Justice du XXIe siècle (Nouvelle lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Discussion générale

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Nous entrerons bientôt dans la période budgétaire. Moment important pour mon ministère : un accroissement de ses moyens est en effet une bonne condition pour un fonctionnement convenable des juridictions. Notre justice est au bord de l'embolie : trop de travail, trop de lourdeurs, trop peu de moyens. À Meaux hier encore, j'ai entendu la souffrance des justiciables, salariés, employeurs, couples en attente de divorce. Pourtant, la CEDH comme notre code de l'organisation judiciaire proclame que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable.

L'exaspération touche aussi les greffiers, les juges... Toutes les juridictions sont concernées : prud'hommes, tribunaux de commerce, d'instance, de grande instance, cours d'appel... Je ne doute pas que le travail à venir de la commission des lois nous rappelle le mot de Marc Aurèle : « Seul un esprit serein est en état de juger. »

Jean Jaurès disait : « L'abondance est le fruit d'une bonne administration. » C'est-à-dire que les questions budgétaires sont indissociables des questions d'organisation. La justice, depuis des années, n'a en effet cessé de se voir confier de nouvelles missions - à moyens constants... Ainsi le juge judiciaire doit-il systématiquement se prononcer depuis une décision du Conseil constitutionnel de 2011 sur les soins psychiatriques sans consentement. L'amélioration du fonctionnement de la justice passe par la modernisation de ses méthodes de travail et de ses procédures. Une inspection conjointe avec le Budget a d'ailleurs été lancée.

Simplifier, recentrer le juge sur sa mission première, ouvrir de nouvelles conditions d'accès au droit : voilà les trois objectifs de ce texte.

Nous abordons ainsi des enjeux moins médiatiques que ceux relatifs à la justice pénale, je veux dire la justice du quotidien : affaires familiales, surendettement, litiges avec les organismes de sécurité sociale. N'est-ce pas le bon sens de faire évoluer le divorce par consentement mutuel ? Les trois quarts des Français y sont favorables. L'époux le plus faible sera mieux protégé par la présence de deux avocats.

N'est-ce pas le bon sens d'attribuer le pouvoir de décision aux commissions de surendettement, au lieu d'exiger l'homologation du juge -  qu'il délivre dans 98 % des cas ? Les magistrats de Meaux m'ont confirmé que cela leur permettrait de mieux se mobiliser là où leur intervention est nécessaire.

N'est-ce pas le bon sens de démédicaliser le changement de sexe des personnes transgenres ou encore d'unifier le contentieux des affaires sociales ? De supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs, de forfaitiser certains délits routiers - sous réserve qu'il s'agisse d'une première infraction et qu'il n'y ait pas d'infraction concomitante - ou encore de créer un socle commun aux actions de groupe ?

La justice doit être simple pour exister, accessible pour être réelle, lisible pour être compréhensible ; le juge doit être conforté dans son rôle, consistant à dire le droit. Cette vision, je le sais, est partagée sur ces bancs.

Portalis, dans le préambule du code civil, écrivait : « Aujourd'hui, la France respire. » Pour qu'elle continue à respirer, modernisons, simplifions notre justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois .  - Rapporteur pour avis depuis quelques années du budget de la justice, je ne peux qu'approuver les orientations du garde des Sceaux. Je souhaite que nous arrivions ensemble à moderniser notre justice.

Ce n'est pas la première fois qu'un projet de loi revient au Sénat en nouvelle lecture, mais la situation semble inédite : la commission mixte paritaire n'a pas abouti en raison du refus absolu des députés d'accepter la moindre modification de leur texte - présenté en procédure accélérée après la première lecture au Sénat en octobre 2015. Or l'Assemblée nationale a ajouté pas moins de 55 articles, dont de nombreuses dispositions lourdes de conséquences... Accepter sans débat ces modifications eut été contraire à l'esprit de nos institutions, sinon à sa lettre. L'échec de la CMP n'a pas empêché la commission des lois de poursuivre son travail et de procéder à des auditions sur les sujets introduits par l'Assemblée nationale. Celle-ci pourra reprendre son texte, mais elle n'y est pas tenue...

Notre commission a adopté 86 amendements. Elle a par exemple considéré que la collégialité de l'instruction, ne pouvant être mise en oeuvre immédiatement, devait être réservée aux affaires complexes ; sur le changement d'état civil des personnes transsexuelles, elle a mieux encadré la procédure qui reposera sur des critères que je qualifierai d'objectifs ; sur le divorce par consentement mutuel, notre commission propose de maintenir le passage devant un juge lorsque le couple a des enfants mineurs.

Je n'en dirai guère plus pour l'instant. Simplement ceci : sur tous ces sujets, le Sénat ne peut accepter d'être mis devant le fait accompli.

Je veux enfin appuyer le plaidoyer du ministre pour des moyens nouveaux et un recentrage de la justice sur ses missions propres. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Philippe Bas .  - Monsieur le garde des sceaux, le Sénat est très honoré de pouvoir vous entendre sur ce texte - un privilège que la commission des lois n'a pu obtenir malgré ses efforts... Certes, vous n'en étiez pas l'auteur, seulement l'héritier, mais vous y avez ajouté quelques articles à l'Assemblée nationale...

95 % des Français reprochent à la justice d'être trop lente ; pour ma part, je ferai le même reproche au parcours de ce texte annoncé depuis plusieurs années... Un parcours que le Gouvernement a cherché à raccourcir, contre l'esprit du bicamérisme et aux dépens du travail des deux assemblées, singulièrement de celui du Sénat. Je regrette aussi son enflure, puisque le nombre de ses articles a doublé au cours de son examen en première lecture à l'Assemblée nationale, pour les deux tiers du fait des amendements du Gouvernement. Bref, malgré le temps pris pour réfléchir - souvenez-vous par exemple du grand colloque organisé en 2014 par Mme Taubira à l'Unesco -, le Gouvernement s'est cru autorisé, au mépris de la procédure, à déséquilibrer son propre texte dans la plus grande impréparation. (Applaudissements au centre et à droite)

Cette mauvaise pratique qui prive le Sénat de la possibilité d'examiner la moitié du texte, que je n'oserai qualifier de violation de la Constitution, n'en est pas moins contraire à son esprit et ne doit pas devenir une mauvaise habitude. (Même mouvement)

Le contenu du texte, hélas, prête aussi le flanc aux critiques : la grande ambition portée par Mme Taubira s'est peu à peu réduite à un filet d'eau tiède... Plutôt que la modernisation de la justice, un « diverses dispositions d'ordre judiciaire »... Notre justice est exsangue, sinistrée, embolisée : ce sont les termes de votre constat si lucide... Et ce texte peinera à y remédier.

Vous convoquez le bon sens. À la bonne heure : nombre des dispositions de ce texte sont le fruit des réflexions de notre commission des lois... Mais à l'heure du bilan de la politique du Gouvernement en matière judiciaire, il faut constater que trop de temps a été passé dans de mauvaises directions : abandon du plan de construction de places de prison voté par la majorité précédente, création de la contrainte pénale... que les tribunaux ne prononcent pas. Il a même été, un temps, question d'instaurer un numerus clausus : libérer des prisonniers pour pouvoir en incarcérer d'autres - faire de la place.

Bref, la justice a été sacrifiée à une vulgate idéologique, à laquelle vous avez enfin tourné le dos, monsieur le ministre. Il est heureux qu'un terme soit mis à toutes ces élucubrations. La justice n'a cessé de disposer de plus de moyens - ils sont passés de 6 à 8 milliards d'euros - mais elle ne fonctionne pas mieux. N'est-ce pas parce que les réformes nécessaires n'ont pas été faites ?

Ce texte est un aggloméré de mesures qui vont, pour certaines, dans le bon sens, mais il ne dessine pas une politique.

La réforme du divorce par consentement mutuel n'assure pas la protection des enfants et est coûteuse pour les familles puisqu'elles devront recourir à deux avocats. Elle est antisociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous chiffrons les économies possibles à 4 millions, son coût pour les familles à 70 millions...

La collégialité de l'instruction est une nécessité pour fiabiliser les procédures les plus délicates, on l'a vu après Outreau. Pourquoi avez-vous laissé filer les choses à l'Assemblée nationale ?

Quant au changement d'état civil, il a de nombreuses implications ; le texte de l'Assemblée nationale n'a pas été rédigé avec suffisamment de sérieux.

Nous sommes heureux d'enfin débattre avec vous. J'espère que vous porterez notre travail devant l'Assemblée nationale - après avoir cherché à nous évincer du processus législatif sur une réforme dont nous n'avons aucune raison de refuser le principe. (Vifs applaudissements au centre et à droite)

Mme Cécile Cukierman .  - Notre justice est victime d'une longue histoire d'abandon budgétaire et d'une grande déconsidération.

