Coordination des politiques économiques au sein de l'Union européenne

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion d'une proposition de résolution relative à la coordination des politiques économiques au sein de l'Union européenne.

M. Yvon Collin, auteur de la proposition de résolution.  - L'Europe, c'est un projet politique au service du bonheur des peuples. Mais comment se passer de codécisions en matière économique et budgétaire ? Comment admettre que certains États cherchent à attirer les activités en sapant les bases économiques de leurs partenaires ? La démocratie est-elle respectée ? La prospérité est-elle assurée ? Et la justice sociale ? Je n'ignore pas le bilan que peut afficher l'Union européenne, mais les États ont oublié la finalité de l'Europe.

Il y a une crise en Europe. Elle ne fut pas causée, comme on le répète à l'envi, par quelques traders inconscients ni un malheureux hasard ; elle est la crise d'un système économique, du capitalisme courtermiste globalisé, de l'ultralibéralisme, de la déréglementation. Les déséquilibres dans la répartition des revenus s'accroissent dangereusement. L'Europe n'est pas une victime collatérale mais un acteur du séisme ; elle peine aujourd'hui à s'extraire du trou noir.

Nous n'avons pas besoin de moins d'Europe mais de plus d'Europe, d'une autre Europe, celle de la croissance, d'un projet politique partagé. Beaucoup a été fait pour sauver les banques, et les contreparties ne sont pas venues, faute de la volonté politique des États -lorsqu'ils n'ont pas fait preuve de complaisance avec la finance, tandis que nombre de pays européens sont étranglés par les mains auxquelles ils ont tendu les leurs. Les États autorisent les assurances et les institutionnels à se nourrir des titres de la dette publique, à un taux bien supérieur à celui de la croissance prévisible : en bonne logique, on doit en attendre un nouveau désastre.

M. Yvon Collin, auteur de la proposition.  - Les rentiers ne sont pas menacés mais les salariés, les ménages souffrent. La prédation des marchés se poursuit sur l'économie européenne.

La BCE assure l'effet boule de neige de la dette. L'austérité budgétaire casse les perspectives de relance. Elle affectera la construction européenne, pendant que les politiques monétaires des États-Unis et des pays asiatiques dopent leurs économies. Si risque inflationniste il y a en Europe, il ne tient pas à la monétisation de la dette publique mais à la spéculation financière. L'Europe manque de la capacité de vouloir. La doxa des politiques européennes converties aux rêveries de l'École de Chicago pèsera sur l'avenir de l'Europe. Elle se fonde sur une fiction, celle de la concurrence pure et parfaite.

Elle est victime de l'idéologisme qui lui a fait prendre des vessies pour des lanternes, pour le plus grand profit des monopoles.

Les États affichent une volonté de coopération mais versent dans un néolibéralisme caricatural et se livrent une guerre économique ; ils affichent une priorité de croissance pour tous mais jettent les bases d'une domination de la rente patrimoniale, malthusienne et prédatrice. La prospérité est en cause. Ce que fait chaque État conditionne la situation des autres : concurrence fiscale irlandaise, par exemple.

En 2007, dans un rapport, nous avions avec M. Bourdin souligné la confrontation insoutenable des trois modèles, celui de l'endettement, en Espagne et en Italie, celui de la déflation salariale, au Royaume-Uni et en Allemagne, et le modèle français, le plus équilibré. Nous avions également mis en évidence l'insoutenabilité des déficits extérieurs et des finances publiques mais aussi de la finance privée, l'insoutenabilité sociale et économique des modes de répartition. Nous évoquions la forte probabilité d'une crise dont l'un des visages serait la montée des menaces sur l'euro.

L'histoire récente a permis d'améliorer les choses, avec le fonds de stabilité financière, mais ne cédons pas à la tentation minimaliste en nous contentant d'un petit FMI européen. Pourquoi n'avoir pas plutôt renforcé la coordination des politiques économiques ?

