Responsabilité pénale et sécurité intérieure (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.

Dans la discussion, nous sommes parvenus à l'examen des articles précédemment réservés et à l'amendement n°7 tendant à insérer un article additionnel avant l'article premier.

ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article premier

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 122-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le discernement est la conscience de l'acte commis, de ses conséquences et la capacité à en apprécier la nature et la portée. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous sommes heureux de saluer le garde des Sceaux et le président de la commission des lois, revenus de leur périple à Poitiers. Nous avions regretté leur absence hier lors de la discussion générale, sur un sujet aussi grave que l'irresponsabilité pénale. Pourtant, nous siégeons en semaine gouvernementale - le Gouvernement, maître de l'ordre du jour, aurait pu éviter la concomitance de l'examen de ce projet de loi et de l'ouverture des États généraux de la justice. Ces derniers se tiennent au cours d'une période particulière, en fin de mandat, alors que, déjà, beaucoup de lois en ce domaine ont été votées.

Cet amendement précise la définition du discernement dans l'article 122-1 du code pénal ; nous l'avions déjà déposé dans le cadre de l'examen de la proposition de loi de Mme Goulet, en mai dernier.

Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois - Cette précision me semble inutile. Tout le monde connaît parfaitement cette notion. Avis défavorable, comme la fois précédente.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice.  - Après votre réquisitoire...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il y a pire !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - ... je présente au Sénat mes excuses. Au reste, ma présence à Poitiers n'était pas illogique, aux côtés du Président de la République, pour ouvrir les États généraux de la justice. Mme Guigou, M. Buffet, Mme Vérien y étaient présents et je ne crois nullement qu'ils faisaient campagne pour le Président de la République qui n'est d'ailleurs pas candidat. S'il agit, on dit qu'il est en campagne. Devrait-il cesser ?

Nous devons agir pour la justice du futur ; d'où le choix du Futuroscope, et non des grottes de Lascaux.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Vous êtes un comique !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Madame, je vous ai vue récemment aux côtés de Mme Hidalgo sans penser une seconde que vous faisiez campagne... Tout cela relève d'une polémique stérile !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Que vous alimentez !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Cet amendement, déjà rejeté par le Sénat, est totalement inopérant. Avis défavorable.

Mme Éliane Assassi.  - Je ne souhaite pas entrer dans cette polémique sur la campagne électorale.

Nous avons dit hier que les États généraux étaient prévus depuis longtemps. Il aurait fallu inscrire l'examen de ce texte a un autre moment, d'autant que le ministre de l'Intérieur ne s'est pas non plus rendu disponible.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Je rassure mes collègues : je n'ai pas l'intention de polémiquer avec le garde des Sceaux.

La définition du discernement est essentielle, à tel point que nous en avons débattu à propos du code de la justice pénale des mineurs. Cette définition n'est à ce jour que jurisprudentielle. Mme Jourda a balayé nos arguments d'un revers de main mais il faut l'inscrire dans le code pénal pour éviter les interprétations excessives.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°37, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Le malade mental n'a pas conscience de l'abolition de ses facultés. Il ne peut comprendre ses actes.

Le dispositif proposé, bien qu'il maintienne l'article 122-1 du code pénal, dénie l'absence de discernement et l'irresponsabilité en évoquant le caractère temporaire de cette abolition. Ce n'est pas satisfaisant.

L'instauration d'un procès n'a, en outre, aucun sens à l'égard d'un aliéné. Cela n'a pour seul but que de satisfaire l'opinion publique, dans le cadre d'une loi de circonstance.

M. le président.  - Amendement identique n°71, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Guy Benarroche.  - Lors de la présentation de la motion, j'ai dit combien le texte du Gouvernement était excessivement dangereux. Il fragilise le principe fondamental du droit pénal que constitue l'intentionnalité. Je partage la démonstration de Mme Assassi.

Nous saluons le travail de la commission, mais sa rédaction ne va pas assez loin : elle ne prend en compte que la demande des victimes d'obtenir un procès. L'instruction en chambre, qui est publique et contradictoire, est préférable.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Je partage votre opinion, madame Assassi : le droit pénal ne doit pas être compassionnel. Pour autant, la société doit le comprendre pour s'en saisir, d'où le sens de la tenue d'un procès public pour prononcer, ou non, l'irresponsabilité pénale de la personne.

Cette solution qui ne modifie pas le droit en la matière a déjà été adoptée par le Sénat en mai. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Le Gouvernement a déposé un amendement de rétablissement de l'article premier dans sa rédaction issue de l'Assemblée nationale : avis défavorable à sa suppression.

Madame Assassi, vous avez parlé hier de mépris du Gouvernement à l'égard du Parlement. Mon attitude au Sénat, mon ouverture, la passion que je mets dans le débat vous interdisent de le penser. J'ai expliqué mon absence et présenté mes excuses ; nul n'a le don d'ubiquité. Quant à la vivacité, elle est indispensable au débat démocratique.

Mme Éliane Assassi.  - Je ne m'adressais pas à vous. Le Gouvernement fait souvent montre de comportements anachroniques à l'égard du Sénat - je sais que mon sentiment est largement partagé dans cet hémicycle.

Les amendements identiques nos37 et 71 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°86, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article 122-1 du code pénal, sont insérés des articles 122-1-1 et 122-1-2 ainsi rédigés :

 « Art. 122-1-1.  -  Le premier alinéa de l'article 122-1 n'est pas applicable si l'abolition du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes au moment de la commission d'un crime ou d'un délit résulte de ce que, dans un temps très voisin de l'action, la personne a volontairement consommé des substances psychoactives dans le dessein de commettre l'infraction ou une infraction de même nature ou d'en faciliter la commission.

 « Art. 122-1-2.  -  La diminution de peine prévue au second alinéa de l'article 122-1 n'est pas applicable en cas d'altération temporaire du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes au moment de la commission d'un crime ou d'un délit lorsque cette altération résulte d'une consommation volontaire, de façon illicite ou manifestement excessive, de substances psychoactives. »

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Voici l'amendement Captagon.

Un homme responsable consomme des produits stupéfiants dans le but exclusif de se donner le courage de commettre un crime ; les experts l'estiment alors irresponsable. C'est inacceptable. Nous pensons au contraire que la prise de stupéfiants dans ce but relève d'un crime.

