Économie réelle (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à reconquérir l'économie réelle.

Discussion générale

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances .  - Depuis le début du quinquennat, le cap de la majorité présidentielle est l'emploi industriel, grâce au renforcement et à la protection de notre tissu industriel. Il est urgent d'agir pour que notre pays reste la cinquième puissance économique mondiale. La part de l'industrie dans la valeur ajoutée en France a baissé de 18 % à 12,5 % en dix ans, tandis que l'emploi industriel a chuté de 26 % à 12 %de l'emploi salarié. Derrière ces chiffres, autant de drames humains, que les élus d'un territoire industriel comme moi connaissent bien.

Il n'y a pas lieu d'opposer l'industrie et les services : l'industrie a des effets d'entraînement sur toute l'économie, y compris les services et les pays industrialisés résistent mieux à la crise. Nous ne pouvons pas accepter la perspective d'une France sans industrie ; nous devons ardemment travailler à la réindustrialisation de notre pays. Il serait réducteur de voir dans la mondialisation ou l'euro, les causes de notre décrochage industriel. Voyez l'Allemagne, qui partage la même monnaie et a de meilleures performances industrielles !

L'ouverture à l'international est un défi en même temps qu'elle offre aussi des opportunités. Je plaide, non pour le repli, mais pour l'offensive et la protection. Quelque 30 % des investissements en France proviennent de l'étranger. Gardons-nous d'une vision simpliste ; ces investissements étrangers sont créateurs d'emploi. Il faut plutôt trouver le bon équilibre. C'est l'esprit de cette proposition de loi.

La recherche d'un repreneur était un engagement du candidat François Hollande ; elle a été posée dans l'Accord national interprofessionnel (ANI), transposé dans la loi du 14 juin 2013. Cette proposition de loi s'inscrit dans son prolongement logique. Si les entreprises ont besoin de souplesse pour se réorganiser, elles ont aussi une responsabilité sociale et ne doivent pas abandonner leurs salariés. Les entrepreneurs se définissent d'ailleurs souvent comme des meneurs d'hommes. Beaucoup ne considèrent pas leur entreprise comme un simple centre de profit. Les entreprises doivent assumer leurs responsabilités à l'égard de leur personnel.

Le texte ne poursuit pas un objectif punitif ; il vise à généraliser les bonnes pratiques, à favoriser le dialogue avec les partenaires sociaux. Il sanctionnera les seuls comportements qui ne sont pas vertueux.

Cette loi aura également une portée stratégique de préservation des éco-systèmes industriels. Quand un site ferme, il est difficile de le revitaliser. Je soutiens le travail de votre commission qui a cherché à rendre le dispositif plus opérationnel.

Le second volet de ce texte est l'encouragement de l'actionnariat de long terme ; nous préférons le modèle suédois de la grande époque au modèle britannique. Le Gouvernement soutient les amendements adoptés en commission des finances à l'initiative du questeur Todeschini, qui améliorent le texte de l'Assemblée nationale. Aussi a-t-il déposé un très petit nombre d'amendements sur cette partie.

La généralisation du droit de vote double évitera les prises de contrôle rampantes. L'instauration d'un seuil de caducité des offres, l'abandon du principe de neutralité systématique des dirigeants de société faisant l'objet d'une OPA des salariés - qui sont à l'origine de la création de valeur, la consultation dans l'entreprise - en cas d'OPA sont autant de bonnes mesures.

Il faudra articuler la procédure d'information et celle d'information-consultation lors d'une OPA.

N'oublions pas le droit européen. Les amendements du Gouvernement visent à en tenir compte.

Ce geste s'inscrit dans l'esprit du pacte de responsabilité, destiné à encourager la compétitivité des entreprises pour les aider à investir et à créer des emplois. Nous agissons sur plusieurs leviers : la simplification ; la fiscalité de l'entreprise - les assises viennent de débuter, avec l'objectif ultime de favoriser l'emploi. Il s'agit de créer un vrai compromis social, un compromis historique.

Le Gouvernement accompagnera les entreprises pour l'innovation, l'investissement et la recherche. C'est le sens du CICE, de la pérennisation du crédit-impôt recherche, de la politique de structuration des filières conduite par Arnaud Montebourg - je pense à l'hydrogène, à l'aluminium et à la silver economy...

M. Gérard Longuet.  - Le gaz de schiste !

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances.  - C'est également le sens du renforcement des filières à l'export, avec Nicole Bricq, de la réorientation de l'épargne sur les PME.

Les pouvoirs publics sont engagés sur le terrain, à commencer par la Banque publique d'investissement (BPI), qui va fêter son premier anniversaire, qui stabilise notre actionnariat et protège nos intérêts stratégiques.

Ce texte offensif renforce la démocratie dans l'entreprise. Il protègera les salariés comme les entreprises. Notre économie, avec la crise, doit s'adapter, aidons-la à relever la tête, à reprendre du poil de la bête ; j'espère que cette proposition de loi d'intérêt général recueillera une large approbation. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et RDSE)

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - La commission des affaires sociales a adopté le 29 janvier ce texte, qui parachève une large réflexion de la majorité parlementaire engagée depuis février 2012. Certains se sont amusés de son intitulé. Mais la reconquête de l'économie réelle ne signifie rien d'autre que de lutter contre la financiarisation de l'économie, de favoriser la reprise de sites rentables menacés de fermeture et de se prémunir contre les opérations financières prédatrices.

Si ce texte figure dans les engagements du président de la République, il n'est pas sans rapport avec les déclarations du président Sarkozy à Toulouse, pour qui l'idée de la toute-puissance du marché est « une idée folle ».

Le premier volet de ce texte, destiné à favoriser la reprise de sites, encouragera le dialogue entre employeurs, salariés et pouvoirs publics pendant la phase de reprise. Le second volet est consacré aux OPA. Trois commissions ont été saisies pour avis ; je salue leur travail. Pour notre part, nous avons veillé à préserver l'équilibre du texte adopté par les députés, tout en sécurisant certains articles.

S'agissant de sites rentables, les entreprises concernées par une procédure de sauvegarde ou de conciliation ne seront pas concernées. Désormais, toutes les entreprises visées par l'article 6 du code de commerce seront exclues du dispositif. Un seuil de 50 salariés a été réintroduit pour les établissements dont la menace de fermeture impose la recherche d'un repreneur. La notion de mise en péril de l'activité de l'entreprise, introduite par l'Assemblée nationale, paraissait peu compatible avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Notre commission a ouvert la liste des motifs légitimes de refus de cession, sous le contrôle des tribunaux de commerce. L'employeur pourra dorénavant décliner l'offre mettant en péril une partie de son activité ou manifestement sous-évaluée. La commission a relevé de quinze jours à un mois le délai du tribunal de commerce pour statuer. Elle a également supprimé l'obligation faite à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Dirrecte) de suspendre sa décision d'homologation du plan de sauvegarde, les deux procédures sont indépendantes.

Nous n'avons pas modifié l'article 3, non plus que rétabli l'article 4. À l'article 4 bis, nous avons tempéré les conséquences de la caducité d'une OPA pour les actionnaires qui détiennent moins de 30 % du capital. À l'article 4 ter, nous avons tenu compte des actionnaires qui bénéficient de la clause de grand-père. À l'article 4 ter, nous avons aménagé le mécanisme visant à éviter l'excès de vitesse.

À l'article 5, la commission a incité les entreprises à délibérer sur des actions aux droits de vote double, en instituant une clause de rendez-vous. Elle a aménagé le calendrier et les délais en cas d'OPA.

À l'article 7, notre commission a prévu que les PME non cotées pourront distribuer 30 % d'actions gratuites. À l'article 8, nous avons tiré les conséquences de la suppression du principe de neutralité.

Nous avons inséré l'article 8 ter qui allonge à trois mois les délais de mise en oeuvre de la loi pour permettre à l'AMF de statuer.

Nous avons supprimé l'article 9 sur l'aménagement des friches industrielles, qui paraissait contraire à la philosophie du projet Alur.

La plupart de nos amendements améliorent la procédure devant le tribunal de commerce. Nous sommes bien sûr favorables aux amendements de la commission des lois qui renforcent les droits de la défense.

Ce texte n'est pas contraire au pacte de responsabilité, mais, fidèle à l'engagement 35 du président de la République, facilite la lutte contre les licenciements boursiers abusifs.

L'article premier sanctionne les fermetures abusives lourdes de conséquences en matière d'emploi et de devenir économique des territoires. Il est du devoir des politiques de refuser le fatalisme économique. Seules sont concernées les entreprises de plus de 1 000 salariés, et la plupart des entrepreneurs cherchent à céder leurs sites, plutôt qu'à les fermer.

