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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions prioritaires de constitutionnalité

Dépôt de rapports

Programmation militaire

Discussion générale

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur de la commission des affaires étrangères

M. Yves Krattinger, rapporteur pour avis de la commission des finances

M. Jean-Pierre Sueur, président et rapporteur de la commission des lois

Mme Corinne Bouchoux

M. Dominique de Legge

M. Jean-Marie Bockel

Mme Michelle Demessine

M. Jean-Pierre Chevènement

M. Daniel Reiner

M. Xavier Pintat

M. Yves Pozzo di Borgo

M. Jacques Berthou

M. Jacques Gautier

M. Jeanny Lorgeoux

M. Gérard Larcher

M. Gilbert Roger

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

Discussion des articles

ARTICLE 3

ARTICLE 3 BIS

ARTICLE 4

Mme Cécile Cukierman

ARTICLE 4 BIS

ARTICLE 4 TER

ARTICLE 4 QUINQUIES

ARTICLE 5

ARTICLE 6

ARTICLE 10

Dépôt d'un rapport

Programmation militaire (Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 13

M. Jean-Jacques Hyest

ARTICLE 17

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE 33

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE 2 (Précédemment réservé)

Mme Isabelle Pasquet

M. Yves Pozzo di Borgo

Questions prioritaires de constitutionnalité

Dépôt de rapports

Programmation militaire

Discussion générale

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur de la commission des affaires étrangères

M. Yves Krattinger, rapporteur pour avis de la commission des finances

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois

Interventions sur l'ensemble

Mme Nathalie Goulet

Mme Corinne Bouchoux

M. Daniel Reiner

M. Jean-Pierre Chevènement

M. Dominique de Legge

Mme Michelle Demessine

M. Yves Pozzo di Borgo

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

Convention fiscale France Canada

Discussion générale

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger

Mme Michèle André, rapporteur de la commission des finances

M. André Gattolin

M. Dominique de Legge

Mme Isabelle Pasquet




SÉANCE

du lundi 21 octobre 2013

12e séance de la session ordinaire 2013-2014

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

Secrétaires : M. Jean-François Humbert, Mme Catherine Procaccia.

La séance est ouverte à 11 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions prioritaires de constitutionnalité

Mme la présidente.  - M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 18 octobre 2013, deux décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité portant, pour la première, sur l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 23 mars 2006 (Autorité des décisions du Conseil constitutionnel) ; et pour la seconde, sur les articles 34-1, 74 et 165 du code civil ainsi que l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales (Célébration du mariage  - Absence de « clause de conscience » de l'officier de l'état civil).

Dépôt de rapports

Mme la présidente.  - M. le président du Sénat a reçu, le 17 octobre 2013, de M. Éric Bocquet un rapport fait au nom de la commission d'enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre, créée le 17 avril 2013, à l'initiative du groupe CRC, en application de l'article 6 bis du Règlement.

Ce dépôt a été publié au Journal officiel, édition Lois et Décrets, du 18 octobre 2013. Cette publication a constitué, conformément au paragraphe III du chapitre V de l'instruction générale du bureau, le point de départ du délai de six jours nets pendant lequel la demande de constitution du Sénat en comité secret peut être formulée.

Ce rapport sera publié sous le n°87, le jeudi 24 octobre 2013, sauf si le Sénat, constitué en comité secret, décide, par un vote spécial, de ne pas autoriser la publication de tout ou partie de ce rapport.

Le président du Sénat a également reçu de M. le Premier ministre le rapport d'évaluation du livret de compétences expérimental établi en application de l'article 11 de la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.

Enfin, le président du Sénat a reçu de la présidente de la commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer le rapport d'activité de cette commission établi en application de l'article 74 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.

Programmation militaire

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

Discussion générale

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense .  - La succession de crises internationales vient rappeler à la réalité ceux qui croient encore à la fin de l'Histoire et des conflits armés ; la France, elle, n'a jamais cessé d'être vigilante : elle l'a encore montré au Mali et en Syrie. D'autres enjeux apparaissent : en Centrafrique, au Proche et au Moyen-Orient, dans les mers infestées de pirates.

Cette loi de programmation s'inspire directement de nos expériences de ces derniers mois et de la tradition de la Ve République.

Comment préserver nos capacités militaires, afin de veiller aux intérêts de la France et de l'Europe ? Les menaces s'aggravent, les risques se diversifient, alors même que le désendettement s'impose pour garantir, là encore, notre souveraineté. Il n'y a là nulle antinomie : sans contrôle des déficits, point de maîtrise de nos choix stratégiques.

Pour réaliser des économies faciles, nous aurions pu décider des renoncements spectaculaires à certaines de nos responsabilités internationales. Au contraire, nous sommes tenus à une stricte sincérité dans la description des menaces et la définition des moyens pour y faire face.

L'effort consenti est important : un budget maintenu à 31,4 milliards de 2014 à 2016 pour atteindre progressivement 32,5 milliards les années suivantes, soit 190 milliards en euros courants d'ici 2019.

Des ressources exceptionnelles de 6,1 milliards d'euros viendront compléter les ressources budgétaires. Leur origine, cette fois, est explicitée : cessions d'emprises immobilières, de participations dans des entreprises publiques de fréquences hertziennes et redevances sur les fréquences antérieurement cédées. Une clause de sauvegarde complète le tout, conformément au souhait de votre commission.

Ce niveau de ressources, comme l'a voulu le président de la République, est à la fois ambitieux et réaliste. Le Parlement aura de nouveaux moyens pour contrôler l'exécution de la loi.

Notre stratégie répond aux trois missions principales de nos armées : protéger le territoire et les citoyens, assurer la dissuasion nucléaire, intervenir sur les théâtres extérieurs.

S'agissant de la première mission, 10 000 hommes pourront intervenir en renfort des forces de sécurité intérieure et une place particulière est faite à la cyberdéfense.

Lors des Opex, jusqu'à 7 000 hommes pourront être employés. Pour les opérations de guerre, nos armées pourront toujours être projetées en premier et des forces spéciales persisteront.

Enfin, aucune des deux composantes de notre dissuasion nucléaire n'est remise en cause parce qu'elles sont la condition de notre autonomie stratégique aussi longtemps que la prolifération est un risque avéré et que demeurent des formes possibles de chantage. On peut le déplorer, pas le nier.

Rares sont les nations dont les armées sont capables de répondre à ces trois missions. Nulle trace ici de déclassement stratégique : en 2020, la France restera aux premiers rangs dans le monde et en Europe.

Être autonome, ce n'est pas être seul : notre stratégie tient compte de nos alliances. Tous les programmes européens sont poursuivis et deux nouveaux programmes sont créés ; la mutualisation des moyens est une priorité. Quant à l'Alliance atlantique, la pleine participation de la France dans les instances de commandement est le complément de notre engagement en faveur de l'Europe de la défense.

Priorité sera donnée à la préparation opérationnelle et à l'entraînement des forces. La valeur de nos soldats s'est illustrée au Mali. Cependant, depuis quelques années, la préparation opérationnelle fléchit ; il faut inverser cette tendance.

Les crédits d'entretien programmé du matériel augmenteront de 4,3 % par an pour atteindre 3,4 milliards contre 2,9 dans la précédente loi de programmation militaire. Nous ne voulons pas d'une grande armée de papier mais des soldats bien entraînés et bien équipés.

Tous les programmes d'armement seront maintenus, d'autres seront lancés. L'effort atteindra, en 2019, 18,2 milliards d'euros par an. Parmi les équipements livrés, certains illustrent particulièrement notre capacité à intervenir dans des conflits d'importance : avions Rafale et A400M, hélicoptère Tigre, porte-avions Charles-de-Gaulle, satellites Musis. Certains de ces équipements seront polyvalents. À ces livraisons, il faut ajouter les rénovations des Mirage ou encore des frégates La Fayette. Nous aurons ainsi évité toute rupture de notre capacité militaire industrielle, que personne ne peut souhaiter au Sénat. Mutualisation et différentiation des armées contribueront à optimiser les moyens.

Un effort substantiel de 730 millions par an pour la recherche sera consenti. (M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur de la commission des affaires étrangères, approuve) À titre d'exemple, je pense en particulier au programme sur les drones du futur, qui sera doté de 700 millions. Cet effort bénéficiera à notre industrie de défense, qui est à la fois la condition de notre autonomie et un formidable levier de croissance et d'emplois.

Ce projet de loi est fondamental parce qu'il engage l'avenir. Cela vaut aussi pour son volet normatif.

Sur le renseignement, le texte définit l'équilibre entre le renforcement des moyens des services et celui du contrôle parlementaire. En ce qui concerne les moyens, les priorités vont à l'imagerie et à l'interception des communications électroniques. En contrepartie, une inspection générale sera créée. La délégation parlementaire au Parlement voit sa mission confortée. Elle intégrera en son sein la commission de vérification de fonds spéciaux et sera destinataire des principaux documents relatifs au renseignement : plan national et stratégie nationale d'orientation.

La lutte contre le terrorisme demeure évidemment au coeur de nos préoccupations.

L'accès aux fichiers de police administrative et judiciaire et la création de la banque de données passagers, dite « PNR », fournies par les compagnies aériennes, sont indispensables.

Il en va de même de la cyberdéfense, alors que la vulnérabilité de l'appareil d'État et des entreprises croît au même rythme que la dépendance de la nation aux systèmes d'information.

Avec ce texte, l'État pourra imposer des règles aux opérateurs. Les responsabilités du Premier ministre et les moyens de ses services en matière de sécurité et de défense des systèmes d'information stratégiques seront explicités dans le code de la défense.

Au-delà, le projet de loi prévoit le développement de nos capacités militaires et non militaires, défensives et offensives, la mise en place d'une chaîne opérationnelle, centralisée au niveau du centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) de l'état-major des armées ainsi qu'un renforcement des moyens humains. Plusieurs centaines de spécialistes seront recrutés. Un effort financier significatif, enfin, permettra l'acquisition de nouveaux équipements ainsi que la réalisation d'études amont.

Pour financer ces priorités, le ministère de la défense devra consentir des économies qui seront réalisées sur le fonctionnement, les effectifs, la masse salariale, les coûts de structure. Ces économies difficiles appelleront de notre part des efforts d'accompagnement, d'analyse et d'explications.

Au titre de la présente loi de programmation militaire, 23 500 emplois seront supprimés, en plus des 10 500 inscrits dans la loi précédente. Cette baisse est cohérente avec nos choix opérationnels. Priorité sera donnée aux forces opérationnelles. La simplification et la clarification de l'organisation seront partout recherchées. Une analyse fonctionnelle préalable sera réalisée : je n'entends pas procéder de manière arithmétique ni automatique.

Le personnel doit être pleinement informé. Nous venons de lancer, à la demande du président de la République, la rénovation de la concertation militaire. La pleine implication du commandement et le strict respect de l'obéissance hiérarchique ne s'opposent pas au dialogue, bien au contraire. Le personnel doit ainsi bénéficier d'un accompagnement social afin que les départs, s'ils sont nécessaires, se fassent dans de bonnes conditions ; d'où les pécules, l'accès à la pension du grade supérieur, la promotion fonctionnelle -qui n'est pas, chère madame Demessine, l'ancien conditionnalat-, ou encore les dispositifs de disponibilité rénovée dans le projet de loi. Dans le même esprit, nous renforcerons la politique de reconversion pour les militaires et le reclassement dans la fonction publique pour les agents du ministère.

Au total, un plan d'accompagnement de près d'un milliard d'euros est prévu pour l'incitation à la mobilité et au départ.

Quant aux restructurations, mon objectif est de préserver au maximum les liens qui relient les armées et les territoires, d'aménager la transition pour les sites qui seront amenés à fermer. Tirant les enseignements des précédentes restructurations, les actions de l'État seront davantage concentrées, avec 150 millions d'euros au total pour les territoires les plus affectés. Ce plan sera complété par un dispositif d'aide des PME, appuyé sur la Banque publique d'investissement.

Ce texte, comme vous l'avez relevé, défend la singularité du soldat. Il met en place, comme l'avait souhaité le président de la République, divers outils juridiques afin d'éviter une judiciarisation inutile de l'action des militaires engagés en opération extérieure. Il ne s'agit pas de consacrer une quelconque immunité pénale des militaires, encore moins de priver les familles de leurs droits. Il s'agit simplement d'adapter le droit pénal à la réalité de ce qu'est un conflit armé : dans lequel nos militaires sont prêts à y donner leur vie comme à la prendre. Ces propositions ont été préparées en bonne intelligence entre mon ministère et les services de la garde des sceaux.

Je saisis cette occasion pour rendre hommage solennellement avec vous aux sept militaires tombés au combat dans l'opération Serval, et à leurs quarante camarades gravement blessés. Ils témoignent des dangers, de l'engagement et du dévouement si particulier pour le pays que représente leur métier. Nous leur devons la reconnaissance de la Nation.

Un projet de loi de programmation militaire est par définition perfectible, et je sais gré à vos commissions de leurs apports.

Vos réflexions préparatoires, la participation de trois d'entre vous à la commission du Livre blanc, votre contribution à la conception de la programmation et maintenant votre marque sur le texte même l'ont nourri ; cela donne tout son sens aux choix du Sénat pour l'examen en première lecture.

Ce projet, équilibré, confortera notre autonomie stratégique et notre ambition européenne, tout en contribuant au renforcement de notre souveraineté budgétaire. Cette situation n'est pas si fréquente, je le dis sans sentiment de supériorité. J'ajoute que ce texte déborde souvent le champ de la défense et s'étend vers celui de la sécurité nationale, dont je partage la responsabilité avec le ministre de l'intérieur.

En décidant le maintien de notre effort de défense, le président de la République a souligné que la France accomplissait cet effort non pour ses armées en elles-mêmes mais pour sa propre sécurité. J'ai confiance dans la représentation nationale pour confirmer cette ambition, dans l'intérêt de la France et le respect de celles et ceux qui la servent avec courage, professionnalisme et dévouement. (Applaudissements)

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur de la commission des affaires étrangères .  - Me voici président et rapporteur ; ne vous inquiétez pas, nous voyons bien venir la fin du cumul des mandats. (Sourires)

Cette loi de programmation militaire, moment important pour notre défense, est propice au rassemblement républicain. C'est pourquoi, comme naguère le président de Rohan, j'ai voulu y associer le plus grand nombre de nos collègues, majorité et opposition, ainsi que les commissions des lois et des finances. Les groupes de travail, coprésidés par des membres de la majorité et de l'opposition au sein de notre commission de la défense, avaient préparé le terrain.

Malgré une situation économique très difficile, le président de la République a décidé de sanctuariser les moyens de la défense nationale. Au total, les dépenses atteindront 190 milliards d'euros d'ici 2019. C'est maintenir l'effort de défense tout en veillant au désendettement ; celui-ci représente un autre enjeu de souveraineté quand les intérêts de la dette forment le premier poste budgétaire de l'État. Alors que nos voisins sabrent dans leurs dépenses de défense, la France, elle, tiendra son rang. Cette décision doit être saluée.

Moins nombreuses mais mieux armées, nos forces seront plus efficaces. Je pense aux drones Male et aux ravitailleurs tactiques, qui ont fait cruellement défaut lors des dernières interventions.

La priorité donnée au renseignement, à l'équipement et à la cyberdéfense permettra à la France de disposer d'un outil de défense robuste et modernisé.

Le volet normatif du texte est important. Je pense notamment au renseignement : le contrôle parlementaire est une garantie d'efficacité. Avec ce projet de loi, nous franchirons une nouvelle étape, sans voyeurisme ni chicanerie. Je pense aussi aux dispositions pour éviter toute judiciarisation excessive de l'action des soldats en opération extérieure : le métier des armes n'est pas un métier comme les autres.

Tout se tient ici. Veillons aux conditions dans lesquelles nous entamerons l'exécution de cette programmation. Je m'inquiète des surcoûts liés aux Opex en 2013, de la levée de crédits mis en réserve et des surcoûts liés au système Louvois. Un report de charges de 3 milliards d'euros pèserait lourdement sur la défense. Il faut obtenir du ministère du budget un financement interministériel intégral du surcoût des Opex. (Marques d'approbations sur divers bancs)

Je remercie solennellement le Gouvernement pour éviter tout retard dans les cessions. Mais seront-elles toutes au rendez-vous ? La commission souhaite intégrer une clause de sauvegarde dans la partie normative du projet de loi. Comment s'y opposer, si l'on est de bonne foi ? Je vous le dis avec beaucoup de courtoisie, monsieur le ministre.

Nous ne voulons pas voir la masse salariale augmenter tandis que les effectifs diminuent. Nos bases sont sous tension, nous l'avons constaté à Mont-de-Marsan. Vous avez lancé, monsieur le ministre, une réflexion sur la restructuration de nos implantations. C'est indispensable mais l'accompagnement économique et social de telles réformes ne l'est pas moins.

La commission a également voulu renforcer les moyens du Parlement pour contrôler l'application de la loi de programmation militaire, non par défiance mais pour mieux vous soutenir, monsieur le ministre. J'aime l'arithmétique. Le Sénat s'était prononcé pour maintenir le budget de la défense à 1,5 % du PIB. Or, compte tenu de l'inflation, nous pourrions passer en-dessous de ce seuil d'ici 2019 alors qu'il faudrait plutôt tendre dès que possible vers 2 %.

La défense est la condition de la sécurité des Français. Nos forces, ces derniers mois, ont montré leur efficacité. Je souhaite que le Sénat sache se rassembler pour faire honneur aux femmes et aux hommes qui, dans nos armées, servent le pays, parfois jusqu'au sacrifice suprême. (Applaudissements)

M. Yves Krattinger, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - La majorité sénatoriale s'étant retrouvée minoritaire en réunion, la commission des finances a formulé un avis défavorable au projet de loi. Toutefois, nous avons adopté à l'unanimité trois amendements.

Une loi de programmation ne lie ni le Gouvernement ni le législateur puisque la loi de finances, chaque année, détermine les crédits de la défense. Pour autant, elle a son importance : elle est une référence à laquelle chaque budget est comparé.

Préserver la sécurité nationale et le rang international de la France, développer nos capacités industrielles, rétablir les comptes publics : il est difficile de poursuivre ensemble les trois objectifs mais le texte y parvient. Il contribue au redressement des comptes publics, d'abord, avec une stabilisation des crédits en valeur au début de période et une stabilisation en volume en fin de période. Des ressources exceptionnelles viennent compenser la baisse de 500 millions de crédits en début de programmation. Elles baissent en fin de période, à mesure que les crédits budgétaires progressent, moins rapidement toutefois, de manière à préserver les investissements.

L'enjeu est la sincérité de la programmation, vous l'avez dit le 10 septembre 2013, monsieur le ministre. La trajectoire est soutenable pourvu que certaines conditions soient remplies. D'abord, des économies doivent être réalisées sur la masse salariale. Les dérapages constatés lors de la précédente programmation avaient obligé à tailler dans les crédits d'équipement. Pour que cela ne se répète pas, nous proposons de définir, dans le rapport annexé à la loi de programmation militaire, une trajectoire baissière de la masse salariale. C'est d'autant plus nécessaire que le ministère est en auto-assurance sur les crédits du personnel.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur de la commission des affaires étrangères.  - C'est vrai.

M. Yves Krattinger, rapporteur pour avis.  - Ensuite, les recettes exceptionnelles doivent être au rendez-vous. Elles seraient, par nature, aléatoires dans leur calendrier et leur produit. Cela est surtout vrai pour le calendrier des fréquences hertziennes. De plus, une clause de sauvegarde est prévue. Les cessions des emprises immobilières, pour être réussies, supposent que les procédures actuelles soient reconduites. La commission des finances vous proposera de prolonger le dispositif de la cession à l'amiable des emprises immobilières, en particulier aux collectivités territoriales.

Enfin, les aléas économiques sont forts. Ils sont liés au surcoût des Opex mais aussi à la hausse du prix des carburants : si le prix du baril augmente d'un euro, il en coûte 6 millions par an au ministère. Enfin, si les exportations d'avions Rafale prévues ne sont pas au rendez-vous, il faudra financer l'achat d'appareils supplémentaires pour maintenir la chaîne de production. Les 4 milliards d'euros ne sauraient être prélevés sur les autres dépenses d'armement. (M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur de la commission des affaires étrangères, approuve) C'est pourquoi je vous proposerai d'inscrire une clause de sauvegarde dans le rapport annexé. De telles clauses sont justifiées, du moment que le ministère fait tous ses efforts pour contenir ses dépenses car, face aux menaces actuelles, nous ne saurions baisser la garde pour des raisons budgétaires.

Responsabiliser le ministère, lui donner les moyens juridiques de procéder à des cessions, sanctuariser ses ressources : voilà l'esprit de nos propositions. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Sueur, président et rapporteur de la commission des lois .  - Je m'exprimerai en tant que rapporteur de la commission des lois et, si vous me l'autorisez, de président de la délégation parlementaire au renseignement.

Le renseignement est un sujet difficile ; je veux souligner la qualité du dialogue avec les services du ministère et la commission de la défense. Le Parlement contrôle l'exécutif et nous devons assumer cette tâche. Néanmoins, il est évident que des adaptations s'imposent pour le renseignement. La délégation parlementaire travaille sous le couvert du secret défense afin de protéger les agents, auxquels je rends hommage.

Le texte accroît ses pouvoirs : nous prendrons désormais connaissance de la stratégie nationale du renseignement et du plan national d'orientation du renseignement. Je reviendrai sur le verbe choisi, « prendre connaissance ». Nous voudrions avoir accès à tous les documents, sans a priori. S'il est exclu de contrôler des actions en cours, nous aimerions pouvoir exercer notre mandat sur toutes les actions terminées. Ce point, strictement conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, doit être clairement inscrit dans la loi. Nous aimerions également auditionner les agents en présence du directeur des services de renseignement, comme a tenu à le préciser la commission de la défense, ainsi que tous les directeurs d'administration pour peu qu'ils soient en contact avec des activités de renseignement. Nous souhaiterions, enfin, être destinataires des rapports d'inspection, puisqu'une inspection est créée, dans le respect absolu du principe de l'anonymat, ainsi que des rapports de la Cour des comptes.

Ce projet de loi transforme la commission de vérification des fonds spéciaux en une sous-formation de la délégation parlementaire du renseignement. Si j'ai bien compris, ses quatre membres ne pourraient pas évoquer leurs travaux devant leurs autres collègues de la délégation. Nous aboutirions ainsi à un paradoxe : en voulant rapprocher ces deux entités, on les éloignerait. Plutôt que cette bizarrerie, procédons à une fusion : ce serait plus simple, plus logique et plus cohérent.

La question des fichiers est extrêmement sensible, en particulier celle du fichier européen PNR. Celui-ci porterait sur l'ensemble des déplacements entre l'Europe et les pays tiers. Ce fichier, qui n'est prévu que par un projet de directive, a fait l'objet des plus vives réserves du Parlement européen, du contrôleur européen à la protection des données personnelles et des Cnil européennes. La commission des lois, consciente de la nécessité de donner au renseignement les moyens d'une action efficace, n'est pas moins attachée à la défense des libertés publiques. Aussi nous sommes-nous attachés à définir les prérogatives de l'unité de gestion du traitement automatisé qui doit être créée. À cause du gigantisme de ces fichiers, les questions de ciblage et de profilage doivent donner lieu à une expertise particulière, humaine, avant 2017. Enfin, notre commission des lois ne peut que faire siennes les résolutions votées par le Sénat à l'initiative de MM. Détraigne et Sutour.

Concernant la géolocalisation, sur laquelle nous avons eu un dialogue fructueux avec le ministère, nous estimons que les dispositions afférentes doivent être intégrées dans la loi de 1991 sur les interceptions. Personne n'ignore, en effet, qu'un dispositif transitoire vient d'être prorogé dans la loi sur le terrorisme ; donnons-lui de la solidité.

Pour finir, quelques considérations sur la justice. Après un long débat, notre commission a décidé de vous suivre sur le monopole du parquet pour engager l'action publique sur les faits impliquant des militaires en temps de guerre ou en Opex. En revanche, nous ne vous suivrons pas sur la présomption simple, principe selon lequel ne serait pas déclenchée systématiquement une enquête en recherche des causes de la mort d'un militaire. Celle-ci, symbolique, serait dépourvue d'effets, a finement observé le conseil supérieur de la fonction militaire.

