Lutte antiterroriste (Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons la suite de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 3 (Suite)

M. Michel Mercier, rapporteur .  - Depuis le début de notre débat, on entend répéter que la proposition de loi mériterait d'être réécrite, que le projet de loi est mieux rédigé... Les parlementaires ont-ils oui ou non l'initiative des lois ?

Nous ne disposons certes pas de l'expertise du Conseil d'État, mais nous avons fait appel aux praticiens, et c'est d'ailleurs un conseiller d'État, président de notre commission, qui a rédigé ce texte. Au bout du compte, il y aura une loi votée par le Parlement, dont je souhaite qu'elle rassemble tous ceux qui veulent armer le juge pour lutter contre le terrorisme tout en respectant les libertés fondamentales. Sommes-nous en 1799, quand Sieyès voulait que la loi fût rédigée par le Conseil d'État et seulement votée par le Parlement ?

À vous, Monsieur le ministre, de faire en sorte que votre texte s'amalgame à celui-ci. Aidez-nous et nous vous aiderons, monsieur le ministre ! (Applaudissements à droite)

M. André Reichardt.  - Très bien !

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre .  - À votre ouverture répond mon pragmatisme. J'estime qu'une autre écriture est possible, mais le Parlement est souverain ; d'ailleurs, le Gouvernement se garde de se montrer fermé. Sur le fond, nous sommes d'accord - pour l'essentiel. Le Conseil d'État ne fait pas la loi, le Gouvernement s'inspire seulement de ses avis, comme des positions du Sénat, et assume ses positions.

L'article 3 est adopté.

ARTICLE 4

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Jusqu'à présent, les juges d'instruction du pôle anti-terroriste de Paris n'ont jamais eu recours à la captation des données informatiques à distance, en raison de la procédure d'autorisation ministérielle... et en l'absence de mesures d'application. Cet article supprime donc l'autorisation ministérielle préalable, étendant aux juges le recours aux techniques de surveillance jusqu'ici réservées aux services de renseignement, mais sans aucun encadrement ; notamment sur la conservation des données captées... Nous demandons sa suppression.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°30, présenté par le Gouvernement.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Cet amendement de suppression est en fait de clarification. La LOPPSI II du 14 mars 2011 a prévu l'agrément et l'homologation de ces chevaux de Troie, à la demande de la CNIL. L'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI) est donc habilitée à donner cette autorisation, pour garantir la protection de la vie privée. L'absence d'habilitation frappe de nullité la procédure.

De notre point de vue, cette autorisation par l'ANSSI doit absolument être maintenue. Nous souhaitons limiter l'usage de ces techniques aux officiers de police judiciaire. Ce n'est pas l'habilitation, très rapide, qui posait problème, mais la construction du logiciel. Je comprends votre intention, mais vous faites une mauvaise interprétation de la difficulté.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - En effet, cette disposition déjà ancienne n'a encore jamais été utilisée. Les magistrats anti-terroristes nous ont demandé de la rendre possible. Nous avons prévu des garde-fous, avec un recours possible au centre technique d'assistance ou à des experts agréés par l'ANSSI ou figurant sur la liste nationale de la Cour de cassation. Si ces précautions s'avèrent insuffisantes, nous y reviendrons au cours de la navette. Le Gouvernement aurait pu déposer un amendement de précision plutôt que de suppression : cela aurait été un signe de l'esprit d'ouverture dont vous vous targuez, monsieur le ministre ! Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le groupe socialiste votera ces amendements de suppression. Il n'y a aucun complexe à avoir, monsieur le rapporteur : nous sommes tous légitimes pour déposer des propositions de loi. Mais ces dispositifs très intrusifs, qui permettent de capter n'importe quelles données, ne sauraient être soumis à un agrément à géométrie variable. Avec cet article, un vendeur malveillant pourrait se donner les moyens de capter les données des services... Les intrusions informatiques sont monnaie courante. Nous avons la chance de disposer de l'ANSSI, il serait très imprudent de se priver de cet agrément.

Les amendements identiques nos6 et 30 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°28, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° À l'article 706-102-2, après le mot : « application », sont insérés les mots : « du premier alinéa ».

