Débat sur les relations Nord-Sud

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle un débat sur le développement dans les relations Nord-Sud.

Mme Kalliopi Ango Ela, pour le groupe écologiste .  - Le groupe écologiste a souhaité l'inscription de ce débat à notre ordre du jour, car il est d'actualité avec les assises du développement Nord-Sud, pilotées par M. le ministre. J'y participe et voulais associer à cette réflexion tous les parlementaires qui ne l'ont pas été, en dépit de leur expertise. Il est aussi d'actualité du fait de la reprise de l'aide pour le Sahel et de la question de la paix au Mali.

Au-delà de cette actualité, les écologistes sont très attachés au développement et aux relations Nord-Sud. Je porte un nom du sud Cameroun, où je réside depuis 1987 et où j'ai dirigé durant une quinzaine d'années le centre de recherches géopolitiques en Afrique centrale. Comme chercheuse, et comme sénatrice représentant les Français établis hors de France, ma vision n'est donc pas franco-centrée.

Le terme même d'aide au développement renvoie à la domination et à la dépendance. Changeons de vocabulaire, plutôt que de « population locale », parlons de « nationaux de tel État ». Pourquoi parler « d'aide » au développement quand il s'agit en réalité de prêts, avec un retour sur investissement attendu ? Je préfèrerais que votre ministère soit celui du « développement pour tous » ou du « développement mutuel ». Le plan bolivien du président Morales consiste à assurer à chacun le « bien vivre entre nous » ; c'est une autre manière d'organiser la société loin du libéralisme ou de notre vision occidentale de la « qualité de vie ». Il s'agit de vivre protégés par la société, en harmonie avec la nature, dans le bien-être. Parlons non d'aide mais d'entraide ou d'aide mutuelle.

Le rapport de MM. Peyronnet et Cambon sur la mission Aide publique au développement du budget 2013 soulignait que les intérêts du Nord et du Sud peuvent être communs, que la politique de coopération vise un développement plus harmonieux de la planète, plus durable et moins inégalitaire. Or ni le budget, ni le document cadre de coopération ne mentionnent les intérêts français. Notre aide doit être plus claire dans ses objectifs affichés, notamment reconnaître celui d'influence.

L'évaluation de la politique de développement entre 1998 et 2010 par Ernst and Young préconise davantage de lisibilité. Que la France assume qu'elle retire des bénéfices de l'aide bilatérale ! Mme Bricq identifie quatre familles dans l'offre commerciale de la France ; elles pourraient être abordées dans les relations avec le Sud. Le budget consacré au développement pourrait ainsi être recentré sur sa vocation première.

La relation doit être équitable et égalitaire. Je salue l'organisation des assises du développement et de la solidarité internationale. Je suis ravie d'y participer. Mais il faut y entendre les voix du Sud, de ses États, ses ONG, ses collectivités territoriales. Après le développement pour qui, posons la question du développement avec qui. Je regrette que les États et collectivités territoriales du Sud n'aient pas été davantage représentés. Cela aurait permis de dresser un état des lieux des coopérations entre collectivités territoriales du Nord et du Sud. Le dialogue doit être équilibré et équitable. Comme l'a écrit magistralement le grand historien burkinabé Joseph Ki-Zerbo : « L'Europe croit dialoguer avec l'Afrique ; en réalité elle ne reçoit que l'écho tropicalisé de sa propre voix ».

Il convient de faire valoir le droit à la mobilité, la reconnaissance du rôle des migrants comme acteurs du développement. La plate-forme Eunomad y insiste. Le président de la République a marqué sa volonté de reconnaître le rôle des migrants dans le développement. Ne pourrait-on engager un travail sur une migration réfléchie, loin du concept d'immigration choisie, intégrant les problématiques de mobilité ? Je connais votre attachement au droit à la mobilité, monsieur le ministre ; j'espère que le Gouvernement saura faire entendre sa voix au niveau international.

L'entraide complexe entre acteurs doit associer ONG, États, collectivités territoriales. Il faut coordonner les différents acteurs, sans banaliser la relation Nord-Sud, au risque que les États du Sud se désengagent.

Le temps des bailleurs n'est pas celui des ONG. Le temps politique se rétrécit. Il existe un « temps mondial » : un projet de développement se déroule sur trois ans, les résultats ne seront pas visibles avant cinq ou six ans. Il y a une incohérence entre urgence et développement. L'Institut de recherches pour le développement a mené une mission contre les moustiques vecteurs de maladie ; son action ne s'est toutefois pas poursuivie sur le terrain. Les chercheurs du Sud ont eu le sentiment que ceux du Nord n'étaient là que pour tester des produits, obtenir des brevets et repartir, plus que pour faire du développement.

Je salue votre travail dans le contexte de l'intervention française au Mali, monsieur le ministre. Pour assurer la paix à ce pays, il faudra modifier nos structures mentales, notre vocabulaire. Cela suppose une sortie de crise économique. Les Français du Mali sont solidaires avec leur pays d'accueil. La section Mali de « Français du monde-adfe » l'a rappelé dans une lettre adressée au président de la République le 25 janvier 2013, appelant à une réelle coopération Nord-Sud. « La diaspora française que nous sommes reste solidaire avec le Mali qui nous a accueillis et intégrés dans une communauté riche de lien social ». Les Français du Mali, comme les Maliens de France, sont des acteurs majeurs pour préparer la paix et l'après-paix. Comptez sur le soutien à votre action du groupe écologiste, monsieur le ministre. (Applaudissements)

Mme Corinne Bouchoux .  - Merci à tous ceux qui sont présents dans l'hémicycle : le nombre de sénateurs présents est inversement proportionnel à l'importance du sujet. La faute sans doute au cumul des mandats... (Protestations à droite)

M. Henri de Raincourt.  - Je cumule, je suis là !

M. Christian Cambon.  - Moi aussi !

Mme Corinne Bouchoux.  - Les lycéens sont cinq fois plus nombreux dans les tribunes...