Ce projet de loi, issu de nombreux rapports et recommandations, présenté en Conseil des ministres en 2014 par la précédente garde des sceaux, a suscité la déception des associations, syndicats et professionnels de la justice, tant les besoins sont grands. Nous-mêmes espérions mieux, en matière d'accès à la justice par exemple ; nous nous sommes abstenus en première lecture.

Le texte nous revient de l'Assemblée nationale deux fois plus volumineux. Suppression de la collégialité de l'instruction, réforme du divorce par consentement mutuel sans juge, changement de sexe à l'état civil pour les personnes transgenres... Les changements sont nombreux, qui traduisent tous une vision purement gestionnaire de la justice, à la volonté de gérer la pénurie.

Le renforcement des modes alternatifs de règlement des litiges nous inquiète : c'est délaisser la justice sous prétexte de la sauver, dit Mme Frison-Roche. La réforme du divorce par consentement mutuel aurait gagné à être accompagnée d'une étude d'impact et d'une concertation sérieuses.

Quant au changement d'état civil des personnes transsexuelles, nous proposerons une démédicalisation et une déjudiciarisation totales de la procédure.

Le débat sur la justice des mineurs se réduit trop souvent à une opposition entre partisans de la répression et tenants de l'éducation. J'espère que nos échanges seront plus profonds. Nous demanderons en tout cas la suppression du cumul d'une peine et d'une mesure d'éducation.

Nous regrettons que la collégialité de l'instruction n'ait jamais pu être mise en place ; sa suppression répond à une logique gestionnaire alors que son maintien est une nécessité.

Nous déplorons aussi que la vocation indemnitaire de l'action de groupe en matière de discrimination au travail ait disparu : il est inadmissible de nier la réalité des dommages et la responsabilité de l'employeur. Il est également inconcevable de supprimer purement et simplement les actions de groupe en matière de santé, d'environnement, de protection des données personnelles, à rebours des attentes de nos concitoyens.

Bref, si ce texte contient de modestes avancées, il sera très insuffisant pour restaurer la confiance de nos concitoyens envers leur justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Jacques Bigot .  - Abordons ce texte avec une idée forte : la justice a besoin de moyens et de réformes. N'oublions pas qu'elle a naguère été maltraitée : réforme de la carte judiciaire, arrêt des recrutements de magistrats alors que les départs en retraite vont croissant... (Marques d'approbation sur les bancs socialistes)

La réflexion préalable au texte a été riche, et il y a certes encore des choses à faire. Il faudra mettre davantage de moyens, le garde des sceaux l'a dit ; il faudra aussi poursuivre la modernisation du service public de la justice. D'abord, en repensant le rôle du juge ; en renvoyant les parties plus fréquemment vers la médiation. En matière de divorce, le recours au juge n'est pas toujours indispensable... Le recours aux juristes assistants, fréquent dans d'autres pays, pourrait être plus largement utilisé ; point besoin non plus de recourir systématiquement à un juge pour certains délits routiers - ils seront même mieux réprimés.

En revanche, le juge doit retrouver toute sa place dans d'autres contentieux, comme ceux de l'incapacité et de l'aide sociale : voyez l'article 8.

Le pari du service d'accueil unifié du justiciable sera difficile à tenir : nous devons saisir les potentialités du numérique.

L'action de groupe, sur laquelle le Sénat a longtemps été frileux, apparaît aujourd'hui comme un bon moyen de traiter de certains manquements dont souffrent une multitude de personnes. Je pense en particulier aux préjudices environnementaux ou de santé. L'action de groupe est aussi un moyen de créer de la solidarité. Nous, Français, restons prudents, puisque nous n'ouvrons l'action de groupe qu'à des associations.

Je me félicite qu'en février, nous devions avoir une réflexion sur l'avenir de la justice - et non sur l'avenir de quelques candidats à l'élection présidentielle... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Esther Benbassa .  - Je tiens à saluer Christiane Taubira, première auteure de ce texte dont l'ambition initiale était de réorienter la justice vers les besoins de la société et des citoyens. On en est loin aujourd'hui, et l'intitulé du texte prête à sourire... La procédure accélérée, l'ajout de nombreuses dispositions à l'Assemblée nationale a empêché la pédagogie et fait échouer la CMP.

L'action de groupe en matière de discriminations qui sclérosent notre société est indispensable pour combattre les inégalités, qui demeurent sévères en France, notamment face à l'emploi. La définition initiale des discriminations était déjà trop restrictive, mais depuis l'examen par la commission des lois au Sénat, la réforme est réduite à peau de chagrin : les actions de groupe en matière d'environnement ou de santé ont tout bonnement été supprimées, quand les autres sont réservées aux associations. C'est inacceptable.

Je me bats depuis longtemps pour les droits des personnes transgenres, trop souvent bafoués en France : vie privée, intégrité physique, accès aux soins... Hélas, la commission des lois a balayé les avancées et remédicalisé la procédure de changement d'état civil, insupportable retour en arrière alors que la France fut la première à reconnaître que la transsexualité n'est pas une maladie mentale. Et voilà qu'on demande des certificats médicaux de psychiatres !

Robert Badinter disait jadis que la discrimination, la pénalisation de l'homosexualité étaient incompatibles avec les valeurs d'une société démocratique : ces propos trouvent aujourd'hui un écho ! (Applaudissements sur les bancs écologistes et du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Jacques Mézard .  - Monsieur le ministre, vous avez évoqué Marc Aurèle, mais avec les présidents qui se succèdent, nous sommes loin du siècle d'or des Antonins... (Sourires)

Le Sénat a été méprisé. Avant-propos du colloque « Défaire la démocratie » du 6 octobre, organisé par le président de l'Assemblée nationale, on critique la lenteur du processus législatif, quand l'encombrement de l'agenda et les lois fourre-tout sont d'abord le fait du Gouvernement ? (M. Philippe Bas, président de la commission des lois, renchérit)

Ce texte, qui comprend des mesures utiles, n'est pas à la hauteur des besoins : à être trop nombreuses, les rustines n'évitent plus les fuites. (Sourires)

Ne s'en dégage aucune vision globale de la justice. On fait le choix de la déjudiciarisation : délits routiers, surendettement, divorce sans juge. Pour celui-ci, Portalis avait déjà trouvé une formule rapide. On parle de recentrer les juridictions sur leur coeur de métier. Il est vrai que notre société se judiciarise, que le budget de la justice est notoirement faible. La faute aux gouvernements successifs... Mais y a-t-il deux catégories de contentieux, les nobles dignes du juge, et les plus ingrats, délégués à d'autres ?

Nous récusons cette approche purement managériale de la justice, centrée sur l'impératif de déstocker les requêtes. Selon nous, les modes alternatifs de règlement des différends, d'inspiration anglo-saxonne, n'ont pas vocation à s'étendre partout.

« Sans les gendarmes, les juges ne seraient que de pauvres rêveurs », écrivait Anatole France. Il n'en est pas question ici, non plus que de l'exécution des peines...

Nous déplorons aussi l'abandon de la collégialité de l'instruction. Notre justice mérite mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur plusieurs bancs au centre)

M. François Zocchetto .  - Quel titre lourd à assumer que celui de ce projet de loi, qui ne provoquera que déception et incompréhension. Il était pourtant nécessaire, face à l'engorgement, à l'imprévisibilité de la justice, qui nourrissent la défiance des Français. Que dire de l'exécution des peines, absente ici ?

Pourquoi donc avoir voulu contourner le Sénat ? L'Assemblée nationale, qui n'a examiné ce texte que six mois après nous - malgré la procédure accélérée !-, y a ajouté de nombreux articles que le Sénat n'a donc pas pu examiner, malgré ses nombreux travaux sur le sujet. Nous avons été meurtris, choqués, d'être ainsi exclus du jeu. En avril 2016, vous repreniez l'essentiel de nos propositions sur la procédure pénale, formulées dans la proposition de loi que nous avions adoptée en décembre 2015. Voilà l'exemple à suivre ! Il est de mauvaise méthode, en revanche, que de revenir purement et simplement sur la collégialité de l'instruction. Outreau n'est pas si loin !

De même la simplification du divorce par consentement mutuel mérite un vrai débat, si l'on veut protéger les deux conjoints et les enfants mineurs.

Le changement de sexe à l'état civil, sujet important, ne peut se fonder sur une simple déclaration, sauf à provoquer bien des complications.

Les mineurs récidivistes de plus de 16 ans ne méritent-ils pas l'examen attentif d'une juridiction spécialisée ?

