Débat sur la politique du logement

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle un débat sur la politique du logement à la demande du groupe UMP.

M. Jean-Claude Lenoir, pour le groupe UMP .  - Il y a un instant, le nom de Business France a été cité. Ce nom m'interpelle pour une structure qui rassemble Ubifrance et l'Afii. Nous devrons certainement y revenir.

Cela dit, j'en reviens à notre sujet : la politique du logement. Notre constat est très sévère et le groupe UMP veut tirer la sonnette d'alarme. Il y a comme une malédiction pesant sur les gouvernements de gauche : pour des raisons qui m'échappent il y a à chaque fois moins de logements construits sous leur mandat. De 1997 à 2002, 1,6 million seulement ont été construits. Malgré la crise de 2008, nous avions, nous, réussi à en construire entre 2007 et 2012  2 millions, dont 600 000 logements sociaux, pour un objectif de 400 000 logements par an. Le président François Hollande s'était engagé sur le chiffre de 500 000 logements.

Or l'année 2014, la dernière de référence, a vu 297 500 logements ouverts : 10 % de moins qu'en 2013, qui était déjà en diminution de 14 % par rapport à 2012...

Pour étayer sa politique, le gouvernement a fait voter trois lois, dont la loi Duflot, ce monument législatif...

M. Philippe Dallier.  - Ce qu'il en reste !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Les résultats ont été nuls. Toute politique, dès lors qu'elle est instable, incertaine, incohérente, mène dans le mur.

Lors de l'examen de la loi Alur, nous disions déjà que le mécanisme de Garantie universelle des loyers (GUL) comme la procédure d'encadrement des loyers étaient si complexes qu'ils en deviendraient inapplicables. Le marché s'est ralenti ; la confiance n'étant plus là, les investisseurs ont fui, littéralement fui. La GUL intéresse exclusivement les jeunes salariés et les personnes précaires ; Paris seulement, et peut-être Lille, vont expérimenter l'encadrement des loyers. Il y a loin du rêve à la réalité, de l'idéologie au pragmatisme.

D'après le rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'Inspection générale des finances (IGF), le coût de cette politique est considérable : 46 milliards d'euros. Pour quels résultats ?

La politique manque de cohérence : trop de dispositifs, d'interlocuteurs, on est dans le brouillard. Il y a un effet inflationniste de l'aide à la location qui entraîne une majoration des loyers, sans aucun bénéfice pour les locataires ; il y a une mauvaise appréciation des rapports entre l'offre et la demande : les logements manquent et là où on en construit ils ne répondent pas aux besoins.

Certes, l'élargissement du PTZ et le dispositif Pinel, l'abattement de 30 % sur les cessions de terrains améliorent les choses. Mais qu'envisagez-vous, madame la ministre, à propos des APL, pour conforter les investissements, pour le régime des meublés et les aides à la pierre ? Les jeunes se tournent vers le marché privé actuellement, quel échec...

Les Français demandent des logements décents et adaptés. Les attentes sont fortes. Que ce débat soit l'occasion pour le gouvernement de fournir des précisions sur les corrections que le premier ministre a dit vouloir apporter à la loi Alur et sur les mesures qu'il envisage pour rétablir la confiance ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. François Fortassin .  - Un débat sur la politique du logement, c'est hélas d'abord un débat sur le mal-logement. Soixante ans après l'appel de l'Abbé Pierre, nous devons constater que malgré le Droit au logement opposable (Dalo), le 115 voit les demandes exploser et qu'un quart des demandes de logement ne sont pas satisfaites.

Madame la ministre, comment ne pas s'indigner qu'en 2015 des gens vivent encore et meurent sur nos trottoirs ? Vous avez annoncé un plan pour réduire le recours aux nuitées hôtelières. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Pour faciliter l'accès au logement, le gouvernement a annoncé la construction de 500 000 logements d'ici 2017 et toute une série de mesures comme la GUL, la construction de logements très sociaux dans le cadre des PLAI et super-PLAI. Il faut aussi prévenir les expulsions locatives en sortant de la gestion au thermomètre, que constitue la trêve hivernale.