La commission des lois a donné un avis favorable à ce projet de loi, attendu par nos soldats dont je veux saluer l'engagement au service de la nation ! (Applaudissements)

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur de la commission des affaires étrangères.  - La commission demande la réserve de l'examen de l'article 2 relatif au rapport annexé, après l'article 37. Je n'innove pas, tous mes prédécesseurs en ont usé ainsi.

Notre commission se réunit dans quelques instants dans notre ancienne salle 216, qui est devenue celle de la commission des lois.

M. Jean-Pierre Sueur, président et rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Ce n'est pas la guerre ! Nous coopérons. (Sourires)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense.  - L'avis est favorable.

La réserve est de droit.

La séance est suspendue à midi quarante.

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

La séance reprend à 14 h 40.

Mme Corinne Bouchoux .  - Le projet de loi repose sur un diagnostic établi par le Livre blanc. Les écologistes regrettent de n'y avoir pas été associés, alors que plusieurs d'entre nous sont membres de la commission des affaires étrangères ou ont suivi la formation de l'IHEDN et sont habilités secret défense. La défense concerne la représentation nationale tout entière : il n'y a pas des initiés et des non-initiés.

Nous rendons hommage à tous ceux qui oeuvrent au service de notre sécurité, parfois au péril de leur vie. Mais nous regrettons, bien que les choses aient évolué depuis Pierre Messmer qui taisait certaines données pour protéger notre défense, que nous n'ayons pas un vrai débat sur la dissuasion nucléaire. Le mur de Berlin est tombé, les données géopolitiques ont changé. La dissuasion est notre assurance-vie ? En tant que telle, elle ne protège pas des aléas de la vie ! C'est une métaphore trompeuse.

Selon nous, la dimension sous-marine et aéroportée de notre dissuasion devrait être remise en cause. La modernisation permanente de notre arsenal coûte cher. Un ancien ministre socialiste, polytechnicien, appelle à « arrêter la bombe ». M. Quilès serait-il un utopiste ?

Autre sujet : la féminisation de l'armée. L'enjeu n'est pas que symbolique. Certes, M. le ministre s'emploie à balayer les stéréotypes. Mais les femmes de l'armée se heurtent encore à un plafond de verre. Pourquoi leur est-il interdit d'embarquer dans les sous-marins nucléaires ? S'il y a danger pour elles, il y a aussi danger pour les hommes ! On craint qu'elles n'embarquent enceintes ? Elles ont le moyen de le savoir avant d'embarquer !

Un mot sur l'indemnisation des victimes d'essais nucléaires : les progrès sont réels mais trop modestes. Les essais, que l'on ne dit plus « propres » mais « sécurisés », n'ont rien de sûr. Des incidents se produisent, qui doivent être reconnus. La loi Morin du 5 janvier 2010, sur l'indemnisation des victimes, est parfaite mais inapplicable : on compte 11 indemnisés sur 150 000 habitants des zones à risque. Le contentieux est à la hausse, un rapport sénatorial le rappelle.

L'indemnisation des juifs spoliés lors de la seconde guerre mondiale fonctionne et fait consensus. Finissons-en avec la question de l'indemnisation des victimes d'essais ! On ne peut pas dire : « Circulez, il n'y a rien à voir ». Soyez, monsieur le ministre, celui qui rentre dans l'Histoire en réglant le problème des victimes des essais d'Algérie et de Polynésie !

Nous avions déposé trois amendements. L'un d'entre eux prévoyait un examen au cas par cas des demandes ; il a été déclaré irrecevable. Nous réclamons un débat public sur la dissuasion et nous attendons de vous, monsieur le ministre, un geste fort sur l'indemnisation. Si nous consacrions autant d'intelligence collective à mettre en oeuvre la transition énergétique que nous l'avons fait pour la dissuasion nucléaire, nous serions plus avancés !

L'armée, plus que d'autres, a consenti des efforts de réduction de personnels mais le haut encadrement fait exploser les traitements, sans parler des ratés du logiciel Louvois qui a ruiné la confiance de bien des familles. Il faut que cette loi de programmation aide à rétablir la confiance de la population. Nous réclamons un débat sur la dissuasion parce que nous n'acceptons pas la poursuite de l'arsenalisation nucléaire. Ce qui peut se faire à l'école et à l'université serait impossible au Parlement ? Sans doute, la sécurité des Français exige-t-elle la création de fichiers. Mais ne violons pas les libertés publiques. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Dominique de Legge .  - Dans un contexte financier difficile, je salue M. le ministre qui, par son opiniâtreté toute bretonne, a obtenu un arbitrage plus favorable que celui réclamé par Bercy.

Je salue aussi l'exercice de communication car le projet de loi, quoi qu'on en dise, n'est qu'un pis-aller. Il prévoit diverses ressources exceptionnelles. Mais les dispositions relatives aux cessions immobilières me paraissent contredire la première loi Duflot.

Depuis des années, le report de charges d'une année sur l'autre atteint 3 milliards d'euros, soit 10 % du budget de la défense, perpétuellement insincère... Le député Cazeneuve l'avait dénoncé lors de l'examen de la précédente loi : le changement n'est pas au rendez-vous !

La baisse de crédits touchera surtout le soutien logistique. Il faudra recourir à des services privés -ce qui est beaucoup moins aisé en temps de guerre. Enverra-t-on des cuisiniers de grands groupes de la restauration ou des ingénieurs des entreprises d'armement sur des théâtres d'opérations ?

Le discours est volontariste, sa traduction budgétaire peu réaliste. La commission de la défense a prévu des clauses de sauvegarde : c'est l'aveu même du peu de foi accordée à ce projet de loi. (M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur de la commission des lois, conteste)

Le précédent gouvernement avait réduit les effectifs des armées. Le gouvernement actuel, lui, supprime 23 500 postes au ministère de la défense mais en crée 60 000 dans l'éducation nationale ! Il y a seize mois, M. le ministre promettait pourtant qu'il n'y aurait pas de suppressions de postes supplémentaires.

Ce n'est pas tant nous, parlementaires, qu'il faut convaincre de l'efficacité de cette programmation que nos partenaires internationaux. Si notre pays a perdu de son influence au G20, il reste crédible en tant que membre permanent du Conseil de sécurité. Or l'avenir de notre armée n'est pas assuré : nous l'avons vu en Syrie comme en Centrafrique. A regret mais vu l'insincérité de cette loi de programmation, la majorité du groupe UMP ne votera pas ce texte : la défense de la France ne peut subir tant d'aléas. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Marie Bockel .  - La contrainte budgétaire est la colonne vertébrale de cette loi de programmation militaire. Le pire est évité grâce à une enveloppe de 190 milliards d'euros. Cependant, nos inquiétudes demeurent.

L'équilibre financier est-il tenable ? Ce serait une première. Est-il prudent de faire reposer l'équilibre de cette loi sur 6 milliards de recettes exceptionnelles ?

Il est prévu de supprimer 33 000 équivalents temps plein. Nos capacités de projection ne sont-elles pas menacées ? Selon le Livre blanc, la France doit être en mesure de projeter entre 15 000 et 20 000 hommes en Opex. On nous assure que, en 2020, nous pourrions de nouveau intervenir au Mali. Mais au-delà?

Le malaise est à son comble dans l'armée de terre. Compte tenu des menaces, des forces suffisantes doivent être maintenues en Afrique, en particulier les forces prépositionnées, qui ont démontré leur utilité au Mali.

La réduction de nos propres capacités impose de relancer la défense européenne. Redéfinissons enfin les moyens de la brigade franco-allemande et ses missions, y compris à l'extérieur.

Cette loi garantit-elle la pérennité de notre industrie d'armement, condition de notre souveraineté et qui emploie près de 20 000 personnes ? L'exportation doit être encouragée : nous ne doutons pas des efforts du ministère.

Quel horizon stratégique pour la France ? La dissuasion nucléaire, au niveau de stricte suffisance, est un de nos principaux outils d'influence et de crédibilité. Ses deux composantes doivent être maintenues. (M. Gérard Larcher approuve)

La loi renforce les moyens des services de renseignement, mais aussi le contrôle parlementaire. Le bon équilibre doit être trouvé.

Sur la cyberdéfense, M. Berthou et moi-même avons essayé de nourrir la réflexion. Le renforcement de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information est utile, ainsi que l'obligation de déclaration d'incidents. L'actualité en montre l'importance.

L'émergence de nouvelles technologies fait évoluer les composantes de la puissance, mélange de capacités militaires, outils informatiques et soft power. Je salue la détermination de M. le ministre : grâce à ses efforts, la France conservera un outil de défense performant, qui lui vaut le respect de la communauté internationale, comme nous l'avons constaté lors de l'intervention du général de Saint-Quentin à la réunion de l'assemblée de l'Otan.

La majorité du groupe UDI votera pour ou s'abstiendra, et nous serons tous vigilants sur l'application de la loi de programmation, dans l'intérêt du pays ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et UDI-UC)

Mme Michelle Demessine .  - Cette loi de programmation militaire met en oeuvre les priorités du Livre blanc, au sujet desquelles le groupe CRC a déjà exprimé ses désaccords. Nous avons déploré la continuité par rapport au quinquennat précédent.

La réintégration de la France dans les structures de commandement de l'Otan n'est pas remise en cause. Pourtant, les causes de l'influence de la France, qui avait alors été mise en avant, sont ailleurs. Notre autonomie vis-à-vis des États-Unis est précieuse. Nous ne constatons non plus aucune avancée vers l'Europe de la défense. L'accord de défense conclu en 2009 avec les Émirats arabes unis reste, lui aussi, inchangé. La base d'Abu Dhabi s'insère dans le dispositif américain de la région.

S'agissant de la loi de programmation, M. le ministre a réussi à résoudre une difficile équation : préserver l'essentiel sans creuser davantage encore nos déficits. L'équilibre budgétaire repose en grande partie sur des recettes exceptionnelles de 6 milliards d'euros, par nature aléatoires. Des cessions de participations dans des entreprises de défense sont-elles envisagées ? Pour nous, c'est une ligne rouge à ne pas franchir.

Si des crédits importants sont affectés au renouvellement du matériel, les livraisons diminueront. En dix ans, notre armement conventionnel aura diminué de moitié. Je salue les efforts conséquents qui sont faits en matière d'investissement. Mais ce volontarisme repose sur un fragile équilibre. Sous la vigoureuse impulsion du président Carrère, notre commission a souhaité introduire deux clauses de sauvegarde financières sur les recettes exceptionnelles et les Opex. Elle a aussi voulu instaurer un contrôle parlementaire sur pièces et sur place.

Mais comment tout cela fonctionnera-t-il, alors que se poursuit la diminution drastique des effectifs ? Quelle différence avec le Gouvernement précédent ? Entre 2008 et 2019, nos armées auront perdu 82 000 emplois. Le dogme de la RGPP demeure. Les suppressions de postes n'ont pas empêché la hausse de la masse salariale ! Les mesures d'accompagnement prévues sont très insuffisantes. Nos soldats ont le sentiment de payer, plus que d'autres, le prix du redressement des comptes publics. Les procédures de dialogue et de concertation devraient être revues de fond en comble.

La disparition d'unités et de bases aura de graves effets sur le territoire : j'en sais quelque chose pour avoir vécu la fermeture de la base aérienne de Cambrai, après celle de nombreuses entreprises.

Fort judicieusement, monsieur le ministre, vous avez refusé d'interrompre les programmes d'armement européens. Reste que les équipements, moins rentables pour les industriels, coûteront plus cher que prévu.

L'allongement des délais de livraison aura des répercussions sur l'emploi et le savoir-faire de nos industries de défense. Moins d'équipements pour plus cher, c'est l'un des paradoxes de ce projet de loi. À moins que les exportations soient au rendez-vous ?

La dissuasion nucléaire est encore définie comme la clé de voûte de notre défense. Nous ne sommes pourtant plus au temps de la guerre froide. Le choix du nucléaire déséquilibre notre outil de défense. Sur un tel sujet, un débat public est indispensable. Cessons de sophistiquer toujours davantage nos armes nucléaires et respectons enfin le traité de non-prolifération.

Toutefois, conscients que ce projet de loi préserve l'essentiel, à savoir la souveraineté de notre pays, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs CRC et au banc des commissions)

M. Jean-Pierre Chevènement .  - Je salue d'abord l'effort qui a été le vôtre, monsieur le ministre, pour obtenir du président de la République un arbitrage à hauteur de 190 milliards d'euros, dont 183,6 milliards de crédits budgétaires, soit 1,5 % du PIB. C'est sans doute la limite basse du budget de la défense. Celui-ci doit certes prendre sa part des efforts, si nous voulons respecter nos engagements européens, mais ceux-ci sont-ils compatibles avec le maintien de notre rang militaire et stratégique ?

La loi de programmation militaire réussit un tour de force. À l'horizon 2025, notre armée remplira assurément ses missions dans de bonnes conditions, en dépit d'effectifs réduits. La loi de programmation militaire conjugue engagement opérationnel et préparation de l'avenir, comme le disait devant notre commission l'amiral Guillaud.

Les changements de l'environnement international imposent aux Européens de s'adapter. Pourquoi ne pas réclamer que le budget de la défense soit déduit du déficit maastrichtien ? (Applaudissements sur divers bancs) Nous ne pouvons spéculer sur l'éloignement des menaces.

L'élection de M. Rohari, en Iran, et son acceptation de contrôles intensifs sont de bons signes. La France, république laïque, n'a pas à prendre parti dans un conflit intérieur à l'islam. La volonté de nouer des relations étroites avec l'Arabie saoudite ne doit pas nous faire méconnaître l'importance de l'Iran, surtout quand les sanctions seront levées. L'objectif est de parvenir à un règlement de crise négocié. Sur ce dossier comme en Syrie, la politique française doit être au service de la paix. C'est ce qui fortifiera le mieux le lien entre l'armée et la Nation.

J'approuve le recentrage sur l'Afrique opéré dans le rapport annexé. Nous avons des responsabilités en Afrique, plus que des intérêts. Je soutiens le maintien des forces prépositionnées. La France n'est pas le gendarme de l'Afrique, elle est au service de son développement mais ne peut se laisser entraîner dans des conflits sans fin. Au Mali, sans refondation du pacte national avec l'accord des populations du nord et du sud, des groupes djihadistes pourront prendre le dessus. On ne peut éradiquer le terrorisme qu'avec l'appui de la population. La France ne restera pas éternellement au Mali. Les États africains sont responsables aussi de leur sécurité. Je vous rappelle enfin le rapport sénatorial, que j'ai corédigé avec Gérard Larcher, qui plaide pour une approche globale au Sahel.

Le rapport annexé prône l'engagement de la France dans l'Otan pour y faire entendre sa voix, sans qu'on en sache davantage. Ce qui compte, c'est le maintien de notre autonomie stratégique, pour notre liberté d'action. La dissuasion est à son service, pour la pérennité de la France et l'équilibre d'une Europe européenne. Nous sommes les alliés des États-Unis, pas leurs vassaux. (M. Alain Gournac approuve)

Le président de la République a choisi de maintenir les deux composantes de la dissuasion. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer sur les travaux relatifs au sous-marin nucléaire de troisième génération ? La dissuasion nucléaire, n'en déplaise à ceux qui ne l'ont jamais compris ou ont refusé de le comprendre, est le seul moyen de garantir dans la durée la paix de notre pays et de l'Europe.

Le rôle des Nations unies et du Conseil de sécurité n'est pas mentionné dans le rapport. Seul le Conseil de sécurité, pourtant, peut conférer une légitimité internationale aux interventions armées. Le Parlement ne donne qu'un avis posteriori sur l'engagement de nos forces à l'extérieur. Je ne le conteste pas mais toute aventure inconsidérée fragiliserait la cohésion nationale. Rappelons-nous la Lybie : le changement de régime ne figurait pas dans la résolution 1973.Je connais votre humanisme, monsieur le ministre, je vous sais raisonnable et disposé à engager nos troupes que pour des objectifs reconnus légitimes par la communauté internationale.

La déflation des effectifs est importante. Ne lésinons pas sur les mesures d'accompagnement. Il en va du moral des armées. L'armée doit ressentir l'attention affectueuse que lui porte la communauté nationale.

Les aléas sont nombreux dans l'exécution de cette loi de programmation militaire. C'est pourquoi de nombreux amendements ont été déposés pour la sécuriser. Je les soutiens. L'État doit également rester présent dans nos industries de défense. Vendre les bijoux de famille ne sert qu'une fois ; il faut en tout cas qu'aucun désengagement n'ait lieu sans débat au Parlement. Ne sacrifions pas notre outil de défense : la France doit rester une grande puissance politique et militaire.

Le rapport annexé confirme le concept de sécurité nationale -défense et sécurité intérieure sont deux objectifs distincts. Je souhaite que l'action de nos services de renseignement n'en vienne pas à réduire les libertés individuelles. Nos institutions ainsi que la délégation parlementaire au renseignement veilleront à ce qu'il en soit ainsi.

Nous avons besoins d'un cap : cette loi de programmation militaire le fournit. (Applaudissements)

M. Daniel Reiner .  - Nous achevons un cycle commencé avec les réunions de la commission sur le Livre blanc. Notre commission y a pris sa part. La réflexion, au regard des différents contextes, a été un exercice de lucidité.

Le contexte stratégique est toujours plus complexe. Les menaces, multiformes, évoluent tandis que les États-Unis amorcent le « pivotement » de leur politique étrangère vers l'Asie, que les révolutions s'inscrivent dans le temps long et que notre voisinage proche, au sud, devient de plus en plus sensible. Le contexte économique, lui, est difficile. Quant au contexte stratégique, il est marqué par la sollicitation croissante de nos armées sur les théâtres d'opération et les réformes -professionnalisation, baisses d'effectifs, RGPP ou mise en place des bases de défense. La dernière loi de programmation, votée au début de la crise, ne pouvait pas être respectée ; comme les précédentes, elle demandait à être actualisée.

Le Livre blanc a défini des contrats opérationnels réalistes, le format des armées et le niveau d'équipement nécessaires ; tous les acteurs de la communauté de la défense nationale ont été écoutés.

Cette loi de programmation militaire est-elle bonne ? Je pense que oui. La trajectoire financière traduit le maximum de l'effort possible au regard de la nécessité de redresser les comptes publics, condition de l'exercice de notre souveraineté, sans nuire à notre autonomie de décision ni à nos capacités de défense du territoire, de dissuasion et d'intervention sur les théâtres extérieurs.

Ensuite, l'effort financier préserve la cohérence capacitaire de notre nouveau modèle. La loi poursuit l'ensemble des programmes majeurs d'équipements et n'en interrompt aucun, même si certains sont étalés dans le temps ; elle donne la priorité aux équipements et lève certaines carences capacitaires -transport, drones, ravitaillement en vol. De plus, les crédits de recherche technologiques seront sensiblement augmentés : nos industries d'armement ne sont pas si mal traitées...

Ce n'est pas pour autant la loi dont on rêvait... Sera-t-elle exécutée entièrement ? Aucune ne l'a jamais été, celle de 2008 n'étant pas la pire de ce point de vue. Le Gouvernement a souhaité faire preuve de responsabilité, il a voulu une loi sincère parce que réaliste, une loi de vérité. Nous voulons qu'elle soit exécutée à l'euro près et, pour cela, sécuriser les ressources exceptionnelles et assurer si nécessaire un contrôle sur pièces et sur place, par les parlementaires, de son exécution.

Une insatisfaction enfin : n'avoir pu faire inscrire la stratégie d'acquisition de nos matériels dans le Livre blanc. Nous ne devons pas nous résigner à payer toujours plus cher. Rien n'incite à faire des économies. Nous avons beaucoup travaillé sur le sujet et ferons des propositions -je pense par exemple au drone tactique pour l'armée de terre. Il y a des moyens de faire mieux.

Dans les circonstances présentes, ce texte est le meilleur possible ; j'en suis davantage convaincu encore au regard des budgets de défense de nos voisins. Un climat constructif a présidé aux travaux en commission. La place et le rôle de la France dans le monde sont en jeu. Le groupe socialiste le votera -et j'invite la Haute assemblée à faire de même. (Applaudissements sur les bancs socialistes et au banc des commissions)

M. Xavier Pintat .  - Crise et programmation ne font pas bon ménage, malgré les garanties posées par notre commission des affaires étrangères et de la défense.

Cette loi de programmation militaire est certes la moins mauvaise possible. Le mérite, monsieur le ministre, vous en revient en grande partie. Les grands programmes ne sont pas abandonnés, mais les réductions les touchent tous -je pense en particulier à l'aviation de chasse, très dépendante du succès du Rafale à l'exportation. Il n'est renoncé à aucune grande capacité. Néanmoins, aucun nouveau programme n'est lancé. Je crains une armée « bonzaï », qui aurait de tout en petite quantité. En matière militaire, la quantité et la cohérence capacitaire comptent aussi ! À quoi serviraient nos avions et frégates sans missiles ni munitions en quantité suffisante ? N'est-on pas allé trop loin ?

Le Sénat avait plaidé pour le maintien et la modernisation des deux composantes de notre dissuasion nucléaire. Mais ne nous berçons pas d'illusions. Même si la loi de programmation militaire est exécutée à l'euro près, l'effort de défense tombera dans cinq ans à 1,3 % du PIB et nous n'aurons plus les moyens de tout faire. Monsieur le ministre, tiendrez-vous vos engagements dans les lois de finances à venir ?

Je me réjouis de l'arrivée prochaine des drones Reaper au sein de nos forces. Le Sénat a été écouté. Mais, de grâce, n'essayons pas à tout prix de les franciser. Bâtissons une nouvelle génération de drones avec nos partenaires européens. Quant aux drones tactiques, procédons par appel d'offres, ne réitérons pas les erreurs du passé.

S'agissant de l'espace militaire, les programmes essentiels sont maintenus mais le texte fait l'impasse sur l'alerte spatiale, ce qui pourrait nous coûter cher. Les Européens doivent se mobiliser sur cette question : nous ne pouvons plus nous contenter d'images livrées par d'autres.

Certes, il faut faire des choix. Le Gouvernement a fait les siens. Mais il n'est pas dans notre intérêt de continuer à réduire notre effort de défense. Les milliards que l'on engage ailleurs pour financer la garantie universelle des loyers, créer des emplois d'avenir qui sont toujours d'avenir ou recruter des professeurs manqueront cruellement à notre défense.

Voulons-nous nous donner les moyens de nos ambitions ou réduire celles-ci à la hauteur de ceux-là ? Nous attendons des éléments concrets, monsieur le ministre, sur la sincérité d'un texte très attendu.

M. Yves Pozzo di Borgo .  - La France est l'une des grandes nations militaires du monde. L'Angleterre seule, disent les experts du Pentagone, n'aurait pu projeter ses troupes au Mali comme nous l'avons fait. Nous en sommes fiers. Cette loi de programmation militaire est l'expression de cette satisfaction.

Depuis 1989, le monde a changé ; les menaces ne sont plus étatiques. La construction européenne a contribué à pacifier notre continent. Il ne s'agit plus de prévenir une invasion continentale. Mais l'Européen que je suis regrette la faiblesse persistante de la défense européenne, à laquelle nous avons consacré récemment un rapport. La loi de programmation illustre notre difficulté à nous projeter dans ce grand projet fédéraliste. La France comme ce texte restent prisonniers d'une logique westphalienne de la défense qui n'est pas à la hauteur du monde qui vient. Des divergences de doctrine stratégiques et des intérêts nationaux l'expliquent en partie. Or, l'article 24 du traité de l'Union européenne pose les bases d'une politique de défense commune. La mutualisation des moyens ne saurait suffire.

Nous avons besoin d'une impulsion politique forte. Pour le groupe UDI-UC, c'est à la France de porter cette ambition lors du Conseil européen de décembre. Le débat budgétaire qui s'ouvre doit servir à le préparer. (Applaudissements)

M. Jacques Berthou .  - Très attaché au maintien de nos capacités de défense, je me félicite des efforts réalisés par le Gouvernement dans ce texte. En ces temps de contrainte budgétaire et d'environnement mondial incertain, l'effort de la nation est maintenu. À court et moyen terme, le rang de la France dans le monde, la protection de sa population et la modernisation des équipements de son armée sont garantis.

