réforme des retraites (Procédure accélérée - Suite)

Motion référendaire (Suite)

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - (Applaudissements et « Bravo » à droite)

La motion référendaire met en oeuvre pour la première fois la procédure du référendum d'initiative parlementaire. Malheureusement, la loi organique permettant de l'organiser n'a toujours pas été adoptée. (Exclamations prolongées à gauche)

M. Georges Patient.  - Scandaleux !

M. Jean-Pierre Bel.  - La faute à qui ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur  - Je suis d'accord pour dire que les retraites sont au coeur des préoccupations de nos concitoyens

Vous vous opposez à cette réforme au motif qu'il n'y a pas eu de mandat du peuple. Outre que tout mandat impératif est inconstitutionnel, (exclamations à gauche) c'est l'inaction qui accélèrerait la dégradation des comptes sociaux. Il n'y a pas eu de concertation avec les partenaires sociaux ? Encore faut-il qu'ils aient envie de se concerter ....L'Assemblée nationale a adopté ce texte dans les règles. (Exclamations à gauche)

M. Guy Fischer.  - Sans débat !

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - Dire que la pénibilité n'est pas prise en compte est caricatural : la France sera le premier pays à reconnaître la pénibilité ! (Applaudissements à droite ; on crie à gauche que ce n'est pas vrai)

M. Jean-Louis Carrère.  - Mais non ! C'est l'invalidité qui est reconnue, pas la pénibilité.

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - Je plaide moi aussi pour que l'on réfléchisse à une réforme systémique.

Vous l'avez compris : avis défavorable. (Applaudissements à droite)

M. Guy Fischer.  - Service minimum !

M. François Patriat.  - Ce n'est pas brillant !

M. René-Pierre Signé.  - C'était court et pas convaincant !

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.  - (Applaudissements à droite ; huées à gauche) Voulons-nous oui ou non sauvegarder notre système de retraites ? (« Oui ! » à gauche ; les sénateurs de gauche scandent « La retraite à 60 ans ! »)

Les partenaires sociaux, les partis politiques, tout le monde est d'accord pour sauvegarder le système par répartition. Cela demande aux Français de faire un effort. (Vives exclamations à gauche)

M. Guy Fischer.  - Toujours les mêmes !

M. Jean-Louis Carrère.  - Et Mme Bettancourt ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Gouverner demande du courage et nous n'en manquons pas.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - A qui le courage ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Avec le Président de la République, notre majorité en témoigne, comme en 1993, en 2003 et en 2008 ! Le parti socialiste cherche à éviter le débat sur le fond. (Protestations et huées à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Il est sourd !

M. Éric Woerth, ministre.  - Pour vouloir un référendum, encore aurait-il fallu voter la réforme constitutionnelle ! Alors que le débat parlementaire se poursuit, (on le conteste à gauche) vous dites que la représentation nationale n'est pas qualifiée pour en débattre ! (Mêmes mouvements) Respectez le Règlement de l'Assemblée nationale, vos remarques ne sont pas opportunes. (On le conteste vivement à gauche, tandis qu'on applaudit à droite) Vous prétendez avoir fait une réforme des retraites en créant le FRR. Ce n'était pas une réforme ! (Vives exclamations sur les bancs socialistes) D'ailleurs, Mme Aubry l'a immédiatement ponctionné pour financer les 35 heures ! (Applaudissements à droite ; dénégations à gauche) Aujourd'hui nous devons répondre à l'urgence pour préserver notre système solidaire. Nous prendrons le temps qu'il faut.

M. Jean-Louis Carrère.  - Comptez sur nous !

M. Éric Woerth, ministre.  - Nous débattrons de multiples questions, médecine au travail, emploi des seniors, etc. La question du référendum ne se pose pas. Demanderiez-vous aux Français s'ils sont prêts à payer 40 milliards de plus de cotisations et impôts ? (Vives exclamations à gauche) Leur réponse serait non. Ils ne voudraient pas de ce bombardement fiscal que leur propose le PS. Leur demanderiez-vous s'ils sont prêts à réduire les pensions de 10 % pour financer les retraites ? (On crie à la caricature à gauche) Leur réponse serait non ! Pour sa part, le Gouvernement ne le souhaite pas. Votre référendum ne servirait à rien. (On le conteste à gauche) Ne rien faire, voilà votre ligne. (Exclamations sur les mêmes bancs) C'est aller dans l'impasse.

