SÉANCE

du vendredi 14 octobre 2016

7e séance de la session ordinaire 2016-2017

présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

Secrétaires : Mme Frédérique Espagnac, M. Bruno Gilles.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Égalité et citoyenneté (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'égalité et à la citoyenneté.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 38

M. le président.  - Amendement n°716, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission.

Alinéa 82

Remplacer la référence :

322

par la référence :

322-2

Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission spéciale.  - Correction d'une erreur de référence.

L'amendement n°716, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 38, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

L'amendement n°254 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°316 rectifié bis, présenté par M. Longeot, Mme Férat, MM. Détraigne, Canevet, Kern et Luche, Mmes Loisier et Doineau, MM. Médevielle, Guerriau et Gabouty et Mmes Billon et Jouanno.

Après l'article 38

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 222-45 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au 1° du présent article, la peine complémentaire d'inéligibilité mentionnée au 2° de l'article 131-26 et à l'article 131-26-1 du présent code est prononcée de plein droit à l'encontre de toute personne investie d'un mandat électif public coupable de l'une des infractions définies aux sections 1 et 3 du présent chapitre. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine. »

M. Jean-François Longeot.  - Cet amendement rend obligatoire la peine complémentaire d'inéligibilité en cas de condamnation pour une infraction relevant des atteintes volontaires à l'intégralité de la personne ou des agressions sexuelles. Le juge demeurerait libre d'en prononcer le quantum et, en motivant sa décision, de ne pas prononcer l'inéligibilité. Il ne s'agit donc pas d'une peine automatique, qui serait inconstitutionnelle.

Les élus doivent être exemplaires.

M. le président.  - Amendement n°560, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Après l'article 38

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 222-45 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au 1°, la peine complémentaire d'inéligibilité mentionnée au 2° de l'article 131-26 et à l'article 131-26-1 est prononcée de plein droit à l'encontre de toute personne coupable de l'une des infractions définies aux sections 1 et 3 du présent chapitre. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. »

M. André Gattolin.  - Amendement similaire. Actuellement, cette peine complémentaire est possible, mais rarement prononcée. Des élus condamnés pour violences conjugales continuent à célébrer des mariages ! J'y insiste, il s'agirait d'une peine obligatoire mais non automatique, respectant le principe d'individualisation des peines. Il y va du devoir d'exemplarité des élus.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - J'avais indiqué vouloir reprendre l'amendement n°254 de mes collègues socialistes. Toujours est-il que le groupe CRC soutiendra les amendements suivants.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Sensible à ce thème, je suis gênée : les juges peuvent d'ores et déjà prononcer cette peine complémentaire, doit-on la rendre systématique ? Il doit exister un lien entre la peine et la gravité des faits - et une mesure de ce genre doit avoir pour but d'éviter leur réitération, comme dans le cas de la confiscation d'un véhicule. Les amendements ne seraient en outre constitutionnels que si les faits avaient été commis dans l'exercice d'un mandat électif. Avis défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.  - Le Gouvernement s'associe à l'objectif de ces amendements. L'amendement ne présente pas de risque constitutionnel dès lors qu'il s'agit d'une peine obligatoire et non automatique. En revanche, la rédaction devrait être revue : une peine est « encourue », non « prononcée de plein droit ». Attention, en outre, au principe d'individualisation des peines - le cas est particulièrement grave si l'élu a abusé de sa fonction pour commettre ces actes. Sagesse.

M. André Gattolin.  - J'enlève l'expression « de plein droit », mais maintiens l'amendement car cette peine est trop rarement prononcée.

M. Jacques Bigot.  - En d'autres circonstances, le groupe socialiste du Sénat s'est prononcé contre les peines plancher. Il n'y a pas de raison que les peines complémentaires ne soient pas aussi individualisées. Ne bouleversons pas la structure de notre droit pénal.

À la demande de la commission spéciale, l'amendement n°316 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°30 :

Nombre de votants 314
Nombre de suffrages exprimés 313
Pour l'adoption 50
Contre 263

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Je mets aux voix l'amendement n°560 rectifié.

Amendement n°560 rectifié, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Après l'article 38

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 222-45 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au 1°, la peine complémentaire d'inéligibilité mentionnée au 2° de l'article 131-26 et à l'article 131-26-1 est prononcée à l'encontre de toute personne coupable de l'une des infractions définies aux sections 1 et 3 du présent chapitre. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. »

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - L'avis reste défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Le Gouvernement en reste à la sagesse.

L'amendement n°560 rectifié n'est pas adopté.

ARTICLE 38 BIS

M. le président.  - Amendement n°747, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission.

Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

2° L'article 167 est ainsi rédigé :

« Art. 167 -  Les articles 31 et 32 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État sont applicables. »

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Cet amendement répare une erreur que je qualifierais de technique s'il faut, en application de la décision du Conseil constitutionnel du 5 août 2011, abroger le délit de blasphème qui existe dans le droit local d'Alsace-Moselle. Nous devons mentionner expressément les dispositions de la loi de 1905 pour qu'elle s'applique dans cette région concordataire.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Avis favorable.

M. Jacques Bigot.  - Sénateur du Bas-Rhin et président de la commission du droit local, je remercie la rapporteure. Le droit pénal local n'a rien à voir avec le concordat, c'était un droit allemand - qui n'est d'ailleurs plus du tout appliqué. Le délit de blasphème disparaîtra donc. En revanche, il est légitime de réprimer l'atteinte à l'exercice du culte.

J'ai interrogé les procureurs généraux de Metz et de Colmar, aucune poursuite n'a été engagée sur le fondement des dispositions que nous supprimons. Appliquer deux articles de la loi de 1905 en Alsace-Moselle, ce n'est pas l'appliquer intégralement...

L'amendement n°747 est adopté.

L'article 38 bis, modifié, est adopté.

ARTICLE 38 TER (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°330, présenté par M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée :

1° Le cinquième alinéa de l'article 24 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « humanité », sont insérés les mots : « , des crimes de réduction en esclavage ou d'exploitation d'une personne réduite en esclavage » ;

b) Sont ajoutés les mots : « , y compris si ces crimes n'ont pas donné lieu à la condamnation de leurs auteurs » ;

2° Après le premier alinéa de l'article 24 bis, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Seront punis des mêmes peines ceux qui auront nié, minoré ou banalisé de façon outrancière, par un des moyens énoncés à l'article 23, l'existence d'un crime de génocide autre que ceux mentionnés au premier alinéa du présent article, d'un autre crime contre l'humanité, d'un crime de réduction en esclavage ou d'exploitation d'une personne réduite en esclavage ou d'un crime de guerre défini aux articles 6, 7 et 8 du statut de la Cour pénale internationale signé à Rome le 18 juillet 1998 et aux articles 211-1 à 212-3, 224-1 A à 224-1 C et 461-1 à 461-31 du code pénal, lorsque :

« 1° Ce crime a donné lieu à une condamnation prononcée par une juridiction française ou internationale ;

« 2° Ou la négation, la minoration ou la banalisation de ce crime constitue une incitation à la violence ou à la haine à l'égard d'un groupe de personnes ou d'un membre d'un tel groupe défini par référence à la prétendue race, la couleur, la religion, l'ascendance ou l'origine nationale. » ;

3° Après l'article 48-1, il est inséré un article 48-1-1 ainsi rédigé :

« Art. 48-1-1.  -  Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans se proposant, par ses statuts, de lutter contre l'esclavage ou de défendre la mémoire des esclaves et l'honneur de leurs descendants peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions d'apologie, de négation, de minoration ou de banalisation des crimes de réduction en esclavage ou d'exploitation d'une personne réduite en esclavage prévues aux articles 24 et 24 bis.