L'égal accès des femmes et des hommes au développement est une priorité : la place des femmes doit être prise en compte partout, dans toutes les formes d'aide au développement. Or l'approche en termes de genre est souvent mal comprise, ici comme là-bas.

Il faut analyser les relations hommes-femmes, la domination masculine. Les femmes doivent être co-actrices du développement ; ce doit être considéré comme une richesse, pas comme un gadget. Que sait-on au sein du ministère des affaires étrangères de ces questions de genre ? Qu'en sait l'Alliance française, qu'en savent les ONG, l'Agence pour l'aide publique au développement ? On a l'impression que les moyens ne sont pas au rendez-vous. Le suivi analytique du genre dans l'aide française est insuffisant. À la veille du 8 mars, pourrez-vous nous rappeler vos priorités, monsieur le ministre ? Comment mieux mesurer la part du genre ? Comment concilier la promotion de nos idéaux égalitaires quand nos histoires et nos normes sont très différentes ? Dans certains pays, les femmes ne peuvent se vêtir librement, il leur est interdit de porter des pantalons, pour ne prendre que cet exemple. Comment faire pour influer sans verser dans le paternalisme ? Comment intégrer la lutte contre l'homophobie et la lesbophobie dans l'aide au développement, sans avoir l'air de donner des leçons ? (Applaudissements à gauche)

Je remercie en tout cas les sénateurs présents.

M. Henri de Raincourt .  - Et moi je remercie le groupe écologiste d'avoir demandé l'inscription de ce débat à l'ordre du jour. Le sujet est d'importance.

M. Robert del Picchia.  - Et le débat de qualité !

M. Henri de Raincourt.  - En pleine crise, parler du développement peut paraître décalé : pourquoi s'occuper des difficultés des autres quand nous en avons tellement nous-mêmes ? L'aide au développement doit d'abord prouver sa légitimité ; il faut démontrer son efficacité. C'est un travail de longue haleine, difficile, souvent ingrat. L'Aide publique au développement est l'une des rares politiques publiques à n'être pas soumise aux pressions de tel ou tel groupe. La tentation est forte d'en faire une variable d'ajustement budgétaire. Ces coups de rabot ne jetteraient pas les foules dans la rue.

M. Yvon Collin.  - C'est sûr !

M. Henri de Raincourt.  - L'Aide publique au développement serait-elle la seule voie pour sortir du sous-développement ? Des pays comme la Corée du sud, la Thaïlande ou la Malaisie ont changé de statut en quelques décennies, en accédant au rang des pays les plus créateurs de richesses. Ce, sans avoir bénéficié d'Aide publique au développement.

Le monde change. Face à une Europe vieillissante, l'Afrique comptera 2 milliards d'habitants d'ici 2050. L'enjeu est sécuritaire, économique, écologique ; cette nouvelle donne peut aussi être une chance.

M. Yvon Collin.  - C'est vrai.

M. Henri de Raincourt.  - L'Afrique peut relever ses défis, si les bailleurs internationaux l'accompagnent. Poumon vert de la planète, l'Afrique s'urbanise, une classe moyenne émerge, les entreprises privées créent des emplois. Nous ne sommes pas dans la compassion, nous nous inscrivons dans une démarche de réciprocité ; le développement n'est pas une voie à sens unique, mais une politique de partenariat.

Nous devons maintenir le niveau de l'aide publique mondiale à 120 millions d'euros. Par solidarité et parce que c'est notre intérêt mutuel bien compris. Le rendez-vous de 2015 sera l'occasion pour chaque pays de voir comment les engagements auront été tenus. Que les pays bénéficiaires de l'aide fassent leur part du chemin. Il ne s'agit pas d'imposer un modèle, mais de bâtir un avenir commun sur la base des objectifs du millénaire pour le développement. Le réchauffement climatique, les pandémies ne connaissent pas de frontières. Bonne gouvernance, lutte contre la corruption, égalité des sexes sont des exigences impératives. Que chacun prenne sa part de responsabilité. L'Aide publique au développement ne peut être envisagée sous le seul prisme de l'injection de capitaux du Nord vers le Sud.

Les pays émergents disposent de leviers de croissance considérables qui doivent servir une aide Sud-Sud.

MM. Yvon Collin et Aymeri de Montesquiou.  - C'est vrai.

M. Henri de Raincourt.  - L'Europe plaide en ce sens dans le cadre du G20.

Je suis sensible à la question des pandémies. La France, deuxième contributeur au Fonds mondial contre le sida, y consacre 360 millions d'euros par an. En quelques années, ce fléau a reculé. Ne relâchons pas nos efforts.

La lutte contre la corruption est une autre dimension majeure des évolutions que nous devons accompagner, tout comme l'exigence d'oeuvrer à l'égalité des sexes. Il y a, dans ces valeurs auxquelles nous adhérons, un puissant vecteur de développement et de modernité.