M. Jean-Louis Carrère.  - L'impasse, c'est vous !

M. Éric Woerth, ministre.  - Les Français attendent que nous garantissions leurs retraites par répartition, que nous prenions en compte la pénibilité, les carrières longues -comme nous le faisons. Le débat au Sénat sera l'occasion d'enrichir le texte. Nous tenons compte des plus modestes, notamment les agriculteurs. (On le conteste vivement à gauche) Le Gouvernement n'est pas dans l'incantation, dans l'idéologie, mais dans la réalité, dans la responsabilité. (Nombreuses marques d'ironie sur les mêmes bancs)

Le Président de la République n'aurait pas de mandat pour agir ? (On le confirme à gauche) Certes, vous, vous n'avez jamais agi. (Les protestations véhémentes à gauche couvrent la voix de l'orateur)

Nous aurions pu ne rien faire, attendre que les déficits se creusent ? (Nouvelles exclamations à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Caricature !

M. Éric Woerth, ministre.  - Le mandat du Président de la République, c'est de faire le choix de l'action, non de l'immobilisme. Ce n'est pas parce que le parti socialiste a un problème avec les retraites qu'il nous faut, nous, renoncer à assumer nos responsabilités ! (Huées prolongées à gauche ; vifs applaudissements à droite)

M. Jacky Le Menn.  - Une réforme des retraites ne peut se faire sans l'accord de nos concitoyens. Voyez les manifestations, les sondages... Le Président de la République a déclaré lui-même qu'il n'avait pas été mandaté pour réformer l'âge des retraites... Aux Français de trancher, par référendum, sur les points clés de cette réforme. Oui, il faut réformer les retraites, mais votre solution est injuste, brutale et inefficace. La concertation en trompe l'oeil n'a trompé personne : seul le Medef a été entendu ! (Applaudissements à gauche)

M. Roland Courteau.  - C'est bien vrai !

M. Jacky Le Menn.  - Une telle réforme, par essence sociétale, exige une concertation avec le monde du travail.

Votre projet de loi est injuste : ceux qui ont commencé à travailler jeunes travailleront plus, sans acquérir de droits nouveaux. Vous laissez de côté ceux qui ont commencé à cotiser à 18 ans.

Vous condamnez les seniors à rester plus longtemps au chômage ; la pénibilité est loin d'être correctement prise en compte.

Les fonctionnaires, dont les salaires sont gelés, voient leurs droits amputés. Les salariés aux carrières incomplètes seront pénalisés, à commencer par les femmes. Les bas salaires seront défavorisés. La prise en compte des indemnités journalières lors des congés de maternité est très insuffisante. Rien ou presque pour les polypensionnés...

Ce projet de loi est d'autant plus brutal que les délais sont très brefs.

Il est inefficace, car il ne vise que le court terme. L'équilibre financier à l'horizon 2018 dépend du transfert des charges sur l'assurance chômage. Rien n'est prévu au-delà de cette date, alors que le FRR aura été liquidé.

Il est inéquitable, car les salariés fourniront 85 % de l'effort financier.

M. Guy Fischer.  - Voilà la vérité !

M. Jacky Le Menn.  - La mise à contribution des hauts revenus et du capital reste symbolique.

Vous créez les conditions d'une aggravation des déficits. Nous avons des propositions. Siphonner le FRR est une faute, dont vous aurez à rendre compte devant les générations futures, devant l'Histoire ! (On s'impatiente à droite) Individualisme, précarité pour les uns, privilèges pour les autres ? Le référendum s'impose ! (Bravo et applaudissements à gauche)

Mme la présidente.  - Veuillez respecter les temps de parole, ne comptez pas sur mon indulgence !

M. Jean Louis Masson.  - Tous les pays européens ont dû prendre des mesures sérieuses et importantes pour l'équilibre des retraites. S'il y avait une recette miracle, cela se saurait. Les Allemands, les Suédois, les Hollandais ne sont pas plus bêtes que nous. Pour assurer l'avenir des retraites, à l'évidence, il faut relever l'âge légal. (Exclamations à gauche) A titre personnel, je suis favorable au relèvement à 62 ans voire, un jour, davantage.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - 80 ans, bientôt !

M. Jean Louis Masson.  - Le passage de 65 à 67 ans pour le taux plein, en revanche, pose question. Il est anormal de demander à quelqu'un qui n'a que vingt ans de cotisations de travailler jusqu'à 67 ans pour n'avoir qu'une retraite au prorata de ses cotisations. Je ne comprends donc pas cet acharnement à relever l'âge du taux plein à 67 ans. Les plus modestes se retrouveront au minimum vieillesse ! C'est une hypocrisie que de prétendre le contraire. Ce sera simplement une retraite proportionnelle.

