Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Hommage à Serge Dassault

Programmation militaire pour les années 2019-2025 (Procédure accélérée - Suite)

Explications de vote

M. Christian Cambon

M. Bernard Cazeau

Mme Christine Prunaud

M. Jean-Marie Bockel

M. Jean-Marc Todeschini

M. Joël Guerriau

M. Jean Louis Masson

M. Jean-Noël Guérini

Mme Florence Parly, ministre des armées

Questions d'actualité

Services d'urgence

M. Guillaume Arnell

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Parcoursup

M. Pierre Ouzoulias

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé du numérique

Rodéos urbains

Mme Samia Ghali

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

Hausse de la taxe sur les carburants

M. Daniel Chasseing

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Conséquences des intempéries (I)

M. Daniel Laurent

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Conséquences des intempéries (II)

M. Alain Cazabonne

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Situation en Italie

M. Richard Yung

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Menace terroriste

M. Roger Karoutchi

M. Édouard Philippe, Premier ministre

Séismes à Mayotte

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

Politique agricole commune

M. Jean Bizet

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Conséquences des intempéries (III)

Mme Françoise Cartron

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Décès d'un ancien sénateur

Accord en CMP

Nouveau pacte ferroviaire (Procédure accélérée)

Rappel au Règlement

Mme Éliane Assassi

Discussion générale

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports

Hommage à une délégation thaïlandaise

Nouveau pacte ferroviaire (Procédure accélérée  -  Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Gérard Cornu, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Question préalable

Mme Éliane Assassi

M. Michel Vaspart

Discussion générale (Suite)

M. Guillaume Gontard

M. Jean-François Longeot

M. Olivier Jacquin

M. Alain Fouché

M. Stéphane Ravier

M. Éric Gold

Mme Pascale Bories

M. René Danesi

Mme Fabienne Keller

M. Frédéric Marchand

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Mme Élisabeth Borne, ministre

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER A

M. Guillaume Gontard

M. Fabien Gay

M. Jacques-Bernard Magner

Mme Marie-Noëlle Lienemann

Mme Cécile Cukierman

M. Ronan Dantec

M. Marc Laménie

M. Yves Daudigny

Mme Élisabeth Borne, ministre

Annexes

Ordre du jour du mercredi 30 mai 2018

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mardi 29 mai 2018

88e séance de la session ordinaire 2017-2018

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Françoise Gatel, Mme Mireille Jouve, M. Michel Raison.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Hommage à Serge Dassault

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent.) C'est avec émotion que nous avons appris, hier après-midi, le décès de notre ancien collègue Serge Dassault, qui fut sénateur de l'Essonne durant treize années, de 2004 à 2017.

Il s'est éteint à l'âge de 93 ans, succombant à un malaise alors qu'il se trouvait, comme chaque jour, à son bureau du Rond-point des Champs-Élysées-Marcel-Dassault où il aura exercé, jusqu'à ses derniers instants, l'ensemble de ses responsabilités avec la passion qui le caractérisait.

Au moment où le Sénat s'apprête à se prononcer, cet après-midi même, sur le projet de loi de programmation militaire, il me revient de saluer la mémoire de notre ancien collègue, qui fut un grand capitaine d'industrie au service de notre défense nationale.

Après une adolescence marquée par la déportation de son père et son incarcération au Fort de Montluc, Serge Dassault devint ingénieur. Diplômé de l'École polytechnique en 1946 puis de l'École nationale supérieure de l'aéronautique et de l'espace (Supaero) en 1951, il gravit tous les échelons au sein de l'entreprise familiale.

Directeur des essais en vol puis des exportations au sein du groupe Dassault industries, il devint en 1987 le président-directeur général de ce groupe fondé par son père, Marcel Dassault.

Il a, dans ces fonctions, obtenu des résultats impressionnants, non seulement dans le domaine de l'industrie militaire, mais aussi en diversifiant les activités du groupe, à travers Dassault systèmes et l'aéronautique civile.

Il fut aussi, suivant là encore l'exemple de son père, un patron de presse important à la tête de la Socpresse qui détient notamment le plus vieux quotidien de France qu'est Le Figaro.

Serge Dassault a siégé parmi nous, dans cet hémicycle, durant deux mandats consécutifs, exerçant les fonctions de doyen d'âge de notre Haute Assemblée le 1er octobre 2008. Chacun comprendra que je m'en souvienne avec émotion.

J'ai encore en mémoire les propos de Serge Dassault lorsque, dans son allocution de doyen d'âge, il nous exhortait collectivement à « redonner à la France sa place dans le monde et aux Français, quels qu'ils soient, la croissance et les emplois dont ils ont besoin ». Cet appel est plus que jamais d'actualité ! Il avait conclu en ces termes : « Je forme le voeu que le Sénat s'associe à cette grande ambition : promouvoir l'union nationale qui, seule, permettra d'obtenir le consensus indispensable, de la gauche à la droite, à toutes les réformes nécessaires ».

C'est cette passion pour l'entreprise qui avait conduit Serge Dassault à s'engager dans la vie de la Cité. Tout d'abord, au niveau local, en devenant maire de Corbeil-Essonnes de 1995 à 2009, après avoir été conseiller régional d'Île-de-France, puis conseiller général et conseiller départemental de l'Essonne.

Serge Dassault fit son entrée au Sénat le 26 septembre 2004. Il aimait à rappeler ce parcours qu'il partageait avec son père : « Mon père et moi, » disait-il, « ne nous sommes engagés en politique que fort tard, non par ambition, mais par civisme, pour essayer d'apporter à l'action politique nos expériences d'industriels qui connaissent toutes les difficultés des entreprises et qui sont confrontés à la nécessité d'assurer une bonne cohésion sociale avec tous leurs salariés ».

Le sénateur que fut Serge Dassault était un parlementaire actif, malgré ses multiples responsabilités, qui cherchait toujours à faire partager ses convictions sur tous les bancs de notre hémicycle.

Comme vice-président de la commission des finances et rapporteur spécial de cette même commission, il a constitué une vigie des finances publiques, mettant en exergue la vulnérabilité que constituait pour l'État le niveau de la dette.

S'il était convaincu que la relance de l'économie française passait par un allègement de la fiscalité, il n'oubliait pas que les fruits de la croissance devaient être partagés avec l'ensemble des forces productives de notre pays. Il a inlassablement milité pour la valorisation de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise. Il y voyait même le socle d'un nouveau contrat social.

Son action à la tête d'une entreprise de renommée mondiale - avec son fleuron, l'avion Rafale - ne l'a pourtant pas éloigné du souci des autres et particulièrement des plus vulnérables. La fondation Serge Dassault, qu'il a créée en 1993, poursuivra son oeuvre pour accompagner les personnes handicapées et leur insertion dans la société par le travail.

Au nom du Sénat, je voudrais en cet instant assurer la famille de Serge Dassault, de notre profonde sympathie, avec une pensée particulière pour notre collègue député, Olivier Dassault.

En sa mémoire, je vous propose d'observer un moment de recueillement. (Mmes et MM. les sénateurs et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)

Programmation militaire pour les années 2019-2025 (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

Explications de vote

M. Christian Cambon .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC) À l'heure où se déroule ce vote solennel, 8 000 de nos soldats surveillent nos villes, nos gares et nos aéroports ; 20 000 autres font respecter nos zones de souveraineté en jouant leur vie dans le désert brûlant du Sahel et la poudrière du Moyen-Orient. Malgré des moyens parfois vétustes, ils se battent pour la liberté et protègent nos intérêts vitaux. C'est à eux que nous dédions ce vote. D'aussi loin qu'ils se trouvent, ils doivent savoir que la France les soutient.

Il était temps de mettre un terme à vingt ans d'éreintement de nos armées. Après un mauvais signal en juillet dernier, cette loi de programmation militaire marque un coup d'arrêt salutaire, un coup d'arrêt à ces régiments qui ferment, à ces 50 000 emplois supprimés malgré la multiplication des opérations, mais hélas selon un calendrier trop tardif et avec des insuffisances. Cette loi d'intention était trop fragile et c'était au Sénat, Madame la Ministre, de vous aider à tenir vos engagements.

Amélioration des conditions de vie des soldats, restauration de nos capacités opérationnelles à bout de souffle, davantage d'innovation, plus de moyens pour le renseignement et la cyberdéfense, modernisation de la dissuasion nucléaire, tout cela contribuera à la préservation d'un modèle complet d'armée. Des blindés Scorpion et des canons Caesar pour l'armée de terre ; six sous-marins Barracuda, huit frégates FREMM et deux frégates FTI, des patrouilleurs et des ravitailleurs pour la Marine ; 28 Rafale -  dont le nom est tant associé à Serge Dassault, des Mirage rénovés, des avions ravitailleurs et des drones bientôt armés pour l'armée de l'air, ce n'est pas rien !

Cependant, plutôt que d'étaler l'effort, vous concentrez les deux tiers de la programmation sur le dernier tiers du calendrier, après 2022. C'est d'autant plus risqué qu'une clause de revoyure est prévue en 2021. Il en résultera de graves tensions sur nos équipements, dont certains resteront longtemps en activité -  les VAB, les hélicoptères Gazelle ou les avions de transport. Quant aux coopérations européennes, le Royaume-Uni est affaibli par le Brexit ; le partenariat avec l'Allemagne fait l'objet de belles déclarations mais les pratiques sont différentes.

Madame la Ministre, le Sénat a souhaité vous aider à tenir vos engagements en prévoyant que le service national universel, le SNU, ne pourra être financé d'aucune manière par cette loi de programmation. Nous avons instauré une clause de sauvegarde en cas de hausse du pétrole. Sur les OPEX, le Sénat a voulu qu'on tienne compte de l'usure accélérée des matériels et limité la part de la Défense dans le financement des surcoûts résiduels. Nous avons aussi prévu le retour intégral aux armées des produits de vos cessions immobilières : 540 millions d'euros.

Pour en finir avec les ventes à bas prix d'un patrimoine immobilier prestigieux, la fameuse décote Duflot s'appliquera seulement si 100 % des logements sociaux sont réservés aux militaires. Toujours pour améliorer les conditions de vie de nos soldats, nous avons conservé une partie du Val-de-Grâce pour loger les soldats de Sentinelle. Le Sénat a aussi voulu protéger les droits des pensionnés alors que le contentieux est transféré du tribunal des pensions au tribunal administratif. Pour ne pas faire des militaires se présentant aux élections locales des demi-solde de la démocratie locale, nous avons assoupli les incompatibilités et relever les seuils.

Enfin, et c'est essentiel, le Sénat a introduit de nouveaux pouvoirs de contrôle pour que le Parlement puisse aider le Gouvernement à tenir ses engagements. Nous contrôlerons scrupuleusement le respect des livraisons d'équipement. Nous avons bien perçu votre hostilité sur le contrôle du Parlement en matière de renseignement. Cela étant, tout est fait pour protéger les opérations en cours et le Gouvernement pourra s'opposer à la transmission de documents. Comment s'opposer à une meilleure information du Parlement alors que la pratique est partagée dans toutes les grandes démocraties ?

Le Sénat s'est emparé de ce texte pour en faire une loi de programmation militaire de rupture avec le passé. Si cette loi ne remplit pas ses objectifs, la désespérance de nos soldats sera grande et le retard irrattrapable. Le groupe Les Républicains la votera en faisant le pari de la confiance, ce qui n'exclura pas le contrôle. Je remercie les rapporteurs pour avis pour leur contribution remarquable de même que l'ensemble des groupes du Sénat ; nos débats ont montré que seul nous guidait l'intérêt de nos armées. Madame la Ministre, vous avez su faire preuve d'écoute, une écoute dont nous aurons besoin pour poursuivre le dialogue en CMP. Si vous vous réjouissez, vous aussi, du travail accompli, parlez-en à ceux qui, au sein de l'exécutif, pourraient douter de l'efficacité, voire de l'utilité du Sénat !

(Vifs applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants et RDSE ; MmeNelly Tocqueville et Hélène Conway-Mouret applaudissent aussi.)

M. Bernard Cazeau .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Ce texte consacre le redressement de nos armées, l'objectif est d'atteindre un effort porté à 2 % du PIB. Il décline les engagements qu'a pris le président de la République à Istres le 20 juillet 2017 pour nos soldats dont on a mesuré, après les attentats du 23 mars à Trèbes et du 13 mai à Paris, combien ils étaient de puissants outils de réassurance face à la grande peur du terrorisme. Face aux attaques sournoises et massives qu'ils affrontent, ils ont besoin d'encouragements énergiques.

Ce projet de loi leur fournit des moyens supplémentaires grâce à un effort budgétaire de 1,7 milliard d'euros par an puis 3 milliards d'euros par an dès 2023, portant le budget des armées à 39,6 milliards d'euros hors pensions, par an, entre 2019 et 2023, soit une hausse de 23 %. Outre l'augmentation des effectifs mais aussi des crédits pour le matériel, l'attention au quotidien des soldats, le texte renouvelle aussi les programmes liés à la dissuasion et aux nouvelles formes de combat. Il encourage l'Europe de la défense et innove en investissant dans des capacités à forte valeur ajoutée, comme la cyberdéfense. Je ne doute pas de l'issue favorable de la CMP.

Des points restent à éclaircir : pour des raisons de solidarité avec les autres ministères, le ministère de la défense ne saurait s'exempter de sa participation au surcoût des OPEX.

Un compromis est possible sur la délégation parlementaire au renseignement. Une manière de rassurer serait de laisser le Parlement tirer les leçons de la loi Renseignement du 24 juillet 2015. Il serait navrant que l'article 22 ter fasse échouer la CMP.

Au regard des efforts consentis et du renforcement du lien entre République et Nation, le groupe LaREM votera ce texte. Nos débats ont été le meilleur hommage que des parlementaires peuvent rendre à des militaires qui se battent au péril de leur vie en tout lieu et en tout instant. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Christine Prunaud .  - Je tiens à remercier sincèrement Mme la Ministre et M. le président de la commission qui ont placé ces débats sous le signe du respect des opinions divergentes.

Le Gouvernement souhaitait que cette loi soit à hauteur d'hommes et de femmes. De véritables progrès sont effectivement enregistrés pour les conditions de vie et d'exercice des militaires ; je pense, en particulier, au service de santé des armées qui bénéfice de recrutements à partir de 2019 et de crédits supplémentaires d'infrastructures. Autre point positif : grâce à un amendement de mon groupe, les réservistes seront davantage protégés, demain, des dommages physiques et psychiques et mieux valorisés pour leurs actions avec des facilités de promotion et des autorisations renforcées d'absence professionnelle. Cela étant, avec l'article 10 bis, nous restons au milieu du gué. Certaines entreprises demeurent réticentes à libérer du temps pour leurs salariés engagés dans la réserve ; pire encore, elles reportent leur charge de travail sur les autres salariés.

Point de désaccord, les ventes immobilières. Leur poursuite me semble contre-productive tant les militaires ont besoin de logements.

Avec cette loi, le Gouvernement entendait également assurer la place et l'indépendance de la France dans le monde. Pour nous, cela est incompatible avec l'extension des accords SOFA qui annonce une intégration toujours plus poussée dans l'OTAN. Surtout, l'on ne peut pas faire comme si les États-Unis ne prenaient pas un virage inquiétant. Washington pratique de plus en plus la politique du pire. L'ONU, réformée, doit être la seule voix internationale. Dominique de Villepin l'a récemment souligné, « nous ne sommes plus, la France, tout comme l'Europe, qu'une variable d'ajustement, calculée par les États-Unis dans un camp atlantique ». Et, pour l'heure, l'Europe de la défense est loin de constituer une alternative crédible.

Autre point de désaccord de notre part : le nucléaire. La loi de programmation militaire prévoit 37 milliards d'euros pour la dissuasion nucléaire alors qu'il faudrait diminuer ce budget. Une planification de démantèlement, même partielle, engagerait les autres puissances nucléaires à en faire de même. Sinon, chacun continuera d'attendre que l'autre fasse le premier pas.

Deuxième axe contestable, le commerce des armes dont le développement a été justifié par la volonté de redresser notre balance commerciale et de maintenir de l'emploi industriel. Le second argument ne vaut pas : 44 000 emplois dans l'industrie d'armement ont disparu en dix ans. La France ne peut pas s'exonérer de la responsabilité de la prolifération des armes dans le monde, loin de notre culture de paix.

C'est pourquoi, le groupe CRCE votera majoritairement contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Jean-Marie Bockel .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Cette loi de programmation militaire, en augmentant les moyens de l'armée, met fin à vingt ans d'attrition. C'était une urgence, compte tenu des menaces actuelles, intenses et diversifiées. À hauteur d'hommes et de femmes, elle améliore leurs conditions de vie. Je salue l'engagement de nos soldats, si sollicités.

Cette loi de programmation militaire, en renforçant les moyens du renseignement, de la cyberdéfense, du spatial, renforce notre autonomie stratégique ; c'est indispensable si nous voulons assumer nos responsabilités de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU et pérenniser notre influence diplomatique.

La programmation soumise n'était pas tout à fait au niveau espéré, il y manquait des objectifs quantifiables. Nous craignions l'effet ciseaux entre l'usure des matériels et le coût des OPEX. Pour éviter cela, le Sénat a souhaité un financement interministériel des surcoûts.

Le niveau d'engagement des armées a été de 30 % supérieur à ce que le Livre blanc de 2013 prévoyait. Le Sénat s'est assuré que tout accroissement de missions liées aux décisions prises lors des sommets de l'OTAN - où la France tient toute sa place, ce qui est une bonne chose, ou en raison de grands contrats de soutien à l'exportation serait pris en compte lors de l'actualisation de 2021.

Le projet de loi prévoit une augmentation importante des crédits dédiés à l'entretien programmé des matériels - et j'ai une pensée pour l'inlassable avocat des Rafale que fut Serge Dassault. Conscient du risque de glissement, voire de report des engagements, le Sénat a demandé une information annuelle.

Le Sénat a renforcé les garanties sur le financement du service national universel : il ne reposera pas sur les ressources de la loi de programmation militaire. Son financement sera spécifique, le président de la République s'y est engagé. Nous attendons les arbitrages du président de la République après la publication du rapport du général Ménaouine ; espérons qu'il tiendra compte de nos mises en garde.

Je salue les débats très constructifs de notre assemblée et l'apport du groupe UC à ce texte ; de Gérard Poadja sur les militaires victimes de traumatismes sonores, d'Olivier Cigolotti sur la montée en compétences des réservistes et de Philippe Bonnecarrère sur la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis.

Le groupe UC est particulièrement attentif aux ambitions européennes de ce projet de loi. La défense européenne reste largement à bâtir. Notre principal partenaire, le Royaume-Uni, est touché par le Brexit, les accords de Lancaster House sont à préserver. Avec l'Allemagne, la convergence sur la doctrine d'emploi des forces est encore loin. Le dialogue, j'en suis convaincu, sera sain.

Le groupe UC soutiendra à l'unanimité le projet de loi sur la programmation militaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs des groupes LaREM, RDSE et Les Républicains)

M. Jean-Marc Todeschini .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) À mon tour de saluer nos soldats qui font preuve d'un engagement sans faille, sous l'autorité du général Lecointre.

La loi de programmation militaire n'est pas désincarnée. À hauteur de femmes et d'hommes, elle a un impact direct sur eux, sur terre, sur mer et dans les airs. Soulignons la qualité et la rigueur de nos échanges ainsi que le consensus ce qui n'exclut pas des approches différentes - c'est ce qui fait la richesse de la démocratie. Espérons que c'est l'occasion, pour le Gouvernement, de noter l'importance d'associer le Parlement, qui a été écarté des réflexions sur la dernière Revue stratégique et du groupe de travail sur le service national universel. Son rôle de contrôle doit être renforcé, comme il est normal dans une démocratie parlementaire.

M. Christian Cambon.  - Très bien !

M. Jean-Marc Todeschini.  - Le groupe SOCR votera cette loi de programmation militaire en responsabilité : ce n'est nullement un blanc-seing. De nombreux points de la loi de programmation militaire appellent notre vigilance. Après les débuts tâtonnants du quinquennat, et j'adresse une pensée amicale au général de Villiers, un homme de devoir proche de ses hommes, ce texte s'inscrit dans la continuité avec la politique pratiquée sous le précédent quinquennat. Comme cela ne fait pas assez « nouveau monde », nombreux sont ceux qui parlent de rupture en passant sous silence que François Hollande avait relevé les moyens des armées. (On s'en félicite sur les bancs du groupe SOCR.)

