Égalité et citoyenneté (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - Nous reprenons l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'égalité et à la citoyenneté.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 35 (Suite)

M. le président.  - Les amendements nos68 rectifié à 555 ont été présentés.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - La commission spéciale a conservé des dispositions très pertinentes de cet article qui élargissent l'apprentissage du français dans le cadre de la formation professionnelle - ainsi l'apprentissage du numérique. Mais il n'est pas utile de préciser quelles institutions participent à ces enseignements.

Quant aux langues régionales, des formations peuvent déjà être dispensées avec l'agrément de l'autorité administrative. C'est le cas dans ma région, la Bretagne. Les amendements autoriseraient le financement par le fonds pour la formation professionnelle, de formations dispensées exclusivement en langue régionale ; cela risquerait de constituer une discrimination.

La ratification de la charte des langues régionales l'a démontré, notre droit est déjà très protecteur pour les langues régionales.

Enfin, nous avons préféré rassembler à la fin du texte les dispositions relatives à l'outre-mer. Avis défavorable à tous les amendements.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Même avis. Des formations dispensées exclusivement en langue régionale seraient contraires à l'article 2 de la Constitution selon lequel la langue de la République est le français. Elles porteraient également atteinte au principe d'égalité de tous les actifs devant la formation professionnelle.

M. François Marc.  - Dans certaines régions, des organismes de formation professionnelle aident à communiquer effectivement avec les enfants des maternelles ou les personnes âgées des Ehpad. Des refus ont été opposés sous prétexte de discrimination. Quand on dispense des formations en anglais, songerait-on à leur opposer un tel argument ? J'ai peine à comprendre...

L'ONU vient encore de nous rappeler à l'ordre, en juin, sur la question des langues régionales.

M. René Danesi.  - Les amendements ne concernent pas les cours magistraux - l'idéologie - mais les travaux pratiques. Pourquoi s'y opposer ?

Les amendements identiques nos68 rectifié et 283 rectifié ter ne sont pas adoptés, non plus que les amendements nos534 et 555.

L'article 35 est adopté.

ARTICLE 36 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°666, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le Gouvernement publie un rapport biennal sur la lutte contre les discriminations et la prise en compte de la diversité de la société française dans la fonction publique de l'État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.

M. Patrick Kanner, ministre.  - La Haute Assemblée n'aime pas les rapports. Mais celui-ci est important : il s'agit de dresser tous les deux ans un bilan sur l'avancée de la lutte contre les discriminations dans la fonction publique - car les discriminations y existent et cet état des lieux régulier serait un bon instrument pour les combattre. Ce rapport concerne les trois versants de la fonction publique, d'où la nécessité d'en passer par la loi.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Je vais essayer d'être sage comme le Sénat. L'un des chapitres de l'état annuel de la fonction publique s'intitule « Une fonction publique plus à l'image de la société et exempte de discriminations », vous êtes libre de le compléter ! Avis défavorable.

Mme Aline Archimbaud.  - Jugeons au cas par cas l'utilité des rapports. Celui-ci concerne une question sensible et il est nécessaire.

L'amendement n°666 n'est pas adopté.

L'article 36 A demeure supprimé.

ARTICLE 36

M. le président.  - Amendement n°95 rectifié bis, présenté par Mme Di Folco, MM. Mandelli et Forissier, Mme Deroche, MM. Vasselle, César et Danesi, Mmes M. Mercier et Troendlé, MM. Laufoaulu, Mouiller, Laménie, Revet et Bouchet et Mmes Lamure et Deromedi.

I.  -  Alinéa 5

Supprimer les mots :

quelle qu'en soit la nature,

II.  -  Alinéas 6 et 7

Supprimer ces alinéas.

III.  -  Alinéa 14

Supprimer les mots :

quelle qu'en soit la nature,

IV.  -  Alinéas 15 et 16

Supprimer ces alinéas.

V.  -  Alinéa 23

Supprimer les mots :

quelle qu'en soit la nature,

VI.  -  Alinéas 24 et 25

Supprimer ces alinéas.

Mme Catherine Di Folco.  - L'amendement restaure, dans les trois fonctions publiques, la corrélation entre la nature des activités professionnelles pouvant être valorisées pour l'accès au troisième concours et les missions des corps ou des cadres d'emplois postulés.

Il est fréquent que tous les postes ouverts en troisième voie ne soient pas pourvus en raison du niveau insuffisant des candidats. La majorité des postes sont pourvus par des personnes déjà fonctionnaires ou agents publics, qui remplissent parfois les conditions dans les trois voies du concours.

La reconnaissance de l'expérience professionnelle est également prévue dans la voie externe de la même façon dans les trois fonctions publiques grâce au dispositif d'équivalence ouvert aux candidats ne détenant pas les diplômes requis. Les commissions d'équivalence ne retiennent que l'expérience professionnelle en lien direct avec à la fois la qualification apportée par le diplôme normalement requis et la nature des missions postulées. Prendre en compte l'expérience professionnelle, quelle que soit sa nature, pour l'accès au troisième concours serait inéquitable envers les candidats externes et conduirait, à terme, à drainer de nombreux candidats externes vers la troisième voie.

Supprimer la corrélation entre la nature des activités professionnelles et les missions du corps aura une incidence financière certaine car elle favorisera les multi-inscriptions des candidats dans les trois voies du concours et par-là même, l'absentéisme aux épreuves.

L'organisation de ce troisième concours est coûteuse : 2 000 euros par candidat au poste d'attaché territorial dans le Rhône. L'an dernier, cinquante candidatures ont été rejetées au concours d'hôte d'accueil de la fonction publique territoriale. Les attentes des administrations sur le profil de ceux qu'elles recrutent sont fortes !

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Mme Di Folco connaît particulièrement bien le sujet. Cependant, cet article a pour but d'assouplir les modalités du troisième concours. Rappelons que ce dernier ne concerne que 1,5 % des lauréats. Quelqu'un qui a travaillé dans un Ehpad ne peut-il s'occuper d'enfants ?

Tel que l'a bien rédigé le Gouvernement, cet article 36 favorise la diversification des profils de la fonction publique. Avis défavorable à l'amendement.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Je ne voudrais pas gâcher les sentiments très favorables à notre endroit de Mme le rapporteur ! (Sourires) Même avis.

Mme Catherine Di Folco.  - Je ne pense pas que l'on diversifie ainsi l'accès à la fonction publique. Après avoir réussi le concours, il faut encore se faire embaucher ! Nous ne vendons ici que des illusions.

L'amendement n°95 bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°438 rectifié bis, présenté par Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 9, 18 et 27

Remplacer les mots :

auprès d'un employeur public ainsi que celle de tout autre contrat d'apprentissage

par les mots :

et celle du contrat de professionnalisation

M. Jacques-Bernard Magner.  - Actuellement, la troisième voie est ouverte à ceux qui justifient de l'exercice de certaines activités pendant plusieurs années.

