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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



CMP (Demande de constitution)

Organisme extraparlementaire (Appel à candidature)

Prestations familiales

Discussion générale

M. Christophe Béchu, auteur de la proposition de loi

Mme Catherine Deroche, rapporteure de la commission des affaires sociales et co-auteur de la proposition de loi

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille

Mme Aline Archimbaud

M. Yves Daudigny

Mme Isabelle Pasquet

M. Gérard Roche

M. Jean-Pierre Plancade

Mme Marie-Thérèse Bruguière

M. Bruno Sido

Mme Michelle Meunier

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Discussion des articles

Article premier

Article 2

Interventions sur l'ensemble

Mme Nathalie Goulet

M. Ronan Kerdraon

M. André Reichardt

M. Michel Vergoz

Mme Michelle Meunier

M. Jean-Pierre Raffarin

Débat sur le droit de semer et la propriété intellectuelle

M. Gérard Le Cam, pour le groupe communiste, républicain et citoyen.

M. Rémy Pointereau

M. Richard Yung

Mme Mireille Schurch

M. Jean-Jacques Lasserre

M. Daniel Raoul

M. Joël Labbé

M. Raymond Vall

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt




SÉANCE

du mercredi 27 mars 2013

77e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de M. Charles Guené,vice-président

Secrétaires : M. Jean Desessard, Mme Odette Herviaux.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

CMP (Demande de constitution)

M. le président.  - Monsieur le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du Règlement.

Organisme extraparlementaire (Appel à candidature)

M. le président.  - M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître le nom d'un sénateur pour siéger comme membre suppléant au sein du Conseil national de la mer et des littoraux, en remplacement de notre collègue René Vestri, décédé.

Conformément à l'article 9 du Règlement du Sénat, la commission du développement durable a été saisie. La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du Règlement.

Prestations familiales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative au versement des allocations familiales et de l'allocation de rentrée scolaire au service d'aide à l'enfance lorsque l'enfant a été confié à ce service par décision du juge.

Discussion générale

M. Christophe Béchu, auteur de la proposition de loi .  - Le Sénat est saisi d'une proposition de loi simple, composée de deux articles, pour moraliser un dispositif social. Elle repose sur une idée simple : les allocations sont faites pour les enfants, non pour les parents. Elles doivent être perçues par ceux qui s'en occupent. Ce texte n'est ni une refondation de l'Aide sociale à l'enfance (ASE), ni une réponse au récent rapport de la Cour des comptes sur la situation financière intenable des départements, en raison de la hausse continue des dépenses sociales. Les conseils généraux financent les frais liés à l'exercice de la parentalité des 150 000 enfants pris en charge par l'ASE. Pourtant, 85 à 90 % des familles biologiques continuent de toucher la totalité des allocations familiales et l'allocation de rentrée scolaire (ARS). En d'autres termes, s'agissant des allocations familiales, les exceptions prévues par la loi sont devenues la règle ; en outre, jamais aucun texte n'a prévu que l'absence de charge effective devait entraîner l'absence de versement de l'ARS. Alors que les placements sont le plus souvent motivés par des faits de maltraitance, de carence, de négligence, la loi de 1986 est contournée, plus encore son esprit est bafoué.

Cette proposition de loi revient à l'intention initiale du législateur de 1986. Elle n'émane pas de l'Association des départements de France (ADF), mais du terrain, plus précisément des familles d'accueil de mon département du Maine-et-Loire. Lors d'une réunion en 2010, j'ai été interrogé par une femme : « Trouvez-vous normal que les familles qui ne s'occupent pas de leurs enfants continuent de toucher les allocations familiales ? » Cette question a été saluée par un tonnerre d'applaudissements. C'est elle qui a conduit le président du GIP Enfance en danger et du 119 que j'ai été à se pencher sur le sujet...

Ce texte de bon sens est soutenu par le bureau unanime de l'ADF comme par le président de la République qui, recevant les présidents de conseils généraux en octobre 2012, a fait part de sa bienveillance. Nous avions accepté de retirer notre texte de l'ordre du jour en novembre pour qu'un texte sur le même sujet soit déposé par Yves Daudigny. Celui-ci n'a pu être déposé mais ce retard a été néanmoins utile, puisqu'il a permis de clarifier le texte initial, grâce aux amendements humanistes de la rapporteure et de M. Daudigny.

Je veux répondre maintenant aux critiques que j'ai entendues. Certains disent qu'il faudrait une loi plus vaste. Le mieux est parfois l'ennemi du bien. Une vraie réforme de l'ASE exigerait des années de travail. L'unanimité autour du texte présenté en 2006 par Philippe Bas avait été obtenue grâce à une large concertation en amont. Si une refondation de l'ASE est nécessaire, il n'y a pas de raison de fermer les yeux sur la situation que j'ai décrite.

Précariser les familles ? Je respecte, comme vous, le combat des associations qui agissent aux côtés des plus fragiles. Mais cet argument ne tient pas ; il est infâmant - la maltraitance n'est pas seulement le fait de familles sans moyens - et faux - il n'y a pas précarisation, puisque les familles n'assument plus les charges afférentes à l'éducation des enfants : s'il y a absence de charges, il est logique qu'il y ait absence de ressources ! (M. Bruno Sido approuve) C'est cette même appréciation qui fondait ma réticence devant le texte Ciotti sur l'absentéisme scolaire. Quand l'enfant est confié à un tiers de confiance, le montant des allocations est transféré automatiquement, à 100 %. Pourquoi n'en serait-il pas de même pour le conseil général ?

Le transfert automatique serait en outre problématique par rapport à l'appréciation du juge... C'était vrai dans le texte initial, mais la difficulté a été levée grâce aux amendements de M. Daudigny ; le pouvoir du juge est préservé.

Ce texte serait une erreur économique, affirment certaines associations familiales ; la charge serait d'autant plus lourde pour les conseils généraux que la séparation avec la famille serait allongée. C'est faux. Je ne veux pas stigmatiser ou généraliser quiconque, mais j'ai rencontré les familles d'accueil et les travailleurs sociaux sur le terrain. Dans beaucoup de cas, les familles ne sont pas pressées de récupérer leurs enfants, car leur situation financière est plus favorable... Dans beaucoup de cas, le maintien des allocations repose sur une parenté biologique qui n'est qu'une fiction. Les décisions de placement judiciaire ne sont pas prises à la légère. Parfois, les enfants sont retirés dès la maternité, par exemple lorsque les deux parents sont lourdement handicapés...

Cette proposition de loi donnera aux travailleurs sociaux et aux départements de nouveaux moyens pour la prévention et un travail de pédagogie auprès des familles. Elle ne concerne que les placements judiciaires, pas administratifs. On peut espérer que dans un grand nombre de cas les familles tireront elles-mêmes la sonnette d'alarme.

Une double peine ? L'argument n'est pas recevable. Les allocations ne sont pas là pour compléter les revenus des parents, elles financent les charges liées à l'éducation de l'enfant. Lors du décès d'un enfant, situation tragique, les allocations ne sont pas maintenues à la famille. Idem lorsque l'enfant est confié à un tiers de confiance.

Tout converge pour que nous adoptions ce texte de justice et d'équité, qui ne coûtera rien aux finances publiques. Si les réformes de bon sens, partagées par presque tous, ne sont pas faites, comment ferons-nous la pédagogie des plus complexes ? Je ne peux croire que nous ne nous retrouvions pas tous sur ce texte. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Catherine Deroche, rapporteure de la commission des affaires sociales et co-auteur de la proposition de loi .  - Le sujet n'est pas nouveau : la proposition de loi reprend deux amendements votés à l'unanimité par le Sénat lors de l'examen en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 - que l'Assemblée nationale avait supprimés au motif qu'il s'agissait de cavaliers.

La première mesure porte sur les modalités de versement des allocations familiales, les plus importantes symboliquement et financièrement des prestations familiales, en cas de placement d'un enfant à l'ASE sur décision du juge. La loi du 6 juillet 1986 a complété l'article L. 521-2 du code de la sécurité sociale pour prévoir que lorsque l'enfant est confié à l'ASE, la part des allocations due au titre de cet enfant est versée à ce service. Le juge des enfants peut toutefois décider que les parents continueront de percevoir ces allocations quand ils participent à la prise en charge morale ou matérielle de l'enfant, ou pour faciliter son retour au foyer.

Or, dans la pratique, l'exception est devenue la règle, même si l'on manque de statistiques en la matière. N'ayant le choix qu'entre retirer ou maintenir les allocations à la famille, le juge opte le plus souvent pour la seconde solution. Le versement à l'ASE n'est décidé que lorsque les faits à l'origine du placement sont graves ; lorsque le dialogue avec la famille est impossible ; lorsque les chances de retour au foyer sont très faibles. Lorsque le juge ne statue pas sur le versement des allocations familiales, elles reviennent de droit à l'ASE.