Des doutes subsistent sur la programmation militaire, avec les deux tiers des recrutements renvoyés au prochain quinquennat ; sur la stratégie de la France pour l'Europe de la défense alors que nous assistons à une spécialisation industrielle ; sur nos lacunes capacitaires, faute de réponse immédiate. Remarquons toutefois les efforts de l'exécutif pour rendre à notre armée puissance et agilité.

Le groupe SOCR a enrichi cette loi - de 45 amendements en commission et de 14 amendements en séance - pour renforcer le contrôle parlementaire, protéger nos PME de l'industrie de la défense, renforcer la lutte contre les discriminations et les violences sexuelles et sexistes, soutenir la conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle.

Le groupe SOCR fait le choix de l'espoir, sans candeur car nous savons que Bercy voudra mettre son nez dans les affaires militaires. Il votera ce texte, sera vigilant lors de la CMP, et exercera son droit de contrôle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Richard Yung applaudit également.)

M. Joël Guerriau .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe UC) C'est une chance de pouvoir contribuer à l'élaboration de la stratégie de nos armées. Merci à Christian Cambon pour son endurance et son écoute.

Depuis la fin de la Guerre froide, jamais la responsabilité de protéger notre pays et l'Europe n'avait été aussi lourde. Nous sommes entrés dans une ère de « grandes turbulences ». Du Sahel au Moyen-Orient, nos forces sont engagées contre l'obscurantisme et la barbarie qui haïssent nos valeurs et menacent notre territoire. De grandes nations soumettent les relations internationales à des rapports de force qui font fi de l'État de droit et des principes moraux tandis que des États émergents affirment leur droit à participer au concert des puissances, en choisissant des logiques de rivalité et de compétition. L'innovation technologique est plus que jamais nécessaire ; comme l'Europe de la défense, à la croisée des chemins, face à une administration américaine particulièrement imprévisible, qui renie ses engagements et délaisse ses alliés. Il faut aller plus loin dans l'Europe opérationnelle de la défense, comme l'a dit le président Cambon ; la France doit maintenir sa place et son indépendance.

Cette loi de programmation militaire de la dernière chance est tout juste suffisante. Elle répare une partie des dégâts du passé mais reste fragile. Une sous-exécution, en particulier, reste possible. D'où les garanties, contrôles, clauses de revoyure que nous avons souhaité ajouter. Madame la Ministre, vous devrez faire preuve de ténacité. Vous avez dégagé des priorités : la modification de notre arsenal nucléaire et de notre industrie, le renouvellement de notre porte-avions, la priorité à l'innovation. Les amendements du Gouvernement que vous avez soutenus nous ont inquiétés sur le retour des 500 millions d'euros des cessions immobilières à la Défense.

Le compromis trouvé sur les militaires se présentant aux élections locales ne tiendra pas. Pourquoi un seuil de 9 000 pour les communes et de 30 000 pour les intercommunalités ? Aucun critère objectif ne le justifie.

Madame la Ministre, vous avez qualifié l'examen de cette loi de programmation militaire « d'exercice enthousiasmant ». Cet enthousiasme ne doit pas occulter la gravité des sujets, à savoir la sécurité des Français et la place de notre pays dans le monde. Le général de Gaulle disait à Bayeux : « la défense est la première raison d'être de l'État. Il ne peut y manquer sans se détruire lui-même ».

Le groupe Les Indépendants votera cette loi de programmation militaire à l'unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Jean Louis Masson .  - Le texte est en soi un très bon texte s'agissant de l'effort consenti pour l'armée mais l'utilisation faite de cette armée à l'étranger, qui est tout autre chose, est catastrophique. Elle procède de choix déplorables opérés par les pays occidentaux. Tout a commencé par l'invasion de l'Irak en 2003, fruit de l'impérialisme américain, qui a provoqué l'apparition de l'État islamiste. Puis il y a eu la Libye. Le président Sarkozy, en faisant renverser Kadhafi, a favorisé la dispersion d'armes dans tout le Sahel, ce qui a multiplié le nombre de morts, et accru les flux de migrants dont on se serait bien passé. (Marques de lassitude sur les bancs des groupes SOCR et CRCE) Ensuite la Syrie, où le président Hollande a voulu intervenir. Les mêmes mesures ont produit les mêmes effets. À présent, le président Macron prend l'avion pour caresser le président Trump alors qu'il y avait bien mieux à faire ! (Même mouvement sur les bancs du groupe LaREM)

D'accord pour conforter nos armées mais je suis radicalement contre la politique étrangère au service de laquelle elle est mise ! (Applaudissements sur les bancs des Non-inscrits)

M. Jean-Noël Guérini .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Il est toujours difficile d'intervenir en dernier, surtout après le sénateur Masson... (Sourires) S'il m'arrive d'être critique avec les choix de politique sociale du Gouvernement, je me félicite de son volontarisme dans les matières que les articles 7 et 15 de la Constitution lui confient.

En 1986, Mitterrand disait que l'Europe de la défense avait plus de chances de s'incarner dans les technologies d'avenir que dans les coopérations militaires du passé, ce qui reste vrai.

La sanctuarisation des moyens consacrés à la défense est une urgence. Nous pouvons débattre au sujet des modalités de cette sanctuarisation ; c'est notre devoir de les mettre en réserve pour protéger la France de la montée des périls.

L'effort financier est important avec 295 milliards d'euros dont 198 milliards d'euros investis entre 2019 et 2023 auquel s'ajoutent les équipements renforcés et les 6 000 postes supplémentaires. Le budget des OPEX passera de 450 millions d'euros en 2017 à plus d'1 milliard d'euros en 2020. Un regret, cependant : les besoins des armées sont détaillés jusqu'en 2025 alors que les ressources ne le sont que jusqu'en 2023.

La loi de programmation militaire réaffirme le rôle substantiel du Parlement en matière de défense : pouvoir de contrôle sur l'application et l'exécution de la loi de programmation confortée, pouvoirs d'investigation des commissaires chargés de la Défense reconnus, présentation annuelle des principales évolutions de la programmation budgétaire ministérielle et renforcement des moyens de contrôle de la délégation parlementaire au renseignement.

Les conditions de vie des militaires sont également améliorées : suivi et prise en charge des traumatismes, politique du logement, lutte contre le harcèlement et les agressions sexuelles... La considération portée à nos forces armées sera renforcée.

Si nous ne faisons pas vivre ces valeurs, nos discours et nos votes seront vains. Nous le devons à ces hommes et à ces femmes qui défendent notre pays.

Le groupe RDSE votera ce texte à l'unanimité moins deux abstentions - constructives.

Je remercie pour finir le président Cambon et les membres de la commission des forces étrangères et des forces armées qui ont réalisé un travail formidable pour élaborer un budget à la hauteur des besoins de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. le président.  - Nous allons procéder dans les conditions prévues par l'article 56 du Règlement au scrutin public solennel sur l'ensemble du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

Ce scrutin, qui sera ouvert dans quelques instants, aura lieu en salle des Conférences.

Je remercie nos collègues Mmes Françoise Gatel, Mme Mireille Jouve, et M. Michel Raison, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.

Une seule délégation de vote est admise par sénateur.

La séance, suspendue à 16 h 10, reprendra à 16 h 35.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°105 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 326
Contre 15

M. le président.  - Le Sénat a adopté. (Applaudissements depuis les bancs du groupe LaREM jusqu'aux bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe SOCR ; M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

Mme Florence Parly, ministre des armées .  - Nous venons, ensemble, d'envoyer à nos armées un message clair : les privations sont finies, le renouveau commence ! (Murmures désapprobateurs sur les bancs du groupe SOCR)

Je voudrais vous remercier car vous avez su aborder ce texte avec, à l'esprit, la volonté d'améliorer collectivement le sort des militaires et la défense de notre pays.

Le Sénat a joué son rôle et je suis fière d'avoir pu apporter mon soutien à des amendements de votre Haute Assemblée. Cet état d'esprit, gardons-le pour les débats à venir. Un accord en CMP est à portée de main si les parlementaires posent la seule question qui vaille : souhaite-t-on donner à nos armées les moyens dont elles ont besoin pour assurer leur mission aujourd'hui et demain, dans l'intérêt non de quelques-uns, mais de notre pays, de nous tous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes UC et RDSE)

La séance, suspendue à 16 h 40, reprend à 16 h 45.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Services d'urgence

M. Guillaume Arnell .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Ma question s'adresse à Mme Buzyn. L'accès aux soins est un droit fondamental, mais il n'est pas garanti partout, dans la pratique. En témoignent les déserts médicaux, les difficultés d'installation des jeunes médecins. Mais je veux insister sur les services d'urgence et la situation des médecins urgentistes dans l'ensemble du territoire.

L'Association des urgentistes de France alerte régulièrement sur la pénurie de spécialistes, les difficultés financières de certains établissements, les conditions d'exercice de plus en plus difficiles.

En outre-mer, d'autres difficultés s'ajoutent, surtout en Guadeloupe depuis l'incendie du CHU ; en Guyane, 17 des 25 urgentistes ont démissionné récemment ; à Saint-Martin, sur onze postes de praticiens hospitaliers aux urgences, seuls cinq sont pourvus, et sur les quatre en anesthésie, un seul ! La situation post-Irma amplifie l'absence de sédentarisation des médecins. À Saint-Martin, que j'ai l'honneur de représenter, s'ajoutent l'absence d'attractivité du territoire, l'absence de logements, la vie sociale dégradée et les évacuations sanitaires.

Quelles réponses apporter aux urgences et aux urgentistes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - La situation des services d'urgence me préoccupe... (Les propos de Mme la ministre, souffrant d'une extinction de voix, sont presque couverts par divers murmures et interruptions, en particulier sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. le président. - Je vous en prie, poursuivez, Madame la Ministre...

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - En outre-mer, ils ont connu des événements marquants ces derniers mois : mouvement social en Guyane, incendie du CHU de Guadeloupe... À Saint-Martin, les difficultés de recrutement créent une très forte tension.

La stratégie nationale de santé contient un chapitre spécifique pour les outre-mer ; il prévoit la création de 100 postes de spécialistes pour les spécialités en tension, dès 2018.

Comptez sur ma détermination, Monsieur le Sénateur. Vous connaissez mon affection pour les territoires ultramarins. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et quelques applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. le président. - Bravo !

Parcoursup

M. Pierre Ouzoulias .  - L'an passé, avec la procédure « APB », le tirage au sort, illégal, a concerné 0,4 % des candidats. Avec Parcoursup, la précision des notes a été jusqu'à six chiffres après la virgule... Avec APB, plus de 80 % avaient reçu une réponse favorable à leurs voeux au bout d'une semaine. Aujourd'hui, seuls 24 % des candidats ont accepté une proposition et 13 000 personnes ont déjà été éliminées du dispositif. Les taux d'échec dans les lycées des communes populaires le montrent : une sélection sociale est à l'oeuvre.

Les lycéens sont contraints de vérifier tous les jours, avec angoisse, s'ils ont obtenu une réponse. Avec APB, 3 500 n'avaient pas reçu d'affectation. Avec Parcoursup, ce chiffre sera multiplié par dix ! Vous n'avez en effet pas fait le choix d'augmenter le budget à raison des 65 000 bacheliers supplémentaires.

Quel contrôle de légalité de ces procédures ? Pouvez-vous garantir que les algorithmes locaux respectent les règles ? Les rendrez-vous publics, comme le Sénat l'a demandé à l'unanimité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé du numérique .  - Nous sommes dans une transition, entre le système ancien, instantané et injuste, (Murmures ironiques sur divers bancs, à gauche et à droite), fondé sur le hasard, et l'actuel, progressif et juste, fondé sur le parcours individuel de l'élève. (Exclamations sur les mêmes bancs)

M. Julien Bargeton.  - Eh oui !

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État.  - Je partage vos propos sur l'inquiétude des lycéens qui attendaient encore leur sort ce matin, et j'ai rencontré certains d?entre eux ce matin, dans le quartier populaire dont je suis l'élu : un sur deux avait déjà reçu une proposition dans la filière de son choix. Au niveau national, deux sur trois ont reçu une proposition et 200 000 élèves l'ont acceptée. Chaque jour de nouvelles places se libèrent.

À la fin, on verra que personne n'est laissé sur le bord du chemin et les familles comprendront que ce nouveau système, plus objectif, est bien plus juste. (M. David Assouline le conteste.)

Jamais aucun gouvernement n'a été aussi transparent. (On se récrie sur les bancs des groupes SOCR et Les Républicains) Les critères ont été donnés dès la mise en ligne de Parcoursup. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Rodéos urbains

Mme Samia Ghali .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Comme beaucoup d'élus locaux, je m'inquiète des rodéos sauvages qui empoisonnent la vie de milliers de personnes et les mettent en danger. Sur le terrain, nos forces de l'ordre, humiliées, sont en trop grand sous-effectif pour intervenir efficacement et en sécurité.

Que comptez-vous entreprendre pour que force reste à la loi ? J'ai une pensée pour le jeune Engine qui a perdu la vie, samedi dernier à Marseille. Je combats le cynisme de certains et ne crois pas en la fatalité, mais en la République. J'espère que vous ne nous laisserez pas seuls face à cette course contre la mort. (Bravos et applaudissements sur les bancs du groupe SOCR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe CRCE)

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Ces pratiques de plus en plus insupportables, initialement circonscrites à certains quartiers, s'amplifient en périphérie des centres urbains et touchent désormais, surtout en été, l'ensemble du territoire national.

Les forces de l'ordre agissent tant sur le plan répressif que préventif. La tâche n'est pas aisée et les forces de l'ordre souhaitent, face au sentiment d'impunité, une évolution du dispositif législatif. Je salue l'initiative de Vincent Delahaye (Applaudissements sur les bancs du groupe UC, ainsi que sur quelques bancs du groupe RDSE) qui a déposé une proposition de loi en collaboration avec deux députés, Mireille Clapot et Bruno Studer. Elle offre un arsenal juridique adapté et dissuasif, avec la possibilité d'immobiliser les véhicules impliqués. Le Gouvernement et le Parlement agissent main dans la main pour que la tranquillité et l'État de droit puissent être assurés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Les Indépendants et UC)

Mme Samia Ghali.  - J'ai signé la proposition de loi de Vincent Delahaye parce qu'elle dépasse les clivages politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) J'ai été personnellement touchée par la violence des rodéos urbains : une de mes tantes est décédée après avoir été blessée par un jeune lors de l'un d'entre eux. C'est très violent.

Une fois que l'arsenal juridique aura été adopté, il faudra des moyens pour que les policiers puissent les mettre en pratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ainsi que sur quelques bancs des groupes UC et Les Républicains)

Hausse de la taxe sur les carburants

M. Daniel Chasseing .  - Les taxes sur le gasoil et l'essence ont augmenté considérablement, de 6,6 centimes d'euros et 3,9 centimes respectivement, ce qui, en ajoutant l'effet de la hausse du cours du baril de pétrole, conduit à des prix records à la pompe, avec des effets importants sur le pouvoir d'achat des ménages et les entreprises, surtout en milieu rural.

Or si, en ville, l'on peut y renoncer, les ruraux n'ont d'autre choix que d'utiliser leur véhicule. Il serait dommage de redonner du pouvoir d'achat aux salariés en supprimant les cotisations salariales, puis de le leur reprendre en augmentant cette taxe. Les retraités, notamment ceux qui touchent des pensions agricoles, très faibles, sont particulièrement touchés. Toute une économie est ainsi pénalisée de ce fait - transporteurs, taxis, agriculteurs, qui n'ont pas d'alternative à l'essence ou au gasoil.

La situation est très préoccupante. Plutôt que de supprimer le taux réduit de Taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE) pour les entreprises éligibles, il serait plus raisonnable de le rembourser, en suivant l'augmentation du prix du carburant, dans les prochaines lois de finances. Sinon les transporteurs polonais et roumains se multiplieront dans nos campagnes ; il convient aussi d'harmoniser le prix du gasoil en Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - En 2014, la France a adopté une approche, reprise et renforcée dans la loi de finances 2018, fondée sur l'observation que le diesel, plus polluant, bénéficie d'une fiscalité plus avantageuse. La Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) biocarburant est en outre un dispositif efficace.

Pour ne pas pénaliser les ménages et les plus fragiles, le remboursement partiel de la TICPE, notamment pour les engins agricoles non routiers, les transports de voyageurs et de marchandises, les mesures favorables au pouvoir d'achat déjà prises par le Gouvernement et les mesures envisagées par Mme Borne dans le cadre du projet de loi sur les mobilités sont les pistes privilégiées.

Conséquences des intempéries (I)

M. Daniel Laurent .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La grêle a durement touché les vignobles de la Nouvelle-Aquitaine mais aussi ceux du Luberon et du Champenois : 18 000 hectares ont été touchés, entre 60 % et 100 % soit l'équivalent de deux années sans récolte. Le report des cotisations sociales est indispensable.

La profession demande plus que jamais un dispositif de réserve d'autofinancement, complémentaire des systèmes d'assurance existants.

La profession agricole, confrontée à des variations de revenus et à des aléas de plus en plus importants et fréquents, a besoin de lisibilité, d'un outil efficace et efficient rapidement.

Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de mettre en oeuvre ? Quelle articulation avec le règlement dit « Omnibus » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Le ministre de l'agriculture, Stéphane Travert, retenu à l'Assemblée nationale, m'a demandé de vous répondre. (Protestations sur les mêmes bancs)

Plusieurs milliers d'hectares de vignobles, dans le Bordelais, à Cognac et dans d'autres régions de France, ont été touchés par la grêle ce week-end. Le Gouvernement rend hommage aux viticulteurs frappés.

Il existe des dispositifs propres à la viticulture : achats de vendanges, recours à l'activité partielle, report du paiement des cotisations aux caisses de la MSA. La cellule d'identification et d'accompagnement fait aussi beaucoup pour aider les agriculteurs.

Le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) permet en outre à l'État de prendre en charge jusqu'à 65 % du montant des cotisations d'assurance. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Sophie Primas.  - Ce n'est pas la question...

M. François Grosdidier.  - Et la réponse ?

Conséquences des intempéries (II)

M. Alain Cazabonne .  - Les violents orages de grêle qui se sont abattus samedi sur la Gironde et sur l'ensemble du sud-ouest, ont touché de nombreuses parcelles viticoles, jusqu'à 5 000 hectares. Des appellations entières sont menacées, comme les Côtes de Bourg ou le Blayais. Le territoire viticole est touché dans son ensemble. Le vin français fait partie de notre patrimoine et de notre rayonnement international.

Face à ces difficultés, une incitation fiscale qui encourage les agriculteurs à généraliser des protections efficaces mais coûteuses, à anticiper les aléas climatiques est positive. Une solution réglementaire consisterait en outre à autoriser la conservation d'une partie des quotas de rendement d'une année, tel le volume complémentaire individuel en Champagne ou pour le Chablis.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - La violence des orages de grêle nous préoccupe particulièrement. (On s'exclame sur les bancs du groupe Les Républicains.) Le ministre Stéphane Travert est retenu à l'Assemblée nationale. Je réponds à sa place. (On proteste sur les bancs du groupe Les Républicains.)

L'ensemble du Gouvernement rend hommage aux viticulteurs touchés. L'année 2017 a été une année terrible. Nous devons proposer des mesures pour atténuer les difficultés auxquelles les viticulteurs font face. Des dispositifs sont déjà mobilisables. Le dégrèvement pour la taxe sur le foncier non bâti est un dispositif ; face aux risques climatiques, qui entraîneront sans doute encore des séquences de gel et de grêle, le recours à l'assurance récolte que l'État subventionne à 65 % est une autre possibilité. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Alain Cazabonne.  - Les viticulteurs travaillent de manière artisanale. Il faudrait une incitation forte pour les encourager à anticiper les aléas climatiques. (Applaudissements sur les bancs du groupUC)

Situation en Italie

M. Richard Yung .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Nous sommes nombreux ici à nous inquiéter de la situation en Italie.