Encadrement des loyers et Garantie universelle des loyers (GUL) doivent être appliqués avec courage. Il ne s'agit pas de pointer du doigt les propriétaires mais de donner accès au logement.

Autre sujet, les différences de logement entre ceux qui ont la chance d'être logés dans le parc public et le parc privé. À Paris, l'écart de loyer se monte à 1 000 euros entre les locataires du public et du privé.

Madame la ministre, je sais votre engagement à lutter contre les inégalités et le mal-logement. Le groupe RDSE vous fait toute confiance. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. David Rachline .  - Sans m'attarder sur le constat qui est partagé, une politique coûteuse et inefficace, je veux dire mes propositions, qu'aucun autre intervenant ne formulera.

Le communautarisme et le clientélisme minent la politique de la ville. Oui, la France doit d'abord s'occuper de loger ses propres enfants. Elle ne peut pas continuer de loger toute une série de gens, comme les clandestins, que l'Europe nous impose d'abriter. Ma première proposition est donc la priorité nationale pour le logement.

Deuxième proposition, un chèque logement. Ce serait source de mixité sociale : le cadre comme l'ouvrier pourraient habiter dans les mêmes quartiers. On mettrait ainsi fin à la politique d'assistanat et, avec ce chèque, nous redonnerions de la fierté à nos compatriotes.

Nous, les élus locaux, nous devons mener une action de terrain, à condition que l'État au lieu de nous contraindre nous accompagne pour conduire une politique adaptée à nos populations.

M. Joël Guerriau .  - Les chiffres du dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre sont alarmants : 3,5 millions de mal-logés, 2,6 millions dans des logements surpeuplés, 494 000 foyers en procédure d'impayés et 141 000 SDF. Et pourtant, le coût de la politique du logement est de 46 milliards, soit plus 2 % du PIB.

Avec une diminution de 10 % du nombre de permis de construire, le BTP est inquiet. Au titre de la transition énergétique, comment atteindre l'objectif de rénovation de 500 000 logements par an à compter de 2017 ?

La loi Alur ? L'encadrement des loyers devait s'appliquer à 27 agglomérations, il se limite à Paris. La GUL, dont nous avions critiqué le dispositif, a fait l'objet d'une convention quinquennale en décembre ; nous saluons le ciblage des personnes précaires. Sera-t-elle généralisée ?

La loi SRU ? Son application uniforme est déconnectée des réalités locales. Certaines communes disposent de réserves foncières, d'autres pas. C'est le cas de ma commune où la densité est extrêmement forte. Nous avons augmenté notre offre de logements sociaux de 56 % en dix ans mais le seuil couperet de 25 % nous tombe dessus, de façon injuste : nous sommes sanctionnés. Résultat, notre budget est grevé par une lourde pénalité qui nous empêche d'investir. Ailleurs, on oblige à investir de l'argent public pour atteindre 25 % de logements sociaux quand le territoire se dépeuple. Belle utopie, que cette politique ! Au minimum le seuil de 25 % devrait s'appliquer à la métropole.

Enfin le coût de la construction a augmenté et les mesures de simplification tardent à produire leur effet ; la filière du bâtiment a perdu 60 000 emplois ces dernières années.

Pour le groupe UDI-UC, il faut absolument revoir la politique du logement et l'adapter aux réalités locales. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Philippe Dallier .  - Ce débat tombe à point nommé, quelques jours après la remise du rapport de la Fondation Abbé Pierre et la publication, après une fuite dans la presse, du rapport demandé à l'Igas, l'IGF et au CGEDD, qui a fait l'effet d'une petite bombe. Certes, l'État peut être accusé de vouloir chercher à réaliser des économies sur les 46 milliards d'euros qu'il consacre au logement ajoutés aux 5 milliards d'Action Logement mais à mon sens il y a des pistes à creuser dans ce rapport.