Ayant été votre prédécesseur, monsieur le ministre, je sais que les contraintes budgétaires pèsent lourdement sur l'action du Gouvernement et qu'il est difficile de sanctuariser le budget de l'aide publique au développement. La partie « dons » de notre aide reste concentrée sur les pays les moins avancés ; consacrons les moyens adéquats à notre aide bilatérale. Nos moyens financiers ne suffiront pas pour répondre à toutes les demandes : il faut trouver des ressources additionnelles.

M. Christian Cambon.  - Très bien !

M. Henri de Raincourt.  - La taxation des transactions financières, actée il y a un an, est un progrès. Il est essentiel d'en consacrer 10 % au moins au développement.

M. Yvon Collin.  - Il faut davantage.

M. Henri de Raincourt.  - J'espère que cette taxe sera mise en place le plus tôt possible.

L'aide au développement concerne aussi la société civile. Des ONG, du Nord et du Sud, sont impliquées dans le microcrédit. La coopération décentralisée est une forme d'aide exemplaire. Merci, monsieur le ministre, d'en faire une priorité.

L'Union européenne est le premier bailleur du monde et une grande partie de notre aide transite par elle ; nous contribuons au Fonds européen pour le développement à hauteur de 800 millions d'euros par an. Dans le cadre des nouvelles perspectives qui viennent d'être négociées, notre contribution à cet instrument sera stabilisée. Ainsi, nous aurons un onzième Fonds à 26,9 milliards en prix constants dans le cadre financier 2014-2020. Le confirmez-vous ? La mesure de l'efficacité de l'aide est un instrument précieux, qu'il faut sans doute améliorer.

Je veux conclure...

Mme la présidente.  - Je vous laisse le temps de le faire.

M. Yvon Collin.  - Le sujet est d'importance !

M. Henri de Raincourt.  - ... en évoquant l'intervention française au Mali : elle est salutaire et l'UMP l'a approuvée, mais le temps des armes n'est qu'une étape et je me félicite que la France et l'Union européenne aient repris leur aide au développement, envers le Mali et ses voisins.

L'aide au développement doit demeurer une haute priorité de tout agenda politique, en dépit d'une société poussée à se replier sur elle-même. Sur ce terrain se joue une grande partie de la sécurité internationale. Inhérente à la vocation humaniste de la France, la solidarité doit rester une priorité de notre politique étrangère. Il y va de la paix et de la stabilité du monde. (Applaudissements sur les bancs UMP et écologistes)

M. Jean-Claude Peyronnet .  - Sur ce sujet consensuel, je centrerai mon propos sur l'Afrique. À Bamako, le président de la République a eu ces mots : « Lorsque la France était menacée pour son unité territoriale, qui est venu alors ? C'est l'Afrique ! C'est le Mali. Nous payons aujourd'hui notre dette à votre égard ».

Voilà qui rompt avec 50 années d'errements postcoloniaux et jette les bases d'une nouvelle relation. Le Sud, que l'on appelait naguère le « tiers-monde » s'est diversifié : une classe moyenne dynamique est apparue. La croissance africaine, de 6 à 7 %, est dépassée par la croissance démographique. Elle doit attirer les investissements français. Certes, des groupes français assurent la présence française en Afrique, mais nos investissements sont surtout allés vers l'Asie, laissant la place à d'autres.

La France doit réinvestir le terrain économique africain. Ce n'est pas de l'aide publique au développement au sens humanitaire, c'est le meilleur moyen de favoriser l'émergence de l'Afrique, pourvu que l'on veille au respect des règles en matière de travail.

M. Yvon Collin.  - Absolument.

M. Jean-Claude Peyronnet.  - Le développement économique s'accompagne de ruptures sociales et territoriales ; il faut corriger les effets dévastateurs d'une croissance à marche forcée, pour l'aide au développement. Les défis sont nombreux : écologiques, sanitaires, sécuritaires, avec le risque de constitution d'États terroristes. Les inégalités explosent, marginalisant une part importante de la population. Cette polarisation est source de conflits. La France doit être fer de lance de la lutte contre ce sous-développement entraîné par une libéralisation centrée sur le moins-disant social.

La colère des foules soulevées sur la rive sud de la Méditerranée fait écho à la révolte des Touaregs du Mali comme aux révoltes des indignés de Madrid ou d'Athènes. Confusément, chacun exprime son rejet de la soumission de la société aux intérêts financiers.

Le combat du Sud est le nôtre. On ne peut accepter que des foules de migrants se noient au large de Lampedusa. La coopération française doit promouvoir la convergence économique des pays les moins avancés, protéger les biens publics mondiaux que sont la santé, le climat, la biodiversité, participer à la gestion des crises, car le sous-développement est le terreau de l'extrémisme.

Nous partageons avec le Sud les mêmes défis, pas la même vision du monde ni les mêmes intérêts. La mondialisation est aussi une affaire de rapports de forces.

Le rayonnement d'une nation tient aux liens qu'elle tisse avec les autres, au respect qu'elle inspire, à sa capacité à mobiliser sa force mais aussi à défendre la solidarité et la justice. Nous partageons avec les pays du sud de la Méditerranée et du sud du Sahara une histoire commune. La population de l'Afrique doublera d'ici 2050 : le développement de l'emploi en Afrique sera un enjeu majeur pour l'avenir de l'Europe.

L'ambition de la France a faibli en dix ans. Dix milliards d'euros d'aide au développement ? Le chiffre est généreux, mais largement faussé ; nos moyens d'intervention ont baissé dans les zones dites prioritaires. Notre coopération s'est écartée de son coeur de métier qu'est l'Afrique subsaharienne, l'éducation, la santé, les services publics. Je me félicite des partenariats tissés avec d'autres pays, avec l'Afrique anglophone ; il était important de sortir du « champ » de nos ex-colonies.