M. Ladislas Poniatowski.   - Coup d'État !

M. Richard Yung.  - Un attelage improbable s'est mis en place...

M. François Grosdidier et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.  - La proportionnelle !

M. Stéphane Ravier.  - Le peuple s'est exprimé !

M. Richard Yung.  - ... accouchant d'un programme incohérent promettant 130 à 150 milliards d'euros de dépenses publiques alors que la dette publique atteint déjà 130 % du PIB. Leur souci est donc de créer une crise institutionnelle et politique pour provoquer de nouvelles élections. D'où le déchaînement antieuropéen et antifrançais. L'Italie est pourtant une grande Nation à laquelle il faut tendre la main. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains, où l'on invite l'orateur à poser sa question)

M. le président. - Veuillez conclure !

M. Richard Yung.  - Quelle politique le Gouvernement entend-il suivre à l'égard de l'Italie ? (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs ; applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Nous avons tous en tête le 25 mars 1957, date de la signature du traité de Rome. Oui, la France est solidaire de l'Italie. La France, sans se faire l'arbitre des élégances, peut s'asseoir sur la Constitution italienne (Sourires et mouvements divers), je veux dire appuyer sa position (Exclamations) sur les articles 87 et 92 de la Constitution italienne, aux termes desquels le président de la République, garant de l'unité nationale, nomme le président du Conseil et les ministres.

Le président de la République italien a fait preuve d'une grande responsabilité en privilégiant la stabilité des institutions. Un gouvernement technique sera sans doute mis en place, avant qu'en 2019, 500e anniversaire de la Renaissance, de nouvelles élections soient mises en place. Nous avons donné le coup d'envoi de cet anniversaire à Amboise, il y a dix jours. (On s'exclame sur les bancs du groupe Les Républicains.) Il est temps de refaire la Renaissance comme disait le philosophe Emmanuel Mounier, qui peut nous inspirer (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) et cela est aussi valable pour l'Union européenne. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Les Indépendants, RDSE et UC)

M. le président.  -  Il n'est jamais bon de s'asseoir sur la Constitution, Monsieur le Ministre ! (Rires et vifs applaudissements sur de nombreux bancs ; plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains se lèvent pour prolonger leurs applaudissements.)

Menace terroriste

M. Roger Karoutchi .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le procureur Molins est un homme respecté, pondéré, le contraire d'un démagogue. Il a dit qu'en 2018, vingt détenus islamistes radicalisés seraient libérés et autant en 2019. Ces quarante personnes sont des dangers pour la société française.

Monsieur le Premier ministre, après ce qui vient de se passer à Liège, ne pensez-vous pas que l'arsenal pénal français doit être renforcé ? La sécurité de nos concitoyens le vaut bien. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Le procureur Molins est en effet respecté. Il a énoncé lors d'un entretien télévisé des vérités incontestées et notamment qu'il existait en France une menace durable, endogène, diffuse, que nul ici ne prend à la légère. Depuis le début de l'année 2017, 23 attentats ont été évités. Le grand public n'est généralement pas tenu informé du travail de nos services.

Environ 1 600 détenus sur quelque 60 000 au total sont radicalisés, dont 500 poursuivis ou condamnés pour des faits de terrorisme.

Il faut garantir une coordination étroite avec l'ensemble des services compétents, en particulier ceux de l'administration pénitentiaire, pour veiller à ce que l'ensemble des individus concernés soient suivis.

Il est évident que le niveau de suivi sera extrêmement élevé. Je redis toutefois notre attachement aussi fort que celui de M. le président Larcher à la Constitution. J'ai conscience d'énoncer quelque chose de parfois peu crédible, mais nous savons qu'il existe des méthodes meilleures que d'autres.

La meilleure information des maires sur les fichiers S, appelée de ses voeux par le président de la République, dans un discours à l'Élysée, est un exercice difficile. Certains maires le souhaitent, d'autres non. En outre, l'information ne doit pas être diffusée trop largement. Nous travaillons à garantir un meilleur niveau de suivi et d'échange d'informations.

Enfin, le Gouvernement s'engage totalement à donner les moyens aux forces de l'ordre et aux services de renseignement.

Mme Pascale Gruny.  - Ils ne sont pas assez nombreux !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Ce n'est ni la communication, ni l'arsenal législatif qui sont utiles en la matière, mais le soutien à l'opérationnel : c'est pourquoi nous avons prévu 10 000 recrutements dans le quinquennat dont 1 900 pour la DGSI. Nous sommes ainsi parfaitement en mesure d'assurer le suivi de ces 40 personnes. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et RDSE ; Mme Fabienne Keller applaudit aussi.)

M. Roger Karoutchi.  - Les forces de l'ordre et de renseignement nous ont toujours trouvés à leurs côtés. Je veux leur rendre hommage. La force est aussi dans la loi. Monsieur le Premier ministre, faites avancer la loi ; celle-ci doit bouger : c'est nécessaire sur la consultation des sites djihadistes ; c'est nécessaire aussi pour faire de la participation à une entreprise terroriste une forme d'intelligence avec l'ennemi. Nous devons dire aux Français que nous menons cette guerre contre le terrorisme ensemble. Si vous avancez, le groupe Les Républicains sera toujours à vos côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Séismes à Mayotte

M. Thani Mohamed Soilihi .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Depuis le 10 mai, Mayotte subit un essaim de séismes : plus de 800 secousses, dont la plus importante a atteint une magnitude de 5,8 sur l'échelle de Richter le 15 mai.

Dans cette zone sismique modérée, les secousses sont quotidiennes. La population est légitimement terrorisée ; les rumeurs qui fleurissent sur les réseaux sociaux accentuent la panique et provoquent la saturation des services de secours. Des salles de classes et des écoles entières ont été fermées. Les habitations, dont la précarité est grande, sont touchées. Peu de familles ont la possibilité de payer des expertises et de se reloger.

Que compte faire le Gouvernement pour accompagner les familles ? Comment mieux concilier l'action de l'État et des collectivités territoriales pour faire face à ce type de situation ? À l'avenir, l'ensemble des infrastructures ne devra-t-il pas respecter les normes de construction parasismiques ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Le phénomène d'essaim sismique se caractérise, contrairement à la sismicité classique, où un choc principal est suivi de répliques, par une absence d'événement dominant et par son étalement dans le temps. Cela inquiète légitimement les Mahorais.

L'État tient à ce que la population soit informée en matière de prévention. Pour ce faire, la préfecture diffuse quotidiennement les consignes nécessaires et les informations du bureau de recherches géologiques et minières. L'objectif est de lutter contre la propagation de rumeurs et des mauvaises informations. Des consignes de sécurité sont transmises aux autorités locales et aux médias.

Des expertises sont en cours pour évaluer les dégâts, notamment dans les écoles. Une mission de reconnaissance a été dépêchée pour préparer la projection de renforts. Une mission d'expertise interservices est en préparation depuis la métropole. Elle inclura des spécialistes de la sécurité civile et des activités sismiques. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Politique agricole commune

M. Jean Bizet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La récente proposition de la Commission européenne fixe le montant du cadre financier pluriannuel de la PAC à 373 milliards d'euros, soit 1,114 % du revenu national brut des 27 États membres. Si j'approuve les hausses de crédits prévues dans certains domaines (protection des frontières extérieures, lutte contre l'immigration illégale, fonds européen de défense) je m'inquiète de la baisse de 14 % des crédits du premier pilier de la PAC et de la baisse de 27,3 % des crédits du deuxième pilier de la PAC.

Le commissaire Oettinger a dénoncé devant la commission des affaires européennes et la commission des finances réunies du Sénat le double langage de la France sur la PAC. Quelle est au juste sa position ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - La France a toujours été constante. Il y a de nouveaux défis à relever : migrations, gestion des frontières, innovation... mais aussi des piliers de la construction européenne à préserver, dont fait partie la PAC, et cela depuis 1957.

Le Gouvernement n'acceptera donc pas que la PAC soit une variable d'ajustement... Stéphane Travert (Exclamations sur quelques bancs du groupe Les Républicains) sera jeudi à Bruxelles pour le redire. À Buenos Aires, où nous étions ensemble, (Même mouvement) nous avions défendu au mois de décembre dernier une position commune en matière de négociations commerciales internationales pour défendre notre agriculture. Des marges de manoeuvre existent : ressources propres et renégociation des rabais. Nous défendrons fermement cette politique à Paris et à Bruxelles. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jean Bizet.  - Il ne nous reste que quelques semaines pour faire des propositions ! Un agriculteur sur trois survit avec 350 euros par mois.

M. Jean-François Husson.  - C'est lamentable !

M. Jean Bizet.  - Toute baisse des dotations européennes aura des conséquences humaines dramatiques. Je ne vois pas de stratégie française en la matière, et crains le déclin de l'agriculture française. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Conséquences des intempéries (III)

Mme Françoise Cartron .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Je parlerai du même sujet que mes deux collègues de Nouvelle-Aquitaine qui se sont exprimés. En Gironde, les vignobles des côtes de Blaye et des côtes de Bourg dans le nord ont été le plus touchés, mais aussi le Haut-Médoc. Le sud du Médoc, qui avait déjà subi la grêle le 21 mai, est aussi concerné.

Plus de 7 000 hectares du Bordelais et plus de 3 000 hectares dans le bassin Charente-Cognac ont été atteints. Pas une année sans que les volumes de récolte soient entamés par de tels épisodes climatiques !

Quelles actions de prévention le Gouvernement prendra-t-il sur le long terme afin de répondre à l'avenir ?

Le financement d'un matériel moderne de prévention serait opportun. La formation des grêlons peut être prévenue par ensemencement des masses nuageuses menaçantes, comme le fait l'association départementale d'étude et de lutte contre les fléaux atmosphériques. Anticipons et prévenons le plus possible. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et RDSE)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Je vous prie à nouveau d'excuser l'absence de Stéphane Travert. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)

La répétition des aléas climatiques rappelle l'importance de s'inscrire dans une gestion globale de prévention des risques. Certains investissements en matériel permettent de prévenir les dégâts, comme les filets anti-grêles. La dotation pour aléas fait l'objet d'une réflexion dans le cadre d'un chantier sur la fiscalité agricole ouvert par Stéphane Travert. La souscription d'une assurance tous risques doit être encouragée. Ces aspects seront l'un des enjeux de la prochaine politique agricole commune. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

La séance est suspendue à 17 h 40.

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

La séance reprend à 17 h 50.

Décès d'un ancien sénateur

M. le président.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue André Maman, qui fut sénateur des Français établis hors de France de 1992 à 2001.

Accord en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur la proposition de loi relative à la protection du secret des affaires est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Nouveau pacte ferroviaire (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un nouveau pacte ferroviaire.

Rappel au Règlement

(Les membres du groupe CRCE, vêtus de gilets de sécurité au logo de la SNCF, se lèvent et brandissent des pancartes où l'on peut lire : « La SNCF n'est pas à vendre » ; « La SNCF est notre bien commun » ; « Moins de trains = plus de pollution » ; « Mon train, j'y tiens » ; « Je soutiens les cheminots » et « Concurrence = privatisation en marche ».)

Mme Éliane Assassi .  - Le projet de loi relatif au nouveau pacte ferroviaire, qui liquide la SNCF comme grande entreprise publique nationale, est porteur d'un choix de société où l'argent et la recherche de profit prennent le pas sur le service public et l'intérêt général. Ce projet de loi livre le service public ferroviaire au dogme de la concurrence et brise la desserte de bien des territoires.

Mais ces dangers, Madame la Ministre, vous tentez de les cacher en rendant les cheminots coupables de tous les maux, alors que chacun sait qu'ils ne sont en rien responsables, mais qu'ils subissent les difficultés de l'entreprise. Vous osez affirmer que leur statut serait responsable de la dette !

Vous faites appel aux ordonnances pour éviter le débat, vous dégainez un amendement de dernière minute à l'Assemblée nationale pour transformer la SNCF en société anonyme, point clé de ce texte en ce qu'il ouvre la voie de la privatisation.

Monsieur le Président, est-ce normal de légiférer par ordonnance sur l'avenir même de notre service public ferroviaire ? Nous appelons le Sénat à la raison parlementaire en forçant le Gouvernement à respecter le Parlement. Le Sénat doit réfléchir à deux fois avant de démanteler plus encore le service public, comme cela s'est fait avec la privatisation de Gaz de France, de France Telecom ou de La Poste.

Mme Fabienne Keller.  - Pour sauver le service public ferroviaire, il faut le réformer !

M. le président.  - Acte est donné de votre rappel au Règlement.

Discussion générale

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Nos concitoyens et nos territoires ont besoin de mobilité. Nous devons répondre à ceux qui vivent l'isolement comme une relégation. Cette mobilité, c'est aussi une réponse à la tentation du repli sur soi, qui est le terreau des populismes. Je sais que nous partageons une ambition commune, celle des Assises nationales de la mobilité - lesquelles nous ont fait partager un diagnostic large et rigoureux.

Le Gouvernement a une exigence d'efficacité pour remettre en état nos transports ; une exigence de justice territoriale ; une exigence environnementale pour une mobilité plus durable.

Tirons parti de la richesse des nouvelles mobilités, propres, partagées, qui doivent être développées et articulées avec le ferroviaire, véritable colonne vertébrale de nos mobilités. Qui peut nier le rôle central du ferroviaire et la place centrale de la SNCF dans l'imaginaire collectif ?

Parce que notre attachement à la SNCF est profond, nos attentes sont élevées. Elles ne sont pas satisfaites. La qualité de service n'est pas au rendez-vous, les infrastructures sont vieillissantes, la dette menace dangereusement.

Face à l'urgence, le Gouvernement a engagé, dès février, une réforme d'ampleur. En ouvrant à la concurrence, pour que nos concitoyens accèdent à plus de trains, plus réguliers, moins chers. En transformant la SNCF en société à capitaux publics performante. En consolidant le modèle économique de la SNCF.

Le pacte ferroviaire augmente et améliore l'offre de service public. Il le réconcilie avec une valeur fondamentale : l'adaptabilité aux besoins des usagers et des territoires.

Les lignes appelées improprement petites, indispensables, seront entretenues. L'État sera aux côtés des collectivités territoriales pour entretenir ce maillage et respectera ses engagements contractuels. L'ouverture à la concurrence peut être une chance pour les collectivités.

De même, le modèle retenu par le Gouvernement confortera la desserte des territoires par les TGV qui ne se limite pas aux grandes métropoles mais irrigue plus de 230 villes.

Cette réforme ne signifie donc nullement un recul de l'État, mais propose un nouveau modèle ferroviaire, viable sur le long terme. Nous allons investir dans le ferroviaire comme aucun gouvernement auparavant.

M. Charles Revet.  - Il y a du travail à faire !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - L'État s'est engagé à investir 36 milliards d'euros dans les dix prochaines années sur le réseau actuel, c'est sans précédent ; cependant, comme cela ne suffira pas, nous ajouterons 200 millions d'euros supplémentaires par an dès 2022 - cela nous permettra, par exemple, d'augmenter de 20 % les trains entre Paris et Lyon et de réduire les aléas entre Marseille et Nice. Le réseau sera plus sûr et le service plus fiable. Les cheminots retrouveront un outil à la hauteur de leurs compétences.

En accord avec l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), nous limiterons la hausse des péages du fret au niveau de l'inflation. Je ne me satisfais pas que la part du ferroviaire dans le fret soit tombée à 10 %, d'autant qu'un train de fret, ce sont 50 camions de moins sur les routes.

L'État reprend la dette de la SNCF à hauteur de 35 milliards sur le quinquennat : 25 milliards en 2020 et 10 milliards en 2022 - cet engagement fort du président de la République est au coeur de ce pacte ferroviaire. La SNCF pourra donc de nouveau investir sans creuser sa dette. Le Gouvernement prémunit la SNCF de la reconstitution d'une telle dette en proposant dans le projet de loi une mesure contraignante - SNCF Réseau ne pourra plus, à l'avenir, s'endetter sans que le Gouvernement ne prenne des mesures de rétablissement.

Le Gouvernement veillera également à ce que la dette reprise soit mise en évidence dans les comptes de la Nation.

Depuis l'annonce, le 26 février, de ce pacte ferroviaire, j'ai mené cette réforme avec détermination et dans un esprit de dialogue. Nous avions préparé un projet de loi d'habilitation à légiférer par ordonnance. Nous l'avons remplacé avec méthode par des dispositions concrètes, nourries par la concertation avec les organisations syndicales, dont je respecte les divergences. J'ai poursuivi le dialogue avec elles ; elles ont accepté de formuler des propositions concrètes.

Le Sénat a pris toute sa place dans cette oeuvre commune. Après son adoption à une très large majorité à l'Assemblée nationale, le projet de loi sort enrichi de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, avec laquelle nous avons eu des échanges constants et confiants.

Je pense à la transformation de la SNCF en société à capitaux publics, que vous avez confortée en précisant que ces capitaux seraient incessibles. Entreprise publique hier, aujourd'hui et demain, la SNCF pourra aussi s'appuyer sur le caractère inaliénable du domaine public ferroviaire.

En matière d'organisation, votre commission a précisé la répartition des missions exercées jusqu'ici par l'EPIC de tête, parachevant ainsi la démarche de transformation des ordonnances en article de loi.

Deuxième axe de cette réforme, l'ouverture à la concurrence, dont nous avons débattu en mars dernier. Le principe est accepté par presque tous sur ces bancs, car c'est davantage d'offre et de trains au meilleur prix. Validée par le précédent quinquennat, attendue par les régions, elle est mise en oeuvre par ce Gouvernement.

L'ouverture à la concurrence, je l'ai souhaitée progressive, pour que les régions s'y engagent au rythme et sur le périmètre qu'elles souhaiteront - et protectrice pour les salariés, qui conserveront l'essentiel de leur statut et auront la portabilité de leurs droits.

Votre commission a utilement enrichi le texte, en reprenant des mesures de la proposition de loi du président Maurey et de Louis Nègre sur le transfert des matériels roulants et des ateliers ; en confortant le rôle des autorités organisatrices dans la définition du périmètre des transferts ; en assortissant le principe de transfert obligatoire du service, d'assurances pour les salariés en matière de volontariat, de rémunération et d'option individuelle pour les cheminots revenant à la SNCF. Votre commission a également voté la date d'arrêt de recrutement au statut au 1er janvier 2020 et garanti, au sein d'un périmètre ferroviaire social unifié, l'unité sociale du groupe qui maintient l'application du statut aux actuels salariés, favorise la mobilité professionnelle interne et organise les oeuvres sociales au sein de l'entreprise.

L'ouverture à la concurrence sera également protectrice pour les territoires, puisque le Gouvernement a veillé que la desserte TGV ne soit pas affaiblie par l'arrivée de nouveaux opérateurs.

Reste un élément important, entre les mains des partenaires sociaux : la négociation d'un nouveau cadre social au niveau de la branche, socle des droits communs aux salariés du secteur. Les futurs cheminots bénéficieront à compter du 1er janvier 2020 d'un socle de droits communs à tous les salariés du secteur, dans le cadre de la convention collective qui devra être finalisée d'ici là.

Notre calendrier est ambitieux mais réaliste - nous ne partons pas de rien puisque quatre accords ont déjà été conclus depuis 2015. L'État s'engagera dans la négociation en tant qu'observateur exigeant - je réunirai prochainement les organisations syndicales et l'UTP pour relancer ce processus de négociation.

Par la suite, et pour assurer que le calendrier et les thèmes de la négociation soient respectés, le Gouvernement mettra en place un observatoire du dialogue social dans la branche auquel appartiendra Jean-Paul Bailly. Votre commission sera régulièrement informée de l'avancée des négociations.

Certains contestent notre réforme. Je répondrai à leurs inquiétudes.

Nous devons aussi entendre la colère des usagers fatigués par la grève.

Nous offrirons de nouveaux outils aux collectivités territoriales. Nous conforterons le caractère public de la SNCF tout en lui offrant la souplesse d'une véritable entreprise responsable de son destin.

