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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Dépôt d'un rapport

Simplification des normes (Deuxième lecture)

Discussion générale

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Mme Jacqueline Gourault, rapporteure de la commission des lois

M. Éric Doligé

M. Jean-Pierre Michel

Mme Éliane Assassi

M. Jean-Claude Requier

Mme Hélène Lipietz

M. Jean Boyer

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée

Discussion des articles

ARTICLE 6

ARTICLE 10

ARTICLE ADDITIONNEL

ARTICLE 18

ARTICLE 19

ARTICLE 28 BIS (Suppression maintenue)

Interventions sur l'ensemble

M. André Reichardt

Mme Éliane Assassi

Application de l'article 11 de la Constitution (Deuxième lecture)

Discussion générale commune

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Jean-Pierre Sueur, président et rapporteur de la commission des lois

M. Hugues Portelli

Mme Éliane Assassi

M. François Zocchetto

M. Jacques Mézard

Mme Hélène Lipietz

M. Jean-Pierre Michel

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux

Discussion des articles du projet de loi organique

ARTICLE 4

Discussion des articles du projet de loi ordinaire

ARTICLE PREMIER A

Débat sur la pollution en Méditerranée

M. Bruno Sido, président de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

M. Roland Courteau, rapporteur de l' OPECST

Mme Laurence Rossignol

Mme Isabelle Pasquet

Mme Chantal Jouanno

M. Jean-Claude Requier

M. Ronan Dantec

Mme Hélène Masson-Maret.

Mme Odette Herviaux

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Accord en CMP

Question prioritaire de constitutionnalié




SÉANCE

du mercredi 12 juin 2013

114e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de M. Jean-Pierre Raffarin,vice-président

Secrétaires : M. Alain Dufaut, M. François Fortassin.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Dépôt d'un rapport

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur l'application de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français expatriés. Ce rapport a été transmis à la commission des finances ainsi qu'à la commission des affaires culturelles.

Simplification des normes (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, de simplification du fonctionnement des collectivités territoriales.

Discussion générale

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - Le sujet qui nous occupe aujourd'hui est essentiel ; c'est une préoccupation majeure des élus locaux. Lors des états généraux de la démocratie locale, le président de la République a dit sa volonté d'une véritable simplification des normes. Le Sénat a beaucoup travaillé cette question, notamment à l'initiative de M. Doligé. Sa proposition de loi, examinée à l'Assemblée nationale en même temps que celle de M. Morel-A-L'Huissier, était pragmatique : pour autant, elle n'a pas été adoptée car le Sénat a voulu la coordonner avec le projet de loi de modernisation de l'action politique mais aussi la proposition de loi Gourault-Sueur, qui porte davantage sur les principes.

Nous avons travaillé ensemble sur tous ces textes pour aboutir à un dispositif utile. Au cours de la navette, le présent texte a été amélioré, enrichi, revu afin d'apporter une meilleure réponse aux attentes des élus locaux. Le Gouvernement le considère comme équilibré ; il adhère aux propositions de la commission des lois et regardera avec bienveillance les quelques amendements de séance. Notre but commun est de parvenir à un texte consensuel afin qu'il soit rapidement adopté définitivement et mis en oeuvre.

Ce texte s'inscrit dans la démarche du Gouvernement, qui entend simplifier, clarifier, apporter des réponses concrètes et maîtriser les dépenses. La simplification des normes y contribuera. Le Gouvernement est sensible à votre volonté commune de trouver des solutions utiles et immédiatement applicables. Merci à vous tous. (Applaudissements sur les bancs UDI-IC)

Mme Jacqueline Gourault, rapporteure de la commission des lois .  - Le titre de cette proposition de loi a été modifié à l'Assemblée nationale avant son retour devant nous en deuxième lecture. Ce texte fait suite aux travaux de notre collègue Doligé ; ceux de la délégation aux collectivités territoriales, sous l'impulsion de Claude Belot, avaient identifié, en 2011, les sections les plus touchées par ce phénomène accablant qu'est l'inflation normative.

L'initiative de M. Doligé constitue un premier pas important, mais beaucoup reste à faire pour répondre à l'attente des élus.

Cette proposition de loi a été adoptée le 12 décembre 2012 par le Sénat, après avoir été modifiée. Nous avions ainsi supprimé, pour des raisons juridiques, le principe général de proportionnalité des normes ; renforcé les pouvoirs de la commission consultative d'évaluation des normes en intégrant la commission d'examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs ; clarifié les dispositions de l'article 18 relatives à la création et à la dissolution des CCAS et CIAS ; supprimé les dispositions relatives aux lotissements et au stationnement, qui posaient des problèmes pratiques et d'ordre constitutionnel.

L'Assemblée nationale a adopté cette proposition de loi le 26 février et a souscrit pour une large part aux choix du Sénat. Cependant, elle a supprimé plusieurs articles, en attendant que des textes en cours de discussion ou annoncés soient adoptés. Ont notamment disparu les dispositions relatives aux CCAS...

Restent 22 articles en discussion ; la commission en a adopté 18 conformes ou confirmé des suppressions. Les divergences demeurent ainsi sur quatre articles. A l'article 5, relatif à la dématérialisation du recueil des actes administratifs des collectivités territoriales, et à l'article 6, relatif à la dématérialisation de la publication et de l'affichage des actes des collectivités territoriales simplifié en mairie, l'Assemblée nationale a préféré maintenir les exemplaires « papier ». A l'article 9, relatif à la transmission au préfet du compte de gestion, l'Assemblée nationale a préféré la transmission directe par les services déconcentrés. Enfin, l'article 18, qui traite des CCAS et des CIAS, a été supprimé par l'Assemblée nationale. La commission des lois a rétabli la rédaction du Sénat sur ces quatre articles, tout en tenant compte de certaines remarques de l'Assemblée nationale. Ella a adopté deux amendements de M. Vandierendonck, relatifs aux dispositifs de dématérialisation, ainsi que deux amendements identiques, de MM. Dupont et Doligé à l'article 19, pour prévoir que les conventions de mandat devront déterminer les conditions dans lesquelles la conclusion des marchés pourra être confiée au mandataire.

Le président de la République a appelé à un choc de simplification. Ce texte fait écho à sa volonté. (Applaudissements sur les bancs UDI et à droite)

M. Éric Doligé .  - En juin 2011, j'ai remis au président Sarkozy un rapport sur la simplification des normes applicables aux collectivités locales. Le sujet n'était pas encore à la mode. Les 229 pages du rapport sont toujours d'une grande actualité, tout comme les vingt principes qu'il énonce et ses 268 propositions.

Le Premier ministre et le président de la République en ont fait indirectement l'éloge lors d'interventions où ils ont déploré le coût économique et démocratique de l'inflation normative. Dans la presse, on lit qu'un grand ménage est à venir... Je jubile... Lors de son discours de Dijon, le président de la République a dit vouloir lever les blocages et alléger les contraintes pour gagner en croissance -ce fut le « choc de simplification ». J'ai presque l'impression de devenir hollandais... (M. Roland Courteau s'en réjouit) Le président de la République a demandé à l'administration déconcentrée de mettre en application ces principes et donné des instructions précises... Me voilà à nouveau hollandais... (Sourires)

Mais la grande difficulté n'est pas de vouloir mais de pouvoir. Les préfets sont pleins de bonne volonté mais leurs pouvoirs se sont étiolés. L'administration n'a plus que le pouvoir de contrôle et de blocage. Il y a toujours une norme, un règlement qui l'autorise à imposer, à refuser, à temporiser. Les exemples sont sans limite. La Drac a pris son autonomie en matière de fouilles archéologiques : délais et coûts font fuir les entreprises ; les Architectes des Bâtiments de France sont les champions de la covisibilité ; Bercy n'est pas en reste avec ses demandes répétées de pièces supplémentaires qui multiplient en toute légalité les délais par six ou huit ; quant aux Dreal, elles se penchent avec tant de soin sur le sort des crapauds ou des scarabées qu'elles peuvent faire échouer des dossiers. La simplification des normes est une nécessité, les collectivités territoriales croulent sous les normes ? situation que nous devons sans cesse dénoncer. Je souhaite que les préfets retrouvent leurs pouvoirs sur leur administration.

Les grands principes de ma proposition de loi ont été supprimés rapidement. L'adaptabilité des normes au niveau local a disparu...

Mme Catherine Troendle.  - C'est dommage !

M. Éric Doligé.  - Mme Chavrier, professeur agrégée de droit public, juge cette disparition regrettable car, dit-elle, « le Conseil Constitutionnel l'a déjà acceptée en 2002 ; il a reconnu que la loi pouvait renvoyer au pouvoir réglementaire, non pas du Premier Ministre mais à celui des collectivités locales, pour certaines modalités d'application des lois ». A mon avis, on verra ce principe revenir dans les prochains mois.

Autre sujet expurgé : l'accessibilité. Personne de remet en cause la loi de 2005 mais tout le monde sait que la date de 2015 est un problème. Il ne faudrait pas malgré tout la repousser... Voyez cependant le rapport de Mme Campion, qui évoque la possibilité d'un agenda programmé étalé au maximum sur... sept ans... Même chose pour les transports. Sur l'urbanisme, une part non négligeable du texte a été supprimée à l'Assemblée nationale et non reprise par la commission des lois. Pourquoi tout politiser aux dépens de l'intérêt général et de l'efficacité ? (Marques d'approbation à droite)

Cette proposition de loi ne pose pas de réels problèmes. Il y aura, une fois de plus, un débat sur les CCAS. Comme vous, je souhaite que cet article soit rétabli. Je constate avec regret que le titre premier a été vidé de son contenu ; les maires apprécieront... Seul l'article 13 a été significativement complété.

Ce texte est un signal, un appel à la simplification. Chacun sait que notre pays souffre économiquement et socialement. L'inversion de la courbe du chômage n'est pas pour 2013, qui peut le croire encore ? Pourquoi ne pas décréter un moratoire des normes, tant que la croissance n'aura pas atteint 1,5 % ? (Applaudissements et « Très bien ! » à droite) Et imposer, parallèlement, à l'administration la réduction d'un mois et demi de tous les délais ?

Mme Éliane Assassi.  - Pourquoi ne pas l'avoir fait avant ?

M. Alain Fauconnier.  - En dix ans, vous aviez le temps !

M. Éric Doligé.  - Vous avez tout fait pour bloquer mon texte ! (Rires à gauche) Si vous suivez ma proposition, vous gagnerez à coup sûr les prochaines élections qui vous font tant peur... (Rires) La production de logements, entre autres, pourrait augmenter de 10 % grâce à cette réduction des délais.

L'application stricte des normes entraîne notre effondrement collectif. Je souhaite un vrai choc de simplification. Sauf le respect que je dois au Président de la République, je lui dis : Chiche ! Ce texte est un point de départ, il a fait prendre conscience à l'État qu'il fallait revoir sa vision de la normalisation. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Michel .  - Je pensais que ce texte serait un long fleuve tranquille qui ne pouvait qu'aboutir, mais j'en doute depuis l'intervention de M. Doligé. Comment peut-on revenir sur une décision du Conseil constitutionnel ? Proposer un moratoire ? J'invite notre collègue à relire le rapport Gourault... Restons sérieux, tout cela a des relents démagogiques et électoralistes... (Exclamations à droite)

Mme Catherine Troendle.  - Quelle tristesse d'entendre ça !

M. Jean-Pierre Michel.  - Ne faites pas les naïfs ! Le renvoi en commission était un vrai renvoi en commission, la commission des lois a travaillé sérieusement. Mme Gourault a présenté un texte, il y a eu débat, le texte a été retravaillé et adopté. L'Assemblée nationale a approuvé certains articles et nous en a renvoyé 22 en navette. Votre rapporteur propose de rétablir la rédaction du Sénat pour quatre d'entre eux ; la commission a adopté un amendement de M. Doligé, deux de M. Vandierendonck et un de Mme Klès.

Il est vrai que les maires se plaignent des normes, mais il faut leur tenir un discours responsable. Certaines normes sont indispensables : accessibilité, environnement, santé publique... Et il existe beaucoup de prescripteurs, l'État n'est pas seul ; les collectivités territoriales ont elles aussi un pouvoir normatif.

Un choc de simplification ? Pourquoi pas... Expression pour conférence de presse... (Marques d'amusement à droite) Depuis, le Gouvernement a publié une circulaire pour demander aux préfets de se mobiliser.

