Financement de la sécurité sociale pour 2016 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

Explications de vote

M. Olivier Cigolotti .  - L'évolution des comptes de la sécurité sociale doit être appréciée avec prudence : le redressement notable du déficit, puisqu'il se réduit de 3,1 milliards d'euros par rapport à 2015, s'explique en grande partie par des artifices comptables tel le transfert de charges liées à la mise en oeuvre du pacte de responsabilité - ou à des mesures anciennes, comme la réforme des retraites de 2010, qui explique que la branche vieillesse se rapproche de l'équilibre en 2015. Quant au retour à l'équilibre des comptes sociaux dans leur ensemble, initialement annoncé pour 2014, puis 2017, il est repoussé à 2020, voire 2027.

En outre, la dette de l'assurance chômage s'élèvera à 35 milliards d'euros en 2018, soit une année de recettes, et 23 milliards d'euros de dettes sont transférés à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), dont le plafond sera épuisé dès 2016.

Voilà qui laisse planer le doute sur la sincérité de ce budget. Aussi le groupe UDI-UC a-t-il voté les amendements de suppression des tableaux d'équilibre. Je salue à ce propos l'excellent travail de notre rapporteur général, Jean-Marie Vanlerenberghe et du rapporteur pour la branche vieillesse Gérard Roche.

Nous nous réjouissons des suppressions des articles 19 et 21. Le premier rattachait les marins résidant en France, travaillant sur des navires battant pavillon étranger au régime de base de la sécurité sociale, ce qui fragilisait leur emploi. Il a été supprimé grâce à un amendement de Françoise Gatel. Le second accentuait la fragmentation du marché des assurances complémentaires santé aux dépens des seniors.

En attendant une réforme systémique de notre régime de retraite, par point ou par compte notionnel, ce texte a été amélioré, notamment par la prolongation d'un an de l'âge d'ouverture des droits à retraite. Il a été rendu plus équitable, à l'égard des particuliers employeurs, des Français de l'étranger car il fallait tirer les leçons de l'arrêt de Ruyter ou encore entre les salariés du privé et fonctionnaires avec le rétablissement des trois jours de carence dans la fonction publique hospitalière. (Protestations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

D'autres chantiers sont à peine ouverts : celui de l'articulation entre l'hôpital et la médecine de ville, de la lutte contre les actes inutiles et la sur-prescription ou encore des mesures à prendre pour enrayer la désertification médicale.

Conscient des difficultés, le groupe UDI-UC votera ce projet de loi de financement de la sécurité sociale tel qu'il a été amélioré par le Sénat. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains)

Mme Annie David .  - Une pensée tout d'abord pour les victimes des attentats et leurs proches. Je salue aussi l'action de tous nos services de secours qui ont sauvé bien des vies.

Cette année, nous fêtons le soixante-dixième anniversaire de la sécurité sociale. Ambroise Croizat l'avait conçue comme un système de solidarité, entre professions, actifs et retraités, bien portants et malades. Vous vous employez à la déconstruction de ce modèle, en favorisant un système à deux vitesses où les plus riches pourront se protéger à coup de mutuelles et d'assurances. La modulation des allocations familiales casse le principe d'universalité.

Une approche strictement comptable n'est pas satisfaisante. Tous nos amendements visant à dégager de nouvelles recettes sur les revenus du travail pour une véritable sécurité sociale, une prise en charge à 100 %, ont été déboutés.

Les hôpitaux sont si asphyxiés que les patients sont renvoyés le plus vite possible chez eux. C'est cela le virage ambulatoire, alors que la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) est ponctionnée, que l'on rétablit les jours de carence pour les fonctionnaires, parallèlement les efforts demandés aux entreprises baissent. (Protestations à droite)

C'est pour financer ces baisses de recettes que le budget de l'État est mis à contribution, ce qui entraîne toujours plus d'impôts pour les ménages, un service public dégradé, avec toujours moins de fonctionnaires dans les hôpitaux en particulier. Pourtant, ils ont fait la preuve de leur dévouement ce week-end. (Vives protestations à droite)

M. Éric Doligé.  - Instrumentalisation politique !

Mme Annie David.  - Plutôt que de multiplier les exonérations de cotisations patronales, au profit des grosses entreprises, de leurs actionnaires et dirigeants, nous proposions de mettre à contribution les dividendes, de moduler les efforts demandés aux entreprises en fonction de leur politique à l'égard de l'emploi. L'accent sur la prévention, notamment en matière de contraception, est un début, il faudra aller plus loin. Aucun de nos amendements tendant à mieux protéger les travailleurs de l'amiante, mais aussi à faciliter l'accès aux soins sur le territoire, en zone rurale, de montagne ou péri-urbaine, n'a été retenu.