Nous garantissons le statut des cheminots de ceux qui l'ont aujourd'hui, nous dessinons un nouveau contrat social protecteur pour l'avenir, tout en répondant aux attentes de nos concitoyens, qui bénéficieront de trains plus nombreux, moins chers.

Ce texte est le résultat d'une ambition claire du Gouvernement, ferme sur les principes, d'une négociation avec les partenaires sociaux ouverts au dialogue et des apports du débat parlementaire qui se poursuit. Nous sommes parvenus à un point d'équilibre que nos débats conforteront. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UC)

Hommage à une délégation thaïlandaise

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent, ainsi que Mme la ministre) J'ai le plaisir de saluer, dans la tribune d'honneur du Sénat, une délégation de députés de l'Assemblée nationale législative de Thaïlande, conduite par le Dr Thamrong Dasananjali, membre du comité exécutif du groupe d'amitié interparlementaire Thaïlande-France. Elle est accompagnée par notre collègue Mme Jacky Deromedi, présidente du groupe d'amitié France-Asie du Sud-Est. Permettez que je souligne aussi la présence attentive et bienveillante dans notre hémicycle de notre collègue Gérard Cornu, président délégué pour la Thaïlande, qui n'a pu se joindre à la délégation en tribune d'honneur du fait de ses obligations de rapporteur !

Cette visite fait suite à une mission d'une délégation du groupe d'amitié en janvier 2017.

La délégation est en France pour une visite d'étude centrée sur le développement économique, avec l'objectif d'intensifier les relations commerciales entre la France et la Thaïlande.

La délégation s'est rendue hier à Toulouse pour visiter les usines d'Airbus et Airbus Defence and Space. En présence de notre collègue Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, elle a rencontré aujourd'hui plusieurs entreprises françaises désireuses de développer leur présence en Thaïlande, en particulier dans le domaine des infrastructures, de l'agroalimentaire, des transports et de l'énergie.

Demain, elle visitera La Station F et le Campus des Start-up à Paris, vitrine de l'innovation technologique à la française, la French Tech.

Cette rencontre interparlementaire intervient dans le contexte d'une intensification des échanges bilatéraux, consolidant ainsi les relations d'amitié qui lient nos deux pays.

Mes chers collègues, en votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter à nos homologues de l'Assemblée nationale législative de Thaïlande, la plus cordiale bienvenue, ainsi qu'un excellent et fructueux séjour. (Mmes et MM. les sénateurs applaudissent.)

Nouveau pacte ferroviaire (Procédure accélérée  -  Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Gérard Cornu, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Une réforme en profondeur de notre système ferroviaire est indispensable. Il est notre fierté, mais il a atteint ses limites. Je rends hommage aux 150 000 cheminots qui oeuvrent quotidiennement pour le faire fonctionner.

La réduction des coûts de production du groupe public ferroviaire est nécessaire pour préserver l'attractivité du rail. Ce le sera encore plus demain avec l'ouverture du transport des voyageurs à la concurrence.

Pour conduire cette réforme, le Gouvernement mène en parallèle une concertation avec les syndicats et le débat parlementaire. Certaines habilitations à légiférer par ordonnance ont été transformées en dispositions législatives : la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a donc travaillé sur un texte hybride, qu'elle a réussi à améliorer, après avoir entendu les parties prenantes. Merci, Madame la Ministre, d'avoir déposé vos amendements suffisamment tôt, c'est-à-dire avant le délai limite, et d'avoir répondu à nos questions.

La commission s'est aussi appuyée sur le travail remarquable d'Hervé Maurey et Louis Nègre, dont la proposition de loi avait été soumise au Conseil d'État à la demande du président Larcher. Nous en avons réintroduit plusieurs dispositions dans le projet de loi : d'abord pour garantir la pérennité des dessertes TGV utiles à l'aménagement du territoire. Le Gouvernement propose de moduler les péages en ce sens ; mais cela menacerait in fine une desserte TGV sur six. Il faudra donc conclure des contrats de service public et apporter des financements publics, ce projet de loi le permet par conventionnement. Or l'État vient de confier aux régions la responsabilité de certaines dessertes. Or la responsabilité de la pérennité de ces dessertes ne saurait peser sur les seules régions.

C'est pourquoi notre commission a réintroduit, à l'unanimité, le dispositif de la proposition de loi adoptée par le Sénat prévoyant la conclusion, par l'État, de contrats de service public pour répondre aux besoins d'aménagement du territoire et préserver des dessertes directes sans correspondance.

Nous avons aussi amélioré la répartition des capacités d'infrastructure, en fixant des critères de priorité en faveur des services utiles à l'aménagement du territoire en cas de saturation, et en facilitant l'attribution de sillons aux services de fret ferroviaire.

Nous avons confié à l'autorité organisatrice, et non plus à l'opérateur sortant, le soin de fixer le nombre de salariés à transférer, sous contrôle de l'Arafer, pour s'assurer que ce nombre correspondra au mieux aux besoins du service.

Ensuite, nous avons cherché à favoriser le volontariat des salariés pour rejoindre l'opérateur ayant remporté l'appel d'offres, en élargissant à l'ensemble des salariés de l'opérateur sortant travaillant dans la région concernée la possibilité de se porter volontaires pour rejoindre le nouvel opérateur, à condition qu'ils possèdent les qualifications professionnelles requises.

Notre commission a aussi renforcé les droits des salariés transférés, en complétant les éléments de rémunération qui leur sont garantis, en permettant la réintégration de ceux qui sont sous statut, et en garantissant leur emploi en cas de défaillance du nouvel opérateur. Le soutien d'Hervé Maurey et Gérard Larcher sur ces aspects a été sans faille.

Troisième objectif : il fallait poser les bases d'une ouverture saine à la concurrence, c'est-à-dire dans ces conditions équitables et non-discriminatoires.

La commission a donc précisé que le rattachement de Gares et Connexions à SNCF Réseau se ferait sous forme d'une filiale disposant d'une autonomie organisationnelle, décisionnelle et financière.

Nous avons mieux échelonné le calendrier de l'ouverture à la concurrence en Île-de-France, en autorisant la mise en concurrence des services de RER E dès 2025, au lieu de 2033.

S'agissant des services conventionnés, les dérogations permises par le droit européen sont toutes validées par ce texte ; nous ne sommes pas revenus sur ce choix, qui laisse la liberté aux régions d'y avoir recours ou non ; cependant, nous avons soumis l'une d'entre elles à un avis conforme de l'Arafer. Nous avons également élargi le champ des informations communiquées aux autorités organisatrices de transport par les entreprises et les gestionnaires ferroviaires. En parallèle, nous avons renforcé la protection des informations couvertes par le secret industriel et commercial. Nous avons encore prévu les conditions de communication des informations nécessaires aux candidats aux appels d'offres.

Nous avons aussi autorisé le transfert à l'autorité organisatrice, à sa demande, des matériels roulants et des ateliers de maintenance majoritairement utilisés pour des services conventionnés, comme le prévoyait la proposition de loi. La commission a encore renforcé la dimension pluriannuelle de la tarification du réseau.

Quatrième objectif : maintenir un haut niveau de sécurité et de sûreté. La coordination entre acteurs sera encouragée via la création d'un Groupement d'intérêt public (GIP).

La commission a donc soutenu la réforme engagée par le Gouvernement en améliorant la qualité du service rendu aux usagers, au coeur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE, UC et Les Républicains ; M. Patrick Kanner applaudit également.)

Question préalable

M. le président.  - Motion n°1, présentée par Mme Assassi, MM. Gontard et Bocquet, Mme Cohen, M. Collombat, Mme Cukierman, MM. Foucaud et Gay, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, pour un nouveau pacte ferroviaire (n°495, 2017-2018).

Mme Éliane Assassi .  - Au deuxième jour de la douzième séquence de grève, mon groupe a reçu aujourd'hui les représentants des syndicats de cheminots de la SNCF - la CGT, la CFDT, l'UNSA, Sud-Rail - ainsi que ceux de plusieurs pays - Italie, Espagne, Luxembourg, Allemagne, Belgique, Angleterre. À 13 heures, nous étions au rassemblement de l'intersyndicale devant le Sénat; la mobilisation ne faiblit pas.

Les cheminots défendent leur outil de travail et une certaine vision du service public ferroviaire. Il faut les entendre. Ils manifestent leur désapprobation d'une réforme que le candidat Macron n'avait pas annoncée - et le Président de la République réalise, ici, un voeu cher à la droite. Pour nous, les cheminots sont les premiers de cordée, ceux qui défendent ce qui fait notre commun, les services publics.

La méthode gouvernementale est contestable et dangereuse, qui fait peu de cas du Parlement. Le message de fermeté envers les syndicats - qui ne font qu'exercer leur droit constitutionnel de faire grève et de manifester - témoigne d'une vision autoritaire et inacceptable de l'exercice du pouvoir. Le dialogue social ne peut se résumer à des coups de mentons de la part des plus hauts responsables de l'État. Les partenaires sociaux doivent être respectés. Par ailleurs, nous regrettons le choix de la commission de ne pas avoir réalisé l'audition, que nous avions demandé de l'intersyndicale : les partenaires sociaux doivent être respectés.

Le Gouvernement a choisi de forcer le passage sur la base d'un rapport d'experts, le rapport Spinetta, en passant par la voie des ordonnances. C'est là encore votre modernité : recentrer les pouvoirs au risque de rompre leur équilibre. En tacticien maladroit, le Gouvernement a promis aux syndicats d'insérer des mesures plus précises dans la loi s'ils étaient constructifs. Soit, mais il ne l'a fait que sur des sujets annexes. Le noyau dur, lui, n'était pas négociable.

Sur l'incessibilité du capital, la vigilance s'impose : ce que fait la loi, une autre loi peut le défaire. Nous proposerons de renforcer l'incessibilité du capital de la SNCF.

Par contre, sans concertation, le Gouvernement a annoncé en cours d'examen la fin du statut de cheminot pour 2020 et la filialisation du fret : c'est une véritable provocation.

Résultat : le texte a triplé de volume, sans étude d'impact ni avis du Conseil d'État puisque les nouvelles dispositions procèdent d'amendements du Gouvernement. Cette méthode est peu conforme au respect des règles constitutionnelles.

Venons-en au contenu. Un sentiment de déjà-vu s'installe puisque la proposition de loi Maurey-Nègre a été l'inspiration.

Nous ne partageons pas l'idée que l'ouverture à la concurrence s'impose. Le quatrième paquet ferroviaire laisse une marge de manoeuvre aux États ! L'Europe impose par contre le respect des normes sur la pollution de l'air... Vous faites votre marché ; nous en reparlerons.

Ce projet de loi nous semble symptomatique de l'approche comptable qui prédomine partout, et conduit à faire entrer une entreprise publique au forceps dans le monde libéral. Or c'est très contestable : le ferroviaire est le mode de transport le moins polluant ; il participe de l'aménagement du territoire et concrétise le droit de nos concitoyens à la mobilité !

Il y a une urgence à légiférer, sans doute, mais ce texte n'a pour seule boussole que l'ouverture à la concurrence et ne propose aucune stratégie, aucun financement nouveau. La reprise de la dette est une pure obligation comptable, préparant la privatisation de l'entreprise : la réalité, c'est qu'une entreprise privée n'étant pas autorisée à s'endetter plus de deux fois son capital, il faut que SNCF Réseau ne soit pas endettée à plus de 15 milliards d'euros, exactement à quoi nous arriverons une fois les 35 milliards remboursés ! Ce texte est transparent : son seul objectif, c'est l'ouverture à la concurrence et l'arrivée de nouveaux opérateurs dont on ne sait pas par quel miracle ils seront plus efficaces que la SNCF. Mais vous connaissez l'adage : qui veut tuer son chien l'accuse d'avoir la rage...

Prochaine étape : la vente à la découpe ; cela ressemble à du sabotage. Finissons-en avec ces vieilles recettes libérales !

Nous avons déposé cette motion non pour limiter le débat, mais pour dire que votre réforme n'est pas bonne : loin de moderniser le rail, vous le livrez aux appétits financiers qui se développent là où cela rapporte et l'abandonneront ailleurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Michel Vaspart .  - Au nom du groupe Les Républicains, je vous dirai pourquoi nous voterons contre cette question préalable. Cette motion empêcherait le débat.

Le quatrième paquet ouvre à la concurrence le transport ferroviaire à partir de 2020, nous contraignant à nous adapter dans l'année. C'est l'occasion de nous pencher sur la situation globale de la SNCF. Son statut actuel n'est pas adapté ; sa dette atteignait 46,3 milliards d'euros à la fin de 2017, et elle augmente chaque année de 2 ou 3 milliards d'euros, sans que le service ne s'améliore. L'écart des coûts de production entre notre service public ferroviaire et ses futurs concurrents est estimé à 30 % par Jean-Cyril Spinetta. La part modale du ferroviaire baisse alors qu'elle augmente chez nos voisins : ce décalage de compétitivité n'est guère tenable dans l'ouverture à la concurrence. La perte d'attractivité du rail a déjà coûté au ferroviaire : sa part modale est passée de 10 % en 2011 à 9,2 % en 2016, alors qu'elle augmente chez nos voisins. Pour le fret, les chiffres sont plus mauvais encore, avec une part modale passée de 15 % en 2001 à 10 % aujourd'hui.

Le projet de loi ne se limite pas à l'ouverture à la concurrence ; il propose une réforme plus globale.

Les conditions de transfert des salariés font l'objet de dispositions ajoutées en cours d'examen à l'Assemblée nationale. Nous les avons complétées ainsi que sur d'autres points - filialisation de Gares et Connexions à SNCF Réseau, caractère incessible du capital des différentes entités...

La reprise de 35 milliards d'euros de dette annoncée par le Gouvernement sera in fine payée par le contribuable. Un engagement fort de l'entreprise et de son personnel est donc normal et même indispensable.

Les salariés transférés bénéficieront d'un cadre protecteur : quotas arrêtés régionalement, coûts répartis, etc.

L'aménagement du territoire guidera le maintien des dessertes TGV des villes moyennes. La responsabilité du maintien de dessertes directes ne pourra reposer exclusivement sur les régions. Dans un contexte de concurrence intermodale forte, l'État devra garantir le maintien des correspondances. Les dessertes TGV ne peuvent se réduire aux seules métropoles.

L'ouverture à la concurrence, nous en sommes convaincus, doit améliorer le service rendu aux voyageurs et, nous l'espérons, elle sauvera l'opérateur historique en renforçant sa compétitivité. Nous ne pouvons donc accepter cette motion, qui priverait le Sénat d'un débat essentiel pour notre pays.

Les apports du Sénat confirment, s'il en était besoin, les avantages du bicamérisme. Le Sénat permettra au Gouvernement de sortir de son impasse, en améliorant le texte tout en répondant aux besoins des partenaires sociaux. J'espère que le Gouvernement saura nous écouter sur d'autres textes !

Le groupe Les Républicains votera contre la question préalable parce que le débat démocratique est bienvenu dans la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Gérard Cornu, rapporteur.  - Madame Assassi, je respecte la constance de vos convictions et le travail que vous avez accompli. Cependant, j'adhère au message de M. Vaspart. Avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - L'avis est défavorable. La méthode a été annoncée dès le départ par le Gouvernement et a été choisie pour laisser la plus large place possible à la concertation et au débat parlementaire. La construction du texte en témoigne : ce n'est pas le même texte qui est entré à l'Assemblée nationale et qui sortira du Sénat. Nous avons eu deux jours de discussion au Sénat sur la proposition de loi de M. Maurey, 33 heures de débat à l'Assemblée nationale, votre commission m'a auditionnée. Elle a accompli un travail considérable, bel exemple de coconstruction avec le Gouvernement.

La réforme que porte le Gouvernement n'est pas une simple transposition du quatrième paquet ferroviaire. Elle vise à donner tous les atouts à la SNCF pour une ouverture à la concurrence réussie. Bien sûr, une loi peut défaire ce qu'une autre loi a fait. L'unanimité des parlementaires sera le meilleur moyen de lever vos craintes.

Vous savez que le maillage territorial est au coeur de ma politique. Nous discuterons bientôt de la loi d'orientation des mobilités. Ce sont bien les régions qui définiront les dessertes, les fréquences et les tarifs pour les services conventionnés. Des possibilités de conventionnement pour les TGV garantiront la desserte de tous les territoires. On ne peut pas parler de casse du service public ni de désengagement de l'État alors que nous nous apprêtons à réaliser un investissement sans précédent : 36 milliards d'euros, soit 50 % de plus que les dix dernières années. Le Gouvernement reprend la dette de la SNCF à hauteur de 35 milliards d'euros. C'est un message de confiance adressé à la SNCF, à notre système ferroviaire et aux cheminots. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jean-Claude Requier.  - Le groupe RDSE est hostile par principe aux questions préalables. Le train de cette réforme est peut-être chaotique mais ne le faisons pas dérailler avant son départ ! (Applaudissements, sauf sur les bancs du groupe CRCE)

Mme Éliane Assassi.  - Monsieur Vaspart, il est osé de soutenir que la motion clôt le débat alors que vos amis députés ont accepté sans broncher que le Gouvernement dépose des amendements sur des sujets aussi cruciaux que le statut de la SNCF. Comment pouvez-vous dire que nous refusons le débat ! Je ne peux pas accepter cette litanie d'accusations contre la question préalable. Je regrette qu'il n'y ait pas plus d'amendements déposés sur ce texte. Ceux qui soutenaient le texte à l'Assemblée nationale ont multiplié les interventions pour défendre leur ligne dans leur département.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - C'est cohérent.

Mme Éliane Assassi.  - Vraiment ? Nous ne baisserons pas la garde et défendrons fermement, autant qu'il est possible de le faire dans cette enceinte, nos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

À la demande du groupe CRCE, la question préalable n°1 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°106 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption   15
Contre 329

Le Sénat n'a pas adopté.

Discussion générale (Suite)

M. Guillaume Gontard .  - L'histoire du rail fait partie intégrante de l'histoire de France. La SNCF constitue un patrimoine national, auquel les Français sont particulièrement attachés. Notre système ferroviaire, un des meilleurs au monde, est un facteur d'égalité et de cohésion territoriale. Il est primordial de préserver son excellence, surtout dans le cadre de la transition écologique.

Avec ce projet de loi, c'est un retour en arrière. Il y a 80 ans, la SNCF a été créée pour unifier la myriade inopérante de petites compagnies privées. Cette décision historique du Front populaire a rendu possible la création des TGV et la péréquation entre les lignes rentables économiquement et les lignes rentables socialement.

Non content de répondre aux exigences européennes, le Gouvernement fait du zèle en transformant la SNCF en société anonyme. Même le président de l'Arafer a reconnu que rien ne le justifiait. C'est la porte ouverte à la privatisation ; on l'a vu avec Renault et France Telecom. Seule vertu de cette décision, elle oblige le Gouvernement à s'intéresser enfin à la dette de SNCF Réseau. Cette dette, largement imputable à une stratégie étatique mal pensée du tout LGV, obère toute capacité de rénovation et de modernisation de notre réseau ferré. On peut s'estimer heureux qu'il n'y ait eu qu'un Brétigny-sur-Orge.

L'Allemagne et le Japon sont cités en exemple. Eux ont repris la dette ferroviaire et réalisé des investissements massifs dans leur réseau avant la mise en concurrence. C'est ce que le Gouvernement aurait dû faire plutôt que d'éponger le minimum vital : 36 milliards en dix ans ; nous sommes loin des 40 milliards que l'Allemagne a investis en cinq ans sur son réseau avant d'ouvrir son rail.

Le Gouvernement s'est conformé au dogme bruxellois en renvoyant aux calendes grecques la loi de programmation des infrastructures et en détachant la discussion sur les mobilités. C'est une réforme d'ensemble dont nous avions besoin ! Mais le Gouvernement, dans une stratégie bien connue d'écran de fumée, a préféré concentrer le débat sur le statut des cheminots, une paille qui permettra à la SNCF d'économiser 10 à 15 millions en précarisant un peu plus ses agents. Comme l'a même reconnu notre rapporteur, les acquis sociaux des cheminots, loin d'être des privilèges, devraient être la norme pour tous les travailleurs de ce pays.