J'espère qu'enfin, le long fleuve arrivera à son terme et que l'Assemblée nationale adoptera notre texte. Nous devrions avoir le dernier mot théorique, étant donné que nous sommes à l'origine de cette proposition de loi et que le Sénat a beaucoup travaillé la question. La simplification doit aller dans le sens de l'intérêt général, aider les élus à exercer leur mandat. Le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements à gauche)

Mme Éliane Assassi .  - Ce texte est allégé de ses principales dispositions, après que l'article premier a été supprimé ainsi que de nombreux autres. Restent ceux qui peuvent faire consensus, excepté pour deux d'entre eux, auxquels nous serons particulièrement attentifs et dont le sort déterminera notre vote.

Les difficultés rencontrées par les élus locaux sont réelles. Si nous sommes d'accord sur le constat, tous les moyens utilisés pour parvenir à simplifier les normes ne nous agréent pas, d'où notre motion de renvoi en commission présentée en première lecture.

L'Assemblée nationale a supprimé l'article premier, et nous nous en réjouissons. Le principe de proportionnalité des normes est inacceptable, il serait source d'inégalités selon la richesse des territoires. Au-delà, il faudra veiller à ce que les préconisations du Conseil national n'aboutissent pas à une forme de dérégulation, à la suppression d'objectifs essentiels -accessibilité, sécurité, santé, protection de l'environnement... L'article 18, sur les CCAS, ne saurait non plus nous convenir au regard de l'extension de la précarité dans notre pays.

Certes, il faut clarifier l'arsenal normatif qui pèse sur les collectivités mais faut-il supprimer des normes ou prévoir l'accompagnement technique et les moyens financiers pour permettre aux élus de les mettre en oeuvre ? Vous connaissez notre position... Au fil des ans, l'État a réduit son soutien aux collectivités auxquelles étaient transférées des compétences sans compensation réelle ; là est la source principale du problème.

Les dispositions qui demeurent dans cette proposition de loi nous agréent mais notre vote dépendra du sort réservé à nos amendements, principalement à l'article 18. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-Claude Requier .  - Les membres de mon groupe sont attachés à la simplification du droit. L'inertie de l'État et la complexité des procédures pèsent sur les collectivités locales mais les rapports qui se sont succédé n'ont pas permis d'inverser la tendance. Cette proposition de loi est l'arbre qui cache la forêt au coeur de laquelle sont tapis les montres du pointillisme administratif... Plus les normes se multiplient, plus les élus sont paralysés de peur de voir leur responsabilité engagée.

Ce texte prend sa part de la chasse aux normes ; il nous convient. Il procède à de vraies réformes de fond, notamment en matière d'urbanisme. Certes, il n'a plus grand-chose à voir avec la proposition de loi initiale... La question des conventions de mandat et le sort des CCAS méritent d'être encore approfondis.

Pouvez-vous, madame la ministre, nous indiquer la suite que le Gouvernement entend donner aux travaux de MM. Boulard et Lambert, notamment en matière de proportionnalité des normes ?

Cette proposition de loi, que nous voterons, va dans le bon sens mais reste parcellaire. Nous comptons sur la détermination du Gouvernement.

Mme Hélène Lipietz .  - Le titre de cette proposition de loi a été simplifié, c'est un bon début... (Sourires) Son contenu aussi : une fois passé au chinois, il n'en reste plus beaucoup...

Il s'agit de petites modifications, sans rapport les unes avec les autres. Il est vrai que le Sénat enchaîne les textes sur les collectivités locales, sans logique apparente, fabriqués avec des pièces qui ne s'emboîtent jamais et dont on espère que l'une d'elles ne servira pas à caler la table... Nos concitoyens ont besoin d'une loi générale et qui les concerne. Notre groupe votera cependant ce texte, dont une disposition concerne la vie de nos compatriotes : ils pourront consulter les délibérations des assemblées des collectivités territoriales par voie électronique. C'est une ouverture qui permet à la technologie d'être, pour une fois, un outil de partage et non de pouvoir. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean Boyer .  - Notre société, en permanente évolution, doit s'adapter aux mutations. Saint-Exupéry écrit : « Il y a le passé, où se situent nos souvenirs » et, ajouterai-je aujourd'hui, nos regrets. « Il y a l'avenir, où sont nos espérances » et notre volonté de bâtisseurs de société. « Mais il y a aussi le présent, où sont nos devoirs » et qui exige clarté et simplification, pour l'action. Les collectivités territoriales doivent être l'espace de réflexion privilégié sur l'évolution de nos compétences. Elles sont au coeur de notre action publique. Mais je regrette qu'en la matière, l'Assemblée nationale garde le dernier mot, car nous sommes ici les défenseurs de tous les échelons de la démocratie.

Nous devons cette proposition de loi à M. Doligé, éminent sénateur du Centre... géographique ! Notre rapporteur est une femme de terrain, très appréciée...

Mme Jacqueline Gourault, rapporteure.  - ...et du Centre ! (Sourires)

M. Jean Boyer.  - En effet ! Plus de 400 000 dispositions réglementaires existent aujourd'hui, qui freinent l'action des collectivités territoriales. L'on en pond sans cesse. Où s'arrêtera-t-on ? N'avons-nous pas contribué nous-mêmes à cette surenchère ? Dans mon département, la lentille verte du Puy bénéficie d'une A.O.C., en trois lettres ! Ce n'est pas en passant de la P.P.L.C.N.A.C.T.S.F. à la P.P.L.S.F.C.T. que l'on s'y retrouvera ! (Sourires)

Enfin, une proposition de loi qui disait clairement son nom : la simplification ! Une norme ne doit pas être la même partout, à Paris, Lyon ou Marseille et à Montboudif, où vivent quelque 240 habitants, dans le Cantal, cher Pierre Jarlier, ou à Arlet, dans mon département de la Haute-Loire, 62 habitants... Hélas, nous n'avons pas su faire du sur-mesure.

Je veux évoquer le cas de modifications de limites communales. Depuis 2008, chez moi, le dossier est prêt, tous les avis ont été rendus. Trois préfets se sont prononcés en faveur du projet. Mais l'administration, considérant qu'il y aura une élection dans un an, traîne des pieds. Les décisions de bon sens de nos communes sont bloquées. Les élus locaux sont écoeurés. Les deux maires concernés ne comprennent plus rien. C'est ainsi que la France d'en bas est empêché par la France d'en haut, mais aussi par Bruxelles.

Je suis en zone de montagne : 22 cantons sur 35 dans mon département sont en zone de revitalisation rurale. Dans la commune de Saint-Martin de Fugères, on ne compte pas 8 habitants au kilomètre carré. Et c'est là que les subtilités administratives les plus improbables viennent se nicher !

On n'est pas convaincu si l'on n'est pas passionné et M. Emorine avait constaté qu'il était bien difficile de couper la langue à un ancien viticulteur. (Sourires)

On devrait pouvoir déroger quand une commune voit sa population diminuer en trois ans de plus de 20 %. C'est la solution. Attention, madame la ministre, aux feux orange, qui passeront bien vite au rouge et bientôt, on ne pourra plus passer. Et il n'y aura plus de maires, parce que bien que gardes-champêtres, officiers d'état-civil, animateurs sociaux et que sais-je encore, ils n'auront plus de décisions à prendre, et donc plus de raison d'être. (Applaudissements sur les bancs, RDSE, UDI-UC et à droite)

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée .  - Souvenez-vous qu'il y a peu, sur ces bancs, je plaidais, moi aussi, dans les mêmes termes, en citant des exemples semblables, pour la simplification des normes. C'est dire combien je suis à vos côtés.

On a beaucoup débattu du principe de proportionnalité. Mme Lebranchu vous avait lu ce qu'en disait le Conseil d'État : cette notion est inconstitutionnelle.

On ne peut réduire les normes au détriment de principes de sécurité, d'accessibilité : la loi est là pour protéger le citoyen.

Le rapport Lambert-Goulard comporte des propositions pragmatiques et des éléments de principe. Au cours d'une réunion interministérielle, ces propositions ont été examinées une à une pour déterminer celles qui pouvaient s'appliquer d'emblée, celles qui exigeaient décret, celles qui relevaient de la circulaire. Nous avons donc très vite une réponse, dans le cadre de la « MAP », qui n'a rien à voir, monsieur Requier, avec la RGPP, puisque cette réforme de l'organisation administrative ne vise pas un but financier...

M. Jean-Paul Emorine.  - Il le faudra bien, pourtant !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - Les normes sportives ne sont pas perdues : elles seront reprises par la ministre des sports dans un texte spécifique, par souci de cohérence.

Les CCAS, madame Assassi, mériteront débat : il aura lieu. Je souhaite que ce texte réponde aux attentes des uns et des autres et demeure à votre écoute.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président.  - Je rappelle qu'en application de l'article 48, alinéa 5 de notre Règlement, en deuxième lecture, la discussion des articles est limitée à ceux qui pour lesquels les assemblées n'ont pas adopté un texte identique.

L'article 2 bis demeure supprimé, ainsi que l'article 4 bis.

L'article 5 est adopté.

ARTICLE 6

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par Mme Gourault, au nom de la commission.

Alinéas 5, 10 et 15, premières phrases

Remplacer les mots :

sur papier

par les mots :

sous forme papier

L'amendement rédactionnel n°8, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

L'article 7 est adopté, ainsi que l'article 9.

ARTICLE 10

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Savin et Chauveau.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'article L. 2321-5 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Art. L. 2321-5.  -  Les communes dont les habitants représentent, au titre d'une année, plus de 10 % des parturientes ou plus de 10 % des personnes décédées dans un établissement public de santé comportant une maternité et situé sur le territoire d'une autre commune comptant moins de 10 000 habitants contribuent financièrement aux dépenses exposées par cette autre commune pour la tenue de l'état civil et l'exercice des actes de police des funérailles si le rapport entre le nombre des naissances constatées dans cet établissement et la population de la commune d'implantation dépasse 40 %. »

M. Jean-Pierre Chauveau.  - Cet amendement souhaite élargir la compensation financière aux communes de moins de 10 000 habitants.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteure.  - Je connais personnellement le problème, mais une réflexion est en cours à la demande du président du Sénat et une proposition de loi sera prochainement déposée. Retrait ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - Même avis. Le groupe de travail est en train de faire des simulations. Attendons d'avoir une appréciation exacte.

L'amendement n°1 rectifié est retiré.

L'article 10 est adopté, ainsi que les articles 10 ter, 11, 13 et 13 bis.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Reichardt.

Après l'article 13 bis

Insérer un article ainsi rédigé :

L'article L. 2122-19 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Art. L. 2122-19.  - Le maire peut donner, sous sa surveillance et sa responsabilité, par arrêté, délégation de signature aux agents, qu'ils soient ou non responsables d'un service et qu'ils relèvent ou non des personnels cadres de l'administration. »

M. André Reichardt.  - Cet amendement vise à élargir le champ d'application de l'article 13 bis. Il autorise une délégation de signature de l'exécutif aux agents qui ne seraient pas responsables d'un service et qui ne relèveraient pas des personnels cadres de l'administration, quel que soit le service ou le champ de compétences concernées. La faculté a déjà été ouverte, à l'initiative de M. Vandierendonck, dans certains cas. Étendre cette disposition ne présente aucun risque puisque c'est une simple faculté qu'elle ouvre. Simplifions la vie de nos communes !

Mme Jacqueline Gourault, rapporteure.  - Cet élargissement n'apparait pas opportun aux membres de la commission des lois. Défavorable.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - On peut craindre, en effet, des dérives. Dans la fonction publique territoriale, chaque cadre d'emploi a des responsabilités spécifiques. Une telle ouverture pourrait conduire à des autorisations abusives. Des facultés existent déjà : tenons-nous y. Retrait ?

M. André Reichardt.  - Je ne puis le retirer. Comment expliquer que le Sénat a accepté, sur proposition de M. Vandierendonck en commission des lois, d'ouvrir cette délégation à des agents de même catégorie que ceux que je croise ? Retirer cet amendement, ce serait accepter deux poids deux mesures.

L'amendement n°7 est adopté et devient un article additionnel.

L'article 13 ter est adopté.