La sanction, 20smic par emploi, est-elle suffisamment dissuasive pour la fermeture d'établissements dépendant d'une multinationale ? Nous devons respecter la liberté d'entreprendre et le droit de propriété. Les marges de manoeuvre sont étroites.

Les deux volets du texte se renforcent mutuellement : impossible de lutter contre des fermetures de sites rentables sans traiter des règles de gouvernance des entreprises cotées. Cette proposition de loi ne suffira pas à mettre un terme à la financiarisation de l'économie, mais elle marquera une étape dans le renforcement de notre législation. (Applaudissements à gauche)

M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques .  - La commission de l'économie, saisie pour avis, considère que l'association étroite des salariés à la recherche d'un repreneur est positive et s'inscrit dans une vision moderne de l'économie.

Nous aurions aimé disposer d'une étude d'impact. Une entreprise, dans des marchés en surcapacité comme l'acier ou l'automobile, préfère souvent fermer un site que le revendre, pour préserver sa position concurrentielle.

Une procédure judiciaire intervient après le plan de recherche de repreneurs, comme pour les entreprises en difficulté.

Il est bon de prévoir une possibilité de sanction par le tribunal de commerce : c'est une innovation juridique qui doit respecter la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la liberté d'entreprendre. Pour lutter contre les OPA prédatrices, le texte cherche à renforcer l'actionnariat de longue durée. Les droits de vote double deviennent de droit, sauf opposition des statuts ou de l'assemblée générale, mesure souhaitée depuis longtemps par de grands groupes industriels, portée notamment par M. Beffa. L'État en tirera profit.

M. Gérard Longuet.  - Il pourra vendre ses parts !

M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis.  - N'ayons pas le fétichisme du capital... L'État conservera le contrôle des entreprises même s'il vend une partie de ses participations !

M. Jean Desessard.  - Astucieux !

M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis.  - Quelles perspectives pour l'État stratège ! C'est dix à douze milliards susceptibles d'être libérés pour servir, non à financer les dépenses courantes ou même le désendettement, mais à soutenir la réindustrialisation avec le soutien aux PME-PMI, voire à certaines grandes entreprises.

La dernière partie du texte concerne les friches industrielles. Il y a peu à en dire, sinon qu'il faut la supprimer. Il faut en effet distinguer les capacités industrielles, à préserver, et les friches industrielles, à réhabiliter.

M. Gérard Longuet.  - Très bien !

M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis.  - Ce texte va à l'encontre du texte Alur, qui facilitait des constructions de logements. Il a été supprimé en commission.

Ne nous laissons pas gagner par le pessimisme. Ce texte accompagne l'action du Conseil national pour l'industrie et celle du Gouvernement. La réindustrialisation est le préalable de la bataille pour l'emploi. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)

M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - Comme sénateur mosellan, je suis attentif à ce texte. Le site Arcelor Mittal de Florange produit un des meilleurs aciers au monde pour l'automobile.

M. Gérard Longuet.  - C'est vrai !

M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur pour avis.  - Seuls les hauts-fourneaux y ont été fermés et les ouvriers concernés reclassés sur le site.

M. Gérard Longuet.  - Et le site de Grandrange ?

M. Jean-Marc Todeschini.  - Il n'est pas acceptable que des sites puissent être fermés. Peu de sites sont touchés, mais la bataille pour l'emploi se joue site par site. Cette loi s'inscrit dans le prolongement de l'ANI et de la loi de sécurisation pour l'emploi.

La commission des finances s'est saisie du titre III pour avis. Le court-termisme financier ne doit pas perturber la stratégie des entreprises. Nous ne jetons pas l'opprobre sur les OPA, nécessaires parfois pour stimuler la croissance des entreprises. Les études sur les conséquences pour l'emploi manquent. À court terme, les OPA sont sources d'inquiétude et d'insécurité pour les salariés. Je me félicite de l'article 6 qui renforce la consultation des salariés.

Notre souveraineté est en cause : ne soyons pas naïfs, la Chine et les États-Unis savent protéger leurs entreprises. Cette proposition de loi poursuit le travail entamé en Europe avec la Directive de 2004 et en France avec la loi sur les OPA de 2006. L'article 5 introduit un droit de vote double et l'article 8, qui supprime le principe de neutralité des organes dirigeants, va dans le bon sens. Oui, il faut supprimer les prises de contrôles rampantes ! Les articles 4 et 4 bis, techniques, sont essentiels. Nous avons adopté neuf amendements, en accord avec les partenaires sociaux et les entreprises.

Le texte final est équilibré. J'ai bon espoir que le Sénat trouve un accord avec l'Assemblée nationale pour que la loi soit promulguée au plus vite. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)

M. Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - Il me revient de clore les conclusions des rapporteurs pour avis sur cette proposition de loi visant à reconquérir l'économie réelle. Aussi serai-je bref.

Bien sûr, notre commission souscrit à l'objectif de maintien de l'emploi sur notre territoire. Elle s'est saisie des articles premier, 3, 5, 7, 8 et 9.

Commençons par la fin : la commission des affaires sociales a accepté notre proposition de supprimer l'article 9, contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales, qui aurait fait obstacle à la reconversion des friches industrielles au coeur des agglomérations, friches qui pouvaient servir à des opérations d'urbanisme ou au développement d'activités. Du reste, la reconquête de l'économie réelle ne se décrète pas, surtout par des documents d'urbanisme.

Les dispositions des articles 5, 7 et 8 nous ont laissés perplexes quant à leur efficacité. L'attribution du droit de vote double fait l'objet d'une large réprobation parmi les acteurs concernés. De même, l'abandon du principe de neutralité des organes dirigeants d'une entreprise faisant l'objet d'une OPA pourrait conduire, à notre sens, à des conflits d'intérêts. La commission des affaires sociales et la commission des finances ont estimé ces articles utiles ; elles nous ont cependant donné satisfaction en améliorant le texte.

Quant à l'article premier, les principes constitutionnels de droit de propriété et de liberté d'entreprendre peuvent être tempérés par le motif général de maintenir de l'emploi. Faisant confiance à la commission des affaires sociales, nous nous sommes concentrés sur la procédure devant le tribunal du commerce pour veiller au respect des droits de la défense ; renforcer le rôle du ministère public ; clarifier le régime procédural par analogie avec celui des procédures collectives dont il s'inspire ; donner au tribunal la capacité d'apprécier les efforts engagés par l'entreprise pour trouver un repreneur et analyser le caractère sérieux des offres de reprise éventuelles ; enfin éviter les risques constitutionnels au regard du principe de proportionnalité des sanctions, risques réels vu la décision du Conseil constitutionnel de décembre 2012. Nous avons ainsi écarté toute ambiguïté d'interprétation sur la saisine d'office du tribunal.

La commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption de cette proposition de loi sous réserve de l'adoption de ses amendements, non sans avoir remercié Mme la rapporteure de la commission des affaires sociales pour son écoute, et tout particulièrement durant ces derniers jours. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE.)

M. Jean Desessard .  - En commission des affaires sociales, on a longuement débattu de l'intitulé de cette proposition de loi.

Mme Catherine Procaccia.  - En effet !

M. Jean Desessard.  - Reconquérir l'économie réelle...

Mme Catherine Procaccia.  - On se demande toujours ce que c'est...

M. Jean Desessard.  - L'économie réelle, c'est le concret, l'emploi, la production, des gens qui travaillent et qui créent...

M. Jean-Marc Todeschini.  - Très bien !

M. Jean Desessard.  - Le contraire, c'est la spéculation, le monde de la finance, l'argent rapide et facile, l'enrichissement d'une petite poignée de personnes... Les deux s'opposent. Et si vous doutez toujours...

Mme Catherine Procaccia.  - Saint Thomas !

M. Jean Desessard.  - Reconquérir l'économie réelle, c'est ériger des garde-fous aux intérêts financier court-termistes pour garantir l'avenir des sites industriels. Je peux vous parler de la souffrance réelle des salariés devant la fermeture d'un site, le chômage, le déclassement. C'est pour faire face à des situations inacceptables que les socialistes, les écologistes et les radicaux de gauche ont déposé cette proposition de loi.

Bien que le rapport remis à M. Montebourg le 27 juillet 2012 ait établi clairement que le site de Florange était rentable, Arcelor-Mittal a fermé les hauts-fourneaux pour ajuster sa production à la demande et renchérir le prix de l'acier produit sur ses autres sites.

