Congés exceptionnels

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à allonger les congés exceptionnels accordés aux salariés lors du décès d'un enfant ou d'un conjoint.

Discussion générale

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - Cette proposition de loi tend à allonger les congés exceptionnels accordés à un salarié en cas de décès d'un enfant ou d'un conjoint.

Le décès d'un proche est toujours une épreuve, et il appartient à la société de manifester sa solidarité et son empathie à l'égard de ceux qui éprouvent une telle douleur. Cela doit se traduire par des droits, notamment à des congés d'une durée décente.

Aujourd'hui, cette durée varie selon le lien de parenté : deux jours pour le décès d'un enfant, le conjoint ou partenaire lié par un pacs, et un jour pour celui d'un père, d'une mère, d'un beau-père, d'une belle-mère, d'un frère ou d'une soeur.

Deux jours, c'est insuffisant, alors que quatre jours sont accordés pour un mariage, trois pour une naissance ou l'accueil d'un enfant adopté, un pour le mariage d'un enfant. Insuffisant aussi au vu des démarches complexes à accomplir en cas de décès, dans un état de choc. Il faut aussi organiser le retour à l'école des enfants, par exemple.

Dans certaines branches - métallurgie, bâtiment, transports routiers - des jours supplémentaires sont accordés. Un accord d'entreprise peut aussi le prévoir. Mais tous les salariés ne sont pas égaux ; certains ont recours à leurs congés annuels, ou à un congé maladie dont ce n'est pas l'objet. Dans tous les cas, il faut alors trouver un compromis avec son employeur et ses collègues.

Il est de notre responsabilité de remédier à cette lacune du droit. Sans prétendre quantifier la douleur, il s'agit de laisser un peu plus de temps aux personnes endeuillées, et d'alléger les contraintes matérielles qui pèsent sur elles.

Je me félicite donc que le groupe socialiste ait fait inscrire ce texte à l'ordre du jour du Sénat. Les auditions menées en 2011 à l'Assemblée nationale avaient montré l'unanimité des acteurs concernés. Sous une autre majorité, mon prédécesseur Xavier Bertrand avait donné un avis favorable : signe du consensus qui peut être trouvé sur des sujets graves.

Cette proposition de loi a un immense mérite : sa simplicité, qui garantira son applicabilité si vous la votez conforme. Ne repoussons pas encore l'entrée en vigueur d'un texte qui rassemble. Sur ce sujet, il n'y a ni droite, ni gauche, ni centre. Le gouvernement était favorable à ce texte en 2011 ; un gouvernement d'une autre couleur politique l'est encore en 2015. (Applaudissements à gauche)

M. Jérôme Durain, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Il y a quarante ans, les partenaires sociaux s'accordaient sur la possibilité de laisser les salariés s'absenter sans effet sur leur rémunération, en cas d'événement personnel, heureux ou malheureux. Il y a neuf ans, le Sénat, sur le rapport de Nicolas About, alors président de la commission des affaires sociales, allongeait le congé en cas de décès d'un proche. Il y a trois ans et demi, l'Assemblée nationale adoptait une proposition de loi semblable de Mme Delaunay. Tel est le parcours, inhabituel, de ce texte qui porte de deux à trois jours la durée du congé en cas de décès d'un conjoint ou partenaire de pacs et de deux à cinq jours celle du congé pour décès d'un enfant.

Il ne s'agit pas de hiérarchiser les épreuves de la vie, mais de considérer que deux jours ne suffisent pas à faire face au décès d'un conjoint ou d'un enfant. Cette proposition de loi rétablit en outre une égalité entre les salariés qui bénéficient d'accords collectifs favorables, et les autres.

Nous aurions pu aller plus loin en traitant le cas du décès d'un concubin ou d'un proche. D'aucuns, en commission, sont allés dans ce sens, quitte à repousser l'entrée en vigueur du texte. Notre responsabilité est néanmoins de faire voter rapidement ces mesures.

Le texte qui nous est soumis a été amendé en commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale. À la différence de la proposition initiale, il ne distingue pas selon que l'enfant est à charge ou non et ne prévoit pas d'augmentation en cas de décès d'autres parents proches. Il a fait ainsi l'unanimité. Je vous encourage à l'adopter en l'état. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Aline Archimbaud .  - Accepté par l'Assemblée nationale en novembre 2011, ce texte ne vient en débat au Sénat que trois ans et demi plus tard, malgré son caractère consensuel.