Il est donc indécent de porter le seuil à 67 ans. (Applaudissements à gauche)

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. Jean Louis Masson.  - S'il est normal que tout le monde fasse des efforts, il est indécent de conserver le bouclier fiscal (applaudissements à gauche) pour les super riches ! (On se délecte sur les mêmes bancs) La politique à deux vitesses du Gouvernement est indécente : je m'abstiendrai sur ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes)

M. Robert Tropeano.  - Cette réforme ne tient pas compte des principes de solidarité, d'égalité, de justice et de mérite auxquels les membres du RDSE sont tous attachés. Il faut enfin entendre les Français ; M. le président du Sénat l'a d'ailleurs rappelé.

Il faut donc bâtir une autre réforme, reprendre tout à zéro avec les partenaires sociaux. C'est uniquement ainsi qu'un consensus sera trouvé, préalable indispensable à toute réforme.

Or vous vous êtes contentés de recevoir les partenaires sociaux pour prendre la température et faire des photos. En deux mois, la réforme était bouclée : c'est bien rapide !

Vous avez engagé la procédure accélérée, une fois de plus. Pourquoi traiter le dossier en urgence ? Après les services publics, La Poste, les collectivités territoriales, vous vous attaquez aux retraites, sans tenir compte de la crise financière. Pourquoi cet empressement ? Pourquoi empêcher les Français de s'exprimer ?

M. Roland Courteau.  - Par idéologie !

M. Robert Tropeano.  - Je voterai cette motion référendaire car ils doivent pouvoir dire si oui ou non ils approuvent cette réforme. Puisque l'article 11 prévoit la possibilité de soumettre au référendum tout projet de loi portant sur la société, il faut cette consultation. Il nous reviendra ensuite de proposer des solutions consensuelles. Il est temps que notre démocratie soit apaisée et responsable.

Près de 3 millions de salariés ont clamé leurs craintes et leur opposition.

M. David Assouline.  - Deux fois de suite !

M. Robert Tropeano.  - Celle-ci est légitime. Vous prétendez rétablir l'équilibre financier des régimes de retraite, mais le compte n'y est pas. De plus, vous pénalisez les carrières longues. Certes, ces personnes pourront partir plus tôt, mais il leur faudra avoir cotisé trop longtemps. En outre, le taux d'emploi des seniors n'est pas satisfaisant dans notre pays. Vous pénalisez les femmes dont les pensions sont bien plus faibles que celles des hommes. Les aménagements que vous proposez sont bien insuffisants. Vous pénalisez aussi ceux qui auront eu une carrière pénible. En outre, vous confondez pénibilité et invalidité. Un grand débat public est donc nécessaire mais vous l'avez refusé.

Un recours au référendum permettrait d'associer les Français à ce projet. Cette réforme doit se faire avec eux et non contre eux ou sans eux. Je soutiens donc cette motion. (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous restez sourds à la revendication sociale qui monte contre cette réforme. Depuis des mois, vous minimisez les journées d'action de nos concitoyens. Certes, vous n'en êtes pas à votre coup d'essai. Comme avec la privatisation de La Poste et de GDF, vous êtes restés sourds. Votre ambition, c'est de mettre en oeuvre le programme des marchés financiers : casser le pacte social qui unit les Français depuis la Résistance. Pour ce faire, vous vous employer à diviser, à faire peur, à stigmatiser les uns et les autres ! M. Sarkozy ne cache ni ses objectifs ultralibéraux, ni ses amitiés pour les habitués du Fouquet's. (Exclamations à droite ; approbations à gauche)

Vous vous réfugiez derrière le programme de Nicolas Sarkozy. Mais n'a-t-il pas dit qu'il était le candidat du pouvoir d'achat ? En janvier 2007, il s'était prononcé pour les 35 heures et pour la retraite à 60 ans.

M. Guy Fischer.  - Il veut tuer les 35 heures !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Mme Parisot était contre les 35 heures et la retraite à 60 ans. Nicolas Sarkozy a fait semblant de s'y opposer : il « n'avait pas mandat pour le faire ». « Vous savez, cela compte pour moi », ajoutait-il ! (Rires à gauche) Vous ne pouvez vous réclamer que d'un seul mandat, celui du Medef ! (Applaudissements sur les mêmes bancs)

D'ailleurs, sur son blog, Mme Pariso se targue d'être à l'origine de décisions économiques majeures : réforme de la taxe professionnelle, suppression de la compétence générale des collectivités ...