Sur les greffes, vous ne voulez pas entendre nos propositions de bon sens.

L'Assemblée nationale serait bien inspirée de reprendre les propositions du Sénat sur la collégialité de l'instruction, le divorce sans juge ou le changement d'état civil. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Alain Richard .  - Lors d'un colloque organisé il y a quelques mois par la Cour de cassation, je défendais l'idée que la justice était un service public, méritant donc la recherche de l'adaptation optimale à la demande sociale, qui va croissant.

Il existe des moyens de régler équitablement des litiges sans passer par les tribunaux. Le jargon parle de « modes alternatifs de règlement des litiges » - et l'on commence déjà à ne plus être compris des citoyens. Il s'agit d'éviter la surcharge des tribunaux, quitte à passer par une autre instance.

La collégialité de l'instruction, dont le principe a été voté il y a neuf ans et demi, n'a jamais été appliquée, faute de moyens. Le rapporteur veut la réserver à des litiges spéciaux, alors que c'est leur gravité ou leur complexité qui devrait entrer en ligne de compte. Mieux vaut la supprimer purement et simplement.

La médiation est utile à condition qu'elle n'occasionne pas de perte de temps. C'est vrai aussi en matière administrative : je souhaite que l'expérimentation sur la médiation systématique pour certains litiges - petits mais souvent sensibles - ait lieu rapidement.

L'opposition à la forfaitisation des sanctions de certains délits routiers n'est pas fondée : une justice trop lente n'a rien de dissuasif...

C'est pourquoi, il faut approfondir la détection des procédures permettant une action volontairement dilatoire. Nous devons oeuvrer pour que la justice soit un service public pleinement reconnu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

M. Georges Patient .  - L'accès au droit est inégal entre l'Hexagone et les outre-mers. Un avocat ultramarin, pour assumer sa mission d'aide juridictionnelle, doit payer des frais de déplacement non pris en charge par l'État.

Le pôle de Saint-Laurent-du-Maroni est à 250 kilomètres de Cayenne... Les avocats de Saint-Martin et Saint-Barthélemy sont rattachés au barreau départemental de Guadeloupe, à 230 kilomètres de chez eux. Ceux de Wallis sont rattachés au barreau de Nouméa, à 1 900 kilomètres. Pourquoi n'avoir pas pris les mêmes mesures qu'en Polynésie française ?

L'article 2 est adopté.

L'article 2 bis demeure supprimé.

L'article 3 est adopté.

ARTICLE 4

Mme la présidente.  - Amendement n°115 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Supprimer cet article.

M. Jacques Mézard.  - Comme le soulignait le vice-président du Conseil d'État à la maison du barreau de Paris le 17 juin 2015, les modes alternatifs de règlement des différends peinent à se développer en matière administrative, en raison du caractère récent et restreint des instruments de règlement amiable existants, mais également de la faible incitation pour le requérant à y recourir en raison de la réduction des délais de jugement et du faible coût de la justice administrative.

L'article 4 étend le champ de la médiation au-delà de son champ d'application actuel, limité à la résolution des conflits transfrontaliers.

Les dispositions proposées font cependant problème : la possibilité de recourir à une conciliation, mode de règlement amiable gratuit, est supprimée ; l'accessibilité de la médiation est insuffisamment garantie. En, outre, la commission des lois du Sénat a supprimé la liste de contentieux pouvant faire l'objet de médiation obligatoire préalable à titre expérimental. J'ajoute que la généralisation de la médiation nécessite la formation de médiateurs spécialistes de la matière administrative, y compris bénévoles.

Enfin, l'accord obtenu à la suite d'une médiation n'ayant pas l'autorité de la chose jugée, ces dispositions allongeront les délais de règlement des différends et nuiront à l'accès au juge administratif.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Avis défavorable, il faut laisser une chance à cette procédure.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Même avis, l'article simplifie les dispositions actuelles en généralisant la médiation, d'ailleurs utile.

M. Jacques Mézard.  - Que le rapporteur se rappelle d'autres expérimentations, comme les citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels...

L'amendement n°115 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°116 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Le chapitre Ier ter du titre VII du livre VII est abrogé ;

M. Jacques Mézard.  - Cet amendement de repli maintient la possibilité de recourir à des conciliations gratuites en matière administrative.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Avis défavorable, il s'agit là de 15 % des contentieux sociaux, de 12 % des contentieux relatifs à la fonction publique.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°116 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°40, présenté par M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 43

Rétablir le II bis dans la rédaction suivante :

II bis.  -  À titre expérimental et pour une durée de quatre ans à compter de la promulgation de la présente loi, les recours contentieux formés par certains agents soumis aux dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires à l'encontre d'actes relatifs à leur situation personnelle et les requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi peuvent faire l'objet d'une médiation préalable obligatoire, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

M. Alain Richard.  - Il est dans l'intérêt des deux parties de rechercher tous les moyens de régler leur litige. Nous souhaitons rétablir l'expérimentation de médiation préalable obligatoire avant l'introduction d'un recours contentieux devant les juridictions administratives, dans des domaines spécialisés et, naturellement, après consultation du Conseil d'État.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Il faudrait d'abord mesurer l'impact d'une telle mesure. Le renvoi des conditions au décret paraît d'ailleurs problématique. Avis défavorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Avis favorable. Par principe, nous préférons le règlement amiable des litiges, et cette expérimentation peut être intéressante, le vice-président du Conseil d'État l'appelait lui-même de ses voeux.

Enfin, une approche « managériale » de la justice, c'est-à-dire qui l'incite à mieux s'organiser pour répondre aux besoins des justiciables : le terme n'a rien d'infâmant !

M. Alain Richard.  - Depuis quinze ans, la médiation obligatoire s'applique au personnel de la Défense - c'est moi qui l'ai mis en place. Cela a réduit le nombre de contentieux des deux tiers. Voilà l'étude d'impact !

L'amendement n°40 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

ARTICLE 4 BIS (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°41, présenté par M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Au dernier alinéa de l'article 373-2-10 du code civil, après le mot : « enjoindre », sont insérés les mots : « , sauf si des violences ont été commises par l'un des parents sur l'autre parent ou sur l'enfant, ».

M. Jacques Bigot.  - Comme l'Assemblée nationale, et comme le Conseil de l'Europe, nous considérons que la médiation n'a pas lieu d'être en cas de violences intrafamiliales. La majorité sénatoriale n'est-elle pas attachée à la protection du conjoint le plus faible ?

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Cet amendement marque une certaine défiance à l'égard du juge... Il s'agit de la délivrance d'informations sur la médiation, non de la médiation elle-même. Avis défavorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Avis favorable, le Gouvernement a souhaité ratifier la convention d'Istanbul qu'exclut la médiation dans un tel cas.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Il ne s'agit que d'information sur la médiation...

M. Jacques Bigot.  - En cas de violence intrafamiliale, l'office du juge est de protéger la victime et de prendre toute décision conforme à l'intérêt des familles, non de renvoyer les parties devant un médiateur !

L'amendement n°41 n'est pas adopté.

L'article 4 bis demeure supprimé.

ARTICLE 4 TER

Mme la présidente.  - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par MM. Patient, Karam, Antiste, J. Gillot et S. Larcher.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

médiation familiale

par les mots :

règlement amiable

M. Antoine Karam.  - La loi du 13 décembre 2011 avait prévu que la saisine du juge par les parents aux fins de modification d'une décision fixant les modalités de l'exercice de l'autorité parentale ou la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant devait être précédée d'une tentative de médiation familiale. Cet amendement y substitue la notion de règlement amiable.

Mme la présidente.  - Amendement n°6 rectifié bis, présenté par MM. Patient, Karam, Antiste, J. Gillot et S. Larcher.

Alinéa 3

Supprimer le mot :

familiale

M. Antoine Karam.  - Nous ne retenons ici que la notion de médiation.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Il ne s'agit pas de généraliser l'expérimentation en cours, mais de la prolonger pour trois ans. Avis défavorable, au nom de la sécurité des parties.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Même avis, la spécificité de tels litiges - qui mettent en jeu l'intérêt des enfants - justifie que seuls des médiateurs familiaux, diplômés par l'État, interviennent.

Les amendements nos5 rectifié bis et 6 rectifié bis sont retirés.

Mme la présidente.  - Amendement n°68 rectifié, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Si des violences ont été commises sur l'un des conjoints ou sur l'enfant ;

Mme Cécile Cukierman.  - Les violences faites aux femmes, souvent accompagnées d'une emprise qui altère le consentement de la victime, ne sauraient faire l'objet d'une médiation.