Dans le contexte actuel, il serait nécessaire de redresser la barre budgétaire. Certes, un quart de notre aide passe par des instruments communautaires mais il est bien difficile de convaincre nos partenaires. Nous sommes très préoccupés par l'avenir dessiné pour le FED dans les perspectives financières 2014-2020 ; quelle la position de la France, monsieur le ministre ? Ne pourrait-elle s'appuyer sur la position critique du Parlement européen ?

L'engagement du président de la République de mettre en oeuvre la taxe sur les transactions financières a été tenu, même si nous souhaitions davantage. L'aide bilatérale est exsangue, nos contributions bilatérales méritent d'être réévaluées. L'évaluation de la performance des différents instruments est centrale, nous la demandons depuis longtemps. Le budget de la coopération doit être suffisamment souple pour être redéployé dans le temps sur la base d'une telle évaluation.

Le président de la République s'était engagé à tenir des assises de la solidarité internationale ; elles ont réuni l'ensemble des acteurs de la coopération. Un certain consensus s'est dégagé. Le président de la République s'est aussi engagé à doubler en cinq ans la part de l'aide bilatérale transitant par les ONG ; c'est fait.

Soutenons les acteurs innovants de la société civile dans les pays ou les secteurs où les bailleurs publics rencontrent des difficultés. Les collectivités territoriales sont actives sur ce terrain. Les errements récents de notre diplomatie au Maghreb avant les printemps arabes montrent que nous avions perdu le fil du dialogue avec les sociétés civiles et les collectivités de ces pays. Les ONG, les collectivités territoriales ont ici un rôle essentiel à jouer ; il faut les aider à poursuivre leur action - j'ai fait des propositions en ce sens qu'a reprises M. Laignel dans son rapport. Oui, monsieur le ministre, le temps de l'action est venu.

Notre politique de coopération doit aussi disposer d'un cadre juridique clair et d'instruments modernisés. Le président de la République a annoncé un projet de loi d'orientation et de programmation que nous attendons avec impatience et espoir, spécialement à la commission des affaires étrangères. Il faut que cette politique soit débattue au Parlement, qu'il y ait un travail d'explication, de transparence sur la stratégie et les moyens. La loi devra être accompagnée d'indicateurs. C'est une étape nécessaire dans la construction d'une politique de coopération adulte, émancipée, rénovée, condition essentielle d'une mondialisation maîtrisée. (Applaudissements)

Mme Michelle Demessine .  - Ce débat ne peut s'abstraire de l'actualité. L'intervention au Mali nous conduit à réfléchir à son contexte, aux motivations qui l'ont inspirée, aux moyens à mettre en oeuvre pour aider ce pays et la région à se stabiliser - condition de son développement. Le débat de politique étrangère avant-hier a mis en évidence la pertinence d'une approche globale de ce type de crise, traitant les causes et non pas seulement les conséquences.

Monsieur le ministre, vous avez pris l'initiative d'une large consultation à travers les assises du développement et de la solidarité internationale. Le changement de cap promis à l'issue des élections présidentielles est encore peu perceptible ; il tarde à venir dans ce domaine aussi. Les orientations de rupture sont à peine au rendez-vous et votre premier budget a déçu. L'objectif fondamental de consacrer 0,7 % du RNB à l'APD est loin d'être atteint - nous n'en sommes qu'à 0,46 %. La baisse de l'APD stricto sensu est encore accentuée par la pratique du Gouvernement précédent d'y inclure les annulations massives de dettes... Nous souhaitons que pour votre prochain budget, vous ayez la volonté - dont nous ne doutons pas - et la possibilité - nous en doutons un peu - de ne pas recourir à ces artifices.

La part minime de la taxe sur les transactions financières affectée à la solidarité internationale ne tient pas compte des promesses de campagne, mais soyons optimistes et espérons que vos efforts au niveau européen aboutiront.

Saluons aussi votre volonté de refonder notre politique d'aide au développement. Le contexte et les enjeux ont changé en dix ans, l'aide au développement a changé de nature. La politique de votre prédécesseur manquait de clarté, de cohérence, de pilotage et de stratégie. Vous accordez la priorité à l'Afrique subsaharienne, c'est impératif. Les actes concrets doivent suivre, pour un nouveau partenariat débarrassé d'arrière-pensées de l'accès aux richesses pétrolières et minières de l'Afrique.

L'AFD, établissement public qui fonctionne comme une banque, entretient savamment le flou entre les prêts et les dons aux États. Il est grand temps qu'elle cesse d'échapper au Quai d'Orsay, que la question de l'autorité des ambassadeurs sur ses responsables locaux soit tranchée, qu'une vision globale des financements soit à l'oeuvre ; il est temps de se donner les moyens de différencier l'APD de l'intervention économique privée.

Nous apprécions l'annonce d'une renégociation des accords de partenariat économique imposés par l'Union européenne aux pays africains, comme la volonté du Gouvernement de ne plus pratiquer l'amalgame entre dispositifs de financement et flux migratoires. Il faut une volonté politique, pour se débarrasser de l'exigence économique de rentabilité à court terme. La France peut donner l'exemple, agir en ce sens au sein des instances internationales. Le Parlement européen nous montre la voie dans ce domaine.