Nous vous proposons de prendre en compte le contrat de professionnalisation dans le décompte de la durée d'activité professionnelle exigée, comme l'est déjà le contrat d'apprentissage. Ainsi le secteur public participerait à l'accompagnement des jeunes et des demandeurs d'emploi vers une qualification professionnelle enregistrée dans le répertoire national des certifications professionnelles.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Je n'ai rien contre le principe, mais combien de personnes seront-elles concernées ? Le contrat de professionnalisation étant déjà considéré comme un contrat de travail, il pourrait déjà être pris en compte. Enfin, le rapprochement avec le contrat d'apprentissage ne me paraît pas vraiment fondé. Sagesse.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Contrats de professionnalisation et d'apprentissage reposent tous deux sur le principe de l'alternance. L'amendement contribue donc à ouvrir l'accès au troisième concours. Pour vous répondre, madame la rapporteure, 80 000 contrats de professionnalisation ont été signés. Avis favorable.

L'amendement n°438 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°439 rectifié, présenté par Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après les alinéas 9, 18 et 27

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La durée d'un contrat de service civique ou de volontariat associatif auprès d'un employeur public ainsi que celle de tout contrat de service civique ou de volontariat associatif sont décomptées dans le calcul de la durée d'activité professionnelle exigée pour se présenter aux concours prévus aux 2° et 3°. »

M. Jacques-Bernard Magner.  - Celui-ci propose de tenir compte de la durée d'un service civique ou d'un volontariat associatif dans le décompte de la durée d'activité professionnelle exigée pour se présenter aux concours internes et de troisième voie. Cela permettrait non seulement de valoriser l'expérience acquise en service civique ou en volontariat associatif mais également d'encourager la diversification des profils socioéconomiques dans la fonction publique. Ces expériences méritent d'être valorisées.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Le service civique n'est pas une activité professionnelle mais un engagement bénévole. Avec l'article 12 quater, il ouvrira l'accès au concours interne de la fonction publique. Cet amendement pourrait encourager les doubles inscriptions au concours interne et au troisième concours. Surtout, il serait discriminatoire par rapport aux apprentis qui peuvent seulement se présenter au troisième concours.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Même avis défavorable : ne confondons pas tout.

L'amendement n°439 rectifié est retiré.

L'article 36 est adopté.

ARTICLE 36 BIS A

M. le président.  - Amendement n°430, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 4

Avant les mots :

et les organismes publics

insérer le mot :

, associations

Mme Dominique Gillot.  - Il serait bon que les bureaux d'aide à l'insertion professionnelle (BAIP) recensent également les associations pouvant offrir une expérience professionnelle aux étudiants.

Les 76 BAIP des universités jouent un rôle fondamental auprès des étudiants. N'oublions pas que les associations emploient près de 5 % des salariés, que leur budget équivaut à 3 % du PIB. Elles offriront des débouchés en particulier pour les étudiants en filière Staps où les inscriptions sont particulièrement nombreuses.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Au titre I, nous avons rappelé que le milieu associatif était avant tout composé de bénévoles. Avis favorable cependant car l'objectif est louable.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Selon les secteurs, les associations comptent déjà parmi les partenaires des universités. Cet ajout est donc bienvenu, avis favorable.

Pour revenir à l'amendement n°438 rectifié bis, je précise que les contrats de professionnalisation sont comptabilisés comme des contrats d'apprentissage.

L'amendement n°430 est adopté.

L'article 36 bis A, modifié, est adopté.

ARTICLE 36 BIS B (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°667, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l'article 16 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article 16 bis ainsi rédigé :

« Art. 16  bis.  -  En complément des données nécessaires à la gestion des recrutements de fonctionnaires, les administrations mentionnées à l'article 2 demandent aux candidats de fournir des données relatives à leur formation et leur environnement social ou professionnel afin de produire des études et statistiques sur l'accès aux emplois mentionnés à l'article 3. Ces données ne peuvent être de celles mentionnées au I de l'article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Ces données ne sont pas communiquées aux membres du jury.

« Un décret en Conseil d'État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe les modalités de collecte et la liste des données collectées, ainsi que les modalités de leur conservation. »

M. Patrick Kanner, ministre.  - Pour diversifier le recrutement dans la fonction publique, nous devons disposer de données précises sur les candidats et les lauréats. Afin de lever vos doutes, je précise que les données collectées, non sensibles, ne seront utilisées qu'à des fins statistiques et ne figureront pas dans le dossier de l'agent.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Il s'agit ici de données sur des candidats, non des fonctionnaires. Je reste préoccupée : « l'environnement social des candidats », c'est bien large... Enfin, toutes les administrations n'ont pas les moyens de gérer de telles statistiques, toutes ne bénéficient pas de l'appui de l'Insee ! Avis défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre.  - La Cnil sera associée à la rédaction du décret, et ce sont là des données non sensibles. Il n'y a pas d'inquiétude à avoir. Nous n'avons d'autre choix que d'en passer par la loi pour organiser une telle collecte en raison du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

L'amendement n°667 n'est pas adopté.

L'article 36 bis B demeure supprimé.

ARTICLE 36 BIS C

M. le président.  - Amendement n°668, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À la première phrase du troisième alinéa, la référence : « au premier alinéa de l'article L. 981-5 » est remplacé par la référence : « aux articles L. 6325-8 et L. 6325-9 » ;

II.  -  Après l'alinéa 4

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le onzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le nombre de postes offerts, au titre d'une année, au recrutement par la voie prévue au présent article ne peut être inférieur à 20 % arrondis à l'entier inférieur du nombre total de postes à pourvoir par cette voie et au recrutement sans concours mentionné au c) de l'article 22. »

III.  -  Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À la première phrase du troisième alinéa, la référence : « au premier alinéa de l'article L. 981-5 » est remplacé par la référence : « aux articles L. 6325-8 et L. 6325-9 » ;

IV.  -  Après l'alinéa 8

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le douzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le nombre de postes offerts, au titre d'une année, au recrutement par la voie prévue au présent article ne peut être inférieur à 20 % arrondis à l'entier inférieur du nombre total de postes à pourvoir par cette voie et au recrutement sans concours mentionné au d) de l'article 38 dans les régions, les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 40 000 habitants ainsi que dans les établissements publics assimilés. »

V.  -  Après l'alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au troisième alinéa, la référence : « au premier alinéa de l'article L. 981-5 » est remplacée par la référence : « aux articles L. 6325-8 et L. 6325-9 » ;

V.  -  Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Le nombre de postes offerts, au titre d'une année, au recrutement par la voie prévue au présent article ne peut être inférieur à 20 % arrondis à l'entier inférieur du nombre total de postes à pourvoir par cette voie et au recrutement sans concours mentionné au c) de l'article 32. »

M. Patrick Kanner, ministre.  - Créé en 2005, le dispositif dit « Pacte » - parcours d'accès aux carrières territoriale, hospitalière et de l'État - reste trop peu employé, notamment dans les versants territorial et hospitalier de la fonction publique. D'où cette proposition de lui réserver 20 % des recrutements de fonctionnaires de catégorie C.