ARTICLE 18

Mme la présidente.  - Amendement n°5, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - J'ai dit notre souci lors de la discussion générale. La commission des lois a réintroduit cet article, suscitant de vives inquiétudes. Les CCAS répondent à un réel besoin : comment s'en passer, alors que la précarité gagne du terrain ? Des travaux sont en cours, qui associent l'Union nationale des CCAS, nous a dit la ministre. Ne serait-il donc pas raisonnable d'attendre leur résultat avant de légiférer ? Mme Klès a déposé un amendement qui limiterait les dégâts, et nous soutenons son initiative, mais nous restons inquiets : transférer les CCAS à une commission permanente privera les citoyens d'une expertise de terrain qui leur est propre, dans les conseils d'administration. A l'évidence, la réflexion n'est pas aboutie et il n'y a aucune urgence à supprimer les CCAS. L'urgence est ailleurs : dans la lutte contre la précarité. J'ai déposé cet amendement pour ouvrir un débat.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteure.  - La commission des lois ne peut être favorable. Il ne s'agit nullement, comme vous l'avez affirmé, de « se passer » de CCAS. La commission des lois a voulu simplement rendre facultative la création d'un CCAS dans les communes de moins de 1 500 habitants. Rien n'interdit à une commune qui veut créer un CCAS de le faire. Mais le fait est que 6 % des 33 095 CCAS existants sont des coquilles vides, que 16 % sont dormants et que 18 % ne gèrent que moins de 1 000 euros par an. Cette proposition est donc pragmatique. Il est de très petites communes qui n'ont pas les moyens humains et financiers de créer un CCAS. Donner cette souplesse, c'est contribuer à lutter contre la précarité : ce ne sont pas les structures qui agissent mais les hommes et les femmes.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - Donner cette possibilité à ces communes, c'est répondre au voeu de beaucoup d'entre elles. Certes, ceux qui sont en situation difficile doivent être accompagnés et suivis, et c'est bien pourquoi le ministère des affaires sociales réfléchit aux évolutions possibles. Laissons donc le temps au temps. Sagesse.

M. Éric Doligé.  - La loi exige que toutes les communes aient un CCAS. Notre rapporteur vient de rappeler que tel n'est pas le cas. Le but du texte n'est autre que de régulariser des situations de fait qui tiennent, dans ces communes, à un manque de moyens humains et matériels. Si un jour, ces communes peuvent créer un CCAS, il ne leur sera pas interdit de le faire.

Je veux dire à Mme la ministre et à d'autres, pour que les choses soient claires, que je ne regrette pas la suppression de l'article premier, mais je suis ravi que les moyens de l'adaptabilité soient recherchés ailleurs.

Quant au moratoire que je demande, cela n'a rien à voir avec le moratoire Fillon : on ne peut cesser de créer de la norme. Ce que je propose, c'est que l'administration cesse d'être tatillonne en période de crise. Il ne s'agit évidemment pas d'être laxiste sur les normes fondamentales, touchant à la sécurité, à la santé ou à l'accessibilité.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Comme beaucoup, pour avoir présidé un CCAS, je sais le rôle que ces institutions jouent et je tiens à ce que rendions hommage à tous ceux qui y oeuvrent, élus et personnel. Mais nous connaissons tous la réalité. Bien des petites communes ne comptent qu'un maire et une secrétaire de mairie à tiers temps -c'est au reste pourquoi il faudra se pencher sur leur sort.

Mme Nathalie Goulet.  - Eh oui !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Ce sont eux qui reçoivent les personnes en difficulté. Je comprends les craintes de Mme Assassi mais je voterai le maintien de cet article, tel qu'amendé par la proposition de Mme Klès qui a trouvé une solution concrète pour que les situations particulières ne viennent pas devant le conseil municipal.

Mme Éliane Assassi.  - Je ne retirerai pas cet amendement. Je rappelle qu'en 1986, la loi a remplacé les bureaux d'aide sociale par des CCAS et que chacun y voyait une grande avancée. Pourquoi revenir en arrière ? Ce qui n'est que facultatif n'est pas obligatoire, nous dit Mme Escoffier, en appelant au pragmatisme. Mais la politique ne se fait pas à coup de gestes pragmatiques. (Mme Jacqueline Gourault, rapporteure, s'exclame) Nous ne raisonnons pas ainsi. Je ne puis admettre que l'on revienne sur des avancées démocratiques. Peut-être serait-il temps d'entendre l'Union nationale des CCAS ? Ces centres touchent à la vie de personnes en difficulté. On ne peut pas les balayer d'un « geste pragmatique ». Ce serait injuste. Cela dit, l'amendement de Mme Klès est intéressant et je le soutiendrai le moment venu.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mme Klès.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cas où le conseil municipal exerce directement les attributions mentionnées au présent chapitre ainsi que celles prévues aux articles L. 262-15 et L. 264-4, l'exercice de ces compétences est délégué à une commission permanente dont les membres sont élus par le conseil municipal au scrutin de liste, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. »

Mme Virginie Klès.  - Personne ici ne souhaite délaisser ceux qui ont besoin du soutien de la commune, y compris lorsqu'elle est de petite taille, d'autant que la crise va les rendre plus nombreux.

Je crois que les débats se cristallisent sur les aides financières. Laisser au conseil municipal le soin de les attribuer, c'est mettre les difficultés des familles sur la place publique, alors que l'on a déjà du mal à diriger certaines vers les CCAS. La confidentialité doit s'imposer.

Ouvrir la faculté de ne pas créer de CCAS, soit, mais on sait que bien des communes se saisiront de cette faculté. N'oublions pas que dans moins d'un an, les conseils municipaux seront renouvelés. Nous risquons d'en avoir de moins en moins dans les petites communes.

Il importe donc de maintenir l'égalité d'accès des citoyens à l'aide que les communes peuvent leur apporter. D'où la délégation de compétences que je propose.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteure.  - La commission des lois est favorable à cet amendement.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - Sagesse. Alors que l'on entend simplifier, vous introduisez ici une commission supplémentaire, dont on ne connaît pas la composition, la fréquence des réunions ni les conditions de confidentialité. Or, on sait bien que, dans les petites communes, le travail se fait déjà. Le Gouvernement n'est pas contre, mais je m'interroge.

Mme Nathalie Goulet.  - Dans les petites communes, qui sont nombreuses dans mon département, il y a un adjoint aux affaires sociales et un maire qui, très souvent, s'occupe lui-même de ces dossiers. Faut-il créer, en plus, une commission pour des décisions qui sont, dans ces petites communes, de l'ordre de l'intuitu personae, alors que par ailleurs tant de compétences sont déléguées aux intercommunalités, ce qui démobilise les équipes municipales ? Je ne crois pas que c'est ainsi que l'on aidera les familles en difficulté. Je suis perplexe.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Pour assurer la confidentialité des débats, le conseil municipal peut se réunir à huis-clos.

Dans un conseil municipal de 300 habitants, il va falloir prévoir un scrutin de liste à la proportionnelle à la plus forte moyenne. Certes, on n'impose pas ici la parité mais c'est tout de même pousser loin le bouchon !

M. Pierre Jarlier.  - Je m'interroge aussi, pour les mêmes raisons. Est-il nécessaire d'inscrire dans la loi que l'on va créer une commission des affaires sociales, puisque c'est ni plus ni moins de cela qu'il s'agit ? Et quelle majorité dans une commune de moins de 1 000 habitants ? Comment y donner ne représentation proportionnelle ?

Pourquoi ne pas inciter les petites communes à s'organiser en intercommunalité, en créant un CCIAS, d'autant que les publics fragiles ont tendance à s'adresser spontanément à la ville centre ?

M. Dominique de Legge.  - J'ai souscris au premier abord à cet amendement sympathique, sans doute par solidarité bretonne. Mais à y regarder à de plus près, j'observe qu'il ne s'agit, comme l'a relevé M. Doligé, que de régulariser des situations existantes. Et voilà qu'aussitôt le démon de la complexité nous ressaisit. Comment faire un scrutin de liste proportionnel à la plus forte moyenne dans ma commune, qui ne compte que quinze conseillers municipaux ?

Mieux valait un CCAS, qui avait l'avantage de compter des personnes au fait des problèmes, dont des représentants d'associations ! Et comment fonctionnera-t-on ? Pour attribuer le moindre secours d'urgence, il faudra donc, quand une personne se présente à la mairie, prendre le temps de réunir une commission, alors qu'il s'agit de répondre à une situation d'urgence ?

M. Philippe Bas.  - Il faut faire confiance à nos élus municipaux. Croit-on que les communes qui n'ont pas créé, comme la loi les y oblige aujourd'hui, de CCAS, ne rencontreront pas les mêmes difficultés à créer cette commission ? Pitié pour nos communes rurales !

Mme Nathalie Goulet.  - Bravo !

M. Jean-Claude Requier.  - A première lecture, cet amendement m'a paru bon. A la réflexion, je suis réservé. Cette commission, autant l'appeler bureau d'aide sociale : on revient avant 1986.

Dans les petites communes, c'est le maire qui est en première ligne, ou l'adjoint aux affaires sociales. Et les problèmes se règlent vite. Faut-il compliquer les choses ?

M. André Reichardt.  - Pourquoi des communes de moins de 1 500 habitants n'ont-elles pas créé de CCAS ? Parce que l'instrument leur paraissait lourd, en temps et en moyens. C'est aussi parce que -je l'ai vu dans ma commune- le conseil municipal voulait savoir à qui étaient accordées les aides, ses membres connaissant mieux que personne les situations. Déléguer à une commission sera aussi lourd et les membres du conseil municipal n'apprécieront guère, pour les raisons que j'ai dites. Et puis, peut-on, dans un texte de simplification, insérer une telle mesure ? Ce n'est pas sérieux.

Mme Virginie Klès.  - Je suis surprise par votre faculté de compliquer les choses. Il ne s'agit pas de créer une commission supplémentaire (on le conteste sur les mêmes bancs) mais de désigner une commission permanente en charge de cette question afin de respecter l'anonymat des personnes concernées. Cette commission permanente est évidemment élue dans les mêmes conditions que les autres commissions. Le but, c'est d'éviter que les choses soient étalées sur la place publique : inutile de savoir dans une commune à quelle famille on donne, et combien, pour que ses enfants partent en classes de vacance.

Quand les CCIAS existent, tant mieux, mais ce n'est pas toujours le cas et le périmètre de l'intercommunalité ne correspond pas forcément à celui de l'action sociale. Je veux simplifier en laissant le choix aux territoires..

M. le président.  - Acceptez-vous de rectifier votre amendement en supprimant la référence aux modes de scrutin ?

Mme Virginie Klès.  - Oui.

M. Éric Doligé.  - Ce que vous proposez existe dans toutes les communes qui n'ont pas de CCAS. On en revient à l'article 18. Ceci dit, cet amendement ne mange pas de pain. Qu'on le vote ou pas, cet article 18 ne changera rien au nombre de CCAS en France.

M. Philippe Bas.  - Cette rectification est insuffisante. Il faut supprimer les modalités d'élection mais aussi l'obligation de délégation : il faudrait écrire « peut être délégué ». Mais alors, cet amendement n'a plus aucun intérêt, puisqu'il décrit la situation actuelle. (Approbation au centre et à droite)

Mme Virginie Klès.  - Je maintiens le « est » pour que cette délégation soit obligatoire. Ce qui va changer, c'est qu'il n'y aura plus d'obligation de rendre public le nom des bénéficiaires.

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°3 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Un pointage est nécessaire. Dans l'attente du résultat, je vous propose de réserver le vote sur l'article 18.

ARTICLE 19

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Cet amendement vise à supprimer la possibilité offerte par cet article de recourir à la procédure du mandat d'aménagement au profit d'une personne privée.

Au départ, seules les sociétés d'économie mixte devaient pouvoir bénéficier des contrats de mandat mais la Commission européenne s'y est opposée, au nom de la libre concurrence.

Les collectivités locales ont été obligées de s'adresser au marché, quand bien même elles disposent de sociétés d'économie mixte.

L'article 19 rétablit une base juridique pour les contrats de mandat d'aménagement pour les personnes privées, ce que nous ne saurions accepter car le risque devrait pour le moins être partagé, ce qui n'est pas le cas. Nous refusons ce cadeau aux opérateurs privés.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteure.  - Avis défavorable.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - Vos craintes sont injustifiées. Il s'agit de remettre un texte supprimé dans un état conforme au droit national et européen, sans aucune faveur pour les sociétés privées. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

L'article 19 est adopté.

L'article 22 est adopté.

L'article 25 demeure supprimé, ainsi que les articles 25 bis, 25 ter A, 25 ter et 25 quater.

L'article 27 ter est adopté.