Sur le plan des principes, il est inconcevable que les familles qui n'assument plus la charge effective d'un enfant continuent de percevoir l'intégralité des allocations au même titre que les autres. C'est une question de justice et d'équité. Ce texte revient donc à l'esprit de la loi, tout en préservant le pouvoir d'appréciation du juge. La version initiale de l'article premier apportait au droit en vigueur les modifications suivantes : suppression de la saisine d'office du juge ; latitude laissée à celui-ci, saisi par le président du conseil général, de se prononcer sur l'attribution des allocations et le partage éventuel de ces dernières.

La seconde mesure du texte concerne l'ARS, versée sous condition de ressource. Cette allocation continue d'être entièrement versée à la famille d'un enfant placé, alors que le département supporte toutes les charges liées à la scolarisation. C'est là encore une incohérence et une iniquité. La proposition de loi initiale prévoyait le versement de l'ARS à l'ASE, tout en préservant la possibilité pour le juge de maintenir totalement ou partiellement son versement à la famille.

Sur ma proposition, la commission a rétabli la saisine d'office du juge. Le maintien des allocations ne pourra être que partiel, la part versée aux parents ne pouvant excéder 35 %. C'est une solution équilibrée. En modulant la part versée aux parents, le juge ajustera sa décision à la situation. Cela aura un rôle incitatif puisque la famille récupérera l'entier bénéfice des allocations en cas de retour de l'enfant. Ce principe a été approuvé par les représentants des magistrats. En revanche, pour l'ARS, qui, contrairement à l'allocation familiale, ne constitue pas un outil de négociation avec les parents, l'intervention du juge ne se justifie pas. J'ai proposé de supprimer les dispositions afférentes de l'article 2.

La proposition de loi apporte une réponse équilibrée, elle réaffirme la volonté du législateur, tout en améliorant la pratique du juge. Enfin, elle restaure l'équité entre les familles. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille .  - J'ai lu attentivement la proposition de loi et écouté l'exposé de M. Béchu. Il faut toujours se méfier de ce qu'on appelle le bon sens. Pour des enfants confrontés à des difficultés de vie, la complexité prévaut : toutes les situations sont différentes. Je ne suis pas sûre que le bon sens soit en la matière le meilleur conseiller...

Une loi doit être utile. Or le droit actuel prévoit déjà, en cas de placement de plus d'un mois, le versement des allocations familiales à l'ASE. Les parents dont l'enfant est placé restent tenus envers lui par les obligations des articles 203 à 211 du code civil, en particulier l'obligation alimentaire. Depuis la loi du 31 mars 2006, le juge peut décider d'office, sur saisine du président du conseil général, de ne pas verser les allocations à l'ASE lorsque la famille participe à la prise en charge morale et matérielle de l'enfant, ou en vue de faciliter le retour de l'enfant dans sa famille. Or la grande majorité des enfants ont vocation à retourner dans leur famille.

Cette proposition de loi est à contre-courant de tous les efforts entrepris par le Gouvernement. Lors de la conférence sur la lutte contre la pauvreté et l'exclusion, le Premier ministre a pris des engagements forts, aucune famille ne doit être stigmatisée... (Exclamations à droite)

Mme Catherine Procaccia.  - Mêmes celles qui maltraitent les enfants !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - ... et le reste à vivre des plus précaires devra être amélioré. Or les familles les plus précaires sont très concernées par la protection de l'enfance.

Cette proposition de loi va à rebours des travaux menés par le président du Haut conseil de la famille, à rebours aussi de l'abrogation de la loi Ciotti qui supprimait les allocations en cas d'absentéisme. (Applaudissements sur les bancs écologistes et quelques bancs socialistes)

M. Bruno Sido.  - Vous mélangez tout !

Mme Catherine Procaccia.  - Rien à voir !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Autre question : quel intérêt pour l'enfant ? Les juges prennent leur décision au cas par cas. Le versement des allocations familiales peut dans certaines circonstances être considéré comme une nécessité - pour préserver l'équilibre d'une famille fragile ou favoriser le retour de l'enfant quand cela est possible. Seuls 5 % des enfants placés n'ont pas vocation à retourner dans leur famille. La Défenseure des enfants, dans son rapport de 2010, proposait de garantir le maintien automatique des allocations familiales lorsque les parents se situent en dessous d'un certain seuil de revenus, afin d'être en capacité de maintenir le lien avec l'enfant. Limiter le montant des allocations à 35 % fragiliserait encore plus les parents, alors même qu'ils feraient l'effort, reconnu par le juge, d'assumer leurs fonctions parentales et éducatives. Cela restreindrait le pouvoir d'appréciation du juge, gardien de l'intérêt supérieur de l'enfant. (Exclamations à droite)

Quel est l'intérêt pour les familles ?

M. Bruno Sido.  - Et pour l'enfant ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Des associations aussi diverses que ATD Quart monde ou celles qui constituent l'Union nationale des associations familiales (Unaf) affirment que c'est en aidant les familles, en les accompagnant, non en les sanctionnant, qu'on facilite le retour de l'enfant dans de bonnes conditions.

M. Bruno Sido.  - N'importe quoi !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Vous parlez de moralisation, d'humanisme. Où est l'humanisme quand on enfonce encore un peu plus les familles ? (Applaudissements sur les bancs écologistes ; exclamations à droite) Lorsqu'un enfant est confié à l'ASE, les parents conservent l'autorité parentale. Le placement est, sauf exception, temporaire ; les parents demeurent allocataires pour l'ouverture du droit aux prestations familiales, la loi ne reconnaissant à l'ASE que la qualité d'attributaire, parce qu'elle assume partiellement la charge financière de l'enfant.

Le maintien ou la suppression des allocations familiales n'ont pas vocation à gratifier les bons parents ou à punir les mauvais.

M. Bruno Sido.  - Tout le monde il est bon, tout le monde il est gentil !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Je ne vois pas en quoi les sanctionner les aiderait à sortir de la situation de difficulté dans laquelle ils sont.

Quel est l'intérêt pour les départements ? La confiscation (exclamations à droite) des allocations d'une famille de deux enfants ne rapporterait que 1 524 euros au conseil général, quand le placement coûte 34 000 euros par an ! Ces familles, en difficulté financière aggravée, devront se retourner vers les services sociaux de la commune ou du département.

Cette proposition de loi n'apporte de réponse satisfaisante ni aux enfants, ni aux parents, ni aux départements. Il faut une vraie réforme de la protection de l'enfance.

Mme Catherine Troendle.  - Vous noyez le sujet !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - On ne peut se satisfaire de voir des enfants errer de familles d'accueil en foyer.

M. Bruno Sido.  - Les enfants restent parfois vingt ans dans une même famille.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Vous comprendrez que le Gouvernement soit défavorable à cette proposition de loi qui n'apporte rien mais enlève beaucoup. (Applaudissements sur les bancs écologistes et sur plusieurs bancs socialistes)

Mme Catherine Troendle.  - Le président de la République était pour !

Mme Aline Archimbaud .  - Actuellement, les allocations familiales sont versées à l'ASE, sauf si le juge décide de leur maintien intégral. L'ARS, elle, est versée à la famille.

La proposition de loi irait à l'encontre de l'objectif de retour de l'enfant dans sa famille, sachant que les parents restent tenus par l'obligation d'entretien et d'éducation même en cas de placement. Seuls 20 % des enfants confiés à l'ASE le sont pour des cas de maltraitance. Confisquer les allocations, c'est fragiliser la famille, lui confisquer son statut, compromettre le paiement du loyer, le transport pour rendre visite à l'enfant, le repas servi à l'enfant le week-end. Pas moins de 80 % des enfants placés viennent de familles en grande difficulté économique. Le conseil général devra-t-il subventionner les frais de déplacement des familles et tous ceux liés à l'hébergement de l'enfant ? Quatre-vingt quinze pour cent des enfants placés ont vocation à revenir dans leur famille, c'est en aidant celle-ci, non en la sanctionnant, qu'on rendra ce retour possible.

L'article 2 de la proposition de loi ne laisse aucune capacité d'appréciation au juge des enfants pour autoriser les parents à participer, par exemple, aux frais de rentrée scolaire. L'éviction des parents est complète, alors que le maintien des allocations serait un lien, un moyen de dialogue. Cette proposition de loi fait de l'éducation de ces enfants placés la charge exclusive de la collectivité locale. La rentrée scolaire est un moment fort : ne dépossédons pas les parents des moyens d'y participer. Les familles demandent un accompagnement approprié pour reconstituer la cohésion familiale et accueillir leurs enfants.

Je suis assez choquée par certains arguments, certains propos moralisateurs selon lesquels il faudrait sanctionner brutalement les familles pour les éduquer. (Mme la rapporteure proteste) Nous n'acceptons pas cette stigmatisation des plus pauvres. Il faut réfléchir à un autre dispositif. (Applaudissements sur quelques bancs socialistes ; Mme la présidente de la commission applaudit aussi)

M. Yves Daudigny .  - À qui doivent être versées les allocations familiales quand l'enfant est confié au service d'aide à l'enfance par décision du juge ? L'application des règles existantes interpelle beaucoup de professionnels ou de familles. Le code de la sécurité sociale répond clairement à la question : les allocations sont versées à la personne qui assume la charge effective et permanente de l'enfant. Le principe est affirmé : lorsqu'un enfant est confié à l'ASE, la part des allocations familiales due à la famille pour cet enfant est versée à l'ASE. Mais l'article L. 521-2 ajoute que le juge peut décider, d'office ou sur saisine du président du conseil général, de maintenir le versement des allocations familiales à la famille si celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l'enfant ou en vue de faciliter le retour de l'enfant dans sa famille.