Mme la présidente.  - Amendement n°42, présenté par M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 6 et 7

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

3° Si des violences ont été commises par l'un des parents sur l'autre parent ou sur l'enfant.

M. Jacques Bigot.  - Même objet : face à la violence, il n'est pas question de négocier.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La médiation est déjà exclue en cas de motif légitime, avis défavorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Le Gouvernement partage l'intention des auteurs de l'amendement, mais préfère le second, qui parle de « parents » plutôt que de « conjoints ».

Mme Cécile Cukierman.  - Nous maintenons le nôtre, il peut y avoir violence même quand il n'y a pas d'enfants.

L'amendement n°68 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°42.

L'article 4 ter est adopté.

ARTICLE 4 QUATER

Mme la présidente.  - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par MM. Patient, Karam, Antiste, J. Gillot et S. Larcher.

Supprimer cet article.

M. Antoine Karam.  - Cet article serait trop complexe et coûteux pour les juridictions.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Une liste de médiateurs établie par le Premier président de la cour d'appel est une garantie pour les justiciables, avis défavorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Même avis, il faut rassurer les justiciables pour encourager la médiation.

L'amendement n°7 rectifié bis est retiré.

L'article 4 quater est adopté.

ARTICLE 5

Mme la présidente.  - Amendement n°69, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - La procédure participative, réservée à une élite - et influencée par le droit anglo-saxon - serait avec cet article étendue à la mise en état des litiges. Certains parlent de privatisation de la justice, et la majorité des juges sont contre... Le Gouvernement prétend que les « véritables conflits » seront réservés aux juges, mais qu'est-ce à dire ?

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Avis défavorable : le recours à cette procédure est laissé au libre choix des parties.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Même avis, le juge continuera d'exercer un contrôle par le biais de l'homologation ou de la mise en état du litige.

L'amendement n°69 n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté.

Les articles 6 et 7 sont successivement adoptés.

ARTICLE 8

Mme Cécile Cukierman .  - Les tribunaux des affaires de sécurité sociale rendent chaque année 90 000 décisions, soit autant que l'ensemble des juridictions pénales. La réforme « Dati » de la carte judiciaire a détérioré leur fonctionnement : les délais ont été rallongés de deux mois depuis 2009.

Le Gouvernement veut fusionner les contentieux sociaux dans un pôle social au sein d'un tribunal de grande instance par département. Ce sera au détriment de la proximité, directement liée à l'accès des plus précaires à la justice.

On est loin de la création d'un ordre de juridictions sociales, prônée par Pierre Joxe dans son ouvrage Soif de justice.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Excellente référence !

Mme Cécile Cukierman.  - L'autonomie de la juridiction sociale n'est pas assurée ici - c'est pourquoi le groupe CRC s'abstiendra sur cet article.

Mme la présidente.  - Amendement n°70, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

I.  -  Alinéas 23 à 31

Supprimer ces alinéas.

II.  -  Alinéa 78 à 84

Supprimer ces alinéas.

Mme Cécile Cukierman.  - Je viens de le défendre.

Mme la présidente.  - Amendement n°37, présenté par Mme D. Gillot.

I.  -  Alinéa 27

Après les mots :

à l'exception du 4°

insérer les mots :

et du 5°

II.  -  Alinéas 30 et 31

Supprimer ces alinéas.

III.  -  Alinéa 57, première phrase

Remplacer les références :

1°, 2°, 3° et 5°

par les références :

1°, 2° et 3°

Mme Dominique Gillot.  - L'activité des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, ne cesse de croître. Dans la moitié d'entre elles, le délai moyen de réponse est à présent supérieur au délai légal de quatre mois. Un travail de simplification est mené depuis 2014 pour dégager des marges de manoeuvre. Le recours préalable, s'il devait être traité par les MDPH, le mettrait en cause et serait contraire à l'engagement qu'a pris le président de la République lors de la dernière conférence sur le handicap.

En outre, il existe déjà une procédure de conciliation et de recours gracieux, largement utilisée puisque aujourd'hui près de 80 % des recours sont gracieux.

Cet amendement introduit une exception au principe du recours préalable à caractère médical obligatoire en ce qui concerne les décisions de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH).

Mme la présidente.  - Amendement n°30, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 27

Supprimer les mots :

à caractère médical

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Le recours préalable obligatoire existe déjà pour le contentieux général, nous l'étendons au contentieux technique pour éviter à des personnes, souvent précarisées, de devoir saisir le juge pour obtenir une contre-expertise.

Il est de l'intérêt de tous, usager comme département, que la contestation de la décision de la MDPH soit examinée en amont de l'intervention du juge. Il n'est pas prévu de faire peser sur les MDPH l'ensemble des recours préalables : le recours au juge est préservé. Mon amendement répond aux préoccupations de Mme Gillot.

Avis défavorable à l'amendement n°70, retrait de l'amendement n°37.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - En première lecture, le Sénat avait voté un recours amiable préalable obligatoire en matière de contentieux social. Le texte de l'Assemblée nationale reprend cette idée : avis défavorable à l'amendement n°70.

L'amendement n°37 propose d'y déroger pour le seul contentieux des décisions des MDPH. En tout état de cause, à défaut de réponse, le juge sera saisi : avis défavorable. Avis favorable à l'amendement n°30 du Gouvernement.

L'amendement n°70 n'est pas adopté.

Mme Dominique Gillot.  - J'apprécie la réponse de M. le ministre, qui prévoit l'exception pour les questions médicales. Les MDPH étant surchargées de travail et en pleine évolution, il serait dommage que le délai du recours préalable soit dépassé. Je retire mon amendement au profit de celui du Gouvernement.

L'amendement n°37 est retiré.

L'amendement n°30 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°38, présenté par Mme D. Gillot.

Après l'alinéa 37

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Le juge s'efforce de concilier les parties.

« Le juge peut également, à tout moment de la procédure, inviter les parties à rencontrer un conciliateur de justice aux lieu, jour et heure qu'il détermine. Les parties en sont avisées, selon le cas, dans l'acte de convocation à l'audience ou par tous moyens. L'avis indique la date de l'audience à laquelle l'affaire sera examinée afin que le juge constate la conciliation ou tranche le litige.

« L'invitation peut également être faite par le juge à l'audience.

Mme Dominique Gillot.  - La création d'un recours préalable obligatoire dans le champ du contentieux de la sécurité sociale ne paraît pas adaptée. On perçoit difficilement son articulation avec les activités de la commission de recours amiable (CRA).

Le tribunal des affaires de sécurité sociale présente des similitudes évidentes avec le tribunal d'instance : il traite un nombre très important d'affaires aux enjeux modestes, présentant des seuils inférieurs à 3 000 euros. Par leur masse, ces affaires accroissent les délais de résolution de ses affaires plus complexes.

Autorisons le juge à recourir à un conciliateur de justice, formé au droit de la sécurité sociale, pour régler ces conflits. L'assuré et la caisse obtiendront des décisions plus rapides.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - On ne peut qu'être favorable à la conciliation pour les litiges modestes. Encore faut-il suffisamment de conciliateurs, formés au droit de la sécurité sociale. A l'heure actuelle, rien n'interdit d'y recourir.

Surtout, l'amendement semble satisfait par l'article 21 du code de procédure civile qui fait de la recherche de la conciliation une mission du juge. Retrait ou avis défavorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Mêmes arguments exactement !

L'amendement n°38 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°34, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 121

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 211-16.  -  Des tribunaux de grande instance spécialement désignés connaissent :

II.  -  Alinéa 128

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Dispositions particulières au tribunal de grande instance spécialement désigné au titre de l'article L. 211-16

III.  -  Alinéa 129

Remplacer les mots :

La formation de jugement du tribunal des affaires sociales

par les mots :

Lorsqu'elle statue dans les matières mentionnées à l'article L. 211-16, la formation collégiale du tribunal de grande instance

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - La commission des lois du Sénat a rétabli la dénomination de « tribunal des affaires sociales ». Cela va à l'encontre de l'objectif d'une justice plus lisible pour le justiciable, à l'organisation simplifiée.

La création d'un pôle social, le pôle étant reconnu par le décret du 26 avril 2016, au sein du tribunal de grande instance offrira cette lisibilité au justiciable.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°43, présenté par M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

M. Jacques Bigot.  - Si l'on garde le nom de TASS, le justiciable ne verra pas que c'est le TGI qui sera désormais en charge des affaires de sécurité sociale. Clarifions !

Mme la présidente.  - Amendement n°123 rectifié, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission.

