Loi de finances rectificative pour 2011 (CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011.

Discussion générale

Mme Nicole Bricq, rapporteure pour le Sénat de la CMP.  - Dans cette CMP, il n'était pas question de céder quoi que ce soit. Nous tenions à notre analyse, comme à nos amendements. Finalement, les députés se sont ralliés à la position du groupe socialiste du Sénat, qui a ainsi marqué son territoire. Nous pouvons tous nous en réjouir !

Par ce texte, nous avons adopté la double garantie de l'État à Dexia, validé les amendements du groupe CRC relatifs à la consultation du Comité des finances locales (CFL) et de M. Vincent sur le recensement des encours de prêts structurés. Surtout, notre proposition de contrôle accru de distribution des dividendes a été retenue. Nos concitoyens, je le rappelle, sont extrêmement choqués que des banques, aidées par l'État, préfèrent rémunérer leurs actionnaires plutôt que distribuer du crédit. En revanche, nous avons autorisé le versement de dividendes sur titre car cela favorise le renforcement des fonds propres.

Monsieur le ministre, quelles seront les modalités ?

D'après un article paru dans la presse ce matin, l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) a réalisé des enquêtes très poussées chez Dexia, dès 2008. Elle a lancé des alertes en 2010. Pourquoi n'en n'avons-nous pas été informés ? Cela est plus que troublant...

Nous devions agir vite et trouver une sortie par le haut pour Dexia. La commission a pris ses responsabilités. Pour citer M. Marini, notre président, le Parlement ne doit pas être une « serpillère législative »...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Une citation déjà ancienne !

Mme Nicole Bricq, rapporteure pour le Sénat de la CMP.  - Veillez à son information ! En attendant, je vous invite à adopter les conclusions de la CMP. (Applaudissements à gauche)

M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.  - Merci d'avoir accepté ce calendrier très contraint justifié par la situation dramatique de Dexia.

Madame Bricq, l'ensemble des documents relatifs aux contrôles de l'Autorité de contrôle prudentiel vous sera transmis, pourvu que vous en fassiez la demande, selon les règles. J'en prends l'engagement. Ces documents sont couverts par le secret professionnel...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Hélas, c'est un peu tard !

M. François Baroin, ministre.  - L'État devait apporter sa garantie pour rassurer les marchés. Je félicite le Sénat d'avoir pris ses responsabilités. Avec la Belgique et le Luxembourg, nous nous donnons ainsi les moyens d'une intervention rapide.

Ce texte, je le rappelle, limite le versement des dividendes et des bonus. Le Gouvernement, qui a toujours défendu l'obtention de contreparties de la part des banques, soutient volontiers cet amendement, bien que cela ne soit pas l'objet du texte.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Très bien !

M. François Baroin, ministre.  - Le Gouvernement approuve le texte issu des travaux de la CMP.

J'en reviens à l'ACP. Je ne porte pas de jugement sur la déontologie des acteurs. Le rapport porte sur les comptes de Dexia au 30 juin 2009. La date a son importance.

Depuis, des mesures ont été prises pour corriger les incertitudes. La procédure de surveillance spéciale n'a jamais été formellement mise en oeuvre. Les dysfonctionnements dénoncés par l'ACP ne sont pas une nouveauté ; ils avaient justifié le plan de restructuration de 2008. Cela n'a pas suffi... Enfin, il faut rappeler les efforts de l'équipe dirigeante de Dexia. Ainsi, les besoins de liquidités sont passés de 260 à 100 milliards. Mais là encore, le temps a manqué. Au vrai, ce rapport montre que l'ACP a bien joué son rôle -nouveau- de superviseur pour la partie française.

Nous avons trouvé une solution stable (Mme Nicole Bricq, rapporteure pour le Sénat de la CMP, en doute) pour Dexia et les collectivités, dans un esprit de responsabilité que je salue ! (Applaudissements à droite)

M. Éric Bocquet.  - De manière surprenante, après le changement de majorité au Sénat, la CMP est parvenue à un texte commun. Permettez à notre groupe de ne pas apporter sa pierre à l'édifice du consensus. Puisse le président de la commission ne pas y voir le signe de premières fractures au sein de la nouvelle majorité sénatoriale !

Pour nous, l'objet ne peut être de rassurer les marchés quand la France est entrée, depuis octobre, en récession économique, résultat de vos choix d'austérité...