Monsieur le ministre, nous attendons beaucoup des conclusions des assises. Tout n'est pas affaire de crédit, mais nous craignons que vous ne disposiez pas des moyens suffisants pour refonder notre politique d'aide au développement. J'espère que vous nous rassurerez. (Applaudissements à gauche)

M. Aymeri de Montesquiou .  - Monsieur le ministre, vous avez dit à Helsinki que pour financer le nouvel agenda du développement post-2015, nous devions être ambitieux et innovants. C'est vrai. L'aide directe a vécu, l'aide au développement prend de nouvelles formes plus adaptées à un monde en mutation. Les objectifs du millénaire pour le développement fixent la feuille de route pour éradiquer l'extrême pauvreté pour 2015. Le retard accumulé compromet leur réalisation mais un rattrapage est en cours.

La réorientation d'une partie de l'APD vers des microprojets de financement est possible. La création en 1776 en Écosse du premier établissement d'épargne pour les pauvres est un exemple éloquent. Il illustre l'affirmation de Muhammad Yunus pour qui une bonne théorie économique doit donner aux gens les moyens d'exprimer leurs talents. Il considère les plus démunis comme des entrepreneurs potentiels capables d'innover face à la nécessité. Mais tous les outils ne leur sont pas accessibles, la microfinance nécessite d'importants apports extérieurs. Moins de 16 % de la population accède aux services financiers dans les pays du sud, contre 95 % dans les pays développés.

Bien que le microcrédit se soit répandu dans 80 pays en 30 ans, son potentiel demeure considérable : 3 millions d'Éthiopiens seulement sur 80 millions y ont accès, 730 000 Malgaches sur 20 millions. Selon l'ONU, si les femmes avaient le même accès aux ressources productives que les hommes...

Mme Nathalie Goulet.  - Le monde irait mieux !

M. Aymeri de Montesquiou.  - ... la production des pays en développement augmenterait de 20 à 30 % et 100 à 150 millions de personnes pourraient être sauvées de la faim... Elles sont des entrepreneurs plus efficaces et plus responsables, qui remboursent presque toutes l'intégralité de leurs emprunts.

Mme Nathalie Goulet.  - Eh oui !

M. Aymeri de Montesquiou.  - En tout cas lorsqu'elles ont accès à l'éducation et à la formation. La France et l'Union européenne ont un rôle très important à jouer dans la lutte contre les discriminations et en faveur de l'éducation. Le microcrédit peut combler l'absence de système bancaire stable dans de nombreux pays, mais il ne peut se substituer aux investissements massifs dans l'éducation et la parité.

M. Yvon Collin.  - Absolument !

M. Aymeri de Montesquiou.  - D'autres pistes, ce sont les financements innovants. La France, secrétaire permanent du groupe pilote, est une force motrice. Les taxes sur les billets d'avion et sur les transactions financières permettent de lever des fonds significatifs. Je pense au partenariat entre donateurs et entreprises pharmaceutiques qui permet de pallier les défaillances du marché des médicaments.

Monsieur le ministre, vous avez appelé à une mobilisation internationale, en lien avec la présidence finlandaise. La coopération sud-sud s'accentue, les investissements du sud au nord augmentent. L'AFD diversifie son action. Il est absurde d'octroyer des subventions à la Chine ou à l'Inde qui sont des concurrents, alors que les pays du nord se morfondent dans leur situation économique. La physionomie du monde change.

Comme le dit le président tunisien, les relations inégales seront de moins en moins acceptées par les jeunes générations. L'axe nord-sud reste-t-il le plus pertinent, alors que la population mondiale atteindra bientôt 8 milliards d'hommes et de femmes ? Qu'en 2025 l'Europe n'en représentera plus que 6 % ? Si notre population vieillit, elle est jeune dans les pays émergents. Développer suffisamment d'emplois au sud est un défi majeur ; s'il est relevé, des conflits nord-sud seront évités.

La France a un grand savoir-faire dans les domaines de l'énergie, du transport et de l'eau. La prospérité économique est la seule arme efficace contre l'extrémisme qui se nourrit de la désespérance. Je suis convaincu que des assises sortiront des perspectives ambitieuses et innovantes. (Applaudissements sur les bancs écologistes et UMP)

M. Yvon Collin .  - Je tiens à remercier le ministre pour l'organisation des assises du développement, auxquelles j'ai la chance de participer. Il s'agit de rendre plus efficace, plus transparente et plus cohérente la politique d'aide au développement. Ce débat est utile. Rapporteur spécial de la mission APD, je n'ai pu l'aborder ici lors de la loi de finances, vous savez pourquoi... Je n'y reviens pas. Parlons de l'avenir !

La France possède des instruments de financement, avec l'AFD - que les Anglais veulent copier - qu'elle combine avec des aides plus traditionnelles. Nous affectons seulement 0,46 % de notre Revenu national brut à l'APD. Les moyens stagnent, alors que la Conférence de Monterey, en 2002, préconisait 0,7 %, taux sur lequel la France s'est engagée ; il est loin de notre portée.

L'Espagne, la Grèce, le Japon ont baissé leurs contributions, parfois dans des proportions considérables. D'autres pays font l'inverse : la Grande-Bretagne consacre ainsi 0,58 % de son revenu à l'APD. C'est le troisième pays contributeur après les États-Unis et l'Allemagne. La France vient au quatrième rang -ce n'est déjà pas mal. À Londres, nous avons rencontré, le 5 février, nos homologues britanniques. La ministre déléguée au développement international a rappelé le fort consensus existant dans ce pays autour de l'APD, malgré la crise économique. Suivons cet exemple ! Rappelons-nous les propos de François Mitterrand à la conférence des Nations unies : aider le tiers-monde, c'est s'aider soi-même à sortir de la crise. L'enjeu du développement, c'est celui de la paix partagée. Nous devons renforcer notre soutien aux pays du sud, si possible au travers d'aides bilatérales - plus démonstratrices du rôle de la France dans le monde. (Applaudissements sur les bancs RDSE et écologistes)

M. Christian Cambon .  - Le développement économique de la planète s'est accéléré au nord au xixe siècle, a basculé vers le sud au xxe siècle, puis nos modèles ont été remis en question au xxie siècle avec l'épuisement des ressources naturelles et le défi climatique.