A. - Alinéa 142

Supprimer les mots :

d'un tribunal de grande instance mentionné à l'article L. 211-16

B. - Alinéa 147

Supprimer les mots :

de grande instance mentionnés à l'article L. 211-16

C. - Alinéa 148

Supprimer les mots :

d'un tribunal de grande instance mentionné à l'article L, rapporteur. 211-16

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Amendement de coordination concernant les assesseurs des tribunaux des affaires sociales.

Les amendements identiques nos34 et 43 rétablissent le texte de l'Assemblée nationale -que nous acceptons sur le fond car les députés ont donné de la substance à cette réforme. En revanche, la dénomination de « tribunal des affaires sociales » est plus parlante pour le justiciable. Avis défavorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Avis défavorable à l'amendement n°123 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le livre édifiant de Pierre Joxe, Soif de justice ; au secours des juridictions sociales, décrit un univers incompréhensible, au fonctionnement souvent médiocre. Si l'on en revient à la dénomination de TASS, on repousse ce qu'il y a de plus novateur dans la réforme.

M. Marc Laménie.  - En droit, chaque mot compte, et la lisibilité est à rechercher. Je suivrai toutefois la commission des lois car le TASS est bien identifié par les justiciables. Les TGI sont particulièrement sollicités... Cette distinction contribue à la lisibilité.

Les amendements identiques nos34 et 43 ne sont pas adoptés.

L'amendement n°123 rectifié est adopté.

L'article 8, modifié, est adopté.

L'article 8 bis est adopté.

L'article 8 ter demeure supprimé.

Les articles 9, 10, 10 bis sont adoptés.

L'article 11 A demeure supprimé.

Les articles 11, 12 bis, 12 ter et 13 sont adoptés.

ARTICLE 13 BIS A

Mme la présidente.  - Amendement n°31, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

, ainsi que les mises à jour périodiques, selon les modalités fixées par le Conseil national des barreaux

II.  -  Alinéa 4

Rétablir un 2° ainsi rédigé :

2 ° Après le premier alinéa de l'article 21-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sur la base des informations communiquées par les conseils de l'ordre en application du 1° bis de l'article 17, le Conseil national des barreaux établit, met à jour et met à disposition en ligne un annuaire national des avocats inscrits au tableau d'un barreau. »

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Le but de l'article 13 bis A est que le Conseil national des barreaux tienne une liste nationale des avocats actualisée. À l'heure actuelle, cet annuaire est mis à jour uniquement à partir des informations spontanément communiquées par les conseils de l'ordre.

Il apparaît opportun que le Conseil national des barreaux, de la même manière qu'il unifie par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession, coordonne la tenue de cet annuaire.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - En l'absence de hiérarchie entre les conseils de l'ordre et le Conseil national des barreaux, il n'apparaît pas opportun de charger celui-ci de cette mission. Tout cela relève du décret, de toute façon... Avis défavorable.

L'amendement n°31 n'est pas adopté.

L'article 13 bis A est adopté.

L'article 13 bis B est adopté.

ARTICLE 13 BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°44, présenté par M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Jacques Bigot.  - Nous avons déjà débattu de la mutualisation des greffiers au sein d'une même agglomération. Le moment n'est pas venu. D'où cet amendement de suppression.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°71, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Mme Cécile Cukierman.  - Les critiques soulevées contre cette fusion sont fondées à nos yeux. Regrettant l'absence de concertation et d'accompagnement, les syndicats de fonctionnaires ont émis les plus vives réserves. Une pétition des greffiers en faveur de la suppression de cet article d'ailleurs a recueilli des milliers de signatures. On risque de déshabiller les tribunaux d'instance et les conseils de prud'hommes pour rhabiller les tribunaux de grande instance... Sans compter que ces différents tribunaux ne se trouvent pas forcément sur le même site.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Cette disposition figurait dans plusieurs rapports d'information avant d'être reprise lors de la journée de l'Unesco sur la justice du XXIe siècle. Non, les greffiers ne seront pas déplacés au jour le jour, comme des pions, mais pour une durée qui pourrait être de six mois, et toujours dans la même ville. C'est un enrichissement de leur fonction plutôt qu'une contrainte ! Les précautions sont prises. Avis défavorable aux amendements nos44 et 71.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Je n'avais pas d'a priori hostile à cette proposition du Sénat.

La carence, en matière de greffiers, est connue. Nous y remédions puisque la dernière promotion de l'école nationale des greffes compte plus de 400 élèves.

Cependant, « l'amendement Détraigne » ou « le 13 bis », très discuté dans tous les greffes de France, fait l'unanimité contre lui ! J'ai été convaincu par les arguments d'un greffier extrêmement spécialisé en droit prud'homal : s'il devait effectuer une mobilité, ce serait aux dépens des intérêts des justiciables.

Nous préparons un décret avec les organisations syndicales pour assouplir les conditions de délégation au sein d'une cour d'appel. Dans cette optique, avis favorable à l'amendement.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - On me parle effectivement de cette mesure dans toutes les juridictions que je visite. Les greffiers craignent d'être taillables et corvéables à merci ; les présidents se félicitent, eux, de la souplesse que cela leur apporterait. Je maintiens que ce n'est pas une mauvaise idée ! Inscrivons-la dans la loi, elle appellera une circulaire d'application...

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - ...et du discernement !

M. Jacques Bigot.  - Une évolution est certes nécessaire. Pour autant, elle doit tenir compte de l'organisation de la justice, celle des greffiers et celle des magistrats diffèrent. L'autorité fonctionnelle au sein des juridictions est à revoir. Mieux vaut supprimer cet article pour l'heure.

Les amendements nos44 et 71 ne sont pas adoptés.

L'article 13 bis est adopté.

ARTICLE 13 TER (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°45, présenté par M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après le chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'organisation judiciaire, il est inséré un chapitre III bis ainsi rédigé : 

« Chapitre III bis

« Les juristes assistants

« Art. L. 123-5.  -  Des juristes assistants sont institués auprès des juridictions. Peuvent être nommées en qualité de juristes assistants auprès des magistrats des tribunaux d'instance, des tribunaux de grande instance et de première instance, des cours d'appel ainsi qu'à la Cour de cassation les personnes titulaires d'un diplôme de doctorat en droit ou sanctionnant une formation juridique au moins égale à cinq années d'études supérieures après le baccalauréat avec deux années d'expérience professionnelle dans le domaine juridique et que leur compétence qualifie particulièrement pour exercer ces fonctions. Ces juristes assistants sont nommés, à temps partiel ou complet, pour une durée maximale de trois années, renouvelable une fois. Ils sont tenus au secret professionnel et peuvent accéder aux dossiers de procédure pour l'exercice des tâches qui leur sont confiées. Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article. »

M. Jacques Bigot.  - Je ne comprends pas pourquoi la commission a supprimé le corps de juristes assistants. Dans n'importe quelle entreprise, on se tournerait vers des cadres formés et moins payés pour soulager les responsables.

Les magistrats peuvent aujourd'hui être assistés 20 heures par semaine par des assistants de justice, souvent des étudiants préparant le concours de l'école nationale de la magistrature ou l'examen de qualification à la profession d'avocat, mais ils sont moins formés que les doctorants, qui pourront en outre accéder plus rapidement à la magistrature par la suite. J'appelle le rapporteur à changer d'avis sur ce point.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Aujourd'hui, les juges judiciaires peuvent être assistés par des assistants de justice, voire par des assistants spécialisés en matière pénale. La commission des lois est favorable à l'allègement de la charge de travail du magistrat pour qu'il puisse se recentrer sur son coeur de métier. Mais commençons donc par renforcer le nombre et le rôle des assistants de justice actuels ! Si le garde des Sceaux obtient enfin les moyens qui lui manquent, pourquoi pas. En attendant, n'anticipons pas. On peut aussi s'interroger sur le statut de ces juristes assistants. Comment s'articuleraient-ils avec ces assistants de justice ? En l'état, avis défavorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Plus on étoffera l'équipe du magistrat, plus celui-ci pourra se concentrer sur sa tâche. Il y a aujourd'hui 75 assistants spécialisés, mis à disposition de leur administration, pour apporter une technicité particulière, par exemple des inspecteurs des impôts en matière fiscale. Il y a, en outre, 950 assistants de justice, généralement des étudiants préparant le concours de la magistrature pour 80 heures par mois. Troisième catégorie, que nous créons pour une mission précise : celle des 245 juristes assistants, qui produiront des analyses approfondies ou effectueront des tâches de documentation pour décharger les magistrats. D'où notre avis favorable à l'amendement n°46.