ARTICLE 28 BIS (Suppression maintenue)

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par M. Maurey et les membres du groupe UDI-UC.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. - Le cinquième alinéa du III de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Les communes déterminent la date à laquelle elles procèdent au contrôle des installations d'assainissement non collectif. Dans les zones d'assainissement non collectif, elles effectuent ce contrôle au plus tard le 31 décembre 2013, puis selon une périodicité qui ne peut pas excéder dix ans. Dans les zones d'assainissement collectif encore dépourvues d'un réseau public de collecte, ce délai est porté au 31 décembre 2015 dès lors que les communes se sont engagées à réaliser ledit réseau avant cette date. »

II. - La première phrase du second alinéa du V de l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement est ainsi rédigée :

« De même, dans les zones d'assainissement non collectif, ainsi que dans les zones d'assainissement collectif encore dépourvues d'un réseau public de collecte, une prime est versée aux communes ou à leurs groupements au titre de leurs compétences en matière de contrôle ou d'entretien des installations d'assainissement non collectif. »

M. François Zocchetto.  - Cet amendement vise à rétablir l'article 28 bis dans sa rédaction adoptée au Sénat et supprimée à l'Assemblée nationale contre l'avis du rapporteur du texte.

Cet article répond aux difficultés que pose la législation actuelle en matière d'assainissement non collectif aux citoyens résidant dans des secteurs passés en zone d'assainissement collectif par délibération de l'EPCI compétent, sans que l'assainissement collectif soit pour autant encore réalisé. Une telle mesure était très attendue.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteure.  - Avis favorable. (On s'en félicite à droite)

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - On ne peut pas toujours retarder le calendrier : six années ont déjà été accordées. Avis défavorable.

M. Éric Doligé.  - Il faut des subventions !

Mme Nathalie Goulet.  - J'attire votre attention sur le fait que le I de l'amendement institue un régime spécifique de transition si la collectivité territoriale s'engage à réaliser l'équipement public avant l'expiration de ce délai, tandis que le II clarifie les règles applicables en matière de subvention afin que la prime de l'Agence de l'eau puisse bénéficier aux zones non encore raccordées.

Nous voulons éviter une double peine aux résidants qui supporteraient le coût d'un contrôle sans pouvoir bénéficier de subventions.

L'amendement n°6 rectifié est adopté et l'article 28 bis est rétabli.

L'article 34 demeure supprimé, ainsi que l'article 35.

La séance, suspendue à16 h 55, reprend à 17 heures.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin sur l'amendement n°3 rectifié bis, à l'article 18.

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 321
Pour l'adoption 160
Contre 161

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article 18 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. André Reichardt .  - Les élus locaux dénoncent l'accroissement des normes qui les gênent dans leur action, qui ralentissent les procédures et qui coûtent cher. Simplifier était de notre devoir et ce texte est la traduction législative de nombre de propositions du rapport de notre collègue Doligé.

Pendant les états généraux, les parlementaires de droite et de gauche, comme le Gouvernement, s'étaient accordés sur la nécessité d'alléger les normes. Nous voterons donc ce texte, mais tout ne sera pas réglé, loin s'en faut. Il faudra revenir sur la proportionnalité des normes, texte après texte. Nous devrons nous en souvenir.

Sur l'accessibilité, il faudra bien sûr être prudent mais nous devrons aussi y revenir, compte tenu de la situation actuelle de nombre de collectivités à dix-huit mois de l'échéance.

Enfin, il faudra revenir sur les normes sportives, pour enrayer la fièvre normative de certaines ligues dont les ardeurs doivent être tempérées.

Je me félicite de l'adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements à droite)

Mme Éliane Assassi .  - Notre groupe s'abstiendra, pour les raisons que j'ai dites.

La proposition de loi est adoptée.

Application de l'article 11 de la Constitution (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la deuxième lecture du projet de loi organique, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant application de l'article 11 de la Constitution et du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale avec modifications en deuxième lecture, portant application de l'article 11 de la Constitution.

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l'objet d'une discussion générale commune.

Discussion générale commune

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Nous nous retrouvons quelques mois après la première lecture pour débattre de ce projet de loi. Rousseau ou Montesquieu ? Démocratie directe ou représentative ? Ces deux conceptions se sont, parfois, dans notre histoire, vivement affrontées. La Constitution de 1958 a opéré une sorte de synthèse entre le Contrat social et l'Esprit des lois : son article 3 dispose que la souveraineté appartient au peuple qui l'exerce par la voie de ses représentants ou par le référendum.

Deux dispositions organisent le référendum : l'article 89 fixe la procédure applicable au référendum tandis que l'article 11 en ouvre l'initiative au Gouvernement ou aux deux assemblées, sur proposition conjointe, et en circonscrit le champ aux questions relatives à l'organisation des pouvoirs publics, à la politique économique, sociale ou environnementale et aux services publics qui y concourent, ainsi qu' à la ratification des traités.

La tradition gaulliste y a eu recours. Sur la dizaine de référendums, huit on été organisés sur le fondement de cet article 11. Il a donc été un recours pour la puissance publique seule à avoir l'initiative. Pourtant, les temps changent et les débats sur cette question sont vifs ; les citoyens veulent participer -je vous renvoie aux débats animés qui ont marqué la présidentielle en 2007.

La révision constitutionnelle de 2008 a envisagé la possibilité d'un référendum d'initiative populaire mais les conditions de sa réalisation sont particulièrement strictes. L'avancée est donc modeste.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Très!

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Il s'agit donc plutôt d'une nouvelle initiative parlementaire, poussée par les citoyens. Ce référendum ne peut être organisé que si le délai prévu pour l'examen par le Parlement est échu.

Malgré ces contraintes, l'Assemblée nationale puis le Sénat ont cherché à améliorer ce projet de loi organique. Vous avez travaillé sur les délais. A l'origine, le délai était de trois mois pour obtenir le soutien d'un dixième des électeurs, soit 4,5 millions de personnes. Vous l'avez porté à six mois et l'Assemblée nationale à neuf.

Le délai d'examen devant le Parlement était initialement de douze mois, ramené à neuf au Sénat ; les députés l'ont réduit à six mois. Votre commission a rétabli la référence à l'examen d'une proposition de loi et non au vote en séance publique.

Le délai global est maintenu puisque l'un a augmenté tandis que l'autre diminuait. Le recueil des soutiens pourra aussi se faire sur support papier et vous avez supprimé la commission de contrôle, préférant que le Conseil constitutionnel en soit chargé.

Ce texte a gagné en clarté : la proposition de loi référendaire sera une procédure simple, ordinaire. Je ne reviendrai pas sur les mesures annexes.

Il faut rappeler qu'il ne s'agit pas d'un référendum d'initiative populaire mais d'une initiative parlementaire. Nous débattons bien d'un dispositif qui permet au Parlement de provoquer ce référendum.

Au moment de modifier la Constitution, comment ne pas penser à Guy Carcassonne ? Une bonne Constitution ne suffit pas à faire le bonheur des hommes, disait-il, mais une mauvaise constitution peut faire leur malheur. J'espère que nous aurons bien travaillé. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Sueur, président et rapporteur de la commission des lois . - Vous écoutant, madame la ministre, je me demandais ce qu'il me resterait à dire. Vous avez même rappelé la mémoire de mon ami très cher, Guy Carcassonne, virtuose du droit constitutionnel, amoureux du Parlement, qui avait un sens aigu de la pédagogie pour faire aimer le droit.

Je suis aujourd'hui dans une situation un peu étrange puisque, comme toute la gauche, je n'ai pas voté la révision constitutionnelle de 2008. Plus je réfléchis à l'article 11, plus je le trouve singulier. Beaucoup de nos concitoyens ont cru qu'il s'agissait d'instaurer un référendum d'initiative populaire. Or, il n'en est rien. Ce texte est un trompe l'oeil, un faux-semblant, un mirage.

Il s'agit d'un référendum d'initiative partagée. Un cinquième des membres du Parlement et un dixième du corps électoral -ce qui n'est pas rien- doivent se mettre d'accord sur une proposition de loi.

Dès lors qu'un cinquième des parlementaires et que 4,5 millions d'électeurs seraient d'accord, un référendum devrait obligatoirement avoir lieu. Eh bien non ! A l'occasion de la discussion d'un récent projet de loi où vous vous êtes illustrée, madame la ministre, le CESE avait reçu 1 million de signatures. Et il en faudrait quatre fois plus ! Or, dès lors que les deux conditions préalables seraient réunies, le Parlement serait invité à se saisir du sujet. Un référendum serait obligatoire si tel n'était pas le cas. Or, comme il existe six groupes politiques à l'Assemblée nationale et au Sénat, il y a fort peu de chance que le sujet ne soit pas inscrit à l'ordre du jour. Les chances pour que le président de la République organise un référendum sont donc infimes. Il y a là une singularité que M. Portelli s'emploiera sûrement à nous expliquer. Nous devons être le seul pays à avoir inscrit une telle disposition dans sa Constitution.

Je me suis demandé pourquoi le groupe UMP avait demandé que le sujet soit inscrit et réinscrit à l'ordre du jour. J'ai pensé qu'il y avait une sorte de lien subliminal avec le débat que j'ai déjà cité, mais c'eût été impossible en raison de l'article 11 de la Constitution... et il eût fallu réunir 4,5 millions de signatures.

Nous sommes donc dans l'improbable. Il s'agit d'un aménagement du droit de pétition, comme l'avait dit Robert Badinter.

L'Assemblée nationale n'a pas voulu retenir l'appellation « proposition de loi référendaire », en quoi elle a raison parce que l'organisation d'un referendum semblerait en découler nécessairement.

Le projet de loi prévoyait de confier à une commission ad hoc le soin de contrôler les signatures des pétitionnaires. Le rapport de l'Assemblée nationale indique que le Conseil constitutionnel en aurait lui-même suggéré la création mais nous le refusons : conformément à la lettre et à l'esprit de la Constitution, il revient au Conseil constitutionnel d'exercer ce contrôle.

Le Conseil constitutionnel peut avoir recours à des experts, à des vacataires, mais il n'y a pas lieu de le déposséder de ses obligations constitutionnelles : nous maintenons donc notre position. Comme nous maintenons la possibilité d'un recueil des signatures sur papier. Faute de quoi, il faudrait installer une borne dans chaque chef-lieu de canton, dont la frontière devient d'ailleurs mouvante...

Mme Nathalie Goulet.  - Ce serait mieux qu'ils disparaissent !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Si tout citoyen doit pouvoir envoyer sa signature par voie électronique, il doit aussi pourvoir le faire sur papier. M. Michel a proposé deux amendements, agréés par notre commission, prévoyant qu'une signature ne peut être retirée et que la liste des signataires est publique.

L'Assemblée nationale, dans sa sagesse, a porté la période de recueil des signatures de six à neuf mois ; la commission des lois vous propose de la suivre. Il n'est en effet pas facile de recueillir quatre millions et demi de signatures. La période courrait à compter de la validation par le Conseil constitutionnel de la proposition de loi signée par un cinquième des parlementaire. Il était, de là, normal de réduire de neuf à six mois le temps prévu pour l'examen parlementaire, afin de ne pas rallonger la procédure. Mais nous avons prévu que le délai de six mois ne courait que durant la session ordinaire.

Enfin, l'Assemblée nationale a instauré, je comprends mal pourquoi, un délai de quatre mois entre la fin de la période d'examen dévolue au Parlement et l'organisation du référendum par le président de la République. Pour nous, le président de la République doit garder toute latitude : il n'y a pas de raison de lui imposer un tel délai de carence.

J'en profite pour dire un différend entre le Sénat et l'Assemblée nationale sur l'interprétation de la notion d'examen prévue par la Constitution : l'Assemblée nationale estime qu'il doit y avoir un vote, pas nous qui nous en tenons à la lettre du texte fondamental.

Tel a été notre travail, qui s'est voulu humble, dans le souci de respecter l'esprit et la lettre de ce qu'a voulu le constituant. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; Mme Nathalie Goulet applaudit aussi)

M. Hugues Portelli .  - (Applaudissements à droite) C'est le groupe UMP qui a inscrit ce texte dans son ordre du jour réservé, pour les mêmes raisons qu'il souhaite que les dispositions relatives à la mise en oeuvre de l'article 68 de la Constitution soient examinées prochainement. Car un tel retard n'est pas acceptable.

M. Philippe Bas.  - Très bien.

M. Hugues Portelli.  - Nous devons faire notre travail de législateur, faut-il le rappeler à la gauche ? Je suis d'autant plus aise pour le dire que la droite aurait pu le faire quand elle était aux affaires...