C'est seulement pour la surveillance des déficits budgétaires que l'Europe exerce une action constante. Le prétendu « pacte de compétitivité » est proprement régressif. La déflation salariale, la valorisation du capital, la montée des inégalités de revenus et de richesses, l'expatriation vers les paradis fiscaux : voilà ce qu'on nous prépare.

Avec l'interdiction des déficits publics, on nous annonce un projet de constitutionnalisation de Maastricht, conforme aux intérêts des grands oligopoles et qui nous privera de toute possibilité d'action économique.

Les Français n'auront plus la capacité à orienter leur avenir économique. Il faudra les convaincre qu'il y a dans la prohibition de tout emprunt public le fameux retour du politique... J'entends déjà le sophisme : « Échapper à la dette, c'est échapper à la tyrannie des marchés »... C'est un leurre !

Étrange défense venant de politiques qui acceptent et revendiquent même le patronage de l'économie de marché ! Le débat démocratique doit avoir lieu, parce qu'il n'est pas acceptable que notre souveraineté soit bradée à un paradigme abstrait et régressif, qui veut qu'une bonne politique économique soit le renoncement par avance de toute politique économique.

Dans tout ce qui se prépare, rien ne respecte l'ambition originelle, les valeurs de l'Europe. La France a le choix entre s'aligner ou défendre son modèle. J'adhère au projet d'une Europe puissante. C'est le sens de cette proposition de résolution. « Son modèle, c'est l'économie sociale de marché. Son contrat, c'est l'alliance de la liberté et de la solidarité, c'est la puissance publique garante de l'intérêt général. La dignité de l'homme est au coeur de son projet de société. Renoncer à cet idéal, ce serait trahir l'héritage européen. C'est pourquoi la France n'acceptera jamais de voir l'Europe réduite à une simple zone de libre-échange. C'est pourquoi nous devons relancer le projet d'une Europe politique et sociale, fondée sur le principe de la solidarité ». Puissent ces propos de M. Jacques Chirac nous rappeler à notre devoir collectif ! (Applaudissements sur les bancs du RDSE et les bancs socialistes)

M. Denis Badré.  - Nous sortons d'une crise économique de grande ampleur. L'Allemagne s'en est rapidement relevée, d'autres peinent encore. Nous savons ce que produit une bonne politique économique, au service de la croissance et de la compétitivité. Mais des pays qui partagent des règles et une monnaie communes se doivent d'organiser la convergence des politiques au service de la compétitivité. Nous ne pouvons reprendre telle quelle la proposition du groupe RDSE mais elle nous offre l'occasion d'un débat critique sur les moyens de la relance française et européenne.

Entre 2000 et 2008, notre compétitivité industrielle notamment, mais aussi agricole, s'est effritée par rapport à celle de l'Allemagne. En 2010, les Allemands récoltent le produit de réformes économiques et sociales courageuses et d'un climat social réaliste, même au plus fort de la crise. La croissance du PIB et le taux de chômage s'en ressentent. Il y a des différences de structures et la recette allemande n'est pas transposable en France, caractérisée par son organisation centralisée et colbertiste...

M. Jean-Pierre Chevènement.  - N'insultez pas Colbert !

M. Denis Badré.  - ... et une économie reposant davantage sur la consommation que sur l'exportation. Même la décentralisation est organisée depuis Paris ! Le principe de subsidiarité, si important, est peu lisible chez nous. Avec ses atouts, l'Allemagne tire profit de la croissance des pays émergents. Il nous faut rechercher toutes les possibilités de convergence. L'affirmation même d'une volonté commune de convergence fiscale est positive, même si on peut trouver le Pacte de stabilité insuffisamment ambitieux. La coordination des fiscalités française et allemande pourra entraîner les autres pays de la zone euro et préfigurer une coopération dans d'autres domaines ; ainsi, l'on réduira les tentations de concurrence fiscale.