J'ose exprimer devant vous l'idée que naissent de fortes incompréhensions lorsqu'une famille à laquelle le juge a retiré un ou plusieurs enfants continue de percevoir l'intégralité - j'insiste, l'intégralité - des allocations. (Marques d'approbation à droite. MM. Ronan Kerdraon, Gérard Roche et Jean-Pierre Plancade approuvent également)

Les présidents de conseil général s'interrogent. La proposition de loi apporte les évolutions attendues dans le respect des principes de notre système de protection sociale. Les services de l'ASE qui ont la charge effective de l'enfant ne pourront percevoir moins de 65% des allocations familiales. Le droit de saisine d'office du juge est maintenu, ce qui est essentiel. La proposition de loi prévoit le versement de l'ARS au département, qui supporte la totalité des dépenses liées à la scolarisation. Elle précise, en outre, que les dispositions de l'article L.521-2 s'appliquent à l'allocation enfant handicapé (AEH).

J'ai entendu les accusations de stigmatisation, de double peine. Mais l'acte fort, celui qui tranche, c'est la décision du juge de retirer l'enfant à sa famille, et seulement celle-ci ! Cet acte doit être suivi d'un accompagnement, non d'un abandon, c'est une exigence. Mais la grande pauvreté, la précarité méritent certes une mobilisation générale, mais ce sont d'autres sujets...

M. Michel Vergoz.  - Très bien !

M. Yves Daudigny.  - Ce texte répond à un enjeu d'équité entre les familles. Comment expliquer aux parents qui élèvent leurs enfants que d'autres, qui ne supportent aucune charge, perçoivent les mêmes allocations ? (Marques d'approbation à droite) Équité encore, parce que l'ASE est financée par les contribuables du département !

M. Ronan Kerdraon.  - Bonne démonstration !

M. Yves Daudigny.  - Le maintien des allocations familiales se justifie lorsqu'un projet éducatif existe, lorsque le droit de visite est effectivement utilisé. Selon un sondage publié dans le Journal de l'action sociale et du développement social de février 2013, sur 400 anciens enfants placés, la majorité affirme que le placement les a sauvés ; ils sont 62 % à dire avoir souffert du ballotage de foyer en foyer et, surtout 43 % à déclarer avoir regretté le maintien à tout prix du lien avec leurs parents. La justice sociale et l'équité doivent prévaloir pour la cohérence de notre système de protection sociale dans une société où les moyens seront de plus en plus rares. Président de conseil général, je n'oublie jamais l'intérêt de l'enfant en danger. Le groupe socialiste majoritairement votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes, à droite et au centre)

Mme Isabelle Pasquet .  - Cette proposition de loi soulève davantage de questions qu'elle n'apporte de réponses. Quelle est la nature des allocations familiales ? Notre position constante est qu'elles ne constituent pas des compléments de ressources mais des prestations familiales à visée nataliste. Ce texte ouvrirait la porte à une mise sous conditions des allocations familiales. Chaque enfant est une chance pour notre pays, on le voit bien quand on observe l'écart de natalité avec l'Allemagne. Les allocations servent à financer les frais liés à l'éducation de l'enfant.

Cela dit, faut-il maintenir le versement des allocations familiales en cas de placement de l'enfant ? L'article L.521-2 du code de la sécurité sociale répond à cette question en donnant au juge la possibilité de se prononcer sur une éventuelle répartition des allocations familiales entre la famille et l'ASE. À mon sens, lorsque le placement n'a pas pour visée de soustraire l'enfant à des faits de maltraitance, le maintien des allocations familiales à la famille se justifie. Cela n'empêche en rien qu'il faille prendre des mesures plus ambitieuses que celles annoncées lors de la Conférence sur la lutte contre la pauvreté. Chômage de masse, temps partiel subi, licenciements boursiers, voilà les phénomènes qui transforment les allocations familiales en compléments de revenus et auxquels il faut s'attaquer. Madame la ministre, nos préoccupations se rejoignent mais nous n'avons pas la même analyse finale. Je n'ai pas retrouvé dans votre discours la nette distinction entre le caractère familial de cette prestation et le caractère social d'autres prestations. Ne remettons pas en cause les acquis de 1945. La feuille de route donnée au Haut conseil de la famille nous inquiète. (Applaudissements sur les bancs CRC, et quelques bancs socialistes et écologistes)

M. Gérard Roche .  - Ce texte est tout simplement de bon sens...

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Ah bon !

M. Gérard Roche.  - ... car il revient à la règle posée à l'article L.521-2 du code de la sécurité sociale qui, en pratique, est appliquée à la marge. Il étend la règle à l'allocation de rentrée scolaire. Il y va de l'éthique car nous ne pouvons pas placer sur un pied d'égalité les familles dont les enfants sont placés, et celles qui s'occupent de leurs enfants. Nous ne pouvons pas accepter que la jurisprudence aille contre la volonté du législateur.

M. Bruno Sido.  - Très vrai.

M. Gérard Roche.  - Madame la ministre, je ne suis qu'un petit sénateur... (Vives dénégations) Je sais pourtant que nos concitoyens n'acceptent pas, ne comprennent pas que l'on continue de verser aux familles des allocations familiales lorsque leurs enfants sont placés. Le président du conseil général que je suis le voit bien. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Nathalie Goulet.  - Vive le cumul des mandats ! (Sourires)

M. Gérard Roche.  - En raison de mon grand âge, je peux vous dire que l'État consacrait 2,3 millions à l'ASE en 1984. Aujourd'hui, les départements y contribuent à hauteur de 6,4 millions.

L'ASE est le troisième poste budgétaire des départements. Mon département de la Haute-Loire enregistre un manque à gagner de 423 000 euros pour les allocations familiales et de 154 000 euros pour l'ARS - 577 000 euros en tout, soit 3,6 % du budget hébergement de l'ASE. La proposition de loi répond donc aussi à un enjeu financier, ce qui ne doit pas être tabou. Elle n'est pas le grand soir de l'ASE, ont dit certains... Certes, mais est-ce une raison pour ne rien faire en attendant ?

M. Bruno Sido.  - Absolument.

M. Gérard Roche.  - La double peine, je n'y crois guère car nous pouvons faire confiance aux services sociaux de nos départements pour appliquer notre politique avec humanité ! Le groupe UDI-UC votera ce texte ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Pierre Plancade .  - La famille est le premier repère pour l'enfant, le lieu de son épanouissement. Pourtant, il arrive qu'il faille décider un placement. Les parents ne sont toutefois pas abandonnés, ils ne sont pas seuls ; les travailleurs sociaux les accompagnent. Le principe du versement des allocations familiales à l'ASE repose sur la loi de 1986 ; la loi de 2006 a prévu l'intervention du juge.

Cette proposition de loi apporte une réponse de justice et d'équité, cela a été dit, en revenant à l'esprit originel du législateur.

Madame la ministre, c'est bien une question de bon sens ; celui-ci ne se discute pas. Il ne s'agit pas d'une sanction, l'objet est de responsabiliser les familles. Des associations craignent que cela n'empêche le retour de l'enfant dans sa famille ; cet argument ne correspond pas à la réalité du terrain, il tient de l'idéologie. Le lien avec la famille est maintenu dans la plupart des cas quand l'enfant est placé : le versement de l'allocation de rentrée scolaire à l'ASE est logique.

Moi qui n'ai pas présidé de conseil général durant des années mais la commission des affaires sociales de mon département, laissez-moi vous dire, madame la ministre, que les familles sont surtout stigmatisées quand on leur retire l'enfant et qu'on décide le placement !

Mme Catherine Procaccia.  - Évidemment !

M. Bruno Retailleau.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Plancade.  - Ce texte n'est pas porté par le lobby des présidents de conseil général - ce n'est pas ça qui règlera leurs problèmes financiers ! (Applaudissements à droite) Je le soutiendrai, comme le groupe RDSE, avec conviction et sans états d'âme ! (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs du RDSE)

Mme Marie-Thérèse Bruguière .  - Madame la ministre, votre intervention n'était pas très élégante : il n'y a pas un côté de l'hémicycle qui aurait le monopole de la générosité ! (Applaudissements à droite) Les interventions de MM. Daudigny et Plancade le prouvent ! La maltraitance est aussi le fait de familles qui ont des revenus confortables.