L'amendement de coordination n°28, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

ARTICLE 5

Mme la présidente.  - Amendement n°7, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - Cet article étend au Parquet la technique récemment autorisée aux services de renseignement de l'Imsi Catching, qui permet de capter, par le biais d'une fausse antenne relais, les données de connexion de toutes les personnes détenant un périphérique électronique dans une zone géographique. La mesure a été très débattue lors de l'examen de la loi Renseignement, nous nous y étions fermement opposés. Et voilà qu'on veut aller toujours plus loin, toujours plus vite, avant tout retour d'expérience, sans même prévoir le même encadrement que pour les services de renseignements ! Comment ces données seront-elles conservées, pendant combien de temps ? Les services ne peuvent-ils travailler de concert avec les enquêteurs ? Nous refusons cette fuite en avant.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°18, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Mme Esther Benbassa.  - La technique de l'Imsi Catching est attentatoire au droit à la protection des données personnelles. Nous nous étions déjà opposés à ce que les services de renseignement puissent y avoir recours. À tout le moins, il faudrait dresser le bilan de cette mesure, dont l'efficacité n'est pas démontrée.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°26 rectifié, présenté par M. Mézard et les membres du groupe du RDSE.

M. Pierre-Yves Collombat.  - J'avais cru comprendre que les services de renseignement et la justice avaient des fonctions très différentes : prévention d'un côté, répression de l'autre... En donnant à la justice ordinaire les moyens des services de renseignement, on prétend rendre l'exception permanente ! Cela me gêne beaucoup.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Certes, les terroristes sont des barbares, mais qui emploient les technologies les plus modernes. Il serait paradoxal de refuser à la justice des moyens modernes pour les combattre !

D'autant que nous avons pris moult précautions : dans le cadre de l'instruction, c'est une commission rogatoire qui décide ; dans le cadre de l'enquête, préliminaire ou de flagrance, le procureur devra obtenir l'accord du juge des libertés et de la détention, qui devra être informé en temps réel des résultats obtenus. La loi sur le renseignement, elle aussi, a strictement encadré le recours à cette technique - certes intrusive, mais face à des individus d'une dangerosité particulière, la République ne peut être désarmée. N'envoie-t-elle pas son plus beau bâtiment, son plus bel avion, ses forces spéciales combattre l'État Islamique ? Les magistrats doivent jouer pleinement leur rôle. Avis défavorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Même avis, cette technique est utile, et il convient d'harmoniser les règles.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le problème est double. On prend des mesures rigoureuses dans un but précis, mais l'état d'urgence peut servir à tout, dès lors qu'il y a atteinte à l'ordre public... Et l'on multiplie les autorités habilitées à recourir à ces moyens extraordinaires. J'aimerais qu'on se pose la question du terreau où nait le terrorisme ! Bruno Retailleau a parlé de guerre totale, cela devrait donc être aussi une guerre idéologique ! Depuis trente ans, on ne fait que durcir toujours plus notre arsenal sans jamais parler du fond : je ne trouve pas cela normal.

M. Alain Richard.  - Vu les moyens que le législateur a donné aux services de renseignement, quels moyens convient-il de donner au pouvoir judiciaire ? Le rôle des services de renseignement est préventif : ils interviennent s'il existe des raisons sérieuses de penser qu'un acte terroriste est en préparation. Quand le procureur et le juge d'instruction interviennent, c'est qu'ils estiment être en mesure de mettre à jour une infraction déjà commise. Il y a donc encore moins de motif de leur refuser ces mêmes moyens, d'autant qu'ils demeurent sous le contrôle du juge du siège, pour rechercher la matérialité d'une infraction déjà commise. Les écoutes judiciaires, par exemple, ont permis de confondre bien des criminels.

Mme Nathalie Goulet.  - Dans quelles conditions les données seront-elles stockées, et pour combien de temps ? Jusqu'à décision définitive ?

M. Jean Louis Masson.  - Face à des terroristes extrêmement dangereux, nous avons le devoir de donner à tous nos services le maximum d'atouts. Les États-Unis n'ont pas hésité. Cette proposition de loi va globalement dans le bon sens, je voterai cet article.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Les données sont conservées pendant toute la durée de la procédure, jusqu'à épuisement des voies de recours, puis détruites.

L'état d'urgence ne permet pas de faire n'importe quoi, monsieur Collombat. La loi Renseignement a transféré le contrôle de la commission départementale au juge administratif. La décision du Conseil d'État du 11 décembre 2015 est accompagnée d'un véritable vademecum de l'état d'urgence, parfaitement rédigé par Xavier Domino, rapporteur public. Les zones d'incertitude sont dissipées ; le Conseil constitutionnel s'est lui aussi prononcé à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Les amendements identiques nos7, 18 et 26 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°25 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Alinéas 8 à 12

Supprimer ces alinéas.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Défendu.

L'amendement n°25 rectifié bis, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté.

ARTICLE 6

Mme la présidente.  - Amendement n°27 rectifié, présenté par M. Mézard et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Supprimer cet article.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Défendu.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Même avis défavorable que précédemment.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Même avis. L'intention de cet article est bonne, même si nous proposerons une écriture différente - je ne dis pas meilleure....