L'environnement européen et mondial a évolué. C'est pourquoi le groupe de l'Union centriste ne peut soutenir la proposition de résolution, car du scepticisme au pessimisme il n'y a qu'un pas que nous ne souhaitons pas franchir. Et la position de spectateur condamne à l'impuissance. Nous voulons au contraire rester acteurs, avec la France et dans l'Union européenne.

M. Jean-Pierre Bel.  - Notre pays traverse la pire crise financière, économique et sociale depuis les années 20 et cette situation met l'Europe au défi. Aujourd'hui, la coordination des politiques prend la forme d'interdictions et de sanctions : voyez le Pacte de stabilité et de croissance ! La monnaie commune n'est pas accompagnée d'un projet économique commun, qui évite la tentation de cavalier seul. M. Chevènement écrit dans son dernier livre que la crise grecque est la répétition générale des crises à venir. Or, les réponses apportées ne permettent pas à l'Europe de tirer le meilleur d'elle-même. Le paquet législatif de la Commission, le rapport du groupe Van Rompuy, les propositions du Parlement européen, celles des socialistes européens ouvrent un débat ; cette proposition de résolution a le mérite de mettre l'accent sur l'aspect social et surtout sur l'exigence de démocratie. La coordination proposée par Bruxelles et le « semestre européen » adopté en septembre ont un défaut : ils contournent le Parlement européen et les parlements nationaux, dont le premier rôle est de consentir à l'impôt et de voter le budget.

Il faut concilier souveraineté et coordination. Cette dernière doit être mise au service de politiques de progrès, dans une dynamique collective.

Un mécanisme permanent de gestion de crise s'impose. Le Fonds européen de stabilité financière est un premier pas mais n'est pas un instrument de convergence ; il agit plus, pour l'instant, pour faire face aux urgences. Si la stratégie de Lisbonne a échoué, c'est surtout par manque d'investissement public ; lançons de grands emprunts européens pour financer de grands projets et faisons réussir la stratégie Europe 2020.

A nous de suivre le bon chemin en démocratisant la coordination et en privilégiant la souveraineté et la solidarité. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Aucune politique de croissance coordonnée n'a été décidée pour porter remède à la crise. La pérennisation du mécanisme de stabilisation financière de l'euro, un pacte de compétitivité imposée par la chancelière allemande, la rigueur généralisée, voilà le menu des prochains sommets, qui maintiendront les pays dans la stagnation de longue durée. Au lieu d'une initiative de croissance et de relance salariale à l'échelle européenne, nous aurons la déflation salariale généralisée à l'allemande. Et l'interdiction de tout déficit budgétaire serait inscrite dans la Constitution : Keynes doit se retourner dans sa tombe, c'est le triomphe de Milton Friedmann ! Trouverez-vous les trois cinquièmes des parlementaires nécessaires ? Les socialistes, sur lesquels vous comptez, pourraient bien vous faire défaut...

La BCE a l'interdiction d'acheter des titres de dettes publiques. Elle a certes été amenée à contourner cette règle absurde en 2010. Mais Mme Merkel et M. Sarkozy proposent aujourd'hui que le futur fonds de stabilisation alimenté par les État puisse par exemple racheter de la dette grecque ou prêter à la Grèce de quoi racheter sa dette ; il s'agit de toute évidence de préparer la restructuration de la dette grecque... S'agit-il d'un premier pas pour exclure de la zone euro les pays les plus fragiles ?

La prétendue politique de compétitivité a-t-elle un sens ? Visez-vous le modèle chinois ? Suivons les intentions allemandes et ce sera le naufrage ! La France sera doublement pénalisée : elle est l'un des premiers contributeurs et devra faire de gros efforts de réduction des déficits : elle souffrira !

Personne n'ose contester cette ligne, alors qu'elle nous conduit droit dans le mur. Le Conseil a pris la place de la Commission, c'était souhaitable et inévitable. Mais au sein du Conseil, c'est le couple franco-allemand qui décide. En fait, surtout l'Allemagne, car c'est elle qui paye. M. Sarkozy a accepté un pacte dont le contenu vous gêne -mais vous ne le dites pas en public !