Pire, la droite sénatoriale a aggravé le texte, allant jusqu'à le voter sans ses dispositions financières. Un comble ! (Exclamations à droite)

M. Jean Desessard.  - Eh oui !

Mme Annie David.  - Elle a même repoussé l'âge de la retraite jusqu'à 63 ans en catimini la nuit... (Protestations à droite)

M. Jean Desessard.  - Eh oui !

Mme Annie David.  - Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale marque un recul, que le groupe communiste républicain et citoyen ne peut pas accepter. (Bravos et applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; on applaudit aussi sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Yves Daudigny .  - Mes pensées vont d'abord aux victimes des attentats, à leurs proches et à tous les services de secours et de santé dont je salue le dévouement. (Applaudissements à gauche ainsi que sur plusieurs bancs au centre et à droite)

La droite sénatoriale, dénaturant le projet de loi de financement de la sécurité sociale, a dévoilé ses contradictions au grand jour : depuis des années, elle réclame la baisse des déficits mais refuse de voter ce texte d'équilibre.

En quatre ans, le déficit du régime général a été divisé par deux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE) Celui de l'ensemble des régimes obligatoires de base a été divisé par trois. La branche accidents du travail-maladies professionnelles est excédentaire depuis quatre exercices. La branche vieillesse le sera pour la première fois depuis 2004 - son déficit a été divisé par huit et celui de la branche famille est réduit des deux tiers. Les choix responsables et les réformes engagées depuis 2012 donnent des résultats et la trajectoire financière de notre système de protection sociale s'inscrit dans une dynamique à nouveau positive. (M. Francis Delattre proteste)

Au surplus, la droite a voté 600 millions d'euros, non d'économies mais de charges nouvelles ! Dommage qu'elle ait préféré rester dans le symbole, supprimant les articles d'équilibre obligatoires. Cela aura pour effet de priver nos hôpitaux de toute recette et de toute dépense...

Mme Nicole Bricq.  - Ce qui n'est pas glorieux !

Mme Catherine Génisson.  - En effet !

M. Yves Daudigny.  - La majorité sénatoriale a supprimé l'assujettissement à toute contribution sociale du patrimoine immobilier des personnes non résidentes tout en portant l'âge de la retraite à 63 ans. Comprenne qui pourra...

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte de grandes avancées comme la protection universelle maladie, la gratuité de la contraception pour les mineures ou celle du dépistage du cancer du sein.

Certains de nos amendements ont déclenché une susceptibilité épidermique. Nous les avons retirés. Il ne s'agissait pourtant que d'inscrire dans la convention médicale les recommandations de la Haute Autorité de santé sur les prescriptions ou de clarifier l'astreinte médicale.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste et républicain ne pourra pas voter le texte récrit par le Sénat. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

Mme Aline Archimbaud .  - Après l'effroi, nous restons mobilisés et solidaires reprenons nos travaux...

Le texte de l'Assemblée nationale comportait de bonnes mesures : prévention, dépistage du sein, protection maladie universelle, etc.

Toutefois certaines mesures ne sont pas justes. Notre modèle fondé sur la solidarité est mis en danger à cause des déficits. Ceux-ci ont baissé ces dernières années. Mais la baisse ne sera durable que si nous développons la prévention. D'où nos amendements, malheureusement rejetés, sur l'accès aux soins ou l'aspect environnemental de la santé.

De même, nous proposions avec bon sens d'aligner le taux de taxation de l'huile de palme sur les autres produits. Cette huile fait courir un risque à la santé des consommateurs tandis qu'elle est responsable de la déforestation dans les pays émergents, de la spoliation par des multinationales de millions de petits agriculteurs dans ces pays, qui rejoindront les rangs des réfugiés climatiques.

Le débat sur le diesel n'a pas eu lieu. Dommage. Était-il utile de revenir sur le seuil de taxation des parachutes dorés ou de rétablir le jour de carence dans la fonction publique hospitalière ?

De même, l'âge de la retraite aurait mérité un débat approfondi et non précipité.