M. Jacques Mézard.  - Cet amendement me laisse dubitatif. On recherche des docteurs en droit ? Ils sont minoritaires chez les magistrats... Le plus raisonnable serait de créer davantage de postes de magistrats et de faciliter l'accès des docteurs en droit à l'ENM !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Nous faisons les deux : nous créons de plus en plus de magistrats, la nouvelle promotion de l'ENM est encore plus nombreuse que la dernière, qui était elle-même plus importante que l'avant-dernière. Durant la législature, nous aurons créé 2 086 postes de magistrats, contre 840 sous la précédente législature. Il reste 450 postes vacants dans nos juridictions. Si nous maintenons l'effort, nous pourrons les pourvoir.

Cela n'empêche en rien que le magistrat, pour se concentrer sur l'acte de juger, doive être déchargé de tâches annexes.

M. Jacques Bigot.  - En effet. L'assistant peut pré-rédiger la décision. Il fera ce travail à temps complet. Ce n'est pas la même chose que l'étudiant qui vient découvrir le monde judiciaire et le quittera une fois qu'il aura eu son concours.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il ne s'agit pas de recruter uniquement des docteurs en droit : l'amendement concerne aussi les personnes ayant effectué cinq années d'études de droit.

L'amendement n°45 n'est pas adopté.

L'article 13 ter demeure supprimé.

L'article 14 demeure supprimé.

ARTICLE 14 BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°46, présenté par M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 4 à 38

Supprimer ces alinéas.

M. Jacques Bigot.  - Cet amendement supprime les dispositions introduites par la commission relatives à la collégialité de l'instruction.

À la suite de l'émoi suscité par l'affaire d'Outreau, on a voulu répondre à la solitude du juge d'instruction - en oubliant l'existence de la chambre de l'instruction.

Le rôle du procureur et du juge des libertés et de la détention se renforce. Mieux vaut donc renoncer à la collégialité, puisque nous n'en avons pas les moyens. Ayons le même courage que l'Assemblée nationale !

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La commission des lois a retenu un dispositif alternatif à la suppression pure et simple de la collégialité : elle l'a maintenue, de manière facultative, pour certaines affaires complexes, traitées notamment par les juridictions interrégionales spécialisées ou les magistrats spécialisés. Avis défavorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - En 2007, la collégialité de l'instruction a été votée à l'unanimité. Elle n'a jamais été appliquée - et n'existe d'ailleurs nulle part ailleurs dans le monde.

En 2013, le Gouvernement a déposé un projet de loi pour tenter de se conformer à la réalité. L'Assemblée nationale est allée plus loin en proposant de supprimer la collégialité, arguant qu'il n'y aurait eu de pôles de l'instruction que dans certains tribunaux...

Depuis 2007, la procédure de cosaisine fonctionne très bien dans les juridictions interrégionales spécialisées. Le Gouvernement se range donc à l'avis de l'Assemblée nationale.

M. Gérard Longuet.  - Outre le problème d'effectivité, je soutiendrai l'amendement de M. Bigot. Ne prenons pas le risque de créer des tribunaux à deux niveaux.

La collégialité de l'instruction est de toute façon assurée par la presse dans notre pays...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je suis moi en désaccord avec M. Bigot : le courage n'est pas de renoncer mais de trouver une issue à l'imbroglio dans lequel nous sommes ! Conservons le principe et tâchons de trouver le moyen de l'appliquer comme le proposait initialement le Gouvernement.

M. Jacques Mézard.  - Cela doit vous amener à réfléchir sur ce que nous votons. La collégialité de l'instruction a été adoptée à l'unanimité à l'issue de l'affaire d'Outreau, sans que personne ne se soucie de sa mise en application, de sorte que le système est désormais boiteux. Ceux que l'on appelle les « petits départements » sont déjà dépossédés de l'instruction des affaires criminelles...

Il y a urgence à prendre une décision, nous sommes d'accord. Mais celles qui sont ici proposées me laissent dubitatif.

Mme Cécile Cukierman.  - La collégialité de l'instruction est un principe louable et nécessaire dans nombre de dossiers. Les organisations professionnelles évoluent sur ce sujet. Il y a forcément des solutions autres que la suppression pure et simple du principe. Nous ne voterons pas l'amendement, non plus que l'article tel que rédigé par la commission, qui ne nous satisfait pas.

M. François Pillet.  - Le juge d'instruction, cet homme seul, disait Robert Badinter..., celui dont, au surplus, les décisions sont les plus commentées par la presse.

La collégialité est une garantie d'impartialité et des considérations financières ne devraient pas conduire à remettre en cause un progrès de notre droit.

M. Jacques Bigot.  - À ce compte-là, il faudrait mettre en oeuvre le principe de collégialité partout...

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Notre commission des lois peut s'accorder avec le Gouvernement sur plusieurs points.

Nous n'avons cessé de reporter la mise en oeuvre du principe de collégialité de l'instruction ; il est temps de sortir de l'impasse. L'abandonner complètement serait une erreur. Certaines affaires pénales complexes demandent des moyens importants. Nous sommes proches de votre position initiale, monsieur le garde des sceaux, lorsque vous proposiez que les décisions essentielles de l'instruction soit prises de façon collégiale à la demande des parties ou des magistrats. Mais notre rédaction évite les travers que vous souligniez, à savoir que les cabinets d'instruction rassemblant un nombre insuffisant de juges ne pourraient plus instruire.

Nous identifions aussi les types d'affaires pour lesquels la collégialité serait obligatoire : criminalité économique et financière, criminalité organisée, affaires relevant des pôles de santé publique de Paris et Marseille, et du pôle antiterroriste de Paris. Nous sommes dans notre rôle en proposant une solution pragmatique ; si le Sénat s'y ralliait, gageons que le garde des sceaux saura la faire adopter par l'Assemblée nationale.

M. Charles Revet.  - Très bien !

L'amendement n°46 n'est pas adopté.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le problème, ce ne sont pas nécessairement les affaires financières compliquées ou de criminalité organisée, mais celles à propos desquelles l'opinion publique s'emballe et où le juge ne doit pas être seul. Je ne peux me satisfaire de la solution de la commission.

L'article 14 bis est adopté, de même que les articles 14 ter, 14 quater et 14 quinquies.

ARTICLE 14 SEXIES

Mme la présidente.  - Amendement n°77 rectifié, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 17, deuxième et troisième phrases

Remplacer ces phrases par une phrase ainsi rédigée :

Toutes les personnes renvoyées à cette date devant le tribunal correctionnel sont de plein droit renvoyées devant la juridiction qui a ordonné le renvoi, afin qu'elle réoriente le dossier devant la juridiction de jugement de son choix.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous nous félicitons de la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs. Il aura fallu quatre ans au Gouvernement pour revenir sur cette juridiction d'exception. Mais notre attention a été attirée sur les mesures transitoires. Rien ne justifie par exemple le renvoi automatique du tribunal correctionnel pour mineurs au tribunal pour enfants, qui consiste comme tout renvoi automatique à concentrer l'attention, pour le choix du renvoi, sur la peine encourue plutôt que sur la personnalité et l'évolution du mineur. D'où cet amendement.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Le renvoi automatique ne va pas de soi et risque en effet d'encombrer inutilement les juridictions. Sagesse favorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Avis défavorable, cet amendement alourdira inutilement la charge des juges d'instruction. Le fait de confier un dossier au tribunal pour enfants ne permet en rien de préjuger sa décision. Et je ne vois pas sur quel fondement juridique on pourrait en l'espèce revenir sur une décision prise légalement.

L'amendement n°77 rectifié est adopté.

L'article 14 sexies, modifié, est adopté.

ARTICLE 14 SEPTIES

Mme la présidente.  - Amendement n°76, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéas 2 à 5

Supprimer ces alinéas.

Mme Cécile Cukierman.  - Ces alinéas généralisent le principe du cumul entre sanction pénale et mesures éducatives. C'est une régression par rapport à l'ordonnance de 1945 qui incitera les juridictions à prononcer davantage de peines - avec éventuellement un vernis éducatif.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet amendement revient sur une mesure demandée par les magistrats. L'impossibilité de cumul n'est pas compréhensible. Cet article donne au contraire de la souplesse aux juridictions.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Le cumul existe déjà dans l'ordonnance de 1945. Cet article n'est en aucun cas une régression. Des peines sont prononcées dans 42 % des dossiers et il est des cas dans lesquels ce prononcé fait obstacle à celui d'une mesure éducative ; cet article le lève...

L'amendement n°76 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°74, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 9

Rétablir le 3° bis dans la rédaction suivante :

3° bis L'article 20-2 est ainsi modifié :

a) La seconde phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :

« Si la peine encourue est la réclusion ou la détention criminelle à perpétuité, ils ne peuvent prononcer une peine supérieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelle. » ;

b) Le deuxième alinéa est supprimé ;

Mme Cécile Cukierman.  - Nous refusons toute dérogation pour les mineurs de plus de 16 ans au principe d'interdiction du prononcé d'une peine de réclusion à perpétuité.