M. Gérard Longuet.  - Alors pourquoi le Gouvernement a-t-il suivi Arcelor-Mittal ?

M. Jean Desessard.  - Ce texte donne des outils, édicte des règles pour que les salariés ne soient plus les éternels sacrifiés de l'argent facile : obligation de recherche d'un repreneur, lutte contre les OPA hostiles.

L'entreprise qui souhaite se séparer d'un établissement devra rechercher un repreneur potentiel et en informer les salariés, les autorités administratives et les collectivités territoriales - sous peine de sanctions. C'est essentiel. Nous proposerons un amendement pour valoriser les Scop.

Les OPA seront caduques si le contrôle proposé du capital n'est pas inférieur à 50 %, cela pour limiter les agissements des prédateurs qui font peu de cas des salariés. Le droit de vote double pour les actions détenues depuis deux ans est bienvenu, il favorisera l'actionnariat de long terme. Le relèvement du seuil de distribution d'actions gratuites aux salariés l'est également ; nous proposerons un amendement pour que la mesure profite à tous les salariés. Le groupe écologiste approuvera naturellement ces mesures efficaces.

Au-delà, le redressement de notre économie passe par la qualité, la proximité et le respect de l'environnement. Le luxe, la qualité, le must, voilà ce qui nous distingue, et pas les produits à bas coût. Certains nous disent qu'il faut baisser à tout prix le coût du travail...

Mme Catherine Procaccia.  - Le président de la République, par exemple...

M. Jean Desessard.  - On voudrait nous faire croire qu'on redressera notre économie en vendant des produits bas de gamme... Non, l'image de la France, celle de ses produits à forte valeur ajoutée est formidable ! Il faut aussi amorcer la transition vers des productions vertes. Voilà des pistes pour mettre un terme au déclin industriel de notre pays. Le groupe écologiste votera avec enthousiasme ce texte ! (Applaudissements sur les bancs écologistes, socialiste et du RDSE)

M. Gérard Longuet .  - Oui, la France a intérêt à jouer la qualité. Encore faut-il la financer et, donc, des capitaux. Ce dont nous serons privés si cette proposition de loi est adoptée.

Quel est la valeur d'un bien ? Le prix qu'est prêt à y consacrer un client, une demande solvable. Sans clientèle, un bien ne vaut rien. Dans une économie ouverte, tout naît de la rencontre entre l'offre et la demande, non d'une décision politique...

Ce texte, qui ignore la théorie économique, reflète la malice du Gouvernement. Parmi ses propositions de candidat, François Hollande en avait une, n°35, dite Florange. En septembre 2012 M. Montebourg annonçait un projet de loi, qui n'a jamais vu le jour ; puis est venu l'ANI et sa transposition par la loi du 13 juin 2013, grillant la politesse au groupe parlementaire socialiste, comme s'il fallait que la proposition de loi de ce dernier fût encadrée avant de naître...

La situation d'aujourd'hui est plutôt insolite. Le président de la République a découvert depuis le 14 janvier les lois les plus évidentes : la France n'est pas seule au monde et cela n'est pas prêt de changer. Tandis qu'il faisait son chemin jusqu'à Bad Godesberg, la majorité s'est accrochée à la proposition de loi n°35...

L'obligation de recherche d'un repreneur est une idée séduisante pour tout élu de terrain. À ceci près que la responsabilité d'un entrepreneur, c'est de localiser ses investissements là où ils sont le plus pertinents à l'échelle d'un groupe. Si nous limitons en France sa liberté, la plupart des entreprises, y compris celles du CAC 40, pourraient ne jamais investir en France... Ne décourageons pas l'investissement.

Deuxième observation : qu'est-ce qu'un site rentable ? Bonjour la jurisprudence, bonjour les évaluations conflictuelles, bonjour les espoirs déçus ! Un site peut ne pas être rentable parce qu'il appartient à un groupe ou, au contraire, parce qu'il y est intégré ; ou rentable parce qu'il cesse de lui appartenir... J'en ai des exemples. Et on va demander à un tribunal d'apprécier ? La sanction risque, au mieux, d'être un sabre de bois, au pire d'avoir un effet dissuasif...

Je me réjouis que la question des friches ait été revue. Un terrain est souvent le seul actif qui, cédé, peut faire redémarrer l'entreprise sur un autre site. Deux problèmes de fonds sont en outre éludés, le passif social et le passif environnemental, sujets complexes au demeurant.

Le deuxième volet sur la prévention des OPA hostiles est tout autant légitime que cocasse. Le seuil de caducité est opportun ; de même que le principe du droit de vote double, étant entendu qu'il a ses limites, y compris pour l'État. De plus, quand le capital est bloqué, quand les administrateurs se tiennent par la barbichette et que les dirigeants décident de tout sans engager de capital, c'est dangereux. Là encore vous allez inquiéter sans rien régler.

J'en finirai par là où j'ai commencé : il n'y a pas d'économie sans capitaux, pas de capitaux sans capitalistes, pas de capitalistes sans respect du droit de propriété ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean Desessard.  - Il n'y a pas de société sans socialistes, ni de communauté sans communistes...

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Ni d'usine sans ouvriers...

M. Hervé Marseille .  - Cette proposition de loi Florange est d'un autre temps, celui où le candidat Hollande n'était pas le président de la République qui proposait le pacte de responsabilité. Et le recours à une proposition de loi n'est pas neutre : pas de consultation des partenaires sociaux ni d'étude d'impact qui nous aurait permis d'évaluer si le dispositif proposé pouvait effectivement maintenir l'activité dans certains cas. Ce texte aurait-il évité Florange ? Combien de cas vise-t-il ? Autant de questions sans réponse, ce qui signe un texte idéologique, d'affichage. Une procédure accélérée sur une proposition de loi à la veille des élections municipales, la ficelle est un peu grosse... Sans oublier que la commission des affaires sociales a été saisie au fond au Sénat. Comme l'a dit M. Longuet en commission, c'est reconnaître que l'emploi ne procède pas de l'économie.

L'article premier reprend le point 12 de l'ANI dont l'encre n'est pas encore sèche. L'obligation de rechercher un repreneur, que Mme Morin-Desailly proposait dans sa proposition de loi Petroplus, est une bonne chose. En revanche, une sanction judiciaire contre l'entreprise en cas de non-respect de ses obligations ne se justifie pas, nous lui préférons une sanction administrative, moins lourde et plus conforme à l'ANI.

La navette parlementaire a considérablement amélioré le texte, à l'Assemblée nationale comme en commission au Sénat. Les députés, à l'initiative du groupe UDI, ont plafonné la sanction à 2 % du chiffre d'affaires ; ils ont bien fait, comme ils ont bien fait de rétablir le seuil de 50 salariés. Mme Emery-Dumas a voulu préciser des notions floues, comme le « motif légitime de refus de cession ». Pourquoi ne l'a-t-elle pas fait pour celle d'offre sérieuse ? Un de nos amendements y remédiera.

Ce texte amélioré est-il satisfaisant ? Assurément non, quand l'investissement industriel étranger a chuté de 77 % entre 2012 et 2013... On est loin des chocs de simplification et de compétitivité. Nous n'éviterons pas de nouveaux Florange en sanctionnant... Il aurait fallu, comme le groupe UDI-UC le propose, alléger les charges des entreprises et adopté la TVA anti-délocalisation.

Vous l'avez compris, nous ne voterons pas cette proposition de loi. (Applaudissements au centre et sur les bancs UMP)

M. Dominique Watrin .  - Je suis sénateur d'un territoire, le Pas-de-Calais, où le chômage atteint 25 %, où la misère règne, où les jeunes n'ont plus d'espoir, où nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à penser que plus rien n'est possible et de plus en plus réceptifs aux discours simplistes de certains. Déjà, il y a un an, j'intervenais au nom du groupe CRC pour réclamer des mesures structurelles pour l'emploi des jeunes, pour que la finance cède son pouvoir.

Hélas, ce texte est loin de l'interdiction des licenciements boursiers. Rappelez-vous, en 2011, nous étions d'accord à gauche, au Sénat, pour dire que le travail doit primer sur le capital ; que l'intérêt de la société était de faire prévaloir l'emploi sur le capital et le travail sur l'actionnaire ; qu'il n'était plus supportable qu'une entreprise en bonne santé, qui distribue des dividendes, continue de briser la vie de milliers de salariés aux seules fins de rentabilité financière.