« Toutefois, quand l'infraction a été commise envers des personnes considérées individuellement, l'association n'est recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de ces personnes ou si elle justifie que ces personnes ne s'opposent pas aux poursuites. »

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Cet article, adopté avec une belle unanimité à l'Assemblée nationale, visait à réprimer la négation, la minoration ou la banalisation de tous les crimes contre l'humanité dès lors qu'ils sont reconnus - c'est par exemple le cas du génocide arménien de 1915 depuis la loi de 2001.

En février 2012, le Conseil constitutionnel avait estimé que la loi pouvait réprimer les abus de la liberté d'expression lorsqu'ils incitent à la haine ou à la violence. Cette rédaction n'encourt donc pas de censure. L'article est bienvenu, qui est d'apaisement d'une société trop souvent morcelée.

M. le président.  - Amendement identique n°455 rectifié ter, présenté par M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain.

Mme Evelyne Yonnet.  - L'Assemblée nationale a complété la loi de 1881 pour réprimer la négation, la minoration ou la banalisation de tout crime contre l'humanité au sens du statut de la Cour pénale internationale et du code pénal, y compris la réduction en esclavage.

Cet amendement, qui complète le texte en respectant mieux la distinction entre apologie et négation, rétablit aussi la portée générale de la mesure voulue par l'Assemblée nationale. Seule la négation de la Shoah est aujourd'hui réprimée.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Evelyne Yonnet.  - Nous poursuivons ainsi notre travail collectif de mémoire.

M. le président.  - Amendement n°253 rectifié nonies, présenté par M. Marseille, Mme Jouanno, MM. J.C. Gaudin et Gilles, Mme Hummel, M. Dallier, Mmes Loisier et Férat, MM. Cadic, Guerriau, Amiel, Karoutchi, Falco et Guérini, Mme Joissains et M. Forissier.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après le premier alinéa de l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Seront punis des mêmes peines ceux qui auront contesté, par un des moyens énoncés à l'article 23, l'existence d'un crime de génocide autre que ceux mentionnés au premier alinéa du présent article, d'un autre crime contre l'humanité, d'un crime de réduction en esclavage ou d'exploitation d'une personne réduite en esclavage ou d'un crime de guerre défini aux articles 6, 7 et 8 du statut de la Cour pénale internationale signé à Rome le 18 juillet 1998 et aux articles 211-1 à 212-3, 224-1 A à 224-1 C et 461-1 à 461-31 du code pénal, lorsque :

« 1° Ce crime a donné lieu à une condamnation prononcée par une juridiction française ou internationale ;

« 2° Ou la contestation de ce crime constitue une incitation à la violence ou à la haine à l'égard d'un groupe de personnes ou d'un membre d'un tel groupe défini par référence à la prétendue race, la couleur, la religion, l'ascendance ou l'origine nationale. » 

M. Hervé Marseille.  - Mon amendement diffère des précédents afin de tenir compte des problèmes juridiques soulevés par la commission spéciale. Leurs premiers et derniers alinéas me semblent en effet satisfaits par la rédaction actuelle de la loi de 1881 et du code pénal. En outre, comme le relèvent les magistrats spécialisés dans le droit de la presse et Mme la rapporteure, il est important de conserver le mot « contestation » en lieu et place de « négation, minoration ou banalisation ». Il est important de préciser que la contestation de tous les crimes contre l'humanité est réprimée : songeons aux Arméniens, aux Assyro-Chaldéens...

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - L'article 212-1 du code pénal qualifie déjà la réduction en esclavage de crime contre l'humanité ; cet ajout est donc inutile. La condamnation des acteurs n'a jamais constitué un fait constitutif de l'apologie pour la jurisprudence ; des condamnations ont été prononcées pour ce motif après l'assassinat terroriste des journalistes de Charlie Hebdo alors que le procès n'a pas eu lieu. Attention à l'a contrario.

L'article 48-2 de la loi de 1881, complété par l'article 39 bis du projet de loi, satisfait Mme Yonnet - étant entendu que la condition de non-opposition des victimes est difficile à matérialiser.

Outre qu'il n'appartient ni au législateur ni aux magistrats de s'ériger en juges de l'Histoire, la création d'un délit de « négation, minoration ou banalisation » des crimes de génocide, de crimes contre l'humanité, de réduction en esclavage ou de crime de guerre pose plusieurs difficultés.

En premier lieu, l'amendement prévoit deux conditions alternatives pour que le délit soit constitué. Prévoir que la contestation constitue déjà une incitation à la haine raciale est redondant, ce dernier délit étant d'ores et déjà puni des mêmes peines ; cette disposition ne vise qu'à répondre symboliquement, mais non de façon normative, à une revendication. Ce qui n'est pas sans conséquence : alors qu'il faut seulement aujourd'hui prouver l'incitation à la haine ou à la violence en raison d'un motif prohibé, il faudra désormais prouver la contestation d'un crime contre l'humanité.

Le second critère alternatif me semble inconstitutionnel. Dans sa décision du 8 janvier 2016 sur la loi Gayssot, le Conseil constitutionnel n'a pas censuré le délit de négationnisme, en relevant que l'incrimination concernait exclusivement la contestation de l'existence de faits qualifiés de crimes contre l'humanité, à la fois sanctionnés comme tels par une juridiction française ou internationale et qui participent de l'antisémitisme et de la haine raciale. C'est à cette double condition que le Conseil constitutionnel a jugé le délit de négationnisme comme une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression.

Au surplus, les magistrats spécialisés dans le droit de la presse relèvent qu'il aurait été préférable de maintenir le terme de « contestation », que la jurisprudence sait interpréter. Je note en outre que le Conseil constitutionnel n'a mentionné que les termes de négation, implicite ou explicite, ou de minoration outrancière.

Enfin, le délit s'appuierait sur des critères nouveaux de discrimination, alors que l'article 41 du projet de loi vise à les harmoniser. Cette rédaction mettrait en péril la légalité des délits et des peines.

Avis défavorable, par conséquent aux amendements identiques nos330 et 455 rectifié ter, comme à l'amendement n°253 rectifié nonies.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Merci aux auteurs de ces trois amendements, qui rejoignent l'intention du Gouvernement. L'Assemblée nationale a proposé l'extension de l'infraction de négationnisme à tous les crimes contre l'humanité. Pour parer au risque de voir le juge pénal dire l'histoire, le crime en question devra avoir été reconnu par une juridiction ou sa négation, sa minoration ou sa banalisation inciter à la haine ou à la violence contre une personne ou un groupe de personnes. Le délit d'incitation à la violence ou à la haine peut être prononcé sans qu'ait été nié un crime contre l'humanité.

« Négation, minoration ou banalisation », cette expression reprend celle de la décision-cadre de l'Union européenne du 28 novembre 2008.

Tout en respectant la liberté d'expression, l'objectif est de réprimer des propos outranciers qui portent atteinte à la cohésion sociale.

Merci à M. Marseille de le partager, son amendement me paraît cependant incomplet : pourquoi limiter cette extension au seul négationnisme ? Louer quelque chose ou nier son existence sont deux faces d'une même haine.

En revanche, il est important de ne pas réprimer le simple doute sur l'existence d'une tuerie, dès lors que ce doute n'incite pas à la haine ou à la violence.