Ce texte est plus que paradoxal dans la mesure où il a peu de chance d'être un jour appliqué... Certains éléments peuvent présenter, pour le pouvoir du moment, un danger potentiel, c'est ce que rappelait le grand constitutionnaliste que fut Guy Carcassonne, membre en son temps du comité Vedel puis du comité Balladur. Mais, entre les versions de l'un et de l'autre, un glissement s'est produit... Le texte du comité Vedel prévoyait que si le texte n'était pas adopté sous quatre mois, le référendum était de droit. Celui du comité Balladur opère une régression : la saisine du peuple n'est plus automatique puisqu'il suffit qu'un groupe parlementaire l'inscrive à son ordre du jour réservé, qu'un examen ait lieu, fut-ce sans vote, pour que tout s'arrête. Cela dit, serait-il possible de faire fi de 4,5 millions de signatures ? Mais c'est une toute autre question.

Ce texte, nous le soutenons parce que nous avons voté la révision de 2008. La majorité actuelle le soutient, sans doute avec l'idée qu'il n'a aucune chance d'être mis en oeuvre... Et parce qu'il faut bien, encore une fois, faire notre travail.

Les propositions de la commission des lois ont fait l'unanimité. Parce qu'une loi organique ne peut rien ajouter à la Constitution, quand bien même le Conseil constitutionnel le demanderait... C'est clair, net, sans débat. On ne peut créer une commission de contrôle parce qu'elle na pas été prévue par le constituant. Si nous l'introduisions, le Conseil constitutionnel serait obligé de nous censurer, même s'il peut n'être pas enchanté d'avoir à contrôler des millions de signatures.

De la même manière, on ne peut infliger de délai au président de la République. Nous connaissons la pratique, validée par tous, de l'article 89 ; le chef de l'État garde tout loisir pour convoquer le congrès quand bon lui semble, et même de décider que le congrès n'a plus lieu de se réunir la veille de la date prévue... Souvenez-vous que Lionel Jospin a cosigné le décret voulu par Jacques Chirac...

Lorsque cette loi organique aura été adoptée, il sera bon que l'on s'attelle enfin, madame la garde des sceaux, à l'article 68. Dès lors qu'en modifiant l'article 67, le Gouvernement n'a pas touché à l'article 68, il n'y a pas de raison de ne pas permettre à ce dernier, grâce à une loi organique, d'entrer en vigueur. D'autant qu'il y a consensus, au moins tacite... (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Éliane Assassi .  - La révision de 2008 était, à l'époque, présentée comme l'aboutissement d'une réflexion visant à impliquer davantage les citoyens dans le processus législatif, de les rapprocher des centres de décision. Là, dans cette procédure fort complexe, il reste cantonné à un rôle secondaire. Un cinquième des membres du Parlement appuyé par un dixième des électeurs inscrits : autant dire qu'il s'agit non d'une nouvelle forme de consultation populaire mais d'une nouvelle forme d'initiative parlementaire, soutenue par le droit de pétition. On est loin d'avancer vers la démocratie participative. Voilà qui traduit bien là le leurre lancé en 2008 par Nicolas Sarkozy d'une démocratisation profonde de nos institutions.

Il faut d'abord un nombre élevé de parlementaires. On sait ce qu'il en est et pourquoi on n'a toujours pas accordé le droit de vote aux étrangers... Il faut aussi recueillir environ 4,5 millions de signatures. Tous les observateurs conviennent que la conjonction de ces deux conditions est rédhibitoire... Chacun sait ici combien il est difficile de recueillir un si grand nombre de signatures. Nos voisins, en Italie, en Belgique, en Suisse, ont retenu des seuils bien plus bas. Si l'on ajoute que seuls les grands groupes politiques auront voix au chapitre et le contrôle du Conseil constitutionnel, on voit mal où est l'avancée démocratique. C'est un texte de manipulation, dont on comprend mal que la gauche le fasse sien. Nous plaidons, nous, pour une profonde réforme de nos institutions qui fasse la part belle à l'initiative citoyenne. L'effervescence des réseaux sociaux masque bien mal la fracture entre représentants et représentés, c'est une militante qui vous le dit...

Quitte à convoquer une véritable constituante, la démocratie participative devrait être inscrite dans la Constitution et devrait s'appliquer à l'élaboration des lois comme à l'élaboration des politiques publiques ou à la vie locale. Ce texte ne répond pas à cette exigence démocratique et nous ne pouvons le voter.

Nous appelons à un débat sur la rénovation de nos institutions et la place de l'initiative citoyenne en leur sein. (Applaudissements sur les bancs CRC et écologistes)

M. François Zocchetto .  - A mes yeux, la réforme de 2008 fut novatrice avant tout parce qu'elle a introduit la question prioritaire de constitutionnalité.

La question du référendum d'initiative partagée a connu une lente gestation, commencée avec le comité Vedel et poursuivie avec le comité Balladur. C'est que notre Constitution met en place ce qu'on a appelé un parlementarisme rationalisé, auquel on a pu reprocher de laisser les citoyens passifs dans l'élaboration de la loi. Il n'a échappé à personne que le référendum, celui de l'article 11 comme celui de l'article 89, restait entre les mains de l'exécutif. La réforme de 2008 a introduit non un référendum d'initiative populaire mais un référendum d'initiative parlementaire appuyé par l'expression populaire ; on peut imaginer que des groupes parlementaires minoritaires puissent s'en saisir, si l'exécutif s'obstinait à ignorer la volonté conjointe du peuple et du Parlement.

La procédure est lourde et contraignante, on a du mal à se représenter les circonstances dans lesquelles elle pourrait être utilisée ; mais elle a le mérite d'exister juridiquement et notre capacité à imaginer des situations qui ne se sont jamais présentées est nécessairement limitée...

Notre groupe votera ce texte tel qu'amendé par notre commission des lois, dont les aménagements vont dans le bon sens. Nous vous proposerons, par la voix de Mme Goulet, un amendement tendant à la limitation du financement des campagnes référendaires par les personnes physiques étrangères : c'est une précision qu'il ne faut pas prendre à la légère. (Applaudissements)

M. Jacques Mézard .  - L'ambiguïté de la pratique et les enseignements de l'Histoire laissent les radicaux fort tièdes devant la pratique référendaire, qui répond souvent à des intentions étrangères au dessein de ses laudateurs...

Reste que la révision de 2008 nous appelle à élaborer les textes permettant son application. Nous sommes cependant face à un faux nez, à un dispositif que la nouvelle rédaction de l'article 11 rend inapplicable et dont ne pourront se saisir que les deux partis dominants, seuls susceptibles de réunir 185 parlementaires, ce qui en dit long sur l'impossibilité d'échapper au fait majoritaire inscrit dans les gènes de la Ve République...

On peut craindre une instrumentalisation de la question référendaire, visant à transformer la consultation en tribune médiatique. La campagne pour la collecte des signatures sera une aubaine pour les lobbies, qui n'ont pourtant rien à faire dans le débat démocratique ; l'argent et la chose publique ne font pas bon ménage... On ouvre là une boîte de Pandore.

Pour nous, nous faisons confiance à la démocratie représentative pour conduire le débat public. Ce qui ne signifie pas qu'il ne faut pas écouter ce qu'ont à dire les citoyens.

Les divergences avec l'Assemblée nationale portent sur le recueil et le contrôle des signatures : nous suivrons la commission des lois, qui s'en tient sagement à la lettre de la Constitution. Nous approuvons, de même, la réintroduction de la faculté de recueillir les signatures sur papier, tant la fracture numérique reste patente. Et les primaires d'un grand parti à Paris ont montré que le vote électronique n'est pas nécessairement un instrument pertinent de démocratie.

Quant au financement des campagnes, nous approuvons les dispositions qui visent à éviter que le dispositif ne soit détourné par des intérêts particuliers.

Cinq ans se sont écoulés depuis la révision constitutionnelle. Ceux qui avaient la possibilité de la mettre en application, et ne l'ont pas saisie, sont les mêmes qui ont récemment appelé au référendum pour empêcher le Parlement de délibérer d'un texte médiatique... Un minimum de cohérence serait bienvenu...

La commission des lois, prudente, a fait preuve de sagesse : nous voterons ses conclusions. (Applaudissements au centre)

Mme Hélène Lipietz .  - Retour de l'Assemblée nationale, le texte n'a rien gagné en démocratie participative. Notre Constitution reste bloquée sur un modèle dépassé de référendum. Nous plaidons pour un vrai référendum d'initiative populaire, la nouveauté démocratique dont la France a besoin, car il est des sujets qui doivent être tranchés par le peuple et non pour lui. Nous faisons confiance à l'intelligence citoyenne comme à celle des territoires. Rappelez-vous que les Suisses ont limité, grâce à cette procédure, les parachutes dorés des grands patrons -même s'il est vrai qu'ils ont aussi interdit les minarets...

Ici, les conditions sont draconiennes. Nous avons un texte qui peut être adopté sans l'aval populaire et qui peut finir dans les oubliettes de l'histoire sans jamais arriver jusqu'à lui. Quant à la dématérialisation, elle délite encore un peu plus le lien social, quand il faut rencontrer, débattre, convaincre. La mission d'information de l'Assemblée nationale relative au vote électronique nous réserve sans doute bien des surprises...

Nous avons un texte a minima, lui-même issu d'une révision a minima. Ce sont généralement nos professeurs de droit, Hugues Portelli et Guy Carcassonne furent les miens, qui proposent des cas d'espèce à la survenue improbable. Ici, c'est la Constitution qui nous propose l'exercice... Sensibles cependant à la beauté du geste, les écologistes voteront ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Michel .  - Ce texte fut d'abord examiné en un temps où certains, sans doute mal informés ou ignorant notre Constitution, réclamaient dans la rue et sur tous les écrans un référendum sur un projet de loi aujourd'hui voté, en vigueur et prospère...

Il nous revient en un moment plus apaisé, après un débat sur la simplification des normes où nous avons été, à gauche, économe de notre temps de parole -ce qui n'a pas été le cas de l'opposition, notamment de M. Doligé. A croire que son intention était que la loi organique ne soit pas adoptée... (On se récrie à droite)

Au mieux, ce texte est une plaisanterie. Il a fallu cinq ans pour qu'il arrive laborieusement devant nous. Et à quelles conditions ! Jusqu'au président de la République qui perd sa liberté d'initiative : c'est une première que le Parlement puisse déposséder -puisqu'il lui suffira de mettre le texte à son ordre du jour- le président de la République de la faculté de convoquer un référendum. Sans compter qu'il aura fallu que le Conseil constitutionnel ait donné par deux fois son avis. Autant dire qu'il n'y a aucune chance que ce dispositif prospère. Et heureusement, pas plus que M. Mézard je ne suis un fanatique du référendum. L'exemple suisse ? Sur bien des sujets -immigration, travail des femmes-, il ne va pas dans le sens du progrès...

M. Roland Courteau.  - C'est vrai !

M. Jean-Pierre Michel.  - En France, il est vrai, on traite le référendum et ses résultats à la légère... Voyez ce qui s'est passé après le référendum sur le traité européen, refusé par une large majorité de Français, dont j'étais...

Mme Éliane Assassi.  - Eh oui !

M. Jean-Pierre Michel.  - On a bricolé à Lisbonne un nouveau traité et on a demandé au Parlement de le ratifier... A combien de peuples européens n'a-t-on pas dit qu'ils s'étaient trompés, puisque Bruxelles avait parlé ? Supprimons le peuple, ce serait plus simple !

Mme Éliane Assassi.  - Vous avez ratifié le traité, ne l'oubliez pas !

M. Jean-Pierre Michel.  - Pour l'heure, nous voterons le texte tel que la commission des lois l'a rédigé. Peut-être ferons-nous ainsi plaisir à l'opposition sénatoriale... Mais peut-être pas... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale est close.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux .  - C'est bien d'un référendum d'initiative partagée qu'il s'agit, mais par étages... C'est surtout une possibilité supplémentaire pour les parlementaires de s'emparer d'un sujet et de mobiliser l'opinion publique. La souveraineté nationale reste entre les mains du peuple mais l'initiative référendaire ne lui est pas encore confiée... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Discussion des articles du projet de loi organique

L'article premier A est adopté, ainsi que les articles 2 et 3.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 3

Remplacer le mot :

Un

par les mots :

Les électeurs sont informés que leur

M. Jean-Pierre Michel.  - Cet amendement interdit de retirer sa signature une fois donnée. Mon second amendement, à l'article 7, a pour objet de prévoir que les listes des signataires sont publiques. Il faut informer complètement les citoyens.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - La commission des lois a considéré que ces initiatives sont bienvenues mais relèvent plutôt du réglementaire. Peut-être Mme la garde des sceaux pourrait-elle prendre l'engagement d'y pourvoir ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Bien volontiers car ces précisions sont de bon sens.