D'abord il réévalue les besoins en réfutant l'objectif de 500 000 logements ; pour le Grand Paris, il évalue le besoin à 70 000. Si l'on extrapole, cela donne plutôt 332 000 logements. Intéressant ! Le rapport revient également sur la dispersion des moyens, le zonage, la taille des logements. L'évaluation, qui fonde la politique du logement, doit être absolument revue.

Autre question, nous consacrons 49 % des moyens à la solvabilisation des locataires, 17 % au développement de l'offre et 17 % à l'amélioration de l'existant. Le rapport pose le problème de l'aide personnalisée au logement, comme je l'avais fait moi-même lors de la discussion de la loi Apparu puis de la loi Alur : on m'avait alors accusé de vouloir pénaliser ceux qui en bénéficiaient. Le rapport confirme que ces aides personnalisées ont un effet inflationniste sur les loyers, c'est flagrant en Seine-Saint-Denis où de piètres logements trouvent preneurs uniquement parce qu'ils sont solvabilisés par l'APL.

M. Daniel Raoul.  - Très juste !

M. Philippe Dallier.  - Les aides sont distribuées de manière injuste : à revenu égal un couple de chômeurs est davantage aidé.

M. Joël Guerriau.  - En effet !

M. Philippe Dallier.  - Madame la ministre, ma question est simple : que comptez-vous faire de ce rapport ? (Applaudissements à droite)

M. Claude Dilain .  - Ce débat me rappelle le bon temps où je siégeais à la commission des affaires économiques.

Les chiffres ont été rappelés : 3,5 millions de mal-logés, dont 141 500 SDF. C'est énorme ! Autre point qu'on oublie souvent, 1,7 million demandes de logements sociaux pour 200 000 construits en 2014.

La crise du logement, cependant, n'est pas uniforme sur tout le territoire, nous le rappelions avec mon collègue Roche dans notre rapport; elle ne date pas d'hier. La France a un ratio de 5 logements construits pour 1 000 habitants, elle se situe plutôt dans la moyenne européenne et fait mieux que l'Allemagne dont le ratio est de 3 pour 1 000.

Face à cela, le gouvernement a pris des mesures, entre autres le renforcement du PTZ. Mais l'essentiel est la libération du foncier. En 2013, 1 800 logements ont été construits, 23 terrains ont été cédés sur les 43 hectares. En 2014, 7 terrains ont été cédés. Ce sont des résultats prometteurs.

Dans les quartiers populaires, le mal-logement entraîne un cercle vicieux de la paupérisation. Éric Maurin dans Le ghetto français le montre bien. Les logements sociaux y sont à la fois abondants mais insuffisants, comme si le logement social appelait le logement social. Et l'on voit des villes afficher un taux de logement social de 70 %, ce qui fait obstacle à la mixité sociale.

Ces logements sociaux y sont également inadaptés. Nous avons souvent des familles nombreuses avec plus de cinq enfants quand, dans les grands ensembles, on a plutôt construit dans les années 60 et 70 des F3 et des F4. Les déboutés du logement social se retrouvent, eux, dans des copropriétés dégradées, où sévissent les marchands de sommeil.

S'il faut construire du logement social, il faut également réhabiliter l'existant. L'action de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) le montre : avec des moyens moins importants, on peut améliorer l'offre et la qualité du logement. En 2014, 50 000 logements ont été rénovés dans le cadre du programme « Habiter mieux » - on aurait pu faire plus-, 1 000 logements dans le cadre de la lutte contre l'habitat indigne, 13 000 logements pour les copropriétés dégradées - merci madame la ministre pour les opérations concernant Clichy-sous-Bois et Grigny ; et, enfin, 15 000 logements pour l'adaptation à la perte d'autonomie. Ce sont des mesures essentielles pour les bénéficiaires mais aussi pour les artisans locaux qui effectuent les travaux. Quelque 42 % des travaux ont été réalisés en zone rurale, ce qui n'est pas indifférent à la ministre de l'égalité des territoires, et 34 % en zone urbaine.