L'ASE organise la prise en charge intégrale de l'enfant quand nécessaire. En 2011, 300 000 enfants ont été placés à la charge des départements. La dépense représente le troisième poste budgétaire de la politique sociale des conseils généraux. La proposition de loi n'est en rien confiscatoire puisqu'une part de 35 % des allocations familiales pourra être maintenue à la famille. Quand à l'allocation de rentrée scolaire, qui a profité à 4,8 millions d'enfants en 2012, pour 300 euros en moyenne, elle est versée aux familles d'enfants placés alors que le conseil général assume la totalité des dépenses de scolarisation de l'enfant. Les magistrats ne voient aucune objection à ce que l'ARS soit versée à l'ASE puisque la prestation vise un but précis. Adoptons ce texte d'équité et de justice, au bénéfice des enfants ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Bruno Sido .  - La proposition de loi soumise à notre sagacité reprend deux amendements votés par le Sénat dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, avant d'être supprimés par l'Assemblée nationale. Elle est légitime en ce qu'elle participe à un financement durable et pérenne des prestations familiales et qu'elle tire toutes les conséquences de la compétence de protection de l'enfance des départements, à l'aube de l'acte III de la décentralisation. L'ADF y est favorable. Il est logique que le conseil général perçoive les prestations familiales lorsqu'il assure effectivement l'éducation de l'enfant. Un exemple : en Haute-Marne, pour 374 enfants placés auprès d'assistantes familiales 115 913 euros sont versés aux familles au titre de l'allocation de rentrée scolaire. Le 23 octobre dernier, le président de la République avait semblé favorable à cette initiative, nous assurant que la loi est ce qu'elle est mais qu'elle devait être appliquée.

Cette proposition de loi constitue un progrès. En Haute-Marne, le conseil général perçoit les prestations familiales dans 77 % des cas. Peut-être est-ce l'exception qui confirme la règle. Tout dépend du juge, pas de la situation des familles. En tout cas, cette proposition de loi a le mérite de clarifier les choses et de confirmer le rôle de chef de file du département en matière de protection de l'enfance. En ma qualité de président de conseil général, je porte un soin particulier à ce que les enfants placés bénéficient des meilleures conditions possibles.

M. Béchu a réalisé un excellent travail avec l'aide de la rapporteure. Il y a quelques années, sous une autre majorité, j'avais fait la même proposition. La ministre d'alors m'avait apporté la même réponse que vous, madame la ministre. J'en déduis que les ministres passent, l'administration reste, ce qui nous vaut d'entendre toujours les mêmes arguments. Pardon, mais ce n'est pas ça la politique. (Applaudissements à droite)

Mme Michelle Meunier .  - Protéger l'enfant, l'accompagner vers l'âge adulte, est une question extrêmement complexe. Revenir par petites touches sur la loi de protection de l'enfance nous fait perdre de vue l'ensemble. L'an dernier, nous l'avions modifiée pour autoriser le transfert des informations en cas de déménagement de la famille d'un enfant signalé. Maintenant, nous reviendrions sur le versement des allocations familiales ? Attention, car cette grande loi avait été votée de façon consensuelle.

Quelle est la réalité ? En Loire-Atlantique, le conseil général perçoit les allocations familiales pour 23 % des enfants placés. Cette proposition de loi poursuit l'objectif à peine masqué de renflouer les finances des départements.

M. Bruno Sido.  - Ce n'est pas un crime !

Mme Michelle Meunier.  - À rebours de la proposition de loi revenant sur la suspension des allocations familiales en cas d'absentéisme, ce texte stigmatise les familles. (Exclamations à droite) Pour trois quarts des enfants placés en Loire-Atlantique, les prestations familiales sont maintenues. Je n'en suis pas surprise quand la détresse économique explique le plus souvent le placement. Pourquoi vouloir punir les plus vulnérables en temps de crise ? Laissons le Haut conseil de la famille y réfléchir ?

M. Alain Bertrand.  - Assez de ces conseils !

M. Bruno Sido.  - À quoi sert le Parlement ? Quel déni de démocratie !

Mme Michelle Meunier.  - L'argument financier ne tient pas. Avec cette proposition de loi, on couvrirait à peine 0,4 % des dépenses des conseils généraux en la matière ! Voilà les raisons pour lesquelles je voterai contre. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée .  - « Le fait que nos actes puissent paraître bons ne garantit pas qu'ils soient éthiques », dit le dalaï-lama. Nous sommes très clairement dans une loi de confort. (Exclamations à droite) Pour preuve, les chiffres. Pour 80 % des enfants placés, des liens affectifs sont maintenus avec la famille. Dans 57 % des cas, les allocations familiales sont versées aux familles sur décision du juge. Chaque année, 2,6 millions d'euros sont versés à ce titre au conseil général. Pour combien d'euros faites-vous cette loi ? (Exclamations à droite)

Mme Catherine Procaccia.  - Ce n'est pas la question !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - J'ai été conseillère d'arrondissement pendant onze ans, conseillère générale...

Mme Catherine Procaccia.  - À Paris, ce n'est pas la même chose !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - À Paris, on n'est pas sur le terrain. Moi, je n'ai jamais cumulé les mandats et je mérite le respect pour mon parcours. Tout n'est pas autorisé.

Le droit existant suffit. Chaque placement est un cas particulier. Ainsi, tous les enfants d'une même famille ne sont pas forcément placés. La protection de l'enfance, c'est du sur-mesure. Le remède que vous proposez est pire que le mal ! (Exclamations à droite) Au reste, vous étiez contre l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire, prétendant qu'elle serait dépensée en écrans plats ou que sais-je !

Mme Catherine Procaccia.  - Ce n'est pas le sujet !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - C'est toujours la même philosophie ! Ce texte donnera un très mauvais signal. Certes, la maltraitance existe dans des familles aisées, mais on sait bien que les placements sont les plus fréquents dans les milieux modestes. Pourquoi les stigmatiser encore ? (Applaudissements sur les bancs écologistes et Mme Michelle Meunier applaudit aussi)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Daudigny.

Alinéa 7

Avant les mots :

Le montant

insérer les mots :

à compter du quatrième mois suivant la décision du juge,

M. Yves Daudigny.  - Cet amendement prévoit une période transitoire entre la décision de placement et la décision sur les allocations familiales, afin d'éviter un choc, d'autant que l'enfant peut dans ce délai retourner dans sa famille.

Mme Catherine Deroche, rapporteure.  - Favorable, à l'unanimité. Madame la ministre, vous venez de donner des chiffres. J'aurais aimé que vos services, auxquels nous les avons demandés à plusieurs reprises, nous les communiquent. (Applaudissements à droite)

M. Christophe Béchu, auteur de la proposition de loi.  - Tout n'est pas autorisé, avez-vous dit, madame la ministre. Vous nous stigmatisez en mettant en cause la sincérité de notre engagement pour la protection de l'enfance. J'ai découvert ce sujet par son côté le plus sombre : un procès, dans mon département, impliquant 66 adultes suspectés de faits de pédophilie abjects sur 44 enfants - dont le plus jeune avait 6 mois. La protection de l'enfance est le grand oublié de nos politiques. Personne n'a le monopole de la connaissance du terrain. Les associations de mon département soutiennent ce texte. Je voterai pour l'amendement n°2 rectifié.

M. Alain Richard.  - J'éprouve un sentiment de gêne d'entendre invoquer les associations. Je crains fort que la position du Gouvernement ne s'explique, non par l'influence de la haute administration, mais par la crainte de contrarier une association en particulier et de son écho médiatique. Le législateur doit assumer ses choix, qui ne sont motivés que par le souci de l'intérêt général. (Applaudissements sur un grand nombre de bancs)

Mme Isabelle Debré.  - Je travaille depuis vingt ans dans une association de protection de l'enfance. Nous n'avons pas de leçons à recevoir, madame la Ministre ! Le président de la République soutenait ce texte il y a quelques mois, pourquoi ce revirement ? Le président de la République n'aurait-il plus la même position que le président de conseil général ? La maltraitance se rencontre dans tous les milieux - il y a des comportements auxquels un animal ne se livrerait pas. Nous ne laissons aucune famille sur le bord de la route. Les associations sont partagées. N'oublions pas qu'une part des allocations familiales peut être maintenue à la famille. Militante active d'une association reconnue par votre ministère, je voterai cet amendement.

M. Christian Favier.  - Madame la ministre, ce texte ne stigmatise personne. Au contraire, il reconnaît l'action des travailleurs sociaux. Vous n'avez pas eu un mot pour eux, cela m'a quelque peu choqué. Ce texte donnera aux départements les moyens d'accueillir les enfants dans de bonnes conditions. Ne confondons pas prestations familiales et compléments de revenus. C'est en relevant les minimas sociaux qu'on règlera les problèmes des familles en détresse économique. (Applaudissements sur un grand nombre de bancs)

Mme Aline Archimbaud.  - Ce débat n'a apporté aucun argument nouveau. Les écologistes en restent à leur opposition à ce texte mécanique, automatique et aux dépens des familles.

M. Bruno Sido.  - Avez-vous lu la proposition de loi ?

M. Gérard Roche.  - Madame la ministre, nous avons le droit de penser autrement mais nous n'avons pas, ici, l'habitude de l'agressivité. Votre ton n'était pas de mise. Nous travaillons tous pour la protection de l'enfance.