En reportant le problème sur les régions sans augmenter leurs moyens, on menace 9 000 km de lignes. En Allemagne, 20 % du réseau ferroviaire a disparu en vingt ans. Or une corrélation irréfutable a été établie entre l'éloignement d'une gare et le vote pour les partis d'extrême droite. Supprimer une gare, c'est renforcer le sentiment d'abandon.

La réflexion sur la SNCF doit partir des besoins, non des moyens. Partout en Europe, l'ouverture à la concurrence a entraîné une augmentation des tarifs et un allongement des trajets. Affirmer que ce sera différent en France relève du dogmatisme et non du pragmatisme.

Enfin, comment, après les accords de Paris, peut-on envisager le développement de la desserte par cars ? Le groupe CRCE ne votera pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Contre toute attente, le Sénat a fini par apporter sa pierre à l'édifice de la réforme ferroviaire. Nous l'avions anticipée de longue date, nos travaux ont débouché sur la proposition de loi Maurey-Nègre que nous avons adoptée il y a deux mois.

Le choix du Gouvernement de procéder par ordonnance laissait craindre que ces efforts ne demeurent platoniques. Merci, Madame la Ministre, d'avoir finalement choisi la voie du dialogue. La commission a intégré dans le texte de nombreuses dispositions de la proposition de loi : conclusion de contrats de service public, par l'État, pour préserver les dessertes directes sans correspondance, même pour les lignes à grande vitesse ; transmission obligatoire des informations nécessaires aux autorités organisatrices dans le respect du secret commercial et industriel ; transfert des matériels roulants et des ateliers de maintenance à l'autorité organisatrice compétente à sa demande et vente d'un billet unique quand bien même le transport est assuré par différents opérateurs.

Je suis convaincu que nous transformerons cette ouverture à la concurrence en opportunité pour nos services ferroviaires. Elle aura des effets positifs sur les tarifs et la qualité du service.

Ancien rapporteur de la proposition de loi Maurey-Nègre, je soutiens, comme le groupe UC, ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, LaREM, RDSE ainsi que sur le banc de la commission)

M. Olivier Jacquin .  - On nous annonçait une révolution ferroviaire, le désordre règne avec une grève qui pénalise les cheminots comme les voyageurs. Ce débat est l'occasion d'en sortir par le haut.

Le temps ferroviaire est très long et votre réforme ne se fera pas sentir avant 2020. Les usagers ne verront pas les tarifs baisser avant cette date à moins que vous ne vous tourniez vers les contribuables.

Cette réforme a été conçue à l'envers : la réforme ferroviaire avant la loi d'orientation sur les mobilités. Votre méthode qui consiste à dépasser le temps parlementaire dans une fulgurance jupitérienne d'ordonnances a fait long feu. Vous avez proposé l'incessibilité de l'opérateur alors même que vous le refusiez à l'Assemblée nationale. Vous avez annoncé une règle d'or, elle reprend celle que Frédéric Cuvillier avait utilement créée en 2014. Le texte comportait 8 articles à l'Assemblée nationale, il en compte 24 qui n'ont fait l'objet ni d'une étude d'impact ni d'un avis du Conseil d'État. La concertation n'est venue que grâce à la pression démocratique.

Les mots du président de la République et du Premier ministre ont humilié les cheminots. Et les voici dans la rue, même devant le Sénat. Pourquoi avoir voulu leur scalp, sinon pour anticiper d'autres réformes comme celle des retraites ? L'ouverture à la concurrence était sur de bons rails : la proposition de loi Maurey-Nègre l'a montré. Pour relancer le dialogue, il suffit de conditionner la fin du recrutement au statut à la signature de la convention collective dont la moitié des chapitres était signée avant le début de cette réforme. Quelques centaines d'agents SNCF seulement seront concernées par les transferts vers un nouvel opérateur dans les cinq ans à venir. Or c'est ce qui a justifié l'acharnement contre le statut des cheminots.

En Allemagne, l'ouverture à la concurrence a eu lieu dès 1994 ; la Deutsche Bahn y garde les trois quarts des grandes lignes. Vous souhaitez transformer la SNCF en société anonyme. Pour cela, il faut transférer la dette à l'État. Pourquoi les socialistes ne l'ont-ils pas fait ? Ce n'était pas possible. Il fallait rétablir les comptes publics, ce que nous avons fait avec les résultats que l'on sait : en 2017, pour la première fois, la France est sortie de la procédure européenne pour déficit excessif. Vous annoncez 35 milliards de reprise de dette. C'est un montant significatif qui, je l'espère, sera transcrit dans un protocole d'accord, une trajectoire financière et un nouveau contrat d'objectifs. Certains ont suggéré de régler le problème de la dette et des pertes en fermant des lignes. C'est la logique malthusienne, celle du rapport Spinetta. Or plus une voie est utilisée, plus le coût unitaire baisse ; ce sont des maths ! Le Gouvernement nous vend le modèle allemand. Je ne suis pas sûr qu'il mérite tant d'éloges. Privilégiez le modèle suisse de complémentarité et d'intermodalité. Ce pays est petit, montagneux et riche me répond-on ! Voyez le Japon alors. Là aussi, il y a un État stratège fort qui investit beaucoup. Cela nécessite une volonté politique. Seul le report modal répondra aux exigences climatiques. Quand il est moins cher de traverser le pays en avion ou car qu'en train, il faut se poser des questions.

Nous défendrons trois axes de progrès : l'aménagement du territoire d'abord, parce qu'il n'y a pas de petits territoires ; le respect des cheminots, ensuite ; la maîtrise publique du service public, enfin. Dynamisons le ferroviaire et ne dynamitons pas la SNCF ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Alain Fouché .  - La SNCF a été créée il y a quatre-vingt-quatre ans. Ce formidable système a vieilli, il s'est dégradé. On déplore un sous-investissement depuis la fin des années soixante-dix à cause d'arbitrages politiques favorisant la grande vitesse -  chacun voulait sa ligne de TGV. Résultat, 25 % des voies ont dépassé leur durée de vie et leur rénovation coûterait trois milliards d'euros.

Le Gouvernement se fixe plusieurs objectifs : remise à niveau du réseau ferroviaire ; ouverture à la concurrence afin de baisser les prix, en s'appuyant sur des exemples étrangers ; une nouvelle organisation du champion français, qu'il est hors de question de privatiser, pour la préparer au monde de demain. Chacun doit faire des efforts : le Gouvernement reprendra 70 % de la dette SNCF ; la SNCF doit accepter la fin du statut des cheminots.

Le groupe Les Indépendants, qui soutient ce texte, défendra une cinquantaine d'amendements, notamment pour la lutte contre le changement climatique, la juste représentation des usagers et des associations, la transparence des tarifs, la soumission de la décision de maintien d'une desserte à la collectivité concernée. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et LaREM et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Stéphane Ravier .  - Cette loi qui a tant fait parler d'elle ne masque pas la grande duperie qu'elle organise. Au café du commerce, on dirait que le pompier est pyromane ! Ripolinés En Marche, ceux qui ont oeuvré à l'échelon européen pour la concurrence continuent leur travail, fidèles agents de Bruxelles chargés d'exécuter la basse besogne européiste.

Les Français ne veulent pas de la dérégulation, du déracinement économique forcé qu'emporte la récitation de tous les versets de la religion ultralibérale. Étudiants cramponnés à leurs APL, fonctionnaires trop coûteux, mâles blancs n'ayant plus droit de cité, la méthode du Gouvernement consiste à culpabiliser les Français, à les dresser les uns contre les autres.

Pour faire vivre équitablement et durablement la France, nous avons besoin de lignes, quitte à ce qu'elles soient déficitaires ! Voilà la tradition, l'art de vivre à la française. (Soupirs de lassitude) L'unique profit, c'est le bien-vivre ensemble. Mais ça ne correspond pas au logiciel du Gouvernement, à ses maîtres mots, ou plutôt aux mots de ses maîtres.

La grande grève fait souffrir les usagers et fait passer le Gouvernement pour un grand réformateur. Les syndicats ne sont pas non plus crédibles, eux qui ont défendu Macron. Camarades, le banquier à l'Élysée, vous l'avez, pour cinq ans, et cinq ans ferme !

Mme Éliane Assassi.  - On ne voulait pas du vôtre !

M. Stéphane Ravier.  - Nous sommes pour l'État stratège et l'égalité entre les Français.

M. Éric Gold .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Après des semaines de discussion et une grève en pointillé, nous voilà réunis pour rendre notre service ferroviaire plus efficace. Cela intéresse les usagers mais aussi les contribuables puisque 13 milliards d'euros de dépenses publiques sont consacrées chaque année au rail.

La réforme ferroviaire doit être abordée sous l'angle de l'aménagement du territoire. Comme le Gouvernement, je pense que la reprise de la dette de la SNCF doit s'accompagner d'un effort de réorganisation.

Depuis plus de trente ans, des investissements massifs ont été faits dans les lignes à grande vitesse, au détriment des trains du quotidien et de ceux qui maillent les territoires. Or, Madame la Ministre, vous l'avez vous-même rappelé, nous devons nous astreindre à la justice territoriale. Les grandes comme les petites lignes sont essentielles au lien territorial et social. La commission a sécurisé la desserte des villes moyennes par le TGV par la conclusion de contrats de service public. Un rapport sera remis au Parlement sur la classification des lignes les moins circulées du réseau. Pour un état des lieux fidèles, le groupe RDSE demandera une comptabilité analytique par liaison des services non conventionnés.

La commission a mis l'accent sur la nécessaire consultation des régions pour définir les tarifs maximaux, leur information ; elle a souhaité des appels d'offres plus proches des besoins et des réalités. Nous souhaitons aller plus loin et répartir la charge du démantèlement du matériel ; les collectivités ne doivent pas être seules à en porter le poids.

J'en viens aux mesures qui suscitent tant de crispations. Madame la Ministre, vous avez indiqué que la question de l'embauche au statut se posait dans un monde ouvert à la concurrence. Soit mais il ne faut pas laisser penser que c'est ce statut qui est responsable de la dette. Une convention collective sera conclue avant le 1er janvier 2020, le groupe RDSE sera vigilant. Les garanties n'étaient pas suffisantes sur les conditions de transfert, notre commission les a renforcées : le volontariat sera favorisé, la gestion des différends confiée à l'Arafer. Élu d'une région particulièrement étendue, je souhaite voir les offres d'emploi proposées au salarié en cas de refus d'un transfert au département et aux départements limitrophes.

Le groupe RDSE est favorable à l'inscription de l'incessibilité du capital de l'entreprise ainsi qu'à un système commun d'information des voyageurs et de vente de billets. La création d'un GIP pour coordonner les différents opérateurs sur les questions de sécurité et de sûreté est une bonne chose. Je salue le travail de la commission en espérant la poursuite des échanges en séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Pascale Bories .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je salue notre rapporteur Cornu pour sa très grande implication. La France, qui a une longue tradition de monopole, n'a jamais été enthousiaste à l'idée d'ouvrir le rail à la concurrence. Le quatrième paquet ferroviaire impose l'ouverture à la concurrence des TER et TET.

Le groupe Les Républicains est favorable au principe d'une réforme ferroviaire et à l'ouverture à la concurrence, qui doit être vue comme une véritable opportunité. La France ne pourra se targuer d'une exception française quand partout, il y a ouverture à la concurrence.

La commission a enrichi et renforcé le texte de l'Assemblée nationale. Les conditions d'une ouverture réussie sont désormais réunies. L'incessibilité du capital a été inscrite, les garanties des salariés ont été renforcées, le cadre des transferts a été sécurisé. La nécessité de maintenir un haut niveau de sécurité n'a pas été éludée.

Sénatrice du Gard, je serai très attentive au maintien d'une desserte locale. Les travaux de la nouvelle gare Nîmes-Pont du Gard ont débuté en 2017, pour un coût de 95 millions d'euros dont 22 millions pour la région et 8 millions. À cela s'ajoute le projet de rouvrir la ligne de la rive droite du Rhône qui dessert le premier bassin industriel du Gard, mais aussi les points touristiques importants entre la Drome et Nîmes en passant par Villeneuve-lez-Avignon et le Pont du Gard ainsi que la ligne Alès-Bessèges, suspendue en 2012 par manque de rénovation, qui était très utilisée notamment par les lycéens. Je salue la décision du Conseil régional Occitanie de maintenir sa confiance à notre opérateur historique en signant une convention pour les huit années à venir. Preuve que nos collectivités locales s'engagent dans des projets structurants pour nos territoires mais aussi auprès de notre opérateur national.

Au-delà des moyens financiers, nous devons avoir une vision du service ferroviaire qui passe par un assainissement financier et une ouverture à la concurrence qui stimule la SNCF.

Le groupe Les Républicains votera ce texte. J'espère, Madame la Ministre, que vous saurez convaincre les députés, par une CMP conclusive. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. René Danesi .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Depuis que la réforme ferroviaire est en marche, on entend dire que l'ouverture à la concurrence détruirait le service public. L'exemple du Royaume-Uni est abondamment cité par le choeur des pleureuses. Remettons les pendules à l'heure en nous aidant du rapport de l'Arafer de mars dernier - curieusement, il est passé sous silence. L'autorité dresse un panorama objectif des effets de l'ouverture à Ia concurrence dans les douze pays européens où elle a été faite, je me contenterai d'une comparaison avec l'Allemagne et le Royaume-Uni.

Premier critère : la sécurité. L'Allemagne affiche, comme le Royaume-Uni, moins d'accidents de train que la France, en proportion.

Deuxième critère : la fréquentation. Elle a plus que doublé au Royaume-Uni entre 1994 et 2015, avec une hausse de 6 % par an. En Allemagne, elle a cru de 29 %.

Mme Éliane Assassi.  - C'est faux ! 22 % sur la même période.

M. René Danesi.  - En France, la part du ferroviaire a reculé au profit d'autres moyens de transport tels que la voiture particulière, le car Macron (Sourires), l'avion.

Autre critère : la ponctualité. 90 % des trains britanniques arrivent à l'heure, contre 78 % avant l'ouverture à la concurrence dans ce pays.

En France, 11 % des trains affichent actuellement un retard de plus de six minutes.

Les coûts d'exploitation ont baissé de 20 % à 30 % en Allemagne, sans impact sur la qualité de service. Au Royaume-Uni, il faut reconnaître qu'ils ont progressé de 25 % en raison du caractère désordonné de l'ouverture à la concurrence. Les conducteurs ont monnayé leurs services au plus offrant.

Le taux de satisfaction des usagers est cependant de 83 %. L'Arafer conclut que lorsque les pays européens ont utilisé l'ouverture à la concurrence comme instrument de relance ferroviaire, celle-ci a porté ses fruits.

Nous voterons donc ce projet de loi, qui sera amélioré par le Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Fabienne Keller .  - Je veux saluer l'action du Gouvernement qui a engagé une réforme ambitieuse, nécessaire, trop longtemps attendue.

Le rapport Spinetta le dit : la SNCF ne répond pas en l'état aux critères de compétitivité. L'enjeu, c'est plus de trains, pour moins cher et des coûts d'exploitation moins élevés. Cela passe par une réforme, convenez-en, nous sommes tous d'accord là-dessus.

Mme Éliane Assassi.  - Non ! Pas celle-ci !

Mme Fabienne Keller.  - Tout ne doit certes pas reposer sur une logique seulement financière. Je songe au volet social et à l'aménagement du territoire, aspects sur lesquels des garanties ont été apportées. Je salue le travail de la commission.

L'aménagement du territoire, c'est l'ADN du Sénat. Le texte ne traite pas directement de la question des petites lignes, menacées par manque d'entretien. Je songe à la ligne Strasbourg-Saint-Dié-des-Vosges, qui compte nombre d'ouvrages d'art.

Allons plus loin que ne le fait l'article 3 : dressons une typologie des petites lignes selon le nombre de voyageurs, la saisonnalité, etc. Les régions ont la compétence de leur exploitation certes, mais le financement des investissements ressortit à l'État. Faute de l'avoir fait, le temps de transport a augmenté.

Les gares sont des lieux de vie précieux, de véritables atouts pour les villes moyennes et les métropoles ; faisons-en des coeurs de ville. Quelque 230 villes sont desservies mais déclarées non rentables par le rapport Spinetta : je le conteste et proposerai un amendement pour garantir leur desserte.

Je me méfie des contrats spécifiques annoncés, quand je me souviens du sort des Intercités... Tout l'enjeu est de permettre une irrigation de nos territoires par les TGV. Pour les villes, la desserte est tout à fait stratégique en termes d'image.

J'invite le Gouvernement à s'engager fermement sur les petites lignes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et quelques bancs des groupes RDSE et UC ; M. Alain Richard applaudit également.)

M. Frédéric Marchand .  - « Il est facile de prendre un train, encore faut-il prendre le bon.

Moi j'suis monté dans deux-trois rames, mais

c'était pas l'bon wagon

Car les trains sont capricieux et certains sont

inaccessibles

Et je n'crois pas tout I'temps qu'avec la SNCF c'est

possible ».

Grand Corps Malade a bien dit dans ses « Voyages en train » le lien si particulier qui unit notre pays à ce moyen de transport.

Je veux rappeler l'attachement que nous avons pour le service public ferroviaire et les cheminots, mais notre système en bout de course doit être repensé autour de trois mots d'ordre. Efficacité d'abord, dans la perspective de l'ouverture à la concurrence, mais aussi modernité et justice sociale.

Je salue l'engagement de Mme la ministre, ainsi que celui, personnel, du Premier ministre. Je salue le président Hervé Maurey et le rapporteur Gérard Cornu qui ont mis leur énergie au service de la réforme. Je salue également les organisations syndicales.

Si les mots ont un sens, ceux qui garantissent le caractère public de la SNCF sont clairs, n'agitons pas de chiffon rouge.

Hier, des collaborateurs de la Deutsche Bahn nous l'ont dit : l'ouverture à la concurrence a été un aiguillon positif pour repenser le groupe. La fréquentation a augmenté et la société nationale a été confortée...

Mme Éliane Assassi.  - C'est faux !

M. Frédéric Marchand.  - Mais elle n'est certes pas un but en soi. Elle doit être bénéfique aux usagers dans la mobilité du quotidien, aux collectivités territoriales ainsi qu'à la SNCF elle-même, grande dame qui doit en profiter pour évoluer. La loi Pacte pourrait même en faire la première entreprise à responsabilité sociale élargie. L'État redevient acteur, et non spectateur.

Les gares, dont j'ai la conviction qu'elles doivent jouer un rôle encore plus fort, pourraient être transformées en véritables maisons de service public, revitalisant nos bourgs. Voilà un beau projet.

Nos débats mettront d'autres idées sur la table. « Sénateurs, montrez que vous êtes nécessaires ! » disait Victor Hugo. Oui nous le sommes et comptons le montrer en votant ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Éliane Assassi.  - Utiles plutôt que nécessaires !

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Je remercie Jean-François Longeot qui me permet de m'exprimer sur le temps de notre groupe puisqu'au Sénat les présidents de commission n'ont plus la parole dans la discussion générale, ce que je regrette.

Il y a deux mois, jour pour jour, le Sénat adoptait une proposition de loi, que j'ai présentée avec Louis Nègre, qui aurait pu être examinée à l'Assemblée nationale : nous aurions alors gagné du temps...

Vous avez choisi une méthode originale, sans étude d'impact, ni avis du Conseil d'État, pour aboutir malgré tout à un texte « moins pire », comme l'on dit en Normandie, (Sourires) que prévu initialement, puisque les habilitations à légiférer par ordonnances ont été remplacées par des dispositions législatives en bonne et due forme.

Mais nous ne sommes pas d'accord sur tout. Vous avez déposé hier, Madame la Ministre, des amendements revenant sur des dispositions essentielles pour nous : réduisant le rôle de l'Arafer, limitant l'autonomie de Gares et Connexions, limitant l'incompatibilité de certaines fonctions, et restreignant le transfert d'informations de SNCF Mobilités à l'Autorité organisatrice des transports (AOT). Nous en reparlerons.

Les apports du Sénat restent grands. Sur le volet social, notre approche est pragmatique, humaine et responsable ; sur l'aménagement du territoire, nous croyons au conventionnement pour les dessertes directes et sans correspondance. Je me félicite encore des dispositions reprises de la proposition de loi sénatoriale sur la maintenance, le matériel roulant ou la vente de billets.