Je conteste les reproches faits à ce texte avec l'énergie la plus farouche. L'Espagne applique une disposition analogue. Notre dispositif a été validé par le Conseil d'État. Je demande donc le rétablissement de la rédaction de l'Assemblée nationale.

La proposition du Sénat me semble contestable en ce qu'elle impose au juge la tenue d'un procès en cour d'assises. Nous préférons qu'il puisse en décider, s'agissant de la consommation de stupéfiants. Il ne faut pas priver le juge de sa liberté. Je rappelle qu'il n'est jamais tenu par les conclusions d'une expertise.

Au cours de ma carrière, j'ai assisté à une audience en chambre de l'instruction. Certains accusés sont en piètre état, la lippe pendante, incapables de comprendre : les juger publiquement ne serait pas en l'honneur de la justice.

Certes, l'audience en chambre ne répond pas aux attentes des victimes, mais cette ligne rouge ne doit pas être franchie.

En l'état, aucun procureur ne renverrait devant la juridiction correctionnelle pour consommation de stupéfiants, dont la peine maximale est d'un an. Ce point doit être modifié. Pour le reste, n'exhibons pas les fous, que nous ne devons pas juger.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi cet article :

Le chapitre II du titre II du livre Ier du code pénal est complété par un article 122-... ainsi rédigé :

« Art. 122-....  -  Est pénalement responsable la personne qui a volontairement provoqué une perte de discernement aux fins de commettre l'infraction, notamment par la consommation de boissons alcooliques, de drogues toxiques, de stupéfiants, de substances psychotropes ou de substances ayant des effets similaires. »

M. Jean-Pierre Sueur  - Monsieur le ministre, vous nous aviez demandé le retrait de cet amendement, en mai. Il est proche du vôtre. Peut-être vouliez-vous en conserver la paternité ? Il répond, en tout état de cause, au même objectif, s'agissant du premier alinéa en tout cas. Parfois le Parlement a raison avant le Gouvernement...

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Le ministre est peut-être d'accord, mais la commission des lois ne partage pas votre analyse. Une personne qui absorbe à dessein des substances psychoactives pour commettre un crime ne serait pas irresponsable pénalement, au contraire. Loin d'enlever sa liberté au juge, nous permettons au juge du fond de trancher sur l'abolition du discernement.

Si, à l'audience, le discernement de la personne était toujours aboli, elle ne serait pas jugée : avis défavorable.

Nous avons déjà voté pour notre solution en mai dernier : une personne qui consomme des substances psychoactives à dessein doit pouvoir être jugée.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Monsieur Sueur, je suis ravi que nous soyons d'accord. Ce n'est pas la première fois ...

M. Jean-Pierre Sueur.  - ... et pas la dernière, j'espère !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Effectivement !

J'ai pris à bras-le-corps la proposition de loi de Mme Nathalie Goulet et les travaux de la commission des lois sur les conditions indignes d'incarcération.

J'ai repris certains de vos amendements, sans en revendiquer la paternité.

Je ne suis pas resté les deux pieds dans le même sabot depuis nos débats du mois de mai. J'ai largement consulté des psychiatres, des experts, des avocats, et c'est après que j'ai voulu reprendre cet amendement. Je vous propose de retirer votre amendement n° 8 au profit de celui du Gouvernement.

Nous sommes très attachés à la liberté du juge. Ne mettons pas le pied dans la porte d'un avis expertal qui priverait le juge de sa liberté.

On a pu se tromper par le passé, le Sénat le sait. Le juge doit rester libre vis-à-vis des travaux d'experts.

Quant à la lippe pendante, je l'ai vue.

Repensez-y : peut-on imposer au juge un avis d'expert ? Je vous en supplie : les petits abandons peuvent en entraîner de gros.

L'amendement n°86 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°8.

L'article premier est adopté.

L'article premier bis est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article premier bis

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par Mmes V. Boyer et Billon, MM. Genet, Belin et Grand, Mme Borchio Fontimp, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Garnier, Imbert et Lassarade, MM. Reichardt, Savary, Regnard et Pellevat, Mme Belrhiti, M. Calvet, Mmes Demas et Chauvin, M. Daubresse, Mmes Noël et L. Darcos, MM. Charon, Sido et Tabarot, Mme F. Gerbaud et M. B. Fournier.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'avant-dernier alinéa de l'article 222-14 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'impact de ces violences sur la victime est pris en compte pour l'application des articles 122-1, 122-2 et 122-5 lorsque sa responsabilité pénale est engagée. »

Mme Valérie Boyer.  - Très attendu, cet amendement avait été voté en mai par le Sénat, sur tous ses bancs. La présidente de la délégation aux droits des femmes est la première cosignataire.

Valérie Bacot est sortie libre après un an de prison. L'expert psychiatre avait insisté sur l'emprise psychologique permanente de son mari et sur la violence conjugale permanente. La violence et la torture verbale attaquent le psychisme. Cela constitue le syndrome de la femme battue.

Les victimes de violences conjugales portent trop rarement plainte contre leur bourreau. La plupart du temps, une des issues de cet enfer conjugal est le suicide. Dans des cas extrêmement rares, la victime se retourne contre le conjoint car il n'y a pas d'autre issue que de tuer pour ne pas mourir, « c'est lui ou moi ». (Marques d'impatience à gauche)

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Valérie Boyer.  - Je vous demande de voter cet amendement.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement, même s'il est vrai que nous l'avons voté précédemment.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je suis totalement opposé à cet amendement qui sous-entend que la femme battue serait pénalement irresponsable. Ce n'est pas acceptable : nous devons tout faire pour inciter ces femmes à porter plainte et non à se faire justice elles-mêmes.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Tout à fait.

Mme Valérie Boyer.  - Il y a cinq mois, nous avons voté cet amendement. Quel message enverrons-nous aux victimes si nous rejetons ce que nous avons voté ? Le syndrome de la femme battue est reconnu. Ce n'est pas du tout un permis de tuer. Mais il faut reconnaître la réalité de ces victimes de violences conjugales, dont le jugement est altéré à force de coups. Inscrivons-le dans la loi : c'est notre responsabilité pour les victimes, car ce sont bien des victimes.