Je veux saluer la justesse des dispositions relatives au renseignement et à la cyberdéfense contenues dans ce projet de loi. M. Bockel et moi avons beaucoup travaillé le sujet. Les nouvelles technologies ont pris une place irremplaçable dans nos sociétés. C'est un atout autant qu'un danger, qu'il faut apprécier à sa juste valeur. Les attaques de nos systèmes d'information et de communication, de nos systèmes d'armes, de notre informatique embarquée, de nos plates-formes de combat pourraient avoir des conséquences dramatiques et mettre en cause notre souveraineté. La protection de nos systèmes de défense et de nos chaînes de commandement est une priorité. Les effectifs de ce segment de défense seront renforcés et les formations seront adaptées à ce nouvel enjeu. Beaucoup d'acteurs n'ont pas encore pris la mesure du phénomène ni des moyens nécessaires à la mise en sécurité de leurs systèmes de communication, les entreprises au premier chef ; il faut mieux informer de la menace et des précautions à prendre, souvent élémentaires. J'ai la conviction que le Gouvernement pourra désormais lutter efficacement contre ce fléau mondial. Raison supplémentaire d'approuver cette loi de programmation. (Applaudissements)

M. Jacques Gautier .  - Ce projet est le moins mauvais possible dans le contexte budgétaire qui est le nôtre. La priorité est donnée aux équipements : une armée moins nombreuse mais mieux équipée et mieux préparée. Mais tout cela repose sur l'exécution de la programmation à l'euro près. C'est le sens des amendements déposés entre autres par notre commission, garantissant les ressources exceptionnelles ou la prise en charge des dépassements des Opex. Mais chaque année, c'est la loi de finances, et elle seule, qui sera le juge de paix. Je soutiens évidemment le pouvoir supplémentaire donné aux parlementaires pour contrôler l'application de la programmation.

Le prix à payer pour dégager des moyens est cependant élevé. Le format des armées sera réduit alors qu'il était toute juste suffisant. Quel adjectif utiliserons-nous dans notre prochain rapport ? N'oublions pas que la quantité compte, ni que les munitions et les pièces de rechange ne sont pas moins importantes que les avions ou les bateaux : le texte les réduit excessivement. Je proposerai des amendements pour y remédier.

Autre problème : l'étalement des programmes dans le temps risque de faire exploser les coûts et les délais ; peut-on se satisfaire de l'obsolescence native des derniers équipements livrés ? Pour sortir de cette impasse, la coopération européenne est indispensable.

L'effort de la Nation pour sa défense se réduira à terme à 1,3 % du PIB : à ce stade, il faudra renoncer à des capacités, ce qui sera douloureux.

Les questions de défense doivent dépasser les clivages partisans. Vous êtes tributaire des choix de vos prédécesseurs, monsieur le ministre, vos successeurs le seront des vôtres. Desserrons l'étau budgétaire et revenons dès que possible au seuil des 2 % du PIB en cédant 20 milliards de participations publiques. Les prérogatives de l'État en matière de défense n'imposent plus la propriété publique des entreprises de défense. Le Gouvernement a commencé à le faire en vendant 3 % du capital de Safran ; je lui propose de continuer et de faire en sorte que le produit de ces cessions aille directement abonder le budget de la mission Défense. (Applaudissements)

M. Jeanny Lorgeoux .  - J'aurais aimé que la loi de programmation militaire, au-delà de la régulation budgétaire, consacre à l'Afrique une part plus importante. Le continent a une profondeur géopolitique incontestable. En Afrique, la France agit sur le monde et pour le monde. Après la politique du « ni-ni » des années 1990 -ni ingérence, ni indifférence-, l'africanisation des dispositifs de sécurité et la renégociation des bases et des accords de défense, on s'acheminait vers l'abandon des interventions et l'éloignement à tous égards du théâtre africain. Mais les faits géopolitiques sont têtus et ils démontrent l'absence de capacité européenne ou africaine d'intervention urgente sur ce continent. Il ne suffit pas de répéter Françafrique, Françafrique... Les dangers mortels du dénuement extrême, des trafics et du terrorisme doivent être jugulés.

Le maintien d'une présence prépositionnée au sol est indispensable au regard de la faiblesse des armées africaines...

Mme Nathalie Goulet.  - Et des gouvernements !

M. Jeanny Lorgeoux.  - ...et des menaces d'Aqmi et de Boko Haram.

La coopération militaire doit se fondée sur quelques principes. Toute intervention doit être conditionnée par la sécurité de nos compatriotes, la demande d'un État ou celle d'une organisation régionale ou internationale. Notre prépositionnement doit être permanent et évolutif pour être efficace. La multilatéralisation avec l'Europe doit être poursuivie. Enfin, il faut soutenir le renforcement des forces africaines sur une base régionale et en liaison avec l'OUA. En attendant, notre dispositif doit évoluer vers des implantations légères, en collier de perles, à la lisière du Sahel jusqu'au centre Niger et au golfe du Guinée.

Nous devons donner un sens à notre présence, soutenir l'architecture de paix africaine. L'horizon ultime, c'est que l'Afrique puisse résoudre ses propres crises et constituer avec l'Europe un espace de co-prospérité et de co-développement. Si nous abandonnons l'ingérence, ancienne manière -le béret rouge »- ou nouvelle manière, faite de conditionnalités excessives, nous ne renonçons ni à nos valeurs, ni à notre expertise inégalée en Afrique, ni à nos intérêts. Poursuivons la clarification de notre doctrine africaine -pourquoi pas un Livre blanc dédié ?- en cohérence avec notre action civile, diplomatique et militaire et dans la loyauté de partenariats équilibrés ou rééquilibrés. Parce qu'il vaut mieux agir, notre commission fera bientôt 70 propositions. (Applaudissements)

M. Gérard Larcher .  - L'examen du projet de loi de programmation militaire est un événement dans l'histoire de nos armées. Les priorités stratégiques définies par l'exécutif, et d'abord par le président de la République, doivent être traduites dans notre droit. La loi de programmation militaire est indissociable du Livre blanc, et irréalisable sans les lois de finances. De mauvais choix seraient irrémédiables. C'est dire si notre responsabilité est grande. Mais le succès ne sera acquis qu'à la fin de la période...

Notre commission a mené un travail collectif. Je salue l'engagement de M. le ministre dans la préparation de ce texte comme au cours de l'opération Serval. Puisse le Gouvernement entendre le Sénat.

Cette loi réaffirme l'existence des deux composantes de notre dissuasion nucléaire. Notre rapport a été lu et le débat, madame Bouchoux, a eu lieu et a été tranché.

La défense, c'est une communauté de femmes et d'hommes qui servent ou ont servi la France. C'est aussi notre industrie de défense ; des centaines d'entreprises dépendent de la commande publique comme des exportations, et entraînent toute l'industrie. On ne saurait donc transiger sur l'effort de défense : à moins de 1,5 % du PIB, le décrochage capacitaire, technologique et stratégique est inévitable. Pour dégager des ressources exceptionnelles, M. Gautier a fait des propositions.

L'évolution des effectifs me préoccupe. Le budget des Opex est insuffisant, face aux évolutions géostratégiques. En 2013, le surcoût s'élève à 610 millions sur un total de 1,257 milliard d'euros. Comment l'absorber ? Les réponses de Bercy, monsieur le ministre, ne suffiront pas.

Nous n'ignorons pas l'état des finances publiques. Il nous faudra veiller au respect de la programmation.

Quant aux services de renseignement, laissons-les travailler dans la sérénité et ne touchons à l'ordonnance de 1958 que d'une main tremblante.

La France, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, doit tenir son rang. Ce ne sera possible que si cette loi de programmation militaire est exécutée à l'euro près -encore est-il inacceptable de laisser les dépenses tomber à 1,3 % du PIB.

Donnons à nos soldats les moyens de combattre. Donnons-leur le sentiment que le pays tout entier les soutient. Aucun corps social ne s'est autant réformé ces dernières années, aucun n'a consenti autant de sacrifices. Nos soldats n'étant pas représentés par des syndicats, et c'est heureux, il appartient aux élus de la Nation de les entendre et de leur garantir les moyens d'exercer la mission que la France leur confie. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Gilbert Roger .  - L'entraînement est la condition de l'efficacité des armées. Or, depuis plusieurs années, les crédits diminuent et les journées d'entraînement fondent comme neige au soleil : de 150 en 2009 à 83 jours par an en 2013.

Les dotations consacrées à l'entretien du matériel vieillissant se sont, elles aussi, éloignées de la programmation, alors que les nouveaux équipements coûtent plus cher à acquérir. Nous sommes confrontés à un effet de ciseaux.

Cette loi de programmation militaire s'est donné pour priorité d'inverser la tendance. Les crédits d'entretien atteindront 4 milliards d'euros par an. Mais il faut d'abord inverser la tendance à la dégradation et rétablir les indicateurs d'entraînement. Ce n'est qu'en 2016 que la courbe s'inversera vraiment. Il y faudra de la ténacité.

Toutefois, comme le groupe socialiste, je voterai ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre .  - Merci de ce débat très riche. Oui, monsieur Larcher, l'examen d'une loi de programmation militaire est un moment fort pour la République. La continuité républicaine doit prévaloir, loin de toute polémique.

Certains ont parlé de la moins mauvaise loi possible. Oui. De quadrature du cercle. Oui encore. C'est un équilibre et il est fragile. Je m'emploierai, avec votre soutien, à maintenir celui que nous avons trouvé. Nos engagements financiers devront être respectés à l'euro près, j'y veillerai constamment.

Cette loi, vous l'avez dit, est cohérente ; elle garantit le maintien et l'augmentation de nos capacités : je pense en particulier aux drones. Le maintien en capacité opérationnelle d'équipements ne sera plus une variable d'ajustement.

Les sommes dévolues à la défense atteindront donc sur la période 190 milliards, et c'est bien en euros courants, monsieur Chevènement. Le Gouvernement acceptera les garanties voulues par votre commission.

J'ai entendu des doutes sur le montant des recettes exceptionnelles. Ils n'ont pas lieu d'être : le président de la République a rendu son arbitrage sur la dépense globale. Nous avons évidemment tenu compte de la loi Duflot. Les cessions d'actifs, c'est vrai, ne concernent pas seulement les industries de défense. Si des cessions intéressant directement la défense étaient envisagées, nous ne procéderions évidemment pas en catimini.

Ramener le surcoût des Opex à 450 millions d'euros est une bonne chose pour le budget de la défense car au-delà, le financement est interministériel. Qu'on ne se méprenne pas sur le sens de ce plafond !

Nous revoyons l'articulation entre forces prépositionnées et forces en Opex. Stratégiquement, nous devons concentrer nos moyens. Politiquement, notre présence en Afrique doit être adaptée aux besoins du continent et il faudra une flexibilité. Le sommet de l'Élysée, en décembre, sera l'occasion d'y réfléchir.

Sur la dissuasion, le débat a eu lieu au moment de la préparation du Livre blanc. À nos yeux, la dissuasion est un élément central de notre stratégie, elle garantit la protection ultime du pays et notre liberté d'action. D'où la sanctuarisation des crédits. Il est également nécessaire de préparer la troisième génération de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins et la modernisation de la composante aéroportée. Dans ces bâtiments de troisième génération, les femmes auront leur place. Je suis très attaché à la place des femmes dans l'armée : j'ai d'ailleurs chargé une haute-commissaire d'y veiller et j'ai nommé deux femmes officiers généraux.

Le Sénat a proposé la création d'une Haute autorité administrative pour l'indemnisation des victimes d'essais nucléaires. J'y suis favorable. Les associations réclament surtout la reconnaissance du préjudice. Quant à son indemnisation, elle dépend de la gravité et, déjà, de l'effectivité du préjudice, qui doit être évalué par des experts dument mandatés.

Une armée bonzaï, monsieur Pintat ? Avec 240 000 hommes, 6 sous-marins nucléaires d'attaque, 225 avions de chasse, 17 frégates, c'est un bonzaï géant ! (Sourires)

Mme Nathalie Goulet.  - Et cher !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Oui, la quantité compte. La loi de programmation militaire prévoit l'achat de 26 Rafale, mais aussi la création d'un nouveau standard et la rénovation d'anciens appareils. Des exportations semblent se dessiner. Enfin, il y a une vie après le Mirage 2000 D.

Les Européens se mettront-ils d'accord pour produire ensemble un drone de nouvelle génération d'ici une décennie ? Je le souhaite ardemment. Le Conseil européen de décembre sera un rendez-vous décisif.

L'alerte spatiale mériterait un débat plus approfondi en commission.

Oui, monsieur Chevènement, la France doit à la fois peser dans l'Otan et promouvoir l'Europe de la défense. La réforme actuelle de l'Otan ne met pas en cause notre autonomie de décision. Et nous ferons des propositions très pragmatiques au Conseil européen de décembre pour relancer la défense commune.

Merci à M. Berthou d'avoir souligné que la loi de programmation militaire accorde une importance nouvelle au renseignement et à la cyberdéfense. J'ai bien entendu l'appel et la vigilance de M. Gautier et ses suggestions pour desserrer l'étau budgétaire. Je suis soucieux de la disponibilité des pièces de rechange : nous pourrons apprécier la nouvelle donne en 2015.

Que M. Bockel se rassure : la brigade franco-allemande, outil indispensable de coopération, n'est pas remise en cause, même s'il faut l'adapter aux nouveaux besoins. Ce souci est partagé par mon homologue allemand.

Au moins une fois par semaine, je rends visite à nos soldats, en France ou à l'étranger. J'y passe du temps. Je vois leur tonicité, leur professionnalisme, leur fierté ; j'entends aussi leurs inquiétudes. Il faut y répondre. Leur fierté est légitime : outre que notre armée n'a jamais été aussi populaire dans la population, elle est reconnue à l'étranger. Dans la mesure où, à la différence de certains comme la Grande-Bretagne, nous poursuivons notre effort, notre armée sera la première d'Europe en 2019.

M. Gérard Longuet.  - C'est vrai.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Cette loi de programmation militaire vise à conforter notre autonomie stratégique, pour la paix et la sécurité dans le monde. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier est adopté.

L'article 2 est réservé.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°28 rectifié, présenté par MM. J. Gautier, Cambon, Paul, Beaumont et P. André, Mme Garriaud-Maylam et MM. Cléach, Couderc et Gournac.

I. - Alinéa 2, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2,12

3,08

3,68

4,39

4,86

5,10

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...° - La loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation est ainsi modifiée :

1° L'article 2 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« III. - Les I à III de l'article 10 de la loi n°86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations sont applicables aux filiales transférées au secteur privé en application des deux derniers alinéas de l'annexe. » ;

2° L'annexe de cette loi est complétée par deux alinéas ainsi rédigés :

« NEXTER

« DCNS ».

M. Jacques Gautier.  - La présente loi de programmation est sans doute la moins mauvaise possible dans le cadre budgétaire actuel. Mais son succès ou son échec repose de façon excessive sur des événements aléatoires, tels que le succès à l'export de quelques grands programmes d'armement. En outre, elle va se traduire par une diminution significative de l'effort de défense, qui va passer à 1,3 % du PIB en 2018, et encore : à supposer que cette loi de programmation soit exécutée à l'euro près.

Notre effort de défense ne doit pas descendre en-dessous de 1,5 % du PIB. Cela exige des ressources exceptionnelles de 23,2 milliards d'euros sur la période, donc des cessions de participations financières de 20,8 milliards d'euros sur la période. Un tel volume de cessions est tout à fait envisageable puisque le portefeuille des participations cotées de l'État dépasse les 75 milliards d'euros. Aux participations cotées, il convient d'ajouter les entreprises non cotées, telles que Nexter et DCNS, dont la privatisation rapporterait plusieurs milliards d'euros. Le gouvernement de M. Jospin avait procédé à des cessions de participations pour 210 milliards d'euros sur une période de même durée. En outre, le gouvernement de M. Ayrault a d'ores et déjà procédé à des cessions pour 2,2 milliards d'euros.

Les entreprises Nexter et DCNS seraient privatisées au moment et dans les conditions choisis par le Gouvernement. Cet amendement donne en effet une autorisation, ce n'est pas une injonction. En application de l'article 10 de la loi du 6 août 1986, l'État pourrait continuer à détenir une action spécifique.

L'échec de la fusion EADS-BAE a montré que l'État allemand, qui ne possédait aucune action dans le groupe, a pesé plus lourd que l'État français qui en possédait directement 15 % et indirectement 22,5 %.

M. le président.  - Amendement n°29 rectifié, présenté par MM. J. Gautier et Cambon, Mme Garriaud-Maylam et MM. Couderc, P. André, Paul, Beaumont, Gournac et Cléach.

I. - Alinéa 2, tableau première colonne

Rédiger ainsi cette colonne :

2014

5,12

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...° - La loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation est ainsi modifiée :

1° L'article 2 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« III. - Les I à III de l'article 10 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations sont applicables aux filiales transférées au secteur privé en application des deux derniers alinéas de l'annexe. » ;

2° L'annexe de cette loi est complétée par deux alinéas ainsi rédigés :

« NEXTER

« DCNS ».

M. Jacques Gautier.  - Il est à craindre que l'entrée dans la loi de programmation militaire ne se fasse avec un report de trois milliards d'euros. Ce serait une charge insupportable pour le ministère de la défense, qui pourrait déséquilibrer l'ensemble de la programmation. C'est pourquoi cet amendement de repli propose de neutraliser d'emblée ce report grâce à la privatisation des sociétés DCNS et Nexter. L'utilisation du produit de ces participations de l'État serait bien plus profitable en termes d'emploi, de recherche et technologie, d'aide aux exportations, que ne l'est leur détention actuelle. En outre, ces sociétés pourraient ainsi nouer des alliances capitalistiques avec des partenaires européens.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - J'ai toujours plaidé pour que l'on ne passe pas sous le seuil de 1,5 % du PIB. Je n'exclus d'ailleurs pas de voter de telles mesures lors de la revoyure, si nécessaire. Attendons cependant.

Nous n'avons pas intérêt à vendre les bijoux de famille pour faire face à l'urgence. Exigeons plutôt de remonter à 2 % du PIB en cas de retour à meilleure fortune et d'apurer le report de charges. Je vous invite donc à la sagesse et à la patience.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Même avis défavorable, même si je comprends l'intention de M. Gautier. Il n'est pas opportun d'aller plus loin qu'une affirmation générale sur les cessions d'actifs.

M. Jacques Gautier.  - Je comprends vos réserves mais faute de m'être entretenu avec les autres signataires de l'amendement, je le maintiens, pour que le débat ait lieu.

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement pose un autre type de problème : une grande partie des participations visées sont aussi derrière les fonds d'investissement de la BPI. Je ne vois pas comment on pourrait s'en passer. Je voterai donc contre cet amendement.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Je partage l'ambition de M. Gautier, comme nous tous. Mais on ne peut pour autant accepter le principe même d'une privatisation à la sauvette. Nexter est très important pour nos armements terrestres. Nous avons besoin d'une vision stratégique, d'un débat public. L'Allemagne a conservé, elle, une puissante industrie de défense. Safran conditionne l'avenir de notre industrie.

J'aurais aimé que M. Gautier accepte de retirer ces amendements. Faute de quoi, le groupe RDSE votera contre, M. Barbier s'abstenant.

Mme Michelle Demessine.  - Le groupe CRC ne votera pas non plus l'amendement. Je partage l'avis de M. Chevènement. Notre industrie de défense est solide, nous y avons une vraie politique industrielle, c'est un des rares secteurs où ce n'est pas la finance qui y décide de tout.

Au nom d'une vraie politique industrielle française, je m'oppose à cette privatisation.

M. Gérard Longuet.  - Cet amendement pose le problème de la sincérité du Gouvernement. La loi de programmation militaire parle de recettes exceptionnelles, tirées entre autres de la cession de participations de l'État. La stratégie industrielle de l'État est un autre débat. Nous avons intérêt à avoir des entreprises rentables, publiques ou privées. Le vrai problème est de savoir pourquoi nos industries ont un excédent brut d'exploitation inférieur de dix points à la moyenne de la zone euro.

Rien ne fait obstacle aux cessions d'actifs de l'État -qui est déjà minoritaire dans de nombreux groupes- puisqu'il peut conserver un pouvoir de contrôle sur les entreprises, ne serait-ce qu'en tant qu'acheteur. L'expérience montre que la détention par l'État d'une partie du capital d'une entreprise n'est pas le gage d'une vraie politique industrielle. Voyez EDF, qui doit rechercher en Grande-Bretagne les projets électronucléaires que l'État lui refuse ici. (Applaudissements eu centre et à droite)

L'amendement n°28 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°29 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°58, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3

Supprimer les mots :

ou par des crédits budgétaires sur la base d'un financement interministériel

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - La clause de sauvegarde mérite de figurer dans le corps de la loi, pas le principe de compensation par des crédits budgétaires.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - S'il est certain que les ressources exceptionnelles seront au rendez-vous, vous ne prenez aucun risque en acceptant le texte que la commission a adopté à l'unanimité. Je donnerai donc un avis défavorable à l'amendement n°58, non pour accuser le Gouvernement mais pour que soit maintenu le budget de la défense.

L'amendement n°58 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

ARTICLE 3 BIS

M. le président.  - Amendement n°57, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

La présente programmation retient un montant de 450 millions d'euros pour la dotation prévisionnelle annuelle au titre des opérations extérieures.

En gestion, les surcoûts nets non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures maintenues en 2014 seront financés sur le budget de la mission « Défense ». En revanche les surcoûts nets (hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales) non couverts par cette dotation qui résulteraient d'opérations nouvelles, de déploiements nouveaux ou de renforcements d'une opération existante en 2014 feront l'objet d'un financement interministériel.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - La clause de sauvegarde relative au financement des Opex mérite certes de figurer dans le corps même de la loi mais dans la rédaction, seule compatible avec la trajectoire de redressement des finances publiques, qui a fait l'objet de l'arbitrage du Premier ministre.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Cet amendement revient sur la rédaction adoptée par la commission sur la proposition conjointe de M. Dulait et de moi-même. Nous en restons à notre rédaction.

L'amendement n°57 n'est pas adopté.

L'article 3 bis est adopté.

ARTICLE 4

Mme Cécile Cukierman .  - Le projet de loi fait payer un lourd tribut à nos armées : 34 000 postes seront supprimés, 82 000 au total depuis 2009. Je sais que les forces opérationnelles sont les moins touchées -près de 8 000 hommes tout de même. En quoi de telles décisions diffèrent-elles de ce que faisait le gouvernement précédent ? Par la méthode, sans doute. Mais pour ce qui concerne le résultat ?

En matière de soutien, la stratégie de la RGPP prédomine toujours alors qu'elle n'a pas fait la démonstration de son efficacité puisque la masse salariale a poursuivi son augmentation.

Ces réductions d'effectifs entraîneront en outre la disparition de certains sites, ce qui n'est pas sans incidence sur l'équilibre de nos territoires.

Le financement des mesures d'accompagnement, insuffisant, accroît le malaise de nos forces.

La contraction du format des armées réduit nécessairement nos ambitions militaires, donc notre influence dans le monde. Monsieur le ministre, vous faites preuve d'un optimisme à toute épreuve. Ne poursuivons pas sur cette trajectoire mortifère. Nous nous abstiendrons sur cet article.

L'article 4 est adopté.

ARTICLE 4 BIS

M. le président.  - Amendement n°48 rectifié, présenté par M. Carrère, au nom de la commission des affaires étrangères.

Après l'alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

La première actualisation sera l'occasion d'examiner le report de charges du ministère de la défense, afin de le réduire dans l'objectif de le solder.

Dans le cadre de cette actualisation, il conviendra d'examiner en priorité certaines capacités critiques, telles que le ravitaillement en vol et les drones, ainsi que la livraison des avions Rafale, à la lumière des résultats à l'export.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Nous ne demandons pas que le report de charges soit immédiatement soldé : il pourra l'être successivement.

Nous voulons prendre des précautions minimales pour le Rafale, M. Gautier ayant attiré notre attention sur les retards de livraison. Nous nous situons dans le droit fil de la commission des finances : nous voulons une bonne exécution de la loi, avec la priorité des priorités accordée à certaines capacités critiques.