M. Michel Mercier, rapporteur.  - C'est déjà mieux !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous jugeons sur pièces, article après article. Celui-ci permet aux services d'enquête de pénétrer clandestinement dans un domicile pour y installer un dispositif de sonorisation ou de captation d'images. Il y a là une atteinte aux libertés individuelles qui impose l'autorisation du juge judiciaire, estime le Conseil constitutionnel dans sa décision du 2 mars 2004. Vu les garanties apportées en commission à l'initiative du rapporteur, nous voterons contre cet amendement et pour l'article.

L'amendement n°27 rectifié n'est pas adopté.

L'article 6 est adopté.

L'article 7 est adopté, de même que les articles 8 et 9.

ARTICLE 10

M. Jean Louis Masson .  - L'intitulé de ce titre II, dont c'est le premier article, « Aggraver la répression du terrorisme » est une expression particulièrement malvenue, c'est le vocabulaire des adversaires de la proposition de loi ! Mieux vaudrait l'appeler, par exemple : « Renforcer la lutte contre le terrorisme ». (Marques d'approbation sur divers bancs)

Je suis tout à fait défavorable à la première partie de cet amendement, qui pénalise la consultation des sites internet. Je n'ai aucune sympathie pour le terrorisme, encore moins islamiste, mais pourquoi irais-je en prison pour avoir juste consulté, depuis mon domicile, un site ? Nous sommes dans une République de liberté !

Mme la présidente.  - Amendement n°8, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - Il est défendu, et le sera encore...

Mme la présidente.  - Amendement identique n°19, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Mme Esther Benbassa.  - Défendu également.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Les incriminations prévues sont précises : il s'agit, pour la première, de la consultation « habituelle » de sites faisant l'apologie du terrorisme. Les juges nous ont dit qu'on y voyait comment couper une tête, jouer au football avec... C'est de la même manière que le législateur a prévu la répression de la consultation habituelle des sites pédopornographiques...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il faut commencer par supprimer ces sites.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - L'autre infraction créée est le fait d'entraver le blocage de sites par l'administration, ce qui est nécessaire. Avis défavorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Les autres amendements sont contraires à la jurisprudence constitutionnelle de 2004.

Depuis 2012, le législateur a fait tout ce qu'il pouvait faire, en matière technique, contre la propagation du terrorisme sur internet.

Le législateur a toujours refusé de faire de la consultation habituelle de sites internet terroristes une infraction à elle seule : c'est en revanche un élément constitutif de l'entreprise terroriste individuelle.

Il y a toutes les raisons d'espérer que des blocages judiciaires seront prononcés. Allez voir ces sites, si vous voulez : il n'y a pas de mots pour qualifier ce que l'on y trouve !

M. Jacques Bigot.  - Avec le titre II, les auteurs de la proposition de loi veulent montrer qu'ils sont plus répressifs que d'autres... Le Conseil d'État s'est dit défavorable à l'incrimination de la simple consultation de sites, qui serait d'ailleurs compliquée à mettre en oeuvre. Les magistrats ne sont pas demandeurs.

M. Jean Louis Masson.  - Les explications du rapporteur ne m'ont pas convaincu. Autant je suis favorable à ce que soit sanctionnée l'entrave au blocage de ces sites, autant, dans un pays de liberté, on ne saurait pénaliser la consultation d'un site ou la lecture d'un livre.

L'argumentaire de monsieur le ministre m'a, en revanche, paru pertinent.

M. Jean-Pierre Sueur.  - La priorité, c'est de fermer ces sites. Internet n'est pas la sphère du non-droit ! Notre code pénal réprime déjà l'injure, l'apologie du terrorisme, etc. Cela vaut aussi pour internet !

L'office chargé de surveiller les messages sur internet a les moyens de faire respecter la loi. Mais le site peut être rouvert depuis un paradis cybernétique, car il en existe comme des paradis fiscaux ! D'où l'importance de la coopération internationale, monsieur le garde des sceaux.

Les amendements nos8 et 19 ne sont pas adoptés.

L'article 10 est adopté

ARTICLE 11

M. Jean-Pierre Grand .  - Je me réjouis que cet article, prenne partiellement en compte notre amendement présenté en commission, en renforçant la répression de l'infraction de terrorisme, avec une période de sûreté portée à trente ans et une peine de perpétuité incompressible.

Il n'y a que quatre cas de figure, pour un terroriste : il se donne la mort, ou il est abattu par les forces de l'ordre, ou il se trouve en cavale ou il est capturé et doit être mis entre les barreaux suffisamment longtemps pour empêcher toute récidive : voilà précisément ce qu'attendent nos concitoyens.

La déchéance de nationalité proposée par le président de la République, et dont nous débattrons bientôt avec le projet de loi constitutionnelle, est une mesure purement symbolique, inefficace et inacceptable, puisqu'elle remet en cause le droit du sol...