Dans la fonction publique territoriale, cette mesure ne concerne que les régions, départements, les communes et établissements publics de coopération intercommunale ou établissements publics assimilés de plus de 40 000 habitants. La fonction publique est un puissant outil de diversification sociale.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - L'objectif est partagé mais faut-il imposer des quotas, soit de nouvelles contraintes aux employeurs publics ? La loi ne dirait plus seulement comment recruter, mais qui recruter... Il n'est pas sûr d'ailleurs que la mesure soit applicable. Si les candidats sont trop peu nombreux, faudrait-il arrêter les recrutements ? L'amendement, enfin, respecte-t-il la libre administration des collectivités territoriales ? Mieux vaudrait revoir le dispositif Pacte, trop complexe d'application. Avis défavorable.

L'amendement n°668 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°669, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Après l'alinéa 4

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

...° Après le onzième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Peuvent bénéficier dans les mêmes conditions de la procédure de recrutement instituée par le présent article, les personnes en situation de chômage de longue durée, âgées de quarante-cinq ans et plus et bénéficiaires :

« - du revenu de solidarité active, de l'allocation de solidarité spécifique ou de l'allocation aux adultes handicapés ;

« - ou du revenu minimum d'insertion ou de l'allocation de parent isolé dans les départements d'outre-mer et les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. »

II.  -  Après l'alinéa 8

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

...° Après le douzième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Peuvent bénéficier dans les mêmes conditions de la procédure de recrutement instituée par le présent article, les personnes en situation de chômage de longue durée, âgées de quarante-cinq ans et plus et bénéficiaires :

« - du revenu de solidarité active, de l'allocation de solidarité spécifique ou de l'allocation aux adultes handicapés ;

« - ou du revenu minimum d'insertion ou de l'allocation de parent isolé dans les départements d'outre-mer et les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. »

III.  -  Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :

...° Après le onzième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Peuvent bénéficier dans les mêmes conditions de la procédure de recrutement instituée par le présent article, les personnes en situation de chômage de longue durée, âgées de quarante-cinq ans et plus et bénéficiaires :

« - du revenu de solidarité active, de l'allocation de solidarité spécifique ou de l'allocation aux adultes handicapés ;

« - ou du revenu minimum d'insertion ou de l'allocation de parent isolé dans les départements d'outre-mer et les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. »

M. Patrick Kanner, ministre.  - Le Pacte est un bel outil qu'il faut faire vivre ! Cet amendement fait partie d'un dispositif inédit en faveur des seniors. Il étend le Pacte à des personnes âgées de 45 ans et plus - puisque c'est ainsi que l'on définit les « seniors » - chômeurs de longue durée et bénéficiaires de minima sociaux.

Les publics qui en sont le plus éloignés ne sont pas toujours des jeunes. C'est un message d'espoir que nous adresserions à ceux qui se sentent délaissés.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Là encore, votre objectif est louable. Mais le Pacte concerne aujourd'hui des jeunes non qualifiés de moins de 25 ans. À l'Assemblée nationale, vous avez d'abord proposé de l'étendre au moins de 28 ans. Aujourd'hui, nouvelle proposition, séduisante d'ailleurs, mais nous naviguons à vue, sans étude d'impact. Sagesse. Ne faisons pas de fausses promesses.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Je vous entends. Mais il est important d'offrir des perspectives aux plus défavorisés. Les maires, de leur côté, font face à des besoins nouveaux qui pourront ainsi être satisfaits.

L'amendement n°669 est adopté.

L'article 36 bis C, modifié, est adopté.

Les articles 36 bis D et 36 bis sont adoptés.

ARTICLE 36 TER

M. le président.  - Amendement n°105, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

I.  -  Après l'alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il est nécessaire toutefois de tenir compte du fait que, parmi les victimes de violences physiques, sexuelles, psychologiques exercées au sein de la famille et de la collectivité, les femmes sont en majorité. » ;

II.  -  Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

...° Après le 3° , il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Le fait qu'en tant que femme elle ait eu à subir ou subisse les conséquences physiques ou psychologiques, dérivées des violences exercées à son encontre, motivant des difficultés de toutes natures dans le cadre de son travail. » ;

...° À la deuxième phrase du dernier alinéa, après les mots : « au temps de travail, » sont insérés les mots : « à la prise en compte des violences subies par des femmes au travail ou subies à l'extérieur, ».

Mme Laurence Cohen.  - Le sexisme existe aussi dans la fonction publique. Les violences, même commises dans la sphère privée, ont des répercussions sur le travail ; il faut les prendre en compte.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Les violences conjugales existent en effet - et parfois aussi à l'encontre d'hommes même si c'est plus rare. Mais votre amendement est satisfait par le titre premier du statut de la fonction publique.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Je n'ai pas d'étude d'impact, mais il me semble que les violences contre les hommes sont très marginales...

Le Gouvernement proposera de renforcer l'ordonnance de protection dans ce texte pour mieux lutter contre les violences conjugales qui, effectivement, ont des répercussions dans le monde du travail.

Quant à lui, cet amendement est satisfait par le statut général de la fonction publique. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Laurence Cohen.  - Soit, mais il faut être attentif à la question.

L'amendement n°105 est retiré.

L'article 36 ter est adopté.

ARTICLE 36 QUATER (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°372, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I.  -  Au troisième alinéa de l'article 6 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, après le mot : « administration, », sont insérés les mots : « des présidents et ».

II.  -  L'article 20 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La présidence est confiée de manière alternée à un membre de chaque sexe. » ;

2° Le second alinéa est complété par les mots : « ainsi que les conditions de dérogation au principe d'alternance de la présidence des jurys ».

III.  -  Le dernier alinéa de l'article 42 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La présidence est confiée de manière alternée à un membre de chaque sexe, sauf dérogation prévue par décret en Conseil d'État. »

IV.  -  L'article 30-1 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La présidence est confiée de manière alternée à un membre de chaque sexe, sauf dérogation prévue par décret en Conseil d'État. »

Mme Laurence Cohen.  - En matière de parité, les choses ne sont jamais simples... J'ai été surprise de la suppression de cet article en commission. Qu'y objectait-on ? Une complexité supposée de mise en oeuvre... La mise en place des nouvelles régions n'est-elle pas plus « complexe » qu'une présidence alternée des jurys de concours ?

M. le président.  - Amendement identique n°475 rectifié, présenté par Mme Jouanno, MM. Longeot, Cigolotti, Médevielle et Capo-Canellas, Mmes Férat et Hummel et MM. Chaize, Laménie et Mandelli.

Mme Chantal Jouanno.  - C'est le même amendement, qui rétablit le principe d'une présidence alternée entre les femmes et les hommes dans les jurys et comités de sélection des trois fonctions publiques.

La commission spéciale a supprimé cet article au motif qu'il pourrait être complexe à mettre en oeuvre pour certaines collectivités territoriales où le président du jury est souvent le maire et qu'il aboutirait dans certains cas à interdire à une femme élue maire de présider le jury d'un concours deux fois de suite au cours de son mandat. Risque limité, puisque plus de 80 % des maires sont des hommes...

Cette disposition concerne bien les trois fonctions publiques, et non la seule fonction publique territoriale.

M. le président.  - Amendement identique n°549, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.

Mme Aline Archimbaud.  - L'argument de la complexité ne tient pas, rétablissons cet article important. Sa suppression serait un très mauvais signal.

M. le président.  - Amendement identique n°670, présenté par le Gouvernement.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Cet article reprend le protocole d'accord de mars 2013 qui a été approuvé à l'unanimité par les organisations syndicales et les représentants des employeurs.