Comme l'a dit à juste titre M. Favier, les travailleurs sociaux des départements sont tous les jours sur le front. Nous devons les reconnaître, les conforter. Eux ont besoin de tout notre soutien, plus que les associations malgré le respect qu'on leur doit ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Je n'ai pas voulu être agressive, j'ai dit mes convictions avec ma spontanéité et peut-être la fougue d'une novice.

M. Bruno Sido.  - D'accord.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Si le sujet était la protection de l'enfance, j'aurais parlé des travailleurs sociaux et de la loi de 2007 de M. Philippe Bas votée à l'unanimité. J'ai proposé de vous associer à la réflexion sur la réforme de la protection de l'enfance : toutes les suggestions seront bienvenues. Si j'ai cité les associations, ma référence est le discours du Premier ministre lors de la Conférence sur la pauvreté ; ni plus ni moins. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

L'amendement n°2 rectifié est adopté.

A la demande du groupe UMP, l'article premier modifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 346
Majorité absolue des suffrages exprimés 174
Pour l'adoption 330
Contre 16

Le Sénat a adopté.

Article 2

À la demande du groupe UMP, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 346
Majorité absolue des suffrages exprimés 174
Pour l'adoption 330
Contre 16

Le Sénat a adopté.

Interventions sur l'ensemble

Mme Nathalie Goulet .  - Peu compétente en matière sociale, je suis en revanche très attentive aux finances de mon département, très bien géré par notre ancien collègue Alain Lambert. L'Orne se singularise par des dépenses sociales supérieures à la moyenne nationale : 2,7 % contre 1,8 % en France métropolitaine.

Le nombre de placements a augmenté : 725 cette année contre 646 l'an dernier, pour un coût supplémentaire de plus d'un million d'euros. Le Sénat doit défendre les départements. C'est le seul intérêt du cumul des mandats : que des présidents de conseils généraux puissent faire ainsi entendre leur voix. Le groupe UDI-UC votera ce texte, qui envoie un bon signal.

M. François Zocchetto.  - Très bien !

M. Ronan Kerdraon .  - J'ai suivi les débats avec attention. Cette question transcende les clivages.

Mme Isabelle Debré.  - Ce n'est pas la première fois !

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Mais rare ces temps-ci.

M. Ronan Kerdraon.  - Je m'en félicite. Je ne suis ni président de conseil général, ni conseiller général.

M. Alain Gournac.  - Cela viendra ! (Sourires)

M. Ronan Kerdraon.  - Cette proposition de loi trouve son origine dans celle d'Yves Daudigny. C'est l'intérêt général qui est au coeur de notre travail, M. Richard l'a rappelé. En votant ce texte, nous faisons honneur au mandat que nos électeurs nous ont confié. Oui, osons : je suis fier de voter cette mesure de bon sens et d'équité, qui met en cohérence nos idées et nos actes. (Applaudissements à droite, au centre et sur de nombreux bancs socialistes)

M. André Reichardt .  - Je vais voter avec enthousiasme cette proposition de loi. Cela va de soi car je l'ai cosignée. J'ai toutefois un autre argument de poids : le dispositif est très équilibré. Je veux dire mon incompréhension devant la position du Gouvernement, qui accrédite l'idée selon laquelle les allocations familiales et l'allocation de rentrée scolaire seraient versées pour des seules raisons économiques, sans lien avec les charges de l'éducation d'un enfant. Cela, je ne peux pas l'accepter.

M. Michel Vergoz .  - On a beaucoup parlé de « stigmatisation » des familles... Je remercie l'UMP de nous avoir suivis et d'avoir repris la proposition de loi de M. Daudigny.

Mme Isabelle Debré.  - C'est le contraire !

M. Michel Vergoz.  - Preuve que l'on peut encore nous faire confiance ! (Sourires)

Pour les conseils généraux, les allocations familiales et l'allocation de rentrée scolaire ne représenteraient que des prunes. Il faudra préciser les chiffres des placements judiciaires - seuls visés ici - et des placements administratifs. Saluons l'action des travailleurs sociaux, qui empêchent bien souvent d'en arriver à la séparation de l'enfant de sa famille. Grâce à eux, la solution judiciaire n'intervient qu'en dernier recours.

Interrogeons-nous sur la place primordiale qui doit être celle de l'enfant. Le retour entier de l'allocation de rentrée scolaire au profit du conseil général et, donc, de l'enfant est une mesure de justice. Ce texte, équitable et responsable, est conforme à nos engagements socialistes. (Applaudissements sur plusieurs bancs)

Mme Michelle Meunier .  - Je confirme mon vote contre, sur la forme et sur le fond. Ce texte n'envoie pas un bon signal. J'attends une vraie réforme des allocations familiales.

M. Jean-Pierre Raffarin .  - Il y a des jours où l'on est fier du Sénat ! Quels que soient les engagements politiques, nous avons su nous retrouver. Monsieur Vergoz, vous avez parfaitement raison, la proposition de loi Béchu reprend la proposition de loi Daudigny d'octobre. C'est que celle-ci reprenait la proposition de loi Béchu de juillet ! Appelons-la la proposition de loi Béchu-Daudigny. (Rires ; applaudissements à droite)

À la demande du groupe UMP, l'ensemble de la proposition de loi, modifiée, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 346
Majorité absolue des suffrages exprimés 174
Pour l'adoption 330
Contre 16

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur un grand nombre de bancs)

La séance est suspendue à 17 h 10 pour reprendre à 21 heures.

*

* *

présidence de M. Charles Guené,vice-président

La séance reprend à 21 h 10.

Débat sur le droit de semer et la propriété intellectuelle

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur le droit de semer et la propriété intellectuelle, à la demande du groupe CRC.

M. Gérard Le Cam, pour le groupe communiste, républicain et citoyen.   - Le droit de semer, c'est le droit de resemer sa récolte, de choisir librement ses semences, de procéder à des échanges, des sélections, des recherches. Comment dans le domaine du vivant concilier droit de propriété et les droits universels que les hommes tiennent de leur patrimoine commun ?

La réglementation européenne évolue, avec la mise en place d'un brevet européen unitaire, la réforme de la PAC et celle du Certificat d'obtention végétale (COV). Au-delà, d'autres accords tentent d'imposer une vision ultralibérale de l'agriculture, en faisant de la recherche une bulle spéculative - une société qui détient 100 brevets a plus de valeur financière qu'une autre qui n'en détient que dix. Parallèlement, la protection juridique des opérations commerciales se développe - projet Acta, heureusement rejeté par le Parlement européen, accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne. Face à une offensive des puissances financières telles que Monsanto ou Syngenta qui risque d'accaparer toute la filière semencière, l'Europe doit être ferme pour défendre les droits des agriculteurs, des obtenteurs et le COV.

Il est essentiel de ne pas se tromper d'adversaire. La législation française a ouvert un conflit entre obtenteurs et paysans au prétexte de protéger le COV. Or la vraie menace vient du marché et des dérives du brevetage. Or la loi de 2011, en interdisant les semences de ferme sauf paiement a fait des agriculteurs des contrefacteurs potentiels. Les semences de ferme ne sont pourtant pas un obstacle à la recherche. Le système du COV et le principe de l'exception du sélectionneur ont dynamisé la recherche. Newton disait « avoir vu plus loin que les autres parce qu'il était juché sur les épaules des géants » ; le savoir se nourrit du passé. Cependant, les limites entre l'invention et la découverte se sont peu à peu effacées : comment accepter qu'un gène natif puisse faire l'objet d'un brevet ? C'est privatiser le patrimoine génétique mondial, l'héritage séculaire que nous ont laissé les paysans et la nature elle-même. Les conséquences dans le domaine agricole sont très graves. Limagrain verse à Monsanto au titre des brevets un montant équivalent aux bénéfices que réalise l'entreprise sur le marché américain grâce à la vente de semences.

Face à l'appropriation capitalistique des végétaux, la France a mis en place le système du COV par la loi du 8 décembre 2011, bien différent du brevet : un autre obtenteur peut utiliser sans coût la variété protégée pour en créer une autre, c'est l'exception du sélectionneur. Avec le COV, la recherche est accessible à tous. Mais le COV n'interdit pas le brevet, il ne protège pas les agriculteurs et les obtenteurs contre ses effets dévastateurs : aux États-Unis, les agriculteurs achètent des semences brevetées pour ne pas se faire attaquer en cas de contamination de leur récolte... Le COV a cependant des inconvénients majeurs.

Depuis 1961, les conventions de l'Union pour la protection de l'obtention végétale (Upov) n'interdisent pas de développer une variété découverte dans le champ d'un paysan ; le COV valide l'appropriation gratuite des semences paysannes accompagnée d'une tolérance pour les semences de ferme. Dès 1970, le système est remis en cause, les semences fermières sont interdites. Mais il est difficile d'apporter la preuve de la contrefaçon ; dans les faits, la pratique des semences de ferme perdure. Dans les années 1980, un accord interprofessionnel tentera d'interdire le triage à façon. L'Upov connaît d'importantes transformations dans les années 1990 : la convention Upov de 1991 étend les droits d'un titulaire d'un COV aux « variétés essentiellement dérivées », notion très contestable scientifiquement et très fragile juridiquement. Erreur considérable ! En voulant protéger le COV on l'a affaibli, on a perdu la guerre et l'honneur contre la brevetabilité du végétal.