En 2011, pour la première fois dans l'histoire, les pays du sud ont contribué plus que le nord à la croissance mondiale. La bonne nouvelle, c'est que la pauvreté recule ; la mauvaise, c'est que nous reculons aussi. À ce rythme, en 25 ans, la part de l'Europe dans l'économie mondiale diminuera de moitié - l'Asie en représentera 60 %. Voilà le monde nouveau qui nous attend, c'est la fin du monopole occidental sur l'histoire. C'est aussi la sortie de la pauvreté pour une grande part de la population mondiale. Le taux de mortalité des enfants de 5 ans a diminué de 80 %, la part de la population mondiale qui vit avec moins de un dollar par jour a baissé de moitié. Hélas, un milliard d'êtres humains vivent encore sous ce seuil avec moins de un dollar par jour et autant n'ont pas accès à l'eau.

L'écart se creuse entre les pays les plus pauvres - en majorité situés en Afrique - et le reste du monde. L'Afrique anglophone décolle mais côtoie un continent de misère et d'inégalités ; des territoires immenses, comme le Sahel, sont désertés par des administrations impuissantes. Le terrorisme prospère dans des pays sans développement, aux structures étatiques exsangues, où la jeunesse est livrée aux fanatismes et aux trafics. La lutte contre le sous-développement est un outil de prévention des conflits peu coûteux par rapport aux opérations militaires. L'exemple du Mali le prouve -  200 millions de subventions pour le développement de ce pays en dix ans, là où notre intervention en coûtera probablement 400.

La délocalisation des emplois du nord industriel vers le sud est inquiétante. La croissance démographique a doublé le nombre d'actifs dans le monde entre les années 1980 et les années 2000. D'où, dans un marché unifié, la mise en concurrence des systèmes sociaux, dont les industries occidentales sont les grandes perdantes. L'abondance de la main-d'oeuvre au Sud rendra le processus lent mais douloureux. C'est la survie de notre propre modèle qui est en jeu.

Les ressources naturelles s'épuisent. Le modèle économique dominant, fondé sur l'exploitation des hydrocarbures, n'est pas la solution mais le problème. L'urgence, la gravité des crises et des menaces nous obligent, au nord comme au sud, à trouver des modes de développement soutenables.

La question tient à la cohabitation de trois types de populations : les 4 milliards du sud émergent, qui aspirent à rattraper notre niveau de vie - comment faire sans épuiser les ressources naturelles ? Le milliard qui vit encore dans la misère - comment les aider à en sortir ? Le milliard enfin qui vit dans les pays développés et dont les économies, à l'image de la nôtre, sont en difficulté - comment enrayer la crise et préserver nos modèles sociaux ?

Voilà les défis d'une politique de coopération ambitieuse et rénovée. Il ne s'agit plus de construire des puits dans le désert mais de contribuer à une mondialisation maîtrisée. Les enjeux ne sont plus à la mesure d'un État, fût-il la France. Il nous faut coaliser les soutiens. Le président Nicolas Sarkozy, avec l'aide d'Henri de Raincourt, avait fait émerger ces thématiques à Cannes en haut de l'agenda international. Je n'ai pas l'impression que nous rencontrions aujourd'hui le même succès...

Il nous faut une politique européenne ambitieuse et volontariste ; mais les instruments communautaires sont-ils toujours bien utilisés ? Le Sahel sera un test.

M. Robert Hue.  - Absolument !

M. Christian Cambon.  - Nous regrettons de ne pas voir se lever une Europe du développement, de la coopération, une Europe tout court.

M. Yvon Collin.  - Eh oui !

M. Christian Cambon.  - Le bilan évaluatif de la Cour des comptes est sévère. Nous souffrons de l'éclatement des centres de décision entre le Quai d'Orsay, Bercy et l'AFD. Une réforme institutionnelle d'ampleur est nécessaire avec un ministère de plein exercice doté de moyens conséquents. Vous voyez, monsieur le ministre, on peut être dans l'opposition et vous vouloir du bien ! (« Bravo ! » sur les bancs écologistes)

L'évaluation est une nécessité absolue, nous le disons depuis longtemps avec M. Peyronnet. Que sont devenues nos contributions aux différents plans en faveur du Mali, les millions investis dans l'Office du fleuve Niger ? Il faudra un jour dresser un bilan, tirer les leçons des erreurs passées.

M. Yvon Collin.  - Absolument.

M. Christian Cambon.  - Une politique qui pèse plusieurs milliards d'euros de deniers publics, qui engage des fonds européens multilatéraux doit être débattue au Parlement. Nous attendons avec impatience une vraie loi d'orientation et de programmation ; elle autorisera un débat sur les orientations géographiques et sectorielles de notre politique - et leurs conséquences budgétaires. Les idées ne valent que par les moyens qu'on y consacre. Monsieur le ministre, vous ne pourrez pas annoncer des moyens nouveaux, mais un changement de méthode, peut-être, un dialogue et un pilotage renforcés. Si vous relevez ces défis, nous serons à vos côtés. (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Gilbert Roger .  - Un autre monde est possible, et pourtant un quart de la population mondiale doit encore compter sur la solidarité internationale pour sortir de la pauvreté extrême.