Cette proposition de loi est tout aussi loin de l'intervention du candidat Hollande lors de la fermeture de Florange et de ses engagements de campagne. Ceux-ci prévoyaient de donner aux salariés victimes d'un licenciement boursier la possibilité de saisir le tribunal de grande instance non celle du tribunal de commerce. En juillet 2012, le président de la République ne parlait plus que d'encadrer les licenciements manifestement abusifs... Enfin, ce fut l'ANI... De recul en recul, ce texte ne vise plus que quelques rares entreprises d'autant que la commission des affaires sociales a réintroduit un seuil de 50 salariés. On peut se réjouir de la consultation du comité d'entreprise, encore faut-il que les représentants des salariés puissent informer leurs collègues des offres de reprise...

Idem pour les sanctions, qui sont trop basses. L'employeur qui refuse à tout prix la vente d'un site anticipera le coût de la pénalité dans le plan social... Nous nous étonnons aussi que le remboursement des aides publiques ne soit plus à l'ordre du jour.

Le texte, qui ne va pas au bout de la logique, est à l'image du pacte de responsabilité. Ne pas brusquer le patronat, tel est l'objectif. Dans ces conditions, les modestes avancées de ce texte pourraient n'être que des mirages. Le groupe CRC s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-Claude Requier .  - Reconquérir l'économie réelle, après la conférence sociale de juillet 2012, s'inscrit dans le fil du pacte pour la croissance et de compétitivité, de la loi de sécurisation pour l'emploi et du pacte de responsabilité.

En 30 ans, l'industrie française a perdu deux millions d'emplois, 750 000 sur les dix dernières années. Depuis 2009, une seule usine s'ouvre pour deux qui disparaissent. Nous assistons, impuissants, à la fermeture de sites alors qu'il existe des repreneurs. Sous la pression des marchés, certains grands groupes privilégient les dividendes à l'investissement et à l'emploi.

Le politique ne peut pas s'exonérer de ses responsabilités, les salariés ne le comprendraient pas. J'entends bien : pour les uns, ce texte est contreproductif, pour les autres, il est insuffisant. Aux yeux du RDSE, il constitue un bon compromis, que nous devons accepter si nous ne voulons pas que la France recule encore dans le classement du Forum de Davos.

Quelques mots du deuxième volet du texte. La part de l'industrie dans la valeur ajoutée a chuté de 22 à 15 % du PIB, contre 30 % en Allemagne ; il est temps de mettre fin au modèle que Jean-Louis Beffa qualifie de « libéral financier », qui fait primer le court terme et de favoriser un modèle où l'actionnariat favorise le développement productif à long terme grâce à un arsenal législatif et réglementaire incitatif. À cet égard, le principe du vote double, de même que l'abandon de celui de la neutralité des dirigeants d'entreprise lors d'une OPA, que la directive européenne autorise, favorisera effectivement l'actionnariat à long terme.

Le groupe RDSE, dans sa majorité, votera ce texte. (Applaudissement sur les bancs du RDSE, socialistes et écologistes.)

M. Georges Labazée .  - Certains s'interrogent sur l'intitulé de ce texte, d'autres sur le fait que la commission des affaires sociales ait été saisie au fond.

Mme Isabelle Debré.  - Et nous continuons à nous poser des questions !

M. Georges Labazée.  - La question n'est pas là. Pourquoi faut-il intervenir ? Parce que 750 000 emplois industriels ont été détruits en dix ans, parce que la financiarisation de notre économie y est pour beaucoup. La fermeture d'un site est avant tout un drame humain, un traumatisme pour les salariés et leurs familles, un choc pour les habitants et les élus. Il fallait réagir contre la financiarisation de l'économie, qui détruit l'économie réelle et nos outils industriels. Comment le faire sans contraindre ni imposer de sanctions ?

Le texte établit un équilibre entre d'une part, le droit de propriété et la liberté d'entreprendre et, d'autre part, la sauvegarde de l'emploi. Ce dernier représente, en effet, un motif d'intérêt général qui justifie une limitation de certains principes constitutionnels.

Une autre solution aurait consisté à interdire les licenciements boursiers, comme le veut le groupe CRC et comme le groupe socialiste l'avait voté en 2011. La décision du 11 avril 2012 de la chambre sociale de la Cour de cassation nous incite à explorer plutôt la voie de la recherche d'un repreneur, l'information renforcée des salariés et la construction d'un nouveau modèle de gouvernance privilégiant la stabilité de l'actionnariat.

L'ANI renforcerait l'information du comité d'entreprise sur les offres de reprise, obligation reprise par la loi du 14 juin 2013. La loi sur l'économie sociale et solidaire, dans ses articles 11 et 12, encourage la reprise des PME et TPE par les salariés. Ces mesures figurent toutefois dans le seul code du commerce ; il fallait aussi modifier les attributions des comités d'entreprise.

Ce texte, enrichi à l'Assemblée nationale, l'a été au Sénat. Nous avons adopté 35 amendements en commission des affaires sociales pour le rendre opérationnel mais avons refusé la suppression des articles 5 et 8. Le droit de vote double est essentiel à la promotion de l'actionnariat stable. L'État pourra vendre certaines participations tout en conservant son contrôle, ce qui pourrait lui procurer à terme des bénéfices considérables. D'autre part, nous avons introduit une clause de rendez-vous tous les deux ans obligeant les assemblées générales des sociétés cotées qui auront refusé le vote double à en rediscuter.

L'article 8 renverse la logique actuelle en matière de neutralité des organes de gouvernance en cas d'OPA. Lors de la transposition de la directive OPA, la France a fait le choix le plus libéral, contrairement aux pays du Bénélux et à l'Allemagne. Ce texte y remédie. L'article 9 a été supprimé, contraire au projet de loi Alur. Il faut desserrer les contraintes d'urbanisme.

L'amendement n°8 de Mme Lienemann introduit un droit de préférence pour des salariés en cas de reprise.

Cette proposition de loi équilibrée privilégie la persuasion plutôt que la sanction. Elle nous invite à réfléchir sur notre politique industrielle. Je pense à l'usine de la Célanese à Lacq. Elle appartient à un groupe américain. Son taux de rentabilité atteignait 15 à 20 % ; elle a pourtant été délocalisée dans les pays du Golfe. Quelque 380 emplois de haute technicité ont été radiés...

Le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Catherine Procaccia .  - M. Moscovici est bien vite reparti. Malgré ses explications, je demeure perplexe sur l'intitulé de cette proposition de loi. De quelle reconquête s'agit-il ? Qu'est-ce que l'économie réelle ? Toutes les mesures qui ne figurent pas dans ce texte relèvent-elles de l'économie irréelle ?

Je ne comprends pas pourquoi c'est la commission des affaires sociales qui a été saisie plutôt que celle de l'économie.

Mme Isabelle Debré.  - C'est bizarre !

Mme Catherine Procaccia.  - Nous avons entendu parler de « clause de grand-père ». Et ces « excès de vitesse » !

Mme Isabelle Debré.  - Et la grand-mère ?

M. Jean Desessard.  - Des « remèdes de grand-mère »...

Mme Catherine Procaccia.  - Et l'on saisit quatre commissions ! Pourquoi ne pas constituer plutôt une commission spéciale ? Étrange parcours parlementaire que celui de ce texte depuis le déclenchement de la procédure accélérée jusqu'à la CMP prévue pour demain...

Mme Isabelle Debré.  - C'est un excès de vitesse en langage boursier.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Sans doute.

Mme Catherine Procaccia.  - Difficile de légiférer sans l'étude d'impact qui aurait été impérative en cas de projet de loi. Nous aurions dû pouvoir apprécier les effets de ce texte sur les investisseurs étrangers. Décidément, le processus législatif est mal mené. Les débats en commission des affaires sociales ont été précipités, les amendements du groupe UMP ont été, mais cela était prévisible, repoussés.

M. Jean Desessard.  - C'est de l'économie en réel ! (Sourires)

Mme Catherine Procaccia.  - L'article premier impose aux chefs d'entreprise de rechercher des repreneurs, à en informer le comité d'entreprise, sous peine de lourdes sanctions, qui vont jusqu'à vingt fois le smic par emploi supprimé. Cela constitue une atteinte à la liberté d'entreprendre, une de plus car la majorité nous y a habitués... Idem pour l'obligation de rembourser des aides publiques.

Le nombre de fermetures d'usines se monte à 191 de janvier à septembre 2013, ce qui correspond à la destruction de 17 000 emplois. En revanche, le nombre d'ouvertures de sites a diminué de 25 % sur un an, avec 71 usines nouvellement créées. Pour deux usines qui ferment, une seule est créée.