M. Jean-Pierre Michel.  - Je retire mais je reste persuadé que ces dispositions sont d'ordre législatif.

L'amendement n°1 est retiré.

L'article 4 est adopté.

L'article 5 demeure supprimé.

L'amendement n°2 est retiré.

L'article 7 est adopté.

L'article 9 est adopté.

Les articles 10 à 19 demeurent supprimés.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi organique.

Le scrutin public est de droit.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Pour l'adoption 326
Contre 20

Le Sénat a adopté.

Discussion des articles du projet de loi ordinaire

M. le président.  - Nous en arrivons au projet de loi.

ARTICLE PREMIER A

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme N. Goulet.

Alinéa 8

Après les mots :

personne physique

insérer les mots :

de nationalité française

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement vise à interdire les dons de personnes physiques qui ne seraient pas citoyens français.

M. Jean-Pierre Michel.  - Retirez-le ! Voyez, le temps presse !

Mme Nathalie Goulet.  - La morale doit être respectée...

M. Jean-Pierre Michel.  - Il n'est pas question de morale mais de délai !

M. le président.  - Le scrutin a donné lieu à une brève interruption, que nous rattrapons maintenant. Maintenez-vous l'amendement, malgré M. Michel ?

Mme Nathalie Goulet.  - Je le maintiens, à cause de M. Michel !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Cet amendement pose une question judicieuse mais il n'existe pas de restriction au financement de personnes physiques étrangères dans notre droit. Il serait paradoxal qu'elles puissent être candidates et ne puissent pas financer. Je vous invite à retirer votre amendement pour nous permettre de revenir plus au fond sur cette question juridique.

Mme Nathalie Goulet.  - Au bénéfice de ces explications, je retire.

L'amendement n°1 est retiré.

L'article premier A est adopté, ainsi que les articles premier et 3.

L'article 3 bis demeure supprimé.

L'article 3 quater est adopté.

Le projet de loi ordinaire est adopté.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Grâce à l'effort de tous, y compris de M. Michel qui a fait preuve de son sympathique sens de la provocation (sourires), ces textes ont pu être adoptés.

M. le président.  - Merci à tous.

La séance suspendue à 18 h 35, reprend à 18 h 40.

Débat sur la pollution en Méditerranée

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur la pollution en Méditerranée : état et perspectives à l'horizon 2030.

M. Bruno Sido, président de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) .  - Merci au président du Sénat pour ce débat qui fait suite au rapport de M. Courteau, adopté par l'office. Je me réjouis que la réforme constitutionnelle nous permette de nous faire entendre une nouvelle fois, après le débat sur la politique européenne de l'espace, autour du rapport de Mme Procaccia.

La Méditerranée est très menacée par des pollutions de tous ordres et cette problématique se situe entre l'Europe et les pays des rives sud et est, d'où la nécessité de relancer l'Union pour la Méditerranée (UPM) dont l'action est inhibée par les suites des « printemps arabes » : même si l'orient est compliqué, avançons, avec des idées simples et fortes pour faire gagner la lutte contre la pollution de cet espace commun et précieux.

présidence de M. Jean-Patrick Courtois,vice-président

M. Roland Courteau, rapporteur de l' OPECST .  - J'avais effectivement présenté un rapport sur cette question il y a deux ans. Le bilan de mon étude, précédée de l'audition de 200 chercheurs et acteurs de terrain, est préoccupant. La Méditerranée est plus fragile que les océans, son eau se régénère en un siècle. Elle est victime de diverses pollutions chimiques, comme les PCB présents dans les lits des fleuves et que les crues mêlent à la mer, d'apports de nitrates, de phosphates, de produits pharmaceutiques, de phyto-toxines. Je pense à la pollution par les micro-plastiques, les fibres de vêtements, véritable bombe à retardement. On produit 300 millions de tonnes de plastique par an dans le monde. Les résidus sont nombreux ; les poissons, les oiseaux et les tortues se méprennent et les ingèrent. De fait, ces sacs se fragmentent et ressemblent à s'y méprendre à du plancton. C'est ainsi qu'ils se retrouvent dans la chaîne alimentaire. Les Français utilisent 18 milliards de sacs en plastique par an. Des pays les ont interdits, d'autres les ont taxés. En France, la loi d'orientation agricole de 2006 avait prévu de s'attaquer aux sacs en plastique, mais son décret d'application avait été jugé par Bruxelles non conforme à la directive européenne sur les emballages. Le projet de loi de finances 2010 a permis l'adoption d'une TGAP sur les sacs de caisse à usage unique à compter de 2014. Le décret doit s'appliquer à tous les sacs en plastique à usage unique. Nous y reviendrons.

A ces menaces telluriques, il faut ajouter les plateformes pétrolières vétustes et les rejets d'hydrocarbures par les bateaux. Comment ne pas s'insurger contre ces capitaines, véritables voyous des mers, qui dégazent au large dans l'indifférence générale ?

De nouveaux bateaux sont disponibles : leurs circuits de sécurité sont directement accessibles en cas de naufrage : il est important que ces dispositifs soient généralisés sur tous les navires afin de réduire les conséquences d'un accident en mer non seulement dans les régions polaires, comme l'a demandé la France à l'organisation maritime internationale (OMI), mais aussi aux mers semi-fermées comme la Méditerranée.

Avec le réchauffement climatique, les courants risquent de se modifier et le phytoplancton de disparaître.

J'ai été frappé de la diversité et de la richesse des études sur la Méditerranée mais j'ai constaté qu'elles étaient cloisonnées et relativement mal coordonnées. Depuis la parution de mon rapport, des progrès ont cependant été réalisés. Je me réjouis du programme Mistrals, qui regroupe 13 organismes de recherche français.

Quelques questions restent cependant en suspens : il faut progresser dans la Mare nostrum scientifique. Les pays de la Méditerranée peuvent-ils se regrouper pour bénéficier d'aide européenne, à l'instar des pays de la Baltique qui ont obtenu 50 millions d'euros dans le cadre du 7e programme cadre ? Les axes de recherches sur le milieu marin et les pollutions, habituels parents pauvres des allocations de crédits par rapport au changement climatique, doivent être renforcés.

Les scientifiques ont montré que plus le milieu naturel est intact, plus il réussira à s'adapter au réchauffement climatique. Nous devons donc protéger le milieu et réaffirmer les aires maritimes protégées en France, mais aussi sur tout le pourtour européen. En France, nous avons le parc marin de Porquerolles et celui de la côte vermeille, si cher à Christian Bourquin. A l'étranger, il en existe un trop faible nombre. En outre, le déséquilibre est évident entre le nord et le sud de la Méditerranée.

Les avancées constatées lors de l'audition publique que j'ai organisée en avril dernier -comme la réunion des ambassadeurs près l'UPM- sont lentes, très lentes. J'avais proposé de créer, au sein de l'UPM, une agence de l'environnement de la Méditerranée, fonctionnant sur la base du volontariat et selon des règles de majorité simplifiées. Quel est votre sentiment, monsieur le ministre ? (Applaudissements à gauche et au centre ; M. Bruno Sido, président de l'OPECST, applaudit aussi)

Mme Laurence Rossignol .  - Je rends hommage à la qualité du travail de M. Courteau. Le rapport était un cri d'alarme, avez-vous dit. J'espère qu'il trouvera un écho favorable car le constat est terrible. Oui, comme l'a dit un ancien président de la République, la maison brûle : les pollutions vont plus vite que la lutte engagée contre elles. Des micro et des macro déchets se répandent sur les plages, dans les eaux... 80 % des déchets proviennent de la terre. C'est donc là, en amont, que nous devons chercher les solutions.

Je m'inquiète aussi de l'impact des nouveaux déchets électroniques. Selon Greenpeace, le Ghana est la destination actuelle à la mode pour ces déchets. Un dixième de la production mondiale de plastique finit dans les océans.

Le rapporteur l'a souligné, les Français utilisent 18 milliards de sacs plastiques par an. Vous préconisez des recherches mondiales pour venir en aide à la Méditerranée. Les déchets sont toujours toxiques, on le sait. Seuls 3 % des molécules ont été décelées, ce qui est particulièrement inquiétant.

Que dire aussi des pollutions pharmaceutiques, très peu connues et qui se transmettent à la chaîne alimentaire ? L'épuration de l'eau doit encore s'améliorer. Cette question touche aussi les eaux du robinet. Or, on ne sait pas faire aujourd'hui, notamment pour les perturbateurs endocriniens qui jouent un rôle dans le développement des pubertés précoces.

La moitié des eaux usées sont rejetées en Méditerranée sans être traitées. Selon le WWF, les dégazages représentent 50 Erika par an, soit l'équivalent d'un naufrage par semaine en Méditerranée.

La destruction de la biodiversité est sans équivalent. Tout cela doit nous alerter car, comme le dit le proverbe chinois, « la perle vient d'une vulgaire huître ».

Un mot sur la surpêche, qui déséquilibre la chaîne alimentaire et détruit les fonds marins.

La Méditerranée rassemble des pays aux niveaux de développement différents, elle en sépare et en rapproche. Des financements innovants doivent être mis en place.

La France doit mettre la fiscalité environnementale au coeur de l'Europe. Mais l'UPM ne dispose pas de moyens financiers propres ! Comment imaginer une gouvernance sans argent ? La Méditerranée représente un apport économique vital pour certains pays. Tout doit être fait pour sauver ses eaux.

Merci à l'OPECST, dont je salue les travaux, ce qui me permet aussi parfois de les critiquer. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Isabelle Pasquet .  - L'OPECST a mené des travaux intéressants mais le constat dressé par le rapport de M. Courteau en 2011, confirmé par la table ronde organisée cette année, est alarmant : la Méditerranée, espace patrimonial unique, est en danger.

Aujourd'hui, les pollutions sont le fait de l'activité humaine. La Méditerranée est le nouvel Eldorado pour les exploitations d'hydrocarbures, ce qui détruit le milieu marin.

La transition énergétique nous impose de développer des énergies renouvelables et propres. La France a voulu l'UPM, six projets ont été définis comme mobilisateurs, dont la dépollution de la Méditerranée. Mais ces partenariats se sont enlisés et les écarts entre pays se sont accentués ; la méfiance prévaut désormais. De plus, la gouvernance était intergouvernementale et les peuples n'y ont jamais été associés. Les présidents des parlements des pays membres de l'UPM, réunis pour la première fois le 7 avril à Marseille, l'ont solennellement déclaré : la coopération euro-méditerranéenne sera parlementaire et citoyenne ou ne sera pas. Ils sont à juste titre alarmés, faisant écho à la résolution votée au Parlement européen à l'initiative de l'actuel ministre de l'éducation : l'UPM doit voir les moyens mis au service de ses grands projets considérablement renforcés.

Un changement d'orientation s'impose donc.

La pêche doit être soutenable, la Méditerranée ne peut pas être un terrain de jeu pour les sociétés pétrolières, l'harmonisation des conditions sociales sur les navires doit se faire par le haut. Il faut en finir avec le dumping fiscal, social, environnemental. La vocation intermodale du port de Marseille, porte d'entrée de l'Europe du nord, doit être réaffirmée. De ce point de vue, la dévitalisation du centre de tri de Miramas fut contreproductive.

Une réflexion sur la transition énergétique doit favoriser l'implantation des éoliennes en pleine mer dans les zones adéquates. La politique agricole doit exclure l'utilisation massive des pesticides De même faut-il, pour réduire les déchets, changer de modèle économique. Notre flotte océanographique doit être renouvelée. La construction d'une association euro-méditerranéenne doit voir le jour, ainsi que des coopérations avec tous les pays sur le pourtour méditerranéen.

Les propositions de M. Courteau sont intéressantes mais pas suffisantes. La création d'une énième agence, sur la base du volontariat, aboutira à une UPM à deux vitesses. Rien ne se fera si l'Europe ne s'associe pas à cet effort.

La Méditerranée joue un rôle géopolitique majeur. Les présidents des parlements européens, réunis à Marseille le 7 avril, ont appelé l'Union européenne et la Ligue des États arabes à prendre leurs responsabilités dans le règlement définitif du conflit au Proche-Orient et la reconnaissance de l'État palestinien. L'attitude européenne sur cette question sera décisive. (Applaudissements à gauche)

Mme Chantal Jouanno .  - Ce débat n'est pas le premier, ni le dernier. L'excellent rapport de M. Courteau est un cri d'alarme, que nous avons entendu. Il montre que la Méditerranée est un bien public mondial...