« L'euro c'est l'Europe » dit le président de la République. Non ! Relance salariale, programmes de recherche, pouvoirs à la BCE pour agir sur les marchés, plan de relance et de sortie de crise, voilà ce que nous devons mettre en oeuvre. La gestion de la dette ne doit pas être abandonnée aux banques qui peuvent se refinancer à coût nul auprès de la BCE. Soyons exigeants, audacieux, libérons la belle idée européenne de son carcan néolibéral étouffant. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et sur les bancs socialistes)

Mme Odette Terrade.  - Le dernier Conseil européen, qui devait être consacré à l'environnement et l'énergie, a surtout permis de présenter un plan de compétitivité désastreux. La disqualification totale d'un capitalisme pervers -qu'il fallait disait-on refonder, réguler, moraliser...- n'a pas détourné les dirigeants européens de leur credo ! Ce pacte d'austérité comporte des objectifs communs, notamment pour casser l'indexation des salaires sur l'inflation et développer la flexibilité du travail. Nombre de pays le refusent, et ils ont raison !

Il est aussi question d'aligner vers le haut l'âge de départ à la retraite : seuls les salariés sont appelés à payer les effets d'une crise dont ils ne sont pas responsables.

Enfin, l'inscription dans la Constitution de l'interdiction des déficits priverait les parlements nationaux et les peuples de leur souveraineté. Le pacte s'appliquerait dans les États de la zone euro, les autres États pouvant se joindre à eux... s'ils acceptent l'austérité. Interdire les déficits ? Mais qui, les a creusés à coups d'exonérations sociales, de refus de taxer le capital, de réductions d'impôt pour les plus riches ? Pendant ce temps les populations s'appauvrissent. Écoutez donc Joseph Stiglitz, qui dénonce les politiques d'austérité.

Les politiques de coopération doivent privilégier une vraie solidarité, une relance industrielle, une possibilité d'action réelle de la BCE, la création de grands services publics européens. Le Conseil européen va consulter les 27 États membres sur ces mesures antidémocratiques et antisociales. La proposition de résolution a le mérite d'apporter une réponse claire ! (Applaudissements à gauche)

M. Pierre Bernard-Reymond.  - L'Allemagne a été sollicitée il y a quelques années pour fondre dans l'euro son seul grand moyen de puissance, le mark. Elle exigea alors l'indépendance stricte de la BCE et une priorité à la lutte contre l'inflation, spectre redouté depuis la République de Weimar...

Hélas, ces préoccupations exclusivement monétaires nous ont empêchés de voir les autres dysfonctionnements possibles ; la gouvernance économique a été mise de côté. C'est le péché originel de l'euro. Il n'avait pas été perçu alors que la monnaie unique allait autoriser ou camoufler provisoirement le laxisme budgétaire et les écarts de compétitivité.

Le tsunami financier de 2007, venu des Etats-Unis, a fait apparaître la crise au grand jour, dissimulation en Grèce, bulles irlandaise et espagnole. L'Allemagne et la France elles-mêmes avaient pris des libertés avec le Pacte de stabilité ; elles ont depuis fait preuve de contrition. Où en serions-nous sans le dynamisme de ce couple indispensable ? Prenons garde cependant à deux excès : réduire la Commission au rôle de secrétariat -le temps n'est plus où on craignait son omnipotence- et prendre prétexte du renforcement du Conseil pour rester au niveau intergouvernemental.

Le renforcement du fonds de stabilité, un nouveau pacte de compétitivité -et de convergence !- ainsi que l'inscription dans le marbre du nécessaire respect de l'équilibre budgétaire vont dans le bon sens. Ces orientations doivent encore être précisées : à quel rythme, en particulier, ira-t-on vers la convergence ? On ne fera pas renoncer facilement l'Irlande au dumping fiscal, ni la Belgique à l'indexation des salaires. La France elle-même doit rattraper le rythme de croissance de l'Allemagne.