Sur ce sujet transpartisan, inutile de se lamenter sur le constat, que chacun prenne ses responsabilités - je pense aux maires, en particulier.

Après les élections, on a vu bien des programmes interrompus. En tout cas, je suis certain que madame la ministre assumera ses responsabilités pour nous mener vers le bien-logement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Aline Archimbaud .  - Souffrance quotidienne que le mal-logement... J'étais il y a peu à Bobigny en Seine-Saint-Denis : j'y ai vu des jeunes, qui bénéficient pourtant d'une allocation grâce à l'expérimentation de la garantie jeunes, et ne peuvent pas accéder au logement. Certaines situations sont insolubles !

La loi Alur, accusée de tous les maux, a moins d'un an. Elle n'est pas encore complètement appliquée. Je regrette d'ailleurs le manque de portage politique, par le gouvernement, de certaines mesures, comme l'encadrement des loyers. Il existe bien d'autres causes : la frilosité des banques, le manque de foncier... Bref, la crise du logement ne date pas d'hier. La loi SRU, loi de la République, doit s'appliquer.

M. Joël Guerriau.  - Elle n'est pas bonne !

Mme Aline Archimbaud.  - On pourrait envisager la mobilisation du parc privé via le conventionnement. Le taux de relogement des bénéficiaires du Dalo est seulement de 46 %...

Il faudrait surtout élargir l'encadrement des loyers, qui se limite hélas à Paris. Le groupe écologiste regrette également la timidité des mesures sur l'aide à la rénovation énergétique.

Dernière piste : s'appuyer sur les initiatives d'innovation sociale. En Grande-Bretagne, Liverpool, dans le cadre du programme « Une maison pour une livre », a vendu des maisons vétustes à des particuliers contre l'engagement de faire des travaux de rénovation. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Joël Guerriau.  - En France, les communes sont ruinées par la loi SRU...

M. Michel Le Scouarnec .  - Moins de 300 000 logements en 2014, 10 millions de personnes touchées de près ou de loin par la crise du logement, voilà ce qui a amené nos collègues du groupe UMP à demander ce débat. Les investisseurs seraient découragés ? Mais les multiples mesures de défiscalisation ont conduit à construire trop de logements dans des agglomérations qui n'en n'avaient pas besoin... 34 000 euros par logement au titre du dispositif Pinel, 100 000 euros pour les donations sur les logements neufs, abattement de 30 % sur plus-values portant sur les terrains à bâtir : 300 millions sont allés à ceux qui détiennent déjà 50 % du patrimoine... Le bilan d'application de la loi SRU n'est toujours pas publié et la baisse des dotations aux collectivités territoriales va encore réduire leurs initiatives. La crise du logement est la face la plus criante de la crise que nous traversons.

Est-il normal d'attendre deux ans pour connaître les statistiques de l'expulsion locative, onze ans pour que l'Insee recense les SDF, 150 000 aujourd'hui ? Une politique du logement ségrégative a créé des ghettos, abîmé la mixité sociale. Trop de familles éligibles au Dalo ne se voient pas proposer de solutions. La priorité a été donnée aux investisseurs, non aux ménages. Pour ces derniers, c'est un cercle vicieux : pour avoir un logement il faut un travail ; pour avoir un travail, il faut un logement...

La construction et la rénovation de logements sociaux, voilà la priorité des priorités. C'est l'application de la loi SRU dans les années 2000 qui a soutenu le logement social. Pour le groupe CRC, il faut élargir le PTZ en direction des bailleurs sociaux, revaloriser le 1 % logement. Il reste des sommes importantes non utilisées dans le fonds géré par la CDC ; et 35 % de l'encours ne sont pas encore centralisés. Il faut aussi réfléchir aux logements du futur, écoresponsables et accessibles à tous. La BCE a annoncé qu'elle financerait la restructuration de dettes publiques et privées : profitons-en pour restructurer la dette de certains organismes HLM.