Retrait de l'amendement n°253 rectifié nonies, au profit des deux précédents.

M. Roger Karoutchi.  - Je ne suis pas, loin s'en faut, un adepte de la repentance. Grâce à ma formation d'historien, je sais combien il est difficile de juger des faits anciens.

Toutefois, quand le président Chirac a reconnu la responsabilité de l'État français de Vichy, ce fut un symbole fort. Le Parlement n'est pas le Conseil constitutionnel. Le rôle de la représentation nationale est aussi d'adresser des signes au peuple français, de dire aux Français : « Vous êtes un ». Et pour être un, il faut être reconnu. Il y a l'histoire, le droit, la Constitution, puis la république et le peuple français. Je voterai l'amendement.

M. Philippe Kaltenbach.  - Sur ce sujet, nous avons à chaque fois des débats pointus de juristes. Après dix ans, nous sommes parvenus à un équilibre juridiquement solide grâce au texte de l'Assemblée nationale. Notre premier devoir est de justice. « Tolérer le négationnisme, c'est tuer une seconde fois les victimes », disait Elie Wiesel. Nous ne pouvons le tolérer.

Nous devons aussi protéger les descendants des victimes, gravement offensés.

Enfin, notre devoir est de favoriser le vivre ensemble, donc de réprimer l'incitation à la haine induite par le négationnisme. Des initiatives de cet ordre ont été prises depuis des années par la gauche et par la droite. Il est temps de clore le chapitre. Et n'anticipons pas une éventuelle censure du Conseil constitutionnel.

M. Gérard Longuet.  - Autant l'amendement de M. Marseille paraît exprimer des convictions fortes, autant les amendements précédents posent problème. « Minoration » sans autre qualificatif ? « Banalisation » ? Il ne faudrait pas ouvrir la voie à des procès en sorcellerie contre tel universitaire qui chercherait à comprendre un événement dans sa complexité. Dans l'article « Esclavage » de l'Encyclopédie, Diderot condamne celui-ci, mais rappelle que l'asservissement a parfois fait échapper à l'extermination... Est-ce le minorer ? De même, rappeler l'existence de l'esclavage Nord-Sud, est-ce minorer l'esclavage transatlantique ?

Au nom du devoir de compréhension, je me rangerai à la position sage de la commission.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Il s'agit ici de marquer sa sollicitude - évidemment désintéressée - à la communauté arménienne en contournant la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En mai 2011, M. Badinter défendait ici, malgré son horreur pour le génocide arménien, une exception d'irrecevabilité, parce que, disait-il, il n'appartient pas au législateur d'imposer une manière de dire l'histoire, qui plus est avec à la clé une peine de prison. Il ajoutait qu'une action au pénal était déjà possible sur le fondement de la loi de 1881 et des dispositions réprimant les discriminations et l'incitation à la haine.

Esther Benbassa évoquait de son côté la concurrence des victimes, puissant stimulant pour le communautarisme. Loin de renforcer la paix sociale, ces amendements risquent d'avoir l'effet inverse.

Le groupe RDSE, dans sa grande majorité, votera contre.

M. Marc Laménie.  - D'un côté, l'avis défavorable du rapporteur ; de l'autre l'avis favorable du ministre : ce n'est pas simple. Nous, législateurs, essayons de nous poser les bonnes questions et de nous prononcer en conscience. Je suivrai l'avis de la commission spéciale, après l'explication très pédagogique de sa rapporteure.

M. Hervé Marseille.  - Le sujet est récurrent et très sensible. Comme l'a dit Roger Karoutchi, il appartient à la représentation nationale de dire ce qu'elle ressent. Elle s'est bien prononcée sur le 19 mars 1962 ! Quand tant de haine s'exprime, les parlementaires aussi doivent s'exprimer.

Mme la rapporteure nous alerte des risques juridiques ; je retire mon amendement pour ne pas compliquer le débat, chacun se prononcera en conscience sur les précédents.

M. Roger Karoutchi.  - Cette décision vous honore.

L'amendement n°253 rectifié nonies est retiré.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Je salue la qualité et la sérénité de ces discussions. Le rapport entre le législateur et l'histoire est un débat ancien. Évidemment, il ne s'agit pas de réprimer la négation d'un crime qui n'aurait pas été scientifiquement constaté - comme c'est le cas de la Shoah et de l'esclavage. Le législateur, se fondant sur des travaux historiques, a aussi pour mission de garantir la cohésion sociale. Nous n'avons pas à qualifier les faits historiques, c'est la tâche des historiens, mais à dire que la négation d'un crime contre l'humanité est un délit qui incite à la haine et, à ce titre, menace notre paix sociale.

À l'heure où certains veulent écrire un roman national qui exclut plus qu'il ne rassemble, le Gouvernement a à coeur de soutenir ces amendements. (Mouvements à droite)

M. Philippe Dallier.  - Cette dernière phrase était-elle nécessaire ?

À la demande de la commission spéciale, les amendements identiques nos330 et 455 rectifié ter sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°31 :

Nombre de votants 333
Nombre de suffrages exprimés 302
Pour l'adoption 156
Contre 146

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et communiste républicain et citoyen)

L'article 38 ter est rétabli.

L'article 38 quater demeure supprimé.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°672 rectifié bis, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 38 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 40 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifié :

1° Les mots : « , en matière criminelle et correctionnelle, ainsi qu'une transaction prévue à l'article 529-3 du code de procédure pénale » sont remplacés par les mots : « , des amendes forfaitaires, des amendes de composition pénale ou des sommes dues au titre des transactions prévues par le code de procédure pénale ou par l'article 28 de la loi organique n°2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits. » ; 

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait d'annoncer publiquement la prise en charge financière des amendes, frais, dommages-intérêts et autres sommes mentionnés à l'alinéa précédent est sanctionné des mêmes peines. »

M. Patrick Kanner, ministre.  - La loi ne s'achète pas, le droit est plus fort que l'argent. C'est dans cet esprit que je vous présente cet amendement. Avant la loi du 22 mars 2016, rien n'interdisait les annonces publiques de souscription pour régler le paiement d'une amende et le prix de procès relatifs aux contraventions.

Cet amendement sanctionne le fait d'annoncer publiquement la prise en charge des amendes, frais, dommages et intérêts et autres sommes : nous controns par exemple l'agissement d'associations et d'individus qui organisent des collectes pour payer les amendes de fraudeurs dans les transports en commun.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Ce type de dévoiement de la loi est avéré et inadmissible. L'avis est donc tout à fait favorable à cet amendement, proche d'un amendement de Mme Schillinger.

L'amendement n°672 rectifié bis est adopté, et devient article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié quinquies, présenté par Mme Chain-Larché, MM. Bouchet, Carle, de Legge, Doligé et Dufaut, Mme Hummel, MM. Joyandet et Kennel, Mme Lopez, M. Mandelli, Mme Micouleau, M. Milon, Mmes Primas et Procaccia, MM. Reichardt, Retailleau, Vaspart et Chaize, Mme Deroche et MM. Vasselle, Houel et Poniatowski.