M. le président.  - Amendement n°62, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Elles seront l'occasion d'examiner le report de charges du ministère de la défense dans l'optique de le réduire ainsi que de procéder au réexamen en priorité de certaines capacités critiques, telles que le ravitaillement en vol et les drones, ainsi que la livraison des avions Rafale, à la lumière des résultats à l'export.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Le réexamen fin 2015 des dispositions de la loi de programmation militaire fera l'objet d'une attention particulière. La clause d'actualisation a été inscrite dans la loi, tout comme l'objectif de 2 %.

Mais la rédaction de M. Carrère est peu réaliste : fin 2015, comment solder les reports de charges et réexaminer les dispositions relatives au ravitaillement, aux drones et au Rafale ? Ce sera financièrement impossible. Mon amendement est plus mesuré

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Soit. Je rectifie mon amendement, dont le premier alinéa s'énoncera ainsi : « La première actualisation sera l'occasion d'examiner le report de charges du ministère de la défense afin de le réduire, dans l'objectif de le solder ».

Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Cela me semble toujours d'un optimisme excessif.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Je maintiens mon amendement rectifié.

L'amendement n°48 rectifié est adopté.

L'amendement n°62 n'a plus d'objet.

L'article 4 bis, modifié, est adopté.

ARTICLE 4 TER

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par M. Carrère, au nom de la commission des affaires étrangères.

Rédiger ainsi cet article :

Indépendamment des pouvoirs propres des commissions chargées des finances, les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées de la Défense disposent de pouvoirs d'investigation sur pièces et sur place, aux fins d'information de ces commissions, pour suivre et contrôler de façon régulière l'application de la programmation militaire. Ces pouvoirs sont confiés à leur président ainsi que, dans leurs domaines d'attributions, à leurs rapporteurs budgétaires et, le cas échéant, à un ou plusieurs de leurs membres spécialement désignés à cet effet. Ils procèdent, à cette fin, aux auditions qu'ils jugent utiles et aux investigations sur pièces et sur place auprès du ministère de la Défense, des organismes de la défense et des établissements publics compétents, ainsi que, le cas échéant, auprès du ministère de l'économie et des finances.

Dans le respect du secret de la défense nationale, le ministre de la défense leur transmet tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif utiles à l'exercice de leurs missions.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Cet amendement propose une nouvelle rédaction de l'article 4 ter, introduit par un amendement de la commission et qui vise à reconnaître aux commissions chargées de la défense de l'Assemblée nationale et du Sénat des pouvoirs d'investigation sur pièces et sur place pour suivre et contrôler l'application de la programmation militaire.

La nouvelle rédaction vise à mieux tenir compte du respect du secret de la défense nationale et à éviter que ces prérogatives n'interfèrent avec celles déjà reconnues aux commissions des finances des deux assemblées. 

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Le Gouvernement est favorable à cet amendement tel que rectifié. C'est un geste important.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Je remercie le ministre. Nous voulons essayer de rendre la loi de programmation militaire vertueuse en évitant certaines dérives préjudiciables.

Mme Nathalie Goulet.  - Veillons à ce que le règlement du Sénat soit modifié en conséquence.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Voilà une vraie innovation : seules la commission des finances ou une commission d'enquête avaient, jusqu'alors, le droit d'enquêter sur pièces et sur place. Je suis très réservé sur cette nouvelle disposition : nous ouvrons une brèche. Je m'abstiendrai.

Mme Corinne Bouchoux.  - Nous comprenons l'effort demandé au ministre mais nous sommes favorables à davantage de transparence. Dans d'autres démocraties, qui ne sont pas laxistes en matière de renseignement, les choses se passent ainsi.

M. Robert del Picchia.  - Comment réagira l'Assemblée nationale ?

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Certains sont intéressés, d'autres se posent les mêmes questions que le président Hyest. La commission de la culture a eu ces pouvoirs pour contrôler le musée d'Orsay.

Si d'aventure le contrôle était une ingérence insupportable, nos deux assemblées pourraient revenir en arrière. Nous veillons à respecter les prérogatives des commissions des finances mais sommes soucieux de faire appliquer la loi de programmation militaire à l'euro près : nous en avons besoin.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - C'est une avancée importante mais elle n'est juridiquement possible que dans cette nouvelle rédaction. Le contrôle ne portera que sur l'application de la loi de programmation militaire et les documents liés au renseignement et au secret défense en seront exclus.

L'amendement n°49 est adopté.

L'article 4 ter est ainsi rédigé.

L'article 4 quater est adopté.

ARTICLE 4 QUINQUIES

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié bis, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 143-5 du code des juridictions financières est ainsi modifié :

1° À la première phrase, après les mots : « affaires sociales », sont insérés les mots : « , de la défense et des forces armées et des affaires étrangères » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le respect des dispositions prévues aux III et IV de l'article 6 nonies de l'ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, le Gouvernement transmet à la délégation parlementaire au renseignement les communications de la Cour des comptes aux ministres portant sur les services de renseignement, ainsi que les réponses qui leur sont apportées. »

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.  - Selon Le Monde de ce jour, la NSA aurait enregistré en un mois 70 millions de messages provenant de la France. Le Premier ministre s'est déclaré choqué : le ministre des affaires étrangères a convoqué l'ambassadeur des États-Unis en France et recevra demain le secrétaire d'État américain ; le ministre de l'intérieur a trouvé ces révélations inacceptables -je ne doute pas que ce soit votre avis également.

Alors que nous cherchons à concilier lutte contre le terrorisme et respect des libertés, il serait dommageable de laisser prospérer des systèmes qui bafouent ces principes.

Madame Goulet, l'introduction d'une disposition législative ne nous oblige nullement à modifier notre règlement.

L'amendement n°8 rectifié bis prévoit la transmission à la délégation parlementaire au renseignement des communications de la Cour des compte sur les services et des réponses qui y sont faites.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Même avis. Le ministre des affaires étrangères s'exprimera cet après-midi. Les agissements révélés par Le Monde ne sont pas acceptables.

L'amendement n°8 rectifié bis est adopté.

L'article 4 quinquies est ainsi rédigé.

L'article 4 sexies est adopté.

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois.

Alinéa 3, deuxième phrase

Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :

La stratégie nationale du renseignement lui est transmise. Elle prend connaissance du plan national d'orientation du renseignement.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.  - Le présent amendement tend d'abord à préciser que la stratégie nationale du renseignement est transmise à la délégation au renseignement, qui pourra prendre connaissance du plan national d'orientation du renseignement.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - La commission est favorable. Comment contrôler si l'on ne connaît pas la stratégie ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°1 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois.

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle est destinataire des informations utiles à l'accomplissement de sa mission.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.  - C'est clair.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Favorable. Cet amendement de principe ne remet pas en cause l'encadrement de l'accès à l'information. 

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Tout est dans l'adjectif « utiles ». Qui définit l'utilité de ces informations ? L'extension du rôle de la délégation est la contrepartie de l'accès aux fichiers de police et aux banques de données. Elle doit être libre de déterminer ce qui est utile.

M. Jacques Gautier.  - Nous sommes nombreux à penser qu'il faut protéger les hommes et femmes du renseignement et nous nous opposerons à ces amendements.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Il n'y a pas de risques puisque l'autorité des ministres, définie par l'ordonnance du 17 novembre 1958, n'est pas remise en cause.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.  - Aucun de nos amendements n'est susceptible de mettre en cause l'anonymat des agents des services de renseignement. Notre délégation a déjà pris les dispositions nécessaires lorsqu'il se trouvait menacé.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Je partage les craintes de M. Gautier mais nous sommes habilités secret défense, il n'y a aucun risque à ce sujet.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - La liberté des citoyens est en jeu. Certes, il faut protéger l'anonymat de nos agents mais les représentants du peuple doivent avoir communication de certaines informations. Évitons toute surenchère et faisons confiance à la délégation au renseignement.

M. Jean-Jacques Hyest.  - En ce qui concerne l'information des membres de la délégation parlementaire sur l'activité des services de renseignement, il faut faire preuve de prudence. Aux États-Unis, le Parlement contrôle étroitement les services ; je ne sais comment ils s'en arrangent. Soyons prudents. Je pense que seront jugées utiles les informations qui ne mettent pas en cause les services de renseignement...

Mme Nathalie Goulet.  - La politique de secret défense est bien établie dans notre pays. Notez qu'aucune femme ne siège dans cette délégation.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.  - Si, Mme Patricia Adam.

Mme Nathalie Goulet.  - Elle n'est pas sénatrice.

L'amendement n°2 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°43, présenté par M. Marini.

Après l'alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° À la seconde phrase du I, le mot : « quatre » est remplacé deux fois par le mot : « cinq » ;

...° À la première phrase du premier alinéa du II, après les mots : « de défense » sont insérés les mots : « et des finances » ;

M. Philippe Marini.  - L'article 6 du présent projet de loi prévoyant de faire de la commission de vérification des fonds spéciaux une formation spécialisée de la délégation parlementaire au renseignement, cette dernière est désormais chargée d'examiner les dépenses faites sur les fonds spéciaux et de s'assurer que les crédits sont utilisés conformément à la destination qui leur a été assignée par la loi des finances. Il semble dès lors opportun de prévoir que la commission des finances participe aux travaux de la délégation, plutôt que de n'être que le simple destinataire de son rapport.

Cette participation est d'autant plus justifiée que l'assistance de la Cour des comptes, théoriquement assurée jusqu'ici par la participation de magistrats aux travaux de la commission de vérification des fonds spéciaux, n'est plus prévue.

Comme pour les autres commissions permanentes concernées, l'amendement prévoit que les présidents des commissions des finances de chaque assemblée sont membres de droit de la délégation.

J'ajoute que le rapport de la commission de vérification témoigne d'un réel progrès des connaissances. En matière de renseignement, il est parfois nécessaire de s'affranchir de certaines règles applicables aux acteurs publics. Une appréciation financière et patrimoniale serait bienvenue.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Est-ce un amendement en votre nom propre ?

M. Philippe Marini.  - Je crois être fidèle à la volonté de la commission.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Cet amendement rend les présidents des commissions des finances des deux assemblées membres de droit des délégations parlementaires au renseignement. Or, les huit membres de ces organes assurent une représentation harmonieuse des forces politiques. De ce fait, un climat de confiance s'est instauré. Si l'on ajoutait deux nouveaux membres, des problèmes ne sont pas à exclure.

Cette question a été posée en 2007 dans les mêmes termes. Le Gouvernement s'était alors montré opposé à une telle mesure.

M. Philippe Marini.  - Les gouvernements ne sont pas parfaits !

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Vous avez toujours la possibilité de nommer un collègue UMP membre de la commission des finances.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Je partage le point de vue de la commission.

M. Philippe Marini.  - Je suis tout à fait prêt à modifier mon amendement pour prévoir la nomination d'un membre de la commission des finances.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Comprenons-nous bien : c'est sur le quota de l'UMP que je vous suggère désigner un collègue membre de la commission des finances.

L'amendement n°43 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°50, présenté par M. Carrère, au nom de la commission des affaires étrangères.

Après l'alinéa 4

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

aa) La seconde phrase du deuxième alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Sauf opposition motivée du Premier ministre, ces informations et ces éléments d'appréciation peuvent porter sur les activités opérationnelles de ces services, les instructions données par les pouvoirs publics à cet égard et le financement de ces activités. Ces informations et éléments d'appréciation ne peuvent porter sur les opérations en cours, ni sur les échanges avec des services étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement. » ;

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Monsieur Hyest, j'ai eu le sentiment qu'en matière de renseignement, le précédent président de la République était en prise directe avec l'opinion. D'autre part, les services craignent la judiciarisation qui pourrait paralyser leur action. Si on leur confie des pouvoirs nouveaux, pour lutter contre le terrorisme, il faut aussi renforcer le contrôle parlementaire.

À la suite de nos auditions, nous avons dû nous rendre à l'évidence : le haut exécutif ne peut être laissé en apesanteur.

Le Gouvernement nous demande de supprimer l'adjectif « motivée », à la première phrase de cet amendement. J'y consens : c'était sans doute excessif.

M. le président.  - Sous-amendement n°63 à l'amendement n°50 de M. Carrère, au nom de la commission des affaires étrangères, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 4, première phrase

Supprimer le mot :

motivée

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Aucune information ne saurait être communiquée sur les opérations en cours et le Premier ministre ne saurait être tenu de motiver son avis. Je sais gré à M. le rapporteur de le reconnaître.

M. Robert del Picchia.  - Il n'y aurait plus, sinon, de secret défense !

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

aa) A la seconde phrase du deuxième alinéa, les mots : « activités opérationnelles de ces services, les instructions données par les pouvoirs publics à cet égard et le financement de ces activités » sont remplacés par les mots : « opérations en cours » ;

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.  - La commission des lois préfère s'en tenir à la règle énoncée par le Conseil constitutionnel à propos de la loi de finances pour 2002 : la Délégation parlementaire au renseignement n'a pas vocation à contrôler les opérations en cours. En revanche, les opérations achevées sont de sa compétence. Cela ne devrait pas être subordonné à l'autorisation du Premier ministre. Le Gouvernement peut toujours donner des instructions aux directeurs de service.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - L'amendement n°3 n'aurait plus d'objet si le nôtre était adopté...

M. Jean-Pierre Chevènement.  - L'ajout de l'adjectif « motivée » provient d'un brainstorming au sein de la commission : la suggestion était mienne. Le Premier ministre n'aurait pas à entrer dans les détails. Si cette délégation n'a pas de prérogatives, autant la supprimer et revenir à la situation antérieure ! Je m'abstiendrai.

Le sous-amendement n°63 est adopté.

L'amendement n°50, sous-amendé, est adopté.

L'amendement n°3 n'a plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

ba) A la seconde phrase du dernier alinéa, les mots : « seuls les directeurs en fonction de ces services peuvent être entendus » sont remplacés par les mots et une phrase ainsi rédigée : « la délégation peut entendre les directeurs en fonction de ces services. Elle peut également entendre les autres agents de ces services, sous réserve de l'accord et en présence du directeur du service concerné. » ;

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.  - Le présent amendement prévoit que la délégation peut entendre non seulement les directeurs en fonction des services mais aussi, avec l'accord de ceux-ci, les agents en fonction.

Pour éviter de placer les agents dans une situation fausse, j'ai accepté une rectification voulue par la commission des affaires étrangères, pour préciser que l'audition aurait lieu en présence du directeur.

M. le président.  - Sous-amendement n°60 à l'amendement n° 5 rectifié de M. Sueur, au nom de la commission des lois, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

la délégation peut entendre les directeurs en fonction de ces services. Elle peut également entendre les autres agents de ces services, sous réserve de l'accord et en présence du directeur du service concerné

par les mots :

la délégation peut entendre les directeurs en fonction de ces services, qui peuvent se faire accompagner des collaborateurs de leur choix

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Je suis très réservé sur l'audition directe des agents. Laissons les directeurs libres de se faire accompagner ou non. J'ai fait preuve d'ouverture, mais il y a des points sur lesquels je ne transigerai pas.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Je ne partage pas du tout l'analyse de M. le ministre : l'amendement exige bien l'accord et la présence du directeur concerné. Nous sommes donc d'accord ! Sur une affaire récente, cette disposition aurait été utile.

M. Jacques Gautier.  - Cet amendement mettrait les directeurs en porte-à-faux. Nous voterons le sous-amendement.

Mme Corinne Bouchoux.  - Pensons aux agents de base qui ne doivent pas être mis en difficulté par nos légitimes exigences de transparence.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, le sous-amendement n°60, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.

M. Robert del Picchia.  - Dommage !

L'amendement n°5 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois.

Alinéa 7

Supprimer les mots :

, avec l'accord préalable des ministres sous l'autorité desquels ils sont placés,

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.  - L'ordonnance de 1958 prévoit que la délégation parlementaire au renseignement peut entendre les directeurs des services de renseignement sans qu'il soit précisé que ces auditions ont lieu avec l'accord de leur ministre. Il doit en être de même pour les directeurs d'administration centrale ayant à connaître des activités des services spécialisés de renseignement.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - La délégation a déjà entendu la DGPN, par exemple. Le projet de loi entérine une pratique établie, il n'est pas nécessaire de requérir l'autorisation du ministre. Si on continue ainsi, le contrôle parlementaire sera mis à mal. Et c'est à l'opinion qu'il faudra rendre compte.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Sagesse.

L'amendement n°6 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois.

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle prend connaissance, sous réserve, le cas échéant, de l'anonymisation des agents, des rapports de l'inspection des services de renseignement, ainsi que des rapports des services d'inspection des ministères portant sur les services de renseignement qui relèvent de leur compétence.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.  - La commission des lois a estimé logique que la DPR puisse prendre connaissance des rapports de la nouvelle inspection des services de renseignement, ainsi que des rapports des services d'inspection des ministères portant sur les services de renseignement qui relèvent de leur compétence.

J'ai rectifié l'amendement pour garantir l'anonymat des agents, comme le demandait très légitimement la commission des affaires étrangères.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Avis très favorable à cette nouvelle rédaction. Cet avis est le fruit de notre expérience.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Avis défavorable au nom de la séparation des pouvoirs. Contrairement à la cour des comptes, les inspections sont sous la responsabilité des ministres. Le Gouvernement appréciera en fonction des demandes.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°7 rectifié, mis aux voix par assis et levé, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié ter, présenté par MM. Gorce, Leconte, Patriat, Mohamed Soilihi et J.C. Leroy, Mme Alquier et MM. Sutour et Anziani.

Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La délégation procède, le cas échéant, aux vérifications lui permettant de s'assurer que les traitements automatisés de données personnelles mis en oeuvre par les services spécialisés de renseignement le sont conformément aux dispositions de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés » ;

M. Jean-Yves Leconte.  - Si les traitements automatisés mis en oeuvre par les services spécialisés de renseignements relèvent de la loi du 6 janvier 1978 et, à ce titre, doivent être autorisés par un décret soumis à avis de la Cnil, il n'existe aujourd'hui aucun moyen de s'assurer du respect par ces services de leurs obligations.

À la suite de l'affaire Prism et des informations diffusées par Le Monde faisant état d'une possible surveillance générale des communications informatisées en France, la Cnil s'est logiquement déclarée incompétente et la DPR s'en est remise aux déclarations des fonctionnaires en charge sans pouvoir procéder elle-même à aucun contrôle.

Cet amendement y remédie. La loyauté des agents n'est pas en cause, non plus que leur attachement aux lois de la République, mais le contrôle est nécessaire en démocratie, faute de quoi de nouvelles affaires Prism se produiront. Les révélations du jour le confirment.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - C'est comme le chocolat au lait et aux noisettes, tout le monde a envie d'y mettre les doigts... Je comprends vos préoccupations : l'affaire Prism et la révélation par Le Monde d'un système analogue en France a suscité un certain émoi, d'ailleurs assez faible.

Les interceptions de sécurité sont soumises à la loi de 1991. Si elles concernent des résidents français, elles sont soumises à l'autorisation préalable de la CNCIS. Entendus le 18 juillet, le directeur général de la sécurité intérieure et le coordinateur national du renseignement nous ont assurés que les allégations du Monde étaient infondées.

En outre, la DPR n'est pas armée pour contrôler de tels fichiers. Retrait. Peut-être, un jour, la délégation DPR aura-t-elle d'autres capacités d'enquête...

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Même avis.

M. Jean-Yves Leconte.  - Merci, monsieur le président Carrère, de votre réponse détaillée. Le projet de loi nous offre déjà le chocolat, à défaut de noisettes... Je retire l'amendement.

L'amendement n°20 rectifié ter est retiré.

L'article 5, modifié, est adopté.

ARTICLE 6

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois.

Rédiger ainsi cet article :

L'article 154 de la loi de finances pour 2002 (n°2001-1275 du 28 décembre 2001) est ainsi modifié :

1° Au I, les mots : « une commission de vérification » sont remplacés par les mots : « la délégation parlementaire au renseignement, qui est » ;

2° Le II est abrogé ;

3° Au premier alinéa du III, aux premier et deuxième alinéas du IV, au V, et aux premier et second alinéas des VI et VII, le mot : « commission » est remplacé par le mot : « délégation » ;

4° Le VII bis est abrogé.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.  - J'ai dit notre perplexité sur la nouvelle organisation de la Commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS) dont les membres ne pourraient plus évoquer les informations dont ils disposent devant les autres membres de la DPR. Mieux vaut fusionner les deux organismes.

M. le président.  - Amendement n°51, présenté par M. Carrère, au nom de la commission des affaires étrangères.

Alinéas 3 et 4

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

II. - La commission de vérification constitue une formation spécialisée de la délégation parlementaire au renseignement. Elle est composée de deux députés et de deux sénateurs, membres de la délégation parlementaire au renseignement, désignés de manière à assurer une représentation pluraliste.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Il arrive que nous ayons des désaccords. Une commission spécifique se justifie, compte tenu de la nature de l'exercice. Auparavant, la DPR et la CVFS étaient distinctes ; on pouvait faire partie des deux.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Ce point a été débattu !

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Je me le rappelle. Je suis moi-même membre des deux instances : membre de droit dans l'une, désigné dans l'autre.

Ne brûlons pas les étapes. Que le président Sueur se rassure : le cloisonnement ne sera pas absolu.

La CVFS devient une formation spécialisée au sein de la DPR, au sein de laquelle mon amendement garantit la présence d'un représentant de la majorité et de l'opposition de chaque assemblée. Lorsqu'on prend de l'âge, on ne monte plus les marches quatre à quatre !

Mme Nathalie Goulet.  - C'est la sagesse, pas la vieillesse !

L'amendement n°44 est retiré.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Le Gouvernement soutient l'amendement n°51.

M. Jacques Gautier.  - La mention du « pluralisme » ne garantit pas la représentation de l'opposition.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Soit. Je rectifie l'amendement.

M. le président.  - Ce sera donc l'amendement n°51 rectifié.

Amendement n°51 rectifié, présenté par M. Carrère, au nom de la commission des affaires étrangères.

Alinéas 3 et 4

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

II. - La commission de vérification constitue une formation spécialisée de la délégation parlementaire au renseignement. Elle est composée de deux députés et de deux sénateurs, membres de la délégation parlementaire au renseignement, désignés de manière à assurer une représentation de la majorité et de l'opposition.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

L'amendement n°51 rectifié est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

Les articles 7, 8 et 9 sont successivement adoptés.

ARTICLE 10

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois.

Alinéa 3, première phrase

Après les mots :

aux passagers des vols

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

internationaux en provenance ou à destination d'États n'appartenant pas à l'Union européenne.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.  - Je ne reviens pas sur la position de la commission des lois au sujet du fichier PNR.

Il faut être très prudent parce que le texte propose d'entériner une directive européenne qui n'existe pas. La commission ad hoc du Parlement européen comme le contrôleur européen de la protection des données et les Cnil l'ont rejetée. En l'état actuel des choses, nous n'en sommes qu'au stade d'un avant-projet, qui ne prévoit pas le contrôle des déplacements intracommunautaires.

Nous proposons donc de limiter le contrôle aux vols extracommunautaires, conformément au rapport Détraigne-Sutour préalable aux résolutions votées par le Sénat en 2009 et 2011.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Les autorités européennes transmettent déjà les données aux autorités américaines, canadiennes et australiennes, sans que leurs propres services y aient accès... Cet article corrige cette anomalie. Avis très défavorable à l'amendement.

Des terroristes ont déjà réussi à tromper les services -souvenez-vous de l'affaire Merah. L'exclusion des vols intracommunautaires créerait de nouvelles failles, sans compter que de nombreux trafiquants de drogue utilisent des vols en provenance des Antilles françaises. Le projet de directive européenne n'interdit pas d'inclure les vols intracommunautaires.

Certes, le rapport Détraigne juge que l'équilibre entre sécurité et respect des droits fondamentaux serait mieux assuré si les vols nationaux et intracommunautaires étaient exclus mais le Sénat, dans ses résolutions du 3 mars 2009 et du 18 avril 2011, ne s'est pas prononcé sur le champ du contrôle.