Il faudrait aussi moduler la taxation des plus-values foncières pour les terrains destinés à des programmes de logements sociaux, ou mettre sur pied un nouveau type de bail pour soulager les bailleurs sociaux.

Le logement est un droit dont l'application relève de l'État. Il faut asseoir cette politique sur des bases solides, humaines et justes.

« Construire des prisons est sans doute nécessaire, mais construire des logements en repensant à l'intérieur des cités tout ce qui fait la cohésion sociale, c'est plus urgent » disait l'Abbé Pierre. C'est la clé du vivre ensemble et de la mixité sociale.

M. Jean-François Mayet .  - Le logement est en crise. Aussi loin que je m'en souvienne, je l'ai toujours entendu dire comme si cette crise résistait à toutes les politiques depuis quarante ans. Jamais nous n'avons mis en adéquation l'offre de logements et les attentes des Français.

Je centrerai mon propos sur un sujet qui me tient à coeur, l'accession sociale à la propriété. Les premières initiatives dans les années 1920 allaient dans ce sens avec les coopératives de construction. Notre pays affiche le taux le plus faible de propriétaires en Europe, 56 %, tout en consacrant des sommes considérables aux aides à la location - pour un couple avec deux ou trois enfants, cela représente 300 000 euros sur la durée d'une vie. Cela n'en fait pas pourtant des habitants satisfaits, coopératifs et respectueux des biens qu'on leur confie... D'après des études sérieuses, on pourrait, à budget des ménages égal ou inférieur, engager ces personnes dans un parcours de location-accession à condition de s'y prendre tôt.

Aucune raison ne justifie d'écarter les plus modestes de l'accès à la propriété. Disposer d'un logement amorti à la retraite, n'est-ce pas rassurant ? Chaque locataire résidant doit avoir la possibilité de rester dans son logement ou d'en retrouver un équivalent. Est-il normal qu'une personne qui a été locataire toute sa vie soit privée du droit à la propriété ?

Développons les parcours de cession et d'accession à la propriété ciblés sous l'égide des bailleurs sociaux en les incitant à vendre une partie de leur patrimoine.

M. François Commeinhes .  - La politique du logement devient de plus en plus complexe. Les gouvernements ont multiplié les dispositifs coûteux pour soutenir le logement. Dans ma commune de taille moyenne, j'ai eu à faire face au dépeuplement du centre et à la détérioration des zones périphériques, bloquant les parcours résidentiels.

L'urbanisme et la construction souffrent de l'empilement des normes, le droit devient inaccessible ou inapplicable. Les dispositifs ne cessent de changer, au point qu'on ne peut les évaluer sérieusement. Les normes renchérissent le coût unitaire des logements. La loi Duflot a accentué le mouvement, même si la loi Pinel a tenté de rétablir un équilibre.

Malgré la décentralisation, le logement demeure une compétence de l'État. C'est lui qui fixe le montant des enveloppes, ce sont ses agences qui distribuent les aides sur les territoires, sans prise en compte des programmes locaux de développement durable de l'habitat. Il y a une crise de l'articulation entre le local et le national. Pourquoi ne pas décentraliser les aides à la pierre ? Mutualiser davantage ? Élargir le champ de la convention de délégation, introduite par la loi Alur, à une décentralisation de la participation des employeurs à l'effort de construction ? Ce serait un premier pas vers une décentralisation des aides à la personne... L'Agence nationale de contrôle du logement social pourrait être chargée de la collecte des fonds.

Revoyons aussi la cohérence entre les différents outils de planification, privilégions les objectifs qualitatifs, adaptons-nous à la diversité des territoires, tenons compte des bassins de vie, simplifions les dispositifs d'ingénierie. L'État doit faire davantage confiance aux collectivités territoriales. Il est urgent de rapprocher la décision des citoyens.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité .  - Je salue la qualité des interventions et de vos propositions, qui marque votre intérêt pour un sujet évidemment majeur et votre esprit de responsabilité. Pour que la confiance revienne, nous avons pris des mesures pragmatiques adaptées aux différentes situations et aux territoires.