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Mais non !

M. Jean-Pierre Grand.  - Je voterai contre. Ce qu'il faut, c'est modifier le code pénal pour garantir une peine incompressible : c'est la seule déchéance qu'attendent les nombreuses familles de victimes, et c'est l'honneur de notre Haute Assemblée de répondre ainsi aux attentes des Français, pour lutter contre la folie du terrorisme. Gageons que le Gouvernement et l'Assemblée nationale ne pourront pas ne pas suivre le Sénat dans cette voie.

M. Charles Revet.  - On verra !

Mme la présidente.  - Amendement n°11 rectifié bis, présenté par MM. Grand, Charon, D. Laurent, J.P. Fournier, B. Fournier, Joyandet et Laufoaulu, Mmes Deromedi et Deseyne, MM. Mandelli, Béchu, Chaize, G. Bailly, Revet, Gournac, Panunzi, Vasselle et Gilles, Mme Garriaud-Maylam, MM. Karoutchi et Pellevat, Mme Hummel, M. Savary, Mme M. Mercier et MM. Chasseing, Laménie, Gremillet, Mayet et Vaspart.

Alinéa 7

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

II.  -  L'article 720-4 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, les mots : « et 221-4 » sont remplacés par les mots : « , 221-4 et 421-3 » ;

2° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour les crimes commis en bande organisée constituant un acte de terrorisme au sens de l'article 421-1 du code pénal, cette durée est au moins égale à cinquante ans. »

M. Jean-Pierre Grand.  - Nous portons la peine de sûreté à cinquante ans au lieu de trente ans. La nouvelle forme de barbarie à laquelle nous sommes confrontés nous impose la plus grande fermeté. J'avais, dans un premier temps, prévu de refuser tout aménagement de peine, mais il semble que cela se heurterait à l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ainsi qu'à la convention européenne des droits de l'homme. Une peine totalement incompressible ferait également courir un risque d'inconstitutionnalité, au regard de deux décisions du Conseil constitutionnel prises en 1994 et en 2001.

D'où ma proposition : un aménagement pourra être considéré au bout de cinquante ans de détention pour crime de terrorisme commis en bande organisée.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Ma réponse est dans votre exposé des motifs : c'est contraire à nos engagements internationaux -via la convention européenne des droits de l'homme (CEDH)  - pour un plafond de trente ans. Mieux vaut la perpétuité réelle, de trente ans effectifs, avec un suivi socio-judiciaire à la sortie (M. Jean-Pierre Grand proteste) - qui, lui aussi, peut tout de même durer jusqu'à trente ans. Ce n'est pas rien ! Le traité s'impose à la loi, c'est l'article 55 de notre Constitution : retrait, sinon rejet.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Même avis.

M. Jean-Pierre Grand.  - Un terroriste du Bataclan qui aurait survécu, serait donc libre à 48 ans... la CEDH date de 1953, l'abolition de la peine de mort... de 1983. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes socialiste et républicain, communiste républicain et citoyen, écologiste) Je me félicite de cette abolition, mais je regrette l'absence de substitution...

Aucune convention internationale ne devrait nous empêcher de nous protéger efficacement. La CEDH, en 2014, a qualifié de « suffisante » notre possibilité de réexamen de la peine au regard non de sa durée, mais des procédures - et elle a précisé que la durée était entre les mains de l'État.

L'inhumanité est du côté des terroristes, pas du nôtre.

M. Alain Vasselle.  - Je voterai cet amendement, en étant cosignataire. Il n'est guère incompatible avec la CEDH, ou c'est question d'interprétation.

Un fait divers, récemment, a rappelé que des crimes sont commis, sous contrôle judiciaire...

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Ce n'est pas tout à fait comparable !

M. Alain Vasselle.  - Quelles garanties avons-nous quant à l'efficacité de ce contrôle sur l'ensemble du territoire nationale ? Il faut trouver une solution. Cet amendement la propose.

L'amendement n°11 rectifié bis n'est pas adopté.

M. Jacques Bigot.  - Nous parlons de lutte contre le terrorisme, de jeunes prêts à se tuer pour leur cause - et on fait comme s'ils pouvaient hésiter du seul fait que la peine encourue serait incompressible... C'est irréel, ou plutôt de l'affichage : ce qu'attendent nos concitoyens, c'est de savoir ce que l'on fait concrètement contre le terrorisme ! Au bout de trente ans, soit à 48 ans, en suivant votre exemple, le condamné saura que son cas peut être réévalué, mais son éventuelle libération, assortie d'un suivi socio-judiciaire, n'aura rien d'automatique.

L'article 11 est adopté.