Mme la présidente.  - Amendement n°33, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 9

Rétablir le 3° bis dans la rédaction suivante :

3° bis L'article 20-2 est ainsi modifié :

a) La seconde phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :

« Si la peine encourue est la réclusion ou la détention criminelle à perpétuité, ils ne peuvent prononcer une peine supérieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelle. » ;

b) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsqu'il est décidé de ne pas faire application du premier alinéa et que la peine encourue est la réclusion ou la détention criminelle à perpétuité, la peine maximale pouvant être prononcée est la peine de trente ans de réclusion ou de détention criminelle. » ;

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Les mineurs, dont la personnalité n'est pas complètement structurée, ne peuvent être exclus définitivement de la société par une condamnation à la réclusion ou à la détention criminelle à perpétuité. La commission internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 l'interdit d'ailleurs.

La peine de réclusion criminelle à perpétuité n'a été prononcée qu'une seule fois depuis 2010, dans des circonstances dramatiques qui ont ému tout un chacun. Mais nous ne pouvons pas construire notre droit sur des circonstances exceptionnelles.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°47, présenté par M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Lors de l'examen de la loi prorogeant l'état d'urgence, nous n'avons suivi le procureur Molins en étendant la durée de la détention provisoire pour les mineurs à deux ans qu'après une longue réflexion, et pour ainsi dire à contrecoeur.

Vingt ans, trente ans de prison, ce n'est déjà pas rien. Introduire dans notre droit la perpétuité pour les mineurs n'est pas acceptable.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°75, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Mme Cécile Cukierman.  - C'est le même. Faire planer sur des mineurs la menace de la perpétuité serait contraire à l'esprit même de notre droit.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°105 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

M. Jacques Mézard.  - Ne nous laissons pas entraîner sur des voies impraticables. Je suis des partisans de la fermeté à l'égard des mineurs délinquants, mais la perpétuité dans leur cas n'a aucun sens et est parfaitement irréaliste. Veillons à ne pas lancer des messages ou des signaux médiatiques qui ne peuvent avoir de traduction dans la réalité.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Dans le contexte actuel, où des mineurs de 16 ans se livrent à des actes terroristes, il ne me paraît pas opportun d'exclure complètement l'hypothèse de la perpétuité pour les mineurs, surtout encadrée comme elle l'est par le droit en vigueur.

Avis défavorable à ces amendements.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Avis défavorable à l'amendement n°74.

L'amendement n°74 n'est pas adopté.

Les amendements identiques nos33, 47, 75 et 105 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article 14 septies est adopté.

Les articles 14 octies, 14 nonies et 14 decies sont successivement adoptés.

ARTICLE 15 A

Mme la présidente.  - Amendement n°106 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Alinéas 27 à 33

Supprimer ces alinéas.

M. Jacques Mézard.  - Cet amendement supprime les dispositions mentionnant les amendes forfaitaires délictuelles en matière d'infractions routières. Je pense en particulier au défaut de permis de conduire ou de défaut d'assurance. C'est un très mauvais signal envoyé à ceux qui n'ont pas encore le permis...

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Cet amendement qui concerne plutôt l'article 15 bis A me semble fondé sur une méprise : ces alinéas ne concernent pas le défaut de permis ou d'assurance. Retrait ou avis défavorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°106 rectifié est retiré.

L'article 15 A est adopté.

ARTICLE 15 BIS AA

Mme la présidente.  - Amendement n°35, présenté par M. Courteau.

Alinéa 38

Remplacer les mots :

et de gendarmerie nationales

par les mots :

, de gendarmerie nationales et de police municipale

M. Roland Courteau.  - Cet amendement autorise la police municipale à utiliser des dispositifs de lecture automatisée des plaques d'immatriculation, alors que les collectivités territoriales sont de plus en plus confrontées au stationnement interdit, parfois dangereux. Attendre l'information de la police nationale leur fait perdre un temps précieux.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La proposition est hardie et mériterait une réflexion plus approfondie. Je doute de plus que cette technique soit facile à utiliser pour les infractions aux règles de stationnement, les seules ou presque pour lesquelles les polices municipales délivrent des procès-verbaux. Retrait ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Le ministre de l'intérieur, consulté, m'invite à émettre un avis défavorable : le moyen est disproportionné au regard des compétences des polices municipales.

M. François Grosdidier.  - C'est regrettable, et même incompréhensible. Les policiers municipaux font respecter le code de la route, interviennent sur tous types d'infractions en flagrance, et sont contraints de demander à la police nationale d'identifier un véhicule lorsqu'ils soupçonnent qu'il a été volé. Pourquoi maintenir de telles lourdeurs ? On l'a justifié pendant longtemps par le risque d'abus ; or la traçabilité des consultations du fichier des immatriculations est désormais totale. Je ne comprends pas le refus de la commission pas plus que celui du ministre.

M. Pierre-Yves Collombat.  - M. Grosdidier a raison. Il est contradictoire de confier de plus en plus de tâches à la police municipale, de la confondre pour ainsi dire avec la police nationale lorsque cela arrange tout le monde, et de lui refuser cette facilité.

Mme Sophie Primas.  - La coopération entre police nationale et police municipale est nécessaire, d'ailleurs de plus en plus fréquente et extrêmement utile : je voterai l'amendement.

M. Jacques Bigot.  - L'amendement a peut-être été regardé un peu rapidement par le ministère de l'intérieur. La police municipale intervient de plus en plus dans des domaines qui étaient hier de la compétence de la police nationale, il faut lui en donner les moyens. Cette mesure est très opportune, même si son application sera délicate.

M. Patrick Abate.  - Sur le terrain, le besoin de coopération entre les services de sécurité est grand. Ne pas voter cet amendement serait un signe de méfiance à l'égard des polices municipales, qui ne le méritent pas. Et les consultations du fichier sont traçables.

M. André Reichardt.  - Je joins ma voix à ce concert d'incompréhension. L'heure n'est plus à la guerre des polices ! Autoriser les polices municipales à consulter le fichier des véhicules me semble le B.A.-BA...

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La commission des lois se limite à une mise en garde... D'abord, la police nationale et la gendarmerie nationale peuvent fournir ces renseignements. Ensuite, les polices municipales sont très diverses : certaines sont armées, d'autres non...

M. François Grosdidier.  - Quel rapport ?

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - L'avis reste défavorable.

M. François Pillet.  - Nous avons voté à la quasi-unanimité une proposition de loi de René Vandierendonck et moi-même sur les polices municipales, qui avait reçu un accord de principe du ministre de l'intérieur de l'époque Manuel Valls. Resterait à l'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale...

M. François Grosdidier.  - Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras !

L'amendement n°35 est adopté.

L'article 15 bis AA, modifié, est adopté.

ARTICLE 15 BIS A

Mme la présidente.  - Amendement n°12, présenté par MM. Grand, Carle et Huré, Mme Micouleau, MM. Mayet, Charon et Milon, Mme Gruny et MM. Houel, Reichardt et Laménie.

Supprimer cet article.

M. André Reichardt.  - Il est défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°107 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

M. Jacques Mézard.  - L'excellent rapport du non moins excellent rapporteur relève que les condamnations pour défaut de permis oscillent entre 280 euros et 469 euros... L'argument est qu'on va alourdir la sanction en passant à l'amende forfaitaire...

Ce pays n'a pas de politique pénale. Comment accepter, alors qu'on dénombre 3 200 morts sur la route par an, que l'on banalise le défaut de permis ou d'assurance ? Les condamnés à une amende forfaitaire pourraient même demander un délai de paiement ou une remise gracieuse au Trésor public, un comble...

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - L'article maintient le caractère délictuel de ces infractions et exclut le prononcé d'une simple amende forfaitaire en cas de récidive légale ou de la commission concomitante d'une infraction non forfaitisée.

L'objectif, on le comprend, est de désengorger les tribunaux, mais aussi d'être plus efficace puisque la sanction tombera avec certitude et plus rapidement. Pour une conduite sans permis, l'amende serait fixée à 800 euros, minorée à 600 euros et majorée à 1 600 euros. Pour un défaut d'assurance, l'amende serait de 500 euros, minorée à 400 euros, majorée à 1 000 euros. Cela n'a rien de laxiste.