M. Dominique Leclerc, rapporteur  - Caricature !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le peuple et donc enclin à vous demander des comptes. La crise, c'est celle du capitalisme financier. Vous avez volé au secours des incendiaires à coup de milliards !

M. Guy Fischer.  - Du jamais vu !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Jamais avare de paroles, le Président de la République se faisait fort de moraliser le capitalisme mondial ! On voit ce qu'il en est aujourd'hui : les banques se portent à merveille. Le directeur général de Carrefour va partir avec une retraite de 500 000 euros par an (huées à gauche) alors qu'il emploie des femmes à des salaires de misère.

M. René-Pierre Signé.  - Tout cela se payera !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La retraite à 60 ans est un droit, un acquis que l'on ne peut remettre en cause ! (Vifs applaudissements à gauche ; les sénateurs CRC scandent sur l'air des lampions : « la retraite à 60 ans ! ») La retraite à 60 ans, c'est le droit de bénéficier d'une retraite en bonne santé.

L'emploi des jeunes, vous n'en parlez jamais, or cela permettrait de renflouer les caisses. A la différence de l'Allemagne et de l'Espagne, il y a des jeunes en France, mais ils sont au chômage. C'est insupportable !

Nicolas Sarkozy se voulait le champion du dialogue social : il n'en est plus question pour les retraites ! Certes, vous avez rencontré les syndicats, mais vous n'avez ouvert aucune négociation.

Nous vous demandons donc de les écouter, de prendre en considération leurs propositions. Vous êtes engagés dans une partie de poker menteur. Croyez-vous décourager les manifestants? Votre réforme n'est pas la bonne. Il faut repartir de zéro. Nous vous demandons donc de consulter le peuple lui-même. Même si le référendum prévu en 2008 n'est pas applicable, le Président de la République peut consulter le peuple en vertu de l'article 11.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est dans l'esprit de la réforme !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Si le peuple répond non, il vous faudra définir un projet alternatif. Votez cette motion. (Les sénateurs de gauche se lèvent et applaudissent longuement)

M. Nicolas About.  - (Applaudissements au centre et à droite) Nous ne souscrivons pas à la plupart des motifs invoqués par cette motion. Cette réforme serait engagée sans mandat du peuple ? Drôle d'argument ! En démocratie parlementaire (exclamations à gauche) la première règle c'est de s'écouter ! (Nouvelles exclamations à gauche)

Le mandat impératif n'existe pas. La majorité prend ses responsabilités en tentant de sauver la répartition. Le peuple français va trancher par l'intermédiaire de ses parlementaires. Nos concitoyens sont loin d'être hostiles à cette réforme. (Exclamations à gauche) Aujourd'hui, vous jouez au loup. Restent la marelle et les billes ! (Exclamations à gauche)

D'après vous, 85 % des efforts sont fournis par les salariés et 15 % par le capital. C'est la logique même du système. (On le conteste sur les mêmes bancs) Si vous n'êtes pas favorable à ce système, dites-le !

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est spécieux !

M. Nicolas About.  - Et vous êtes spécial !

A moyen terme, il faudra en venir à la retraite par points.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Pour mieux noyer le poisson !

M. Nicolas About.  - La motion référendaire serait l'outil idéal ? On connaît les dérives des référendums. Comment rédiger la question ? Un débat référendaire ne permettrait pas d'explorer les questions techniques. Nous sommes les plus à même de mener cette réforme à bien. Un référendum serait une démission de notre part. (Applaudissements à droite) Les membres de mon groupe attendent du Gouvernement qu'il nous entende, qu'il prenne en compte la pénibilité et le sort des femmes.

Le groupe de l'Union centriste ne votera donc pas cette motion. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Gérard Longuet.  - Cette motion est le contraire de tout notre engagement d'élus. C'est bien parce que nous avons la conviction de l'utilité du Parlement que nous ne pouvons accepter cette motion.