La Cour des comptes a rappelé que la France se situait au quatrième rang mondial pour le montant de son aide. Notre contribution nette déclarée s'est élevée à 10 % du montant total. Elle est passée de 2001 à 2011, de 0,30 % à 0,46 % du RNB. Son efficacité pose toutefois problème.

L'aide au développement manque de cohérence et souffre d'absence de coordination, avec une multitude d'acteurs, un empilement institutionnel qui échappe à une véritable évaluation. Je ne cautionne pas les discours consistant à traiter les milliards de dollars dépensés depuis les années 1960 de gaspillage. Cela dit, la dispersion de l'aide est réelle et son efficacité pourrait être améliorée par une meilleure gouvernance. Il convient de développer la convergence des actions. Le modèle ancien fondé sur les États bailleurs a été rendu caduc par l'intervention dans tous les domaines d'une multinationale d'acteurs, ONG, collectivités territoriales, organisations de toutes natures.

Près de 3 800 collectivités territoriales en France déclarent être engagées dans une coopération décentralisée. Il faut y ajouter une myriade d'organisations privées, encouragées par de généreuses exonérations fiscales. Les bailleurs privés fournissent environ un tiers de l'aide internationale programmable. Les ONG sont devenues en vingt ans des acteurs centraux. Les fondations philanthropiques et les entreprises privées ont vu elles aussi leur importance croître. Tous ces éléments changent la donne de la coopération.

Cette masse d'acteurs, sans orientation globale, freine l'efficacité des politiques de développement. La tendance croissante à l'affectation des fonds offerts selon les priorités des bailleurs rend les flux financiers inadaptés aux besoins et empiète sur le financement des programmes nationaux, par exemple dans le domaine de la santé. Dans cet univers morcelé et décentralisé, la majeure partie de l'aide est dirigée vers les pays ou les causes « à la mode », au détriment d'autres régions qui restent orphelines de l'aide. D'où des chevauchements et un gaspillage de ressources précieuses.

Une évaluation indépendante fait cruellement défaut. Des ONG fantômes errent dans les pays du sud au nom du développement et de l'aide humanitaire, ajoutant à la charge de travail des autorités locales, pour de piètres résultats. Il faut un cadre plus clair pour une plus grande efficacité. Les acteurs publics ont un rôle essentiel à jouer, d'abord pour oeuvrer à la convergence des préférences, en communiquant plus activement sur les objectifs politiques, en donnant la parole aux bénéficiaires finaux, en bâtissant de vrais indicateurs. (Applaudissements à gauche)

M. Robert Hue .  - Les Assises du développement vont rendre prochainement leurs conclusions. Le fruit de ce dialogue permettra à notre pays d'approfondir, voire de refonder sa stratégie d'aide au développement, à l'approche de l'échéance de 2015 date fixée pour la réalisation des objectifs du millénaire.

Ce débat est d'initiative bienvenue. Il n'y a pas un sud mais des sud qui connaissent des trajectoires bien différentes.

M. Yvon Collin.  - C'est vrai !

M. Robert Hue.  - Je concentrerai mon propos sur l'Afrique. Le lien entre nos deux continents est démontré par toutes les interventions précédentes. Ce continent est entré brutalement dans la mondialisation. Au sud du Sahara, se conjuguent les principales causes du sous-développement. Il faut que l'Afrique sub-saharienne retrouve une stabilité politique. Comme l'a rappelé le président de la République à Dakar, il n'y a pas de progrès économique ni social sans démocratie.

L'actualité tragique nous rappelle que c'est sur le terreau de l'extrême pauvreté, souvent alimenté par la corruption, que croît le terrorisme. Gardons-nous néanmoins de l'afro-pessimisme !

Trois mots doivent guider notre stratégie. Solidarité, d'abord, naturellement. Il faut maintenir et amplifier l'aide publique au développement, qui marque le pas, ce que je regrette, d'autant plus que l'aide bilatérale régresse au profit de l'aide multilatérale.

La transparence, ensuite, exige qu'on porte une attention particulière aux flux illicites de capitaux qui quittent les pays du sud : des multinationales implantent leur siège ailleurs pour échapper à l'impôt. Le pillage fiscal s'ajoute au pillage des ressources. N'oublions pas le pillage des terres : l'Afrique est devenue un continent à louer. La Chine et l'Inde accaparent des terres, mais l'Europe aussi, pour la production d'agro-carburants, au risque du déficit alimentaire.

Enfin, l'efficacité. Une majorité de bailleurs de fonds établissent un rapport aidé-aidant, alors qu'ils devraient encourager l'appropriation par les bénéficiaires. Le développement séparé ne peut plus exister au XXIe siècle dit Kofi Annan. Le Nord a autant besoin du Sud que le Sud a besoin du Nord. (Applaudissements)

M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement .  - Merci à tous les groupes, et notamment au groupe écologiste. La politique de développement est l'une des plus belles que l'on puisse mener. Plus de 800 millions d'être humains mal nourris, 2 milliards qui vivent avec moins de 2 dollars par jour, voilà la réalité. Le premier enjeu que vous avez évoqué est financier. Ce n'est guère romantique, mais c'est le nerf de la guerre. L'effort budgétaire aurait baissé ? Non : le budget 2013 est stable par rapport à 2012, si l'on prend en compte l'affectation d'une partie de la taxe sur les transactions financières - qui est extrabudgétaire. La Grande-Bretagne fait mieux, beaucoup font moins bien. Ce gouvernement a fait le choix volontariste de maintenir son effort.