Cette proposition de loi adresse un mauvais signal. Nous ne créerons pas d'emplois sans confiance. Le président de la République souhaitait une simplification, ce texte n'y concourt pas. On n'y comprend rien. Le Gouvernement n'a plus de gouvernail. Le groupe UMP votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Jacqueline Alquier .  - Cette proposition de loi sera une étape dans la lutte contre la financiarisation de l'économie. Il suffit de sortir de Paris pour en comprendre l'enjeu ! Cette proposition de loi favorise la recherche d'entrepreneurs, privilégie l'actionnariat de long terme et donne aux entreprises les moyens de lutter contre les OPA hostiles. C'est une loi stratégique.

Faciliter la reprise des sites est essentielle. La destruction d'un emploi industriel entraîne la disparition de 2,5 emplois dans les autres secteurs. Aussi fallait-il renforcer les obligations de l'employeur. Si la possibilité de saisir le tribunal de commerce est une avancée, il faut veiller aux risques de conflits d'intérêts.

Depuis les années soixante-dix, le capitalisme est entré dans une phase libérale, consacrant le poids des financiers. Alors qu'il s'agissait de favoriser l'investissement, l'inverse s'est produit. L'article 5 introduit le droit de vote double. Certains banquiers ont dénoncé cet article dans la presse, soulignant les risques pour la rentabilité financière.

Certes, il faut faire confiance aux acteurs mais cette confiance doit être réciproque. Le législateur ne doit pas avoir peur d'introduire des réglementations contre la financiarisation.

Le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Jean-Jacques Hyest .  - Ce texte convenu soutient les sites rentables sur lequel nous avons déjà eu la loi de sécurisation de l'emploi. Une proposition de loi c'est très bien, mais cela nous prive d'une étude d'impact et d'un examen approfondi du Conseil d'État. Or le droit des sociétés, c'est complexe... Et puis, comment sera assurée la coordination avec les projets de loi ? À entendre M. Moscovici, on ne peut qu'adhérer aux objectifs : bien sûr, il faut éviter la fermeture de sites rentables. Cela ne signifie pas nécessairement qu'on doive approuver les modalités...

Madame la présidente de la commission des affaires sociales, après avoir balayé les avis de la commission des lois, vous les avez finalement acceptés.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales  - Oui.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Encore heureux, c'était nécessaire.

Une offre rentable doit-elle être automatiquement acceptée ? Non. C'est pourquoi notre commission a autorisé le tribunal de commerce à examiner l'ensemble du dossier. Ce bricolage de l'article premier m'inquiète.

En outre, je suis hostile au droit de vote double. L'Autorité des marchés financiers dit explicitement qu'il sera, au mieux, sans effet positif. Certes, il faut favoriser l'actionnariat stable ; il est d'ailleurs déjà encouragé. Voire la dégressivité des plus-values. Mais l'objectif de ce texte est d'autoriser l'État à vendre ses parts. C'est curieux, d'autant plus qu'il suffira d'une décision de l'assemblée générale pour s'y opposer... Au contraire, les investisseurs seront découragés. Nous sommes là, non pas dans l'économie réelle, mais dans l'économie bizarre.

Mme Isabelle Debré.  - Stratosphérique !

Mme Catherine Deroche.  - Lunaire !

M. Jean-Jacques Hyest.  - La mode des OPA est passée et rares sont les OPA hostiles. Attention au risque de conflits d'intérêts si l'on abandonne le principe de neutralité. Au moins, on aurait pu nous fournir des exemples précis. Nous aurons alourdi le droit des sociétés, au moment même où le président de la République appelait à simplifier. Quelle schizophrénie ! Nous légiférons trop et mal. La stabilité du droit est préférable pour le maintien de l'emploi.

Je ne voterai pas ce texte, qui n'incitera pas les entreprises à embaucher.

Mme Isabelle Debré.  - Où est le choc de simplification ?

M. René Teulade .  - « La société tout entière repose sur l'économie ». Ainsi Saint-Simon formula-t-il en 1817 son analyse, dont on connaît l'influence et qui fut à l'origine du socialisme. Il prônait déjà un capitalisme industriel, reposant sur l'association des industriels et des ouvriers, au nom de l'intérêt général. Sans entrer dans le détail de sa théologie, disons que plusieurs de ses principes sous-tendent cette proposition de loi ; la primauté de l'intérêt général, la solidarisation des patrons et employés. Il est pourtant loin le temps du saint-simonisme !

Le chantre de l'industrie serait abasourdi de voir la part de notre industrie chuter de 33 % du PIB en 1970 à 12 % en 2009. Et cette tendance s'accélère : 750 000 emplois industriels ont disparu en dix ans. Des sites rentables ferment, entraînant un sentiment d'abandon chez nos compatriotes. N'oublions pas les mots gravés au frontispice de notre Constitution : la France est une République fraternelle et indivisible.

La République n'est pas qu'un régime politique, c'est aussi un ensemble de principes, un état d'esprit fondé sur la transparence, la vertu. La réalité est autre. Or depuis l'introduction de la mondialisation, prévaut l'excès : 1 % des plus aisés détiennent la moitié des richesses mondiales. En France, des millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Notre école reproduit les inégalités sociales. L'appât du gain l'emporte sur les perspectives de long terme.

Le droit de vote double et la fin de la neutralité des organes dirigeants y remédient. Le pouvoir politique doit agir. Honoré de Balzac dénonçait déjà l'âpreté des banquiers.

Mme Isabelle Debré.  - C'est qu'il y avait déjà des OPA ! (Sourires à droite)

M. René Teulade.  - Ne pas lutter contre, c'est insulter l'humanité ! Ne jetons pas l'anathème sur l'Europe, même si celle-ci doit revoir sa politique d'austérité, comme celle menée en Grèce. La réorientation des politiques européennes est une nécessité ; plus encore, c'est un devoir !

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. René Teulade.  - Brisons le mur des inégalités en votant ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation .  - Tous les élus ont connu des cas de fermetures d'usines rentables et ont été impuissants à répondre aux questions de leurs concitoyens. Cette proposition de loi leur apporte des réponses. Si les pouvoirs publics se cachent derrière la loi du marché, ils ne feront que renforcer le désenchantement démocratique. L'économie appartient au champ politique

Qu'est-ce que l'économie « réelle » ? Cette notion est entrée dans le domaine public depuis la crise de 2008, qui a montré les conséquences de la financiarisation de l'économie, fondée sur une mathématisation très raffinée. Jean Peyrelevade lui-même, un banquier pourtant, a dénoncé les dérives du capitalisme financier. En dix ans, 750 000 emplois industriels ont disparu, or l'industrie est la colonne vertébrale de notre économie. D'où notre choix en faveur de la réindustrialisation.

Le congrès de Bad Godesberg, monsieur Longuet, a consacré l'abandon du principe de la lutte des classes et de l'étatisation des moyens de production. Les socio-démocrates allemands n'ont pas pour autant renoncé à toute action de l'État sur l'économie, y compris pour modifier le rapport de forces entre les salariés et les patrons. Ce n'est pas une conversion au libéralisme. Dans les grandes années où la droite eut une politique de croissance efficace, elle n'était pas ralliée au libéralisme.

Nous entendons lutter contre des pratiques injustes. L'ANI avait posé l'obligation de recherche d'un entrepreneur. Avec ce texte, l'information du comité d'entreprise est renforcée, ainsi que les sanctions. Certaines pratiques sont immorales. Le pacte de responsabilité va dans le sens de l'intérêt général. Le Gouvernement privilégie la lutte contre les OPA hostiles et les pactes d'actionnaires à long terme, sur quoi était fondé, ne l'oublions pas, le capitalisme rhénan. D'ailleurs le groupe UMP ne semble pas partager dans sa totalité les vues très libérales de M. Longuet.

Un dispositif est aussi prévu pour éviter la fermeture des petites PME, quand le seuil de 1 000 salariés n'est pas atteint.

Nous espérons que le Sénat approuvera ce texte qui concilie, cela n'arrive pas tous les jours, progrès économique et progrès social. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale est close.

La séance, suspendue à 17 h 25, reprend à 17 h 35.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Nathalie Goulet .  - Les bonnes idées ne font pas forcément de bonnes lois. En l'espèce, ce texte pour moi qui ai étudié le droit des sociétés, est intéressant. Cependant deux points manquent : la reprise par des sociétés étrangères et le volet des administrateurs judiciaires et des mandataires liquidateurs - sans ces acteurs de la chaîne du redressement, la proposition de loi sera dépourvue d'effet. Sa seconde partie, à mon sens, est inapplicable ; M. Marseille a montré pourquoi.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - Je ne conteste pas le droit au comité d'entreprise d'être acteur de la vie de son entreprise et d'être informé de sa mort. Mais il faut mesurer les conséquences de cette obligation. En général, une décision de fermeture constitue une réponse à une faiblesse des résultats ou, au contraire, à une surproduction.