Ce fichier sera contrôlé par la Cnil et, à l'initiative de la commission, la conservation des données sera limitée dans le temps.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - C'est une affaire grave. Avis très défavorable à cet amendement qui méconnaît les besoins opérationnels des services. On sait que les réseaux terroristes cherchent à tromper notre vigilance par des ruptures d'itinéraires au sein de l'Union. Le suivi des cibles impose d'inclure les vols intracommunautaires.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.  - Je comprends ces arguments. Mais le Conseil constitutionnel de même que la Cour européenne des droits de l'homme apprécient la proportionnalité entre la restriction apportée aux libertés publiques et l'objectif poursuivi. Les vols intracommunautaires ne figurent pas dans le projet de directive. En l'état du droit, la commission des lois s'en tient à la position exprimée par les résolutions de MM. Détraigne et Sutour.

M. Robert del Picchia.  - Les vols Air France vers les États-Unis font souvent escale à Uppsala... Une partie du trajet est intracommunautaire. Les États-Unis n'accepteraient jamais que l'on ne transmît pas les informations.

M. André Trillard.  - Il manque une législation européenne en la matière. Je souhaite que tous les vols soient inclus. On peut aller de partout à n'importe où en restant en Europe...

Mme Nathalie Goulet.  - Pour aller à Téhéran, il faut passer par Milan, Francfort ou Istanbul. Même chose pour aller au Yémen. Les ruptures d'itinéraires posent évidemment un problème. Le rapport de 2009 de M. Détraigne doit être mis à jour. Je doute de la possibilité de protéger les données personnelles... Entre liberté et sécurité, je plaide pour la sécurité.

Mme Corinne Bouchoux.  - On ne peut simplifier ainsi le débat. Le rapport Détraigne était pondéré et pragmatique. Nous soutiendrons l'avis de président Sueur.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois.

Alinéa 8, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Ce décret détermine les services autorisés à interroger l'unité de gestion chargée de la collecte des données auprès des transporteurs aériens, de leur conservation et de leur analyse, en précisant si cette autorisation est délivrée à des fins de répression ou à des fins de prévention.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.  - La directive PNR prévoit que les données transmises par les passagers aériens ne seront pas directement transférées aux services répressifs ou de renseignement mais d'abord traitées par une unité d'information passagers chargée de gérer le traitement automatisé, de s'assurer de l'exactitude des données et d'évaluer le risque présenté par les passagers pour décider ou non d'alerter les services compétents. Ceux-ci pourront eux-mêmes demander à obtenir des données PNR ou des traitements spécifiques de ces données, mais seulement au cas par cas et en motivant leur demande.

L'unité d'information passagers joue ainsi un rôle de filtre ; elle s'assure de la qualité du fichier et de la rigueur de son utilisation par les services répressifs. Cet amendement propose d'en inscrire le principe dans la loi. Son texte initial renvoyait tout au décret ; la commission des affaires étrangères a proposé cette excellente synthèse.

L'amendement n°11 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Tout résultat positif obtenu par le traitement automatisé est contrôlé individuellement par des moyens non automatisés, afin de vérifier si l'intervention des agents visés aux deux précédents alinéas est nécessaire.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.  - Il s'agit du profilage qui serait mis en oeuvre grâce au nouveau fichier PNR ; il consiste à détecter automatiquement des personnes potentiellement dangereuses par le biais d'un certain nombre de critères, entrés au préalable dans le système informatique et à l'aune desquels les données seraient analysées. L'utilisation à grande échelle d'un tel système doit encore faire ses preuves.

C'est pourquoi, puisque le fichier ne serait créé que jusqu'au 31 décembre 2017, des éléments concrets sur son efficacité devront être apportés afin d'en obtenir la prorogation.

Parmi les critères, il y aura le domicile, la destination, le pays d'origine...

Mme Nathalie Goulet.  - Les repas !

M. Jean-Pierre Sueur.  - En effet. Et l'on ciblera ainsi des gens qu'on n'a aucune raison de soupçonner. Avant toute exploitation automatique, le nouveau fichier doit faire l'objet d'une évaluation. C'est une précaution.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - En cas de résultat positif, il va de soi qu'une vérification humaine aura lieu. Retrait.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

L'article 10, modifié, est adopté.

Les articles 11 et 12 sont successivement adoptés.

Dépôt d'un rapport

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le bilan de l'expérimentation nationale sur l'affichage environnemental des produits de grande consommation établi en application de l'article L. 112-10 du code de la consommation.

Il a été transmis à la commission des affaires économiques ainsi qu'à la commission du développement durable.

La séance est suspendue à 19 h 30.

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Programmation militaire (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 13.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 13

M. Jean-Jacques Hyest .  - L'article 13, tel que rédigé par la commission de la défense, est insuffisant. Il y aurait 30 à 40 000 demandes de géolocalisation, selon le rapport. Je crois plutôt qu'il y en a une centaine. Le contrôle de la CNCIS fonctionne parfaitement. Il aurait fallu compléter le dispositif de la loi de 1991, c'est ce que je proposerai. Enfin, et c'est le plus extraordinaire, on confond géolocalisations et écoutes judiciaires. Je vous rappelle la décision du Conseil constitutionnel du 19 janvier 2006 ! Si j'admets que l'on puisse refuser mon amendement, je ne comprends pas les raisons de forme et de fond avancées. M. Sueur a heureusement présenté un amendement rectifié qui me convient mieux.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - En toute amitié, monsieur Hyest, relisez mon rapport. Puisque vous aimez l'exactitude, je vais vous en donner lecture : « Sur 30 000 à 40 000 demandes d'accès aux données de connexion formulées chaque année, environ une cinquantaine concernent les demandes de géolocalisation en temps réel (104 demandes entre octobre 2010 et octobre 2012). »

M. Jean-Jacques Hyest.  - Dont acte. J'avais fait une lecture trop cursive...

M. le président.  - Amendement n°15 rectifié ter, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois.

Rédiger ainsi cet article :

I.  -  Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° L'intitulé du titre IV du livre II est ainsi rédigé : « Interceptions de sécurité et accès administratif aux données de connexion » ;

2° Le titre IV du livre II est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« Chapitre VI

« Accès administratif aux données de connexion

« Art. L. 246-1.  -  Pour les finalités énumérées à l'article L. 241-2, peut être autorisé le recueil, auprès des opérateurs de communications électroniques et personnes mentionnées à l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques ainsi que des prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l'article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, des informations ou documents traités ou conservés par leurs réseaux ou services de communication électronique, y compris les données techniques relatives à l'identification des numéros d'abonnement ou de connexion à des services de communication électronique, au recensement de l'ensemble des numéros d'abonnement ou de connexion d'une personne désignée, aux données relatives à la localisation des équipements terminaux utilisés ainsi qu'aux données techniques relatives aux communications d'un abonné portant sur la liste des numéros appelés et appelant, la durée et la date des communications.

« Art. L. 246-2.  -  I. Les informations ou documents mentionnés à l'article L. 246-1 sont sollicités par les agents individuellement désignés et dûment habilités des services relevant des ministres chargés de la sécurité intérieure, de la défense, de l'économie et du budget, chargés des missions prévues à l'article L. 241-2.

« II.  -  Les demandes des agents sont motivées et soumises à la décision d'une personnalité qualifiée placée auprès du Premier ministre. Cette personnalité est désignée pour une durée de trois ans renouvelable par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité sur proposition du Premier ministre qui lui présente une liste d'au moins trois noms. Des adjoints pouvant la suppléer sont désignés dans les mêmes conditions. La personnalité qualifiée établit un rapport d'activité annuel adressé à la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Les décisions, accompagnées de leur motif, font l'objet d'un enregistrement et sont communiquées à la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. 

« Art. L. 246-3.  -  Pour les finalités énumérées à l'article L. 241-2, les données prévues à l'article L. 246-1 peuvent être recueillies sur sollicitation du réseau et transmises en temps réel par les opérateurs aux agents visés au I de l'article L. 246-2.

« L'autorisation est accordée, sur demande écrite et motivée des ministres de la sécurité intérieure, de la défense, de l'économie et du budget ou des personnes que chacun d'eux aura spécialement désignées, par décision écrite du Premier ministre ou des personnes spécialement désignées par lui, pour une durée maximale de dix jours. Elle peut être renouvelée dans les mêmes conditions de forme et de durée. Elle est communiquée dans un délai de quarante-huit heures au président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.

« Si celui-ci estime que la légalité de cette décision au regard des dispositions du présent titre n'est pas certaine, il réunit la commission, qui statue dans les sept jours suivant la réception par son président de la communication mentionnée au premier alinéa.

« Au cas où la commission estime que le recueil d'une donnée de connexion a été autorisé en méconnaissance des dispositions du présent titre, elle adresse au Premier ministre une recommandation tendant à ce qu'il y soit mis fin.

« Elle porte également cette recommandation à la connaissance du ministre ayant proposé le recueil de ces données et du ministre chargé des communications électroniques.

« Art. L. 246-4.  - La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité dispose d'un accès permanent au dispositif de recueil de données techniques mis en oeuvre en vertu du présent chapitre afin de procéder à des contrôles visant à s'assurer du respect des conditions fixées aux articles L. 246-1 à 246-3. En cas de manquement, elle adresse une recommandation au Premier ministre. Celui-ci fait connaître à la commission, dans un délai de quinze jours, les mesures prises pour remédier au manquement constaté.

« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et de la Commission nationale des interceptions de sécurité, qui précise notamment la procédure de suivi des demandes et les conditions et durée de conservation des données transmises.

« Art. L. 246-5.  - Les surcoûts identifiables et spécifiques éventuellement exposés par les opérateurs et personnes mentionnées au premier alinéa pour répondre à ces demandes font l'objet d'une compensation financière. » ;

3° Les articles L. 222-2, L. 222-3 et L. 243-12 sont abrogés ;

4° À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 243-7, les mots : « de l'article L. 243-8 et au ministre de l'intérieur en application de l'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques et de l'article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique » sont remplacés par la référence : « des articles L. 243-8, L. 246-3 et L. 246-4 » ;

5° À l'article L. 245-3, après les mots « en violation », sont insérés les mots : « des articles L. 246-1 à L. 246-3 et ».

II.  -  L'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques est abrogé.

III.  -  Le II bis de l'article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique est abrogé.

IV.  -  Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2015.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.  - Avec la géolocalisation, nous abordons un sujet important pour les libertés publiques. Chacun se souvient de l'affaire des fadettes. Se pose d'abord une question de droit : sur quel texte se fonder pour des géolocalisations ? En principe, elles relèvent de la loi du 23 janvier 2006, prolongée en 2009, puis par la loi du 21 décembre 2012. En vertu de ces trois lois, le dispositif sera caduc le 31 décembre 2015. La position de la commission des lois est très claire : il faut revenir à la loi du 10 juillet 1991 et inscrire le dispositif dans le code de la sécurité intérieure.

Cet amendement s'inspire à la fois de la loi de 1991, et je rends hommage à l'action forte de M. Hyest au sein de notre commission, et du dispositif propre à la prévention du terrorisme créé par la loi de 2006.

Les autorisations seraient données par une personnalité qualifiée placée auprès du Premier ministre et la CNCIS effectuerait un contrôle posteriori, en ayant un accès plein et entier au dispositif technique de recueil des données. Recourir à une personnalité qualifiée serait, dans ce cadre de la prévention du terrorisme, tout à fait adapté.

La géolocalisation en temps réel serait possible dans des conditions plus strictes, sur demande écrite et motivée du ministre de la défense, du ministre de l'intérieur ou du ministre chargé des douanes, ou des personnes que chacun d'eux aura spécialement désignées, et sur décision du premier ministre. Chaque autorisation de géolocalisation aurait une durée de validité limitée de dix jours, inférieure à celle prévue pour les interceptions de sécurité et pourrait être renouvelée. Le présent article entrerait en vigueur le 1er janvier 2015.

Sur ces questions d'interception et de géolocalisation, indispensables à notre sécurité, il faut un dispositif qui soit bien encadré. Le Premier ministre prendra la décision sur demande motivée. Ainsi nous atteindrons un équilibre entre respect de la vie privée et impératifs de défense, de sécurité et de lutte contre le terrorisme.

M. le président.  - Amendement n°45, présenté par M. Hyest.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 244-2 du code de la sécurité intérieure est ainsi rédigé :

« Art. L. 244-2.- I. - Le Premier Ministre ou, uniquement en ce qui concerne l'exécution des mesures prévues à l'article L. 241-3, le ministre de la défense ou le ministre de l'intérieur, peuvent recueillir, auprès des personnes physiques ou morales exploitant des réseaux de communications électroniques ou fournisseurs de services de communications électroniques, les informations ou, documents qui leur sont nécessaires, traités ou conservés par leurs réseaux ou services de communications électroniques, y compris les données techniques relatives à l'identification des numéros d'abonnement ou de connexion à des services de communications électroniques, au recensement de l'ensemble des numéros d'abonnement ou de connexion d'une personne désignée, aux données relatives à la localisation des équipements terminaux utilisés ainsi qu'aux données techniques relatives aux communications d'un abonné portant sur la liste des numéros appelés et appelants, la durée et la date des communications.

« II. - Pour les motifs visés à l'article L 241-2, à titre exceptionnel, ces données peuvent être recueillies sur sollicitation du réseau, après conservation ou en temps réel. Ces mesures font l'objet d'une demande écrite et motivée du ministre de la défense, du ministre de l'intérieur ou du ministre chargé des douanes, ou des personnes que chacun d'eux aura spécialement déléguées.

« L'autorisation est accordée par décision écrite du Premier ministre ou des personnes spécialement déléguées par lui, après avis de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, pour une durée maximum de soixante-douze heures. Elle ne peut être renouvelée que dans les mêmes conditions de forme et de durée.

« Une information sur le déroulement et l'issue de chacune des mesures autorisées est transmise, par le ministère bénéficiaire, au Premier ministre et à la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.

« III. - Cette instance a accès de façon sécurisée au dispositif de recueil de données techniques. Elle peut à tout moment procéder à des contrôles relatifs aux opérations de collecte et de communication de ces données. Lorsqu'elle constate un manquement aux règles définies par le présent article ou une atteinte aux droits et libertés, elle saisit le Premier ministre d'une recommandation. Celui-ci lui fait connaître dans un délai de quinze jours les mesures qu'il a prises pour remédier aux manquements constatés.

« Les modalités d'application des dispositions du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, qui précise notamment la procédure de suivi des demandes et les conditions et durée de conservation des données transmises.

« Le recueil des données techniques de communications peut, le cas échéant, permettre la réalisation et l'exploitation des interceptions autorisées par la loi. »

M. Jean-Jacques Hyest.  - La seule chose qui me différencie de l'amendement de la commission des lois, c'est l'avis à prévoir de la CNCIS. Elle peut tout à fait jouer son rôle puisqu'elle le remplit déjà. Cela dit, si l'amendement de la commission des lois est voté, ce à quoi je contribuerai, je serai satisfait à 95 %.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Pardon de vous le dire, les vieux démons de la commission des lois vous poursuivent jusque dans la loi de programmation militaire. Disons-le avec netteté : l'article 13 était limité, il visait seulement à encadrer la géolocalisation. Difficile pourtant de s'opposer à la commission des lois sur ce sujet qui est sien. S'il fallait harmoniser les lois de 1991 et de 2006, fallait-il procéder à cette réforme à laquelle est sensible l'opinion publique dans une loi qui doit être adoptée impérativement avant la fin de l'année ? Surtout, fallait-il un régime aussi strict pour la géolocalisation, qui est moins intrusive que les interceptions puisqu'elle ne donne pas accès au contenu des communications ?

Malgré ces réserves, avis favorable à l'amendement n°15 rectifié ter. Quant à l'amendement n°45, il tombera...

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Depuis l'examen du texte en commission, beaucoup de travail a été fait. Je soutiendrai cet amendement d'équilibre qui ménage nos capacités opérationnelles et le respect des libertés publiques. Je salue votre sens de l'État et du compromis.

M. André Trillard.  - La sécurité est la première des libertés, il n'y a pas lieu d'opposer les deux notions. À moins que nous ne vivions dans un autre monde...

Mme Nathalie Goulet.  - Après les scandales de WikiLeaks et autres, et bien que ce débat puisse paraître archaïque et daté, notre Haute assemblée s'honore d'encadrer les interceptions et la géolocalisation, dans un monde où toutes les règles sont mises à bas.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Je comprends les préventions de M. Carrère. Toutefois, l'occasion fait le larron : s'il n'y avait pas eu cet article 13, il n'y aurait pas eu nos amendements ! Je voterai l'amendement de M. Sueur. Libertés publiques et sécurité vont de pair. Je ne souhaite pas que notre pays vote, un jour, un Patriot Act.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Nous non plus !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.  - Monsieur Trillard, il n'y a effectivement pas lieu d'opposer sécurité et liberté, non plus que sécurité et justice.

L'amendement n°15 rectifié ter est adopté et l'article 13 est ainsi rédigé.

L'amendement n°45 n'a plus d'objet.

L'article 14 est adopté, de même que les articles 15, 16, 16 bis et 16 ter.

ARTICLE 17

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.  - Avec cet article, nous abordons les questions de justice. Si nous nous rallions aux propositions du ministre, nous demandons la suppression de cet article instituant une présomption simple selon laquelle la cause d'une mort au combat n'est en principe ni suspecte ni inconnue. Rien n'interdira cependant le renversement de cette présomption et l'ouverture d'une enquête en recherche des causes de la mort. La disposition, peut-être symbolique, serait dépourvue d'effets juridiques car l'enquête n'est déjà pas systématique. Le Conseil supérieur de la fonction militaire ne dit pas autre chose.

M. le président.  - Amendement identique n°41, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC.

Mme Michelle Demessine.  - Éviter la judiciarisation excessive est un objectif louable. Comme M. Sueur, je m'interroge pourtant sur la portée de cet article, qui pourrait être déclaré contraire à l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - L'amendement de la commission des lois ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt. La réalité est que la commission des lois soutient le dispositif du texte, elle n'a pas amendé les articles 17 et 18, essentiels et très attendus par les militaires. Cela est d'autant plus important que se déroule le procès des pirates du Tanit. Dès 2005, nous avons tenté de remédier à cette judiciarisation excessive par la loi sur le statut des militaires. La pratique n'est pas si claire que le dit M. Sueur. Voyez les interrogations sur les attaques green and blue. Enfin, les symboles ont parfois leur importance. À notre sens, cet article 17 rend bien compte des spécificités militaires. L'avis du Conseil supérieur de la fonction militaire a été rendu dans une atmosphère que vous connaissez : après des discussions vives à propos des retraites. Quant à l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, il ne peut nous être opposé : une enquête n'équivaut pas à un procès pénal. En conséquence de quoi, avis défavorable.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Merci à M. Sueur de son soutien à propos du monopole du parquet sur l'action publique concernant les faits délictuels commis par des militaires à l'étranger. Mais je rappelle que deux heures après l'attaque meurtrière en Kapisa, une enquête a été déclenchée à Paris. Voyez, les symboles ont leur importance quand il s'agit de militaires qui mettent en jeu leur vie au combat. Je vous demande de les respecter. Le Conseil supérieur de la fonction militaire aurait certainement rendu un autre avis en d'autres temps. Rejet.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.  - Je maintiens mon amendement pour des raisons juridiques. Le fait qu'une décision ou un avis soit rendu après de vives discussions ne les invalide pas. Cependant, vos objections méritent considérations. Je rends hommage, comme vous, aux militaires tombés au combat.

M. André Trillard.  - À l'hôpital des armées de Lyon, y a-t-il une spécialité de médecine légale ? Il nous faudra former de nombreux médecins légistes pour enquêter sur les morts au combat, surtout si nous connaissons de nouveau des conflits très meurtriers.

Les amendements identiques nos16 et 41 ne sont pas adoptés.

L'article 17 est adopté, de même que les articles 18, 19, 20, 21, 22 et 23.

L'amendement n°46 est retiré.

L'article 24 est adopté, ainsi que les articles 25, 26, 27 et 28.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°22 rectifié ter, présenté par MM. Lorgeoux et Roger, Mme Garriaud-Maylam et MM. Poncelet et Dulait.

I.  -  Après l'article 28

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Le chapitre VIII du titre Ier du livre IV de la partie 3 du code de la défense devient un chapitre IX et les articles L. 3418-1, L. 3418-2 et L. 3418-3 deviennent les articles L. 3419-1, L. 3419-2 et L. 3419-3.

II. Après le chapitre VII du même titre Ier, il est inséré un chapitre VIII ainsi rétabli :

« Chapitre VIII : Foyer d'entraide de la Légion étrangère

« Section 1 : Dispositions générales

« Art. L. 3418-1.  -  Le Foyer d'entraide de la Légion étrangère est un établissement public de l'État placé sous la tutelle du ministre de la défense.

« L'activité du Foyer d'entraide de la Légion étrangère s'exerce au profit des militaires et anciens militaires, servant ou ayant servi à titre étranger, ainsi qu'à leurs familles.

« Art. L. 3418-2.  -  Le Foyer d'entraide de la Légion étrangère assure les missions suivantes :

« 1° L'aide matérielle, administrative et financière aux militaires et anciens militaires, servant ou ayant servi à titre étranger, ainsi qu'à leurs familles ;

« 2° L'accueil des militaires et anciens militaires, servant ou ayant servi à titre étranger, en difficulté afin de leur offrir un accompagnement social, une adaptation à la vie active ou une aide à l'insertion sociale et professionnelle ;

« 3° L'accueil d'anciens militaires ayant servi à titre étranger handicapés ou âgés afin de leur offrir un soutien médico-social ;

« 4° La mise en oeuvre de mesures de protection des majeurs ordonnées par l'autorité judiciaire à l'égard des anciens militaires ayant servi à titre étranger ;

« 5° Le maintien et la promotion de l'identité légionnaire notamment par la réalisation et la vente de publications et d'objets de communications ;

« 6° Le soutien financier aux actions relatives à la mémoire de la Légion étrangère ;

« 7° L'octroi de subventions au profit des personnes morales à but non lucratif agissant dans le domaine de l'action sociale ou médico-sociale à destination des militaires ou anciens militaires, servant ou ayant servi à titre étranger.

« Section 2 : Organisation administrative et financière

« Art. L. 3418-3.  -  Le Foyer d'entraide de la Légion étrangère est administré par un conseil d'administration présidé par le général commandant la légion étrangère.

« Il comprend, en outre :

« - des représentants de l'État, dont des représentants de la Légion étrangère ;

« - des représentants des bénéficiaires des prestations délivrées par l'établissement ;

« - des membres nommés en raison de leur compétence.

« Art. L. 3418-4.  -  Le Foyer d'entraide de la Légion étrangère est dirigé par un directeur général nommé par arrêté du ministre de la défense sur proposition du conseil d'administration.

« Art. L. 3418-5  -  Le Foyer d'entraide de la Légion étrangère n'a pas de but lucratif. Ses ressources sont constituées par :

« 1° Les subventions et prestations en nature que le Foyer d'entraide de la Légion étrangère peut recevoir de l'État, des collectivités territoriales et de toutes autres personnes publiques et privées ;

« 2° Les revenus des biens meubles et immeubles propriétés de l'établissement ;

« 3° Les dons et legs ;

« 4° Le produit du placement de ses fonds ;

« 5° Le produit des aliénations ;

« 6° Les recettes provenant de l'exercice de ses activités.

« En outre, il peut souscrire des emprunts et recevoir des contributions financières des cercles et des foyers.

« Art. L. 3418-6  -  Le Foyer d'entraide de la Légion étrangère observe, pour sa gestion financière et comptable, les règles du droit privé. Il n'est pas tenu de déposer ses fonds au Trésor.

« Art. L. 3418-7  -  Le personnel du Foyer d'entraide de la Légion étrangère comprend :

« - des militaires affectés par ordre de mutation dans les conditions du droit commun et servant en position d'activité ;

« - des personnels régis par le code du travail.

« Section 3 : Dispositions diverses

« Art. L. 3418-8.  -  L'État met gratuitement à la disposition du Foyer d'entraide de la Légion étrangère les biens immobiliers nécessaires à l'accomplissement de ses missions.