Nous pouvons être fiers du travail réalisé par notre commission et son rapporteur. Le Sénat n'est pas dans une opposition stérile, mais dans une approche constructive et pragmatique. À l'heure où la révision constitutionnelle approche, soyons conscients du rôle essentiel du bicamérisme et du Sénat. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Les Indépendants, RDSE et SOCR)

Mme Élisabeth Borne, ministre .  - Monsieur Gontard, ce projet de loi est une réforme globale et pas une simple transposition de directive européenne. C'est une conviction du Gouvernement qu'il faut améliorer le service rendu, pour plus de trains moins chers et pour donner aux régions qui le souhaitent des compétences d'autorités organisatrices de plein exercice.

Pourquoi, alors que des assurances ont été données, inquiéter les cheminots sur la nature du groupe public ?

Mme Éliane Assassi.  - C'est vous qui les inquiétez !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Pourquoi les inquiéter alors que le Gouvernement investit dans le ferroviaire comme aucun Gouvernement n'a jamais investi ?

Mme Éliane Assassi.  - Si tout le monde est d'accord, pourquoi légiférer par ordonnances ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Je me félicite de la méthode du Gouvernement, qui a su tirer parti de la proposition de loi sénatoriale.

Monsieur Jacquin, il ne m'a pas échappé que le temps ferroviaire est long. Ce n'est pas une raison pour retarder la réforme. Nous nous sommes mal compris sur la méthode. Il ne s'agit pas d'ignorer les partenaires sociaux et le Parlement, mais au contraire de leur donner toute leur place. Le Gouvernement a fait le choix d'écarter les propositions du rapport Spinetta sur les petites lignes, qui sont essentielles. Nous les remettrons à niveau, je le répète.

Je n'ai pas changé d'avis sur l'incessibilité du capital de la SNCF, mais vois les inquiétudes de certains.

Les mots ont un sens et je le redis : les cheminots au statut le garderont. Ceux qui seraient repris par un autre opérateur conserveront la garantie de l'emploi, la rémunération, les droits sociaux. Le volontarisme sera privilégié. Les mots ayant un sens, je ne peux accepter celui de « brutalité ».

La reprise de dette de 35 milliards d'euros sera inscrite dans un nouveau contrat de performance.

L'ambition de la réforme est bien celle d'un meilleur service et d'un meilleur aménagement du territoire.

Monsieur Gold, personne n'a dit que le statut expliquait les 45 milliards d'euros de dette. Les responsabilités sont partagées ; elles ont trait à la priorité donnée jusqu'à présent au TGV.

Madame Keller, je connais votre attachement au rôle des gares dans la mobilité. Ce texte propose des avancées importantes. Votre commission prévoit d'associer toutes les parties prenantes : c'est un élément majeur. La réponse en cas d'incident est compliquée à cause de la distinction entre Gares et Connexions et Réseau. Les gares, en effet, sont un élément majeur de développement et d'aménagement urbain.

Sur les petites lignes, je ne peux que vous redire l'engagement du Gouvernement à faire exécuter les contrats de plan.

Monsieur Marchand, à nouveau je déplore que des peurs soient agitées sur l'incessibilité du capital de la SNCF. Je vous remercie d'avoir porté en commission l'amendement sur le sujet, même s'il n'a pas l'air de rassurer ceux qui ne veulent pas l'être.

Monsieur Maurey, je ne doute pas que le débat sera passionnant. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM, Les Républicains, UC)

La discussion générale est close.

La séance est suspendue à 20 h 20.

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-président

La séance reprend à 21 h 50.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER A

M. Guillaume Gontard .  - Il y aura toujours un avant et un après le changement de statut des trois Établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) du groupe SNCF. Je peux me tromper, mais j'y vois une future privatisation, par augmentation de capital, sous l'alibi de la dette. Il n'y a en effet aucune modalité de reprise de la dette, hormis un inquiétant : « on se débrouillera ».

Il a suffi de dix ans pour passer d'un France Telecom public à un Orange privé : France Telecom est devenue une société anonyme en 1996, avant l'ouverture du capital en 1997, la privatisation en 2004 et la fin de la minorité de blocage de l'État en 2007, mettant fin à 115 ans de téléphonie publique. Quand on constate les inégalités territoriales et la mauvaise qualité de service, il y a de quoi être nostalgique. C'est pourquoi le blanc-seing que vous demandez nous semble inacceptable.

M. Fabien Gay .  - Une question me taraude depuis le lancement de votre réforme : pourquoi transformer les trois EPIC en société anonyme ? Les Français demandent des transports qui fonctionnent mieux, donc des investissements, et aussi des transports plus respectueux de l'environnement, pas un changement de statut de l'établissement public ! Dans une interview, Madame la Ministre, vous dites que l'organisation est trop cloisonnée. Je vous donne raison sur ce point ; mais vous pourriez y remédier autrement, en regroupant les trois EPIC en un seul. Il y a donc une autre intention derrière. Le vote-action a donné 95 % d'avis défavorable à cette transformation. L'incessibilité serait une garantie ? Voyez GDF, devenu GDF Suez où l'État détient 24 %. À la clé, 22,7 milliards de dividendes distribués en dix ans, des conditions de travail dégradées pour les salariés et une augmentation de 40 % des prix du gaz en dix ans.

Quel est donc votre projet ? Dites-nous en quoi le statut d'EPIC vous gêne, ou bien ne faites pas de société anonyme... Le pire, c'est que ce statut de société anonyme rendra la dette de la SNCF plus chère, parce qu'elle aura perdu la garantie de l'État. C'est de cela qu'il faut parler.

M. Jacques-Bernard Magner .  - Les objectifs sont ambitieux : améliorer le service, réduire les coûts, préparer l'ouverture à la concurrence.

Élu du Puy-de-Dôme, je m'inquiète de la tendance à privilégier les lignes principales. L'Auvergne est la seule région non reliée à Paris par la LGV. Les tronçons prévus n'ont jamais été réalisés ; les travaux nécessaires à l'amélioration de la desserte Intercités ont été différés.

Conséquence : il faut plus de 3 heures, parfois 3 h 20, pour parcourir les 400 kms entre Clermont-Ferrand et Paris. Le projet de TGV a été repoussé à l'après 2030. Faites que l'Auvergne ne demeure pas enclavée !

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Absolument rien n'oblige la France à transformer les trois EPIC de la SNCF en société anonyme. Quel est l'avantage ? Le statut de SA n'est pas positif pour la SNCF, car elle perdra aussitôt la garantie de l'État, ce qui la forcera à emprunter plus cher sur les marchés.

Vous nous dites que nous n'avons pas à nous inquiéter, mais on connaît l'histoire. En réalité, il y a plusieurs façons de contourner l'obstacle de la propriété publique pour privatiser progressivement : créer des filiales, appauvrir pour présenter l'ouverture du capital comme inéluctable, fusionner avec des groupes privés. L'incessibilité des titres n'est absolument pas une garantie dans la durée.

Le Gouvernement annonce la reprise de la dette - encore cela ne figure-t-il pas dans le texte  - mais à un niveau juste suffisant pour éviter la faillite de la nouvelle société anonyme. Les capacités d'investissement seront freinées ; et on dira qu'il faut aller chercher des capitaux ailleurs. Aucun profit du ferroviaire ne doit aller ailleurs qu'au ferroviaire, c'est-à-dire à la péréquation tarifaire, à l'aménagement du territoire ou à l'avenir de la SNCF : c'est pour cela qu'il faut refuser le statut de société anonyme !

Mme Cécile Cukierman .  - Par amendement, le Gouvernement organise le passage des trois EPIC à une société anonyme ; nous y sommes opposés car ce changement de statut facilitera la privatisation - comme cela s'est passé pour d'autres EPIC, par des voies différentes, que ce soit l'augmentation du capital, le découpage en filiale, la fusion avec des groupes privés, on l'a vu avec EDF, GDF, France Telecom...

En quoi le statut d'EPIC contraint-il la SNCF dans l'accomplissement de ses missions de service public ? Inversement, vous savez très bien que le statut de société anonyme rendra l'endettement plus coûteux, en quoi est-ce un avantage ? La réforme de 2014 prévoyait le maintien d'un groupe public. Quel intérêt pour les usagers de découper ce groupe ? Travaillons avec complémentarité, travaillons à une meilleure intégration. Les amendements du CRCE iront dans ce sens.

M. Ronan Dantec .  - J'ai commencé ma vie publique à Nantes dans les années 1980. L'arrivée du TGV en 1989 y a tout changé, en commençant à rééquilibrer « Paris et le désert français ». C'est la société française plutôt que la SNCF qui a une dette vis-à-vis du TGV, la grande vitesse a profondément modifié le territoire. Il est normal et bienvenu que l'État paie aujourd'hui cette dette.

Ce qui se joue maintenant, ce n'est plus le désenclavement des métropoles mais celui des territoires autres. Or le train joue un rôle crucial dans cette capacité. Ce qui est aberrant pour les passagers des lignes sous-exploitées ne l'est pas vu des territoires - et le transfert des TER aux régions ne peut valoir solde de tout compte. Madame la Ministre, ce que nous voulons, c'est que l'État s'engage à garder le rail et la SNCF comme outils d'aménagement du territoire.

M. Marc Laménie .  - La réforme ferroviaire d'août 2014, rapportée alors par Michel Teston, avait donné lieu à de riches débats. Je comprends l'inquiétude du personnel concerné vis-à-vis de la transformation en société anonyme ; mais de l'autre côté, rattacher Gares et Connexions à SNCF Réseau, comme le fait la commission dont je salue le travail, est pertinent. Il faut faire vivre les gares, où il y a de moins en moins de personnel.

Madame la Ministre, je vous demande de nous rassurer, il faut des garanties.

M. Yves Daudigny .  - La répétition est un des piliers de la pédagogie. Ici, on met en cause un équilibre. La loi de 2014 a fait de l'État stratège un acteur central. Votre argument selon lequel il doit se protéger de lui-même en limitant sa dette est de peu de portée. La nature juridique d'une société anonyme en fait un outil de libéralisation.

Comment ne pas imaginer, demain, les arguments consistant à justifier la recherche de financements auprès de la Bourse ?

Quel intérêt de transformer SNCF Réseau en société anonyme, alors qu'elle est par nature en situation de monopole ? La renationalisation opérée par le Royaume-Uni pour des raisons de sécurité devrait vous inspirer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Élisabeth Borne, ministre .  - Ce n'est pas de la réforme du Gouvernement dont vous parlez.

Transformer les EPIC en société anonyme, c'est le moyen de constituer un groupe unifié. (« Non ! » sur les bancs des groupes CRCE et SOCR) Les Français savent-ils même qu'il y a trois entreprises ?

Le Gouvernement veut un groupe unifié sur le plan économique, social, industriel. Je rappelle que la SNCF a été une société anonyme entre 1937 et 1982.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Il n'y avait pas de concurrence !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - La transformation en EPIC a-t-elle amélioré la situation ? Au contraire, c'est à partir de ce moment-là qu'on a abandonné le réseau classique et laissé filer la dette.

Vous parlez d'augmentations de capital ; relisez la loi, qui mentionne des titres intégralement détenus par l'État.

M. Fabien Gay.  - Nous vous avons donné l'exemple de GDF !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - La formulation, pour GDF et La Poste, n'était pas la même. Le mot « intégralement » exclut la venue d'un autre actionnaire. Pour contenir les rumeurs, nous précisons même dans le texte que les titres sont incessibles.

M. Fabien Gay.  - Cela ne suffit pas !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Vous nous opposez, encore, que la loi n'aurait finalement pas grande valeur : c'est curieux d'entendre cela, ici, au Parlement ! (Exclamations sur les bancs du groupe CRCE)

Mme Éliane Assassi.  - Nous ne l'avons pas dit ! Mais qu'une autre loi pourra défaire ce que nous faisons aujourd'hui !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Aucun groupe sur ces bancs n'envisage la privatisation de la SNCF, pas plus qu'à l'Assemblée nationale.

M. Guillaume Gontard.  - Alors pourquoi passer en société anonyme ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Je pourrais recommencer mes explications... Nous voulons un groupe qui marche mieux. Vous pensez qu'on peut se satisfaire de la situation actuelle ? Il y a 5 000 kilomètres de lignes avec des ralentissements, voyez Limoges-Paris, Caen-Paris, Nantes-Bordeaux... Toutes ces lignes accusent désormais un retard important.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Rien à voir avec le statut de la SNCF !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Le Gouvernement lance une réforme ambitieuse pour le service public ferroviaire, le statut de la SNCF en est un élément essentiel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains, exclamations sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)

Mme le président.  - Amendement n°48, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - J'entends vos propos, Madame la Ministre, mais vous ne répondez pas sur tout. S'il n'y a pas de problème, pourquoi inscrire l'incessibilité dans la loi. (Mme Élisabeth Borne, ministre, s'esclaffe.)

M. Gérard Cornu, rapporteur.  - Je n'y étais personnellement pas favorable...

Mme Éliane Assassi.  - Merci de le dire publiquement, Monsieur le rapporteur. Les exemples de privatisation rampante ne manquent pas. Vous filialisez la SNCF, la transformant graduellement en coquille vide. L'incessibilité est un leurre.

La SNCF compte plus de mille filiales qui lui ont permis de supprimer 30 000 emplois sous statut depuis 2002 - l'équivalent de trente usines Molex et huit usines Continental ! Sans parler des emplois de cheminots menacés par la filialisation de fret SNCF. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe CRCE)

M. Gérard Cornu, rapporteur.  - Il n'y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. J'assume les désaccords. Je suis favorable à la filialisation, à l'ouverture à la concurrence, à la fin du statut de cheminot. Vous ne l'êtes pas.

Mme Éliane Assassi.  - C'est bien !

M. Gérard Cornu, rapporteur.  - Je vous en prie, ne nous interrompons pas, respectons les débats. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Les Républicains et Les Indépendants)

Nous avons des opinions contraires, mais je respecte les vôtres ! Aussi, je donnerai un avis défavorable à vos amendements de suppression, sans m'étendre sur le détail.

En commission, je n'ai pas porté l'amendement inscrivant l'incessibilité dans le texte, parce que la rédaction de l'Assemblée nationale me paraissait suffisante, dès lors que l'État possédait l'intégralité des parts de la SNCF ; cependant, j'ai suivi la majorité de notre commission. L'amendement de M. Marchand a ajouté les bretelles à la ceinture.

Je ne suis aucunement favorable à la privatisation de la SNCF ; c'est pourquoi j'ai accepté l'amendement. Mais si vous voulez supprimer la mention de l'incessibilité, parce que vous n'y voyez rien d'utile, nous pouvons prendre cinq minutes pour supprimer cette précision dans le texte ! (Nombreuses protestations sur les bancs du groupe CRCE)

M. Pascal Savoldelli.  - Le fond refait surface !

M. Gérard Cornu, rapporteur.  - Laissez-moi continuer... Si vous voulez conserver l'incessibilité, conservons-la. Désormais, je dirai simplement « avis défavorable » sur tous vos amendements de suppression.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Le Gouvernement veut ouvrir le rail à la concurrence, modifier l'organisation, mettre fin au statut.

Je l'ai dit clairement ; évitez donc les procès d'intention. Vous nous prêtez celle de transférer les actifs dans les filiales, mais nous parlons du domaine public, il appartient nécessairement à une personne publique, c'est un principe constitutionnel.

M. Pascal Savoldelli.  - M. le rapporteur évoque la suppression de l'amendement sur l'incessibilité. Le fond remonte à la surface !

Madame la Ministre, tout ce qui relève du réseau est-il inaliénable ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Évidemment !

M. Pascal Savoldelli.  - Dites-le et nous en prendrons acte devant l'Histoire.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Devant l'Histoire et devant cet hémicycle, je vous rappelle que le domaine ferroviaire est incessible et inaliénable.

M. Alain Richard.  - C'est le droit existant !

M. Fabien Gay.  - Vous avez répondu que la transformation en société anonyme était destinée à réunifier le groupe. Mais vous pourriez créer un EPIC ! Vous ne le faites pas, c'est bien pour une raison précise ! Nous nous alarmons des risques de privatisation à l'avenir, parce que nous avons vu bien des groupes publics passer progressivement dans le privé, par étapes, avec d'abord l'ouverture à la concurrence. On le voit avec la Française des Jeux, avec Aéroports de Paris, l'État vend ses parts, M. Le Maire a annoncé que la vente allait continuer. Pour nous rassurer ici, vous avancez l'incessibilité.

Nous vous parlons du risque d'une privatisation via une augmentation du capital, vous nous répondez par l'inaliénabilité.

Mais il y a un troisième moyen de privatiser une entreprise publique inaliénable et dont les titres sont incessibles, on l'a vu avec GDF : c'est de lui accoler un groupe privé, en l'occurrence Suez, de faire un nouveau groupe, Engie, où l'État ne détient plus que 24 % des actions, un groupe qui distribue 22,7 milliards d'euros de dividende aux actionnaires et qui augmente ses tarifs de 40 % ! Et sur ce troisième moyen, vous ne répondez pas !

M. Jean-Paul Émorine.  - Je présidais la commission des affaires économiques au moment de la fusion GDF Suez, qui était bien une privatisation. L'État participait à un joint-venture et, avec 36 % détenait une minorité de blocage.

Je ne partage pas votre avis sur l'évolution de ce groupe. Engie est un groupe dynamique, présent à l'étranger.

La Poste a été refinancée par l'État et la Caisse des dépôts et de consignations (CDC) à hauteur de 2,7 milliards d'euros.

Ce qui intéresse la SNCF et ses 920 filiales, c'est aussi de conquérir des marchés à l'étranger. Sait-on que la SNCF est aujourd'hui le premier transporteur routier ? Cette loi adapte l'opérateur au XXIesiècle, le groupe Les Républicains soutient le Gouvernement sur ce point. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et applaudissements sur quelques bancs du groupe UC)

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Le texte voté par l'Assemblée nationale implique un groupe intégralement détenu par l'État. Je ne crois pas que vous l'ayez lu ; ni que vous cherchiez vraiment à être rassurés.

Le texte exclut clairement tous les schémas que vous avez évoqués.

M. Hervé Maurey, président de la commission.  - Mes chers collègues, 250 amendements nous attendent, nous allons encore améliorer ce texte, il est dommage que nous passions tout ce temps à discuter de problèmes qui n'existent pas ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UC, sur quelques bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe LaREM)

La ministre et Jean-Paul Émorine l'ont rappelé : ce texte prévoit un État actionnaire à 100 %. À quoi jouez-vous à ne pas le comprendre ?

Mme Éliane Assassi.  - On peut partir si vous voulez !

M. Hervé Maurey, président de la commission.  - Si demain le Gouvernement voulait ouvrir le capital de la SNCF, il ne le pourrait pas. Lors du projet de loi sur la Poste, vos collègues dénonçaient déjà la privatisation à venir. Dix ans après, elle n'est toujours pas là !

M. Martial Bourquin.  - Ne nous étonnons pas de la gravité et de la passion de ce débat, car nous parlons du train, de la grande histoire du train qui a tant compté dans l'industrialisation et la modernisation de notre pays.

Des trois EPIC, le Gouvernement veut faire une société anonyme. Les choses peuvent évoluer.

M. Fabien Gay.  - Merci !

M. Martial Bourquin.  - Je crois à la sincérité du rapporteur, de la ministre. Mais dans quelques années, qui peut dire ce que le Gouvernement fera de cette société anonyme ?

La Commission européenne demandait la mise en concurrence des sociétés d'eau. L'Allemagne a refusé. Tout est géré en régie publique, au grand dam d'ailleurs des entreprises françaises.

Sur des questions précises, il est possible d'engager un rapport de force avec la Commission européenne.

La vraie grande politique, c'est le basculement de la route vers le rail, pour le fret comme pour les voyageurs. Ce n'est pas ce que vous nous proposez ! (Applaudissements de Mme Angèle Préville et applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Frédéric Marchand.  - Nous sommes attendus par les usagers, par les collectivités. Ne prolongeons pas inutilement ce débat.

Mme Éliane Assassi.  - Voulez-vous que l'on quitte l'hémicycle ?