M. Roland Courteau.  - Absolument !

Mme Chantal Jouanno.  - Votre préoccupation sur la biodiversité est fondamentale. 8 % des espèces marines connues sont en Méditerranée, dont un quart endémiques. Plus de 5 000 molécules utilisées en pharmacopée et en cosmétologie proviennent des milieux marins. La Méditerranée est également un espace géopolitique majeur.

Face à ce bien public mondial, la méconnaissance du milieu marin est réelle et l'indifférence générale préoccupante. Jean-Louis Borloo avait tiré le signal d'alarme, lors du Grenelle de la mer. La disparition de la Comex est une perte pour la France et pour l'Europe.

Les pollutions émergentes et l'exposition aux produits chimiques font l'objet de recherches. Où en est-on, monsieur le ministre ? Les espèces invasives sont un fléau pour les communes touristiques. La surpêche du thon et d'espèces pélagiques, comme les anchois et les sardines, expliquerait l'arrivée de millions de tonnes de méduses en Namibie...

M. Bruno Sido, président de l'OPECST.  - Même chose en Bretagne !

Mme Chantal Jouanno.  - Quelle est votre position sur le chalutage et la surpêche, monsieur le ministre ?

L'indifférence est inquiétante. Certes, la France est un relatif bon élève, voire un leader, pour la protection de la biodiversité, l'assainissement en particulier...

M. Roland Courteau.  - C'est vrai !

Mme Chantal Jouanno.  - ...mais il reste beaucoup à faire.

L'UPM se heurte à des difficultés politiques, certes, mais il faudrait relancer le processus. Un accord sur l'eau a failli être signé mais il a manqué une signature. Elle seule a la dimension pour affronter les défis colossaux qui sont devant nous.

Défi du gigantisme. Le transport en Méditerranée a connu une croissance importante. Il faudrait prévoir la traçabilité des containers, savoir ce qu'ils contiennent, surtout quand ce sont des produits chimiques.

L'urbanisation du littoral est un autre défi, d'autant plus redoutable que les eaux vont monter du fait du réchauffement climatique. Or, les populations se situent sur les rivages en Méditerranée. Quid des migrations ? Que se passera-t-il au Caire avec les décharges en bord de mer ?

M. Roland Courteau.  - Bonne question !

Mme Chantal Jouanno.  - Qui concerne tous les pays riverains ! Défi de l'énergie : 60 plateformes pétrolières se caractérisent par leur vétusté. Êtes-vous prêt à décréter un moratoire sur de nouvelles plateformes ?

Que penser de celle qui doit voir le jour en Catalogne ? Une politique de protection pourrait avoir des impacts considérables sur le milieu marin. On voit nettement, lorsque l'on pratique la plongée, la différence entre les zones protégées et celles qui pâtissent de la surpêche, où les filets sont à 15 mètres des côtes, comme à Malte.

Merci pour ce débat, qui nous concerne tous. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes, RDSE et quelques bancs UMP)

M. Bruno Sido, président de l'OPECST  - Très bien !

M. Jean-Claude Requier .  - Il est des causes nobles. Oui, la Méditerranée, cette Mare nostrum, appartient au patrimoine commun. Or, elle est malade.

Nous sommes unanimes pour dire qu'il faut préserver la Méditerranée alors que les pollutions se multiplient. L'ampleur des dégâts est considérable. Nous devons changer la donne, comme l'a montré très justement M. Courteau. Les pollutions sont dues en grande partie à nos activités terrestres. Dans le Languedoc-Roussillon, cher à Christian Bourquin, l'urbanisation due au tourisme s'est considérablement accrue, depuis la mission confiée au préfet Racine par le général de Gaulle aux tout débuts de la Datar, et ce phénomène a entraîné diverses pollutions. Facteurs naturels et anthropiques se conjuguent pour les répandre au sein de l'espace méditerranéen. Il faut aussi mettre en valeur les innovations et les bonnes pratiques, soutenues par les collectivités territoriales.

Dans le domaine des pollutions agricoles, un travail collaboratif a permis d'enregistrer des progrès. Pour éviter la diffusion des résidus dans l'eau, l'enherbement donne de bons résultats.

Si la pression sur le thon demeure, l'avenir n'est pas sombre. Les navires et les circuits de vente s'adaptent. La pêche a les capacités pour devenir plus durable. Pour la Commission européenne, les réserves stratégiques sont encore importantes.

Nos plages, où les sports de loisir se développent, sont des pépinières d'emplois. A Banyuls-sur-Mer, le projet Biodiversarium vise à identifier les substances naturelles susceptibles d'être valorisées. A Mèze et Gruissan, on cherche à utiliser les algues pour fabriquer des biocarburants. Reste qu'il demeure bien des progrès à réaliser.

Ce sont les collaborations qui engendreront une nouvelle gouvernance de la Méditerranée. Je citerai la création du conseil de la façade maritime de Méditerranée ou encore la création du parc naturel du Golfe du Lion, en 2011, qui permettra, pour la première fois, aux acteurs locaux de faire du travail commun.

Renforcer la coopération entre tous les États riverains est également une exigence. Les États du sud doivent progresser en matière d'épuration. Créer une agence de protection de l'environnement au sein de l'UPM, comme le propose le rapporteur, est une bonne idée.

Pour peu que la dimension économique soit entreprise dans la logique de développement durable, la mer peut être une chance pour le développement économique dans le cadre de la politique maritime intégrée.

M. Ronan Dantec .  - Je salue l'excellent travail de M. Courteau, avec son rapport. Un cri d'alarme avant qu'il ne soit trop tard. La Méditerranée est un berceau de civilisation où, dans l'imaginaire collectif, Sinbad croise Ulysse. C'est aussi un trésor de biodiversité : 7 à 8 % des espèces marines pour 0,3% des eaux !

Mais les sources de pollution y sont nombreuses. Je n'en referai pas la liste. Je m'en tiendrai à quelques questions concernant le littoral français. Les écologistes se félicitent de l'annulation du permis exclusif de recherche d'hydrocarbure Rhône Maritime. Mais la création d'une zone économique exclusive (ZEE), par décret, sans concertation, fait craindre que ne soit autorisée l'installation de zones de forage. L'Espagne, qui a créé sa propre ZEE recoupant en partie la zone française, a déjà accordé douze permis de forage. Comment la France gerera-t-elle les pourparlers avec l'Espagne et le risque de voir apparaître des plateformes sur la côte catalane, voire en France ?

Je veux dire notre opposition au projet de centre d'essais techniques pour l'industrie pétrolière, qui se situe près du parc naturel de Port Cros. Et quid des boues rouges de l'usine de Gardanne qui se déversent dans les calanques, désormais parc national ?

La mer Méditerranée, trait d'union entre plusieurs continents, rend la coopération indispensable. La création d'aires marines protégées n'a de sens que dans un cadre supra national. L'appel de Paris pour la haute mer en témoigne. Sur le traitement de l'eau, il convient d'encourager les projets bilatéraux. L'AFD contribue au développement des réseaux d'assainissement au sud. Il existe aussi des projets menés en coopération par les collectivités : je pense au projet innovant lancé par le Syndicat d'assainissement de l'agglomération parisienne, Nogent-sur-Marne et trois fédérations de villes libanaises.

Il n'y a pas de raison de céder au pessimisme. On peut aussi s'inspirer de ce qui se fait au sud. J'en veux pour preuve l'initiative de villes tunisiennes littorales qui ont anticipé la montée des eaux qui résultera du réchauffement climatique.

Les États riverains de la Méditerranée sont interdépendants. Les États du sud, où nous transférons des industries polluantes comme le textile pour produire à bas coût, nourrissent la consommation au nord. C'est le modèle qui a provoqué la catastrophe de Dacca. Soutenir le processus démocratique en cours sur la rive sud est essentiel -et les associations de protection de l'environnement auront un rôle à jouer.

Les réponses que nous saurons apporter diront beaucoup de notre avenir commun.

Mme Hélène Masson-Maret. .  - Merci au président Courteau pour son excellent rapport qui a passionné la méditerranéenne que je suis.

Il est difficile d'anticiper à dix ans sur la pollution en Méditerranée mais le fait est que la situation s'est considérablement dégradée.

Le rapport développe certains scénarios catastrophiques qui tirent la sonnette d'alarme.

Mer entourée de montagnes, souvent comparée à un grand lac, la Méditerranée abrite 8 % des espèces maritimes. Mais cette biodiversité est très fragile. Les vents du nord poussent les polluants vers la rive sud, où la population a explosé au cours des dernières années. Le développement des mégapoles comme Le Caire et Istanbul, qui dépassent les dix millions d'habitants, et de très grandes villes côtières entraîne un accroissement des pollutions ménagères et de raréfaction des ressources en eau. 180 millions d'habitants disposent de moins de 1 000 mètres cubes par an, soit le « seuil de pauvreté» en la matière.

La Méditerranée est la destination touristique la plus fréquentée au monde : 40 % du total, même si on a pu noter en 2012 une baisse de 10 %, et même de 30 % de touristes en provenance de France. La multiplication des pollutions industrielles est également dramatique, comme l'accroissement du trafic maritime qu'a évoqué Mme Jouanno. Le réchauffement climatique provoquera dans le bassin méditerranéen une diminution des apports en eaux douces, plus polluées qu'auparavant, et la salinité bouleversera le bon fonctionnement de la chaîne alimentaire.

Il est urgent d'adopter des propositions concrètes.

Mais il n'est pas facile d'harmoniser des politiques dans un espace qui réunit des identités si diverses.

La prise de conscience internationale remonte à la convention de Barcelone, qui comprend un protocole tellurique, essentiel sachant que la pollution de source terrestre compte pour 85 %. Or, on peut avoir sur elle une action efficace. C'est à quoi s'emploient le plan d'action pour la Méditerranée, depuis 1975, et plus récemment l'initiative Horizon 2020 et l'UPM, preuve que ces sujets sont au coeur des préoccupations européennes et des riverains. Ce qui caractérise cette action, c'est qu'elle reconnaît la nécessité d'aider les pays limitrophes.

L'UPM, créée en 2008 par Nicolas Sarkozy, a placé la protection de la Méditerranée au coeur des préoccupations des gouvernements. Les pollutions méconnaissent les frontières. Hommage soit rendu à la France, qui intervient activement au sud et a noué des accords bilatéraux sur les pollutions accidentelles, comme l'accord Ramoge franco-monégasque-italien, dont la nouvelle version a été adoptée le 26 novembre 2012, ou le Lion plan, qui organise la coopération entre la France et l'Espagne pour lutter contre les pollutions marines accidentelles -l'exercice organisé le 6 juin a été concluant.

Mais la Méditerranée n'a pas de culture de la catastrophe maritime. Qu'arriverait-il si un drame comme celui de l'Amoco Cadix survenait ? Notable est aussi l'accord Pelagos, qui crée une aire d'importance méditerranéenne protégée, sous l'égide du PNUE. Côté français, Pelagos se porte bien : 25 communes et Nice ont signé l'accord. Il y a donc des actions concrètes intéressantes : il ne faut pas baisser les bras. En Italie, 26 municipalités ont adhéré. Les contrats de baie sont également efficaces. Ils rassemblent les acteurs du littoral pour préserver la qualité des eaux. Dans les Alpes-Maritimes, deux contrats ont été signés récemment, celui des Golfes de Lérins, le 3 juin dernier. Voilà qui témoigne d'une collaboration rationnelle entre services de l'État et collectivités territoriales.

Je salue l'initiative de Martin Schulz, président du Parlement européen et de l'assemblée parlementaire de l'UPM, qui a reçu des parlementaires de l'Union il y a deux mois à Marseille. C'était la première rencontre de haut niveau depuis le sommet de l'UPM en 2008, et le premier sommet politique après les révolutions arabes.

Des structures opérationnelles existent : il faut les utiliser et les renforcer. La France doit intervenir davantage encore au sud et militer pour une harmonisation des législations. Si nous faisons de gros efforts sans que nos voisins nous suivent, le résultat sera peu fructueux. Il faut réagir face au drame annoncé en 2030. J'insiste sur l'exigence d'honorer les engagements pris pour 2013, en assurant leurs financements. L'avenir est entre nos mains. (Applaudissements à droite ; M. Roland Courteau applaudit aussi)

Mme Odette Herviaux .  - Samedi marquait la journée mondiale des océans, quelques mois après Rio+20 qui a mis en lumière l'urgence d'une mobilisation internationale. Les cris d'alarme se multiplient et convergent : la dimension maritime doit être intégrée dans les trois piliers du développement durable. Saluons donc l'appel de Paris pour la haute mer, qui fixe un cap ambitieux. La Méditerranée, zone de confluences et de métissages mais fragile car fermée, subit les effets de la multiplication du trafic maritime et du tourisme de masse. Des mesures d'urgence s'imposent.