Autre raison de notre opposition : ce texte ne marque aucune inflexion par rapport à la politique poursuivie par le Gouvernement jusque-là en loi de finances initiale et dans les deux précédents collectifs. Certes, le temps a manqué. Mais, au lieu des 600 millions prévus dans la mission « Provisions », n'aurait-il pas fallu ventiler ces crédits pour, entre autres, lutter contre le mal-logement et aider l'Éducation nationale ? Je regrette que la CMP n'ait pas retenu l'amendement que nous avions voté en commission. Tout se passe comme si on n'avait pas tiré de leçons du passé : la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et La Poste se lancent dans le prêt aux collectivités par défaut. Quant aux prêts toxiques, ils feront l'objet d'un rapport qui sera rendu en février et se contentera sans doute de reprendre les préconisations du Palais Bourbon. M. Philippe Richert prône la médiation et le règlement au cas par cas. Or, le comité de médiation que nous proposions a été refusé. Nous confirmons notre vote de première lecture et voterons contre le texte de la CMP ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Yvon Collin.  - Une nouvelle fois, nous sommes amenés à voter un collectif pour éviter le pire : la faillite d'une banque. Sur le papier, le plan paraît séduisant : l'État apporte une double garantie alors qu'il existait un risque systémique ; nous devions agir pour sécuriser les prêts aux collectivités.

En première lecture, le groupe RDSE avait conditionné son soutien à un encadrement des bonus et dividendes. Je félicite Mme la rapporteure générale de son soutien. Nous gagnerions à être plus offensifs, par exemple concernant la taxe sur les transactions financières dont on me disait il y a peu qu'elle était irréaliste. Elle est aujourd'hui défendue, au plus haut niveau de l'État, auprès de la Commission européenne.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. Yvon Collin.  - Les temps changent...

J'en reviens au texte. L'amendement de la commission sur les bonus et les dividendes est important car il réintroduit de la morale, un geste plus que symbolique : il moralise un système qui en manque.

Si je soutiens ce texte, je rappelle que les garanties et les contre-garanties de l'État ne seront pas indolores, et auront un impact sur la dette. Nous avons besoin de réformes structurelles.

En attendant, prenons nos responsabilités ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE)

M. Jean Arthuis.  - Les membres de l'UCR saluent les conclusions positives de la CMP sur ce troisième collectif. En ces temps de crise de liquidités, c'est la liquidation de Dexia. Monsieur le ministre, confirmez-vous la mise en extinction de Dexia Crédit local (CL), l'arrêt de toute activité commerciale ? Dexia, après avoir connu l'exaltante dérégulation des années 80, s'était lancée dans des aventures douteuses outre-Atlantique. Nous devons tirer les leçons de cette expérience.

Madame la rapporteure générale, je vous félicite d'avoir repris les dispositions sur l'encadrement des bonus et dividendes du 1er avril 2009 que le Gouvernement avait borné à la date du 31 décembre 2010. Nous approuvons sans réserve l'amendement de la commission.

Mais l'important, c'est l'avenir et le prêt aux collectivités. L'épargne du Livret A doit être affectée à l'intérêt général. La prudence voudrait que l'on recrée le Crédit local de France pour mettre les collectivités à l'abri de toute malice, de toute toxicité.

Peut-être certains élus piégés auraient-ils dû s'interroger sur les charmes des plaisirs trop immédiats des taux bas offerts par Dexia... En ce domaine comme dans d'autres, le Père Noël n'existe pas.

Il va sans dire que le groupe UCR confirme son vote de première lecture en approuvant les conclusions de la CMP ! (Applaudissements au centre)

M. François Marc.  - Le dossier Dexia nous replonge dans les affres de la crise bancaire. Nous devons approuver ce plan en urgence, comme nous l'avons fait le 7 septembre dernier pour éviter une dégradation de la note de la France.

Premier enseignement de ce texte : en matière bancaire, rien n'est jamais acquis. Le risque d'un double « dip » -plongeon- que nous évoquions à Bruxelles lors d'une visite au printemps était réel, contrairement à ce qu'on nous affirmait. Le système bancaire est fragile.