On ne juge pas les fous : faisons entrer ce syndrome dans notre droit.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Il est absolument faux de dire que les tribunaux ne prennent pas la situation des femmes battues en compte. Bien sûr qu'ils y sont sensibles ! Les juges personnalisent leur décision. Ils font la différence avec un crime crapuleux ; tout n'a pas changé avec un seul procès !

Dire que toute femme battue est de ce fait irresponsable est un bien mauvais message.

L'amendement n°2 rectifié bis n'est pas adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il fallait changer l'article premier et nous nous sommes ralliés à la rédaction de la commission. En revanche, nous sommes totalement opposés à l'article 2, qui introduit beaucoup de confusion.

Il ne s'agit plus de la consommation de substances « dans le but » de commettre, puis « conduisant » à commettre un crime ou un délit.

Deux objections : l'article risque d'être difficile à appliquer, et les cas concernés seraient très marginaux, selon l'étude d'impact. Vous modifiez la structure du droit sans l'assumer.

M. le président.  - Amendement identique n°38, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Éliane Assassi.  - Cet article insère dans le code pénal deux nouvelles atteintes résultant d'une intoxication volontaire.

Une caractéristique de la prise de toxiques est la perte d'ancrage avec le réel, ce qui est en parfaite contradiction avec l'idée de responsabilisation.

Cet article sera une usine à gaz.

Nous réitérons notre attachement au principe suivant lequel l'abolition du discernement au moment de l'acte est exclusive de l'intention au sens du droit pénal. Il ne peut y avoir d'exception à ce principe.

Nous partageons l'avis de la commission présidée par Dominique Raimbourg et Philippe Houillon sur l'irresponsabilité pénale, qui avait conclu à l'inopportunité d'une réforme dans ce domaine dans son rapport de février 2021.

M. le président.  - Amendement identique n°72, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Guy Benarroche.  - Cet article fragilise notre droit pénal. Il présuppose la connaissance par le mis en cause des effets des substances, alors qu'il n'en est pas expert. La pratique serait aléatoire. En effet, comment caractériser cette connaissance ? Par exemple, deux verres d'alcool ne perturberont pas un individu en bonne santé, alors qu'un verre le pourra s'il a été privé de sommeil.

La suppression de l'article 2 s'inscrit aussi dans la ligne du rapport Raimbourg-Houillon.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  -  Nous parlons ici de personnes prenant des substances psychoactives - par exemple du whisky - dont elles ne peuvent ignorer les effets et qui commettent des violences, telles que prendre la route et tuer quelqu'un. L'alcool abolit le jugement : elles ne peuvent l'ignorer.

Ce qui peut être puni n'est pas l'acte lui-même, qui est couvert par l'irresponsabilité, mais la prise de substances en connaissance de cause. Tel est l'article accepté par la commission qui donne, par conséquent, un avis défavorable aux amendements.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - J'ai peu à ajouter à l'excellent résumé de Mme le rapporteur. L'article 2 distingue l'abolition du discernement liée à une pathologie -  on ne juge pas les fous et cette ligne rouge ne saurait être franchie  - et celle qui est générée par l'intéressé. C'est extrêmement rare, il n'y a que deux exemples depuis quarante ans, mais il fallait intervenir. Légiférer après l'émotion suscitée par l'affaire Sarah Halimi ne veut pas dire légiférer mal : c'est la société qui fait évoluer le droit et non l'inverse. De plus, la Cour de cassation a reconnu qu'elle ne pouvait aller là où la loi ne le permettait pas. Elle a appelé à combler une lacune.

On ne peut traiter de la même façon un malade mental et quelqu'un qui se met en position de faire vaciller sa raison. Actuellement, celui qui abolit son propre discernement n'est pas poursuivi car la peine est tellement faible que l'on n'organise pas d'audience avec les parties civiles -  de peur que l'auteur ne les regarde en disant : « Même pas mal ! ». La prise de substances, c'est maximum un an de prison. Il fallait cette nouvelle infraction.

De plus, l'article 2 permet la constitution de partie civile des victimes.

Malgré le faible nombre de cas on ne pouvait, face au constat jurisprudentiel, rester les bras ballants. Il en va de même par exemple pour la procréation médicalement assistée. (Mme Éliane Assassi désapprouve.)

Nous sommes au rendez-vous de nos obligations. Il y avait quelque chose qui n'allait pas dans cette situation, madame Assassi. Avis défavorable.

Les amendements nos 9, 38 et 72 identiques ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°87, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 24

Rétablir le 7° dans la rédaction suivante :

7° La section 2 du chapitre II du titre II du livre III est complétée par un article 322-11-2 ainsi rédigé :

« Art. 322-11-2.  -  Est puni des peines suivantes le fait pour une personne d'avoir consommé volontairement, de façon illicite ou manifestement excessive, des substances psychoactives en ayant connaissance du fait que cette consommation est susceptible de la conduire à mettre délibérément autrui en danger, lorsque cette consommation a entraîné un trouble psychique ou neuropsychique temporaire sous l'empire duquel elle a commis un crime de destruction par l'effet d'une substance explosive ou d'un incendie ayant entrainé des atteintes aux personnes, dont elle est déclarée pénalement irresponsable en application du premier alinéa de l'article 122-1 :

« 1° Dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende, si ces faits ont entraîné la mort de la victime ou une mutilation ou une infirmité permanente ;

« 2° Sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende, si ces faits ont entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours.

« Si l'infraction mentionnée au premier alinéa du présent article a été commise par une personne qui a été précédemment déclarée pénalement irresponsable d'un homicide volontaire en application du premier alinéa de l'article 122-1 en raison d'une abolition de son discernement ou du contrôle de ses actes résultant d'un trouble psychique ou neuropsychique provoqué par la même consommation volontaire de substances psychoactives, la peine prévue au 1° du présent article est portée à quinze ans de réclusion criminelle et celle prévue au 2° est portée à dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende. »

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Pourquoi la commission s'est-elle arrêtée en si bon chemin et n'a-t-elle pas accepté d'inclure l'incendie volontaire ?

D'abord, l'atteinte aux biens qu'est l'incendie volontaire devient une atteinte aux personnes en raison de ses conséquences. Ensuite, cette infraction grave a un aspect psychiatrique.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - La commission a préféré ne conserver que les atteintes à la personne, écartant les atteintes aux biens. Avis défavorable.