Je ne veux pas invoquer les mânes de François Mitterrand et Le coup d'État permanent, mais en décembre 1981, Pierre Mauroy n'a pas organisé de débat parlementaire pour porter -par ordonnance- l'âge de la retraite à 60 ans ! (Exclamations à gauche ; applaudissements à droite))

M. Jean-Louis Carrère.  - Pantalonnade !

M. David Assouline.  - C'était le mandat du Président !

M. Gérard Longuet.  - Les trois principaux responsables syndicaux ont demandé un débat parlementaire. Il faut donc repousser cette motion ! (Vifs applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

M. David Assouline.  - C'est un peu court !

M. Claude Domeizel.  - J'espère que le débat va s'apaiser. Je ne tenais pas à parler du FRR, mais M. le ministre a dit que Mme Aubry avait ponctionné ce fonds pour financer les 35 heures. Vous avez menti, monsieur le ministre. (Applaudissements à gauche)

M. Éric Woerth, ministre.  - Oui, via le FSV.

M. Claude Domeizel.  - Depuis sa création, le FRR a été alimenté pendant le gouvernement Jospin. Depuis, il l'a été très peu. Les 150 milliards escomptés ne sont pas atteints, loin de là. Et vous dites qu'il est préférable d'utiliser ce fonds dès maintenant !

La loi Fillon a estimé qu'il n'y aurait pas de problèmes jusqu'en 2020. Aujourd'hui, vous dites le contraire et vous utilisez le FRR. Or, en 2020, il y aura toujours des problèmes démographiques. J'espère que d'ici là, vous ne serez plus au pouvoir, mais vous nous avez légué une situation catastrophique : vous aurez brûlé les meubles pour vous chauffer. (Approbations à gauche)

Ce projet de loi a été écrit dans la précipitation. Certains vont voir leur pension baisser de 300 euros par mois. Quid de la suppression du dispositif trois enfants-quinze ans ? Annoncer que la mesure prendra effet en juin était déraisonnable : l'affolement des fonctionnaires a été grand.

A l'hôpital, les infirmières ont demandé à partir avec une pension à jouissance immédiate. Imaginez la désorganisation dans les hôpitaux ! Votre projet de loi contredit son article premier. Vous êtes en train d'affaiblir le système par répartition afin de pousser les salariés vers des régimes assurantiels. Mais seuls ceux qui auront les moyens pourront le faire : le système va devenir sélectif.

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - C'est faux !

M. Claude Domeizel.  - Nous voterons contre ce projet de loi. Les grandes conquêtes sociales ont été faites par la gauche, et toutes les régressions par la droite ! (Vifs applaudissements à gauche ; exclamations à droite)

M. Claude Jeannerot.  - Ce projet de loi constitue une question de société majeure puisqu'il touche au pacte républicain. J'ai la conviction que seul le peuple dit pouvoir trancher. La démocratie est renforcée lorsqu'elle s'adresse au peuple.

M. Gérard Longuet.  - Vous n'y croyez pas !

M. Claude Jeannerot.  - Pourquoi avez-vous peur du peuple ?

M. Éric Doligé.  - Il nous a élus !

M. Claude Jeannerot.  - Le futur Président de la République s'était engagé à ne pas modifier l'âge de la retraite. Vous dites qu'entretemps les conditions ont changé. Certes mais seul le peuple peut délier le Président de la République de cette parole donnée.

Près de 3 millions de nos concitoyens expriment régulièrement leur opposition à ce projet de loi. Certes, ils savent qu'une vraie réforme est nécessaire, mais ils savent que ce sont les plus fragiles qui seront les premiers touchés. Ne sous-estimez pas cette opposition qui émane de l'inquiétude de nos concitoyens. Une politique de l'emploi active et dynamique est indispensable.

Ceux qui étaient dans la rue rassemblaient, hier, toutes les générations. Entendez-les !

De plus, ils savent qu'aucune concertation n'a eu lieu. A cette carence de dialogue social s'ajoute un véritable déni démocratique.

L'expression des représentants est bafouée. Regardez ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale. Voyez le recours à la procédure accélérée. Il aurait fallu laisser le débat se dérouler dans la sérénité. Rendons donc la parole aux Français !

Enfin, nous voulons offrir à nos concitoyens un véritable choix. Il n'y a pas de fatalité à proposer des changements injustes et inefficaces. Avec le référendum, ils pourront choisir entre plusieurs voies. Notre proposition permet de préserver le système par répartition tout en garantissant plus de justice. Non, cette réforme n'est pas gravée dans le marbre ! Le capital doit contribuer au financement et les salariés doivent être vraiment accompagnés.

Nos projets sont effectivement incompatibles, ils ne sont construits ni sur les mêmes critères, ni sur les mêmes valeurs. Nos concitoyens doivent trancher. (Applaudissements à gauche)

M. David Assouline.  - A plusieurs reprises, on a évoqué ici les promesses électorales de Nicolas Sarkozy lorsqu'il a déclaré qu'il ne toucherait pas à la retraite à 60 ans. Quelques semaines plus tard, il affirmait à Mme Parisot : « Cela compte pour moi » ! Ces phrases sont révélatrices...