Deuxième enseignement : l'insécurité, avec les prêts toxiques et, aujourd'hui, la spéculation incontrôlable sur les titres souverains. D'après M. Jouyet, président de l'AMF, 75 % des transactions financières échappent à toute régulation. Nous attendons du G20 des efforts considérables pour renforcer les contrôles.

Enfin, il est anormal que seuls les contribuables soient mobilisés pour sauver les banques. Il faut taxer la spéculation...

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. François Marc.  - Avançons sur le dossier de la taxe Tobin.

J'en viens au sauvetage de Dexia. Nous avons besoin de sécurité pour nos collectivités ; cette garantie est une bouffée d'oxygène indispensable. Ensuite, le vote en première lecture est remarquable car il encadre, dans la ligne des travaux entamés par M. Arthuis, les rémunérations et dividendes des banquiers et opérateurs de marché.

En 2010, la valeur des actifs bancaires a baissé de 12 à 15 % en Europe tandis que les rémunérations des banquiers ont progressé de 13 %, et de 44 % en France !

M. Roland Courteau.  - Stupéfiant !

M. François Marc.  - Cet écart est incompréhensible pour les Français. Je me réjouis donc de l'adoption de ce dispositif de moralisation, qui est un premier pas ! (Applaudissements sur les bancs socialiste et RDSE)

M. Maurice Vincent.  - Monsieur le ministre, je vous avais demandé l'estimation des prêts toxiques dans la banque résiduelle. Vous n'avez pas su, ou pas pu, me répondre. Bien des incertitudes demeurent...

Il faut en finir avec la spéculation à tout va, sans quoi nous connaîtrons d'autres affaires Dexia. Jusqu'en 2008, ce groupe a commis la grande faute de diffuser des actifs toxiques dans l'économique publique -collectivités locales et hôpitaux. Résultat : il faut non seulement sauver la banque mais aussi décontaminer le secteur public. C'est notre intérêt à tous. Il fallait sauver ce qui pouvait l'être de Dexia : nous l'avons fait. Dans une économie de marché, rien de pire que l'incertitude. À terme, les rumeurs auront raison de notre triple A. L'idée n'est pas que l'État paie tout mais qu'il orchestre une réponse robuste et globale. D'où l'importance d'un bilan des actifs toxiques -je remercie la commission et le Gouvernement d'avoir accepté mon amendement. Je propose également la création d'une structure de défaisance, financée non par les contribuables mais par une taxe sur les banques.

Bref, nous ne sommes pas totalement venus à bout de ce dossier ! (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Nos commissions sont désormais doublement paritaires, avec la nouvelle configuration sénatoriale. Le texte de la CMP a été voté à l'unanimité : chacun a fait un pas vers l'autre et nous avons conclu dans l'intérêt général. C'est, je l'espère, de bon augure...

Monsieur le ministre, pour conclure, je veux vous adresser mes voeux pour cette importante journée de demain. Puisse l'esprit d'innovation souffler ! Nous devons nous éloigner des sentiers bien balisés pour parvenir à une solution durable, non à un énième compromis transitoire et coûteux. C'est sur cette conclusion que nous nous quittons avant de nouveaux rendez-vous. Car, en ces temps de crise, les commissions des finances sont devenues un passage obligé. Nous aborderons bientôt la période budgétaire ; j'espère que celle-ci sera éclairée par l'accord trouvé demain.

Mme Nicole Bricq, rapporteure pour le Sénat de la CMP.  - Très bien !

La discussion générale est close.

Vote sur l'ensemble

M. Dominique de Legge.  - Nous adopterons, dans quelques instants, un troisième collectif pour sauver Dexia, dont nous savons l'importance pour nos collectivités.

Le groupe UMP soutient ce texte, et le déblocage de 3 milliards avant la fin de l'année pour les collectivités. Autant de signes que le Gouvernement ne laisse pas tomber les collectivités territoriales. Nous vous en félicitons.

Je salue le président Marini et remercie Mme Bricq pour son écoute. L'interdiction de versement des bonus et stock-options ou de dividendes par les banques aidées, sous certaines conditions, est opérante.

Le groupe UMP votera ce collectif tel qu'il ressort des travaux de la CMP. (Applaudissements à droite)

Le projet de loi de finances rectificative est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 344
Majorité absolue des suffrages exprimés 173
Pour l'adoption 323
Contre 21

Le Sénat a adopté.