L'amendement n°87 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Amendement de coordination avec la suppression de l'article 2.

M. le président.  - Amendement identique n°73, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Guy Benarroche.  - Nous sommes opposés à la fragilisation de l'irresponsabilité pénale. Il est fondamental de repenser en priorité l'expertise psychiatrique et de lui donner des moyens.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - L'article 2 étant maintenu, avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

Les amendements nos 10 et 73 identiques ne sont pas adoptés.

L'article 3 est adopté, de même que les articles 3 bis A et 3 bis

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 3 bis

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au début de l'article 706-122 du code de procédure pénale, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la chambre de l'instruction est saisie en application de l'article 706-120, le président, si l'instruction lui semble incomplète, si des éléments nouveaux ont été révélés depuis sa clôture, ou si un long délai s'est écoulé depuis l'évaluation précédent, peut ordonner l'actualisation ou le complément des expertises psychiatriques qu'il estime utiles. »

M. Jérôme Durain.  - Cet amendement est issu de la recommandation n° 2 de la mission Raimbourg-Houillon. Il permet au président de la chambre de l'instruction d'ordonner avant l'audience tout complément d'expertise opportun.

Selon le code de procédure pénale, la comparution devant la chambre de l'instruction du mis en examen doit être ordonnée par son président. Les pouvoirs de ce dernier devraient être accrus compte tenu de la nécessité d'un constat objectif de la capacité à comparaître et l'exigence d'expertises complètes, pour que la chambre puisse se prononcer sur une éventuelle hospitalisation complète.

Le président de la chambre ne peut que requérir un des experts désignés au cours de l'information pour obtenir un complément d'expertise ou la délivrance d'un certificat médical, dans l'unique perspective de statuer sur l'hospitalisation d'office.

Les chambres de l'instruction regrettent que les textes ne leur accordent pas le pouvoir d'ordonner des investigations complémentaires.

M. le président.  - Amendement identique n°39, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au début de l'article 706-122 du code de procédure pénale, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la chambre de l'instruction est saisie en application de l'article 706-120, le président, si l'instruction lui semble incomplète, si des éléments nouveaux ont été révélés depuis sa clôture, ou si un long délai s'est écoulé depuis l'évaluation précédent, peut ordonner l'actualisation ou le complément des expertises psychiatriques qu'il estime utiles. »

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Sagesse.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable : cela relève du règlement. Un projet de décret est en préparation et sera publié après l'adoption du présent projet de loi.

Un mot sur le rapport Raimbourg-Houillon. Le travail réalisé est très intéressant, mais il a été rendu avant l'arrêt Halimi, qu'il n'a donc pas pris en considération. Nous opposer ce rapport sans le préciser peut être anachronique.

Les amendements identiques nos13 et 39 sont adoptéset deviennent un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la deuxième phrase de l'article 706-135 du code de procédure pénale, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle peut ordonner d'autres mesures de soins sans consentement, prévues à l'article L. 3211-2-1 dudit code. »

M. Jérôme Durain.  - Cet amendement, issu d'une recommandation du rapport Raimbourg-Houillon, permet à la juridiction d'ordonner des soins psychiatriques sans consentement, sans hospitalisation complète, en cas de décision d'irresponsabilité pénale pour cause d'abolition du discernement. Il répond à une demande récurrente des experts psychiatres, des juges et des avocats.

Le code de procédure pénale ne prévoit que l'hospitalisation complète. Faute de quoi, l'intéressé échappe à toute obligation de prise en charge sanitaire. Or 66 % des personnes déclarées irresponsables n'ont pas besoin d'une hospitalisation complète. Pour autant, les soins devant leur être délivrés doivent revêtir un caractère obligatoire.

De ces manques découle le sentiment d'une justice insuffisamment soucieuse des victimes et de la prévention de la récidive.

M. le président.  - Amendement identique n°62, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Guy Benarroche.  - Nous avions déjà présenté cet amendement lors de l'examen de la proposition de loi rapportée par Mme Goulet. Là, il s'agit d'un point qui relève de la loi, monsieur le garde des Sceaux.

Les juges doivent pouvoir s'assurer d'un suivi pour éviter une sortie sèche.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable pour des raisons de principe. Le juge n'est pas médecin. J'ai dit -  en vain  - que le juge ne devait pas être tenu par les expertises ; de même, il ne doit pas se mêler de décisions médicales. Je redis que nous préparons un décret sur le sujet...

Les amendements identiques nos12 et 62 sont adoptés et deviennent un article additionnel.

L'article 3 ter est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 3 ter

M. le président.  - Amendement n°41, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 3 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la dernière phrase du premier alinéa de l'article 167 du code de procédure pénale, les mots : « alors remise, à leur demande, » sont remplacés par les mots : « obligatoirement remise ».

Mme Éliane Assassi.  - Le Conseil national des barreaux recommande de transmettre l'intégralité des rapports des experts aux parties, sans qu'elles aient besoin de le réclamer. L'information doit être la plus complète possible.

M. le président.  - Amendement identique n°61, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Guy Benarroche.  - Cela permettra aux parties de demander des compléments d'expertise.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je suis circonspect. Le code de procédure pénale prévoit que le juge adresse aux parties les conclusions du rapport d'expertise et, à leur demande, l'intégralité du rapport. Cet amendement est pleinement satisfait. Retrait ?

Les amendements identiques nos41 et 61 sont adoptés et deviennent un article additionnel

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°42, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Nous nous opposons à la création de cette nouvelle infraction.

Le droit pénal réprime déjà les violences commises contre les personnes dépositaires de l'autorité publique.

La Défenseure des droits considère, comme le Conseil d'État, que la création d'une nouvelle infraction spécifique aux forces de sécurité ajouterait à la complexité et la parcellisation des infractions d'atteintes aux personnes en fonction de la qualité de la victime ; et qu'elle contribuerait à la dégradation des relations entre la police et la population.

M. le président. - Amendement identique n°63, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Guy Benarroche.  - La circonstance aggravante pour violences sur personne dépositaire de l'autorité publique permet déjà de condamner plus lourdement les violences contre les policiers mais aussi contre les maires.

Loin d'apporter une protection efficace aux policiers, cette nouvelle infraction ne fait que rendre la loi pénale illisible.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Est-il déjà possible de poursuivre les auteurs de violences à l'égard des forces de sécurité ? Oui. Mais le quantum de peine maximum n'est jamais prononcé.