Il ne s'agit pas ici d'un détail technique, mais d'humanité et de solidarité nationale. Deux jours ne suffisent pas pour faire face émotionnellement à la perte d'un proche. La Direction générale du travail estime que 9,5 millions de salariés prennent en ce cas des congés d'une durée supérieure à celle que prévoit le code du travail. On fait comme on peut, en prélevant sur ses jours de congés ordinaires ou en se faisant faire un certificat médical de complaisance.

Cette proposition de loi met les salariés sur un plan d'égalité, en homogénéisant le droit. Elle fait converger les régimes de congés applicables aux décès avec ceux relatifs aux heureux événements concernant le conjoint ou les enfants. Votons-la conforme, pour garantir une application rapide. C'est une question d'humanité. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Dominique Watrin .  - Chacun connaît la douleur qui suit le décès d'un proche. Ces événements, qui jalonnent la vie de toute famille, sont inégalement surmontés selon les liens qui unissaient à la personne décédée et d'autant mieux que l'on aura pu engager sereinement le travail de deuil. Les durées de congé varient grandement selon les salariés, confrontés à des contraintes administratives et parfois géographiques. Nombre de salariés sont ainsi plongés dans la douleur sans l'accompagnement nécessaire, ce qui les contraint à demander un arrêt maladie. C'est inacceptable.

Un salarié bénéficie de quatre jours pour son mariage ou son pacs, mais de deux jours seulement pour le décès de son conjoint... Cette injustice sociale se double d'une rupture d'égalité entre salariés du privé et agents de la fonction publique.

Je regrette que, contrairement à ce que prévoyait le texte initial de Mme Delaunay, il ne soit plus question du décès des parents ou beaux-parents. Nous soutiendrons l'amendement portant à trois jours le congé pour faire face au décès du père ou de la mère, et regrettons la suppression des jours supplémentaires pour le décès d'un enfant à la charge du salarié.

Reste que ce texte offre des avancées humaines, nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Gilbert Barbier .  - J'ai bien entendu le ministre. Nous connaissons tous la situation dont il est question. Il ne s'agit pas de quantifier le malheur, bien sûr. Deux jours, c'est en effet trop peu, et moralement inadapté. Les salariés se voient contraints à solliciter des congés annuels, ce qui n'est pas satisfaisant, d'autant que certains bénéficient de conventions collectives plus favorables.

La proposition de loi initiale allait plus loin. Je regrette que la rédaction finalement retenue n'ait pas la même indulgence pour le décès d'un père ou d'une mère. Il faut plus de deux jours pour organiser les obsèques d'un parent, fortiori quand il était en Ehpad. Je vous proposerai un amendement sur ce point.

Un autre problème a été oublié. Sommes-nous là pour faire des textes à la va-vite ?

M. Charles Revet.  - Non : pour bien travailler.

M. Gilbert Barbier.  - Le texte élude la question des concubins. Je ne fais pas l'apologie du concubinage, je me contente de constater que c'est un mode de vie de couple très répandu. Pour être complète, la loi doit inclure les concubins.

Le texte porté par le groupe centriste du Sénat, à l'initiative du président About, étendait le bénéfice du congé exceptionnel à la personne confrontée au décès d'un concubin : c'était de bon sens, car la situation ne diffère pas de celle des couples mariés ou pacsés. La législation sociale traite déjà les concubins comme les époux. Nous devons légiférer en prenant en compte de la société telle qu'elle est.

Mme Delaunay avait proposé d'étendre la disposition au décès d'un père ou d'une mère ; la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale l'avait rejetée suite à un malentendu. Le ministre lui-même avait rappelé en séance que le texte pourrait être rectifié par le Sénat. C'est ce que je vous proposerai de faire.

Je comprends bien l'intérêt d'adopter conforme ce texte que l'Assemblée nationale nous a transmis le 23 novembre 2011. Nous avons déjà perdu beaucoup de temps et il ne faudrait pas en perdre davantage. Pour autant, je pense que mes amendements seront très utiles aux salariés qui ne bénéficient pas de conventions collectives généreuses. Même s'ils représentent une charge supplémentaire pour les entreprises, celle-ci sera infime.