Après l'article 38 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 2 du chapitre IV du titre III du livre IV du code pénal est complétée par un article 434-23-... ainsi rédigé :

« Art. 434-23-...  -  Le fait pour une personne physique ou morale d'entraver l'application de la loi en mettant en place des stratégies visant à vider de leur contenu les sanctions prononcées par la justice est puni de trois ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende. »

Mme Anne Chain-Larché.  - La loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public n'est pas pleinement appliquée. Elle prévoit une amende de 150 euros et un stage non obligatoire de citoyenneté, mais une l'association « Touche pas à ma Constitution », par exemple, défie les institutions de la République en réglant les amendes infligées aux femmes verbalisées pour port du niqab. Nous proposons que le délit d'entrave à la loi soit puni de trois ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié quater, présenté par Mme Chain-Larché, MM. Bouchet, Carle, Chaize, de Legge, Doligé et Dufaut, Mme Hummel, MM. Joyandet et Kennel, Mme Lopez, M. Mandelli, Mme Micouleau, M. Milon, Mmes Primas et Procaccia, MM. Reichardt et Retailleau, Mme Deroche et MM. Vasselle, Vaspart, Houel et Poniatowski.

Après l'article 38 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa de l'article 3 de la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public est ainsi modifié :

1° Les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » ;

2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :

« L'intégralité du coût inhérent au stage est entièrement à la charge de la personne verbalisée. »

Mme Anne Chain-Larché.  - Dans le même esprit, cet amendement rend obligatoire le stage de citoyenneté et assure que le coût incombe aux personnes verbalisées.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Je souscris à votre intention, mais la rédaction de votre premier amendement est trop large - l'amendement n°672 rectifié bis, plus précis, vous donne satisfaction - et le suivant bute sur le fait que l'automaticité d'une peine complémentaire, est inconstitutionnelle : retrait, sinon défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Même avis.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je comprends l'intention mais, franchement, va-t-on épaissir la loi à chaque fois qu'on découvre un problème ? On la dit trop bavarde... Celles de 1901 et de 1905 sont restées, elles. Mais peut-on me reprocher de radoter ?

Mme Sophie Primas.  - Il n'empêche, il faut envoyer un signal à des associations qui dévoient la loi. Je voterai ces amendements.

M. Roger Karoutchi.  - Nous faisons trop de lois, certes, mais parfois, il faut faire la loi, la vraie. Et le législateur ne peut pas refuser aux magistrats des armes qu'ils lui demandent pour faire appliquer la loi. Sans cela, quel serait le sens de notre travail ? Je voterai ces amendements.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je doute qu'on amènera ainsi ceux qui doutent de la loi à la respecter. Les mesures que vous visez ont eu des effets négatifs auprès de nombre de musulmans, en particulier des jeunes, parce que ceux qui doutent de la liberté et de l'égalité républicaine, y ont vu de quoi conforter leurs doutes : voyez les études récentes sur les musulmans de France, il y a de quoi s'inquiéter ! On n'imposera pas la République par la contrainte, on la fera rejoindre par conviction.

Mme Sophie Primas.  - Ce sont des organisations terroristes !

L'amendement n°1 rectifié quinquies n'est pas adopté.

L'amendement n°2 rectifié quater est adopté, et devient article additionnel.

L'article 39 est adopté.

ARTICLE 39 BIS (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°457, présenté par M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le chapitre V du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :

1° Après l'article 225-1-1, il est inséré un article 225-1-2 ainsi rédigé :

« Art. 225-1-2.  -  Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes parce qu'elles ont subi ou refusé de subir des faits de bizutage définis à l'article 225-16-1 ou témoigné de tels faits. » ;

2° L'article 225-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, la référence : « et 225-1-1 » est remplacée par les références : « , 225-1 à 225-1-2 » ;

b) À la fin des 4° et 5° , la référence : « à l'article 225-1-1 » est remplacée par les références : « aux articles 225-1-1 ou 225-1-2 » ;

3° À l'article 225-16-1, après le mot : « scolaire », il est inséré le mot : « , sportif ».

Mme Evelyne Yonnet.  - La loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, a fait reculer le bizutage dans les établissements d'enseignement supérieur.

Toutefois, ceux qui dénoncent ou empêchent le bizutage font trop souvent l'objet de discriminations, lesquelles ne sont pas poursuivies pénalement, faute de qualification pénale suffisante : avec cet amendement nous apportons cette base manquante, tout en étendant le délit de bizutage au domaine sportif, au-delà, donc, des seuls milieux scolaires et socio-éducatifs. Nous libèrerons ainsi la parole et faciliterons la lutte contre le bizutage.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - La loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, sanctionne déjà le bizutage puisqu'elle considère comme une discrimination tout agissement à connotation sexuelle ayant pour objet ou pour effet de créer un environnement intimidant, humiliant, hostile ou offensant, et protège ceux qui le dénoncent de bonne foi. Votre rédaction, ensuite, n'établit pas un lien suffisamment précis avec le fait générateur, ce qui lui fait courir un risque constitutionnel. Avis défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Si je ne m'abuse, la loi du 27 mai 2008 est civile, et non pénale. J'ajoute qu'il existe des bizutages dépourvus de toute violence sexuelle. Avis favorable à cet amendement très utile.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Loin de moi l'idée de contester au Parlement sa mission d'écrire la loi ! En revanche, si nous la modifions à chaque fois que nous constatons une discrimination, nous n'en aurons jamais fini...

Mme Catherine Génisson.  - Les formes de bizutage ont énormément évolué. On est loin des pratiques gentillettes de jadis. (Exclamations) Aujourd'hui, ce sont de véritables sévices physiques et psychologiques que l'on fait subir aux étudiants, contre lesquels il faut sévir.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Le bizutage est déjà un délit dès lors qu'il revêt un caractère humiliant et dégradant, le ministère de l'éducation nationale a donné des instructions très claires pour les poursuivre.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Le bizutage est effectivement un délit, mais pas la discrimination liée à sa dénonciation ou à son empêchement : cet amendement renforce la lutte contre le bizutage.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Cela relève de la jurisprudence ! 

L'amendement n°457 n'est pas adopté.

L'article 39 bis demeure supprimé, ainsi que l'article 40.

L'article 40 bis est adopté.

ARTICLE 41

M. le président.  - Amendement n°659, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.

I.  -  Alinéa 2

Après les mots :

de ses activités syndicales

insérer les mots :

, de sa langue

II.  -  Alinéa 5

Après les mots :

de leurs activités syndicales

insérer les mots :

, de leur langue

III.  -  Alinéa 6

Après les mots :

des activités syndicales

insérer les mots :

, de la langue

Mme Aline Archimbaud.  - Les locuteurs de langues régionales sont parfois considérés comme des ploucs. (On s'exclame à droite) La commission contre le racisme et l'intolérance du Conseil de l'Europe a formulé des recommandations à la France, soulignant que la reconnaissance des minorités n'érode pas mais enrichit la cohésion nationale et appelant notre pays à des mesures plus actives. La diversité est une richesse plutôt qu'une menace : avec cet amendement, nous visons les discriminations en raison de la langue parlée.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Lisez Fils de ploucs, il montre bien que l'on peut être fier d'en être, tout en devenant quelqu'un ! La commission spéciale a retenu 21 critères de discrimination, c'est très large - et celui de l'origine recouvre celui de la langue parlée.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Chacun ses références... Ajouter ce critère de discrimination serait une fausse bonne idée, parce que vous rendriez difficile à un employeur, par exemple, d'exiger la maîtrise d'une langue étrangère pour un emploi.

L'amendement n°659 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°436, présenté par Mme D. Gillot.