Cet article envoie un message de fermeté et de soutien aux forces de sécurité ; la commission souhaite donc le conserver, même si son impact réel est incertain.

Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Les jugements sont rendus de manière indépendante, en application du principe de liberté juridictionnelle.

L'article 4 vise à renforcer spécifiquement la protection des agents des forces de sécurité les plus exposés aux violences, compte tenu des lieux où ils exercent leurs missions. Avis défavorable à sa suppression.

Mme Éliane Assassi.  - Madame la rapporteure, vous semblez sous-entendre que certains ici soutiendraient les forces de police, et d'autres non. (MMStéphane Piednoir et Loïc Hervé le contestent.) Je tiens à affirmer que mon groupe soutient les forces de police !

M. Guy Benarroche.  - Cet article envoie un message, dit Mme la rapporteure. Je ne pense pas ce soit le rôle de la loi !

Mme Éliane Assassi.  - Des moyens pour la police !

Les amendements identiques nos42 et 63 ne sont pas adoptés

M. le président.  - Amendement n°75 rectifié bis, présenté par M. Paccaud, Mme Canayer, M. Chasseing, Mme Chauvin, MM. Panunzi, Cadec et Levi, Mme Thomas, MM. Burgoa, Pointereau, A. Marc, Somon et Joyandet, Mme Dumont, MM. Cardoux, P. Martin, Charon, Tabarot, Babary et Détraigne, Mme F. Gerbaud, M. Sido, Mme Borchio Fontimp, MM. B. Fournier et Laménie, Mme Estrosi Sassone, M. Calvet, Mmes Joseph et Puissat et MM. Wattebled, Reichardt, Longeot, E. Blanc, Pellevat, Bacci, Chauvet, Sol, Brisson, Houpert et D. Laurent.

Alinéa 2

Après le mot :

volontaire

insérer les mots : 

, une personne investie d'un mandat électif local

M. Olivier Paccaud.  - Cet amendement étend l'article 4 aux violences commises contre les élus locaux. D'abord parce que le maire est officier de police judiciaire, mais surtout parce qu'il est souvent le premier à être en contact avec des personnes en état d'ébriété susceptibles de commettre des délits. En zone rurale, la gendarmerie est loin : en attendant la patrouille, on appelle le maire ou son adjoint ! C'est lui qui prend les coups !

Cet article envoie un message de fermeté et de solidarité, dites-vous. N'oubliez pas les élus, qui sont les premiers protecteurs de leur population ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Je n'en disconviens pas, mais la commission a considéré que le texte concernait exclusivement les forces de sécurité intérieure. Nous avons, après une large consultation, émis des recommandations pour une meilleure prise en compte des violences faites aux maires. Nous ne sommes pas indifférents ! Avis défavorable. (Marques de déception à droite)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est un peu facile ! Rejeter cet amendement traduirait un mépris envers les élus locaux ? (Protestations à droite) Il n'y a ni mépris, ni oubli. J'ai pris le 15 décembre 2020 une circulaire nette et précise, pour répondre à la demande des élus des territoires ; il y a désormais des référents « élus » dans tous les parquets. J'interviens pour renforcer la coordination entre le terrain, la justice, les élus et les forces de sécurité.

En 2020, le taux de prononcé de peines de prison est de 62 % dans cette matière, en hausse de dix points par rapport à l'année précédente.

Le dramatique exemple qui nous arrive d'Angleterre nous rappelle, si besoin était, que les élus sont trop souvent victimes d'agressions insupportables. Notre arsenal législatif permet déjà de les sanctionner plus lourdement.

Mais cet article vise spécifiquement les forces de sécurité intérieures : policiers, gendarmes, gardes-champêtres, qui sont au contact direct....

M. Olivier Paccaud.  - Les maires aussi !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Pas de la même façon...

M. Olivier Paccaud.  - Quoi ? Quoi ? Vous n'avez jamais été maire !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Pas de la même façon que la BAC quand elle intervient à minuit dans un quartier sensible !

Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, ne m'enfermez pas dans un syllogisme. Ce texte vise spécifiquement les forces de sécurité. Cela ne signifie pas que je méconnais les agressions dont sont victimes les élus ! J'ai d'ailleurs défendu un maire, passionnément, quand j'étais avocat.

Avis défavorable.

Mme Françoise Gatel.  - Je suivrai l'avis de la commission. Reconnaissons qu'un important travail a été fait dans la loi Sécurité globale, grâce aux rapporteurs Hervé et Daubresse, au rapport de Rémy Pointereau et à la collaboration entre la délégation aux collectivités territoriales et la commission des lois. (M. Loïc Hervé, rapporteur, approuve.) Je salue la circulaire du ministre, les conventions signées entre les maires et les gendarmeries.

Nous souhaiterions un bilan annuel du suivi des agressions et des sanctions.

Mme Marie-Christine Chauvin.  - Dans les petites communes sans garde-champêtre, c'est le maire qu'on appelle pour éviter un drame ! Quand j'étais maire, j'ai ainsi dû intervenir, à 22 heures, parce qu'une moissonneuse-batteuse faisait trop de bruit et qu'on allait sortir les fusils... Les maires sont exposés, il faut les protéger !

M. Vincent Segouin.  - Très bien !

M. Guy Benarroche.  - L'arsenal législatif actuel suffit, dit le garde des Sceaux. Dont acte. Mais dès lors que cet article sert à envoyer des messages, je comprends que M. Paccaud fasse le parallèle : puisque cet article appelle à mieux protéger les forces de l'ordre, notre collègue propose la même chose pour les maires. Eh bien, ne faisons ni l'un ni l'autre ! (Mme Éliane Assassi s'amuse.)

M. Olivier Paccaud.  - Le ministre a mis cinq minutes à répondre : c'est qu'il fallait se défendre... (M. le garde des Sceaux manifeste son agacement.) Pas de ces gestes méprisants, monsieur le garde des Sceaux ! (M. le garde des Sceaux proteste.)

Les agressions contre les élus ont été multipliées par quatre entre 2019 et 2020. Ils sont bien « au contact », monsieur le ministre : dans les zones rurales, ils sont les premiers sur place pour assurer la sécurité, sans autre arme que leur écharpe et leur bonne volonté !