M. Frédéric Marchand.  - De grâce, avançons, pour conforter le service public ferroviaire à la française.

Mme Éliane Assassi.  - Bla bla bla...

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - A l'époque de la transformation de GDF, Nicolas Sarkozy nous avait donné toutes les garanties imaginables.

Si, Madame la Ministre, vous aviez montré que la transformation en société anonyme renforcerait les capacités d'emprunt, d'investissement, d'amélioration du service public, nous pourrions discuter. Vous ne l'avez pas fait. Pourquoi la société anonyme, et pas un EPIC unifié ? Cela donne des libertés pour l'avenir, et c'est ce qui nous fait peur.

Mme Éliane Assassi.  - Madame la Ministre, Monsieur le rapporteur, depuis tout à l'heure vous voulez faire sauter le verrou du statut public pour pouvoir privatiser dans un second temps. Souffrez que nous ne soyons pas d'accord, que nous ayons d'autres propositions à mettre en débat !

M. le président de la commission nous dit : circulez, pas besoin de débat ! M. le rapporteur décide que nos amendements de suppression ne méritent pas débat. Madame la présidente, je demande une suspension de séance pour que le groupe CRCE établisse une stratégie pour y répondre.

Mme le président.  - Je vous accorde une suspension de cinq minutes.

La séance, suspendue à 22 h 45, est reprise à 22 h 50.

M. Olivier Jacquin.  - Supprimer l'article reviendrait à laisser Gares et Connexions dans SNCF Mobilités, le groupe SOCR s'abstiendra donc. Il ne faut pas s'étonner de ce débat, nous en avons tant entendu entre le rapport Spinetta et les suspicions de privatisation. Un des avantages de la SA, dit la ministre, serait de conférer plus d'unité au groupe ; je partage ce point de vue : la séparation entre SNCF et Réseau ferré de France a provoqué des dégâts. Toutefois, je sens poindre une contradiction entre une volonté d'unité et la multiplication des filiales que, Monsieur le rapporteur, vous allez sans doute défendre dans la suite du débat. Le président de l'Arafer, que notre commission a entendu, plaide, lui, pour moins d'unité et un réseau véritablement neutre.

M. Jean-Michel Houllegatte.  - Monsieur le président Maurey, nous ne perdons pas de temps en débattant dès à présent des fondamentaux. La SNCF est le symbole de la France ; je m'en suis rendu compte lors de ses 80 ans ; le symbole des congés payés, de la Résistance et de la bataille du rail, de l'aménagement du territoire avec ces belles photographies qui illustraient nos livres d'histoire mais aussi de la technologie avec le TGV. Elle éveille de nombreux souvenirs personnels chez chacun.

La méthode a suscité la défiance : mise à l'écart par le Gouvernement de la proposition de loi sénatoriale ; choix des ordonnances ; rapport Spinetta, ce brûlot qui donnait dans la provocation pour faire bouger les lignes ; annonces distillées au compte-gouttes. Les mots ont tout leur poids quand il s'agit de rétablir la confiance. Une SA est une société anonyme ; dans Epic, il y a public. Il y a nécessité d'apporter des garanties aux usagers, aux cheminots et aux autorités organisatrices.

À la demande du groupe CRCE, l'amendement n°48 est mis aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°107 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 264
Pour l'adoption   15
Contre 249

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°68, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 2 à 13

Supprimer ces alinéas.

M. Guillaume Gontard.  - Le changement de statut de la SNCF ne serait qu'un point de détail ; la grève dure pourtant depuis plusieurs semaines et les inquiétudes sont fortes. Quand on met ceinture et bretelles, c'est qu'il y a un loup derrière. Mme Borne, interrogée à plusieurs reprises, ne nous a pas expliqué le pourquoi du passage en SA. Ce n'est en rien une obligation pour l'ouverture à la concurrence, le président de l'Arafer nous l'a confirmé en commission. Alors, pourquoi ? Je ne vois qu'une seule raison : permettre une augmentation de capital. Il y a de quoi se poser des questions sur la suite.

Mme le président.  - Amendement n°232, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe socialiste et républicain.

I.  -  Alinéa 3

1° Première phrase

Remplacer les mots :

La société nationale à capitaux publics SNCF et ses filiales

par les mots :

Les établissements publics à caractère industriel SNCF, SNCF Réseau, SNCF Mobilités et leurs filiales

2° Seconde phrase

Supprimer les mots :

société nationale

II.  -  Alinéas 4 à 6

Supprimer ces alinéas.

III.  -  Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les attributions dévolues à la SNCF par le présent code à l'égard de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités sont identiques à celles qu'une société exerce sur ses filiales, au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce.

IV.  -  Alinéas 13 à 19

Supprimer ces alinéas.

V.  -  Alinéa 22

Supprimer les mots :

la société

VI.  -  Alinéa 24

Remplacer le mot :

filiale

par les mots :

direction dédiée

VII.  -  Alinéas 29 à 64

Supprimer ces alinéas.

M. Joël Bigot.  - Nous sommes fermement opposés à la transformation des EPIC - SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités - en sociétés anonymes. Si le projet de loi prévoit que le capital social de la SNCF sera détenu « intégralement » par l'État et sera incessible, nous avons de bonnes raisons de penser que l'abandon du statut d'EPIC ne constitue qu'une première étape vers une ouverture ultérieure du capital des nouvelles sociétés anonymes, comme cela s'est fait dans les secteurs des télécommunications et de l'énergie. Le statut d'EPIC interdit les filialisations, empêche la distribution de dividendes ; il garantit des prêts à des taux inférieurs à ceux du marché et la maîtrise public du service public.

Mme le président.  - Amendement n°69, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Alinéa 3

1° Première phrase

Remplacer les mots :

La société nationale à capitaux publics

par les mots :

L'établissement public industriel et commercial

2° Seconde phrase

Supprimer les mots :

société nationale

II.  -  Alinéa 4, première phrase, alinéa 6, première phrase, alinéa 7, alinéa 15, alinéa 18, alinéa 57, seconde phrase, alinéa 59, première phrase

Supprimer les mots :

société nationale

III.  -  Alinéas 5,13, 29, 36 et 47

Supprimer ces alinéas.

IV.  -  Alinéas 22 et 45

Remplacer les mots :

La société

par les mots :

L'établissement public industriel et commercial dénommé

V.  -  Alinéa 59, première phrase

Remplacer la seconde occurrence des mots :

la société

par les mots :

l'établissement public industriel et commercial dénommé

M. Fabien Gay.  - Le mouvement de transformation des EPIC nationaux en société anonyme a commencé dans les années soixante-dix avec la transformation de l'entreprise de recherches et d'activités pétrolières ; il a donné naissance, en 1976, à Elf Aquitaine, ensuite privatisé puis absorbé par Total en 1994. La Seita, elle, a été privatisée en 1980 et rachetée par Imperial Tobacco en 1995, avec à la clé un plan social de 2 440 emplois. Je ne reviendrai pas sur les cas de La Poste, France Telecom, EDF, GDF, bientôt ADP... Les arguments sont connus : ces établissements sont atteints d'une malformation congénitale, celle d'être trop publics. Le statut d'EPIC est essentiel pour la gestion d'une activité de service public aussi crucial que le transport ferroviaire.

Mme le président.  - Amendement n°71, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 3, première phrase

Remplacer les mots :

remplit des missions de service public dans le domaine du transport ferroviaire et de la mobilité

par les mots :

concourt au service public ferroviaire et à la solidarité nationale

Mme Cécile Cukierman.  - Le changement de statut met en cause le sens même du service public, le rail est un outil de lien territorial dans les zones enclavées, de lien social pour les personnes qui n'ont pas les moyens de prendre l'avion ou d'entretenir une voiture ; il a un sens économique car les entreprises ont intérêt à un réseau efficace mais aussi un sens environnemental - selon l'OMS, 45 000 personnes meurent chaque année en France de l'exposition à l'ozone et aux particules fines. Bref, le rail est l'affaire de tous. Quand des éditorialistes écrivent que la SNCF coûte 1 000 euros par an aux contribuables même à ceux qui ne prennent pas le train, je me demande s'ils doutent également de l'utilité de faire financer des aides à la presse par ceux qui ne la lisent pas...

Mme le président.  - Amendement n°3 rectifié octies, présenté par M. Malhuret et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires.

Alinéa 3, première phrase

Après le mot :

durable

insérer les mots :

, de lutte contre le réchauffement climatique

M. Alain Fouché.  - Cet amendement renforce l'action de la SNCF en matière de développement durable, cher à notre collègue Dantec, dans la lignée des engagements de la France contre le réchauffement climatique. La part modale du ferroviaire dans le transport de marchandises est passée de 10,6 % en 2015 à 9,6 % en 2017. Le verdissement de nos modes de transport est primordial si nous voulons préserver l'environnement, une cause pour laquelle nous nous battons tous.

Mme le président.  - Amendement n°70, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 3, première phrase

Après les mots :

développement durable,

insérer les mots :

de transition écologique,

M. Pierre Ouzoulias.  - L'objectif de cet amendement est similaire. Nous voulons faire de la SNCF un outil de la lutte contre le changement climatique. Madame la Ministre, comment allez-vous mettre la SNCF au service de la transition technologique, nécessaire pour respecter les engagements de la COP21 ?

Mme le président.  - Amendement n°183 rectifié, présenté par MM. Dantec, Corbisez, Gold, Léonhardt, Fouché, Longeot, Gontard, Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde, MM. Menonville, Requier et Vall et Mme Benbassa.

Alinéa 3, première phrase

Après les mots :

développement durable,

insérer les mots :

de réduction des émissions de gaz à effet de serre,

M. Ronan Dantec.  - Le libellé actuel est déséquilibré. Dois-je rappeler la définition du développement durable ? Ce n'est pas que l'environnement, que l'on oublie. En 2015, le secteur des transports a émis 31 % des émissions nationales de carbone. Il serait aberrant de ne pas inclure les émissions de gaz à effet de serre dans l'objectif du développement durable. Mon amendement est plus précis et plus technique mais je me rallierai à celui qui aura la préférence de la commission et du Gouvernement.

Mme le président.  - Amendement n°24, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 3, seconde phrase

Rédiger ainsi le début de cette phrase :

À l'exception des activités déjà exercées par elle-même, par SNCF Réseau ou par SNCF Mobilités, la société nationale SNCF...

M. Fabien Gay.  - Le groupe SNCF intégré et réunifié doit en finir avec la balkanisation de ses activités. Ses 1 000 filiales affaiblissent l'opérateur public. Pire, certaines concurrencent des branches de l'EPIC. C'est incohérent, au regard de la mission de service public de la SNCF. Clarifions les modalités de recours à la filialisation qui a déjà lourdement pénalisé l'activité ferroviaire.

Mme le président.  - Amendement n°25, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les filiales mentionnées précédemment doivent avoir un objet connexe et complémentaire aux missions de l'ensemble du groupe public ferroviaire.

M. Fabien Gay.  - Défendu.

Mme le président.  - Amendement n°215, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités, ainsi que l'ensemble des filiales que ces entités détiennent directement ou indirectement et qui exercent sur le territoire français une activité de transport ferroviaire de voyageurs ou de marchandises ainsi que toute activité liée aux gares, constituent le « groupe public ferroviaire unifié » au sein du système ferroviaire national. Ce groupe d'entreprises a un caractère indissociable et solidaire.

M. Jean-Claude Tissot.  - L'organisation interne du groupe public ferroviaire peut évoluer, notamment avec la création de filiales. Par exemple, une filiale régionale si une autorité organisatrice l'exige. Dès lors, pour assurer la cohérence sociale du groupe, il faut anticiper ces évolutions en prévoyant que les filiales restent dans le périmètre du groupe public ferroviaire.

Mme le président.  - Amendement n°234, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe socialiste et républicain.

I.  -  Alinéa 6,

1° Première phrase

Supprimer les mots :

de la société SNCF Réseau mentionnée à l'article L. 2111-9 du présent code, ainsi que

2° Seconde phrase

Remplacer les mots :

ces deux sociétés

par les mots :

cette société

II.  -  Alinéa 13

Avant les mots :

à la société

insérer les mots :

à l'établissement public à caractère industriel et commercial SNCF Réseau,

III.  -  Alinéa 22

Remplacer les mots :

La société

par les mots :

L'établissement public à caractère industriel et commercial

IV.  -  Alinéa 24

Remplacer le mot :

filiale

par les mots :

direction dédiée

V.  -  Alinéas 29 et 59

Supprimer ces alinéas.

M. Joël Bigot.  - Cet amendement de repli est néanmoins important. Par ses spécificités, en particulier celle de porter un patrimoine public vieux de 150 ans, SNCF Réseau doit demeurer un EPIC. Ce statut est essentiel pour protéger le gestionnaire d'une infrastructure clé, garantir son indépendance et assurer la maîtrise publique du réseau ferroviaire. Nous rejetons la transformation de SNCF Réseau en société anonyme, soumis au droit commun des sociétés. Dans les secteurs de l'énergie, le processus de transformation en SA s'est traduit par l'ouverture du capital de la filiale gestionnaire des infrastructures de transport d'électricité à haute tension.

Mme le président.  - Amendement n°256, présenté par M. Cornu, au nom de la commission.

Alinéa 6, première phrase

Remplacer les mots :

du présent code, ainsi que

par le mot :

et

M. Gérard Cornu.  - C'est un amendement rédactionnel.

Mme le président.  - Amendement n°235, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La part publique du capital des filiales de la société nationale SNCF, de la société SNCF Réseau et de la société SNCF Mobilités est également incessible.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Encore un amendement de repli. S'il y a transformation en SA, ce que nous ne souhaitons pas, garantissons au moins que les parts du groupe mais aussi de ses filiales soient incessibles.

Mme le président.  - Amendement n°23, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 15

1° Après les mots :

d'État et

insérer les mots :

, de manière dérogatoire,

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces dérogations sont soumises à l'avis conforme de la commission nationale mixte instituée par l'arrêté du 12 décembre 2000.

M. Pascal Savoldelli.  - Visiblement, l'objectif est non négociable : la fin du statut de cheminot en 2020. Après l'avoir renvoyé aux ordonnances, vous l'avez intégré au projet de loi. Cela permettrait d'économiser 100 millions d'euros, les syndicats ne partagent pas cet optimisme. Ce chiffre ne repose d'ailleurs sur aucune étude sérieuse. En quoi le privé serait-il plus efficace et moins coûteux que le statut de cheminot sur le travail de nuit, le travail le week-end ? Il va falloir nous l'expliquer.

De 2007 à 2017, 25 000 emplois ont été supprimés à la SNCF. Dans le même temps, le taux de productivité des cheminots a augmenté de 35 % ! La productivité, cela devrait parler à mes collègues Les Républicains. Si la contribution des cheminots n'est pas un problème, pourquoi supprimer le statut ? Quel est l'intérêt ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Mme le président.  - Amendement n°35, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Alinéa 24

Après le mot :

voyageurs

supprimer la fin de cet alinéa.

II.  -  Alinéas 32 et alinéa 41, première phrase

Remplacer les mots :

La filiale mentionnée au 5° de l'article L. 2111-9

par les mots :

SNCF Réseau

III.  -  Alinéa 59, première phrase

Supprimer les mots :

, de sa filiale chargée de la gestion unifiée des gares de voyageurs mentionnée au 5° de l'article L. 2111-9 du code des transports

Mme Christine Prunaud.  - Nous nous opposons à la filialisation de Gares et Connexions. Ce projet n'est pas nouveau, il s'inscrit dans le grand mouvement engagé en Europe depuis un quart de siècle. Les gares représentent le premier accès à la ville, elles sont la garantie d'une desserte fine du territoire ; elles soulèvent des enjeux de société et de sécurité.

D'autres choix que la filialisation sont possibles : une direction dédiée au sein de SNCF Réseau. En tout, la privatisation, qui ne repose que sur des choix idéologiques, n'est pas acceptable.

Mme le président.  - Amendement n°214, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 24

Remplacer les mots :

à travers une filiale dotée d'une autonomie organisationnelle, décisionnelle et financière

par les mots :

; cette activité est exercée directement par SNCF Réseau dans des conditions définies par décret en Conseil d'État propres à garantir l'indépendance des fonctions essentielles du gestionnaire de gares et l'autonomie de son activité

M. Olivier Jacquin.  - La ministre insiste pour une meilleure unité. Or une filialisation éloignerait Gares et Connexions de SNCF Réseau. On a compris la crainte de voir diluer les gains de Gares et Connexions dans la dette de SNCF Réseau et, inversement, Gares et Connexions être empêché de souscrire des prêts à cause de la dette de SNCF Réseau. Cependant, une direction dédiée offrirait des garanties suffisantes.

Mme le président.  - Amendement n°233, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 24, 32, 41 et 59

Remplacer le mot :

filiale

par les mots :

direction dédiée

M. Olivier Jacquin.  - Défendu.

Mme le président.  - Amendement n°168, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 24

Après le mot :

filiale

insérer les mots :

dont elle exerce le contrôle

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Le Gouvernement est favorable à une réunification dans le cadre de la filialisation de Gares et Connexions. Renforcer l'autonomie de la filiale est bon à condition de ne pas trop éloigner Gares et Connexions de SNCF Réseau, sans quoi on n'atteindra pas la synergie recherchée.

Mme le président.  - Amendement n°236, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 24

Compléter cet alinéa par les mots :

et dont le capital est intégralement détenu par des capitaux publics

Mme Nelly Tocqueville.  - Le capital de la nouvelle filiale Gares et Connexions doit être détenu intégralement, et pas seulement majoritairement, par des capitaux publics : l'État et, pourquoi pas, des collectivités territoriales.

Mme le président.  - Amendement n°237, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 24

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Siègent au conseil d'administration de cette filiale des représentants des collectivités territoriales, des organisations syndicales représentatives et des associations agréées d'usagers des transports. Leur nombre et répartition sont fixés par décret.

M. Olivier Jacquin.  - Au conseil d'administration de Gares et Connexions doivent siéger toutes les parties prenantes qui pèseront sur les orientations et décisions relatives à la gestion des gares.

Mme le président.  - Amendement n°129, présenté par M. Longeot.

Alinéa 36

Compléter cet alinéa par les mots :

, visant en particulier à assurer la prise en compte de ses états comptables dans ceux de SNCF Réseau selon la méthode de la mise en équivalence

M. Jean-François Longeot.  - Un euro investi dans une gare, c'est quatre euros investis dans le quartier de la gare. Cet amendement technique est indispensable si nous voulons que Gares et Connexions puisse emprunter sans ce que cela ne s'ajoute à la dette de SNCF Réseau.

Mme le président.  - Amendement n°238, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 38

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la filiale mentionnée au 5° de l'article L. 2111-9 crée une société de gestion pour gérer les espaces commerciaux des grandes gares, des représentants des collectivités territoriales, des organisations syndicales représentatives et des associations agréées d'usagers des transports siègent à son conseil d'administration. Leur nombre et répartition sont fixés par décret.

M. Olivier Jacquin.  - Parce que les gares gèrent le ferroviaire, l'intermodalité et assurent des fonctions de service et de commerce, Il faut élargir la composition de leur conseil d'administration.

Mme le président.  - Amendement n°239, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 38

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les gares, des espaces destinés à des activités à but non lucratif sont réservés aux collectivités territoriales.

Mme Angèle Préville.  - Les collectivités territoriales doivent disposer d'un droit d'option sur les espaces commerciaux des gares. Elles pourraient en réserver une partie pour y installer maison de service public, activités associatives reconnues d'utilité publique, crèche ou encore des salles de réunion. C'est l'occasion de réenchanter nos gares.

M. Alain Fouché.  - C'est un bon amendement !

Mme le président.  - Amendement n°213, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 41

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Pour tout projet afférent à l'avenir d'une gare, les collectivités territoriales sont associées.

M. Olivier Jacquin.  - Notre commission a renforcé l'autonomie des gares et l'association des collectivités territoriales à leur gouvernance, ce dont nous nous réjouissons. Nous proposons d'aller plus loin.