Il fait suite à l'obligation de mixité des jurys imposée par la loi du 12 mars 2012, et pour laquelle des dérogations ont été accordées par les décrets des 20 mars 2015 et 21 avril 2015. Ici aussi, des dérogations sont prévues quand ce sera justifié. Toutes les garanties sont apportées.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - J'assume le fait d'être sénatrice et la position de la commission : en l'occurrence, la suppression de l'article. Pour connaître des personnes organisant les concours au sein du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), je sais les difficultés à trouver des hommes pour siéger au jury des concours d'agent spécialisé des écoles maternelles (Asem), des femmes au jury des concours de pompiers. Et il faudrait, en plus, prévoir une présidence alternée...

Nous avons examiné cet article à l'aune de sa faisabilité.

M. Patrick Kanner, ministre.  - L'argument de la faisabilité ne doit pas l'emporter sur la volonté politique. Évidemment, nous prévoirons des dérogations pour les concours de pompiers et d'Asem...

Mme Catherine Di Folco.  - Faites-nous confiance : nous peinons déjà à trouver 40 % de femmes pour chaque concours d'autant que nous cherchons à professionnaliser les jurés en les reconduisant dans cette fonction d'année en année. (Applaudissements à droite)

Mme Laurence Cohen.  - Les femmes représentent la moitié de l'humanité, il faut prendre cette réalité en compte ! Je peux entendre que ce sera complexe mais c'est une question de volonté politique. C'est étrange, à chaque fois qu'il est question des compétences des femmes ou de la parité, ça coince...

M. Éric Doligé.  - Retenez-moi ou je fais un malheur !

M. François Bonhomme.  - L'argument de la faisabilité est parfaitement recevable. Surtout, on perd de vue l'essentiel, l'universalisme républicain. Madame Cohen, relisez Élisabeth Badinter, vous essentialisez les choses ! Vous voulez faire un symbole ? Milan Kundera disait que la maturité est la capacité d'y résister ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Aline Archimbaud.  - Il ne s'agit pas d'un symbole mais d'une exigence démocratique !

Mme Annie Guillemot.  - M. Bonhomme s'égare. Major de mon concours, j'ai été sifflée... Ce n'est pas si vieux...

M. François Bonhomme.  - Quel rapport ?

Mme Annie Guillemot.  - Le rapport, c'est que des discriminations demeurent. Le législateur a lui-même imposé des amendes - c'est normalement le rôle du juge - dans deux cas seulement : la mixité dans les logements et la parité. Ce n'est pas un hasard !

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, les amendements identiques nos372, 475 rectifié, 549 et 670, mis aux voix par assis et levé, sont adoptés.

(Applaudissements à gauche)

L'article 36 quater est rétabli.

L'article 36 quinquies demeure supprimé.

L'article 36 sexies demeure supprimé.

ARTICLE 36 SEPTIES

M. le président.  - Amendement n°671, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 1

Compléter cet alinéa par les mots :

de l'État, de la fonction publique territoriale et de la fonction hospitalière

II.  -  Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

Peuvent bénéficier de la procédure de recrutement instituée par le présent article pour l'accès à la fonction publique de l'État, à la fonction publique territoriale et à la fonction publique hospitalière, les personnes en situation de chômage de longue durée, âgées de quarante-cinq ans et plus et bénéficiaires :

- du revenu de solidarité active, de l'allocation de solidarité spécifique ou de l'allocation aux adultes handicapés ;

- ou du revenu minimum d'insertion ou de l'allocation de parent isolé dans les départements d'outre-mer et les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Cet amendement, qui fait suite aux débats à l'Assemblée nationale, crée une formation en alternance ad hoc pour les chômeurs de longue durée et les bénéficiaires du RSA de plus de 45 ans pour l'accès aux concours de la fonction publique.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Les personnes concernées devront passer un concours, il faudra le leur expliquer sauf à leur donner de faux espoirs. Sagesse.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Nous avons déjà ouvert les contrats de professionnalisation aux plus de 45 ans dans le secteur privé il y a quelques années. Par parallélisme des formes, nous faisons de même pour le secteur public.

L'amendement n°671 est adopté.

L'article 36 septies, modifié, est adopté.

L'article 36 octies est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°746 rectifié bis, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission.

Après l'article 36 octies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  L'article 97 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est ainsi modifié :

1° À la deuxième phrase du troisième alinéa, le mot : « initiale » est remplacé par les mots : « correspondant à l'indice détenu dans son grade » ;

2° À la première phrase du cinquième alinéa, les mots : « et 80 et de la dernière phrase de l'article 78 » sont remplacés par les mots : « , 78 et 80 ».

II.  -  Pour les fonctionnaires pris en charge par le Centre national de la fonction publique territoriale ou un centre de gestion en application de l'article 97 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale depuis deux ans ou plus avant l'entrée en vigueur du présent article, la réduction de cinq pour cent par an de la rémunération, prévue au deuxième alinéa du I du même article 97, débute à la date d'entrée en vigueur du présent article. Pour les fonctionnaires pris en charge depuis moins de deux ans avant la date d'entrée en vigueur du présent article, la réduction de cinq pour cent par an débute deux ans après la date de leur prise en charge.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - La loi du 20 avril 2016 a prévu, à l'initiative du Sénat, un mécanisme de dégressivité de la rémunération des fonctionnaires momentanément privés d'emploi. En pratique, les employeurs territoriaux s'interrogent sur l'application dans le temps de cette mesure.

Catherine Di Folco a interrogé le Gouvernement sur ce point dans le cadre de son avis budgétaire « fonction publique », lequel répond que la mise en oeuvre temporelle de ce dispositif doit être précisée. D'où cet amendement technique.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Le Gouvernement, qui était réservé sur cette approche du Sénat, a évolué : avis favorable.

Mme Catherine Di Folco.  - Merci à Mme le rapporteur de son soutien à cette mesure : ce n'est ni un cavalier, ni une attaque contre la fonction publique. Les centres de gestion et les collectivités territoriales l'attendent, elle a été travaillée avec le cabinet du ministre. Rappelons qu'aujourd'hui 450 fonctionnaires sont momentanément privés d'emploi, certains depuis vingt-sept ans - la moyenne est de six ans.

L'amendement n°746 rectifié bis est adopté et devient article additionnel.

L'amendement n°386 n'est pas défendu.

ARTICLE 37

Mme Christine Prunaud .  - Avec cet article, tel que la commission spéciale l'a réécrit, un juge civil pourrait requalifier les délits de presse dont il est saisi en dehors de la loi de 1881. C'est dangereux alors que les élections approchent... Certains rêvent sans doute d'une presse sans investigations. L'article contrevient au principe de la liberté d'expression comme à la tradition historique de la presse française.

Autre difficulté, la discrimination entre presse numérique et presse papier sur la prescription. La question doit être posée mais sans mettre en danger le travail des journalistes en ligne.

M. David Assouline .  - Sans s'en rendre compte, la commission spéciale a touché à l'équilibre de la loi de 1881, la loi fondatrice de la liberté de la presse dans notre République.