Nous sommes le « grand conseil des communes de France », disait Gambetta ; à nous de défendre les élus et de leur donner des armes juridiques.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Par correction, je prends le temps de vous répondre -  et vous me le reprochez ?

Nous sommes opposés à cet amendement, comme la commission des lois, pour une raison de cohérence du texte.

Monsieur Benarroche, je vous invite à la Chancellerie pour que vous m'expliquiez en quoi la loi n'envoie pas de messages. Elle ne fait que cela !

L'amendement n°75 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 4

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l'article 706-58 du code de procédure pénale, après le mot : « emprisonnement », sont insérés les mots : « ou portant sur une infraction commise sur un sapeur-pompier ou un marin-pompier ».

M. Jérôme Durain.  - Les agressions -  notamment de la part de personnes alcoolisées ou sous l'emprise de stupéfiants  - contre les sapeurs-pompiers sont en forte augmentation. Nous proposons d'étendre une disposition bien encadrée juridiquement, qui garantit l'anonymat des témoins.

Le Sénat s'est prononcé en ce sens par deux fois, en mars 2019 et plus récemment lors de l'examen de la proposition de loi sur la sécurité civile - même si la commission mixte paritaire ne l'a pas retenu.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis favorable, pour la troisième fois...

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Au-dessus de trois ans d'emprisonnement, on peut recourir à l'anonymisation : le seuil était de cinq ans, il a été abaissé en 2002.

Or il y a peu d'agressions dont la sanction soit en dessous de ce quantum. Votre amendement est donc satisfait. Demande de retrait.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Et il envoie un message !

L'amendement n°34 est adopté et devient un article additionnel

ARTICLE 12

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Sueur.  - L'article 12 prévoit que des prévenus peuvent être gardés à la disposition de la justice lorsqu'une juridiction s'est dite incompétente du fait d'une erreur sur la majorité ou la minorité des intéressés. Et ce, afin que les jeunes en question soient ensuite placés à disposition d'une autorité judiciaire compétente.

L'atteinte à une liberté aussi fondamentale que celle d'aller et venir ne peut être motivée par des problèmes d'organisation ou de moyens de la justice.

La rédaction ne respecte pas le droit au recours effectif et au procès équitable du mineur. Comment peut-il contester l'appréciation portée par la juridiction sur son âge ?

Enfin, comme le rappelle la Défenseure des droits dans son avis du 20 septembre 2021 sur le projet de loi, « ce texte ne respecte pas l'exigence constitutionnelle de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ».

M. le président.  - Amendement identique n°56, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Éliane Assassi.  - C'est le Parquet de Paris qui demande cette disposition, en visant la seule population des mineurs non accompagnés (MNA). Il y a là une inégalité de traitement injustifiable et une atteinte grave à la liberté d'aller et venir.

L'institution est incapable de se donner les moyens de prendre en charge les MNA !

De plus, le doute, en l'occurrence sur l'âge, doit profiter à l'intéressé.

M. le président.  - Amendement identique n°69, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Guy Benarroche.  - Cet article donne un pouvoir à un juge qui s'est déclaré précédemment incompétent sur le dossier. C'est ubuesque...

Comme pour la loi sur la confiance en la justice, on court-circuite le droit au prétexte d'accélérer et faciliter la procédure judiciaire.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Il s'agit sans doute, madame Assassi, de répondre aux difficultés concernant les MNA, mais pas seulement : cet article va au-delà et concerne aussi des majeurs.

Certes, il s'agit d'une atteinte aux libertés individuelles, mais elle est assortie de garanties suffisantes. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - J'assume cette atteinte à la liberté individuelle. Toute personne déclarant être mineure, en l'état actuel du droit, est remise en liberté, quel que soit son âge réel. Voilà la réalité !

Je veux être pragmatique. La prise d'empreinte permettra également d'identifier et de juger. Certains se cachent derrière des noms, des âges, des nationalités différentes...

Cela ne concerne pas seulement les mineurs non accompagnés et pas uniquement Paris. Les juridictions de Bordeaux, Lyon, Lille, Montpellier, Perpignan, Toulon et bien d'autres le demandent. Toutes sont confrontées à cette difficulté.

Il faut aussi penser aux victimes d'actes souvent violents. Essayons de régler la question lancinante de cette délinquance difficile à réprimer. Oui, il faut envoyer un message !

Ces jeunes resteront sous main de justice quelques heures, grâce à quoi il y aura ensuite une réponse judiciaire adaptée. J'y suis favorable. Du reste, de quelle liberté parlons-nous ? Celle de retomber sous la coupe d'exploiteurs ? De commettre de nouvelles infractions, de reprendre de la drogue ? Mon choix est vite fait. Tout se sait très vite, vous savez, non par la lecture du J.O. mais par la radio de la rue. Avis défavorable.

M. Laurent Burgoa.  - J'approuve le garde des Sceaux et notre rapporteur. Cette mesure va dans le bon sens, elle est pragmatique.

Nous avons récemment remis un rapport d'information sur les mineurs non accompagnés et nous allions dans le même sens : cette liberté est plus dangereuse pour les jeunes qu'une rétention de 24 heures. (Marques d'indignation sur les travées du groupe SER)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Éliane Assassi.  - Attention, nous parlons de mineurs, autrement dit, d'enfants ! (Protestations à droite)

Je ne partage pas votre point de vue, monsieur le garde des Sceaux, et me refuse à ce que la justice des mineurs perde progressivement sa spécificité.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Alors que fait-on ?

Mme Éliane Assassi.  - Vous parlez toujours des mesures répressives : quid des mesures éducatives ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Nous ne touchons pas ici au nouveau code de la justice pénale des mineurs, entré en vigueur le 30 septembre. Les délais, déjà, ont été réduits. J'ajoute que le tribunal peut toujours ordonner la mise en liberté. Vos réticences vous honorent, mais quelles sont vos solutions ?

Mme Éliane Assassi.  - Nous n'arrêtons pas de déposer des propositions de loi !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Que faire face à un jeune étranger qui se dit mineur ? Qui est issu du Maghreb, mais de quel pays exactement ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ce n'est pas l'objet de l'article !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Il suffit qu'il se dise mineur pour qu'on ouvre la porte en lui disant : « rentrez chez vous ». Mais où ? En outre les tests osseux ne sont pas fiables à 100 %.