« Art. L. 3418-9.  -  Un décret en Conseil d'État définit les modalités d'organisation et de fonctionnement du Foyer d'entraide de la Légion étrangère. »

II.  -  En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Section 3 :

Dispositions relatives au Foyer d'entraide de la Légion étrangère

M. Jeanny Lorgeoux.  - Nous proposons de doter le foyer d'entraide de la Légion étrangère du statut d'Epic sous la tutelle de la Défense. Réforme de longue haleine puisqu'elle remonte à 2008. Les liens de la Légion étrangère avec le Sénat sont anciens : depuis les actions de M. Poncelet, et même depuis les licteurs de la Rome antique ! (Applaudissements)

M. le président.  - Sous-amendement n°64 à l'amendement n° 22 rectifié de M. Lorgeoux, présenté par le Gouvernement.

Amendement n°22 rect. ter, alinéa 30

Supprimer les mots :

souscrire des emprunts et

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Nous voulions atténuer l'amendement de M. Lorgeoux car il n'est pas nécessaire de prévoir que l'établissement puisse emprunter. Mais je laisse cela à l'appréciation du Sénat.

Le sous-amendement n°64 est retiré.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Favorable à l'amendement n°22 rectifié ter ; je me félicite que le ministre, dans sa grande sagesse, ait retiré son sous-amendement, auquel la commission était unanimement opposée.

M. Jeanny Lorgeoux.  - Mon amendement a été cosigné par MM. Poncelet, Roger, Dulait et Mme Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Je remercie M. Lorgeoux d'avoir précisé que j'étais cosignataire de son amendement. Ma proposition de loi de 2009 était un peu différente : il m'avait paru que le statut de fondation était plus adapté. Peut-être y reviendrons-nous...

L'amendement n°22 rectifié ter est adopté et l'article additionnel est inséré.

M. le président.  - Amendement n°23 rectifié ter, présenté par MM. Lorgeoux et Roger, Mme Garriaud-Maylam et MM. Poncelet et Dulait.

I.  -  Après l'article 28

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'établissement public mentionné à l'article L. 3418-1 du code de la défense est substitué aux droits et obligations du Foyer d'entraide de la Légion étrangère dont il reprend les activités.

II.  -  En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Dispositions relatives au Foyer d'entraide de la Légion étrangère

M. Jeanny Lorgeoux.  - Amendement de coordination.

L'amendement n°23 rectifié ter, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté et l'article additionnel est inséré.

M. le président.  - Amendement n°32 rectifié bis, présenté par MM. Trillard, Pintat, J. Gautier, Cambon, Dulait, Laufoaulu, Charon, Gournac, G. Larcher, J.P. Fournier et Paul, Mme Garriaud-Maylam et MM. Couderc, P. André, Beaumont et Cléach.

Après l'article 28

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

.... - Le ministère de la Défense met en place, autant que faire se peut, un dispositif de suivi et ou d'accompagnement médical et psychologique pour les militaires ayant été engagés dans des opérations extérieures (Opex) à l'issue desquelles ils risqueraient de développer des symptômes post-traumatiques.

M. André Trillard.  - Il n'est pas inutile de préciser dans la loi que les militaires engagés dans les Opex doivent bénéficier d'un suivi médical et psychologique.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Favorable.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Également. Je suis tout de même un peu déçu que vous précisiez que le dispositif du ministère doit être mis en place « autant que faire se peut ». Ce sujet me tient à coeur, et nous n'avons pas attendu cet amendement pour lancer de telles actions.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Je propose une rectification à M. Trillard :

Après l'article 28

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

.... - Le ministère de la Défense développera un dispositif de suivi et ou d'accompagnement médical et psychologique mis en place pour les militaires ayant été engagés dans des opérations extérieures (OPEX) à l'issue desquelles ils risqueraient de développer des symptômes post-traumatiques

M. le président.  - Tel sera donc l'amendement n°32 rectifié ter, présenté par MM. Trillard, Pintat, J. Gautier, Cambon, Dulait, Laufoaulu, Charon, Gournac, G. Larcher, J.P. Fournier et Paul, Mme Garriaud-Maylam et MM. Couderc, P. André, Beaumont et Cléach.

M. André Trillard.  - D'accord avec cette rectification. Je ne voulais pas provoquer M. le ministre.

L'amendement n°32 rectifié ter est adopté et l'article additionnel est inséré.

L'article 29 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°19 rectifié, présenté par M. Krattinger, au nom de la commission des finances.

Après l'article 29

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Jusqu'au 31 décembre 2019, l'aliénation des immeubles domaniaux reconnus inutiles par le ministre de la défense avant le 31 décembre 2008 a lieu soit par adjudication publique, soit à l'amiable, selon des modalités définies par un décret en Conseil d'État. L'aliénation des immeubles domaniaux reconnus inutiles par le ministre de la défense après le 31 décembre 2008 et compris dans un site ayant fait l'objet d'une décision de restructuration prise par ce ministre a lieu dans les mêmes conditions jusqu'au 31 décembre 2019. Le décret ci-dessus mentionné précisera les cas dans lesquels cette aliénation pourra être consentie sans publicité ni mise en concurrence.

M. Yves Krattinger, rapporteur pour avis.  - Prolongeons la procédure sur laquelle se fonde l'action de la mission de réalisation des actifs immobiliers et dont le terme est actuellement fixé au 31 décembre 2014.

L'amendement n°19 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.

L'article 30 est adopté, de même que les articles 31 et 32.

ARTICLE 33

M. le président.  - Amendement n°34 rectifié bis, présenté par MM. Gilles et Milon, Mme Bruguière, Mlle Joissains, M. Couderc, Mme Garriaud-Maylam, MM. Revet, Falco, Pintat, Doublet, D. Laurent, Bécot, B. Fournier, Lefèvre, Laufoaulu, Charon, Doligé et Leleux, Mme Sittler, MM. César, P. Leroy, Pierre et Dulait, Mme Lamure, MM. Houel, Cardoux et Legendre, Mme Mélot, M. Dufaut, Mme Deroche et MM. Bourdin, Reichardt, Poncelet et Gaillard.

Supprimer cet article.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Au détour d'une loi de programmation militaire, on nous demande de légiférer subrepticement sur les formations supplétives de la guerre d'Algérie. Cinquante ans après, on pouvait espérer que tous auraient droit à la reconnaissance de la Nation. Le Gouvernement, ignorant la décision du Conseil constitutionnel du 4 février 2011, nous demande de distinguer entre les harkis d'origine arabo-berbères et ceux d'origine européenne. C'est perpétuer une discrimination, en ignorant les travaux des historiens les plus récents dont certains étaient chefs de harka. Les uns et les autres ont souffert d'être arrachés à leurs terres. Ceux d'origine européenne appartenaient à des familles installées en Algérie depuis des générations et n'avaient plus d'attaches avec la métropole. Faut-il rappeler que 20 000 d'entre eux sont tombés au combat contre l'Allemagne nazie ? Faut-il leur imposer une nouvelle vexation ?

M. le président.  - Amendement n°33 rectifié ter, présenté par MM. Gilles, Cléach et Milon, Mme Bruguière, Mlle Joissains, MM. Falco, Couderc et Cambon, Mme Garriaud-Maylam, MM. Revet, Pintat, Doublet, D. Laurent, Bécot, B. Fournier, Lefèvre, Laufoaulu, Charon, Doligé et Leleux, Mme Sittler, MM. César, P. Leroy, Pierre, Dulait et Ferrand, Mme Lamure, MM. Houel, Cardoux et Legendre, Mme Mélot, M. Dufaut, Mme Deroche et MM. Poncelet, Bourdin, Reichardt et Gaillard.

I. - Alinéas 1 et 2

Supprimer ces alinéas.

II. - Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

III. - Les indemnisations ou compensations concernant les anciens supplétifs de l'armée française en Algérie et assimilés, prévues par les lois n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés, n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie, n°99-1173 du 30 décembre 1999 de finances rectificative pour 1999 et n°2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés s'appliquent à toutes les personnes concernées, quel qu'ait été leur statut (statut civil de droit local, statut civil de droit commun) et à leurs ayants droit. 

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Amendement de repli.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Cet article 33 reprend une distinction de tradition constante qui se justifie pleinement : les supplétifs d'origine européenne n'ont pas connu les mêmes difficultés d'intégration en métropole. Leur ouvrir le dispositif et passer de 6 000 à 15 000 allocataires coûterait 270 millions d'euros. Nous ne pouvons pas nous le permettre en ces temps difficiles. D'autant que cela pourrait alimenter d'autres revendications... Trouvons d'autres formes de reconnaissance.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - On m'a parlé de 500 allocataires supplémentaires seulement... Nul n'est plus soucieux que moi de l'équilibre de nos finances, mais le Parlement s'honorerait de répondre à cette demande.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Nous vous communiquerons les chiffres transmis par le ministère.

Mme Corinne Bouchoux.  - C'est un sujet très délicat auquel Mmes Lipietz et Ango Ela sont sensibles. La distinction établie par l'article 33 se justifie uniquement par des impératifs budgétaires.

L'amendement n°34 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°33 rectifié ter.

L'article 33 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste.

Après l'article 33

Insérer un article ainsi rédigé :

La loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français est ainsi modifiée :

1° À l'article 3, les mots : « du ministère de la défense et des autres » sont remplacés par le mot : « des » ;

2° L'article 4 est ainsi modifié :

a) Le I est remplacé par quatre paragraphes ainsi rédigés :

« I. - Les demandes d'indemnisation sont soumises au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires, qui se prononce par une décision motivée dans un délai de huit mois suivant le dépôt du dossier complet.

« Les ayants droit des personnes visées à l'article 1er décédées avant la promulgation de la présente loi peuvent saisir le comité d'indemnisation dans un délai de cinq ans à compter de cette promulgation.

« II. - Le comité d'indemnisation, qui est une autorité administrative indépendante, comprend huit membres nommés par décret :

« 1° Un président, dont la fonction est assurée par un conseiller d'État ou par un magistrat de la Cour de cassation, sur proposition respectivement du vice-président du Conseil d'État ou du premier président de la Cour de cassation ;

« 2° Sept personnalités qualifiées, dont au moins quatre médecins sur proposition du Haut Conseil de la santé publique, parmi lesquels au moins deux médecins choisis en raison de leur compétence dans le domaine de la radiopathologie et un médecin choisi en raison de sa compétence dans le domaine de la réparation des dommages corporels, et dont au moins un médecin sur proposition des associations représentatives de victimes des essais nucléaires choisi en raison de sa compétence dans le domaine de l'épidémiologie. Le président peut désigner un vice-président parmi ces personnalités qualifiées.

« Le mandat des membres du comité est d'une durée de trois ans. Ce mandat est renouvelable.

« Sauf démission, il ne peut être mis fin aux fonctions de membre du comité qu'en cas d'empêchement constaté par celui-ci. Les membres du comité désignés en remplacement de ceux dont le mandat a pris fin avant son terme normal sont nommés pour la durée restant à courir dudit mandat.

« En cas de partage égal des voix, celle du président du comité est prépondérante.

« Dans l'exercice de leurs attributions, les membres du comité ne reçoivent d'instruction d'aucune autorité.

« III. - Les crédits nécessaires à l'accomplissement des missions du comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires sont inscrits au budget des services généraux du Premier ministre.

« Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables à leur gestion.

« Le président est ordonnateur des dépenses du comité.

« Le comité dispose d'agents nommés par le président et placés sous son autorité.

« IV. - Le président du comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires a qualité pour agir en justice au nom du comité. » ;

b) Le II devient le V ;

c) Le III est abrogé ;

d) Le IV devient un VI ainsi rédigé :

« VI. - Les modalités de fonctionnement du comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires, les éléments que doit comporter le dossier présenté par le demandeur, ainsi que les modalités d'instruction des demandes, et notamment les modalités permettant le respect du contradictoire et des droits de la défense, sont fixés par décret en Conseil d'État. » ;

3° L'article 7 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « ministre de la défense » sont remplacés par le mot : « Gouvernement » ;

b) À la troisième phrase du premier alinéa, les mots : « un représentant de chacun des ministres chargés de la défense, de la santé, de l'outre-mer et des affaires étrangères » sont remplacés par les mots : « quatre représentants de l'administration » ;

c) À la seconde phrase du deuxième alinéa, les mots : « ministre de la défense » sont remplacés par le mot : « Gouvernement ».

Mme Corinne Bouchoux.  - La loi de 2010 sur l'indemnisation des victimes d'essais nucléaires est l'aboutissement d'un long combat. Malheureusement, elle fonctionne mal : 11 personnes indemnisées sur 840 demandes. Nous proposons donc de faire du Civen une autorité administrative indépendante et d'élargir le recrutement à d'autres spécialités médicales.

Je remercie le ministère pour son écoute et salue le travail de Mme Demessine.

M. le président.  - Sous-amendement n°61 à l'amendement n° 26 rectifié de Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 11

Après les mots :

essais nucléaires

insérer les mots :

, et après avis conforme du Haut Conseil de la santé publique,

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Le Gouvernement est favorable à ce signe d'ouverture : le ministère de la défense, suspecté de partialité, n'aurait plus de pouvoir décisionnel. Ne confondons cependant pas reconnaissance et indemnisation. Seuls des médecins sont capables d'évaluer l'exposition éventuelle aux radiations.

Le sous-amendement requiert l'avis conforme du Haut conseil de la santé publique.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Cet amendement est intéressant. Je demanderai toutefois à nos amis écologistes un peu de cohérence : on ne peut pas faire voter des amendements et s'apprêter à voter contre le texte.

A titre personnel, je suis favorable ; la commission ne l'est pas.

Mme Michelle Demessine.  - Le groupe CRC votera cet amendement. Le débat a eu lieu au sein du comité de suivi. Le rapport de Mme Bouchoux a fait progresser la réflexion. Il est temps de donner à la loi du 5 janvier 2010 son efficacité.

M. Jacques Gautier.  - Nous suivrons le Gouvernement.

Mme Nathalie Goulet.  - Nous aussi. Plus de transparence dans ce dossier douloureux, c'est une avancée certaine.

Le sous-amendement n°61 est adopté.

L'amendement n°26 rectifié, sous-amendé, est adopté et l'article additionnel est inséré.

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste.

Après l'article 33

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires instruit les demandes d'indemnisation dans la composition qui était la sienne avant la promulgation de la présente loi jusqu'à la publication du décret mentionné au premier alinéa du II de l'article 4 de la loi n°2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, nommant les membres du comité.

Mme Corinne Bouchoux.  - Cet amendement de conséquence autorise le Civen à continuer d'instruire les dossiers d'indemnisation dans sa composition actuelle, jusqu'à sa transformation en autorité administrative indépendante.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Avis favorable, bien que le groupe écologiste ne vote pas le texte.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Même avis favorable.

L'amendement n°25 est adopté et l'article additionnel est inséré.

Les articles 34, 35, 36 et 37 sont adoptés.

ARTICLE 2 (Précédemment réservé)

Mme Isabelle Pasquet .  - Le rapport annexé mentionne la flotte logistique appelée à remplacer en 2025 nos ravitailleurs polyvalents : après le retrait du bâtiment Meuse en 2015, le soutien de nos navires de guerre ne sera plus assuré que par le Var, la Marne et la Somme, des bateaux vieux de vingt à trente ans. Il est urgent de réviser la loi de 1992 sur notre approvisionnement pétrolier stratégique, civil et militaire, quand les bateaux qui nous ravitaillent appartiennent tous à des armateurs étrangers, qui peuvent les retirer à tout moment.

La loi de 1992 a imposé des obligations à tous les armateurs et renforcé les moyens des pouvoirs publics. Les règles qui s'appliquent aux forces de défense sont fixées par le ministère directement concerné par le dépavillonnement des ravitailleurs français.

La France ne saurait perdre complètement son autonomie en la matière. Des emplois sont en jeu. Nous n'avons presque plus de bateaux qui puissent être réquisitionnés en cas de crise. Nous appelons à une réaction urgente.

M. Yves Pozzo di Borgo .  - Cette loi de programmation militaire intéresse la gestion de la sphère publique en général. Je salue les efforts  de M. le ministre face à une crise qui n'en finit pas. La loi de programmation fera école. La baisse des effectifs programmée à hauteur de 23 500 postes est une décision lourde, courageuse quand le secteur public, hypertrophié, étouffe notre croissance. Cette réforme se déroulera comme elle a été préparée : sans heurt ni violence. Nos militaires n'ont pas cette culture de la plainte qui sévit à l'éducation nationale.

Nous ne pouvons plus nous satisfaire qu'un actif sur quatre travaille dans le secteur public. Inspirons-nous de cette loi de programmation militaire pour nous attaquer aux vrais problèmes !

M. le président.  - Amendement n°36 rectifié, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC.

Après l'alinéa 28

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

La France participera activement aux efforts de réduction et de maîtrise des armements dans l'optique d'un désarmement général et complet. Elle veillera notamment à l'universalisation du traité de non-prolifération et à celle du traité international d'interdiction des essais nucléaires. Elle s'engagera ainsi résolument dans la négociation d'un nouveau traité interdisant la production de matières fissiles destinées aux armes. Elle agira tout particulièrement pour aboutir à mettre en place un régime international efficace de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, de leurs vecteurs et des matériels connexes.

Mme Michelle Demessine.  - Le projet de loi insiste, à juste titre, sur notre participation au maintien de la paix. La lutte contre la prolifération nucléaire y contribue. Négocions un nouveau traité d'interdiction du commerce de matières fissiles destinées à l'armement.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - La rédaction initiale de l'amendement posait problème car certains bâtiments sont propulsés grâce à l'emploi de matières fissiles. Je suis lié par l'avis défavorable de la commission mais quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Il est favorable : l'amendement exprime une position constante de la France.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Je suis donc personnellement favorable à l'amendement. Au nom de la commission, sagesse.

L'amendement n°36 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°37, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC.

Alinéa 31, après la première phrase

Insérer une phrase  ainsi rédigée :

Pour mettre en oeuvre ces orientations il est impératif d'obtenir l'accord de nos partenaires européens sur les questions fondamentales que sont la création d'un état-major permanent de planification des opérations ou d'une agence européenne d'armement dotée d'une réelle autorité.

Mme Michelle Demessine.  - Le rapport annexé appelle à des initiatives au plus haut niveau pour relancer l'Europe de la défense. La politique commune de sécurité et de défense ne sera qu'un vain mot tant que n'existeront pas un état-major permanent ou une agence européenne d'armement.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - La commission, dans son rapport Pour en finir avec l'Europe de la défense, rédigé par nos collègues Reiner et Gautier, plaidait pour un état-major permanent. Elle est favorable à l'esprit de cet amendement, qui serait cependant difficile à appliquer.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Le Conseil européen de décembre, consacré à la défense, sera de grande importance. Je défends une vision pragmatique, pour contourner les obstacles. La création d'un état-major permanent de planification est hors de question pour certains pays. Je ne puis dont être favorable à l'amendement.

L'amendement n°37 est adopté.

L'amendement n°21 rectifié bis n'est pas défendu.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - La commission, qui a envoyé M. Bockel en mission à New-York, reprend son amendement. Il faut redynamiser la brigade franco-allemande.

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°21 rectifié ter.

Amendement n°21 rectifié ter, présenté par M. Carrère au nom de la commission des affaires étrangères.

Alinéa 31

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

À cet égard, il convient de saluer la contribution de la brigade franco-allemande à l'effort de coopération européenne en matière de défense. Sa redynamisation, au travers d'un engagement opérationnel accru, pourrait d'ailleurs constituer le socle d'un approfondissement de la politique de sécurité et de défense commune de l'Union européenne.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Avis favorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement va au-delà des symboles. La brigade franco-allemande doit être un fleuron, un exemple à imiter. C'est d'autant plus important que nous avons du mal à conserver à Strasbourg le siège du Parlement européen.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Lorsque j'ai inauguré la Brigade en 1988, ce devait être un « fleuron », en effet. Elle restera un symbole puisque, pour paraphraser Clemenceau, elle n'a jamais été engagée. On peut bien voter ce pieux amendement...

L'amendement n°21 rectifié ter est adopté.

M. le président.  - Amendement n°38 rectifié, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC.

Alinéa 40, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Elle s'effectue en recherchant prioritairement un cadre multinational s'appuyant de façon privilégiée sur les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.

Mme Michelle Demessine.  - La France n'a pas toujours respecté la légalité internationale : souvenez-vous du bombardement de la Yougoslavie en 1999. Nous voulons clarifier les choses, une nécessité pour éviter que nos troupes se transforment en corps expéditionnaire, en gendarmes ou pompiers chez nos anciennes colonies africaines. Le mandat de l'ONU, qui n'est pas la seule source de légalité internationale, doit être la règle. Nul n'ignore les insuffisances de l'ONU : raison de plus pour réformer son Conseil de sécurité, afin qu'il reflète le monde d'aujourd'hui.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - La rédaction proposée nous convient.

L'amendement n° 38 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°27 rectifié, présenté par MM. Boutant et Lorgeoux.

Alinéa 60, après la troisième phrase 

Insérer trois phrases ainsi rédigées : 

Le renseignement fera l'objet d'une attention prioritaire et bénéficiera d'un effort financier substantiel sur la période 2014-2019. S'agissant du renseignement intérieur, la transformation de la DCRI en une direction générale de la sécurité intérieure, directement rattachée au ministre de l'intérieur, s'accompagnera du recrutement d'au moins 430 personnels supplémentaires sur les cinq prochaines années. Pour leur part, les services de renseignement relevant du ministère de la défense bénéficieront d'un renforcement des effectifs de l'ordre de 300 postes supplémentaires.

M. Michel Boutant.  - Nous rendons hommage à nos services de renseignement. Cette loi de programmation militaire fait du renseignement une priorité, sans fixer de minimum de recrutements. Cet amendement comble cette lacune.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - La précédente loi de programmation militaire a montré l'importance d'inscrire les prévisions de recrutement : 700 postes pour le renseignement, 700 postes ouverts. Avis favorable.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Même avis : mettons en exergue la priorité donnée au renseignement dans le Livre blanc. En revanche, pas de mention de « crédits supplémentaires », comme on l'évoque dans l'objet de l'amendement. Cela vaudra tout à l'heure pour la cyberdéfense.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - J'accepte le commentaire du ministre.

L'amendement n°27 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°47, présenté par M. Carrère, au nom de la commission des affaires étrangères.

Alinéa 72

Après les mots :

implantations en Afrique)

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

. En accord avec les États concernés, la France maintiendra en Afrique des forces déployées dans la bande sahélo-saharienne et sur les façades est et ouest africaines afin de contribuer activement à la sécurité de ce continent. Des actions de coopération structurelle et opérationnelle permettront la consolidation des capacités militaires et des architectures de sécurité sous-régionales africaines dans le cadre de l'Union Africaine et, le cas échéant, la mise en oeuvre des résolutions des Nations Unies et la protection des ressortissants français. Ces déploiements seront adaptés afin de disposer de capacités réactives et flexibles en fonction de l'évolution des besoins. Les accords de coopération ou de défense entre la France et les pays africains concernés seront publiés et soumis au Parlement.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Ni le Livre blanc ni la loi de programmation militaire ne tracent de perspectives claires sur l'évolution de nos forces en Afrique, un continent où la France doit rester présente, comme l'actualité l'a montré.

L'objet de cet amendement, porté par les sénateurs ayant présidé les groupes de travail « Sahel » et « Afrique » de la commission des affaires étrangères, est de donner un sens africain à notre présence militaire sur ce continent, en prévoyant non seulement sa pérennisation mais aussi sa vocation à contribuer à la construction de capacités africaines de sécurité.

L'amendement n°47, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°39, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC.

Alinéa 96

Rédiger ainsi cet alinéa :

D'ici 2025, la pérennisation de la dissuasion nucléaire française, dont le programme de simulation suffit à assurer la crédibilité, sera conduite dans le respect du principe de stricte suffisance qui exclut tout développement de nouvelles armes.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - La situation stratégique de la France a changé depuis les débuts de la dissuasion nucléaire, dont de nombreux spécialistes mettent en doute la pertinence. Malgré la contrainte budgétaire, le Livre blanc a fait le choix du statu quo. La dissuasion absorbe 10 % des crédits de recherche et 20 % de la dépense globale. Il faudrait s'en tenir à une stricte suffisance.