Mme Françoise Gatel .  - Je regrette la lenteur du processus institutionnel : nous examinons en 2015 un texte voté au Sénat dès 2006, à l'initiative de Nicolas About, sénateur centriste qui présidait alors la commission des affaires sociales ! Les congés exceptionnels permettent aux salariés de faire face à l'urgence et de gérer émotionnellement et administrativement un événement dramatique.

Pourquoi prévoir plus de congés pour un événement heureux que pour un événement tragique, de surcroît non anticipable ? Deux jours ne suffisent pas pour organiser des obsèques et se remettre d'une telle épreuve. Et si les entreprises sont souvent solidaires, le dialogue avec l'employeur n'est pas toujours facile, obligeant les salariés à puiser dans leurs congés annuels ou à demander un certificat médical de complaisance.

La proposition de loi votée par l'Assemblée nationale limite le poids de la charge financière pour les entreprises en bornant l'application du dispositif ; elle fait converger les règles applicables aux salariés, qu'ils soient ou non couverts par une convention collective, les fonctionnaires bénéficiant, eux, d'un régime propre.

Nous voterons ce texte qui promeut l'humanisme et la solidarité. (Applaudissements)

M. Philippe Mouiller .  - Je salue le travail de Jérôme Durain sur ce texte.

Les congés spéciaux datent de la loi du 19 janvier 1978. Compte tenu de la situation de nombreux salariés, il est curieux que le gouvernement n'ait pas songé à inscrire plus tôt à notre ordre du jour ce texte, voté il y a trois ans et demi à l'Assemblée nationale.

La durée des congés pour événements familiaux est bien courte, surtout pour les plus tragiques, qui ne peuvent être anticipés. Deux jours pour préparer des funérailles, c'est bien dérisoire. Certes, les salariés peuvent trouver compréhension et compassion chez leurs collègues, mais cela demeure aléatoire.

Un amendement de M. Barbier adopté ce matin en commission étend le bénéfice du délai de trois jours au décès d'un concubin. Nous le soutenons. Au gouvernement de trouver le moment, dans le calendrier parlementaire, pour faire adopter ce texte.

Cette proposition de loi harmonise les règles applicables aux salariés du secteur privé. Une négociation préalable entre partenaires sociaux aurait été bienvenue, comme une projection du coût d'une telle mesure pour les entreprises. Dans le contexte économique actuel, de nombreux entrepreneurs sont inquiets et demandent que l'on diffère l'application de cette mesure...

J'aurais également souhaité que la fonction publique soit traitée à la même enseigne : actuellement, le congé est de trois jours pour le décès d'un enfant ou d'un conjoint, allongé de 48 heures si le salarié doit se déplacer. Dans ces moments douloureux, nos concitoyens doivent être traités de la même manière.

Nous voterons en faveur de ce texte, et des amendements de M. Barbier. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Pierre Godefroy .  - Cette proposition de loi avait rencontré en commission l'assentiment général. C'est moins vrai depuis le dépôt des amendements de Gilbert Barbier...

Nicolas About doit être ravi que l'idée qu'il avait soumise en 2006 soit reprise aujourd'hui. Son texte était alors largement soutenu, mais les réticences de certains partenaires sociaux n'ont pas permis son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Le ministre du travail de l'époque Xavier Bertrand avait apporté tout son soutien à un texte au périmètre restreint ; l'Assemblée nationale l'a voté en 2011.

Mettons un terme à la navette ! Sans doute aurions-nous pu introduire ce texte plus tôt, dans une niche socialiste... Il faut reconnaître que la précédente majorité de l'Assemblée nationale n'a pas été plus réactive, entre la proposition de loi About et celle de Mme Delaunay. Nous y sommes, mieux vaut tard que jamais !

Mettons fin à une hypocrisie : Michèle Delaunay, elle-même médecin hospitalier, rappelait que ce sont souvent les médecins de famille qui prolongent le congé d'un salarié en cas de décès d'un proche, en signant un arrêt maladie - dont le coût pèse sur les comptes sociaux et non sur l'employeur.

Nous espérons un vote unanime du Parlement sur ce texte humaniste. Avançons une bonne fois pour toutes. M. Mouiller évoque des demandes extérieures de report... On imagine de qui elles viennent... Devons-nous céder à ces pressions ?

M. Philippe Mouiller.  - Non !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Suivons le gouvernement : votons conforme ce texte très humain et très social. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Brigitte Micouleau .  - Cette proposition de loi déposée par Mme Delaunay modifie les autorisations d'absence des salariés en cas de décès d'un proche. Elle a fait l'objet d'un large consensus, et je m'en réjouis. Issue de l'Assemblée nationale, elle fait néanmoins écho à d'anciennes préoccupations sénatoriales.