Après l'alinéa 2

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

1° bis L'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La discrimination inclut le refus de mettre en place les aménagements raisonnables requis en faveur d'une personne handicapée. Constituent des aménagements raisonnables, les modifications et ajustements nécessaires et appropriés n'imposant pas de charge disproportionnée ou indue apportés, en fonction des besoins dans une situation donnée, pour assurer aux personnes handicapées la jouissance ou l'exercice, sur la base de l'égalité avec les autres, de tous les droits de l'homme et de toutes les libertés fondamentales. »

Mme Dominique Gillot.  - En ratifiant, en 2010, la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH), notre pays s'est obligé à prendre des mesures pour garantir et promouvoir le plein exercice de tous les droits fondamentaux des personnes en situation de handicap. L'article 2 de cette convention disposant que le refus d'aménagement raisonnable constitue lui-même une discrimination, la transposition exige une mesure générale interdisant un tel refus : c'est l'objet de cet amendement.

Un aménagement raisonnable est une mesure concrète permettant de neutraliser, autant que possible, et après analyse circonstanciée, les barrières d'un environnement inadapté à la participation d'une personne handicapée à la vie en société.

N'attendons pas que notre pays soit condamné par la Cour de justice de l'Union européenne, comme l'a été l'Italie en 2013. Les personnes en situation de handicap et leurs familles, attendent des mesures concrètes !

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - J'entends et je partage vos préoccupations sur ce sujet majeur. Les collectivités territoriales et entreprises font des efforts pour rattraper notre retard inadmissible. Cependant, le droit actuel vous donne satisfaction : la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, garantit le droit à toute personne handicapée d'être accompagnée et de voir son handicap compensé ; tout refus de service par une personne publique ou privée assujettie à ces obligations est donc sanctionné pénalement. Le code du travail sanctionne en tant que discrimination le fait de refuser de prendre les mesures appropriées, dont les charges consécutives à leur mise en oeuvre ne sont pas disproportionnées, pour permettre à un travailleur handicapé de conserver ou d'accéder à un emploi.

Retrait, sinon avis défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Vous reprenez une recommandation du Défenseur des droits. La directive du 27 novembre 2000 oblige déjà l'employeur à adapter l'emploi, avec sanction pénale, et la loi de 2008 inverse la charge de la preuve, au bénéfice de la personne handicapée. Ces règles progresseront puisque nous attendons une nouvelle directive. Retrait ?

Mme Dominique Gillot.  - Les personnes handicapées sont très sensibles aux engagements européens de la France. Elles attendent que notre pays transpose le principe d'aménagement raisonnable, posé dans la convention de 2010, pour faire avancer la société inclusive.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je croyais que la discrimination nécessitait une intention... Remarquez, si l'on voulait vraiment lutter contre les discriminations, on commencerait par celle qu'opère l'argent, car la principale discrimination dans notre société, c'est l'argent ! Mais ce serait remettre en cause notre société elle-même...

Mme Aline Archimbaud.  - La vie quotidienne est encore très difficile pour les personnes handicapées, il y a trop de pesanteurs culturelles et matérielles. Je maintiendrai cet amendement.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Je le voterai, car ce texte sur l'égalité et la citoyenneté ne saurait ignorer ces difficultés : c'est une question de dignité et de respect, nous devons faire passer ce message politique que nous sommes avec les personnes handicapées, tant il reste à faire pour atteindre la société inclusive !

Mme Catherine Génisson.  - J'en ferai de même, pour les mêmes raisons : des efforts sont réalisés, certes, mais il faut faire bien davantage !

L'amendement n°436 n'est pas adopté.

L'article 41 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

L'amendement n°458 rectifié bis n'est pas défendu, non plus que l'amendement n° 300 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°562 rectifié, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

I. Après l'article 41

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le paragraphe 2 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre IV du code pénal est complété par un article 432-7-... ainsi rédigé :

« Art. 432-7-...  -  Est puni des peines prévues à l'article 432-7 le fait pour une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public d'exercer un des droits de préemption définis par le code de l'urbanisme afin d'empêcher l'acquisition par une personne physique ou morale d'un des biens ou droits énumérés aux 1° à 3° de l'article L. 213-1 du même code en raison de l'un des motifs de discrimination visés aux articles 225-1 et 225-1-1 du présent code. »

II.  -  En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Section...

Dispositions relatives aux abus du droit de préemption

Mme Aline Archimbaud.  - Défendu.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Le Sénat avait refusé cet amendement sanctionnant l'exercice abusif du droit de préemption urbain dans la loi Alur. Ce serait un très mauvais signal envoyé aux maires. Enfin, il existe des voies de recours contre une préemption. Avis défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Je veux rassurer Mme Gillot : les alinéas 1 à 16 de l'article 44 de la loi sur la justice du XXIe siècle lui donnent entière satisfaction.

J'en reviens à l'amendement n°562 rectifié : créer un tel délit serait excessif, d'autant que l'article 432-7 du code pénal réprime déjà la discrimination commise par une personne dépositaire de l'autorité publique ou exerçant une mission de service public. Avis défavorable.

M. Philippe Dallier.  - L'exercice du droit de préemption est déjà délicat pour les maires. Quand il faut bâtir, de grâce, n'en ajoutons pas. Un jour, il faudrait faire la liste de toutes les sanctions que peuvent encourir les élus. Qu'on ne s'étonne pas du faible nombre de candidats aux élections !

L'amendement n°562 rectifié n'est pas adopté.

L'article 42 demeure supprimé.

ARTICLE 43

M. le président.  - Amendement n°717, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 5

Remplacer la dernière occurrence du mot :

des

par le mot :

les

II.  -  Alinéa 12

Supprimer le mot :

un

et les mots :

en conseil des ministres

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Amendement rédactionnel.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Avis défavorable, le décret doit être pris en conseil des ministres.

L'amendement n°717 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°373, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 8, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Remet, tous les ans, un rapport sur l'état du sexisme en France au Premier ministre et au ministre chargé des droits des femmes.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Le Haut Conseil pour l'égalité, créé en 2012, produit chaque année des rapports thématiques. Je connais bien ses travaux pour y avoir siégé. Un rapport sur l'état du sexisme, qui ne serait pas une nouveauté puisqu'il était prévu dans la loi du 13 juillet 1990, est indispensable : le sexisme est le terreau des violences. Croyez-moi, les comportements et propos sexistes d'aujourd'hui font froid dans le dos.

M. le président.  - Amendement identique n°476 rectifié, présenté par Mme Jouanno, MM. Longeot, Médevielle, Cigolotti et Capo-Canellas, Mme Hummel, MM. Chaize, Mandelli et Laménie et Mme Bouchoux.

Mme Chantal Jouanno.  - La commission spéciale ne veut pas détailler les missions du Haut Conseil dans la loi. Cependant, celui-ci demande que ce rapport soit prévu dans la loi.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Cette loi, je l'ai dit, est un cabinet de curiosités. On y trouve parfois des pépites. Ainsi de cet article sur le Haut Conseil pour l'égalité.

Cependant, rien n'empêche le Haut Conseil d'élaborer un rapport sur l'état du sexisme en l'état actuel.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Pépites ? La rapporteure parlera bientôt de trésors... Nul ne peut nier la qualité des travaux du Haut Conseil. Mais un rapport plus fréquent est hors de ses moyens, ce qui ne l'empêche pas de réfléchir à l'évolution du sexisme ou de réagir à l'actualité. Retrait.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, les amendements identiques nos373 et 476 rectifié, mis aux voix par assis et levé, ne sont pas adoptés.

L'amendement n°319 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°374, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 8, seconde phrase

Remplacer les mots :

le ministre chargé des droits des femmes

par les mots :

le président du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Depuis 2013, le HCE a fait la preuve de son utilité - il est vrai que les sujets de réflexion ne manquent pas. Son rapport bisannuel sera utile, mais s'il est remis au ministre du droit des femmes, il ne peut être présenté par lui au Parlement.