Le groupe écologiste ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs à gauche)

M. Jean Louis Masson .  - À cause du ticket modérateur à leur charge, des milliers de petits retraités ne peuvent se soigner. D'autant plus injuste que l'aide médicale de l'État (AME) donne aux étrangers la gratuité des soins. (Huées à gauche)

M. Dominique Bailly.  - Honte à vous !

M. Jean Louis Masson.  - Il n'y a qu'en France que les étrangers voient leur paire de lunettes remboursée intégralement ! (Protestations à gauche ; MM. David Rachline et Stéphane Ravier applaudissent)

Mme Éliane Assassi.  - C'est votre obsession l'AME !

M. Jean Louis Masson.  - Résultat : le déficit s'aggrave et ce sont les Français qui paient. (Nouvelles protestations) On veut me faire taire ! Les terroristes d'aujourd'hui sont issus de l'immigration d'hier. (Même mouvement) Je le répète ! Il n'est que de lire leurs noms (Vives protestations à gauche ; M. Stéphane Ravier applaudit)

M. Dominique Bailly.  - Et les victimes des attentats ? Cela mériterait un rappel au Règlement !

M. Gilbert Barbier .  - Nos débats, empreints de respect et de dignité, ont infléchi le texte de l'Assemblée nationale. Il ciblait la médecine libérale et les classes moyennes.

M. Hubert Falco.  - Comme toujours !

M. Gilbert Barbier.  - Trois ans et demi après, on ne peut plus invoquer l'héritage pour excuser le présent. (Applaudissements au centre et sur les bancs du groupe Les Républicains)

Les articles d'équilibre ont été légitimement rejetés : les économies attendues sur l'Agirc-Arrco, sur lesquelles le Gouvernement n'a en réalité aucune prise, et le versement au troisième mois de la prime de la natalité sont des économies bien aléatoires. Pour assurer un équilibre pérenne à la branche vieillesse, notre rapporteur Gérard Roche a proposé un report réaliste de l'âge de la retraite.

Notre groupe RDSE est satisfait que le Sénat ait supprimé l'article 21 à son initiative, ait défini le contrat de coopération des ophtalmologistes avec les orthoptistes, tout en rétablissant un crédit d'impôt de 1,5 euro par heure pour les particuliers employeurs.

Ce texte organise l'étatisation rampante de la sécurité sociale. Et j'en veux pour preuve, la proposition de M. Daudigny de rétablir une obligation individuelle de permanence des soins.

Dans sa tradition, le groupe RDSE laissera chacun de ses membres libre de son vote sur ce texte, que je voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, ainsi que sur plusieurs bancs au centre et à droite)

M. Alain Milon .  - Après l'effroi et la douleur, face à un monde indicible de haine et de violence, alors que mes pensées se portent inlassablement vers les victimes, nous avons l'obligation de servir avec humilité le bien commun : assurer à chaque femme et à chaque homme les soins dont ils ont besoin et à moindre coût.

Si nous nous rassemblons presque tous autour de ces principes fondamentaux de notre protection sociale, nous divergeons sur la forme, sur les moyens d'atteindre un équilibre des comptes : garantie du versement de la prime à la naissance avant l'accouchement, instauration de trois jours de carence dans la fonction publique hospitalière, report de l'âge de la retraite... Si nous ne divergeons que sur la forme, et non sur le fond, est-ce bien utile d'étaler nos petits désaccords aux yeux du monde en ces temps si troublés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et quelques bancs au centre ; exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Tous les médecins, hospitaliers et libéraux, ainsi que tous les professionnels, médicaux et paramédicaux, se sont mobilisés pour porter secours aux victimes. Le corps des soignants dans ce pays est remarquable, performant et dévoué, il mérite qu'on mette de côtés nos petites divergences pour leur montrer combien nous leur sommes reconnaissants. (Applaudissements à droite et au centre)

Au lendemain des attentats concertés du 13 novembre, nous devons, face à des terroristes qui cherchent à nous réduire au silence, en faisant croire que leur mort aurait plus de sens que notre vie, montrer que nous continuons ici à débattre, à faire vivre la démocratie, à partager, à nous exprimer, à échanger des mots. Des mots qui, si dérisoires soient-ils, sont synonymes de liberté, d'égalité et de fraternité. (Vifs applaudissements à droite, au centre et sur une partie des bancs du groupe RDSE)