Cette proposition de loi ne changera rien à la situation de cette entreprise de textile pourtant rentable, qui a été fermée faute de repreneur, pas plus qu'à cette unité d'un groupe papetier finlandais près d'Arras qui a été abandonnée pour cause de surproduction. À la clé, moins 350 emplois ! Hier, le ministre du redressement productif lui-même a évoqué trois marques d'intérêt sérieuses pour une reprise de cette dernière entreprise en expliquant que l'identité de ces repreneurs potentiels ne pouvait être divulguée pour ne pas les effrayer et les faire fuir. Il estime légitimement que la confidentialité favorise la reprise, or l'article premier de cette loi prévoit le contraire...

Je ne comprends pas l'intérêt de ce texte, si ce n'est qu'il traduit un engagement du candidat Hollande.

M. Benoît Hamon, ministre délégué.  - Deux mots seulement : il faut distinguer les marques d'intérêt, de véritables offres bien documentées... Il n'y a donc pas de contradiction entre cette proposition de loi et les déclarations de M. Montebourg.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Question d'interprétation !

M. le président. - Amendement n°35, présenté par Mme Procaccia et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

Mme Catherine Procaccia.  - Cet article, bien que l'Assemblée nationale l'ait remanié en profondeur en septembre dernier, reste difficilement acceptable.

Il constitue une atteinte évidente à la liberté d'entreprendre : la loi ne peut déposséder le chef d'entreprise de son pouvoir d'appréciation en lui substituant celui du comité d'entreprise et du tribunal de commerce.

Sans parler de la pénalité dont le caractère reste extrêmement élevé et dissuasif. L'Assemblée nationale a prévu une double peine puisque l'entreprise peut être contrainte à rembourser tout ou partie des aides financières publiques qui lui ont été versées.

Ce dispositif créera un inévitable effet repoussoir. La dégradation de l'image de marque de notre pays sera forte.

Mme Emery-Dumas, rapporteure.  - Défavorable.

Nous tenons à l'article premier de cette proposition de loi.

M. Benoît Hamon, ministre délégué.  - Quelle drôle d'idée ! Si vous voulez raisonner par l'absurde, supprimez le smic pour augmenter le pouvoir d'achat des salariés, tant que vous y êtes. Notre image de marque ? Mais la France a fait l'objet de 693 propositions d'investissements directs étrangers américains l'an dernier. Notre image de marque s'améliorera en votant des lois pragmatiques, ce texte en est une.

M. Jean Desessard.  - Le raisonnement de Mme Procaccia ne tient pas, parce qu'elle réfléchit en général. Que ne nous a-t-on répété qu'il fallait prendre exemple sur l'Allemagne, pour le coût du travail. On nous disait : nos salaires sont trop élevés. On ne nous en parle plus du tout depuis que le patronat et la droite, en regardant dans le détail, ont découvert qu'il aurait fallu diminuer le salaire des cadres français et augmenter celui de nos ouvriers.

La France bénéficie d'un capital formidable de qualité, de contrôle, de cadre de vie. Utilisons-le ; c'est ainsi que notre désormais petit pays à l'échelle mondiale pourra développer son économie !

Mme Isabelle Debré.  - Pas de mots, des chiffres seulement, Monsieur le ministre. Le Monde, un journal sérieux que nous lisons tous, publiait les chiffres de la dernière conférence des Nations unies sur le commerce et le développement. : les investissements directs étrangers ont chuté de 77 % en France en 2013, quand ils progressaient de 11 % dans le monde et de 37 % en Europe.

Ce texte renforce la complexité de notre droit. Imaginez la réaction d'un investisseur étranger quand il lira qu'il devra « informer par tout moyen approprié, des repreneurs potentiels de céder son entreprise » !

Voilà pourquoi je voterai l'amendement n°35 de suppression.

À la demande du groupe UMP, l'amendement n°35 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin n°137 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption 167
Contre 177

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°44, présenté par Mme Procaccia et les membres du groupe UMP.

Alinéas 6 à 17

Supprimer ces alinéas.

Mme Catherine Procaccia.  - S'il est légitime que les salariés ne découvrent pas du jour au lendemain, parfois par voie de presse ou à la radio, que leur entreprise ferme, le dispositif proposé est inopportun. Les obligations incombant à l'employeur créent des contraintes administratives importantes et potentiellement préjudiciables à l'opération. En rendant public un projet de fermeture, on menacera l'activité de l'entreprise : clients, banques et investisseurs risquent de s'inquiéter et de ne plus soutenir l'entreprise.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Alinéa 8

Remplacer le mot :

mille

par les mots :

cinq cents

Amendement n°16, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Alinéa 8

Supprimer les mots :

employant cinquante salariés et plus

Mme Laurence Cohen.  - Cette proposition de loi constitue une réponse largement insuffisante à un problème réel. Pour nous, la question essentielle est celle de réorienter les bénéfices vers l'investissement plutôt que vers la finance. Les entreprises contourneront, par de nombreux mécanismes comme le détachement de la maison mère, les obligations de ce texte déjà partiel. L'amendement n°15 rend cette loi applicable aux entreprises de plus de 500 salariés, celles qui emploient plus de 1 000 salariés sont rares d'après l'Insee. Quant à l'amendement n°16, il supprime le seuil de 50 salariés par établissement que M. Desessard a également déploré en commission.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 8

Remplacer le mot :

cinquante

par le mot :

dix

M. Jean Desessard.  - Les députés socialistes, écologistes et les radicaux nous proposent un texte. Nous ne trouvons rien de mieux que d'instaurer un seuil... Pourquoi ? Et pourquoi 50 salariés ? S'il en faut un, je propose plutôt dix. Le député Jean Marc Germain a raison : la fermeture d'un établissement de moins de 50 salariés peut avoir un impact important sur un territoire peu dynamique.

M. le président.  - Amendement n°45, présenté par Mme Procaccia et les membres du groupe UMP.

Alinéa 8

Remplacer les mots :

qui aurait

par le mot :

ayant

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - L'article L.1233-57-9 créé par la proposition de loi repose sur une hypothèse dont on ne sait si elle va se réaliser : il oblige l'entreprise à communiquer à ses salariés son intention éventuelle de fermer un établissement, ce qui de manière tout aussi éventuelle pourrait conduire à un projet de plan de sauvegarde de l'emploi...

Puisque le non-respect de l'obligation de l'entreprise d'informer ses salariés est sanctionnable, il faut qu'il y ait un risque réel de plan social. Cet amendement le précise.

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Alinéa 8

Après les mots :

aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63

insérer les mots :

ou si plus de dix contrats sur une période de trente jours ont été rompus d'un commun accord entre l'employeur et le salarié,

M. Dominique Watrin.  - Cet article n'est pas suffisamment opérant. Pourquoi exclure les entreprises où il existe des plans de sauvegarde de l'emploi ? C'est méconnaître la réalité des entreprises : les chefs d'entreprises usent de manoeuvres pour contourner la loi.

S'il est évident que le Plan de sauvegarde de l'emploi peut intégrer des plans de départs volontaires, la jurisprudence a reconnu la possibilité pour les entreprises, de mettre en oeuvre des plans de départs volontaires dits « autonomes », c'est-à-dire, non rattachés à un plan de sauvegarde de l'emploi. La Cour de cassation, dans sa décision du 26 octobre 2010, le rappelle. D'où cet amendement qui prévoit le déclenchement de cet article premier, dès lors que dix ruptures d'un commun accord dans une entreprise qui envisage la fermeture d'un établissement auront été enregistrées.

M. le président.  - Amendement n°18 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Après l'alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° La nature et le montant des aides financières publiques accordées à l'entreprise en matière d'installation, de développement économique ou d'emploi qui lui ont été versées au titre de l'établissement concerné par le projet de fermeture au cours des deux années précédant ce projet ;

Mme Isabelle Pasquet.  - Notre commission a supprimé la capacité pour le tribunal de commerce de demander le remboursement des aides publiques au prétexte qu'il ne les connaîtrait pas. Il en résulte un vide juridique. À qui la personne compétente devra-t-elle demander ce remboursement ? On se trouve devant une coquille vide, un texte d'affichage. D'où cet amendement et l'amendement n°68 qui viendra plus tard en discussion.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 15

Compléter cet alinéa par les mots :

notamment par les sociétés prévues par la loi n°78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives ouvrières de production

M. Jean Desessard.  - L'employeur devra communiquer au salarié tous renseignements utiles sur le projet de fermeture de l'établissement, notamment en ce qui concerne les différents modèles de reprise par les salariés. Tant mieux, car pour y travailler, ils connaissent mieux leur entreprise que quiconque.