M. Rémy Pointereau.  - Pas du tout !

M. Gérard Le Cam.  - On a changé d'approche : avec la « variété essentiellement dérivée », on a regardé les gènes de la variété pour déclarer si elle était nouvelle ou pas. L'affaire du gène de résistance de la laitue au puceron en illustre à merveille les dangers : un brevet a été obtenu par une entreprise néerlandaise, alors qu'une entreprise française, Gautier, avait bien avant sélectionné une lignée de laitues résistante, sans problème de nanisme des salades ; elle n'avait pas déposé de brevet. La société néerlandaise a demandé aux sélectionneurs de semences potagères d'acquitter une redevance... Finalement, des accords financiers ont été trouvés avec les semenciers, à l'exception de Gautier, trop petite. Il est fondamental ne pas accepter ces brevets ; il faut aussi mutualiser les efforts pour qu'agriculteurs et semenciers ne soient pas isolés.

La protection du COV a été étendue à des fins d'écoulement commercial des semences et des plants. Le règlement communautaire du 17 juillet 1994 fait des semences fermières des dérogations facultatives : elles ne sont autorisées que pour 21 espèces, sous réserve du paiement d'une rémunération aux obtenteurs. De plus, cet usage est strictement limité à l'exploitation de l'agriculteur ; les échanges de semences de ferme protégées par un COV appartenant à un tiers sont interdits.

En dépit de cette réglementation, la majorité des agriculteurs européens a continué d'utiliser les semences fermières sans payer de royalties, sauf pour le blé ferme.

M. Rémy Pointereau.  - Très bien !

M. Gérard Le Cam.  - La loi de décembre 2011 a durci les contraintes illégitimes pesant sur les agriculteurs ; le groupe CRC s'y était opposé au nom du principe du partage des avantages garanti par le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture.

Les semences de ferme devraient, par principe, être autorisées ; l'agriculteur paie l'obtenteur au moment où il achète la semence certifiée et on en reste là. Il faut modifier en conséquence l'article L.623-4-1 du code de la propriété intellectuelle. Il faut ensuite limiter le régime de contrefaçon prévu à l'article L.623-4-4. La loi de 2011 qualifie les semences de ferme de contrefaçon de variété commerciales et étend les sanctions au produit de la récolte, même lorsque ces semences n'en reproduisent pas les caractères distinctifs et que le produit de la récolte n'est pas vendu sous la dénomination variétale. Hors ces deux conditions, le régime de la contrefaçon ne devrait pas s'appliquer.

Ensuite, le code rural prévoit une obligation de déclaration des semences fermières, ce qui facilite le contrôle des obtenteurs et crée une présomption de contrefaçon. En 2011, le ministre de l'agriculture précisait que le dispositif n'entraînerait aucune charge financière. Nous proposons de limiter le dispositif, étendu par la loi de 2011 à tout plant « destiné à être planté ou replanté », y compris dans le cadre du jardinage amateur...

S'agissant du mode de collecte de l'indemnité due, les agriculteurs ne demandent jamais le remboursement de la cotisation auquel ils ont droit. Il faut préciser la question des échanges de variétés protégées ; ils doivent être permis en cas de pénurie. Et l'autorisation doit être plus large pour les semences paysannes. La direction générale de la santé propose d'exclure du champ d'application du catalogue le matériel de reproduction destiné à des fins de sélection ou à des banques de gènes - qui ne font que de la conservation. La gestion dynamique à la ferme est une méthode de conservation en soi. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'échange en nature entre personnes autres que les opérateurs ? Les agriculteurs qui ne produisent que des semences fermières ne doivent pas être qualifiés d'opérateurs et doivent pouvoir échanger. Enfin, les paysans s'inquiètent de la définition de la variété dans le code de la propriété intellectuelle. Il faut ouvrir les critères pour l'inscription au catalogue.

Face à la finance, tous doivent travailler ensemble à une réglementation qui prenne en compte les intérêts de chacun. Le Gouvernement entend-il organiser une telle concertation ? Tous les syndicats seront-ils associés ? La réglementation éthique et politique est en retard par rapport à la science et aux appétits commerciaux. Quel modèle agricole voulons-nous ? Allons-nous nous armer pour lutter contre la brevetabilité du vivant, qui menace notre agriculture ? Nous semons ; demain, nous voulons récolter notre liberté économique, intellectuelle et écologique. (Applaudissements sur les bancs CRC et quelques bancs socialistes)

M. Rémy Pointereau .  - Ce débat remet en cause la loi relative aux COV adoptée le 8 décembre 2011, avec l'abstention du parti socialiste. Son décret, qui n'est toujours pas paru, donnerait aux agriculteurs la possibilité de bénéficier d'un vrai potentiel de semences. Cette loi a renforcé la spécificité du COV qui, contrairement au brevet, favorise l'innovation variétale et l'accès libre à la biodiversité. Elle sécurise le financement de la recherche, autorise la pratique des semences fermières. La grande majorité des organisations professionnelles agricoles sont d'accord.

Certains ont voulu opposer éleveurs et céréaliers à coup de contre-vérités. Il n'est pas question d'interdire les semences fermières, au contraire : la proposition de loi légalise leur utilisation. Contrevérité encore : loin de rendre les agriculteurs dépendants des financiers privés, elle défend les semenciers français face aux multinationales anglo-saxonnes et chinoises.

Malgré les avancées du texte, qui convenait même aux écologistes, la Confédération paysanne veut remettre en cause tout le travail mené depuis 2006. Nous devons pourtant relever le défi de la sécurité alimentaire et augmenter la production alimentaire de 70 % d'ici 2050 pour nourrir la planète, dit la FAO. Produire plus et mieux, voilà l'enjeu. Toute la filière semence est mobilisée : à elle de proposer des solutions à la crise agricole. Nous n'avons pas pléthore de solutions, sinon la recherche. Il ne s'agit pas ici de relancer le débat sur les OGM - quoique...

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.  - À vous de voir !

M. Rémy Pointereau.  - L'obtenteur, c'est celui qui met au point les nouvelles variétés qui répondront aux contraintes de l'agriculteur comme aux nouvelles attentes de la société. Elles contribuent à l'émergence d'une agriculture productive et durable, pour employer un mot que je n'aime guère. Certaines variétés modernes de blé sont moins dépendantes des engrais chimiques et des fongicides, ont un rendement supérieur aux variétés anciennes.

Financer la recherche variétale ne va pas de soi. Il n'est pas question, en ces temps de crise, de solliciter l'État : tablons sur le droit de propriété intellectuelle - pour le blé, 5 centimes d'euro par quintal. Il est logique que le travail de longue haleine qu'est l'obtention soit rémunéré - M. Raoul qui vient d'une région, l'Anjou, où les semenciers sont légion ne me démentira pas !

La loi de 2011 assure la juste rétribution de l'effort de recherche via le COV. Transposant la convention internationale Upov, elle stipule que chacun est libre d'utiliser une variété protégée par un COV en contrepartie d'une rémunération au sélectionneur qui l'a créée. Avec 72 entreprises de sélection, pour l'essentiel des PME, la France est à la pointe de l'innovation en recherche variétale. La loi COV est un grand pas pour préserver le dynamisme de la recherche et la compétitivité de la filière. Elle reconnaît et revalorise le métier de sélectionneur, au coeur des grands enjeux du XXIe siècle.

La progression des rendements depuis les années 1950 tient à la sélection végétale. Mais ils stagnent depuis les années 1990, en raison des aléas climatiques, de la diminution des intrants et, surtout, de la baisse de la recherche. La recherche doit apporter des solutions, les entreprises de sélection doivent pouvoir tirer les fruits de leur travail pour la financer. Nos obtenteurs - souvent des PME - ont besoin d'être confortés. La France est le premier producteur européen, le deuxième exportateur mondial de semences. Les COV protège les obtenteurs, les multiplicateurs, les agriculteurs ; c'est le meilleur rempart contre la brevetabilité du vivant.

Monsieur le ministre, à quand la publication du décret prévu par la loi de 2011 ? Il aidera à la création d'emplois, sans un sou de l'État ! Conservons nos atouts, et trouvons un juste équilibre ! (Applaudissements à droite et sur quelques bancs socialistes)

M. Richard Yung .  - Merci au groupe CRC d'avoir pris l'initiative de ce débat. Nous ne partageons pas sa position : l'abrogation de la loi de 2011 ne sert à rien puisque la France est signataire de la convention Upov. (MM. Rémy Pointereau et Daniel Raoul approuvent) Mieux vaut que nous élaborions nous-mêmes notre propre législation. Soixante-douze entreprises de sélection et 240 de production, 20 000 agriculteurs faisant du développement de variétés, 15 000 salariés, près de 3 milliards de chiffre d'affaires : la filière semence est majeure entre Angers et Nantes mais aussi un peu plus au nord...