M. le président.  - Amendement identique n°477 rectifié, présenté par Mme Jouanno, MM. Longeot, Médevielle, Cigolotti et Capo-Canellas, Mme Hummel, MM. Laménie, Mandelli et Chaize et Mme Bouchoux.

Mme Chantal Jouanno.  - Même objet. Le rapport pourrait être présenté devant les délégations aux droits des femmes des deux chambres en formation conjointe.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Le HCE, placé auprès du Premier ministre, n'est ni une autorité administrative indépendante ni une juridiction. Son président peut parfaitement être entendu par les délégations parlementaires. Par cohérence factuelle et juridique, nous ne pouvons être favorables à votre amendement.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Même argument et même avis défavorable.

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale.  - On assiste depuis des années à un démantèlement de la puissance publique. Les autorités administratives indépendantes ont leur rôle mais le Gouvernement doit conserver les moyens de faire appliquer sa politique, celle dont il rend compte au Parlement.

Les amendements identiques nos374 et 477 rectifié sont retirés.

M. le président.  - Amendement n°375, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 10, première phrase

Après les mots :

Premier ministre

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

, le ministre chargé des droits des femmes ou tout ministre intéressé par ses avis.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Dans de nombreux domaines - santé, logement, transports, emploi - l'apport du HCE serait utile au ministre concerné. Ce devrait même être un réflexe, la dimension genrée des politiques est trop souvent ignorée. D'où cet amendement élargissant la saisine du HCE, aujourd'hui limitée au Premier ministre.

M. le président.  - Amendement identique n°478 rectifié, présenté par Mme Jouanno, MM. Longeot, Cigolotti, Médevielle et Capo-Canellas, Mme Hummel et MM. Laménie, Mandelli et Chaize.

Mme Chantal Jouanno.  - Excellemment défendu.

L'amendement n°356 rectifié bis n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°531 rectifié bis, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 10, première phrase

Après les mots :

Premier ministre

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

et les ministres intéressés par ses avis.

M. André Gattolin.  - En effet, l'égalité entre les femmes et les hommes est une thématique transversale, qui concerne aussi le ministère de la défense ! Une saisine plus fréquente du HCE permettra en outre une action plus globale.

L'amendement n°645 rectifié bis n'est pas défendu.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Avis favorable à l'amendement n°531 rectifié bis plutôt qu'aux deux précédents, car sa rédaction est plus juste.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Merci de vous préoccuper des prérogatives des ministres, mais la priorité doit revenir au Premier ministre et au ministre chargé des droits des femmes. Une cosaisine est déjà possible, par le biais du Premier ministre qui assure la cohérence d'ensemble. Sagesse.

Les amendements nos375 et 478 rectifié sont retirés.

M. Gérard Longuet.  - Je m'abstiendrai. Si le HCE est important, de par son champ de compétence de nature interministérielle, c'est au Premier ministre de le saisir, car c'est lui qui est en charge de la cohérence gouvernementale... sauf peut-être dans le Gouvernement de M. Valls. (Sourires à droite) Imagine-t-on des saisines contradictoires ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Sur le fond, M. Longuet a certainement raison. Mais nous voulons inciter chaque ministre à se soucier d'égalité hommes-femmes.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Décidément, quelle sollicitude à l'égard du Gouvernement !

M. Gérard Longuet.  - On y vient et on en repart...

M. Patrick Kanner, ministre.  - Dans ce Gouvernement, le premier à être tout à fait paritaire, les ministres sont tous très attentifs à ce sujet, rassurez-vous.

L'amendement n°531 rectifié bis est adopté.

L'amendement n°357 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°376, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par les mots :

et appeler l'attention du Parlement et du Gouvernement sur les mesures qui lui paraissent de nature à renforcer les droits des femmes et l'égalité entre hommes et femmes

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Diffusons davantage les travaux du HCE. Son dernier rapport, intitulé Où est l'argent pour les droits des femmes ?, dresse un constat implacable. Les politiques publiques pour l'égalité femmes-hommes sont chroniquement sous-financées en France. En 2016, le budget du ministère chargé des droits des femmes pour l'action « Égalité entre les femmes et les hommes » n'est que de 27 millions d'euros, quand le coût des violences faites aux femmes est de 2,5 milliards d'euros ! Songeons-y lors de la discussion budgétaire.

M. le président.  - Amendement identique n°479 rectifié, présenté par Mme Jouanno, MM. Longeot, Cigolotti, Médevielle et Capo-Canellas, Mme Hummel, MM. Chaize, Mandelli et Laménie et Mme Bouchoux.

Mme Chantal Jouanno.  - Très bien défendu.

L'amendement n°646 rectifié n'est pas défendu.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - La commission spéciale n'a voulu retenir que des dispositions normatives. Cette loi, pardonnez-moi l'expression, n'est pas un pense-bête de toutes nos bonnes intentions... Le HCE a-t-il été empêché d'attirer l'attention de qui que ce soit sur quoi que ce soit ? Retrait.

M. Patrick Kanner, ministre.  - En effet, le HCE peut s'autosaisir et adresser librement ses communications. Retrait.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Oui, il valait la peine de parler du HCE.

Les amendements identiques nos376 et 479 rectifié sont retirés.

L'amendement n°359 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°377, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le mandat de membre du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes n'est pas révocable pour autant que la personne titulaire conserve la qualité en vertu de laquelle elle a été désignée et qu'elle se conforme à l'obligation d'assiduité qui lui incombe.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - La durée de trois ans du mandat des membres du HCE doit être garantie, au-delà des alternances. Le HCE a besoin de stabilité pour travailler.

La présidente du HCE exerce à titre bénévole, ce qui n'est pas le cas dans d'autres domaines. C'est révélateur du manque de moyens accordés à la politique d'égalité entre les femmes et les hommes, et aussi de l'idée que les femmes auraient une disposition naturelle pour ce genre de tâche !

M. le président.  - Amendement identique n°480 rectifié, présenté par Mme Jouanno, MM. Longeot, Cigolotti, Médevielle et Capo-Canellas, Mme Hummel, MM. Laménie, Mandelli et Chaize et Mme Bouchoux.

Mme Chantal Jouanno.  - Défendu.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Le HCE n'est pas une autorité indépendante... D'ailleurs, vous pouvez être rassurées : ce que la loi dispose n'est pas révocable sans une nouvelle loi, un Gouvernement ne pourrait donc supprimer le HCE sans légiférer. Retrait.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Même avis.

Mme Laurence Cohen.  - J'insiste : pourquoi faire appel ici au bénévolat, et pas ailleurs ? Quant à cet amendement, nous le maintenons.

Les amendements identiques nos377 et 480 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article 43, modifié, est adopté.

L'article 44 A demeure supprimé.

ARTICLE 44 B

M. le président.  - Amendement n°82, présenté par M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Il veille notamment à l'image des femmes qui apparaît dans ces émissions publicitaires. »

Mme Evelyne Yonnet.  - L'image de la femme dans la publicité demeure polémique : selon un sondage, 51 % des gens s'en disent choqués. D'où cet amendement qui rétablit la disposition selon laquelle le CSA veillera désormais à l'image des femmes véhiculée par ces messages publicitaires.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Retrait, puisque nous avons adopté un amendement du groupe CRC selon lequel le CSA veillera à la dignité de toutes les personnes. C'est plus protecteur et moins discriminant.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Avis favorable, les choses vont mieux en le disant. Il existe un problème spécifique de sexisme dans la publicité.