Je préfère que le jeune reste sous main de justice et qu'on examine les solutions pour l'aider plutôt qu'il soit repris par la rue. (Mme Éliane Assassi s'exaspère.)

Notre législation n'est pas satisfaisante. (Mme Jocelyne Guidez approuve.) Mieux vaut agir que de le laisser en liberté ! (Mme Éliane Assassi marque son indignation.)

Les amendements identiques nos29, 56 et 69 ne sont pas adoptés

M. le président.  - Amendement n°30, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 3, première phrase

Après le mot :

sur

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

sa remise aux services de la protection judiciaire de la jeunesse qui sont chargés de garantir sa présentation devant la juridiction compétente.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement substitue au placement en détention une remise du jeune à la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), lorsque le juge s'avère incompétent. Charge à la PJJ de garantir la présentation du mineur devant la juridiction compétente.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Dans la mesure où nous avons conservé l'article précédent, avis défavorable : la PJJ ne peut fournir une telle garantie.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Les mineurs confiés à la Protection judiciaire de la jeunesse n'ont qu'une envie : fuir. C'est insoluble ! Soyons pragmatiques. Que peut faire la PJJ ? Séquestrer les gamins ? Lorsqu'ils sont placés à l'hôtel, ils se sauvent.

Travaillons plutôt sur ces sujets de façon transpartisane, car nous sommes tous préoccupés par ces situations. Confier les jeunes à la PJJ est très gentil mais ne sert à rien. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Les personnels de la PJJ apprécieront... Nous transmettrons à leurs représentants syndicaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Et que feront-ils ? Ils prendront les gamins chez eux ?

M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

L'amendement n°30 n'est pas adopté.

L'article 12 est adopté de même que les articles 13 et 14.

ARTICLE 15

M. le président.  - Amendement n°31, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous nous opposons à l'extension de l'amende forfaitaire pour les « vols à l'étalage », y compris les vols de nourriture.

La règle des deux minutes ne me laisse pas le temps de citer Victor Hugo, dans Choses vues. Dans le volume de l'année 1846, il décrit une scène, rue de Tournon, où un homme, « spectre de la misère » vole une baguette de pain. Tandis que les forces de l'ordre accourent, une dame passe en carrosse, qui ne le voit pas : si cet homme est là, et si cette femme ne le voit pas, le drame est inévitable, conclut Victor Hugo. Ce fut le point de départ des Misérables.

L'amende forfaitaire est indécente ; il faut prendre en compte l'extrême précarité.

M. le président.  - Amendement identique n°57, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°70, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Guy Benarroche.  - On cherche à soulager les juridictions, mais il faut veiller à ce que le pragmatisme des mesures n'aille pas à l'encontre des principes qui fondent la justice.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - L'amendement permet l'extinction de l'action publique par le versement d'une amende forfaitaire de 300 euros en cas de vol de faible valeur, s'il y a restitution ou indemnisation. Évidemment, cela soulagera les tribunaux. Mais est-ce fait pour cela ? Qu'en dit le ministre ?

La justice sera-t-elle plus efficacement et rapidement rendue ? Oui !

Bien sûr, j'entends l'émotion de Jean-Pierre Sueur, mais cette procédure ne sera pas de mise en oeuvre automatique. La décision de poursuivre demeure la responsabilité du Parquet : avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - L'exemple le plus récent d'état de nécessité que j'aie vu, c'est lorsqu'un groupe a volé, « par état de nécessité » selon la juge de première instance, le portrait du Président de la République ...

Jean Valjean, quand il a volé une pièce de 40 sous à Petit Gervais, aurait sûrement préféré l'amende forfaitaire à la vindicte de Javert.

L'amende fonctionne bien ; ne nous privons pas de cette réponse pénale efficace, d'autant qu'un recours est toujours possible. C'est une bonne idée, n'en déplaise à votre humanisme exacerbé.

Les amendements identiques nos31, 57 et 70 ne sont pas adoptés

M. le président.  - Amendement n°32, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 2, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Le dispositif d'amende forfaitaire ne peut en aucun cas s'appliquer aux cas de vol de produits de première nécessité.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il en va de l'humanisme comme de la laïcité : aucun qualificatif n'est nécessaire, car on est pour ou contre. Cet amendement de repli prévoit d'exclure l'application de l'amende forfaitaire en cas de vol de produits de première nécessité.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable comme précédemment.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis défavorable exacerbé.

L'amendement n°32 n'est pas adopté.

L'article 15 est adopté, de même que l'article 15 bis

ARTICLE 16

M. Laurent Burgoa .  - Cet article va dans le sens des recommandations du récent rapport d'information du Sénat sur les mineurs non accompagnés, dont je suis le co-auteur avec MM. Hussein Bourgi, Henri Leroy et Xavier Iacovelli.

La commission des lois a adopté l'article, elle l'a jugé utile et proportionné ; je le soutiendrai moi aussi.

M. le président.  - Amendement n°58, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - L'article 16 permet, sous réserve de l'autorisation du procureur de la République, la réalisation de relevés signalétiques contraints lorsque c'est l'unique moyen d'identifier une personne suspectée d'avoir commis un crime ou un délit puni d'au moins trois, voire cinq ans de prison.

Une nouvelle fois, ce sont les mineurs non accompagnés qui sont visés. Les conditions posées sont attentatoires à leurs droits et à l'intérêt de l'enfant. Cela ne devrait être qu'un dernier recours, mais les conditions posées sont beaucoup trop souples.

L'étude d'impact fait référence à une expérimentation menée à Paris en 2019 : 141 des 154 mineurs formellement identités étaient en réalité majeurs.

De plus, refuser de donner ses empreintes constitue déjà une infraction.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable. Le relevé signalétique contraint est nécessaire et encadré par des garanties que M. le garde des Sceaux va sans doute nous rappeler.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Cette mesure est réclamée par de nombreuses juridictions. Le but est d'identifier les personnes dans leurs pérégrinations ultérieures. La diversité des alias utilisés -  nom, prénom, nationalité  - est impressionnante.

En Belgique, Croatie, Estonie, Finlande, Allemagne, Grèce, aux Pays-Bas, en Pologne, Slovaquie, au Royaume-Uni, en Norvège et en Italie, des dispositifs similaires existent, en conformité avec le règlement européen du 26 juin 2013. Avis défavorable.