M. Rémy Pointereau.  - Dans le Cher !

M. Richard Yung.  - Nous sommes toutefois talonnés par les Chinois et les Brésiliens... Les Brics arrivent...

La propriété intellectuelle est-elle une entrave au droit de semer ? Non. Le COV autorise l'utilisation de la variété pour en créer une nouvelle, c'est l'exception du sélectionneur et l'utilisation par les exploitants agricoles d'une partie du produit de leur récolte pour ensemencer les suivantes, c'est l'exception de l'agriculteur. C'est un rempart contre la brevetabilité des obtentions végétales (M. Gérard Le Cam s'exclame) voulue par les États-Unis, le Japon ou encore l'Australie. Les négociations vont reprendre, il importe que l'Europe joue un rôle de leader.

La jurisprudence de la chambre des recours de l'Office européen des brevets sur la non-brevetabilité des procédés essentiellement biologiques pour l'obtention des végétaux se stabilise ; elle conforte le COV. L'accord intergouvernemental sur la juridiction unifiée du brevet, à venir, va dans le même sens. L'extension de la protection aux variétés essentiellement dérivées évite que l'introduction d'un gène breveté dans une variété existante aboutisse à un droit de propriété sur l'ensemble de la variété. La loi de 2011 a trouvé un équilibre entre le respect d'un droit plus qu'ancestral - le privilège du fermier - et la protection intellectuelle. La pratique des semences fermières présente de nombreux avantages : traçabilité, sécurité, respect de l'environnement et de la biodiversité. Néanmoins, elles sont utilisées sans contrepartie financière - ce qui place les agriculteurs en situation de contrefaçon. J'encourage le Gouvernement à élargir la liste d'exceptions. Ne laissons pas les agriculteurs seuls face aux entreprises financières, la priorité doit être donnée aux négociations interprofessionnelles ; l'État ne doit intervenir par la voie règlementaire qu'en dernier recours. Dans la situation de crise que connaissent les agriculteurs, il importe que l'indemnité versée en contrepartie de l'utilisation de semences de ferme soit sensiblement inférieure au montant perçu pour la production sous licence de semences de la même variété.

Des accords similaires à celui relatif au blé tendre ont-ils été signés depuis la loi de 2011, monsieur le ministre ? Envisagez-vous d'exonérer d'indemnité les agriculteurs qui produisent des semences de ferme produites dans un but d'autoconsommation ? Quid du financement de la recherche variétale ? Les conditions dans lesquelles les agriculteurs seraient autorisés à pratiquer le triage à façon doivent être clarifiées.

La loi de 2011 laisse plusieurs questions en suspens, parmi lesquelles celle de l'exception du sélectionneur pour les agriculteurs qui n'ont pas les moyens d'extraire d'une variété génétiquement modifiée les caractères brevetés. Je pense aussi à la transmission d'informations et aux variétés anciennes. En 2008 et 2010, trois nouvelles listes de variétés anciennes ont été ouvertes en France au catalogue officiel : deux de « variétés de conservation » et une de « variétés dont la récolte est principalement destinée à l'autoconsommation ».

Trois nouvelles listes de variétés anciennes ont été ouvertes. Sous quelles conditions envisagez-vous le développement de ces listes ? Votre ministère et l'interprofession des semences prennent en charge l'inscription sur les listes de ces variétés, qui doivent être distinctes, homogènes et stables. Or nombreuses sont les variétés anciennes qui ne remplissent pas ces conditions...

Pour lutter contre la contrefaçon, j'avais proposé naguère de spécialiser un tribunal de grande instance en matière de variété. S'il n'y a que cinq ou dix cas par an, la question est complexe. (M. Daniel Raoul approuve) On pourrait le situer à Angers, ou plutôt à Paris - pour éviter toute interférence... J'ai d'autres pistes, que je tiens à votre disposition ! (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs à droite)

Mme Mireille Schurch .  - Élue d'un département rural, je suis sensible aux préoccupations des agriculteurs, qui on vu dans la loi de 2011 une attaque contre les semences fermières. Ce débat s'est crispé autour de l'opposition entre deux modèles, productiviste et traditionnel. Monsieur le ministre, vous dites vouloir faire de la France un modèle d'agro-écologie. Avec les semences fermières, les agriculteurs reviennent à des pratiques vertueuses : elles permettent de limiter les maladies et de diminuer l'utilisation des fongicides. Les semences fermières respectent les circuits courts et ne sont pas délocalisables. Le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture (Tirpaa), ratifié en 2005, affirme que le droit d'utiliser les semences fermières est un droit fondamental des agriculteurs. Or les semences industrielles ont puisé dans les semences paysannes, interdites ou tolérées sous condition de rémunération. Un premier pas vers la protection des semences fermières serait d'élargir la liste des 21 espèces prêtant à dérogation et de relever le tonnage au-delà duquel la pratique des semences fermières donne lieu à paiement. Une concertation avec les acteurs s'impose. Nous prônons la légalisation totale des semences fermières et souhaitons que soient autorisés les échanges. Les semences fermières ont montré leur utilité aux côtés des semences industrielles - par exemple pour compenser le déficit fourrager dû à la sécheresse en 2011. La filière semencière française a fait la preuve de son excellence. Les semences fermières sont loin de mettre en péril la recherche. Toute la filière agro-alimentaire en bénéficie. Ce sont les coupes budgétaires, la politique d'austérité, qui affaiblissent la recherche publique !

De plus, certaines activités liées au contrôle des semences sont fragilisées en raison de la baisse importante de la subvention à l'Inra. L'autocertification, proposée par la Commission européenne, serait une option dangereuse que nous refusons. Quelle est la position du Gouvernement ?

Enfin, les grandes firmes ont développé depuis des années une stratégie d'appropriation du vivant. Benjamin Coriat décrit la mue du brevet qui ne récompense plus le chercheur mais vise à créer des monopoles. Les semenciers français en ont conscience ; ils militent contre la brevetabilité des gènes natifs. Que fera la France en Europe ? (Applaudissements sur les bancs CRC et socialistes)

M. Jean-Jacques Lasserre .  - Évitons les caricatures et les oppositions simplistes entre semenciers et agriculteurs. Sachons trouver un juste équilibre. C'est une urgence quand il faudra nourrir 9 milliards de bouches en 2050. C'est aussi un enjeu économique puisque la France est le premier exportateur de semences devant les États-Unis et le premier producteur européen.

Le métier de semencier s'est ouvert dans les années 1970 pour devenir la proie des agrochimistes avec l'arrivée de Shell... La crainte du monopole est fondée. Bayer, Monsanto et les autres grands acteurs détiennent les deux tiers du marché, le reste des semences est produit par des petites entreprises et des agriculteurs. Monsanto consacre un milliard d'euros à la recherche, les 72 semenciers français, 250 millions. Donnons-leur les moyens d'investir dans l'innovation. Ma région d'Aquitaine héberge deux grands groupes spécialisés, maïs Adour et Pau Euralis. La France ne peut pas, pour des questions d'indépendance alimentaire, se laisser dominer par les géants américains.

De là la loi sur les COV de 2011, qui transpose la convention Upov et le règlement européen de 1994. Pour la mettre en oeuvre, nous attendons la publication de pas moins de onze décrets...

Certaines associations militent pour l'abrogation de cette loi au nom du pouvoir d'achat des agriculteurs. Cela assécherait le financement de la recherche et, à terme, notre souveraineté alimentaire pour laquelle ces mêmes associations disent se battre. Leurs propositions sont excessives et vont à rebours des intérêts des agriculteurs.

Deux grands modèles s'affrontent : le COV en Europe et le brevet choisi par les États-Unis, l'Australie, le Canada ou le Japon. Le COV garantit au sélectionneur la protection de la dénomination de l'obtention et la rémunération de la découverte durant 20 à 30 ans. En reconnaissant le privilège de l'agriculteur et l'exception du sélectionneur, il met le savoir à disposition de tous, ce qui le distingue clairement du brevet.

Bref, le COV est une solution intermédiaire et équilibrée. Les OGM sont un tout autre sujet ; nous aurons l'occasion de discuter des espèces autogames, des espèces hybrides. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Daniel Raoul .  - Merci au groupe CRC de nous donner l'occasion de faire le point sur la loi relative aux COV de 2011. Monsieur Pointereau, nous étions à l'époque inventeurs et obtenteurs de ce texte, vous comme rapporteur, nous comme contributeurs.

Élu du Maine-et-Loire, scientifique de surcroît, je ne pouvais pas ne pas intervenir. Nous hébergeons entre autres l'Office communautaire des variétés végétales, la Station nationale d'essai de semences (SNES), le Groupement national des semences interprofessionnels et des plants, ... Tout le Val-de-Loire accueille ce secteur hautement stratégique. Deuxième exportateur de semences, la France - mon département en particulier - doit concourir à assurer et à sécuriser l'alimentation du monde.

Le COV est, en fait, semblable à un logiciel libre, ce qui garantit la non-appropriation du vivant et l'accès à la variété protégée. En cela, il protège notre bien commun en concourant à la recherche et au développement - toute la chaîne se tient donc, du début à la fin.