M. André Gattolin.  - Le groupe écologiste soutient ardemment cet amendement. Il est de la responsabilité du CSA de suivre l'ensemble des programmes télévisuels diffusés, ce qu'il ne fait guère pour la publicité... L'association des publicitaires produit des rapports, mais on ne peut pas se fier à leur objectivité.

Mme Sophie Primas.  - Je suivrai le rapporteur. Que le CSA fasse son travail, rien ne sert de modifier la loi ! D'ailleurs, lorsque des hommes sont habillés en lapin, cela ne porte-t-il pas atteinte à leur image ?

M. Jean Desessard.  - Un homme n'est jamais ridicule, voyons ! (Sourires)

Mme Sophie Primas.  - Les femmes n'ont pas à être traitées différemment des hommes. (Mme Françoise Gatel, rapporteur, approuve)

Mme Catherine Génisson.  - Tout de même, certaines publicités sont très dégradantes pour les femmes, il vaut la peine d'y insister.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je soutiendrai cet amendement qui ne mange pas de pain. Mais s'il était appliqué, il n'y aurait plus de publicité ou presque... Le CSA veillera comme le chat qui dort !

Mme Sophie Primas.  - Quel sexisme !

M. Pierre-Yves Collombat.  - C'est la vérité !

Mme Laurence Cohen.  - Pardon, les publicités sont sexistes et visent particulièrement les femmes, exposées nues pour vendre une voiture ou des yaourts. Mais je trouve l'amendement maladroit. « Il veille à l'image des femmes », c'est beaucoup moins fort que ce que nous proposions : préserver la dignité des personnes.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Tout de même, il y a un problème spécifique de l'image des femmes. Le CSA doit y veiller tout particulièrement.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°82 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°32 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 323
Pour l'adoption 137
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article 44 B est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°393, présenté par M. Gattolin.

Après l'article 44 B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 13 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le Conseil supérieur de l'audiovisuel communique chaque mois au président du Parlement européen et aux responsables des différents partis politiques qui y sont représentés ainsi qu'aux personnes mentionnées au deuxième alinéa le relevé des temps d'intervention des personnalités politiques sur des sujets ayant trait à l'action de l'Union européenne dans les journaux et les bulletins d'information, les magazines et les autres émissions des programmes. »

M. André Gattolin.  - Qu'on le veuille ou non, le destin de la France est indissolublement lié à celui de l'Europe. Ceux qui croient que l'herbe est plus verte ailleurs devraient aller voir au Royaume-Uni : des voix s'y élèvent pour renoncer au Brexit.

Pourtant, l'Europe est le fantôme de l'opéra politico-médiatique... M. Bernard-Reymond proposait, dans une résolution de 2013, une chaîne de radio dédiée à l'Europe. Je propose, ici, que le CSA, chargé de veiller à l'équilibre et au pluralisme des courants de pensée, veille aussi à ce que l'Europe soit abordée. Montrons que la sphère publique européenne existe ! On parle peu, très peu, trop peu, de l'Europe : quinze minutes durant les onze jours où il y avait tant de choses à dire sur le premier conseil tenu dans le Royaume-Uni, le discours sur l'état de l'Union, l'affaire impliquant l'ancienne commissaire Kroes ou encore les suites du Brexit.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Centriste, je suis sensible à la cause européenne. Rapporteur rigoureux, je ne peux accepter des amendements sans lien avec l'objet premier du texte.

Votre amendement exigerait de repenser des règles conçues pour le cadre national. En outre, le CSA, instance nationale, n'a pas à rendre compte au Parlement européen.

M. Patrick Kanner, ministre.  - Même avis, à regret.

M. Pierre-Yves Collombat.  - « Après Maastricht, on rira beaucoup plus », disait M. Kouchner. On rit jaune... Nous sommes assez abreuvés de discours européistes à la télévision, je préférerais un débat pour expliquer pourquoi les espoirs mis dans l'Europe ont été déçus.

M. André Gattolin.  - Il s'agit seulement de relever le temps de parole des personnalités politiques qui s'expriment sur l'Europe, par exemple des eurodéputés. Les chaînes le font déjà.

Oui, monsieur Collombat, on peut contester l'Europe, cela ne me trouble pas. Mais qu'on en parle ! J'avais trouvé scandaleux que la télévision publique ne retransmette pas le débat entre les candidats à la présidence de la Commission européenne.

L'amendement n°393 n'est pas adopté.

Les articles 44 et 45 demeurent supprimés.

L'article 46 est adopté.

ARTICLE 47 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°252, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la première partie du code de l'éducation est complété par un article L. 131-13 ainsi rédigé :

« Art. L. 131-13 -  L'inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille. »

Mme Évelyne Didier.  - Consciente des difficultés budgétaires que pourrait provoquer cet amendement, nous le croyons cependant dicté par le principe d'égalité. On ne peut priver des enfants de cantine, c'est un lieu de socialisation ; si les enfants de parents en recherche d'emploi en sont privés, c'est une difficulté de plus. Rechercher un emploi absorbe beaucoup de temps.

M. le président.  - Amendement identique n°431 rectifié bis, présenté par M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain.

Mme Evelyne Yonnet.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°546, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.

M. Jean Desessard.  - Les témoignages de refus d'accès à la cantine sont nombreux, malgré l'illégalité de cette inégalité d'accès au service public. Certaines mairies refusent les enfants de chômeurs, comme si la recherche d'un emploi n'était pas une tâche à plein temps...

On prive ainsi des enfants de ce cadre de socialisation, où ils acquièrent des habitudes de vie saine. Ne laissons plus de place à de telles pratiques.

M. André Gattolin.  - Très bien !

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Vous réintroduisez par la bande des dispositions déjà rejetées par le Sénat dans la proposition de loi Schwartzenberg...

Combien de cas a-t-on relevés ? De tels refus constitueraient déjà des infractions. Sous-entendez-vous que les préfets ne font pas leur travail quand ils ne les sanctionnent pas ?

Avec cet amendement, vous institueriez une discrimination entre les enfants habitant dans une commune où il existe une cantine et celle où il n'y en a pas.

M. Jean Desessard.  - Elle est bonne, celle-là !

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - C'est un service facultatif que l'État ne finance pas, alors même que les collectivités doivent déjà faire face aux nouveaux rythmes scolaires.

L'école maternelle n'étant pas obligatoire, que fait-on ?

Pourquoi ne pas soulever aussi le principe d'égalité à propos des nouveaux rythmes scolaires, et des activités périscolaires ?

Avis extrêmement défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre.  - La question est de savoir s'il y a des discriminations dans les services existants. Je soutiens ces amendements, qui font écho au rapport de 2013 du Défenseur des droits. L'argument budgétaire ne vaut pas, madame la rapporteure, et manifeste peut-être votre désarroi... (Mme Françoise Gatel, rapporteur, proteste)

Regardons la réalité de cet amendement : il s'agit de faire en sorte que les enfants de pauvres mangent convenablement au moins une fois par jour. (Exclamations sur le banc de la commission) Ce n'est pas du misérabilisme. C'est à l'honneur d'un maire d'avoir une cantine ouverte ; le Gouvernement adhère pleinement à l'idée d'assurer l'égal accès des enfants à la cantine. Le problème n'est pas marginal, le Défenseur des droits a recensé près de 400 cas, la moitié étant dus à des clauses illégales des règlements intérieurs qui donnent priorité aux enfants dont les deux parents travaillent. Un chômeur n'est pas un parent inactif : il passe des heures à identifier les annonces, à répondre à des offres en plus d'éventuelles tâches domestiques.