Bien entendu, le mandat n'est pas impératif, le Président de la République peut avoir soudain découvert le trou des retraites, et estimer que le report de l'âge légal peut permettre le financement du système par répartition. Mais n'y a-t-il pas d'autres solutions ? Ce n'est pas une folie socialiste qui veut couler notre système ! D'autres solutions existent.

Que s'est-il passé ? Pourquoi n'avoir cherché qu'à repousser l'âge légal ? Parce que vous êtes prisonniers de ceux pour qui vous voulez gouverner, même contre la volonté des Français : ceux qui détiennent le capital !

M. Dominique Leclerc, rapporteur  - Plus c'est gros...

M. David Assouline.  - Vous n'êtes plus réalistes, alors... Vous osez venir à la tribune, monsieur Woerth, en disant que les Français savent qu'il faut faire un effort. Bien sûr, parce qu'ils savent que la vie impose des efforts. Et sur cette réforme, il faut en faire encore plus ! Et les banques alors ? C'est scandaleux ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Il y a 14 millions de retraités et 4 millions n'ont que 900 euros pour vivre. Ils ne font pas d'efforts ?

En relevant l'âge légal, le niveau des pensions va baisser ! (On le conteste à droite)

Bien entendu, le mandat n'est pas impératif, mais si on s'engage devant tous les Français, on assume ! Il faut un dialogue social, il faut écouter ceux qui ne sont pas d'accord. Heureusement, les responsables syndicaux font preuve de responsabilité et de sang-froid. Le Gouvernement a pris deux mois pour rédiger son projet, mais les débats ont été tronqués à l'Assemblée nationale. Pour sauver la parole démocratique, il ne reste que le Sénat.

Messieurs de l'UMP, essayez d'être à la hauteur de l'honneur qui incombe au Sénat !

La tension sociale est palpable. La façon de gouverner de Nicolas Sarkozy n'est plus viable. Quand on pousse à bout le peuple, quand on le méprise, (« Oh » à droite) on prend la responsabilité de mettre fin à la paix sociale de notre pays ! (Exclamations sur les mêmes bancs) Il faut donc voter cette motion référendaire. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Il est illogique de refuser le référendum quand on a tenté de le promouvoir ; arguer que certains auraient voté contre cette procédure référendaire est pitoyable ! La réforme constitutionnelle a été votée par une majorité ! Le président Longuet nous a expliqué -bien rapidement- que ce serait nier le Parlement que de recourir au référendum : n'êtes-vous pas pour beaucoup d'anciens gaullistes ? Vos arguments sont spécieux, pour ne pas dire douteux.

Il y a plus sérieux encore. Cette réforme touche au pacte social. Vu la contestation qu'elle soulève, il est tout à fait possible de consulter le peuple. Il ne serait pas si difficile de formuler la question. Si le peuple répond non, il faudra reprendre la réforme à zéro. (Applaudissements à gauche)

M. Didier Guillaume.  - M. Bel a critiqué votre réforme et il a fait des propositions, cohérentes et financées. En retour, vous nous opposez cynisme, caricature, mensonge. Ce débat ne sert pas la démocratie. Nous avons en face de nous, qui refuse d'entendre, un gouvernement aux abois.

Nous sommes pour la réforme. A la question : « voulez-vous que vos impôts augmentent ? » les Français répondront non. Mais à la question : « voulez-vous une réforme juste et équitable ? », ils répondront oui ! Voulez-vous que le capital soit mis à contribution ? Ils répondront oui ! Nous ne voulons pas de votre réforme qui culpabilise et pénalise les salariés, les plus fragiles, celles et ceux qui arrivent à 60 ans cassés et fourbus. Vous ne voulez pas discuter avec l'opposition : c'est vous qui disqualifiez la représentation nationale. Plus de 70 % des Français jugent votre réforme injuste. Après l'échec du « travailler plus pour gagner plus », vous proposez aux salariés de travailler plus longtemps pour gagner moins qu'avant. Vos propositions ne répondent ni au chômage des jeunes, ni à celui des seniors.