M. le président.  - Amendement n°40, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC.

Alinéa 97

Supprimer cet alinéa.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - La modernisation des composantes de la dissuasion nucléaire est contraire à l'article 6 du traité de non-prolifération. Avec les autres puissances nucléaires, nous poursuivons la course aux armements, en améliorant la qualité des armes, en particulier leur précision.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Pour être au rendez-vous en 2030, il est crucial de lancer les programmes de recherche dès maintenant. En juillet 2012, la commission a adopté à l'unanimité moins une voix un rapport sur l'avenir de la dissuasion. Avis défavorable aux deux amendements.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Même avis. Je ne peux que constater notre désaccord.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - La guerre froide est révolue, et c'est heureux. Les armes nucléaires n'y ont-elles pas contribué ? Ne jouent-elles plus aucun rôle entre l'Inde et le Pakistan, la Chine et les États-Unis ? Le président Obama propose de réduire les arsenaux, pourquoi pas, mais la Russie est d'un autre avis. Une décrue progressive est en tout cas la seule solution raisonnable. Seuls les États-Unis ont les moyens de mener une guerre intercontinentale par des moyens conventionnels. Pour la France et l'Europe, la dissuasion nucléaire est un gage de stabilité.

On ne peut laisser dire n'importe quoi devant la représentation nationale car ces idées germent dans l'opinion. Si nous voulons la paix, soyons prudents. La paix sera toujours un bienfait, demain et après-demain. (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE, UDI et UMP)

Mme Corinne Bouchoux.  - En 1987, on nous assurait que le mur de Berlin ne tomberait jamais... Un monde sans armes nucléaires est possible. Nous voterons l'amendement.

L'amendement n°39 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°40.

M. le président.  - Amendement n°54, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 118, troisième et quatrième phrases

Rédiger ainsi ces phrases :

En particulier, les effectifs de l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, qui devront atteindre 500 agents en 2015, seront régulièrement augmentés, à la hauteur des efforts consacrés par nos principaux partenaires européens. Les moyens du ministère de la défense consacrés à la cyberdéfense poursuivront les montées en puissance décidées antérieurement avec le recrutement d'au moins 350 personnels supplémentaires sur la période 2014-2019.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Cet amendement évite, comme pour le renseignement, d'afficher des montants sur les équipements.

L'amendement n°54, accepté par la commission, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°30 rectifié, présenté par MM. J. Gautier et Cambon, Mme Garriaud-Maylam et MM. Cléach, Beaumont, Trillard, P. André, Gournac, Paul et Couderc.

I. - Alinéa 172

Remplacer le nombre :

150 

par le nombre :

200

II.- Alinéa 173, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

sur l'intégralité du stock actuel

III. - Alinéa 193

Remplacer le nombre :

100

par le nombre :

200

IV. - Alinéa 194

Remplacer l'année :

2019

par l'année :

2018

V. - Alinéa 196 

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le stock total envisagé en 2019 portera sur 1 800 kits de guidage.

M. Jacques Gautier.  - À quoi sert un fusil sans munitions ?

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Je comprends les préoccupations de M. Gautier, et je les partage, mais je suis tenu par l'enveloppe budgétaire qui m'est dévolue. Nous y reviendrons en 2015. S'agissant des missiles de croisière navale, j'ai déjà demandé à un industriel des projections au-delà de 2019.

M. Jacques Gautier.  - Je fais confiance à M. le ministre mais je l'appelle à faire un beau geste et maintiens l'amendement.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Ne nous substituons pas au Gouvernement et tenons-nous en aux orientations. N'entrons pas dans le détail. Je comprends malgré tout l'intention de M. Gautier, qui est partiellement satisfait par l'amendement n°48 de la commission. Nous reverrons certaines capacités critiques en 2015. N'endossons pas les habits du ministre : c'est à lui de régler le problème. Retrait.

M. Jacques Gautier.  - Je m'inscris dans le droit fil de la précédente loi de programmation militaire qui détaillait missiles et munitions.

Mme Nathalie Goulet.  - Elle n'a pas été appliquée !

M. Jacques Gautier.  - Toutefois, compte tenu de la demande faite par M. Carrère au ministre, les yeux dans yeux, je retire l'amendement. (Marques d'approbation sur les bancs socialistes)

L'amendement n°30 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par M. Krattinger, au nom de la commission des finances.

Alinéa 182, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

À défaut de livraisons à l'exportation en nombre suffisant, les livraisons de Rafale complémentaires nécessaires pour atteindre cette cadence seront financées par abondement de la mission « Défense ».

M. Yves Krattinger.  - On s'est toujours montré très optimiste sur les exportations de Rafale. Si elles ne sont pas au rendez-vous, comment maintenir les chaînes de production ?

L'objet de cet amendement est de garantir que si les exportations ne permettent pas de réduire la cadence de livraison de Rafale à nos forces armées, le surcoût justifiera que la mission « Défense » bénéficie de crédits supplémentaires. La logique de la loi de programmation est de sécuriser les ressources de la mission « Défense » quand l'aléa qu'elle subit est hors de sa maîtrise et de recourir à l'auto-assurance lorsque les dépassements de dépense sont de sa responsabilité.

Or l'aléa lié aux exportations de Rafale n'est pas de sa responsabilité. Si la logique de l'auto-assurance prévalait, ces livraisons, superflues compte tenu du modèle d'armée défini par la loi, viendraient cannibaliser d'autres programmes d'armement, pour un montant pouvant dépasser les 4 milliards d'euros.

Se pose aussi la question d'un décalage dans le temps : un an, et nous devrons trouver 700 millions en 2016 et 400 en 2017 ; deux ans et le manque total s'élèvera à 2,2 milliards. M. le ministre me renverra sans doute à la clause de revoyure... Je préférerai qu'il réponde à cette interrogation, unanimement partagée par la commission des finances.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Le fait est que de moindres exportations de Rafale, qui est un des meilleurs avions de combat au monde sinon le meilleur, feraient dévier la trajectoire dessinée par la loi de programmation militaire. Le secrétaire général à l'armement a fait état devant nous de perspectives positives pour les contrats ; de surcroît, nous avons prévu une clause de revoyure dans deux ans. Différons cet amendement. Notre objectif commun est que l'aléa ne pèse pas sur le budget de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Nous sommes optimistes. Dans un grand journal du soir, le président actuel de Dassault a fait des déclarations dans le même sens. Pour sécuriser le plan de charge de Dassault, la loi prévoit notamment plus d'un milliard d'euros pour le standard F3R, en bonne intelligence avec la société. J'ai déjà indiqué que nous aurions une cinquième tranche de Rafale. Les conditions sont réunies pour réussir les exportations ; attendons deux ans. Je crois la loi de programmation réaliste.

Je suis conscient, monsieur Gautier, puisque l'on m'appelle à prendre des engagements yeux dans les yeux, des difficultés que vous avez évoquées ; je vous ferai prochainement des propositions.

M. Yves Krattinger, rapporteur pour avis.  - J'entends bien mais je suis lié par l'avis de la commission.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Je vous le dis et le répète : le Gouvernement et l'industriel sont sur la même ligne.

M. Yves Krattinger, rapporteur pour avis.  - À titre personnel, je me rallie au ministre.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°31 rectifié, présenté par MM. J. Gautier et Cambon, Mme Garriaud-Maylam et MM. Trillard, Beaumont, Paul, Gournac, Couderc et P. André.

Alinéa 191, première phrase

Après les mots :

12 MRTT,

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

quatre étant livrés sur la période, dont deux en 2018.

M. Jacques Gautier.  - Le ravitaillement en vol est une capacité militaire critique, comme l'ont montré les opérations en Libye et au Mali. Sans ravitailleurs, il n'est plus possible de mener des opérations aériennes à grande distance ni de sécuriser totalement la composante aéroterrestre de notre dissuasion. Les C135 et KC135 ont plus de cinquante ans d'âge. Pour avoir volé à bord, je sais le risque d'accidents.

Prévoyons la livraison de deux appareils en 2018 et de quatre en 2019, cela aura peu d'impact sur l'équilibre de la loi de programmation.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - M. Gautier voit juste : c'est une vraie lacune capacitaire ; nos ravitailleurs sont anciens et leur entretien coûte cher. Soyons cohérents : si nous sommes pour la dissuasion, nous avons besoin de ravitailleurs pour son deuxième vecteur. Je suis lié par l'avis défavorable de la commission ; quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Rendez-moi justice : je m'honore d'avoir lancé le processus d'acquisition des MRTT. La situation que j'ai trouvée était dramatique. Nous avons des discussions plutôt toniques avec l'industriel... Là encore, nous ferons le point en 2015. Nous n'en resterons pas là, évidemment, puisque nous lançons une chaîne.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Sans préempter sur nos discussions en 2015, je suis enclin à donner un avis de sagesse.

L'amendement n°31 rectifié est adopté.

L'amendement n°59 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°53, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 306

1° Après le mot :

modifiée

insérer les mots :

pour les immeubles domaniaux occupés par le ministère de la défense

2° Remplacer les mots :

pour 2014

par les mots :

pour 2015

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Un dispositif de retour intégral du produit de cession d'emprises immobilières au ministère de la défense est prévu jusqu'au 31 décembre 2014. C'est dans le projet de loi de finances pour 2015 qu'il conviendra d'en prévoir la reconduction, et pour les seuls immeubles défense.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Sagesse.

L'amendement n°53 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°55, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 313

Supprimer les mots :

ou par des crédits budgétaires sur la base d'un financement interministériel

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - La compensation d'un éventuel défaut de ressources exceptionnelles par des crédits budgétaires ne serait pas soutenable pour les finances publiques. Cette observation vaut aussi pour l'annexe.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Rejet.

L'amendement n°55 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°56, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 327

Rédiger ainsi cet alinéa :

En gestion, les surcoûts nets non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures maintenues en 2014 seront financés sur le budget de la mission « Défense ». En revanche les surcoûts nets (hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales) non couverts par cette dotation qui résulteraient d'opérations nouvelles, de déploiements nouveaux ou de renforcements d'une opération existante en 2014 feront l'objet d'un financement interministériel.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Même chose pour les Opex.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Rejet toujours.

L'amendement n°56 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par M. Krattinger, au nom de la commission des finances.

Après l'alinéa 357

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

La masse salariale de la mission défense hors pensions, exprimée en milliards d'euros, évoluera comme suit :

2014

2015

2016

2017

2018

2019

11

10,8

10,7

10,5

10,4

10,3

M. Yves Krattinger, rapporteur pour avis.  - Ce sujet suscite un débat année après année. Je veux parler de la dérive de la masse salariale. Durant la précédente loi de programmation militaire, on a constaté une hausse de 5,5 % des dépenses quand les effectifs étaient réduits de 8,6 %. Il a fallu abonder le budget de 213 millions en 2010 et du 474 millions en 2012.

Cet amendement reprend une recommandation de la Cour des comptes, qui relève les mesures de revalorisation des carrières, un défaut de maîtrise de l'avancement et un allongement des carrières à cause des réformes des retraites. La réduction des effectifs ne saurait être une fin en soi ; si elle ne produit pas d'économies, elle n'a aucune justification. Monsieur le ministre, quels chemins suivrez-vous pour respecter la programmation ?

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - La commission des finances est dans son rôle quand elle nous appelle à la vigilance ; la commission de la défense ne serait pas dans le sien si elle n'interrogeait pas, aussi souvent qu'elle le peut, le ministre sur sa politique des ressources humaines et sa gestion de la masse salariale. Voici ce que je vous propose : d'une manière excessivement concrète, voyons s'il y a inversion de l'effet ciseau en 2015 et, si ce n'est pas le cas, tenons-nous en aux mesures plus drastiques de la commission des finances. Elles ne me choquent pas, mais heurteraient les militaires dans la période sensible que vivent nos armées...

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - M. Carrère a parlé en sage. La crédibilité de la loi de programmation militaire repose, M. Krattinger l'a bien dit, sur la maîtrise du titre II. Enlevez cette brique et l'édifice s'effondre. Grâce au pilotage renforcé des ressources humaines et au dépyramidage, j'espère mettre fin à cette affaire très ancienne. Merci d'avoir mis le doigt sur cette difficulté et de faire crédit à notre volonté d'y remédier.

M. Yves Krattinger, rapporteur pour avis.  - M. le ministre a pris le virage : sagesse. Nous reverrons ce sujet lors de l'examen de chaque loi de finances.

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

Lundi 21 octobre 2013

Compte rendu

analytique officiel

Programmation militaire

Sommaire

Questions prioritaires de constitutionnalité1

Dépôt de rapports1

Programmation militaire1

Discussion générale1

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense1

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur de la commission des affaires étrangères3

M. Yves Krattinger, rapporteur pour avis de la commission des finances4

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois5

SÉANCE

du lundi 21 octobre 2013

12e séance de la session ordinaire 2013-2014

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

Secrétaires : M. Jean-François Humbert, Mme Catherine Procaccia.

La séance est ouverte à 11 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions prioritaires de constitutionnalité

Mme la présidente.  - M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 18 octobre 2013, deux décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité portant, pour la première, sur l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 23 mars 2006 (Autorité des décisions du Conseil constitutionnel) ; et pour la seconde, sur les articles 34-1, 74 et 165 du code civil ainsi que l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales (Célébration du mariage  - Absence de « clause de conscience » de l'officier de l'état civil).

Dépôt de rapports

Mme la présidente.  - M. le président du Sénat a reçu, le 17 octobre 2013, de M. Éric Bocquet un rapport fait au nom de la commission d'enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre, créée le 17 avril 2013, à l'initiative du groupe CRC, en application de l'article 6 bis du Règlement.

Ce dépôt a été publié au Journal officiel, édition Lois et Décrets, du 18 octobre 2013. Cette publication a constitué, conformément au paragraphe III du chapitre V de l'instruction générale du bureau, le point de départ du délai de six jours nets pendant lequel la demande de constitution du Sénat en comité secret peut être formulée.

Ce rapport sera publié sous le n°87, le jeudi 24 octobre 2013, sauf si le Sénat, constitué en comité secret, décide, par un vote spécial, de ne pas autoriser la publication de tout ou partie de ce rapport.

Le président du Sénat a également reçu de M. le Premier ministre le rapport d'évaluation du livret de compétences expérimental établi en application de l'article 11 de la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.

Enfin, le président du Sénat a reçu de la présidente de la commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer le rapport d'activité de cette commission établi en application de l'article 74 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.

Programmation militaire

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

Discussion générale

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense .  - La succession de crises internationales vient rappeler à la réalité ceux qui croient encore à la fin de l'Histoire et des conflits armés ; la France, elle, n'a jamais cessé d'être vigilante : elle l'a encore montré au Mali et en Syrie. D'autres enjeux apparaissent : en Centrafrique, au Proche et au Moyen-Orient, dans les mers infestées de pirates.

Cette loi de programmation s'inspire directement de nos expériences de ces derniers mois et de la tradition de la Ve République.

Comment préserver nos capacités militaires, afin de veiller aux intérêts de la France et de l'Europe ? Les menaces s'aggravent, les risques se diversifient, alors même que le désendettement s'impose pour garantir, là encore, notre souveraineté. Il n'y a là nulle antinomie : sans contrôle des déficits, point de maîtrise de nos choix stratégiques.

Pour réaliser des économies faciles, nous aurions pu décider des renoncements spectaculaires à certaines de nos responsabilités internationales. Au contraire, nous sommes tenus à une stricte sincérité dans la description des menaces et la définition des moyens pour y faire face.

L'effort consenti est important : un budget maintenu à 31,4 milliards de 2014 à 2016 pour atteindre progressivement 32,5 milliards les années suivantes, soit 190 milliards en euros courants d'ici 2019.

Des ressources exceptionnelles de 6,1 milliards d'euros viendront compléter les ressources budgétaires. Leur origine, cette fois, est explicitée : cessions d'emprises immobilières, de participations dans des entreprises publiques de fréquences hertziennes et redevances sur les fréquences antérieurement cédées. Une clause de sauvegarde complète le tout, conformément au souhait de votre commission.

Ce niveau de ressources, comme l'a voulu le président de la République, est à la fois ambitieux et réaliste. Le Parlement aura de nouveaux moyens pour contrôler l'exécution de la loi.

Notre stratégie répond aux trois missions principales de nos armées : protéger le territoire et les citoyens, assurer la dissuasion nucléaire, intervenir sur les théâtres extérieurs.

S'agissant de la première mission, 10 000 hommes pourront intervenir en renfort des forces de sécurité intérieure et une place particulière est faite à la cyberdéfense.

Lors des Opex, jusqu'à 7 000 hommes pourront être employés. Pour les opérations de guerre, nos armées pourront toujours être projetées en premier et des forces spéciales persisteront.

Enfin, aucune des deux composantes de notre dissuasion nucléaire n'est remise en cause parce qu'elles sont la condition de notre autonomie stratégique aussi longtemps que la prolifération est un risque avéré et que demeurent des formes possibles de chantage. On peut le déplorer, pas le nier.

Rares sont les nations dont les armées sont capables de répondre à ces trois missions. Nulle trace ici de déclassement stratégique : en 2020, la France restera aux premiers rangs dans le monde et en Europe.

Être autonome, ce n'est pas être seul : notre stratégie tient compte de nos alliances. Tous les programmes européens sont poursuivis et deux nouveaux programmes sont créés ; la mutualisation des moyens est une priorité. Quant à l'Alliance atlantique, la pleine participation de la France dans les instances de commandement est le complément de notre engagement en faveur de l'Europe de la défense.

Priorité sera donnée à la préparation opérationnelle et à l'entraînement des forces. La valeur de nos soldats s'est illustrée au Mali. Cependant, depuis quelques années, la préparation opérationnelle fléchit ; il faut inverser cette tendance.

Les crédits d'entretien programmé du matériel augmenteront de 4,3 % par an pour atteindre 3,4 milliards contre 2,9 dans la précédente loi de programmation militaire. Nous ne voulons pas d'une grande armée de papier mais des soldats bien entraînés et bien équipés.

Tous les programmes d'armement seront maintenus, d'autres seront lancés. L'effort atteindra, en 2019, 18,2 milliards d'euros par an. Parmi les équipements livrés, certains illustrent particulièrement notre capacité à intervenir dans des conflits d'importance : avions Rafale et A400M, hélicoptère Tigre, porte-avions Charles-de-Gaulle, satellites Musis. Certains de ces équipements seront polyvalents. À ces livraisons, il faut ajouter les rénovations des Mirage ou encore des frégates La Fayette. Nous aurons ainsi évité toute rupture de notre capacité militaire industrielle, que personne ne peut souhaiter au Sénat. Mutualisation et différentiation des armées contribueront à optimiser les moyens.

Un effort substantiel de 730 millions par an pour la recherche sera consenti. (M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, approuve) À titre d'exemple, je pense en particulier au programme sur les drones du futur, qui sera doté de 700 millions. Cet effort bénéficiera à notre industrie de défense, qui est à la fois la condition de notre autonomie et un formidable levier de croissance et d'emplois.

Ce projet de loi est fondamental parce qu'il engage l'avenir. Cela vaut aussi pour son volet normatif.

Sur le renseignement, le texte définit l'équilibre entre le renforcement des moyens des services et celui du contrôle parlementaire. En ce qui concerne les moyens, les priorités vont à l'imagerie et à l'interception des communications électroniques. En contrepartie, une inspection générale sera créée. La délégation parlementaire au Parlement voit sa mission confortée. Elle intégrera en son sein la commission de vérification de fonds spéciaux et sera destinataire des principaux documents relatifs au renseignement : plan national et stratégie nationale d'orientation.

La lutte contre le terrorisme demeure évidemment au coeur de nos préoccupations.

L'accès aux fichiers de police administrative et judiciaire et la création de la banque de données passagers, dite « PNR », fournies par les compagnies aériennes, sont indispensables.

Il en va de même de la cyberdéfense, alors que la vulnérabilité de l'appareil d'État et des entreprises croît au même rythme que la dépendance de la nation aux systèmes d'information.

Avec ce texte, l'État pourra imposer des règles aux opérateurs. Les responsabilités du Premier ministre et les moyens de ses services en matière de sécurité et de défense des systèmes d'information stratégiques seront explicités dans le code de la défense.

Au-delà, le projet de loi prévoit le développement de nos capacités militaires et non militaires, défensives et offensives, la mise en place d'une chaîne opérationnelle, centralisée au niveau du centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) de l'état-major des armées ainsi qu'un renforcement des moyens humains. Plusieurs centaines de spécialistes seront recrutés. Un effort financier significatif, enfin, permettra l'acquisition de nouveaux équipements ainsi que la réalisation d'études amont.

Pour financer ces priorités, le ministère de la défense devra consentir des économies qui seront réalisées sur le fonctionnement, les effectifs, la masse salariale, les coûts de structure. Ces économies difficiles appelleront de notre part des efforts d'accompagnement, d'analyse et d'explications.

Au titre de la présente loi de programmation militaire, 23 500 emplois seront supprimés, en plus des 10 500 inscrits dans la loi précédente. Cette baisse est cohérente avec nos choix opérationnels. Priorité sera donnée aux forces opérationnelles. La simplification et la clarification de l'organisation seront partout recherchées. Une analyse fonctionnelle préalable sera réalisée : je n'entends pas procéder de manière arithmétique ni automatique.

Le personnel doit être pleinement informé. Nous venons de lancer, à la demande du président de la République, la rénovation de la concertation militaire. La pleine implication du commandement et le strict respect de l'obéissance hiérarchique ne s'opposent pas au dialogue, bien au contraire. Le personnel doit ainsi bénéficier d'un accompagnement social afin que les départs, s'ils sont nécessaires, se fassent dans de bonnes conditions ; d'où les pécules, l'accès à la pension du grade supérieur, la promotion fonctionnelle -qui n'est pas, chère madame Demessine, l'ancien conditionnalat-, ou encore les dispositifs de disponibilité rénovée dans le projet de loi. Dans le même esprit, nous renforcerons la politique de reconversion pour les militaires et le reclassement dans la fonction publique pour les agents du ministère.

Au total, un plan d'accompagnement de près d'un milliard d'euros est prévu pour l'incitation à la mobilité et au départ.

Quant aux restructurations, mon objectif est de préserver au maximum les liens qui relient les armées et les territoires, d'aménager la transition pour les sites qui seront amenés à fermer. Tirant les enseignements des précédentes restructurations, les actions de l'État seront davantage concentrées, avec 150 millions d'euros au total pour les territoires les plus affectés. Ce plan sera complété par un dispositif d'aide des PME, appuyé sur la Banque publique d'investissement.

Ce texte, comme vous l'avez relevé, défend la singularité du soldat. Il met en place, comme l'avait souhaité le président de la République, divers outils juridiques afin d'éviter une judiciarisation inutile de l'action des militaires engagés en opération extérieure. Il ne s'agit pas de consacrer une quelconque immunité pénale des militaires, encore moins de priver les familles de leurs droits. Il s'agit simplement d'adapter le droit pénal à la réalité de ce qu'est un conflit armé : dans lequel nos militaires sont prêts à y donner leur vie comme à la prendre. Ces propositions ont été préparées en bonne intelligence entre mon ministère et les services de la garde des sceaux.

Je saisis cette occasion pour rendre hommage solennellement avec vous aux sept militaires tombés au combat dans l'opération Serval, et à leurs quarante camarades gravement blessés. Ils témoignent des dangers, de l'engagement et du dévouement si particulier pour le pays que représente leur métier. Nous leur devons la reconnaissance de la Nation.

Un projet de loi de programmation militaire est par définition perfectible, et je sais gré à vos commissions de leurs apports.

Vos réflexions préparatoires, la participation de trois d'entre vous à la commission du Livre blanc, votre contribution à la conception de la programmation et maintenant votre marque sur le texte même l'ont nourri ; cela donne tout son sens aux choix du Sénat pour l'examen en première lecture.

Ce projet, équilibré, confortera notre autonomie stratégique et notre ambition européenne, tout en contribuant au renforcement de notre souveraineté budgétaire. Cette situation n'est pas si fréquente, je le dis sans sentiment de supériorité. J'ajoute que ce texte déborde souvent le champ de la défense et s'étend vers celui de la sécurité nationale, dont je partage la responsabilité avec le ministre de l'intérieur.