Consacrons la jurisprudence dans le marbre de la loi. Si l'on peut attaquer des règlements intérieurs illégaux, cela suppose de rassembler un faisceau d'indices. Et, Mme la rapporteure en sera d'accord avec moi, il est difficile, quand on est pauvre, d'aller devant le juge administratif.

Je soutiens cet amendement avec force ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Rien d'étonnant à ce que le ministre soutienne cette proposition : la spécialité de ce Gouvernement est de faire payer ses bonnes intentions par les communes ! (On s'amuse au centre et à droite) Mais quand elles augmentent les impôts, c'est très mal. À Paris, vous avez des recettes. Mais ailleurs ? Si les locaux de la cantine sont saturés, comment fait-on ? C'est tellement beau, les principes....

Je ne connais pas de cas où l'on n'ait pas trouvé de solution. La jurisprudence permet d'éviter les mésusages et les discriminations, restons-en là. (Applaudissements à droite)

M. Philippe Dallier.  - Pourquoi pas demain les centres de loisirs et les crèches accessibles à tous ? Après tout, les parents chômeurs en ont aussi besoin... Pour régler quelques cas, car je ne veux pas croire qu'ils sont nombreux, on devrait accueillir tout le monde, y compris des enfants dont l'un des deux parents ne travaille pas et qui n'ont pas de difficulté ? Dans ma commune, nous organisons déjà trois services, de 11 h 30 à 13 h 45. Faut-il pousser les murs ? La question n'est pas le prix du repas, c'est celle de trouver une place où asseoir les gamins ! (Applaudissements à droite)

M. Jacques Bigot.  - On fait croire que les sénateurs communistes, socialistes et écologistes veulent obliger les maires à créer un service de restauration scolaire...

Nous disons que là où ce service existe, il doit être égalitaire. La cantine est un service éducatif, nous le savons tous.

Le Parlement ne peut pas ignorer les doléances du Défenseur des droits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Marc Laménie.  - Bien sûr, personne ne doit être laissé au bord du chemin. La cantine a un rôle social, il n'empêche qu'il y a une question de coût et de fonctionnement du service. Certains maires sont confrontés à des problèmes d'impayés. Les maires savent trouver des solutions. Je me rallierai à la position du rapporteur.

Mme Catherine Génisson.  - Certains élus ne sont pas républicains. Je peux vous citer le cas d'un élu du sud-est qui refuse sa cantine aux enfants de chômeurs. Cette discrimination doit cesser.

M. Jean Desessard.  - Mme la rapporteure en a trop fait. Elle a commencé par dire que le refus d'accès était illégal, j'avais donc cru qu'elle était d'accord avec nous sur le fond... Le ministre lui a rappelé le rapport du Défenseur des droits. Mais ensuite, elle a tout mélangé... En réalité, c'est avec le fond du texte qu'elle n'est pas d'accord ! (Protestations sur le banc de la commission spéciale) Et l'égalité devant la loi ? Rendez-vous compte de ce que cela signifie pour un enfant de chômeur d'être exclu de la cantine ! Vous semblez l'admettre, c'est scandaleux.

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale.  - N'allez pas trop loin !

M. Jean Desessard.  - On verra ensuite pour les crèches et les centres de loisirs...

Mme Évelyne Didier.  - Du calme. Nous avons déposé cet amendement parce que des cas existent, je ne peux pas entendre qu'on nous accuse de sentimentalisme. Je reconnais les difficultés que cela peut poser dans les communes. Mais est-il acceptable que, lorsqu'il n'y a pas de place, ce soient toujours les gosses de chômeurs qui soient mis à l'écart ? Pour ces parents, ces enfants, c'est une discrimination de plus. Croyez-moi, dans ma région, où les chômeurs sont nombreux, la discrimination qu'ils subissent est réelle et permanente, ils ont le sentiment d'être sans cesse montrés du doigt...

Ne stigmatisons pas les propos des uns et des autres... Mais je le dis : nous avons raison. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste)

Mme Sophie Primas.  - Il y avait une grande défiance dans les propos du ministre à l'égard des maires. Faut-il utiliser une enclume pour tuer une mini-mouche ? Les maires font preuve de discernement, ils parlent avec les parents, avec le corps professoral. Quand ils doivent faire un choix pour la cantine, ils font souvent appel aux mamans qui ne travaillent pas parce qu'elles le veulent. Faites confiance aux maires ! Et ceux qui discriminent ne seront pas réélus... Dans une très large majorité, les élus sont républicains et attentifs aux conditions dans lesquelles vivent leurs administrés. (Applaudissements à droite)

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - M. Desessard est meilleur sénateur qu'interprète de ma pensée... Ce texte est un cabinet de curiosités mais aussi un cabinet d'accusations. Cette horrible majorité sénatoriale « plouc », pour reprendre un mot de tout à l'heure, refuserait l'IVG, menacerait la liberté de la presse et, maintenant, refuserait les enfants de chômeurs à la cantine. Indignons-nous !

Mais, monsieur le ministre, que font les préfets ? Saisissez-les si vous constatez que des enfants sont exclus de la cantine. Présidente de l'association des maires d'Ille-et-Vilaine, je n'ai jamais vu un maire dire à un enfant : « tu es pauvre, tu ne mangeras pas ». Monsieur le ministre, j'ai une solution pour vous : faites de la cantine un service obligatoire, comme l'école, et financez-le. (Vifs applaudissements au centre et à droite)

M. Patrick Kanner, ministre.  - Nous pourrons saisir les préfets quand la jurisprudence aura été inscrite dans la loi. (Mme Françoise Gatel, rapporteur, proteste que ce n'est nullement nécessaire) Quelque 400 dossiers, ce n'est pas rien ! Encore une fois, monsieur Dallier, la création d'une cantine n'est pas obligatoire...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Mais s'il n'y a plus de place, il faudra en créer une nouvelle !

M. Patrick Kanner, ministre.  - Relisez le rapport du Défenseur des droits. On y lit ceci : « si le principe de libre administration des communes donne au maire toute liberté de créer un service public de restauration scolaire, il ne lui donne pas, une fois le service créé, un pouvoir souverain d'appréciation quant au droit à y accéder ». Tout est là.

M. Jean Desessard.  - Très bien !

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale.  - Il y a deux jours, monsieur le ministre, vous nous expliquiez que la jurisprudence suffisait. M. Mézard vous avait répondu d'une façon qui avait été entendue par la Haute Assemblée. Vous soutenez maintenant l'inverse...

Enfin, si Mme Gatel n'a pas besoin d'être défendue, l'un des nôtres...

M. Jean Desessard.  - Moi !

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale.  - ... a interprété ses propos de manière inacceptable, dans le dessein de nuire. Elle a rapporté la position de la commission, qui est parfaitement raisonnable. Les maires ne s'attaquent qu'aux mauvais payeurs, pas aux personnes de bonne foi en difficulté. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean Desessard.  - Relisez le rapport du Défenseur des droits !

Les amendements identiques nos252, 431 rectifié bis et 546 ne sont pas adoptés.

L'article 47 demeure supprimé.

M. le président.  - Il reste 69 amendements à examiner. Si nous n'en avons pas terminé cet après-midi, je suspendrai à 20 heures pour reprendre la séance ce soir.