Lorsque le peuple est dans la rue, que les parlementaires veulent débattre mais ne le peuvent, il faut donner la parole aux citoyens. Nous n'avons décidément pas la même conception de la vie politique et de la démocratie. Nous voulons discuter avec tout le monde, tandis que vous n'acceptez de débattre qu'entre vous. Si cette motion n'est pas adoptée, il y aura d'autres rendez-vous. Gouverner contre le peuple, c'est de l'autisme ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - A situation exceptionnelle, procédure exceptionnelle. Un débat parodié, tronqué, un Président de la République qui bafoue ses engagements, un gouvernement sourd aux manifestants : il faut une réforme des retraites qui préserve les fondamentaux de 1945. Nous montrerions au cours du débat la faisabilité de nos propositions.

Le Gouvernement, poussé par le Président de la République, entend limiter et accélérer les débats. Quand il y a blocage, il ne faut pas avoir peur de faire appel au peuple ! (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Trois millions de manifestants à chaque journée de mobilisation : le rejet de votre politique est massif. M. Woerth prétend que sa réforme est faite pour les jeunes de 20 ans.

M. Éric Woerth, ministre.  - On peut dire des choses justes !

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Mais les jeunes ne vous croient pas : ils refusent votre réforme à 80 %. Votre propagande grossière a échoué, le mouvement de contestation se durcit, contrairement à ce que soutient M. Copé.

La retraite à 60 ans relève de l'intérêt général. Rien ne justifie les reports d'âge et l'allongement des cotisations. La France est plus riche que jamais, mais ces richesses sont accaparées par quelques privilégiés, avec toute l'indécence qu'a rappelée l'affaire Bettencourt. Il y a d'autres moyens de financer les retraites, y compris en revenant sur les lois Balladur et Fillon, comme le prouve la proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale par les députés du Front de gauche.

La retraite à 60 ans, ce sont les Français qui l'ont voulue, ils ont voté pour elle en 1981 après neuf ans de combats acharnés contre une droite qui depuis n'a jamais osé en demander la remise en cause devant les électeurs. Nicolas Sarkozy, interrogé le 27 mai 2008, répondait qu'il ne le ferait pas, qu'il n'en avait pas parlé pendant la campagne électorale, et qu'il n'avait pas de mandat pour cela. On ne saurait mieux dire...

En démocratie, seul le peuple peut défaire ce que le peuple a fait. Donnez-lui la parole. En démocratie, le vote devrait être la règle, pas une exception à mendier. Le référendum d'initiative populaire ne peut être utilisé, puisque les lois organiques nécessaires n'ont pas été présentées au Parlement... C'est le coup de force permanent depuis la forfaiture de l'escamotage du « non » de 2005.

Mépriser le peuple comme vous le faites est une faute. La réforme serait une potion amère que les enfants seront malgré tout contents d'avoir bue lorsqu'ils seront guéris ? Ceux qui se mobilisent sont adultes et parfaitement au fait des conséquences de la réforme !

M. Roland Courteau.  - Je suis fier d'avoir voté la retraite à 60 ans. Elle répondait et répond toujours à une exigence de justice sociale. Si vous la remettez en cause, c'est par idéologie. Vous voulez revenir sur chaque conquête sociale de la gauche : c'est bien de revanche sociale dont il faut parler. Vous n'avez pas le droit de revenir sur les engagements maintes fois rappelés du candidat puis du Président Sarkozy.

On nous exhorte à faire preuve de courage. Le courage, est-ce demander à ceux qui ont commencé à travailler à 17 ans, à des travailleurs brisés de continuer à travailler encore et encore ? Le vrai courage, ce serait de solliciter le capital ; le vrai courage, ce serait de consulter le peuple. L'âge légal, c'est le bouclier social des plus modestes. Quand comprendrez-vous qu'il est des ouvriers qui préfèrent partir aujourd'hui à 60 ans, même avec une décote ? C'est à eux que vous demandez deux ans de travail de plus...

Cette réforme est tout entière contre le peuple ! La question est majeure, elle exige un consensus national, car nos régimes de retraite sont au coeur de notre pacte national. Mais pour l'obtenir, encore fallait-il une vraie négociation et non les simulacres de discussion auxquels nous avons eu droit. Vous avez préféré le bras de fer. Loin de rassembler, vous dressez les Français les uns contre les autres, alors que nous avions besoin d'un Gouvernement rassembleur.

Les manifestants demandent l'ouverture de vraies négociations, mais vous niez l'ampleur du mouvement ; il est vrai que ce ne sont pas les amis du Fouquet's qui sont dans la rue...