C'est l'article 3142-1 du code du travail qui fixe le régime applicable à de telles situations. Le décès d'un enfant, contraire à l'ordre des choses, bouleverse une vie. Or les congés accordés dans ce cas sont moins longs que ceux accordés pour un événement heureux, mariage ou naissance. Résultat : les salariés puisent dans leurs congés annuels ou sollicitent un arrêt de travail.

Cette proposition de loi augmente la durée du congé, tout en limitant la charge supportée par les entreprises : cinq jours pour le décès d'un enfant, trois jours pour le conjoint. Nous la soutiendrons, ainsi que les amendements de Gilbert Barbier. (Applaudissements à droite)

M. Daniel Chasseing .  - Ce texte fait consensus, ce qui facilite notre tâche de parlementaires. Déposé par Mme Delaunay, il fait suite à plusieurs propositions, notamment de M. Taugourdeau, député UMP. Les représentants des associations familiales et des syndicats le soutiennent largement.

La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a supprimé du champ du texte la fratrie et la belle-famille : ne sont plus concernés que les enfants et conjoints, mariés ou liés par un pacs. Après quoi les députés l'ont adopté à l'unanimité.

Médecin, j'ai mesuré le trouble psychique suscité par ces moments douloureux de l'existence. Maire, j'ai constaté le temps que prenaient les démarches nécessaires en ces circonstances. Parlementaire, j'approuve cette modification de notre droit du travail : vivre son deuil sans avoir à se justifier auprès de son employeur est un droit élémentaire.

Il est curieux que les congés pour événements heureux aient été allongés depuis longtemps, et pas ceux liés aux drames de la vie. Ce texte met un terme à cette anomalie.

La représentation nationale mériterait des éclaircissements sur les raisons du report de l'inscription de ce texte à l'ordre du jour pendant si longtemps...

Je voterai le texte de la commission, étendu aux concubins. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. François Rebsamen, ministre .  - Nous souhaitons tous que soient prises en compte les situations de détresse. Les règles du privé et du public divergent encore, c'est vrai : ainsi que d'une branche à une autre, jusqu'à cinq jours dans la banque, quatre jours dans le bâtiment, trois dans les transports publics... C'est trois jours dans le secteur public, qui n'est donc pas plus avantagé que toutes les branches. Nous avons l'occasion d'avancer vers plus d'égalité.

Je regrette la durée de la navette, et assume une part de responsabilité. Mais cinq ans entre la proposition de loi About et le vote à l'Assemblée nationale, c'est long aussi !

Les amendements de M. Barbier sont estimables. À vous à présent de trancher entre une mise en oeuvre immédiate par un vote conforme, et une modification du texte qui relancerait la navette. Le texte de Nicolas About ne faisait pas consensus à l'Assemblée nationale ; le consensus avait été habilement trouvé par Xavier Bertrand.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Barbier et les membres du groupe du RDSE.

Alinéa 3

Après le mot :

conjoint

insérer les mots :

, du concubin 

M. Gilbert Barbier.  - Cet amendement étend le bénéfice du congé au décès du concubin du salarié, nous en avons déjà largement parlé. Je voudrais d'ailleurs ajouter « notoire ».

Monsieur le ministre, vous pouvez demander un vote conforme à l'Assemblée nationale, et faire adopter ce texte définitivement d'ici un mois.

M. Jérôme Durain, rapporteur.  - La commission, ne suivant pas son rapporteur, a émis un avis favorable à cet amendement. À titre personnel, je vous suggère de le retirer.

Quand sera-t-il voté définitivement ? Je suis un jeune sénateur ; j'ai compris que l'organisation de l'ordre du jour n'était pas une science exacte... Nous pourrons revenir sur votre proposition dès le mois de juin, à l'occasion de l'examen du projet de loi sur le dialogue social. Avançons dans l'intérêt des familles éprouvées.

M. François Rebsamen, ministre.  - Cet amendement est estimable. Mais au-delà de la question de l'applicabilité immédiate du texte par un vote conforme, vous modifiez substantiellement la proposition de loi dont vous voulez changer le titre. De cette manière, vous rouvrez un débat en cours depuis 2006... Sans compter que de nombreux autres textes sont en préparation ! Faut-il courir le risque de remettre en cause le consensus que Xavier Bertrand avait obtenu de main de maître ?