MM. Lenoir, Guerriau et Le Scouarnec ont évoqué les chiffres de la construction. Le bâtiment est un secteur économique majeur, essentiel pour permettre aux Français de se loger dans des conditions dignes. Le gouvernement entend relancer la construction, dont la crise a commencé en 2009. Nous cherchons un rééquilibrage entre les territoires pour accentuer nos efforts sur les zones en pénurie. Cette année 110 000 logements sociaux ont été construits malgré la crise. Les mesures en vigueur depuis l'automne - nouveau dispositif de logement locatif, abattement sur les plus-values lors de la vente de terrain, élargissement du PTZ - n'ont pas encore produit leurs effets. D'autres ne sont applicables que depuis le 1er janvier.

Nous avons cinq priorités. Favoriser l'accession à la propriété est d'abord une des clés pour relancer la construction. Le PTZ a été élargi aux classes moyennes, et sera utilisable dans l'ancien dans 6 000 communes rurales pour revitaliser les centres-villes.

Ensuite simplifier les règles d'urbanisme pour faire baisser les coûts et accélérer les projets : 70 mesures de simplification ont été annoncées en juin. Le Conseil supérieur de la construction sera installé bientôt et évaluera leur impact.

Nous voulons ensuite soutenir la construction de logements intermédiaires. Le dispositif d'investissement locatif a été revu, l'État et la CDC prendront leur part de l'effort dans les zones les plus tendues. Les investisseurs institutionnels ont déserté, monsieur Lenoir, depuis vingt ans... Nous cherchons à les faire revenir avec une TVA réduite, une exonération du foncier. Le fonds Argos a levé 500 millions d'euros auprès des assureurs et des caisses de retraite.

Nous renforçons la mobilisation du foncier, public comme privé. Enfin, nous avons lancé un plan de rénovation du parc social ; les ressources des bailleurs sont mutualisées à hauteur de 750 millions, les prêts de la CDC ont été renforcés. Je pense aussi au crédit d'impôt transition énergétique, à la simplification de l'éco-PTZ ou au programme « Habiter mieux ».

Nous voulons que tous ces instruments soient accessibles et connus. Nous devons faire oeuvre de pédagogie pour les faire connaître.

Le dispositif de mobilisation du foncier public est pleinement opérationnel. J'ai installé la commission en juillet dernier. Elle a donné un véritable coup d'accélérateur à notre politique. Elle a établi un premier bilan des opérations de cession menées depuis la loi du 18 janvier 2013. Lors de ses trois premières séances, elle a examiné quinze terrains relevant de la défense, de l'intérieur, de Bercy et de RFF. Elle a décidé la cession de trois d'entre eux, les négociations sur cinq d'entre eux aboutiront au premier semestre 2015. L'arbitrage du Premier ministre a été sollicité pour deux projets à Paris, comprenant une centaine de logements. La prochaine réunion aura lieu le 10 février. Le décret soumettant les établissements publics de santé au régime de la décote a été signé le 30 décembre. Je veux souligner l'effort financier de l'État, 28 millions d'euros pour les premières cessions.

La loi Alur appelle 177 mesures d'application et une centaine de décrets. Le gouvernement a choisi de publier en priorité ceux qui touchent le pouvoir d'achat des ménages et la sécurisation des relations bailleurs-locataires. Deux tiers des textes seront publiés d'ici le printemps. Plusieurs décrets importants ont été pris comme celui créant le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières, l'encadrement des honoraires de location, l'encadrement des loyers au moment du renouvellement ou encore celui relatif aux opérations de requalification à Clichy.

L'encadrement des loyers se heurte à des difficultés techniques. Nous invitons les communes à créer les observatoires des loyers, car il faut recueillir des données précises avant de mettre en place un éventuel encadrement.