Parlementaire bretonne, j'ai été très impliquée dans la réforme portuaire. Le trafic maritime, si nécessaire à notre économie, reste à l'origine de multiples pollutions. Si la Méditerranée ne déplore qu'un accident pétrolier majeur, au large de Gênes, la vigilance est de mise. Estimés entre 100 000 et 200 000 tonnes par an, les rejets volontaires contribuent à la dégradation des eaux et des écosystèmes. L'insuffisance des équipements et le laxisme de certains États sont responsables. (M. Roland Courteau approuve) Si les eaux françaises sont épargnées, celles des pays européens du sud le sont moins. La course au gigantisme naval, qu'il s'agisse des porte-containers ou des navires de croisière qui contiennent à eux seuls plus de fioul que l'Erika, exige des mesures de prévention ambitieuses. Renforcer l'imagerie satellitaire est certes utile mais priorité doit être donnée à la prévention des catastrophes et à la réduction de leur impact.

Cela suppose l'uniformisation des systèmes d'information, la lutte contre les dumpings sociaux et écologiques pour une harmonisation par le haut des réglementations et la promotion de la sécurité passive embarquée qui devrait être généralisée.

Le pavillon européen aurait pu aussi être un instrument. N'oublions pas que les gens de mer devraient être les premiers acteurs d'un trafic maritime éco-responsable.

La sécurité passive embarquée, si elle avait existé, aurait économisé des millions d'euros dans les catastrophes de l'Erika et du Prestige.

C'est une approche ambitieuse et exigeante qu'il nous faut continuer à défendre, pour un développement durable reposant sur ses trois piliers : économique, écologique et social, dans le cadre d'une politique maritime intégrée. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - A mon tour d'adresser mes félicitations à M. Courteau, en le remerciant d'avoir pris l'initiative de ce débat. Votre rapport, qui fait référence monsieur Courteau, dresse un constat et lance un cri d'alarme.

La France est active sur ces questions insuffisamment connues, dans la perspective d'une politique maritime intégrée. Nous avons lancé les Assises de la mer et du littoral pour construire la réflexion avec les territoires et les acteurs, et décliner notre stratégie. Cette approche répond à vos préoccupations. Dans cette nouvelle ambition maritime, le bassin méditerranéen est central. Je l'ai indiqué à Athènes, où j'avais répondu à l'invitation de Mme Damanaki, lors du colloque sur l'enjeu des politiques intégrées en Méditerranée, qui nous fut l'occasion d'échanger afin de donner un rôle moteur à l'Europe.

Je me suis rendu sur le littoral méditerranéen. Lors de la réunion du comité de façade maritime, à Marseille, les enjeux que vous avez évoqués ont été au coeur des réflexions.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? Notre stratégie va à une meilleure qualité des eaux terrestres et urbaines. Les conclusions sur l'évaluation de la politique de l'eau seront bientôt rendues. Les efforts de l'Agence de l'eau Méditerranée-Corse seront, dans cette bataille, essentiels. De 2013 à 2018, 100 millions par an seront consacrés à la protection de la Méditerranée et à la réalisation de certains programmes. Ainsi de l'amélioration de la qualité des eaux. J'ai rencontré les ostréiculteurs de l'Étang de Thau. Mais il faut aussi améliorer nos connaissances sur la contamination de la chaîne et le déversement en mer des molécules. Y a-t-il un lien avec la disparition des sardines et des anchois ?Il faut donner à la recherche les moyens de s'y atteler. Il faut, enfin, réduire les pollutions quotidiennes arrivant à la mer. Car les grands accidents occupent le devant de la scène, mais ces pollutions insidieuses sont tout autant préoccupantes. Nous agissons pour la restauration biologiques des sites littoraux dégradés et le renforcement de la continuité terre-mer, ainsi que pour la sensibilisation des acteurs. La directive-cadre de 2008 a pour objectif de parvenir à un bon état des eaux marines d'ici 2020. Nous avons mis en place un plan d'action pour la Méditerranée. Nombre des objectifs approuvés répondront, monsieur Courteau, à votre cri d'alarme.

Mais on ne peut s'en tenir au seul cadre juridique. Il faut apurer le passé et lutter contre la pollution des milieux aquatiques par les micropolluants. Un appel à projet sera lancé en 2013 pour des bassins versants pilotes.

Une réflexion est en cours sur l'abaissement du seuil de rejet de PCB dans les sédiments de dragage, qui aidera aussi à avancer.

Vous avez évoqué les boues rouges, sur le site de Gardanne. Les rejets solides seront interdits en 2015 ; pour les rejets liquides, avec le risque de remise en cause du site, il faudra un suivi particulier pour vérifier la conformité des installations à la directive sur l'eau. Je sais le sujet très sensible pour le parc des Calanques et que la population s'est émue. Le conseil d'administration du parc va bientôt se réunir et nous serons très attentifs à ses conclusions.

Le constat sur les sacs plastiques est ancien. L'action est engagée dans notre pays, où l'on est passé de 10 milliards à 700 millions de sacs en 2011. Mais d'autres pays riverains consomment encore beaucoup de ces sacs. Il faut rester mobilisé.

Les aires marines protégées sont essentielles : cinq sont identifiées au titre de la convention de Barcelone. Ce classement est un véritable label pour les sites emblématiques. Nous avons également 50 sites Natura 2000 et certaines aires exceptionnelles, comme le parc naturel de Port Cros.

En Corse, l'extension de la réserve de Scandola pourrait être envisagée, comme la création d'un parc marin, mais il faut avoir conscience que la situation financière est difficile.

Le réseau Natura 2000 au large pourrait voir le jour en 2015 à la suite de la campagne d'acquisition des connaissances en cours.

L'impulsion existe mais elle ne suffit pas pour garantir une protection optimale de l'espace méditerranéen. Des initiatives sont prises, qui ne sont pas toutes spécifiques à la Méditerranée ; nous transposons actuellement plusieurs dispositions dans la loi Dadue. Malheureusement, le débat parlementaire sur ces questions, plutôt consensuel, est souvent trop rapide et ne permet pas de sensibiliser les citoyens à des enjeux qui sont majeurs. Parmi ces dispositions, je pense à la responsabilité de l'État côtier dans la surveillance du milieu maritime, qui a été considérablement accrue. En Méditerranée, plus de 500 inspections de navires étrangers ont été effectuées l'an passé dans nos ports -un record. Les Cross recueillent, depuis 2012, toutes les informations relatives au trafic, aux incidents et accidents en mer et les notifient au système européen ad hoc. La France entend réglementer le passage dans les bouches de Bonifacio à la suite de leur classement par l?OMI en zone particulièrement vulnérable ; les moyens de pilotage nécessaires devront être dégagés.

Le Cross Med cordonne les missions de recherche et de constatation des infractions de rejet d'hydrocarbures. Les signalements ont été divisés par deux, passant à 185 en 2012. C'est une bonne nouvelle, les rejets illicites au large de la ZEE ont diminué. Ce résultat est dû à l'obligation d'enregistrement des déchets par les capitaines, à l'efficacité de la détection par satellite et au caractère dissuasif des sanctions. La France a signé deux accords de coopération avec ses voisins en cas de pollution marine.

Mme Herviaux m'a demandé si la prévention des pollutions accidentelles était suffisante et elle a fait référence au gigantisme des navires. Il s'agit effectivement d'un enjeu majeur. La France a présenté un amendement en ce sens au texte en cours de rédaction à l'ONU ; la présidence norvégienne du groupe de travail ad hoc va prochainement ouvrir les discussions. Il faudra vérifier le caractère opérationnel du dispositif pour la Méditerranée.

La France ne dispose d'aucune installation d'exploitation gazière et pétrolière en Méditerranée. Aucun acte nouveau ne sera pris dans le dossier, les demandes de renouvellement de permis sont considérées comme irrecevables. Pour autant, il existe des plateformes à l'étranger, certaines dégradées, comme en Égypte ou Libye, d'autres dont l'état n'est pas connu. Des initiatives devront être prises, d'abord pour obtenir des informations, puis pour suivre régulièrement les conditions d'exploitation.

M. Dantec m'a interrogé sur la délimitation de la ZEE et la question de la superposition des cartes. Avec l'Espagne, nous avons un léger contentieux sur une zone qui pourrait faire l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation d'hydrocarbures. Nous avions, en tout cas, l'antériorité du classement en zone de protection. Je ne doute pas que nos relations avec ce pays permettront de réduire ce différend.

La recherche est une composante importante de la politique maritime et de protection de l'environnement. Les membres du comité spécialisé vont bientôt être désignés ; il faudra faire le point des enjeux de la recherche et mobiliser tous les ministères concernés ; je m'en suis déjà entretenu avec Mme Fioraso. Depuis 2012, les initiatives locales ou régionales se sont multipliées en matière de recherche sur le milieu marin, à Marseille, à Sète ou à Montpellier. Je pense en particulier à la création d'instituts spécialisés dans l'océanologie ou la biodiversité. La commission internationale pour l'exploration scientifique de la mer regroupe plus de 3 000 chercheurs marins venus de plus de 500 instituts de plus de trente pays. Nous entendons encourager ses travaux. Marseille accueillera d'ailleurs, le 28 octobre, la quarantième conférence de cette commission. Au sein du programme de recherche sur le changement climatique, les pays des rives nord et sud de la Méditerranée souhaitent créer un consortium de recherche spécialisé. D'autres projets existent, que je ne peux tous citer.

Mme Pasquet m'a interrogé sur le renouvellement de la flotte océanographique. C'est en effet un enjeu important. Une réflexion est engagée pour trouver des financements, notamment pour la rénovation du Marion-Dufresne.

Des contrats de coopération de grande qualité ont été signés pour étudier les conséquences du changement climatique, Météo France est très impliquée. Il est important de lier ces questions avec les politiques maritimes.

J'en viens à la question de la gouvernance. Des difficultés demeurent en effet, qui ne sont pas spécifiques à la politique de prévention des pollutions. Il faudra avancer, notamment dans le cadre de l'UPM. La mer est notre patrimoine commun, la conférence d'Athènes peut être l'occasion de renforcer la coopération à tous les niveaux.

Nous devons renforcer les instruments de coopération traditionnels, qui sont opérationnels, pour lutter contre les pollutions. Des mesures concrètes ont déjà été prises dans le cadre de la convention de Barcelone ou du plan d'action pour la Méditerranée, limitation des apports de mercure ou gestion des eaux de ballast. Faut-il une agence supplémentaire ? Il est d'abord indispensable de consolider les processus déjà engagés.

Le débat de ce soir permettra sans doute de réaffirmer notre mobilisation. Vous pouvez compter sur moi pour porter votre combat en faveur de la Méditerranée. Le rapport de M. Courteau fera date et servira de base à toute notre réflexion. La richesse de vos travaux et la contribution de chacun permettront de soutenir les initiatives et de porter une volonté politique que je sais partagée. (Applaudissements à gauche)

Accord en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Question prioritaire de constitutionnalié

M. le président.  - M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 12 juin 2013, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 918 ancien du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006. (Droit de propriété)

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Prochaine séance demain, jeudi 13 juin 2013, à 9 heures.

La séance est levée à 20 h 55.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mardi 15 janvier 2013

Séance publique

De 9 heures à 13 heures

1. Projet de loi relatif à l'élection des sénateurs (n°377, 2012-2013)

Rapport de M. Philippe Kaltenbach, fait au nom de la commission des lois (n°538, 2012-2013)

Résultats des travaux de la commission (n°539, 2012-2013)

Rapport d'information de Mme Laurence Cohen, fait au nom de la délégation aux droits des femmes (n°533, 2012-2013)

2. Proposition de loi portant diverses dispositions relatives aux collectivités locales (n°554, 2012-2013)

Rapport de M. Alain Richard, fait au nom de la commission des lois (n°630, 2012-2013)

Texte de la commission (n°631, 2012-2013)

De 15 heures à 15 heures 45

3. Questions cribles thématiques sur l'avenir des retraites

De 16 heures à 20 heures

4. Suite de la proposition de loi autorisant l'expérimentation des maisons de naissance

Rapport de Mme Muguette Dini, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°368, 2012-2013)

Texte de la commission (n°369, 2012-2013)

5. Proposition de loi visant à instituer une évaluation médicale à la conduite pour les conducteurs de 70 ans et plus (n°605, 2012-2013)

Rapport de M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois (n°637, 2012-2013)

Résultat des travaux de la commission (n°638, 2012-2013)