Imaginerait-on toucher à la loi de 1905 sur la laïcité au détour d'un amendement ? Oui, la révolution numérique bouleverse la presse et il faut s'adapter. Cependant, on ne peut pas mettre en cause les fondements d'une loi aussi forte sans débat - l'infraction de presse sur internet deviendrait de fait imprescriptible, seul le crime contre l'humanité l'est dans notre droit ! Les attaques se multiplient contre l'indépendance et la liberté de la presse, la dérision déplaît chaque jour davantage, on critique à loisir les journalistes d'investigation... On ne peut faire évoluer notre législation en catimini. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. François Pillet .  - Je dois quelques explications. Je suis l'un des auteurs de l'amendement qui a suscité tant de débats. Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard et moi-même n'avons jamais voulu mettre en cause la loi de 1881, qui doit rester le texte fondateur de la liberté d'expression et seul à sanctionner les abus de celle-ci. Reste qu'au XIXe siècle n'existaient ni les blogs, ni les plateformes, ni Facebook, ni Twitter... Les règles procédurales de la loi de 1881 sont aujourd'hui si contraignantes qu'elles sont régulièrement contournées, soit qu'on transfère certaines incriminations dans le code pénal, soit qu'on les y crée directement. Nous avons recherché l'équilibre, sans jamais mettre en cause les journalistes adhérant à une charte de déontologie, mais seulement les journalistes ou analystes autoproclamés.

On lit dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». La loi ne peut rester silencieuse face à l'émergence d'internet.

Mme Catherine Morin-Desailly .  - L'encre de la proposition de loi sur le pluralisme et l'indépendance des médias n'est pas encore sèche que survient ce débat. Modifier le régime de responsabilité de la loi de 1881 au moment où les entreprises de presse ont entrepris une mutation difficile, voilà une initiative bien délicate... Si je suis reconnaissante à mes collègues de la commission des lois de leur travail, ce texte fourre-tout n'est pas le meilleur véhicule pour traiter des abus de la liberté d'expression de manière éclairée. (Applaudissements au centre ; M. André Gattolin applaudit aussi)

M. Jacques Mézard .  - À la suite d'un débat demandé par le RDSE, nos collègues de la commission des lois ont eu le courage de rendre un rapport sur la nécessaire adaptation de la loi de 1881 à internet, puis de proposer ici un texte. Le Gouvernement, pour dire les choses courtoisement, leur offre un véhicule plutôt spacieux...

Nous avons toujours été profondément attachés à la liberté d'expression. Certes, les journalistes respectent leurs obligations mais qu'en est-il des commentaires anonymes et vengeurs qui émaillent les articles en ligne ? La responsabilité est collective.

La question, importante, mérite une réflexion approfondie pour aboutir à des solutions globales et consensuelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, au centre et à droite)

M. Philippe Bas .  - La commission des lois a adopté le rapport de MM. Pillet, Mohamed Soilihi en juillet. La réflexion est mûre.

Le texte de la commission spéciale, amendé par le rapporteur, apporte toutes garanties, en érigeant une cloison étanche entre les textes publiés sur internet par des journalistes, correspondants de presse ou pigistes, qui relèvent de la loi de 1881, et les propos de simples particuliers. Il apporte des règles là où il n'y en a plus. Il est équilibré - l'équilibre est la marque de fabrique du Sénat...

Les propos injurieux ou diffamatoires qui seraient sévèrement réprimés s'ils étaient proférés dans la rue doivent être soumis aux mêmes règles sur internet.

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale .  - J'ai connu M. Assouline plus nuancé... La commission spéciale n'a pas travaillé en catimini mais sur un texte qui vient de l'Assemblée nationale. Sa proposition a été fixée il y a un mois et elle la précisera aujourd'hui par des amendements qui protègent journalistes, pigistes et correspondants de presse. Il vous suffira de lire un grand quotidien du soir pour vous en convaincre. Le texte est équilibré et met à terre tous les commentaires excessifs. (Applaudissements au centre et à droite)

M. le président.  - Amendement n°405 rectifié ter, présenté par M. Carvounas, Mmes Claireaux et Meunier, MM. Kaltenbach, Marie et Courteau, Mme Ghali, M. Lalande, Mme Monier et M. Raoul.

Après l'alinéa 2

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

...° L'article 24 est ainsi modifié :

a) Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l'un des faits mentionnés aux deux précédents alinéas a été commis par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, l'infraction est punie de deux ans d'emprisonnement et de 90 000 euros d'amende. » ;

b) Au neuvième alinéa, les mots : « deux alinéas » sont remplacés par les mots : « trois alinéas ».

M. Luc Carvounas.  - Des propos discriminatoires sont encore plus insupportables quand ils sont prononcés par un maire - souvenez-vous de ceux de celui de Roquebrune-sur-Argens après un incendie dans un camp de Roms - et plus généralement par des personnes exerçant une fonction publique et ceux détenant un pouvoir de contrainte sur les personnes et les choses.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Cabinet de curiosités que ce projet de loi, je l'ai dit en discussion générale - et curiosités contrariantes pour beaucoup... La commission spéciale a été accablée de tous les maux et n'a nul besoin de leçons de vertu ou d'intelligence. Il est surprenant d'être qualifié de liberticide, quelle que soit l'heure... Veuillez croire à notre sérieux. Qui ici n'a pas reçu dans sa permanence une victime d'un corbeau numérique ? Qui n'a pas vu cette souffrance, cette détresse, parfois ce désespoir ? Cette violence, que nous condamnons dans la rue, serait acceptable sur internet ? Nous avons clairement exclu, et il suffit de lire le français pour s'en convaincre, journalistes, pigistes et correspondants de presse. Je ne comprends pas la paranoïa qu'a suscitée notre travail. J'invite chacun au calme et à la lucidité en rappelant que nous entendons protéger les plus faibles de situations qui nous font honte quand nous parlons de liberté, d'égalité et de fraternité. (Vifs applaudissements au centre, à droite et sur les bancs du groupe RDSE)

Quant à l'amendement n°405 rectifié ter, il semble contraire au principe constitutionnel de proportionnalité des peines. Peut-être faut-il le modifier, en prévoyant 3 ans et 45 000 euros d'amende. Il faudrait à tout le moins ajouter « dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission ».Qu'en pense le Gouvernement ?

M. Patrick Kanner, ministre.  - Si ces débats font avancer la lutte contre les discriminations, la mixité et l'engagement citoyen, je m'en réjouirai même si la rapporteure a parfois des appréciations négatives sur ce texte. (Marques de surprise au centre et à droite) Elle a parlé, à plusieurs reprises, d'un projet de loi « fourre-tout »... Les citoyens, eux, y trouveront de nouveaux droits, j'en suis persuadé.

Pour en revenir à l'amendement n°405 rectifié ter, si le Gouvernement souscrit à l'objectif, la circonstance aggravante tient traditionnellement davantage à l'identité de la victime qu'à celle de l'auteur. Cet amendement, s'il est adopté, devra être revu au cours de la navette.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - M. Carvounas procède-t-il aux rectifications que je lui ai suggérées ?