Ne faut-il pas élargir les missions de la BCE ? Créer un observatoire de la compétitivité plus indépendant ? Comment faire vivre les trois cercles : le noyau franco-allemand, la zone euro et l'Europe des Vingt-sept ?

Europe 2020 échouera, comme la stratégie de Lisbonne, si l'on ne se concentre pas sur des objectifs privilégiés, grâce à des politiques intégrées et non seulement coordonnées. Pourra-t-on se contenter d'un budget européen limité à 1 % du PIB, et des faibles capacités d'emprunt de l'Union européenne ?

Je remercie le groupe RDSE, mais nous n'approuvons pas ses conclusions. Cette crise nous oblige à de vraies réponses, en relativisant les politiques néolibérales. Elle doit être une opportunité pour la construction européenne. (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Bricq.  - Le président Collin appelle à une construction européenne au service de la croissance et de la justice sociale et considère que les politiques actuelles ne vont pas dans ce sens : il a raison. Le programme de stabilité doit nous être soumis, avant et après les négociations à Bruxelles. Cinq cents milliards, dit-on, mais quelle sera la participation du privé ?

La crise continue : voyez la situation au Portugal ou en Grèce. L'institut Bureghel, think tank européen, a lancé un pavé dans la marre en estimant que la Grèce est insolvable...

M. Yvon Collin, auteur de la proposition.  - On s'en doutait.

Mme Nicole Bricq.  - Revenir à l'équilibre à marche forcée réduira la croissance et ne préviendra pas de nouvelles crises financières. La Grèce a besoin de temps, les marchés le lui refusent. Pourquoi ne pas accepter la proposition Juncker de mutualisation de la dette ? L'attentisme est mortifère. Pourquoi ne pas avoir pour objectif une zone de croissance durable ? On évoque à nouveau la « gouvernance économique » -traduire : stabilité budgétaire. On veut même proscrire le déficit dans les textes fondateurs mais aucune « règle d'or » ne tient face aux situations exceptionnelles.

Convergence avec l'Allemagne ? Mais existe-t-il un modèle allemand ? Selon l'économiste Peter Bofinger, le système compétitif tourné vers l'exportation de l'Allemagne n'a fonctionné que parce que les autres ne l'appliquaient pas également !

Réduire les déficits est une ardente obligation mais exige des objectifs de convergence. Mme Merkel a raison de dire que l'euro appartient à un projet politique ; encore faut-il savoir lequel. Le débat doit avoir lieu, pour la démocratie et pour l'Europe ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-François Humbert.  - Cette proposition de résolution me laisse songeur. Au sein de la commission des affaires européennes, je suis les problèmes liés aux dettes souveraines ; gouvernements et opinions attendent beaucoup de l'Europe. L'aide accordée à la Grèce et à l'Irlande leur a permis de consolider leur budget ; le Portugal et l'Espagne, grâce au Fonds européen de stabilité, bénéficient de taux réduits sur les marchés. La révision du fonctionnement du fonds et sa pérennisation vont dans le bon sens.

Naît enfin une réflexion sur la gouvernance de la zone euro, alors que jusqu'ici, disait Jacques Delors, l'Union économique et monétaire ne marchait que sur une jambe.

Les excès de souverainisme économique seront mieux régulés : dumping irlandais, laxisme budgétaire portugais, investissements immobiliers inconsidérés en Espagne.

Nous ne pouvons donc voter cette résolution, où je décèle une crispation souverainiste dénonçant de façon quasi-pavlovienne toute initiative européenne, fût-elle intergouvernementale ou soutenue par le couple franco-allemand.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur.  - Mme Lagarde est retenue par la réunion des ministres des finances du G20.

Ce débat soulève des questions essentielles. Les finances publiques de la zone euro sont moins dégradées qu'ailleurs, mais l'Europe fait face à la défiance des marchés. Certains États traversent une crise de liquidités.