Le choix n'est pas entre votre réforme et le chaos. Une autre réforme est possible, juste, équitable, durable : celle que vous a exposée M. Bel. (Applaudissements à gauche)

M. Yves Daudigny.  - La méthode du Gouvernement est bien connue désormais. Un, il « surdramatise » ; le problème démographique ne justifie nullement l'urgence, au contraire : l'urgence, c'est de traiter la crise. Au lieu de vous attaquer à ceux qui en portent la responsabilité, vous visez les salariés, les plus humbles, les victimes de la crise.

Deux, il clive, c'est la spécialité du Président de la République. Trois, il déploie un rideau de fumée avec le pillage du FRR et l'allongement de la durée de vie de la Cades, que même certains membres de la majorité rejettent. Il en résulte un projet de loi pris en otage par le Medef, par les marchés et les agences de notation, par les amis du Président. Il faut le soumettre au référendum. (Applaudissements à gauche)

M. Ronan Kerdraon.  - Ce texte va à l'encontre de nos valeurs. Cette réforme doit résulter d'un choix de société, non d'une course contre la montre. Le niveau des pensions doit être garanti, tous les revenus doivent être mis à contribution.

Malgré la mobilisation, vous restez inflexible. En parlant de tohu-bohu, vous méprisez le peuple. Il ne faut pas avoir peur de lui. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Anziani.  - La question des retraites est essentielle, dites-vous. Elle l'est en effet. Pourquoi alors voulez-vous confisquer le débat, faire la réforme dans le dos du peuple ? En n'écoutant pas les syndicats ni la rue, vous vous moquez du peuple. En annonçant que vous ne reviendrez pas sur les 62 et 67 ans, vous vous moquez du Parlement ; si vous le respectiez, vous n'imposeriez pas la procédure accélérée. Nous n'acceptons pas que la démocratie soit expédiée.

Votre ignorance constitutionnelle m'étonne : que faites-vous de l'article 11 de la Constitution ? Il a permis de consulter le peuple sur des questions complexes, le traité européen ou le statut de la Nouvelle Calédonie.

L'autre façon de consulter le peuple, c'est l'élection présidentielle : cette question déterminante du quinquennat, ayez le courage de l'inscrire dans votre programme pour 2012 ! Ayez le courage d'affronter le peuple ! (Applaudissements à gauche)

M. Éric Doligé.  - Le courage, il n'est pas de votre côté !

M. Yannick Botrel.  - Élu local, j'ai été interpelé par de nombreux concitoyens qui m'ont dit leur inquiétude. J'ai vu dans les cortèges des gens qui n'étaient pas des habitués et défilaient sans doute pour la première fois de leur vie. Ils veulent vous dire leur sentiment d'injustice. Les plus exposés, les moins protégés vous interpellent. Donnez-leur la parole. Le courage serait de reconnaître le mouvement social, de respecter nos concitoyens et d'interroger la nation. (Applaudissements à gauche)

Mme Françoise Cartron.  - Cette motion référendaire est une chance pour vous : vous pourrez mesurer l'état d'esprit de nos concitoyens, leur détermination, leur inquiétude. Cessez de les mépriser. Avec cette réforme, les femmes seront doublement pénalisées. Saisissez l'occasion de les entendre ! (Applaudissements à gauche)

M. Guy Fischer.  - Nous voterons cette motion référendaire. Depuis 2007, les gouvernements n'ont eu de cesse de démanteler les acquis sociaux, de détricoter le code du travail, avec des conséquences terribles pour les salariés. Après la privatisation rampante de l'assurance maladie, voici une loi de régression sociale, comme on n'en a jamais vue ! Vous prétendez la main sur le coeur vouloir réduire les inégalités salariales entre hommes et femmes ; mais avec votre projet, elles vont s'accentuer à la retraite !

Ce qui intéresse Nicolas Sarkozy et la droite dure, c'est de remettre en cause les 60 ans. Le Président de la République veut accrocher la retraite à 60 ans pour tous à son tableau de chasse ! Le mécontentement s'amplifie, dont le 12 octobre sera un autre moment fort... Rejetons cette loi de régression qui pèse sur les plus pauvres et les plus précaires, qui exonère le capital et les plus riches. Votons cette motion référendaire. (Applaudissements à gauche)

En application de l'article 59 du Règlement, la motion référendaire est mise aux voix par scrutin public de droit.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 327
Nombre de suffrages exprimés 326
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l'adoption 141
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

(Applaudissements au centre et à droite)

La séance, suspendue à 17 h 15, reprend à 17 h 30.