À côté de la taxe française, il y a le grand débat sur la taxe européenne. La France est en pointe sur ce sujet pour convaincre ses partenaires d'affecter une partie de cette future taxe au développement. La Commission européenne évoque 35 milliards d'euros pour une taxe à douze. Affecter 10 % de ce montant au développement permettrait de doubler le FED.

Le FED est stabilisé en volume : il augmente malgré l'inflation. La capacité de l'aide publique au développement de l'Union européenne est sanctuarisée pour les sept prochaines années.

Vous avez évoqué un certain nombre de grands sujets. D'abord, la nouvelle équation entre le développement et le développement soutenable. Le dernier rapport de la Banque mondiale sur le changement climatique parle de cataclysme pour les pays les plus pauvres qui sont aussi les plus vulnérables, pas moins ! Il faut une convergence entre les politiques de développement et les politiques de développement soutenable. La sécheresse, l'insécurité alimentaire et sanitaire liée au choc climatique pourraient annihiler tous les progrès réalisés jusqu'ici.

Le 1er mars, le président de la République clôturera les assises. Ce sera l'occasion pour lui de faire des annonces.

Vous avez évoqué la question de la légitimité de cette aide. Elle doit être plus transparente, en effet. Les Français estiment à 72 % qu'il faut maintenir ou augmenter l'APD - malgré la crise.

La question du genre est une de mes priorités. L'évaluation de la stratégie genre a été réalisée grâce à M. de Raincourt, que je salue, car il l'a demandée. J'ai rencontré des militants de la cause LGBT, j'ai renforcé le fonds LGBTI, car la France promeut la non-discrimination sous toutes ses formes.

M. Hue a évoqué le pillage fiscal, minier et des terres. Je reprends sa formule ! En effet, 10 % des flux financiers remontent du Sud vers le Nord - passant souvent par les paradis fiscaux. La France finance, avec la Norvège, une initiative provisoirement intitulée « Inspecteurs des impôts sans frontières » pour aider les pays du Sud à contrôler les montages fiscaux opaques visant à échapper à l'impôt.

Nous sommes conscients de l'importance de la lutte contre l'accaparement des terres. L'AFD n'accordera aucun prêt à des investissements agricoles qui ne respectent pas les principes de la FAO.

M. Yvon Collin.  - C'est bien.

M. Pascal Canfin, ministre délégué.  - Nous sommes le premier État au monde à avoir financé un fonds créé dans le cadre de la Banque mondiale pour l'Afrique qui offre aux États africains les moyens de négocier d'égal à égal avec les compagnies minières, en payant des journées de fiscalistes, d'avocats et de consultants, pour favoriser un gestion transparente des ressources. Ces neuf premiers mois d'action n'ont pas été inutiles !

J'en viens à la mobilité et aux migrations. Jusqu'ici, une partie du budget du développement avait été reliée aux politiques migratoires, au ministère de l'intérieur. Les budgets et les équipes sont revenus au quai d'Orsay, pour être consacrés aux politiques de développement et non plus aux politiques migratoires. La mobilité internationale est une valeur, une richesse, non une menace.

Je salue l'action des collectivités territoriales : la coopération décentralisée est un levier efficace. Le Gouvernement souhaite renforcer la coordination régionale dans les 22 régions pour améliorer la synergie des actions. Avec Laurent Fabius, nous avons pris l'engagement de travailler sur la politique de visas, avec un label « événement collectivités locales » pour simplifier les procédures. Cette proposition, comme d'autres, prendra corps dans le cadre de la future loi de décentralisation que présentera Marylise Lebranchu.

Le Mali, enfin. J'étais à Bamako lundi et mardi pour la reprise des activités de l'AFD. Le nouveau directeur est en place et son adjoint le sera prochainement. Quelles sont les urgences ? Rétablir l'eau et l'électricité à Tombouctou, permettre aux personnes déplacées de rentrer et de semer, afin de cultiver les champs, remettre l'infrastructure bancaire en place. Vingt millions d'euros sont déployables grâce aux facilités de paiement de l'Union européenne ; nous établirons la semaine prochaine à Bruxelles la liste des priorités à financer. Je suis très impliqué sur cette question.

La grande conférence internationale des donateurs aura lieu en mai à Bruxelles, les collectivités locales menant des actions de coopération avec le Mali se réuniront à Lyon le 19 mars et ce même mois nous rencontrerons la diaspora en Île-de-France. Les politiques de développement au Mali sont indispensables pour gagner la paix. C'est un objectif que nous partageons tous. (Applaudissements unanimes)

Prochaine séance mardi 26 février 2013, à 14 h 30.

La séance est levée à 18 h 45.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mardi 26 février 2013

Séance publique

DE 14 H 30 À 18 HEURES 30

1. Désignation des vingt et un membres de la commission d'enquête sur l'efficacité de la lutte contre le dopage

2. Proposition de loi tendant à modifier l'article 689-11 du code de procédure pénale relatif à la compétence territoriale du juge français concernant les infractions visées par le statut de la Cour pénale internationale (n°753, 2011-2012)

Rapport de M. Alain Anziani, fait au nom de la commission des lois (n° 353, 2012-2013)

Texte de la commission (n° 354, 2012-2013)