Mme Nicole Bricq.  - Les marchés ne croient pas à votre politique !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État.  - Il faut donc affirmer notre solidarité et notre attachement à la consolidation budgétaire. M. Sarkozy l'a dit à Davos : jamais nous ne laisserons tomber l'euro.

La crise, importée des États-Unis, s'impose à nous. En 1929, les réponses gouvernementales étaient éparpillées ; cette fois, les Européens ont agi ensemble. La France a aussi appelé de ses voeux une coordination mondiale dans le cadre du G20, qui comprend les pays émergents. Le texte de la proposition de résolution me paraît donc excessif.

L'exigence démocratique n'est pas en cause. Le traité de Lisbonne a renforcé le rôle du Parlement européen, la participation directe des citoyens et l'implication des parlements nationaux.

Mme Nicole Bricq.  - Les textes sont transposés par ordonnance...

Les orientations économiques sont soumises en amont puis en aval aux parlements. Les plans d'assistance à la Grèce et la création du Fonds de stabilité financière ont été discutés ici même. Vous avez voté !

Mme Nicole Bricq.  - C'est pourquoi nous sommes vigilants !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État.  - Nulle « pensée unique imposée par des conclaves », vous le savez bien...

Vous avez évoqué le mécanisme permanent de résolution des crises ; il est absolument nécessaire. Jusque-là, les traités interdisaient à un État membre d'en secourir un autre et il a fallu inventer un mécanisme de solidarité. Un fonds de solidarité a été mis en place pour trois ans, puisque juridiquement il était impossible d'en instaurer un permanent.

La BCE a joué un rôle positif, en toute indépendance, en injectant des liquidités dans l'économie. Pour sauver notre monnaie, un mécanisme de solidarité financière se substituera aux dispositifs existants. Le secteur privé participera au cas par cas.

Nous voulons nous aussi mieux réguler les institutions responsables de la crise. Les autorités européennes de surveillance financière et l'Observatoire des risques systémiques joueront un rôle nouveau. Les banques devront renforcer leurs fonds propres -mais nous ne devons pas imposer seuls des règles drastiques, au détriment de votre compétitivité !

Mme Nicole Bricq.  - L'Allemagne fait mieux que nous !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État.  - Nous ferons en sorte que l'environnement économique et financier soit plus transparent : gestion des banques, des agences de notation, etc.

Le concept de gouvernement économique européen s'est imposé. Six textes sont à l'étude : la convergence est la condition de la croissance.

A l'origine de la spéculation, il y a des politiques nationales contestables en matière de déficit, voire la dissimulation des déficits. Il faut une gestion commune.

Mme Nicole Bricq.  - Mais c'est le rythme qui n'est pas adapté !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État.  - La croissance passe par la maîtrise des déficits et une meilleure compétitivité. La diabolisation du modèle allemand...

Mme Nicole Bricq.  - Il n'est pas durable !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État.  - ... et de l' « ultralibéralisme » vous conduirait à privilégier la planche à billets -la « dette perpétuelle », disait M. Chevènement. La France n'a pas vocation à rester un territoire d'expansion des puissances émergentes ni à devenir une terre de vacances pour cadres chinois fatigués, selon la prédiction de Michel Houellebecq. Notre voie est raisonnable. La France et l'Allemagne partagent la même monnaie : elles doivent faire converger leurs modèles économiques et sociaux.

Interdire les déficits serait une régression s'exclame M. Chevènement. Les déficits seraient donc un progrès ? La Commission travaille à une directive pour une assiette commune de l'impôt sur les sociétés.

M. Yvon Collin, auteur de la proposition.  - Très bien !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État.  - Quant à la gestion des changes, il est dans notre intérêt d'avoir une devise stable. Il faut aussi mieux coordonner la politique macroéconomique.

Le Gouvernement propose donc de rejeter cette proposition de résolution, mais se réjouit de ce débat.

À la demande des groupes RDSE et UMP, la proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 315
Majorité absolue des suffrages exprimés 158
Pour l'adoption 132
Contre 183

Le Sénat n'a pas adopté.