Si je défends le modèle du COV, je ne dresserai pas pour autant un panégyrique de la loi de 2011. Celle-ci a certes eu le mérite de nous mettre en conformité avec le droit européen. Entre autres, nous devons assurer la pluralité de la recherche et aussi financer la recherche privée. Monsieur le ministre, nous attendons encore une dizaine de décrets, des décrets simples, aux décrets en Conseil d'État. Où en sommes-nous ?

Qu'est-ce qu'une variété essentiellement dérivée ? Le sujet est compliqué, je ne vais pas vous faire un cours, encore moins une interrogation écrite à la sortie de l'amphi... (Sourires)

Mme Annie David.  - Ça dérive un peu !

M. Daniel Raoul.  - L'accord « blé tendre » de juin 2011 a fait la preuve que l'on pouvait trouver des compromis entre agriculteurs et semenciers. Inspirons-nous en pour généraliser les accords interprofessionnels et instaurer la contribution volontaire obligatoire - la CVO.

Le soutien à la recherche publique est indispensable, d'autant que les industriels ne privilégient pas forcément les espèces qui consomment le moins d'intrants. Je vous renvoie à l'échec annoncé du plan Écophyto 2018.

En revanche, demander aux agriculteurs de payer des royalties sur l'autoconsommation est absurde. Idem sur les semences utilisées pour les bandes de cinq mètres au titre de la biodiversité. Je connais un agriculteur de Savennières, où ne pousse pas que la vigne, qui cultive des légumes anciens par plaisir. Il lui est interdit de les donner à l'Inra. Certains s'égarent parfois dans ses champs le week-end et le tour est joué...

Il faut simplifier l'inscription au catalogue des variétés anciennes, éventuellement avec une aide de votre ministère, et veiller à maintenir l'exception COV pour le végétal dans le cadre du brevet unique européen ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et UMP)

M. Joël Labbé .  - Le groupe CRC rouvre un débat nécessaire. Le cadre européen, complexe, est particulièrement complaisant avec les grands groupes semenciers internationaux. La loi de 2011 a provoqué une vive émotion chez certains agriculteurs comme au sein de la communauté scientifique.

Parce qu'elle privilégie les droits des obtenteurs pour toutes les variétés, à l'exception de 21 d'entre elles, elle ne se contente pas de transposer la convention Upov. La légitimité de l'obtenteur doit se limiter au service qu'il ajoute à un bien commun, pas moins mais pas plus. Ce texte ouvre la porte à un brevet unique européen qui aboutira à la distinction, à l'homogénéité et à la stabilité de la semence et, donc, à une uniformisation des variétés. Cela convient aux firmes semencières, consommatrices d'intrants, mais ne va pas dans le sens de la biodiversité, de l'intérêt général, de l'intérêt supérieur de l'humanité. La biodiversité cultivée a reculé de 50 % dans les 50 dernières années, selon la FAO. Or l'humanité a besoin de cette diversité. Cinq compagnies contrôlent 75 % de la semence potagère mondiale, vieille de plusieurs milliards d'années. L'échange de semences entre agriculteurs contribue, au contraire, à la variété des semences et à l'adaptation au milieu. À nous de le défendre !

La loi de 2011 a fait des semences fermières et des échanges de semences des contrefaçons de variétés commerciales. Les semences fermières sont pourtant des compléments indispensables aux variétés commerciales. Un décret ne suffirait pas à modifier l'article L. 623-1 du code de la propriété intellectuelle, mais aiderait à mieux protéger la biodiversité culturale, un patrimoine inestimable pour nos générations futures ! (Applaudissements sur les bancs écologistes et CRC)

M. Raymond Vall .  - Droit de semer et propriété intellectuelle semble a priori inconciliables. La loi de 2011, avec le COV, a entendu résoudre ce dilemme. Le groupe RDSE l'a soutenue en considérant qu'elle représentait la moins mauvaise solution. Le COV, sorte de logiciel libre initié par la France a été adopté par 69 pays; il aurait été curieux de ne pas y conformer notre législation nationale. Nous n'avions pas pu amender la loi de 2011, pour étendre la liste des 21 variétés ni exonérer de COV les agriculteurs utilisant les semences de ferme ; il est vrai qu'un changement de majorité était intervenu entretemps...

La richesse variétale limite l'apport d'intrants quand certains industriels s'évertuent à développer les espèces hybrides, non reproductibles. Pourquoi laisser la poule aux oeufs d'or aux mains d'une poignée d'industriels et écarter les milliers d'agriculteurs qui concourent à notre biodiversité ?

Puisqu'il y aura 9 milliards d'individus à nourrir en 2050, il y aura de la place pour tous les modèles d'agriculture.

Monsieur le ministre, nous attendons les décrets de la loi de 2011. Faut-il étendre la protection du COV à la récolte et aux semences produites par l'agriculteur lui-même ? Quid des variétés anciennes ?

Une large concertation sera nécessaire. La juxtaposition du brevet et du COV reste un problème majeur. Envisagez-vous, monsieur le ministre, de modifier la législation pour que les semences anciennes et nouvelles librement reproductibles sortent du champ de la législation actuelle sur le commerce des semences ? Qu'entendez-vous faire pour donner à la recherche publique les moyens de relever le défi alimentaire à venir ? (Applaudissements sur plusieurs bancs)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt .  - Merci pour la qualité de vos interventions. Vous êtes des spécialistes du vivant, des semences, mais ce débat engage aussi un choix de société. Il y avait à choisir entre obtention et brevetage.

Je resterai ce soir sur les questions de principe : pour moi, l'obtention est clairement préférable. C'est un choix politique que nous devons affirmer avec force : je défends l'obtention végétale sur le brevet, parce que je suis pour la liberté contre la captation que représente souvent le brevetage.

M. Daniel Raoul.  - Très bien !

M. Rémy Pointereau.  - C'est déjà pas mal ...

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - La France est reconnue pour son expertise. Mon homologue ukrainien m'a interrogé récemment sur les semences, preuve que l'enjeu est aussi économique. D'autant que la filière s'appuie sur un tissu de PME et investit 13 à 15 % de son chiffre d'affaires dans la recherche. Le fait est assez rare pour mériter d'être souligné. Voilà la base de notre discussion.

L'obtention végétale est le fruit d'une sélection variétale empirique pratiquée durant des siècles, puis de la science. M. Griffon parle à raison de « science implicative » ; les chercheurs peuvent s'appuyer sur l'expérience des agriculteurs, c'est une dialectique qui peut être fructueuse. Monsieur Le Cam, monsieur Labbé, trouvons le bon équilibre entre un secteur économique des semences qui réussit, une recherche qui est reconnue internationalement et des agriculteurs dont le droit de ressemer doit être garanti. Ce sera le but de la concertation qui s'ouvrira pour aboutir à la publication de quatre décrets - et non dix - au premier semestre 2013.

M. Daniel Raoul.  - Ni quatre ni dix, onze !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  Bien sûr, la protection du COV ne doit pas s'étendre à la récolte et à l'autoconsommation ; bien sûr, nous prendrons exemple sur l'accord interprofessionnel « blé tendre » ; bien sûr, il faudra étendre les exceptions tout en conservant le cadre de la loi de 2011.

Parallèlement, n'opposons pas recherche publique et privée, chacune doit contribuer à l'amélioration des variétés.

Je mène une réflexion sur la question des échanges. La loi à venir sur les groupements d'intérêt économique et écologique sera le cadre adapté pour avancer.

Voilà les enjeux que je retiens de ce débat, même si d'autres ont été évoqués. Dans un système stable, il doit y avoir des possibilités d'obtention végétale. Nous garderons le cadre de la loi de 2011, en poursuivant l'objectif de défendre l'obtention contre le brevetage. Alors que les États-Unis, le Japon et l'Australie sont pour le brevetage, l'Europe défend l'obtention. La France et l'Allemagne sont sur la même ligne : il s'agit d'un enjeu stratégique. Des améliorations, des adaptations sont possibles pour assurer la liberté des acteurs, le financement de la recherche et la place de leader de la France. Les champs ouverts sont immenses ! (Applaudissements sur la plupart des bancs)

M. Daniel Raoul.  - Joli !

Prochaine séance demain, jeudi 28 mars 2013, à 9 heures.

La séance est levée à 23 h 15.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du jeudi 28 mars 2013

Séance publique

DE 9 HEURES À 13 HEURES

1.Proposition de loi relative à l'instauration du 27 mai comme journée nationale de la Résistance (n° 350, 2012-2013)

Rapport de M. Ronan Kerdraon, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 433, 2012-2013)

Texte de la commission (n° 434, 2012-2013)

À 15 HEURES

2.Questions d'actualité au Gouvernement

DE 16 HEURES 15 À 20 HEURES 15

3.Proposition de loi visant à l'abrogation du délit de racolage public (n° 3, 2012-2013)

Rapport de Mme Virginie Klès, fait au nom de la commission des lois (n° 439, 2012-2013)

Texte de la commission (n°°440, 2012-2013)

4. Question orale avec débat n° 2 de Mme Aline Archimbaud à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les droits sanitaires et sociaux des détenus