M. André Reichardt.  - Je voterai contre cet amendement. La loi fait parfois passer un message : quand les gens sauront qu'ils devront fournir leur empreinte, la contrainte ne sera probablement presque jamais utilisée.

L'amendement n°58 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°33, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'avocat est présent tout au long de l'opération lorsqu'il s'agit d'une personne mineure. » ;

II.  -  Après l'alinéa 20

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'avocat est présent tout au long de l'opération lorsqu'il s'agit d'une personne mineure.

Mme Michèle Meunier.  - Certains jeunes sont en très grande difficulté ; il faut qu'ils soient accompagnés par leur avocat lors du relevé d'empreintes. C'est une question d'accès au droit et de bienveillance.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - La prise d'empreinte s'effectue tout d'abord sous le contrôle du procureur de la République. Ensuite, le médecin est présent. Quant à l'avocat, il peut être là, même s'il n'a pas forcément besoin d'être présent dans l'instant. Enfin, accordons aux gendarmes et aux policiers le bénéfice d'une humanité suffisante pour bien traiter les jeunes concernés.

La présence de l'avocat complexifierait les choses. Avis défavorable.

L'amendement n°33 n'est pas adopté.

L'article 16 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 16

M. le président.  - Amendement n°59, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 388 du code civil est ainsi modifié :

1° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;

2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :

a) Après le mot : « âge », il est inséré le mot : « ni » ;

b) Sont ajoutés les mots : «, ni à partir d'examens radiologiques de maturité osseuse ou dentaire ».

Mme Éliane Assassi.  - Les tests osseux sont là pour suivre la croissance des enfants, pas pour déterminer leur âge. Ils sont peu fiables, imprécis -  tout particulièrement dans la tranche d'âge 16-18 ans  - et pourtant lourds de conséquences. Abandonnons cette méthode d'un autre âge.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Le Sénat ne préconise nullement de les abandonner, mais d'actualiser leur méthode d'interprétation. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable également. Bien sûr, ces tests sont subsidiaires et de dernier recours. Si le résultat de l'examen est contredit par d'autres éléments, le doute conduit à retenir la qualité de mineur. Seule l'autorité judiciaire peut y avoir recours. Enfin, le consentement éclairé de l'intéressé doit être recueilli dans une langue qu'il comprend, et son refus ne saurait suffire à conclure à sa majorité.

L'amendement n°59 n'est pas adopté.

L'article 19 est adopté.

ARTICLE 20

M. le président.  - Amendement n°94, présenté par M. L. Hervé, au nom de la commission.

Alinéa 15

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

2° Après le sixième alinéa des articles L. 285-1, L. 286-1 et L. 287-1, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :

« 5° bis Le titre V bis ; » 

L'amendement de coordination n°94, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Explications de vote sur l'ensemble

M. Jean-Pierre Sueur .  - Nous avons examiné ce texte dans des conditions bien particulières. De plus, il résulte du collage de deux parties, pour les besoins de la cause...

Sur l'irresponsabilité pénale, le statu quo n'était plus possible. Le SER se rallie à la rédaction de la commission des lois, même s'il eut préféré que l'article 2 ne fût pas adopté et qu'une définition du discernement figurât dans le texte. Nous aurions donc pu voter ce titre I.

Mais nous ne pouvons pas voter le titre II, sur la sécurité intérieure.

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - Dommage ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous approuvons certaines mesures, sur le contrôle des armes ou la protection des forces de l'ordre. Mais, sur la vidéosurveillance en garde à vue et sur les drones, aucun de nos amendements -  pourtant recommandés par la Cour de cassation, la CNIL, le Conseil national des barreaux  - n'a été retenu, et nous avons fait part de nos réticences sur d'autres sujets. Le SER s'abstiendra. (On ironise à droite.)

Mme Catherine Di Folco .  - Le groupe Les Républicains est satisfait des modifications apportées par la commission des lois. La rédaction de l'article premier est une avancée pour les victimes.

Le titre II comprend des dispositions qui améliorent la réponse pénale.

Merci à nos rapporteurs. Le groupe Les Républicains votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Éliane Assassi .  - Je ne nie pas l'intérêt de nos débats, mais ce texte relève plus du pot-pourri de mesures que du texte cohérent.

Nos échanges ont certes été passionnés, mais ils ont fait apparaître nos désaccords profonds. Le projet de loi ne répond pas au modèle de société que nous voulons. Le CRCE votera contre.

M. Guy Benarroche .  - Dès l'examen de la question préalable, notre groupe avait déploré le contenu de ce texte, mais aussi son calendrier et sa visée électoraliste à l'approche des élections présidentielles.

Nous ne partageons pas la doctrine du Gouvernement et de la commission en matière de responsabilité pénale ni de répression des atteintes contre les forces de sécurité. De même pour la captation d'images, notamment la vidéosurveillance en garde à vue, les drones et les caméras embarquées. Nous ne partageons pas non plus les dispositions relatives aux mineurs. Le seul point positif de ce texte concerne le contrôle des armes.

Le GEST votera contre.

M. Alain Richard .  - Le RDPI votera ce texte avec satisfaction. La période politique est intense : ce débat éclaire les conceptions de chacun. (Mme Éliane Assassi approuve.)

À la fin du débat, je suis plus heureux d'être du côté où je suis. (M. Thani Mohamed Soilihi approuve ; M. le ministre s'en félicite. Applaudissements sur les travées du RDPI)

À la demande du groupe CRCE, l'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°11 :

Nombre de votants 330
Nombre de suffrages exprimés 263
Pour l'adoption 235
Contre    28

Le Sénat a adopté.

Prochaine séance demain, mercredi 20 octobre 2021, à 15 heures.

La séance est levée à 16 h 55.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 20 octobre 2021

Séance publique

À 15 heures

Présidence : M. Gérard Larcher, président 

Secrétaires : M. Loïc Hervé - M. Daniel Gremillet

1Questions d'actualité

À 16 h 30 et le soir

Présidence : Mme Valérie Létard, vice-présidente, Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

2. Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, créant la fonction de directrice ou de directeur d'école (texte de la commission, n° 57, 2021-2022)

3. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à réformer l'adoption (texte de la commission, n° 51, 2021-2022)