M. Luc Carvounas.  - Je m'en remets à l'avis du ministre.

L'amendement n°405 rectifié ter n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°456, présenté par M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 4

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

...° L'article 32 est ainsi modifié :

a) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l'un des faits mentionnés aux deux alinéas précédents a été commis par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, l'infraction est punie de trois d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende. » ;

b) Au quatrième alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;

M. Jacques-Bernard Magner.  - Les personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public doivent donner l'exemple. Elles doivent être plus lourdement sanctionnées si elles tiennent des propos discriminatoires.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Sagesse à condition que vous précisez que la personne a tenu ces propos « dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission ».

M. Patrick Kanner, ministre.  - Avis favorable : nous reprendrons cette proposition dans la navette.

M. Jacques-Bernard Magner.  - J'accepte la rectification.

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°456 rectifié.

Amendement n°456 rectifié, présenté par M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 4

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

...° L'article 32 est ainsi modifié :

a) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l'un des faits mentionnés aux deux alinéas précédents a été commis par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, l'infraction est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. » ;

b) Au quatrième alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;

M. Alain Vasselle.  - Et la réciprocité ? On peut tenir des propos diffamatoires sur un élu et ne jamais être sanctionné !

L'amendement n°456 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°406 rectifié ter, présenté par M. Carvounas, Mmes Claireaux et Meunier, MM. Kaltenbach, Marie et Courteau, Mme Ghali, M. Lalande, Mme Monier et M. Raoul.

Après l'alinéa 8

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...) Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l'un des faits mentionnés aux deux précédents alinéas a été commis par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, l'infraction est punie de deux ans d'emprisonnement et de 90 000 euros d'amende. » ;

...) Au cinquième alinéa, les mots : « deux alinéas » sont remplacés par les mots : « trois alinéas ».

M. Luc Carvounas.  - C'est le même amendement, pour les injures raciales.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Là encore, je demande à compléter la rédaction par les mots « dans l'exercice ou à l'exercice de ses fonctions ou de ses missions » et, pour être plus mesuré, à ramener la peine encourue à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. Sous ces réserves, avis favorable.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Même avis.

M. Luc Carvounas.  - Soit.

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°406 rectifié quater.

Amendement n°406 rectifié quater, présenté par M. Carvounas, Mmes Claireaux et Meunier, MM. Kaltenbach, Marie et Courteau, Mme Ghali, M. Lalande, Mme Monier et M. Raoul.

Après l'alinéa 8

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...) Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l'un des faits mentionnés aux deux précédents alinéas a été commis par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, l'infraction est punie d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. » ;

...) Au cinquième alinéa, les mots : « deux alinéas » sont remplacés par les mots : « trois alinéas ».

L'amendement n°406 rectifié quater est adopté.

M. le président.  - Amendement n°677, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 12 et 13

Supprimer ces alinéas.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Le Sénat a substantiellement modifié l'équilibre de cet article. L'excellent rapport Pillet-Mohamed Soilihi dresse un constat indéniable, et c'est pourquoi le Gouvernement propose ici de faire évoluer la loi de 1881. En cas de diffamation ou d'injure raciale, le juge ne sera plus lié par la qualification des faits. Nous alourdissons les peines pour les injures racistes ou discriminatoires. Nous prévoyons aussi de supprimer l'excuse de provocation aux injures racistes. Quelle provocation peut-elle les justifier ?

Toute évolution de la loi de 1881 - qui est un socle de notre République - exige une large concertation préalable, avec les avocats et juristes, les journalistes, mais aussi les diffuseurs et responsables de plateforme.

La commission spéciale est revenue sur une jurisprudence de la Cour de cassation du 12 juillet 2000 qui exclut une réparation sur le fondement de l'article 1382 du code civil des abus de la liberté d'expression.

L'équilibre entre la garantie de la liberté d'expression et la répression de ses abus exige de maintenir un cadre procédural strict. L'action civile doit donc respecter le délai de prescription de trois mois et la règle de la qualification. Avec votre rédaction, toutes les contraintes disparaîtraient, et l'on passerait d'un délai de prescription de trois mois à cinq ans - plus long que pour les délits de droit commun. Il sera plus facile d'obtenir des réparations d'un journaliste que d'un voleur... Tous les délits de presse iront désormais devant le juge civil - voie plus simple que la pénale - et les litiges se multiplieront. Mesurez tout ce que cela implique, des journalistes pourraient être condamnés à des dommages et intérêt en l'absence de toute procédure pénale. Des entreprises estimant leur image atteinte, des hommes politiques estimant leur réputation entachée saisiront le juge civil...

M. Alain Vasselle.  - C'est bien normal !

M. Éric Doligé.  - Et pourquoi pas ? On n'a pas le droit de dire n'importe quoi !

M. Patrick Kanner, ministre.  - Si vous voulez supprimer la loi de 1881, dites-le !

C'est le droit de la presse que l'on bouleverserait en refusant de voter cet amendement. (Applaudissements sur les bancs socialistes).

M. le président.  - Amendement n°748, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission.

Alinéa 13

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. 46.  -  Tout dommage résultant d'une faute commise, même lorsqu'elle n'est pas constitutive d'une infraction de la présente loi, peut être réparé devant une juridiction civile sur le fondement des articles 1240 et suivants du code civil.

« Le présent article ne s'applique pas aux journalistes professionnels, y compris aux pigistes et aux correspondants de presse, qui adhèrent à une charte déontologique, mentionnés au deuxième alinéa de l'article 2 bis dans sa rédaction résultant de la loi n°       du         visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias. » ;

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Nous ne touchons pas à l'équilibre de la loi de 1881 en revenant à la situation antérieure à un arrêt de la Cour de cassation de l'année 2000 ! La liberté de la presse n'est nullement diminuée puisque nous exonérons les journalistes, pigistes et correspondants régionaux de presse de toute responsabilité civile. Ce sont les corbeaux numériques que nous visons.

L'amendement du Gouvernement revient sur celui de MM. Pillet, Mohamed Soilihi et Richard, qui cherchaient en effet à revenir sur une jurisprudence récente de la Cour de cassation ; en 2000, celle-ci a interdit toute réparation d'un dommage lié à un abus de la liberté d'expression sur le fondement de l'article 1382. Ce n'était pas l'intention des auteurs de la loi de 1881, loi pénale...

Vous parlez d'unification, mais il s'agit bien de disparition de la responsabilité civile.

La Chancellerie avait proposé à MM. Pillet et Mohamed Soilihi trois pistes de réflexion sur cette jurisprudence critiquée : préciser dans la loi de 1881 que les abus de la liberté d'expression ne sont pas exclusifs du droit commun de la responsabilité civile ; que les abus non incriminés peuvent relever de ce droit commun ; ou encore dépénaliser certaines infractions, en particulier en matière de diffamation.

Je constate les vives tentations de prendre fait et causes pour les journalistes, alors que nous n'attaquons nullement leur liberté d'expression - et je déplore la campagne de dénigrement du Sénat sur le thème d'une loi liberticide, très éloignée de notre texte. Sincèrement, on ne peut accepter que notre amendement transpartisan soit balayé par le Gouvernement, alors que de nombreux juristes au sein même de la Chancellerie reconnaissent la nécessité d'une réforme ! Avis défavorable, par conséquent à l'amendement n°678. (Applaudissements à droite)

M. Patrick Kanner, ministre.  - Une réparation reste possible en cas de procès pénal. Les journalistes n'ont été reçus qu'il y a quelques jours par votre commission.