Retrait ? Sinon, sagesse.

M. Gilbert Barbier.  - Invoquer l'argument de l'urgence, c'est un peu dérisoire... Je veux bien retirer l'amendement n°3 rectifié, qui porte sur l'intitulé et n'a pas une grande portée. Mais on ne peut exclure tout un pan de la société... Nous sommes nombreux à avoir eu à gérer le décès d'un père ou d'une mère, à devoir se rendre dans un Ehpad, aux heures d'ouverture... C'est un oubli à l'Assemblée nationale de n'avoir pas cité le concubin, le père ou la mère. Aucune force occulte n'est à l'oeuvre. Je suis sûr que Mme Delaunay approuverait mes amendements. Cela dit, je retire l'amendement n°3 rectifié.

L'amendement n°3 rectifié est retiré.

M. Claude Bérit-Débat.  - Je m'interroge. Chacun reconnaît l'intérêt humain de cette proposition de loi. Chacun regrette que les choses aient tant traîné. L'intervention de M. Mouiller a introduit un doute dans mon esprit : les entreprises souhaiteraient que cette mesure soit différée... J'espère - et vous me démentirez - que ces amendements n'ont pas une visée dilatoire ! Je suis pour ma part très favorable à un vote conforme et suivrai le ministre et le rapporteur.

Mme Nicole Bricq.  - Très bien.

M. François Fortassin.  - Notre rapporteur s'est exprimé, avec talent, sur la forme. Sur le fond, il y a un problème. Si on ne veut pas perdre de temps, il ne faut plus déposer d'amendement ! Au gouvernement, au ministre chargé des relations avec le Parlement de faire en sorte que cette proposition de loi - excellente - soit rapidement votée. Mais ne refusons pas de l'améliorer !

M. Daniel Chasseing.  - Les amendements de M. Barbier sont pragmatiques, nous les soutenons de parfaite bonne foi. Le concubinage est un fait de société.

Mme Aline Archimbaud.  - Bien sûr, toute proposition de loi est perfectible, et je comprends les préoccupations de M. Barbier. Mais ce texte est attendu depuis neuf ans. Tout le monde reconnaît qu'il faut légiférer. Mettons un terme à la navette. L'ordre du jour de l'Assemblée nationale est surchargé, on le sait. Le bon sens, la raison, l'humanité exigent un vote conforme. À défaut, on pourrait s'interroger sur d'éventuelles pressions extérieures...

Mme Françoise Gatel.  - Les amendements de M. Barbier ne sont pas « estimables », monsieur le ministre, mais justes : il y a des conjoints mariés, des conjoints pacsés, et des conjoints concubins. Ne confondons pas vitesse et précipitation. Nous ne pouvons nous contenter d'une loi incomplète.

M. Philippe Mouiller.  - Nouveau parlementaire, j'ai l'habitude, sur tous les textes, de me poser des questions et de discuter sur le terrain.

Mme Nicole Bricq.  - Vous ne voulez pas de cette proposition de loi, on l'a compris !

M. Philippe Mouiller.  - Je vais essayer de lever les doutes... Si, en effet, les entreprises s'interrogent sur le coût du texte, les retours sont très favorables. C'est ce que j'ai dit à la tribune, sans aucune arrière-pensée. La question du concubin est une vraie question ; je ne vois pas pourquoi on n'adopterait pas les amendements de M. Barbier tout en assurant une application rapide du texte.

M. Jean-Noël Cardoux.  - Débat complexe, dans lequel tout le monde a raison... La société évolue, l'amendement de M. Barbier est totalement légitime ; nul doute que Mme Delaunay l'aurait approuvé. En le votant, nous allons retarder de quelques semaines l'application de ce texte ; c'est vrai et c'est un dilemme. Mais ce matin, en commission, nous avons voté cet amendement. Je ne vois pas que nous changions de position entre 10 heures et 18 heures. Nulles pressions extérieures du Medef ou de la CGPME, nous sommes guidés par le pragmatisme et l'équité, par le constat de l'évolution de la société.

Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous saurez faire adopter rapidement ce texte à l'Assemblée nationale. (« Très bien », à droite)

M. Jean Desessard.  - Le mieux est parfois l'ennemi du bien. J'ai voté cet amendement en commission mais M. le ministre m'a convaincu. Il faut aller vite. L'amendement concernant les concubins sera adopté rapidement, sur un prochain texte - plus rapidement même que si nous relançons la navette sur celui-ci. On gagne sur les deux tableaux !

Pas de pressions extérieures, dites-vous. Cette mesure coûte cher, dit M. Mouiller. Avec l'amendement de M. Barbier, cela coûtera encore plus cher !

Adoptons la proposition de loi conforme, pour aller vite, et intégrons les amendements de M. Barbier à un prochain texte.

M. Jean-Louis Tourenne.  - À quoi serviraient les débats dans l'hémicycle si les choses étaient figées en commission ?

M. Roland Courteau.  - Très bien.

M. Jean-Louis Tourenne.  - Tout le monde est d'accord pour étendre ces droits aux concubins.

Mme Françoise Gatel.  - Alors faisons-le !

M. Jean-Louis Tourenne.  - Allons-nous porter la responsabilité d'expliquer aux salariés que nous reportons l'application de ce texte au motif qu'il n'est pas tout de suite applicable aux concubins ? Ces derniers n'y gagneraient rien, alors que ce droit peut leur être étendu par un prochain texte.

M. Gilbert Barbier.  - Rappel au Règlement ! Ma probité a été mise en cause. Je suis parlementaire depuis 1978, j'ai soumis cet amendement à mon groupe, c'est tout. Je n'ai pas consulté le Medef, le patronat, ou qui que ce soit. J'ai travaillé avec M. About, dont le texte incluait les concubins. Je suis sûr que Mme Delaunay est sur la même ligne.

Le Sénat est là pour faire des lois correctes et abouties. Je sais qu'il y a des partisans du monocamérisme, ce n'est pas mon cas. Je n'ai besoin de personne pour déposer des amendements. (Applaudissements sur les bancs RDSE, UDI-UC, UMP)

M. François Rebsamen, ministre.  - Je me félicite de voir le Sénat sensible aux évolutions de la société. Vos amendements, monsieur Barbier, sont très estimables, je l'ai dit. M. Desessard a cité Voltaire, à raison. Mme Delaunay ? Le texte a été voté à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Peut-on l'améliorer ? Il faut inclure les concubins, c'est une évidence. Mais si ce texte retourne à l'Assemblée nationale, on va rouvrir le débat, notamment sur les beaux-parents. Ce sera difficile de trouver à nouveau l'unanimité sur ce sujet, cela avait pris beaucoup de temps à mon prédécesseur.

Quant à la maîtrise du calendrier parlementaire, c'est un mauvais argument : vous savez combien il est encombré, notamment lors des semaines réservées au gouvernement.

On ne pourrait changer d'attitude entre le matin et le soir ? Vous avez bien changé d'attitude entre le premier et le second vote en commission...

À la demande du groupe RDSE, l'amendement n°1 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°116 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 318
Pour l'adoption 198
Contre 120

Le Sénat a adopté.

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Barbier et les membres du groupe du RDSE.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le 6° de l'article L. 3142-1 du code du travail est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« 6° Trois jours pour le décès du père ou de la mère ;

« 7° Un jour pour le décès du beau-père, de la belle-mère, d'un frère ou d'une soeur. »

M. Gilbert Barbier.  - Cet amendement va peut-être un peu loin. J'ai entendu la remarque du ministre sur le « parent proche ». Il faudra revenir sur la question du père et de la mère dans un prochain texte.

L'amendement n°2 rectifié est retiré.

L'article premier, modifié, est adopté.

L'article 2 demeure supprimé.

Interventions sur l'ensemble

M. Jean-Pierre Godefroy .  - Le groupe socialiste, en regrettant le retard que va engendrer l'adoption de l'amendement de M. Barbier, votera la proposition de loi.

Mme Aline Archimbaud .  - Même position pour le groupe écologiste, qui regrette également ce retard.

M. Jean-Noël Cardoux .  - Merci à M. Barbier d'avoir retiré son deuxième amendement, preuve de sa bonne volonté ; cela facilitera une adoption rapide à l'Assemblée nationale.

Mme Nicole Bricq.  - Cela dure depuis 2006...

M. Jean-Noël Cardoux.  - Le groupe UMP votera bien entendu cette proposition de loi.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

M. le président.  - Le vote est acquis à l'unanimité.