Les salariés doivent être spécifiquement informés des possibilités de reprise en Scop. Cette forme d'entreprise est sociale avec son système de réserves impartageables ; elle est réellement économique. Une progression de plus 15 % des Scop entre 1983 et 2008 ! Cet amendement s'inscrit dans la suite de la loi économie sociale et solidaire que le Sénat a votée...

M. Benoît Hamon, ministre délégué.  - Avec raison !

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

Alinéas 16 et 38 à 41

Remplacer le mot :

expert

par le mot :

expert-comptable

M. Jean Desessard.  - Le comité d'entreprise pourra recourir à l'assistance d'un expert. Comme nous prenons l'affaire au sérieux, nous voulons éviter que se créent des officines douteuses. Cet expert doit être un expert-comptable, comme nous l'avons proposé sur tant d'autres textes. Il s'agit d'une profession réglementée, habilitée à traiter des informations confidentielles.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°44 qui remet en cause une disposition de la loi sur la sécurisation de l'emploi.

Rejet également de l'amendement n°15 : pourquoi un seuil de 500 salariés, et pas de 250, comme dans la loi sur l'économie sociale et solidaire ? Attendons le bilan, prévu à l'article 2, pour éventuellement l'abaisser.

Le seuil de 50 salariés pour le plan de sauvegarde de l'emploi s'applique à la seule entreprise, non au groupe. Il est identique à celui de la création des comités d'entreprise. Ne le modifions pas avant de dresser le bilan : rejet de l'amendement n°16 et, pour les mêmes raisons, de l'amendement n°2.

Avis défavorable à l'amendement n°45 : si une entreprise est vertueuse, il n'y aura pas de plan de sauvegarde de l'emploi. Le conditionnel répond à une simple concordance des temps.

L'amendement n°17 est satisfait par la jurisprudence. En cas d'abus de l'employeur, les salariés peuvent déposer un recours. Il appartient au juge de se prononcer.

L'amendement n°18 rectifié, intéressant, est satisfait par la loi de sécurisation de l'emploi et le décret du 27 décembre 2013 : les aides publiques seront expressément incluses dans la base de données, en service à partir du 14 juin prochain. Défavorable.

Favorable à l'amendement n°5, soit à la réinsertion de la mention des Scop que nous avions supprimée pour des motifs rédactionnels. J'ajoute qu'un guide de méthodologie traitera des différentes formes de reprise par les salariés, en application de la loi sur l'économie sociale et solidaire.

Rejet de l'amendement n°3 : la notion d'expert est plus large que celle d'expert-comptable ; elle est plus protectrice.

M. Pierre Moscovici, ministre.  - Mêmes avis.

M. Gérard Longuet.  - Notre amendement n°44, qui supprime les alinéas 8 à 17, se justifie par une simple et bonne raison : on ne peut pas contraindre l'entrepreneur à rester sur un territoire dans une économie ouverte où notre attractivité décline, depuis deux décennies.

Les salariés ne doivent pas apprendre la vente de leur entreprise par SMS, comme cela s'est déjà produit. On ne peut refuser de les informer, sauf que le texte est particulièrement flou. Il est question d'une entreprise qui « envisage » une fermeture « qui aurait pour conséquence un projet de plan de sauvegarde de l'emploi ».

Un entrepreneur doit optimiser ses investissements, donc ses instruments de production, répartis sur différents territoires.

Qu'en sera-t-il s'il envisage une fermeture qui pourrait aboutir à un plan social mais ne va pas jusqu'au bout ? Pour une hypothèse qui n'est pas vérifiée, n'organisons pas l'instabilité juridique pour les entrepreneurs et l'inquiétude permanente pour les salariés.

Mme Isabelle Pasquet.  - Souvent les patrons cherchent à optimiser, non pas leurs investissements mais leurs moyens financiers, au détriment de l'emploi. Il est inadmissible que les salariés soient informés par la presse de la fermeture de leur site. Même insatisfaisant, cet article est nécessaire. Nos propositions visent à améliorer l'information des salariés. Conservons-les.

M. Georges Labazée.  - Oui, les salariés sont souvent mal informés, M. Longuet le reconnaît. Non, l'administration, les élus ne le sont pas toujours. Il faut remédier à cette carence. Le groupe socialiste votera contre l'amendement n°44.

À la demande du groupe socialiste, l'amendement n°44 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin n°138:

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l'adoption 168
Contre 177

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°15 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s16 et 2

M. Gérard Longuet.  - Que l'information soit donnée lorsqu'il y a des certitudes, et non de simples hypothèses, conditionnalités et autres probabilités.

L'amendement n°45 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°17.

Mme Isabelle Pasquet.  - Mon amendement n°18 rectifié n'est pas satisfait : un décret n'est pas la loi et le juge ne pourra se fonder sur la base de données sociales pour trancher.

L'amendement n°18 rectifié n'est pas adopté.

M. Gérard Longuet.  - À titre personnel, je voterai l'amendement n°5 : les Scop sont parfois une réponse adaptée.

L'amendement n°5 est adopté.

L'amendement n°3 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par Mme Procaccia et les membres du groupe UMP.

Alinéa 20

Supprimer les mots :

sans délai

Mme Catherine Procaccia.  - L'expression « sans délai » est floue et n'est pas juridique. Supprimons-la. La loi doit être précise.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure.  - Cette expression, toute imparfaite qu'elle soit, est déjà utilisée dans le code du travail. Comme elle ne s'accompagne d'aucune sanction, avis défavorable.

M. Pierre Moscovici, ministre.  - Même avis.

M. Gérard Longuet.  - Il eût été préférable de rédiger ainsi l'alinéa 20 : « L'employeur notifie à l'autorité administrative sa décision de fermeture » ; nous serions alors dans une situation de droit. La responsabilité des employeurs ne doit être engagée que pour leurs décisions, non pour des idées qu'ils évoquent ou envisagent... On ne peut leur faire grief de ne pas avoir rendu public un projet. Je soutiens cet amendement de clarification.

M. Jean-Noël Cardoux.  - De l'art et la manière de rendre un texte inapplicable... Que signifient en droit les expressions « sans délai », « repreneurs potentiels », « moyens appropriés » ? Arrêtons de clouer les entreprises au pilori et de multiplier les contentieux ; privilégions la clarté et la simplicité.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure.  - Le point de départ du délai est l'information du comité d'entreprise, à la suite de quoi l'entreprise informe « sans délai » l'autorité administrative. Il n'y a aucun flou.

M. Dominique Watrin.  - L'expression « sans délai » est régulièrement utilisée en droit. Ce qui importe, c'est que le manque de diligence constitue une faute ; le tribunal sera compétent pour l'apprécier.

M. Patrice Gélard.  - L'expression « sans délai » ne signifie strictement rien en droit. Ne laissons pas le juge se substituer au législateur.

M. Pierre Moscovici, ministre.  - Cette expression figure à l'article 18 de la loi de sécurisation de l'emploi. Elle se comprend aisément et elle a du sens. Ne coupons pas les cheveux en quatre.

L'amendement n°49 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par Mme N. Goulet.

Alinéa 22

Après les mots :

maire de la commune

insérer les mots :

et le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent

Mme Nathalie Goulet.  - Dès lors que l'EPCI a la compétence économique, son président doit être informé concomitamment des projets de fermeture de sites.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure.  - Avis défavorable : n'alourdissons pas le code du travail avec des dispositions qui ont leur place dans une circulaire.

M. Pierre Moscovici, ministre.  - Cet amendement est satisfait. Le président de l'EPCI fait partie des « élus concernés ». Les choses sont claires.

M. Gérard Longuet.  - Cet amendement procède du bon sens. L'action économique locale relève des intercommunalités. Toutefois, elles sont dépourvues des moyens de résoudre les crises liées aux fermetures de sites ; c'est la région qui intervient.

L'employeur informe le maire, soit ; que fait ce dernier de l'information ? Il mobilisera certainement les autres élus, mais il n'en a pas formellement l'obligation. Et pourquoi revient-il à l'autorité administrative d'informer les élus ? À quel niveau, d'ailleurs ? L'inspection du travail ? La préfecture ? Il faut soit être exhaustif et lister les élus concernés, soit s'en remettre à la circulaire - j'espère qu'elle n'oubliera personne... Les sénateurs seront-ils informés de tous les projets envisagés dans leur département, et les députés des seuls situés dans leur circonscription ?