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale.  - Nous les avons reçus quand ils l'ont demandé !

M. Patrick Kanner, ministre.  - Sur un sujet aussi délicat, il eût été préférable de les entendre avant le débat en commission. Les grandes plateformes, les hébergeurs, les fournisseurs d'accès, eux, n'ont pas été consultés du tout !

Vous avez senti la nécessité de corriger votre rédaction après l'incendie allumé dans la presse. Mais les choses sont mal engagées... La loi de 1881 porte sur la communication publique, pas seulement sur la liberté de la presse. Si vous avez protégé les journalistes, la liberté d'expression des internautes mérite aussi d'être défendue ! (Vives protestations à droite)

M. François-Noël Buffet.  - La liberté d'injurier !

M. Patrick Kanner, ministre.  - La liberté d'expression n'équivaut pas à la liberté d'injure.

M. David Assouline.  - Eh oui !

M. Éric Doligé.  - Pour cela, il faudrait avoir un peu d'autorité.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Avec votre amendement, vous allez déclencher des milliers d'actions en réparation.

M. Alain Vasselle.  - Très bien !

M. Patrick Kanner, ministre.  - Vous changez de paradigme, on aurait aimé une étude d'impact ! Les tribunaux ne pourront faire face.

Je vous demande un peu d'humilité. (Mouvements à droite) Internet est le lieu où des litiges autrefois privés se retrouvent sur la place publique. Des sanctions sont certes nécessaires mais le traitement judiciaire est inopérant.

Enfin, pigistes et correspondants ne relèvent pas de la loi de 1881. Avis défavorable à l'amendement de la commission.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - L'article 7111-3 du code du travail définit le journaliste professionnel. Le correspondant est considéré comme tel s'il perçoit une rémunération et répond à la définition du journaliste. Le pigiste, lui, est bel et bien un journaliste professionnel.

Voyez l'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 1er février 2000 et la loi du 4 juillet 1974.

M. David Assouline.  - Je ne contestais pas le travail de la commission. Mais quand on réécrit une loi fondatrice de la liberté d'expression, on consulte largement !

La loi de 1881, sur la liberté de la presse, concerne en fait tous les citoyens et leur liberté d'expression. Il faut n'y toucher que d'une main tremblante. Au contraire, vous improvisez, reconnaissant vous-mêmes que votre rédaction initiale touchait les journalistes puisque vous proposez de les en écarter avec votre amendement !

Moi aussi, je suis insulté sur internet. Moi aussi, je trouve cela inadmissible. Mais il faut être prudent, et mener préalablement un large débat ! Le groupe socialiste votera pour l'amendement du Gouvernement et contre celui de la commission.

M. François Pillet.  - Voyez les annexes de notre rapport : nous avons auditionné toutes les personnes intéressées, y compris le principal avocat des groupes de presse.

Nous entendons seulement revenir à la jurisprudence antérieure à 2000, consensuelle. C'est au législateur de faire la loi, pas à la Cour de cassation, dont la décision a été très contestée au motif que certaines victimes ne pourraient plus obtenir réparation !

Je suis effaré de lire dans l'exposé des motifs de l'amendement du Gouvernement que les juridictions civiles font peser les plus graves menaces sur la liberté de la presse. C'est l'autorité judiciaire qui, en France, est la protectrice des libertés individuelles ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. André Gattolin.  - Il faut savoir raison garder : on évoque d'un côté un corbeau numérique, de l'autre, des internautes. En 1881, le statut de journaliste n'existait pas. Les bloggeurs professionnels ne sont pas des journalistes, ils ne seront pas protégés. Au reste, oui, il faut légiférer, mais si nous le faisons mal, les abus s'hébergeront à l'étranger. Aujourd'hui, pour faire retirer un paragraphe injurieux sur Wikipédia, cela prend trois ans car il faut en passer par le droit américain...

Le groupe écologiste soutiendra l'amendement du Gouvernement.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Je viens de relire la liste des personnes auditionnées par la mission d'information Pillet-Mohamed Soilihi : la justice, l'intérieur, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), la Cnil, un expert auprès de la Cour de cassation, un avocat, des universitaires, la direction des systèmes d'information du Sénat. On n'est jamais mieux servi que par soi-même... J'aurais aimé que le ministère de la culture, le Conseil national du numérique et les hébergeurs le soient aussi ! Vous dites avoir consulté large, ce n'est pas vrai ! (Exclamations à droite)

M. François-Noël Buffet.  - Spécieux !

M. Jacques Mézard.  - Je me rallierai à l'avis de la commission. Monsieur le ministre, nous ne sommes pas en pays anglo-saxon, chez nous la loi prime sur la jurisprudence. Quand dans ce texte vous marchez sur des décisions du Conseil constitutionnel et de la Convention européenne des droits de l'homme, je trouve un peu fort de ne vous réclamer que d'un arrêt de la Cour de cassation !

Monsieur le ministre, dois-je vous rappeler le nombre de consultations que vous avez menées pour fusionner les régions ? (Rires et applaudissements au centre et à droite) Vous passez en force lorsque cela vous arrange !

Vous nous donnez des leçons d'humilité. Sachez que les parlementaires ont le droit de dire ce qu'ils pensent, même si cela ne vous fait pas plaisir ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, au centre et à droite)

M. Jean-Yves Leconte.  - Pour la majorité sénatoriale, internet est un lieu où se commettent des abus, et qu'il faut encadrer, alors que c'est aussi un formidable outil de liberté d'expression. La loi de 1881 mérite une réflexion plus approfondie. Distinguer les journalistes des simples citoyens me paraît dangereux pour l'exercice même de la citoyenneté et de la liberté d'expression. La liberté est pour tous !

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Quid des directeurs de publication et éditeurs ? Pénalement, ils sont en première ligne.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Pénalement, oui. Civilement, seul l'auteur de la faute est responsable.

À la demande de la commission spéciale et du groupe socialiste et républicain, l'amendement n°677 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°24 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l'adoption 148
Contre 190

Le Sénat n'a pas adopté.

À la demande de la commission spéciale, l'amendement n°748 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°25 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l'adoption 197
Contre 140

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à droite)

M. le président.  - Amendement n°676, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéas 15 et 19

Supprimer ces alinéas.

II.  -  Alinéa 22

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. 54-1.  -  En cas de poursuites engagées en application des articles 50 ou 53 sous la qualification prévue soit au septième alinéa de l'article 24, soit au deuxième alinéa de l'article 32, soit au troisième alinéa de l'article 33, la juridiction de jugement peut, dans le respect du principe du contradictoire, requalifier l'infraction sur le fondement de l'une de ces dispositions.