Mme le président.  - Amendement n°36, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 42 et 43

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

«  Le projet de contrat et les projets d'actualisation sont soumis pour avis à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, au Conseil économique, social et environnemental et au Parlement. » ;

M. Guillaume Gontard.  - Seule l'Arafer est consultée sur les projets de contrats concernant les gares. La troisième assemblée constitutionnelle, le CESE, n'est ni saisie ni informée. Nous voulons renforcer le contrôle de la représentation nationale sur les gares, si importantes pour le paysage de nos villes et la qualité du service public.

Mme le président.  - Amendement n°74, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 45

Supprimer les mots :

, directement ou à travers ces filiales,

Mme Cécile Cukierman.  - L'externalisation des activités par la filialisation va contre l'idée d'une meilleure intégration. Durant l'examen du texte à l'Assemblée nationale, Mme la ministre a annoncé la filialisation du fret. Cela condamnerait la branche à l'équilibre quand elle doit investir pour se développer. Comment comprendre que le marché d'intérêt national de Rungis ne soit desservi que par une ligne ?

Mme le président.  - Amendement n°75, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Alinéa 46

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Elle exploite selon les principes du service public, les services de transport ferroviaire sur le réseau ferré national.

II.  -  Alinéas 62 à 64

Supprimer ces alinéas.

M. Pierre Ouzoulias.  - Nous voulons réintroduire dans la loi la notion fondamentale de service public. Que signifie-t-elle ? Quelque chose de tout simple : assurer la continuité du service sur tout le territoire en réinvestissant les gains réalisés pour maintenir les lignes moins rentables. D'ailleurs, on parle beaucoup de rentabilité mais comment, en termes comptables, mesurer l'intérêt de la gare d'Ussel pour la Haute-Corrèze ? La péréquation s'organise mieux sur un réseau plus large.

Mme le président.  - Amendement n°257, présenté par M. Cornu, au nom de la commission.

Alinéa 46

Après le mot :

réserve

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

du second alinéa du II de l'article 1er ter de la loi n°      du         pour un nouveau pacte ferroviaire.

M. Gérard Cornu, rapporteur.  - C'est un amendement de coordination.

Mme le président.  - Amendement n°149 rectifié quinquies, présenté par Mmes Lienemann et Meunier, M. Tourenne, Mme Préville, MM. M. Bourquin, Duran et Todeschini, Mmes G. Jourda et Monier et M. Tissot.

Alinéa 50

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« I.  -  Tout accord collectif négocié au niveau du comité de groupe mentionné au III s'applique dans les mêmes termes au sein des sociétés du groupe public unifié...

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Nous sommes opposés à la remise en cause du statut de cheminot. L'alinéa 50 nous inquiète également : il ouvre la possibilité des conventions collectives de filiales différentes de la convention de groupe.

Mme le président.  - Amendement n°216, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 50

Compléter cet alinéa par les mots :

en vue d'un large socle de droits communs à l'ensemble de ces sociétés

M. Claude Bérit-Débat.  - Il faut garantir un même socle de droits au sein du groupe pour faciliter la mobilité professionnelle et préserver une forme de solidarité sociale, ce qui n'interdit pas la subsidiarité.

Mme le président.  - Amendement n°150 rectifié quinquies, présenté par Mmes Lienemann et Meunier, M. Tourenne, Mmes Préville, G. Jourda et Monier et MM. M. Bourquin, Duran, Todeschini et Tissot.

Alinéas 52 et 53

Supprimer ces alinéas.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Défendu.

Mme le président.  - Amendement n°151 rectifié quinquies, présenté par Mmes Lienemann et Meunier, M. Tourenne, Mme Préville, MM. M. Bourquin, Duran et Todeschini, Mmes G. Jourda et Monier et M. Tissot.

Alinéa 53

Remplacer le mot :

six

par le mot :

douze

et les mots :

un décret en Conseil d'État

par les mots :

une loi votée par le Parlement

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Défendu.

Mme le président.  - Amendement n°77, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 59, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Ces statuts prévoient par une clause spécifique l'inaliénabilité des actions détenues par l'État.

M. Fabien Gay.  - Nous voulons que les actions de la société anonyme créée par la présente loi en lieu et place de l'EPIC soient réellement incessibles. Ce que fait une loi, une autre loi peut le défaire. On l'a vu avec d'autres groupes industriels. La loi entérine le changement de statut. Peu à peu le capital est ouvert, et de public nous passons à privé. Voyez EDF, GDF, France Telecom...

Mme Fabienne Keller.  - Déjà dit !

M. Fabien Gay.  - Nous n'avons aucune foi dans vos promesses et pseudo-garanties.

Nous voulons une clause d'inaliénabilité pour une durée déterminée. Cela ne prémunit toutefois pas contre une augmentation du capital, mais c'est déjà une garantie.

Le droit à la mobilité est d'intérêt général. Cet amendement clarifierait les intentions du Gouvernement.

Mme le président.  - Amendement n°78, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 59, après la première phrase

Insérer deux phrases ainsi rédigées :

Ces statuts prévoient un mécanisme d'agrément pour la cession des actions détenues par l'État. Cet agrément est donné par l'Assemblée générale des sociétés anonymes.

Mme Christine Prunaud.  - Dans la même logique que le précédent, cet amendement sécurise le statut de l'entreprise SNCF, de SNCF Mobilités et SNCF Réseau.

Les garanties apportées par le texte sont insuffisantes : cet amendement insère dans les statuts une clause d'agrément, qui permet traditionnellement de contrôler l'entrée de tiers au capital et la répartition des titres. Les agréments seraient votés par l'assemblée générale. Ils s'accompagneraient d'une démocratisation de la gouvernance associant les usagers et le personnel aux décisions. Les représentants de l'État, seuls, n'auraient pas la majorité des voix. Nous avons pour but un meilleur dialogue et la préservation des intérêts publics.

Mme le président.  - Amendement n°76, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 61

Supprimer les mots :

à cette date

Mme Éliane Assassi.  - L'alinéa 61 a été introduit par amendement à l'Assemblée nationale, sans concertation. Il introduit la date du 1er janvier 2020 pour la fin des recrutements au statut de cheminot ; cela pour servir l'ouverture à la concurrence et, à terme, la privatisation. Le rail étant le même pour tout le monde, seule la pression sur les salaires permettra la différenciation.

Une seule voie est envisageable : maintenir et améliorer le statut des cheminots.

Mme le président.  - Amendement n°29, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 64

Remplacer l'année :

2023

par l'année :

2033

M. Fabien Gay.  - On nous reproche de répéter nos arguments, mais ils ne sont pas réfutés !

Il conviendrait de faire le bilan des ouvertures à la concurrence précédentes, en particulier le fret. En 2003, date de sa privatisation, la part du fret ferroviaire était de 18 %. Quelle est-elle aujourd'hui ? Je vous le demande...

Mme Fabienne Keller.  - C'est vous qui avez la parole !

M. Fabien Gay.  - Eh bien elle n'est plus que de 10 % ! Il convient de mieux préparer cette évolution défavorable, en reportant sa date à 2033.

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

Mme le président. - Il est minuit. Je vous propose de poursuivre, afin d'entendre les avis de la commission et du Gouvernement, jusque vers minuit et demi. (Assentiment) Il en est ainsi décidé.

M. Gérard Cornu, rapporteur.  - (Exclamations sur les bancs du groupe CRCE) J'ai longuement répondu, tout à l'heure, sur la suppression d'un article ; mais je répondrai aussi précisément que possible à tous les autres.

Sur les amendements nos68, 232 et 69, qui suppriment la transformation des EPIC en société anonyme, avis défavorable.

L'amendement n°71 précise que le groupe public unifié concourt à la solidarité nationale ; mais la rédaction actuelle le satisfait en mentionnant les missions de service public du groupe. Avis défavorable.

Les amendements nos3 rectifié octies, 70 et 183 rectifié traitent des objectifs écologiques. On peut les détailler à l'envi, mais ils sont couverts par l'objectif de développement durable, qui inclut évidemment l'environnement, mentionné dans le texte. La dénomination de notre commission est très claire. La loi ne doit pas être trop bavarde : avis défavorable.

L'amendement n°24 interdirait à SNCF Mobilités d'exercer des activités de transport ferroviaire à travers une filiale comme Keolis, qui participe au développement des activités du groupe public unifié ; avis défavorable.

L'amendement n°25 est d'objet similaire. Avis défavorable.

L'amendement n°215 élargit le périmètre du groupe public unifié à toutes les filiales exerçant une activité de transport ferroviaire ou liée aux gares. Mais les trois entités ont une cohérence sociale ; le projet de loi conserve cette unité. Il serait incohérent de l'étendre à des filiales qui n'emploient pas des salariés sur le même statut. Avis défavorable.

Avis défavorable aussi à l'amendement n°234, qui maintient le statut public de l'entité.

L'amendement n°235 est contradictoire avec l'activité diversifiée des filiales, qui doivent pouvoir augmenter leur capital. Avis défavorable.

L'amendement n°23 fait de l'emploi sous statut une dérogation à la règle : il est contradictoire avec l'objectif de ses auteurs.

Avis défavorable aussi aux amendements n°35 et n°214, ainsi qu'à l'amendement n°233.

Mme le président.  - Amendement n°168 du Gouvernement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe CRCE)

M. Gérard Cornu, rapporteur.  - Attendez ! L'ajout proposé par l'amendement ne me semble pas pertinent. L'autonomie de Gares et Connexions lui permettra de développer ses activités. Avis défavorable. (Mme Éliane Assassi s'exclame ; on sourit sur les bancs du groupe CRCE.)

La formulation de l'amendement n°236 est étrange ; de plus le gestionnaire de gare exerce aussi des activités commerciales et urbanistiques. Il convient donc d'autoriser les entrées d'investisseurs au capital de Gares et Connexions. Avis défavorable.

L'amendement n°237 élargit la composition du conseil d'administration de Gares et Connexions ; or, celui-ci a vocation à être précisé par décret et non dans la loi. En outre, l'amendement est incomplet car il oublie la représentation de Gares et Connexions dans son conseil d'administration. Avis défavorable.

L'amendement n°129 est très technique ; il vise à séparer les dettes de Gares et Connexions et SNCF Réseau. Difficile d'expertiser la méthode comptable proposée : je m'en remets à l'avis du Gouvernement.

S'il est nécessaire d'associer les collectivités territoriales à la gestion des grandes gares, l'amendement n°238 prévoit leur représentation au conseil d'administration de toutes les sociétés de gestion des espaces commerciaux. C'est excessif ; avis défavorable...

M. Alain Fouché.  - Mais non !

L'amendement n°239 autorise les collectivités territoriales à préempter les espaces en gares au profit de certaines activités. Cela freinerait le développement commercial des gares ; de plus, la rédaction est imprécise. Avis défavorable.

Tous les projets de développement des gares seront présentés à une commission de concertation où sont représentées les collectivités territoriales ; l'amendement n°213 est satisfait. Avis défavorable.

Quant à l'amendement n°36, le Parlement a son mot à dire sur les grandes perspectives de développement, mais il ne convient pas qu'il se prononce systématiquement sur chaque projet de contrat, par ailleurs soumis à l'Arafer. Il peut s'en saisir par un débat ou une question d'actualité au Gouvernement. Cela n'entre pas non plus dans les compétences du CESE. Avis défavorable.

Avis défavorable aussi aux amendements nos74 et 75.

L'amendement n°149 rectifié quinquies n'est pas bienvenu ; faisons confiance aux partenaires sociaux. Certains sujets seront mieux négociés au niveau de chaque entité, d'autres au niveau du groupe. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°216 définit un socle de droits sociaux communs à l'ensemble des sociétés du groupe. Cette précision est bienvenue. Avis favorable. Seul le terme « large » me gêne. Voulez-vous le supprimer ?

MM. Claude Bérit-Débat et Olivier Jacquin.  - Nous acceptons la rectification...

Mme le président.  - L'amendement devient l'amendement n°216 rectifié.

Amendement n°216 rectifié, présenté par M. Jacquin et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 50

Compléter cet alinéa par les mots :

en vue d'un socle de droits communs à l'ensemble de ces sociétés

M. Gérard Cornu, rapporteur.  - L'amendement n°150 rectifié quinquies empêche toute solution en cas d'échec des négociations pour le futur accord collectif. Avis défavorable.

Avis défavorable aussi à l'amendement n°151 rectifié quinquies.

L'amendement n°77 introduit, après l'incessibilité, l'inaliénabilité. Où s'arrêtera-t-on ? (Protestations sur les bancs du groupe CRCE) Ce n'est pas plus protecteur que ce qui est déjà prévu. (On le conteste sur les mêmes bancs.) Avis défavorable.

L'amendement n°78 est inutile, puisque l'article premier prévoit l'incessibilité des titres de toutes les entités .Avis défavorable. Même avis pour l'amendement n°76, qui revient sur l'un des objectifs clés de la réforme.

L'amendement n°29 retarde de dix ans l'ouverture à la concurrence ; avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Sur les amendements nos68, 232 et 69, je ne vous surprendrai pas : avis défavorable.

On ne peut que souscrire aux objectifs de l'amendement n°71 mais ils sont satisfaits. J'ajoute que les EPIC peuvent distribuer des dividendes. Retrait ? Sinon, avis défavorable. Les amendements nos3 rectifié octies, 70 et 183 rectifié, de même, sont largement satisfaits par le texte de la commission ; retrait ?

Avis défavorable à l'amendement n°24, pour les raisons exposées par le rapporteur. Avis défavorable également à l'amendement n°25.

Je partage la préoccupation de l'amendement n°215. Elle est cependant satisfaite ; retrait ? Sinon, avis défavorable.

Avis défavorable à l'amendement n°234, qui revient sur le groupe unique. Avis favorable à l'amendement n°256 du rapporteur.

Si l'amendement n°235 était adopté, la SNCF ne pourrait pas créer Thalys avec les chemins de fer belges, ni Eurostar avec les chemins de fer anglais. Avis défavorable.

L'amendement n°23 fait du recrutement au statut la norme, quand nous voulons y mettre fin au 1er janvier 2020 ; avis défavorable.

L'amendement n°35 fait obstacle à la filialisation des gares. Avis défavorable. Vous avez évoqué un « démantèlement du patrimoine ferroviaire » ; or le domaine public ferroviaire est inaliénable. (M. Fabien Gay s'exclame.)

Avis défavorable à l'amendement n°214 : Gares et Connexions a une activité spécifique qui nécessite une autonomie au sein d'une filiale dédiée. Avis défavorable aussi à l'amendement n°233.

Avis défavorable à l'amendement n°236. Le Gouvernement n'envisage pas de faire entrer les collectivités territoriales au conseil d'administration de Gares et Connexions. Avis défavorable aussi à l'amendement n°237.

Quant à l'amendement n°129, la loi n'a pas à prévoir de dérogation aux principes comptables généraux ; mais je rassurerai M. Longeot sur l'autonomie de Gares et Connexions et sa capacité d'investissement. Avis défavorable.

Avis défavorable également à l'amendement n°238. La diversité des commerces et services dans les gares est nécessaire, mais avis défavorable à l'amendement n°239, qui est trop intrusif.

L'amendement n°213 est satisfait ; retrait ? Avis défavorable à l'amendement n°36, le texte prévoyant déjà un avis de l'Arafer, le Parlement qui légifère et contrôle, n'étant pas un organe consultatif auquel l'on demanderait un avis et cela excède le champ de compétences du CESE.

Avis défavorable aussi à l'amendement n°74 qui empêche la création de filiales par la SNCF. De même que l'amendement n°235, il aurait bloqué Thalys et Eurostar.

L'amendement n°75 rétablit le monopole de la SNCF. Là encore nous ne nous comprenons pas : le service public ferroviaire est organisé, depuis la décentralisation, par les régions et non la SNCF. Faisons-leur confiance ; avis défavorable.

Avis favorable à l'amendement n°257 de la commission.

L'amendement n°149 rectifié quinquies prive les partenaires sociaux de la possibilité d'adapter, par la voie de l'accord collectif, les modalités du dialogue social à la nouvelle organisation de la SNCF, et de définir ainsi le bon niveau de négociation, selon les thèmes, comme l'ont pourtant réclamé certaines organisations syndicales. Avis défavorable.

Avis favorable à l'amendement n°216 rectifié. Par cohérence avec l'avis sur l'amendement n°149 rectifié quinquies, avis défavorable à l'amendement n°150 rectifié quinquies ainsi qu'à l'amendement n°151 rectifié quinquies.

Même si l'amendement n°77 était voté...

Mme Éliane Assassi.  - Ah ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - ... leurs auteurs ne seraient pas rassurés, puisque même le fait d'avoir inscrit deux fois « incessibilité » dans la loi est jugé insuffisant voire suspect...

M. Fabien Gay.  - Parfaitement !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Avis défavorable à l'amendement n°77 ; comme à l'amendement n°78.

Mme Éliane Assassi.  - C'est idéologique !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - L'intention dont relève l'amendement n°76 est la suppression de l'arrêt du recrutement au statut ; mais ce faisant, il rompt la continuité sociale prévue dans la loi d'orientation des transports intérieurs (LOTI). Avis défavorable.

Enfin, avis défavorable également à l'amendement n°29. Il convient d'adapter le réseau aux régions.

M. Fabien Gay.  - Au pavé, plutôt !

Mme le président.  - Le vote de ces amendements aura lieu au début de la séance de cet après-midi. Il nous reste à examiner 244 amendements sur ce texte.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 30 mai 2018, à 16 heures.

La séance est levée à minuit trente-cinq.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Annexes

Ordre du jour du mercredi 30 mai 2018

Séance publique

À 16 heures et le soir

Présidence : M. David Assouline, vice-président, M. Vincent Delahaye, vice-président

Secrétaires : M. Éric Bocquet  -  M. Michel Raison

Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un nouveau pacte ferroviaire (n° 435, 2017-2018).

Rapport de M. Gérard Cornu, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (n° 494, 2017-2018).

Texte de la commission (n° 495, 2017-2018).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n°105 sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

Résultat du scrutin :

Nombre de votants :345

Suffrages exprimés :341

Pour :326

Contre :15

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques :

Groupe Les Républicains (145)

Pour : 142

Contre : 1 - M. Jean-Marc Boyer

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Albéric de Montgolfier

Groupe SOCR (77)

Pour : 77

Groupe UC (50)

Pour : 50

Groupe LaREM (21)

Pour : 21

Groupe RDSE (22)

Pour : 20

Abstentions : 2 - MM. Ronan Dantec, Joël Labbé

Groupe CRCE (15)

Pour : 1 - M. Pierre-Yves Collombat

Contre : 14

Groupe Les Indépendants (11)

Pour : 11

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 4

Abstentions : 2 - MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier

Scrutin n°106 sur la motion n°1, présentée par Mme Éliane Assassi et plusieurs de ses collègues, tendant à opposer la question préalable au projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un nouveau pacte ferroviaire.

Résultat du scrutin :

Nombre de votants :344

Suffrages exprimés :344

Pour :15

Contre :329

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques :

Groupe Les Républicains (145)

Contre : 144

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe SOCR (77)

Contre : 77

Groupe UC (50)

Contre : 50

Groupe LaREM (21)

Contre : 20

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Thani Mohamed Soilihi, Président de séance

Groupe RDSE (22)

Contre : 22

Groupe CRCE (15)

Pour : 15

Groupe Les Indépendants (11)

Contre : 11

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 5

N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Claudine Kauffmann

Scrutin n°107 sur l'amendement n°48, présenté par Mme Éliane Assassi et les membres du groupe CRCE, tendant à supprimer l'article premier A du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un nouveau pacte ferroviaire.

Résultat du scrutin :

Nombre de votants :344

Suffrages exprimés :264

Pour :15

Contre :249

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques :

Groupe Les Républicains (145)

Contre : 143

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, président du Sénat, Mme Catherine Troendlé, président de séance

Groupe SOCR (77)

Abstentions : 77

Groupe UC (50)

Contre : 50

Groupe LaREM (21)

Contre : 21

Groupe RDSE (22)

Contre : 19

Abstentions : 3 - Mme Maryse Carrère, MM. Ronan Dantec, Joël Labbé

Groupe CRCE (15)

Pour : 15

Groupe Les Indépendants (11)

Contre : 11

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 5

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Stéphane Ravier