Mme Annie David.  - N'oubliez pas les députés européens !

M. Gérard Longuet.  - L'accès à l'information est un élément de pouvoir en politique. Je ne saurais imaginer que l'autorité administrative dissimulât l'information à des élus pour des raisons partisanes...

Mme Nathalie Goulet.  - Non, bien sûr !

M. Gérard Longuet.  - L'explication sera plus sûrement l'éloignement géographique... Que le ministre nous donne - sans délai (sourires à droite) - quelques explications...

Enfin, je ne reviens pas sur l'ineptie de renvoyer à des projets de fermeture et non à des décisions.

M. Jean Desessard.  - Souhaitez-vous que l'autorité administrative informe « sans délai » les élus concernés ?

Mme Isabelle Debré.  - Concernés par quoi ?

M. Gérard Longuet.  - Il faut qu'elle informe « tous les élus »...

M. Pierre Moscovici, ministre.  - Nous voulons simplifier, votre proposition n'y participe pas.

M. Gérard Longuet.  - Je le reconnais !

M. Pierre Moscovici, ministre.  - Par vos fonctions antérieures, vous avez pu constater que les préfets savent qui sont les « élus concernés »...

Mme Catherine Procaccia.  - Si le texte ne précise pas que tous les élus seront informés, certains ne le seront pas. Cela se passera ainsi dans mon département du Val-de-Marne. Et avec la métropole du Grand Paris...

Mme Nathalie Goulet.  - Mon amendement n'est pas plus imparfait que cet article ou son alinéa 22 ! (Sourires à droite)

Le parallèle est un peu lointain mais comme je ne cumule pas les mandats, j'ai été exclue de la Commission interdépartementale de la coopération intercommunale (CDCI) ; je ne suis pas informée comme je pourrais l'être si je cumulais... Daniel Goulet, dans une proposition de loi de 2001, prévoyait déjà l'information des maires en cas de liquidation ou de difficulté d'une entreprise.

Il serait bon de citer tous les élus concernés. Parfois les députés prennent la main... Si le sénateur est aussi maire, il sera informé... Sinon...

M. Gérard Longuet.  - Et les conseillers régionaux !

Mme Nathalie Goulet.  - Si l'objectif est une bonne information, il faut que le ministre nous rassure sur les « élus concernés », au rang desquels les présidents d'EPCI et les conseillers régionaux et généraux.

M. Jean-Claude Requier.  - Soyons simples. En pratique, il faut viser les maires et les préfets !

M. Georges Labazée.  - L'autorité administrative dans le département, c'est le préfet. Peut-on viser tout le monde dans la loi, les présidents d'EPCI, de syndicats mixtes, de GIP ? Nous parlons ici d'entreprises de plus de 1 000 salariés, l'information circulera, il n'y a pas de crainte à avoir.

L'amendement n°14 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°50, présenté par Mme Procaccia et les membres du groupe UMP.

Alinéa 28

Supprimer les mots :

, par tout moyen approprié,

Mme Catherine Deroche.  - Nous sommes toujours dans le flou... Cette expression est inutile.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure.  - Avis défavorable. L'employeur doit être libre de choisir le support qui lui convient le mieux.

M. Pierre Moscovici, ministre.  - Défavorable pour les mêmes raisons.

M. Jean Desessard.  - C'est le mot « approprié » qui est important...

Mme Isabelle Debré.  - La loi doit être claire, compréhensible par les Français comme par les investisseurs étrangers ; l'accumulation de termes flous la rend confuse. Imaginez-vous un employeur donner des informations non nécessaires ?

M. Jean Desessard.  - Oui !

Mme Isabelle Debré.  - Il faut faire confiance aux employeurs, non les cibler. Ils ont intérêt à fournir toutes les informations pour valoriser leur entreprise. Qui sera compétent, en outre, pour juger que les moyens mis en oeuvre sont « appropriés » ?

M. Jean Desessard.  - Soit, madame Debré, c'est bien d'employer des mots que tout le monde comprend. « Sans délai » ? « Par tout moyen approprié » ? « Repreneur potentiel » ? On comprend.

Pour vous, tous les employeurs respectent la loi...

Mme Isabelle Debré.  - Je n'ai pas dit cela !

M. Jean Desessard.  - Il n'y pas de spéculateurs, pas de pratiques douteuses... C'est favoriser la loi de la jungle ! Ce n'est pas être contre l'entreprise que dire qu'il y a des abus. Il faut pointer les dérives. C'est à nous, législateurs, qu'il revient de fixer des limites ; et faisant cela nous favorisons l'esprit d'entreprise.

M. Gérard Longuet.  - On prête à Gide qu'on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments... Il en va de même pour la loi. « Par tout moyen approprié » ? Expression volontariste, généreuse mais inefficace. Et volontarisme pour volontarisme, pourquoi n'avoir pas écrit, « les repreneurs potentiels » plutôt que « des repreneurs potentiels ?

La fermeture d'un établissement est pour un chef d'entreprise une charge morale très lourde, il va de soi qu'il mobilisera tous les moyens à sa disposition. Ce texte n'aurait pas réglé la question de Florange. Arcelor-Mittal a mis toutes les informations concernant les hauts-fourneaux sur la place publique, mais il ne voulait pas vendre l'aval. De bons sentiments donc, mais ce texte d'affichage, fondamentalement littéraire, sera non opérant !

Mme Nathalie Goulet.  - On sait bien que certains employeurs, lorsque leur entreprise est en difficulté, sont tentés de minorer le passif ou les charges de l'entreprise. On peut imaginer que parfois tous les documents ne sont pas sur la table. De plus, quand un industriel a le projet de céder un site, cela signifie souvent que la décision est déjà prise.

L'amendement n°50 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°51, présenté par Mme Procaccia et les membres du groupe UMP.

Alinéa 28

Compléter cet alinéa par un membre de phrase ainsi rédigé :

ceux-ci sont tenus à une obligation de confidentialité dont la violation entraîne le paiement de dommages-intérêts conformément à l'article 1382 du code civil ;

Mme Catherine Procaccia.  - Les repreneurs potentiels contactés par l'employeur doivent être soumis à une obligation de confidentialité. Sinon, l'obligation d'information pourrait se retourner contre les intérêts de l'entreprise.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure.  - Défavorable. La commission des affaires sociales a pris en compte cette obligation de confidentialité à l'alinéa 31. De plus ce texte, contrairement à ce que j'entends, ne concerne pas les entreprises en difficulté.

M. Pierre Moscovici, ministre.  - Même avis.

Mme Isabelle Debré.  - Quelles sont les informations « nécessaires » ? Qui décidera qu'elles le sont ? Le juge ? Le texte est parsemé d'adjectifs littéraires, sans portée juridique. Il est évident que le repreneur doit avoir accès à toutes les informations.

J'entends une défiance terrible à l'égard des chefs d'entreprise. Croyez-vous que les patrons qui cèdent leur entreprise le font de bon coeur ? C'est souvent le projet de toute leur vie.

M. Jean Desessard.  - Il s'agit des établissements de plus de 50 salariés dans des entreprises de plus de 1 000 salariés...

Mme Isabelle Debré.  - Attention aux contentieux !

M. Jean Desessard.  - Ne pleurons pas sur les chefs d'entreprise. On dirait que vous ne lisez pas la presse. Comme s'il n'y avait pas un capitalisme sans foi ni loi, comme si des fonds de pension n'achetaient pas des entreprises pour les revendre par compartiments après les avoir démembrées, sans souci des salariés ni des collectivités locales, pour maximiser le profit de leurs actionnaires !

Tous les chefs d'entreprise ne sont pas d'affreux capitalistes, mais tous ne pensent pas qu'au bonheur de leurs salariés... Il ne faut pas nier la réalité.

M. Patrice Gélard.  - On s'égare, car le texte est tout simplement mal écrit. Trop de lois le sont, le président du Conseil constitutionnel l'a rappelé au président de la République lui-même. Le législateur doit rédiger des lois, non des slogans politiques. Nos débats portent sur la forme, non sur le fond.

L'amendement n°51 n'est pas adopté.

Candidatures à une éventuelle CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission des affaires sociales a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à reconquérir l'économie réelle. Cette liste a été affichée et sera ratifiée si aucune opposition n'est faite dans le délai d'une heure.