La caution locative pour les étudiants a été généralisée. Nous avons aussi conclu un accord avec Action Logement pour élargir la garantie universelle aux jeunes salariés, avant de le faire pour les personnes qui, recherchant un emploi, sont en mobilité géographique vers une zone tendue.

Le rapport d'inspection auquel MM. Lenoir et Dallier ont fait allusion, commandé en 2013, n'exprime pas la position du gouvernement. Certaines de ses préconisations sont d'ores et déjà appliquées : mutualisation de la trésorerie des bailleurs sociaux ; facilitation de l'accession sociale à la propriété dans le parc social ; renforcement du PTZ et encadrement des loyers à titre expérimental. D'autres sujets lourds appellent une réflexion approfondie. C'est le cas des aides personnelles au logement. L'Assemblée nationale a créé un groupe de travail sur ce thème après l'adoption de la loi de finances pour 2015. Le Sénat s'apprête à en faire de même. Les deux assemblées nous feront des propositions... La politique du logement a besoin de stabilité, mais nous sommes ouverts aux mesures qui favoriseraient la territorialisation de la politique du logement - cela va dans le sens du tour de France de la construction.

À la suite de la publication du rapport de la Fondation Abbé Pierre, j'ai proposé un plan triennal pour réduire le nombre des nuitées hôtelières. Nous déploierons 22 millions d'euros par an pour créer 13 000 places dans des dispositifs alternatifs, dont 9 000 places en intermédiation locative, 2 500 places d'hébergement dans des centres pour familles ou des logements sociaux vacants et 1 500 en maisons relais. Il faut ajouter 6 000 places dans des dispositifs alternatifs pour des demandeurs d'asile logés à l'hôtel.

Il faut aussi améliorer la prévention des expulsions. Les expulsions des ménages éligibles au Dalo sont suspendues tant que les préfets n'auront pas proposé de solution de relogement. Une charte sera élaborée en 2015 pour prévoir entre autres une procédure plus précoce de traitement des impayés.

Le gouvernement restera ferme sur l'application de l'article 55 de la loi SRU, moteur de solidarité entre les territoires. Les collectivités territoriales doivent prendre leurs responsabilités.

M. Joël Guerriau.  - Elles n'en ont pas les moyens !

Mme Sylvia Pinel, ministre.  - L'État prendra les siennes face aux communes récalcitrantes. L'État soutiendra les communes qui, comme la vôtre, monsieur Guerriau, s'efforcent de combler leur retard.

Monsieur Dilain, nous améliorons la transparence dans l'attribution des logements sociaux. Il faut réfléchir à l'échelle pertinente de traitement des dossiers. Un comité interministériel en traitera en mars.

Je salue l'action et l'efficacité de l'Anah. Nous avons déjà amélioré l'éco-prêt pour la rénovation du parc social. La loi sur la transition énergétique renforce plusieurs autres dispositifs. La priorité est donnée à la lutte contre la précarité énergétique.

Monsieur Le Scouarnec, le financement du logement social ne peut être abordé seulement sous l'angle des aides à la pierre. L'État a déjà fait beaucoup, TVA réduite, exonération de TFNB, prêts à taux faible de la Caisse des dépôts et consignations : tout est mis en oeuvre pour dynamiser la création et la rénovation de logements sociaux. L'innovation est soutenue, numérique dans les bâtiments, détection et emport de l'amiante, la formation des entreprises aux techniques innovantes.

Monsieur Mayet, la France n'a pas le plus bas taux de propriétaires en Europe. Elle occupe une position médiane.

Outre le PTZ dans le neuf, le PTZ dans l'ancien favorise aussi la mobilité, ainsi que l'élévation du plafond de ressources. Enfin, les procédures d'urbanisme ne seront pas oubliées par la loi Macron.

C'est en agissant sur tous les leviers que nous relancerons la politique du logement. Le gouvernement a besoin de la mobilisation de tous les acteurs pour réussir. Nous comptons sur le soutien des parlementaires pour y parvenir. (Applaudissements à gauche)

Le débat est clos.