Des difficultés de mise en oeuvre pourraient, il est vrai, survenir dans le cas de véhicules de sociétés. Avis défavorable toutefois.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Vous en avez déjà discuté : quand bien même elle conduirait à une sanction plus forte, la contraventionnalisation est dénoncée par les associations ; j'ai donc changé le dispositif. L'automobiliste peut refuser l'amende : il passera donc devant le tribunal. Cela devrait rassurer ceux qui tiennent à la solennité du procès. Je continue toutefois à croire qu'une sanction financière rapide et lourde sera plus dissuasive qu'une sanction hypothétique, retardée, et sans doute moins importante... Avis défavorable.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Radars partout, amendes à tout-va, limitation de la vitesse à 30 kilomètres heure... Je croyais le Gouvernement déterminé à lutter contre la délinquance routière ! Le défaut de permis en l'occurrence, ce n'est pas rien ! Une amende de 500 euros ? C'est moins cher que le permis...

M. Alain Marc.  - Monsieur le ministre, vous rêvez ! Qui refusera une amende forfaitaire pour passer devant le juge ? Un défaut de permis, c'est gravissime !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Il est sanctionné plus faiblement aujourd'hui.

M. Jacques Mézard.  - La personne poursuivie pourra demander à passer devant le tribunal, dit le ministre, plutôt que de payer 400 euros... Quel individu normalement constitué ferait ce choix ? Être obligé d'instituer une amende forfaitaire parce que les juridictions prononcent des peines trop faibles, c'est la preuve de l'absence de politique pénale dans ce pays.

Les amendements identiques nos12 et 107 rectifié sont adoptés et l'article 15 bis A demeure supprimé.

ARTICLE 15 BIS B

Mme la présidente.  - Amendement n°67, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 25 à 27

Supprimer ces alinéas.

M. Jean-Yves Leconte.  - Sous un aspect anodin, cet article, qui autorise les agents compétents pour effectuer des contrôles de véhicules et de leurs conducteurs à procéder à des « opérations leur permettant d'accéder aux informations et aux données physiques et numériques embarquées », me paraît dangereux, car, avec le développement de la connectique, il peut s'agir de données personnelles et non simplement techniques. L'électronique embarquée évolue vite, c'est comme si l'on donnait accès aux données d'un ordinateur ou d'un téléphone. On a vu la vigilance du Conseil constitutionnel lors de la récente loi sur l'état d'urgence.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - L'accès aux données des véhicules ne vise qu'à vérifier le respect des prescriptions techniques, l'absence de vol ou de recel. Des données relatives à la géolocalisation, par exemple, ne pourront être utilisées - des excès de vitesse ne pourront pas être constatés a posteriori, comme le redoutent les automobilistes... Retrait.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Même avis.

M. Jean-Yves Leconte.  - Rien n'est dit sur le stockage et l'exploitation. Même la loi sur l'état d'urgence, censurée, était plus précise ! Le risque est grand pour la vie privée.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je n'ai pas compris comment les garanties énoncées par le rapporteur se déduisaient du texte. Monsieur le ministre, qui sont donc les agents compétents ?

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Que M. Sueur se réfère à l'alinéa 27.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il renvoie à un « premier alinéa ». De quel alinéa précis s'agit-il ?

Mme la présidente.  - Je vous en prie, mes chers collègues, ne faisons pas ici du travail de commission !

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - C'est l'alinéa 26.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Le règlement précisera qu'il s'agit bien sûr des forces de sécurité publique, pas de la police judiciaire.

L'amendement n°67 n'est pas adopté.

L'article 15 bis B est adopté.

ARTICLE 15 BIS (Suppression maintenue)

Mme la présidente.  - Amendement n°108 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L'article 370 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la cour d'assises statue en appel, le président informe également l'accusé que, pour la défense de son pourvoi, le ministère d'un avocat à la Cour de cassation est obligatoire, cet avocat étant choisi par lui ou, à sa demande, désigné par le président de l'ordre, et il indique à l'intéressé que les frais seront à sa charge sauf s'il remplit les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle. » ;

2° L'article 567 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Sauf en ce qui concerne la déclaration de pourvoi prévue aux articles 576 et 577, le ministère d'un avocat à la Cour de cassation est obligatoire pour le demandeur au pourvoi et les autres parties.

« Cet avocat est choisi par le demandeur au pourvoi ou par la partie ou, à sa demande, désigné par le président de l'ordre : la désignation intervient dans un délai maximal de huit jours lorsque le pourvoi porte sur les matières dans lesquelles la chambre criminelle est tenue de statuer dans un délai légal en application des articles 567-2, 574-1 et 574-2 ; les frais d'avocat sont à la charge du demandeur ou de la partie, sauf si les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle sont remplies. » ;

3° À la première phrase du deuxième alinéa des articles 567-2, 574-1 et 574-2, les mots : « ou son avocat » sont supprimés ;

4° Les articles 584 et 585 sont abrogés ;

5° L'article 585-1 est ainsi rédigé :

« Art. 585-1.  -  Sauf dérogation accordée par le président de la chambre criminelle, et sous réserve des articles 567-2, 574-1 et 574-2, la déclaration de l'avocat qui se constitue au nom d'un demandeur au pourvoi doit parvenir au greffe de la Cour de cassation un mois au plus tard après la date du pourvoi. » ;

6° À la fin de la première phrase de l'article 586, les mots : « , une expédition de l'acte de pourvoi et, s'il y a lieu, le mémoire du demandeur » sont remplacés par les mots : « et une expédition de l'acte de pourvoi » ;

7° L'article 588 est ainsi rédigé :

« Art. 588.  -  Le conseiller rapporteur fixe un délai pour le dépôt des mémoires entre les mains du greffier de la chambre criminelle. »

M. Jacques Mézard.  - Je récidive, après le vote du Sénat en 2007, après l'initiative de Robert Badinter et de Pierre-Yves Collombat, après la première lecture du présent projet de loi : la représentation doit être obligatoire en matière pénale, comme elle l'est dans toute autre matière, devant la Cour de cassation, car le défaut de représentation se solde par la non-admission de très nombreux dossiers. Cette règle protège-t-elle l'accès des plus démunis à la justice, comme on l'a prétendu à l'Assemblée nationale ? C'est exactement le contraire : on cède au lobbying de quelques cabinets d'avocats parisiens...

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Cet article, introduit au Sénat contre l'avis de la commission et du Gouvernement et supprimé par les députés, pourrait entraver l'accès à la justice de personnes aux revenus faibles, non éligibles à l'aide juridictionnelle à 100 %. Une réflexion s'impose. Avis défavorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Je suis assez favorable à la reconnaissance des compétences propres des avocats au Conseil car le pourvoi en cassation est une technique très particulière. Quand je présidais la commission des lois de l'Assemblée nationale, j'ai proposé que le ministère d'un avocat au Conseil soit obligatoire si une peine d'emprisonnement sans sursis est encourue. Cet amendement a été adopté en commission mais j'ai été battu en séance publique, au nom du prétendu principe du droit d'accès au juge - principe qui n'a rien de constitutionnel et qui ne me paraît pas recevable.

Sur le principe, j'approuve donc cet amendement, dont la rédaction est un peu trop large pour que je puisse émettre un avis favorable.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Cette exception pour le domaine pénal est paradoxale ! Il faut la supprimer - en cohérence avec la position antérieure du Sénat.

M. Jacques Mézard.  - Imposer le ministère d'un avocat au Conseil est le seul moyen de protéger les intérêts des parties - des personnes poursuivies, mais aussi des victimes. Monsieur le rapporteur, depuis 2007, la réflexion a eu lieu ! Les arguments que l'on nous oppose sont fallacieux.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je voterai cet amendement, préconisé de longue date par M. Badinter comme par la Cour de cassation elle-même, et avec lequel M. le Ministre exprime un accord de principe. Si l'on attend une réforme de l'aide juridictionnelle, on n'avancera pas. Au contraire, adopter cet amendement susciterait une réflexion sur cette aide.

M. Philippe Bas.  - À titre personnel, je veux m'exprimer en faveur de l'amendement. Nous sommes tenus par nos engagements internationaux d'organiser deux niveaux de juridiction ; nous en avons trois, c'est un luxe. Ouvrir le prétoire inconsidérément - on forme un pourvoi pour tenter sa chance - nuit aux justiciables eux-mêmes, qui doivent attendre longtemps que leur affaire soit définitivement jugée. Il est temps d'unifier les contentieux devant la Cour de cassation. Il faut de bonnes raisons pour faire un pourvoi en cassation, le recours à un avocat au Conseil est le meilleur moyen de s'en assurer.

L'amendement n°108 rectifié est adopté et l'article 15 bis est rétabli.

Les articles 15 ter, 15 quater, 15 quinquies et 15 sexies sont successivement adoptés.

La séance est suspendue à 19 heures.

présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 30.