En décidant le maintien de notre effort de défense, le président de la République a souligné que la France accomplissait cet effort non pour ses armées en elles-mêmes mais pour sa propre sécurité. J'ai confiance dans la représentation nationale pour confirmer cette ambition, dans l'intérêt de la France et le respect de celles et ceux qui la servent avec courage, professionnalisme et dévouement. (Applaudissements)

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur de la commission des affaires étrangères .  - Me voici président et rapporteur ; ne vous inquiétez pas, nous voyons bien venir la fin du cumul des mandats. (Sourires)

Cette loi de programmation militaire, moment important pour notre défense, est propice au rassemblement républicain. C'est pourquoi, comme naguère le président de Rohan, j'ai voulu y associer le plus grand nombre de nos collègues, majorité et opposition, ainsi que les commissions des lois et des finances. Les groupes de travail, coprésidés par des membres de la majorité et de l'opposition au sein de notre commission de la défense, avaient préparé le terrain.

Malgré une situation économique très difficile, le président de la République a décidé de sanctuariser les moyens de la défense nationale. Au total, les dépenses atteindront 190 milliards d'euros d'ici 2019. C'est maintenir l'effort de défense tout en veillant au désendettement ; celui-ci représente un autre enjeu de souveraineté quand les intérêts de la dette forment le premier poste budgétaire de l'État. Alors que nos voisins sabrent dans leurs dépenses de défense, la France, elle, tiendra son rang. Cette décision doit être saluée.

Moins nombreuses mais mieux armées, nos forces seront plus efficaces. Je pense aux drones Male et aux ravitailleurs tactiques, qui ont fait cruellement défaut lors des dernières interventions.

La priorité donnée au renseignement, à l'équipement et à la cyberdéfense permettra à la France de disposer d'un outil de défense robuste et modernisé.

Le volet normatif du texte est important. Je pense notamment au renseignement : le contrôle parlementaire est une garantie d'efficacité. Avec ce projet de loi, nous franchirons une nouvelle étape, sans voyeurisme ni chicanerie. Je pense aussi aux dispositions pour éviter toute judiciarisation excessive de l'action des soldats en opération extérieure : le métier des armes n'est pas un métier comme les autres.

Tout se tient ici. Veillons aux conditions dans lesquelles nous entamerons l'exécution de cette programmation. Je m'inquiète des surcoûts liés aux Opex en 2013, de la levée de crédits mis en réserve et des surcoûts liés au système Louvois. Un report de charges de 3 milliards d'euros pèserait lourdement sur la défense. Il faut obtenir du ministère du budget un financement interministériel intégral du surcoût des Opex. (Marques d'approbations sur divers bancs)

Je remercie solennellement le Gouvernement pour éviter tout retard dans les cessions. Mais seront-elles toutes au rendez-vous ? La commission souhaite intégrer une clause de sauvegarde dans la partie normative du projet de loi. Comment s'y opposer, si l'on est de bonne foi ? Je vous le dis avec beaucoup de courtoisie, monsieur le ministre.

Nous ne voulons pas voir la masse salariale augmenter tandis que les effectifs diminuent. Nos bases sont sous tension, nous l'avons constaté à Mont-de-Marsan. Vous avez lancé, monsieur le ministre, une réflexion sur la restructuration de nos implantations. C'est indispensable mais l'accompagnement économique et social de telles réformes ne l'est pas moins.

La commission a également voulu renforcer les moyens du Parlement pour contrôler l'application de la loi de programmation militaire, non par défiance mais pour mieux vous soutenir, monsieur le ministre. J'aime l'arithmétique. Le Sénat s'était prononcé pour maintenir le budget de la défense à 1,5 % du PIB. Or, compte tenu de l'inflation, nous pourrions passer en-dessous de ce seuil d'ici 2019 alors qu'il faudrait plutôt tendre dès que possible vers 2 %.

La défense est la condition de la sécurité des Français. Nos forces, ces derniers mois, ont montré leur efficacité. Je souhaite que le Sénat sache se rassembler pour faire honneur aux femmes et aux hommes qui, dans nos armées, servent le pays, parfois jusqu'au sacrifice suprême. (Applaudissements)

M. Yves Krattinger, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - La majorité sénatoriale s'étant retrouvée minoritaire en réunion, la commission des finances a formulé un avis défavorable au projet de loi. Toutefois, nous avons adopté à l'unanimité trois amendements.

Une loi de programmation ne lie ni le Gouvernement ni le législateur puisque la loi de finances, chaque année, détermine les crédits de la défense. Pour autant, elle a son importance : elle est une référence à laquelle chaque budget est comparé.

Préserver la sécurité nationale et le rang international de la France, développer nos capacités industrielles, rétablir les comptes publics : il est difficile de poursuivre ensemble les trois objectifs mais le texte y parvient. Il contribue au redressement des comptes publics, d'abord, avec une stabilisation des crédits en valeur au début de période et une stabilisation en volume en fin de période. Des ressources exceptionnelles viennent compenser la baisse de 500 millions de crédits en début de programmation. Elles baissent en fin de période, à mesure que les crédits budgétaires progressent, moins rapidement toutefois, de manière à préserver les investissements.

L'enjeu est la sincérité de la programmation, vous l'avez dit le 10 septembre 2013, monsieur le ministre. La trajectoire est soutenable pourvu que certaines conditions soient remplies. D'abord, des économies doivent être réalisées sur la masse salariale. Les dérapages constatés lors de la précédente programmation avaient obligé à tailler dans les crédits d'équipement. Pour que cela ne se répète pas, nous proposons de définir, dans le rapport annexé à la loi de programmation militaire, une trajectoire baissière de la masse salariale. C'est d'autant plus nécessaire que le ministère est en auto-assurance sur les crédits du personnel.

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur de la commission des affaires étrangères.  - C'est vrai.

M. Yves Krattinger, rapporteur pour avis.  - Ensuite, les recettes exceptionnelles doivent être au rendez-vous. Elles seraient, par nature, aléatoires dans leur calendrier et leur produit. Cela est surtout vrai pour le calendrier des fréquences hertziennes. De plus, une clause de sauvegarde est prévue. Les cessions des emprises immobilières, pour être réussies, supposent que les procédures actuelles soient reconduites. La commission des finances vous proposera de prolonger le dispositif de la cession à l'amiable des emprises immobilières, en particulier aux collectivités territoriales.

Enfin, les aléas économiques sont forts. Ils sont liés au surcoût des Opex mais aussi à la hausse du prix des carburants : si le prix du baril augmente d'un euro, il en coûte 6 millions par an au ministère. Enfin, si les exportations d'avions Rafale prévues ne sont pas au rendez-vous, il faudra financer l'achat d'appareils supplémentaires pour maintenir la chaîne de production. Les 4 milliards d'euros ne sauraient être prélevés sur les autres dépenses d'armement. (M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, approuve) C'est pourquoi je vous proposerai d'inscrire une clause de sauvegarde dans le rapport annexé. De telles clauses sont justifiées, du moment que le ministère fait tous ses efforts pour contenir ses dépenses car, face aux menaces actuelles, nous ne saurions baisser la garde pour des raisons budgétaires.

Responsabiliser le ministère, lui donner les moyens juridiques de procéder à des cessions, sanctuariser ses ressources : voilà l'esprit de nos propositions. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois .  - Je m'exprimerai en tant que rapporteur de la commission des lois et, si vous me l'autorisez, de président de la délégation parlementaire au renseignement.

Le renseignement est un sujet difficile ; je veux souligner la qualité du dialogue avec les services du ministère et la commission de la défense. Le Parlement contrôle l'exécutif et nous devons assumer cette tâche. Néanmoins, il est évident que des adaptations s'imposent pour le renseignement. La délégation parlementaire travaille sous le couvert du secret-défense afin de protéger les agents, auxquels je rends hommage.

Le texte accroît ses pouvoirs : nous prendrons désormais connaissance de la stratégie nationale du renseignement et du plan national d'orientation du renseignement. Je reviendrai sur le verbe choisi, « prendre connaissance ». Nous voudrions avoir accès à tous les documents, sans a priori. S'il est exclu de contrôler des actions en cours, nous aimerions pouvoir exercer notre mandat sur toutes les actions terminées. Ce point, strictement conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, doit être clairement inscrit dans la loi. Nous aimerions également auditionner les agents en présence du directeur des services de renseignement, comme a tenu à le préciser la commission de la défense, ainsi que tous les directeurs d'administration pour peu qu'ils soient en contact avec des activités de renseignement. Nous souhaiterions, enfin, être destinataires des rapports d'inspection, puisqu'une inspection est créée, dans le respect absolu du principe de l'anonymat, ainsi que des rapports de la Cour des comptes.

Ce projet de loi transforme la commission de vérification des fonds spéciaux en une sous-formation de la délégation parlementaire du renseignement. Si j'ai bien compris, ses quatre membres ne pourraient pas évoquer leurs travaux devant leurs autres collègues de la délégation. Nous aboutirions ainsi à un paradoxe : en voulant rapprocher ces deux entités, on les éloignerait. Plutôt que cette bizarrerie, procédons à une fusion : ce serait plus simple, plus logique et plus cohérent.

La question des fichiers est extrêmement sensible, en particulier celle du fichier européen PNR. Celui-ci porterait sur l'ensemble des déplacements entre l'Europe et les pays tiers. Ce fichier, qui n'est prévu que par un projet de directive, a fait l'objet des plus vives réserves du Parlement européen, du contrôleur européen à la protection des données personnelles et des Cnil européennes. La commission des lois, consciente de la nécessité de donner au renseignement les moyens d'une action efficace, n'est pas moins attachée à la défense des libertés publiques. Aussi nous sommes-nous attachés à définir les prérogatives de l'unité de gestion du traitement automatisé qui doit être créée. À cause du gigantisme de ces fichiers, les questions de ciblage et de profilage doivent donner lieu à une expertise particulière, humaine, avant 2017. Enfin, notre commission des lois ne peut que faire siennes les résolutions votées par le Sénat à l'initiative de MM. Détraigne et Sutour.

Concernant la géolocalisation, sur laquelle nous avons eu un dialogue fructueux avec le ministère, nous estimons que les dispositions afférentes doivent être intégrées dans la loi de 1991 sur les interceptions. Personne n'ignore, en effet, qu'un dispositif transitoire vient d'être prorogé dans la loi sur le terrorisme ; donnons-lui de la solidité.

Pour finir, quelques considérations sur la justice. Après un long débat, notre commission a décidé de vous suivre sur le monopole du parquet pour engager l'action publique sur les faits impliquant des militaires en temps de guerre ou en Opex. En revanche, nous ne vous suivrons pas sur la présomption simple, principe selon lequel ne serait pas déclenchée systématiquement une enquête en recherche des causes de la mort d'un militaire. Celle-ci, symbolique, serait dépourvue d'effets, a finement observé le conseil supérieur de la fonction militaire.

La commission des lois a donné un avis favorable à ce projet de loi, attendu par nos soldats dont je veux saluer l'engagement au service de la nation ! (Applaudissements)

M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur de la commission des affaires étrangères.  - La commission demande la réserve de l'examen de l'article 2 relatif au rapport annexé, après l'article 37. Je n'innove pas, tous mes prédécesseurs en ont usé ainsi.

Notre commission se réunit dans quelques instants dans notre ancienne salle 216, qui est devenue celle de la commission des lois.

M. Jean-Pierre Sueur, président et rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Ce n'est pas la guerre ! Nous coopérons. (Sourires)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense.  - L'avis est favorable.

La réserve est de droit.

La séance est suspendue à midi quarante.

6

M. le président.  - Amendement n°52, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 358

Supprimer les mots :

(hors dépenses « hors socle »)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  - Ne remettons pas en cause la trajectoire de redressement des finances publiques par une clause de revoyure sur les dépenses « hors socle ». Le Premier ministre a arbitré.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur.  - Certes ! Nous sommes conscients des efforts faits pour contenir l'évolution de la masse salariale mais avec votre système, plus il sera difficile de reconvertir les militaires, plus il faudra comprimer les rémunérations ou accentuer la déflation des effectifs... C'est la double peine. Je comprends que Bercy y soit favorable mais la régulation ne doit s'opérer que sur le fondement de dépenses sur lesquelles le ministère peut agir. Faisons le bonheur de M. le ministre malgré lui !

L'amendement n°52 n'est pas adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

Interventions sur l'ensemble

Mme Nathalie Goulet .  - Une fraction de seconde pour dire que la majorité du groupe UDI-UC votera ce texte qui doit beaucoup aux efforts de diplomatie et à l'énergie employés par notre président-rapporteur.

Une simple observation : il n'est pas de golfe arabo-persique, comme on le mentionne dans l'annexe, mais un golfe persique.

Mme Corinne Bouchoux .  - Je me réjouis de ces débats constructifs, de leur ton apaisé malgré nos désaccords sur la dissuasion nucléaire. Ensemble, nous avons complété la loi Morin de 2010 sur l'indemnisation des victimes. Un regret : outre que nous n'avons pas été associés à la préparation du Livre blanc, il n'a pas été tenu assez compte de la green defense ; les conflits de demain seront liés aux questions de la raréfaction des ressources et du changement climatique.

En raison de son désaccord sur la question de la dissuasion, le groupe écologiste votera contre, hormis une abstention.

M. Daniel Reiner .  - Cette loi de programmation militaire met en forme le Livre blanc, donne priorité à l'équipement de nos forces : tous les grands programmes sont maintenus, nous commençons même à combler nos lacunes capacitaires -190 milliards sur six ans, ce n'est pas rien. Les moyens consacrés à la recherche sont renforcés. Le groupe socialiste votera ce texte en soulignant la qualité des travaux du rapporteur. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Chevènement .  - Tout le groupe RDSE votera ce texte largement amélioré par la commission parce qu'il donne à la France les moyens de rester une grande puissance militaire. C'est important pour l'Europe et notre environnement régional. Bravo et merci au président Carrère de son travail. (Applaudissements)

M. Dominique de Legge .  - Nos débats, animés par la poursuite de l'intérêt général, ont été de haute tenue. Le groupe UMP, dans sa majorité, votera cependant contre cette programmation : avec un budget en dessous de 1,5 % du PIB, c'est la crédibilité de notre défense qui est atteinte. Les clauses de sauvegarde ne serviront de rien : elles ne sont pas financées. La programmation est fragile.

Certains d'entre nous s'abstiendront, par volonté de faire entendre la voix du Sénat. Ce qui ne contredit en rien notre constat que je veux redire avec force : cette loi n'est pas à la hauteur de nos ambitions.

Mme Michelle Demessine .  - Nos débats ont été sérieux, pacifiques et marqués par l'écoute réciproque. Un regret, ils ont davantage porté sur la partie normative -la discussion sur le renseignement a été riche grâce au président de la commission des lois- que sur la programmation proprement dite. Grâce au président de la commission des lois, le contrôle parlementaire sur les services de renseignement ont été renforcés.

Si ce texte réussit le tour de force de maintenir le budget de la défense, nous déplorons la réduction drastique des effectifs, de même que nos discussions inabouties sur la dissuasion nucléaire -quoique nous appréciions le débat avec M. Chevènement. Mais nous nous félicitons que trois thèmes qui nous sont chers aient été abordés, la lutte contre la prolifération nucléaire, la politique commune de défense et la légalité internationale des Opex. Compte tenu de ces éléments, le groupe CRC s'en tiendra à une position d'abstention positive. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Yves Pozzo di Borgo .  - Nous déplorons le manque d'unanimité devant cette loi : c'est faire fi du travail de la commission de la défense et du dialogue fructueux avec le Gouvernement, que nous ne dédouanons pas de ses responsabilités dans l'état de notre économie et de nos finances. À nous de protéger nos soldats de la contrainte budgétaire. L'intérêt général a primé. Maîtrise de la masse salariale, contrôle parlementaire et clauses de revoyure incitent la majorité du groupe UDI-UC à voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur .  - Au terme de ce débat, je veux remercier M. Sueur pour son opiniâtreté, son enthousiasme et la pertinence de ses arguments. Contrairement à ce qu'on a pu entendre ici et là, nulle divergence fondamentale entre nous ; l'intérêt général a prévalu. Merci aussi à M. Krattinger, dont les observations ont été précieuses.

Les administrateurs du Sénat nous ont beaucoup aidés. Je suis parfois sourd... C'est l'âge, que voulez-vous ! Voilà vingt-et-un ans que je siège ici... Il est légitime que les Landais choisissent plus allant et plus jeune... tandis que nous irons retrouver nos belles palombières et la langueur du temps qui passe...

Je vous remercie, monsieur le ministre, qui avez toujours montré de la considération pour les parlementaires. Vous êtes un homme de parole ; pour le Sénat, cela compte beaucoup, beaucoup.

Pour paraphraser M. Pozzo di Borgo, je fais de la politique depuis de longues années ; j'ai beau être plutôt bagarreur, je me réjouis que le sens de l'intérêt général ait pris le pas sur les fausses rixes. Puisse cela arriver plus souvent : il y va de l'image de la classe politique, qui mérite mieux que ce qu'on dit d'elle. (Applaudissements)

A la demande de la commission et du groupe UMP, l'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 303
Pour l'adoption 163
Contre 140

Le Sénat a adopté.

(Vifs applaudissements)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre .  - Merci pour ce vote qui manifeste une volonté, une volonté pour notre pays, pour notre défense, pour notre sécurité. Merci aussi pour la qualité et la sérénité de nos échanges sur un sujet qui touche aux valeurs fondamentales de la Nation. Grâce à vous, grâce au président Carrère et aussi au président Sueur, nous avons donné une image de responsabilité et de force. L'objectif est bien de faire de la France la première puissance de défense européenne en 2019. Je ne doute pas qu'il sera atteint. (Applaudissements)

Convention fiscale France Canada

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et la fortune.

Discussion générale

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger .  - Cet avenant à la convention fiscale entre la France et le Canada, du 2 mai 1975, résulte de négociations entamées en 2004. Il a été signé le 2 février 2010.

Cet accord s'inscrit dans le mouvement continu de mise à jour de nos conventions bilatérales avec les standards de l'OCDE. En ce sens, c'est un pas de plus dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.

L'avenant contribuera également à l'indépendance économique de la Nouvelle-Calédonie en créant les conditions de développement de projets miniers menés par la co-entreprise Koniambo Nickel SAS, détenue à 51 % par la société minière du Sud Pacifique et à 49 % par la société canadienne Xstrata Nickel.

Les investissements devraient déboucher sur l'ouverture d'une usine pyrométallurgique, d'un port en eaux profondes et de dispositifs de dessalement de l'eau de mer. Les retombées sociales et économiques seront importantes dans le nord de l'île. (Applaudissements)

Mme Michèle André, rapporteur de la commission des finances .  - Cet avenant ne modifie pas la convention fiscale qui nous lie au Canada, déjà modifiée et conforme aux standards de l'OCDE ; elle l'étend à la Nouvelle-Calédonie pour que soit réalisé le programme d'investissement dans le nord de l'île.

La société canadienne Falconbridge, rachetée par Xstrata, ne doit pas être imposée plusieurs fois. Elle doit bénéficier du régime canadien de la société mère. Il ne s'agit pas d'autoriser un montage dérogatoire : le dispositif prévu s'applique à toutes les entreprises.

Des garde-fous sont prévus. Une charte environnementale a été signée avec la province nord. Le schéma de mise en valeur des richesses minières, adopté en 2009 par le Congrès de Nouvelle-Calédonie, en application des accords de Nouméa, conditionne explicitement le bénéfice de certaines aides au strict respect des normes environnementales.

En outre, le texte renforce notre coopération sur l'échange d'informations fiscales, pour aller vers l'automaticité. La lutte contre l'évasion fiscale est une exigence impérieuse, à l'heure où tous les Français doivent consentir des efforts.

J'insiste sur l'importance du projet de développement de la province nord de Nouvelle-Calédonie. La nouvelle usine de nickel pourrait employer directement et indirectement 5 200 personnes et porter à 15 % la part de la Nouvelle-Calédonie dans la production mondiale de nickel. Le Congrès néo-calédonien a approuvé ce projet d'avenant en septembre 2012 et le président du FLNKS de la région nord y est très favorable. Ce projet s'inscrit dans la perspective à long terme du développement économique de la Nouvelle-Calédonie, qui a depuis longtemps mobilisé l'attention de notre commission et de nos collègues du Luart, Torre et Doligé.

Certains craignent les conséquences environnementales du projet Koniambo. Je rappelle que les accords de Nouméa insistent sur le respect des normes environnementales. Il faudra rester vigilant. La commission des finances vous invite à voter ce projet de loi. (Applaudissements)

M. André Gattolin .  - L'avenant proposé étend à la Nouvelle-Calédonie la convention en vigueur avec le Canada pour permettre l'achèvement du projet minier de Koniambo. L'économie néo-calédonienne repose en grande partie sur des ressources minières. Les Kanaks ont fait de la réalisation d'une usine de nickel au nord un préalable aux accords de Nouméa, espérant s'affranchir des transferts de l'État français en vue de gagner les moyens de l'indépendance.

Pour que l'investissement soit rentable, Falconbridge doit pouvoir rapatrier ses bénéfices au Canada, où est le siège de sa société mère. C'est un dispositif de droit commun.

Les écologistes se demandent s'il faut vraiment fonder le développement sur l'exploitation d'une seule ressource minière, qui plus est vouée à s'épuiser, sachant en outre que la production et le commerce du nickel sont un domaine très spéculatif, où l'on ne compte pas que des enfants de choeur. Nous nous inquiétons donc des effets de cet avenant mais restons très attachés à l'affranchissement de la Nouvelle-Calédonie d'un modèle économique néocolonial. Les bénéfices de l'usine seront réinvestis pour dynamiser l'économie locale. Reste que l'extraction de ressources minières exige une grande transparence. Le groupe écologiste approuvera cet avenant.

M. Dominique de Legge .  - Je ne suis pas sûr que cet avenant méritait ce débat tardif. La commission des finances proposait d'ailleurs un examen simplifié. Il s'agit seulement d'étendre à la Nouvelle-Calédonie la convention fiscale qui lie la France au Canada. Ainsi, la société Falconbridge bénéficiera d'une franchise d'impôts sur ses dividendes au Canada. Ne nous perdons pas en considération éloignées de l'objet de ce texte. Le groupe UMP le votera sans réserve. Voyez que je sais être bref ! (Applaudissements)

Mme Isabelle Pasquet .  - Veuillez excuser M. Bocquet.

Ce projet de loi ne nous a d'abord pas inquiétés. Toutefois, réticents face à la procédure simplifiée, nous l'avons lu attentivement et nous avons constaté qu'il s'agissait de favoriser une société canadienne investissant en Nouvelle-Calédonie.

La mine de Koniambo est exploitée à 49 % grâce à des capitaux canadiens. Ce projet est prometteur et c'était une condition des accords de Nouméa. Pour exploiter la mine, la Société minière du Sud Pacifique a choisi le canadien Falconbridge. Le montant des investissements dépasse largement les prévisions. Est-il pour autant légitime d'autoriser le versement de dividendes en franchise d'impôts ? Vu le droit fiscal canadien, 40 % des dividendes ne seront soumis à aucune imposition. Le vrai patron de Falconbridge est domicilié à Baar, une localité du canton de Zoug, un paradis fiscal qui, avec un peu plus de 110 000 habitants, accueille 200 000 sociétés dont Glencore, Metro, Pelikan, le gestionnaire de fortunes dénommé Saint-Graal, et aussi le groupe Petroplus, bien connu à Petit-Couronne.

Nous voterons contre.

La discussion générale est close.

L'article unique du projet de loi est adopté.

M. Robert del Picchia.  - Tout ça pour ça !

Prochaine séance aujourd'hui, mardi 22 octobre 2013, à 14 h 30.

La séance est suspendue à minuit cinquante-cinq.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mardi 22 octobre 2013

Séance publique

A 14 heures 30 et le soir

- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (n°851, 2012-2013)

Rapport de M. Claude Dilain et M. Claude Bérit-Débat, fait au nom de la commission des affaires économiques (n°65, 2013-2014)

Avis de Mme Aline Archimbaud, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°29, 2013-2014)

Avis de M. Jean-Luc Fichet, fait au nom de la commission du développement durable (n°44, 2013-2014)

Avis de M. René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois (n°79, 2013-2014)

Texte de la commission (n°66, 2013-2014)