« En cas de poursuites engagées en application des articles 50 ou 53 sous la qualification prévue soit au huitième alinéa de l'article 24, soit au troisième alinéa de l'article 32, soit au quatrième alinéa de l'article 33, la juridiction de jugement peut, dans le respect du principe du contradictoire, requalifier l'infraction sur le fondement de l'une de ces dispositions. » ;

III.  -  Alinéa 24

Rédiger ainsi cet alinéa :

« En cas de poursuites engagées sous la qualification prévues aux septième ou huitième alinéas de l'article 24 ou aux troisième ou quatrième alinéas de l'article 33, le présent article est également applicable devant la juridiction de jugement si celle-ci requalifie l'infraction sous la qualification prévue aux deuxième et troisième alinéas de l'article 32. » ;

M. Patrick Kanner, ministre.  - La commission spéciale a généralisé la possibilité de requalification des délits de presse à l'audience. Or, la loi de 1881 assure un équilibre entre liberté d'expression et répression des abus de cette liberté : l'interdiction de requalifier constitue un élément essentiel de cet équilibre.

Il ne paraît possible d'y déroger que pour les diffamations et injures racistes ou discriminatoires, car celles-ci peuvent concerner des groupes de personnes, ce qui fait que la distinction entre l'injure et la diffamation est plus difficile à établir que pour les diffamations et injures de droit commun concernant des personnes individuellement identifiées. Voyez l'avis du Conseil d'État, rendu public.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - L'impossibilité de requalifier ne se justifie plus et affaiblit considérablement les mécanismes répressifs de la loi de 1881. Vous restez au milieu du gué, au risque de l'incohérence, voire de la rupture d'égalité...

M. François Pillet.  - Madame la rapporteure a, une nouvelle fois, été particulièrement claire. La défiance exprimée à l'égard des juges me sidère... Doute-t-on de leur indépendance ou de leur objectivité ?

M. David Assouline.  - Ne surjouez pas cette corde-là, vous ne cessez d'attaquer les juges ! (M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale, s'exclame)

M. Patrick Kanner, ministre.  - Encore une fois, le Conseil d'État considère que l'impossibilité de requalifier est une garantie essentielle. Vous passez outre... et prenez là vos responsabilités !

M. David Assouline.  - La requalification est au coeur même de la loi de 1881. Ici encore, vous vous passez d'étude d'impact comme si les juges n'avaient que cela à faire : requalifier les actes, par milliers ! Alors même que les juridictions sont engorgées, et que votre majorité a supprimé des milliers de postes : c'est tout à fait incohérent.

Le problème, très sérieux, mérite mieux que cette précipitation. Le rapport Pillet-Mohamed Soilihi dressait un constat utile mais ses propositions restaient maigres. Le Gouvernement ne clôt pas le débat, prenons le temps de bien légiférer !

À la demande de la commission spéciale, l'amendement n°676 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°26 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l'adoption 146
Contre 191

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°678, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 25 et 26

Supprimer ces alinéas.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Dernier amendement de suppression que je propose sur le report du point de départ de la prescription, en cas de délit de presse commis sur internet. Avec le texte de la commission spéciale, il ne commencerait à courir que lorsque cesse la diffusion en ligne du message.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 10 juin 2004, avait refusé une mesure semblable au motif qu'elle porterait une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression. Un acte commis en 1997 pouvait n'être sanctionné qu'en 2047... Vous proposez une imprescriptibilité de fait sur les délits commis en ligne, que votre commission des lois refusera par principe, demain, pour les infractions au nom de la paix sociale, à l'exclusion des crimes contre l'humanité.

M. le président.  - Amendement n°749, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission.

Alinéa 26

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Lorsque les infractions auront été commises par l'intermédiaire d'un service de communication au public en ligne, sauf en cas de reproduction du contenu d'une publication diffusée sur support papier, l'action publique et l'action civile se prescriront par une année révolue, selon les mêmes modalités. » ;

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - La commission spéciale n'a eu de cesse de vouloir peaufiner son texte. Mieux vaut allonger la prescription des délits de presse de trois mois à un an lorsque les faits sont commis sur internet. Ce sera conforme aux principes constitutionnels.

Il serait incohérent que des contraventions, telles qu'un courriel privé raciste, soient prescrites par une année quand certains délits tout aussi graves, comme l'injure publique, seraient prescrits par trois mois.

Avis défavorable à l'amendement n°678 : trois mois est un délai trop court.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Quel duel juridique ! M. Cleach avait déposé une proposition de loi de 2008 qui faisait suite à la décision du Conseil constitutionnel en 2004.

Depuis 2004, le législateur a choisi d'allonger le délai de prescription des délits de presse les plus graves, à caractère raciste ou discriminatoire. Vous proposez, vous, de distinguer selon les supports, en introduisant une discrimination entre la presse numérique, qui participe à la pluralité de l'information, et la presse imprimée. Les délais de prescription sont un totem auquel il ne faut pas toucher : avis défavorable à l'amendement n°749.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - L'apologie au terrorisme se prescrit par sept ans sur internet, cinq ans sur un autre support. Les supports font déjà l'objet d'un traitement différencié.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Attention, ne nions pas la réalité d'une entreprise de presse au XXIe siècle : certaines ne publient que sur Internet, d'autres publient certains articles seulement sur le web, et non dans leur version papier. Ne décourageons pas la numérisation de la presse à l'heure où elle cherche un nouvel équilibre.

M. David Assouline.  - Dans ce débat surgissent toujours deux tentations : celle de la répression et celle de la liberté totale. Elles sont tout autant mortifères. Alignons la presse numérique et la presse papier, maintenons le droit existant en l'adaptant aux nouveaux supports, y compris le droit fiscal. Le même raisonnement vaut pour les droits d'auteur, le cinéma et j'en passe.

Au nom de la neutralité du support, un principe fort que défend la commission de la culture, je voterai l'amendement n°678.

M. François Pillet.  - Le délai de prescription de l'injure privée à caractère raciste, simple contravention, a été allongé à un an et il faudrait en rester à trois mois pour des délits ? Incohérence ! D'autant que M. Urvoas nous donne raison dans le texte sur la prescription en matière pénale examiné ce matin même en commission des lois.

Quelle est donc la position du Gouvernement ?

M. André Gattolin.  - La cohérence du droit... Mais rien ne disparaît d'internet, vous instaurez une imprescriptibilité de fait. J'ai intenté des procès, le texte disparaissait pour réapparaître quelques mois après.

La date de retrait de la publication ? C'est farfelu : le droit ne changera pas la réalité de la révolution technologique !

M. Patrick Kanner, ministre.  - Le projet de loi aligne à un an le délai de prescription de toutes les infractions de presse à caractère raciste, il n'y a donc pas incohérence, monsieur Pillet. Par ailleurs, nous discutons des délais de prescription des infractions prévues dans la loi de 1881, non des délais prévus par le code pénal dont vous débattrez demain.

À la demande de la commission spéciale, l'amendement n°678 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°27 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption 149
Contre 190

Le Sénat n'a pas adopté.

À la demande de la commission spéciale, l'amendement n°749 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°28 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 197
Contre 143

Le Sénat a adopté.

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 37 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°29 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 197
Contre 143

Le Sénat a adopté.

M. le président.  - Nous avons examiné 83 amendements au cours de la journée, il en reste 110.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 13 octobre 2016, à 10 h 30.

La séance est levée à 1 heure.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus