Groupe interparlementaire d'amitié

France-Europe du Nord (1 ( * ))

L'égalité hommes-femmes au travail, un atout pour l'entreprise : le modèle norvégien

Actes du colloque du 26 septembre 2013

Sous le haut patronage de M. Alain RICHARD,

Président du Groupe interparlementaire

France-Europe du Nord

et de

Son Exc. M. Tarald Osnes BRAUTASET,

Ambassadeur de Norvège en France

Palais du Luxembourg
Salle Clemenceau

AVANT-PROPOS

Le 26 septembre 2013, le groupe interparlementaire d'amitié France-Europe du Nord et l'Ambassade de Norvège en France ont co-organisé, au Sénat, un colloque consacré à l'égalité hommes-femmes au travail.

La Norvège célèbre cette année le centenaire du droit de vote accordé aux femmes. Ce pays est, depuis longtemps, « à la pointe » pour ce qui concerne l'égalité entre les sexes. Dans le classement du Forum économique mondial, il est classé au troisième rang pour ses résultats en matière d'égalité ( Global Gender Gap Report ).

Rappel historique

Les femmes norvégiennes ont obtenu le droit de voter en 1913, après plus de 30 ans de luttes féministes. Après le refus du gouvernement d'accorder aux femmes le droit de vote lors du référendum sur la dissolution de l'Union avec la Suède en 1905, plus de 280 000 signatures avaient été recueillies par les mouvements féministes.

Les années 70 ont été marquées par l'émergence de nombreuses organisations féministes et par la mise en place d'une politique institutionnelle d'égalité entre les sexes. La première loi sur ce sujet est entrée en vigueur en 1979, un an après la création d'un département en charge de la famille et de l'égalité des sexes au sein du ministère de l'administration et de la consommation.

La Norvège a ratifié la Convention des Nations-Unies sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard des femmes en 1981.

La même année, Mme Eva Kolstad fut nommée Médiateur chargé des questions d'égalité des sexes, fonction créée pour faire respecter ce principe. Elle a été la première fonctionnaire au monde en charge de ces questions.

La création d'un Médiateur, d'une commission et d'un conseil dévolus à l'égalité des sexes a fait de cette question un domaine juridique à part entière, en Norvège.

Aujourd'hui, les questions d'égalité des sexes dépendent du ministère de l'enfance, de l'égalité et de l'intégration (BLD). L'égalité et la non-discrimination sont réunies sous le terme général « likestilling » en norvégien, ce qui désigne aussi bien l'égalité indépendamment de toute distinction de sexes, que d'autres formes d'égalité concernant l'âge, l'origine ethnique ou encore la religion.

L'égalité politique

Dans le gouvernement nouvellement élu, les postes de Premier ministre et de ministre des finances sont occupés par des femmes, lesquelles sont actuellement aussi à la tête du parti conservateur et du parti du progrès qui forment la coalition gouvernementale.

Mme Erna Solberg (droite) est la deuxième femme à devenir Premier ministre de la Norvège, après Mme Gro Harlem Brundtland (travailliste) qui a été élue pour la première fois en 1981.

Au total, le gouvernement est composé actuellement de 9 femmes et 9 hommes. Après l'élection de 2013, les femmes représentent 39,6 % des parlementaires siégeant au Storting, ce qui est la même proportion que pour l'élection précédente en 2009.

Il y a un consensus politique sur la question de l'égalité des sexes en Norvège, mais le débat demeure quant aux moyens pour la mettre en oeuvre. La majorité des partis politiques et plusieurs grandes organisations ont aujourd'hui mis en place des règles de représentation, de façon interne, et composé leurs propres listes de candidats.

Dans le plus grand parti politique en Norvège, le Parti travailliste, le comité exécutif doit être composé à parité. Parmi les chefs de partis élus à ce jour au Parlement (Storting), cinq sont des femmes, et trois sont des hommes.

La loi sur l'égalité des sexes

La loi norvégienne, adoptée à la suite de la ratification de la Convention des Nations Unies de 1981, promeut l'égalité et assure une protection contre la discrimination fondée sur le sexe. Les mêmes chances en matière d'éducation, d'emploi, de développement sur les plans culturel et professionnel, doivent être données aux femmes et aux hommes. Les femmes et les hommes sont protégés par la loi, même si celle-ci vise à améliorer la position des femmes.

La loi contraint les employeurs et les pouvoirs publics à s'engager activement pour l'égalité des sexes. Le Médiateur pour l'égalité et la non-discrimination (LDO) veille à l'application de la loi, notamment en traitant les plaintes pour non-respect et en dispensant des conseils juridiques. Les déclarations du LDO peuvent être contestées devant la Commission pour l'égalité et la non-discrimination (LDN) qui peut prendre des décisions contraignantes.

L'objectif de la politique d'égalité des sexes est d'intégrer la parité aux niveaux central, régional et local. Le gouvernement en a la responsabilité secteur par secteur et chaque ministère est impliqué. Le ministère de l'enfance, de l'égalité et de l'intégration a la responsabilité de la coordination de cette politique.

Les quotas dans les conseils d'administration

La loi norvégienne a prévu un quota de 40 % pour les femmes dans les conseils d'administration. Dans les sociétés anonymes (SA), les entreprises qui ne satisfont pas à cette exigence se voient, en principe, refuser l'enregistrement auprès de l'administration centrale ( Brønnøysundregistrene ). En outre, ladite administration ( Brønnøysundregistrene ) peut les assigner devant les tribunaux (ils risquent en principe la liquidation mais, à ce jour, aucune société n'a été condamnée).

L'exigence de 40 % de femmes dans les conseils d'administration concerne également les entreprises à capitaux entièrement publics (entreprises d'État), les entreprises intercommunales, les grands regroupements d'entreprises et les grandes sociétés anonymes qui appartiennent pour plus des deux tiers aux communes.

Ces quotas ont fait l'objet de vifs débats lorsqu'ils ont été adoptés, aujourd'hui apaisés. Ces règles relatives aux quotas dans les conseils d'administration des sociétés anonymes ont suscité un grand intérêt sur le plan international.

La loi a eu des effets incontestables : en 2013, en effet, la proportion de femmes dans les conseils d'administration des SA étaient de 40,5 % contre 7 % avant que la loi n'entre en vigueur en 2003. Dans les SA ordinaires -entreprises plus petites, avec peu de propriétaires, et qui ne sont pas concernées par la loi sur les quotas-, la répartition est inégale avec seulement 17,7 % de femmes dans les conseils d'administration.

Cependant, bien que les femmes représentent près de la moitié des salariés en Norvège, deux dirigeants sur trois sont des hommes. Et parmi les dirigeants de haut niveau, 15,1% seulement des directeurs généraux de SA sont des femmes. Elles ne sont que 5,8 % dans les entreprises cotées en bourse.

Un service militaire mixte

En 2013, le Parlement a adopté le principe de l'instauration d'un service militaire mixte. Le gouvernement devra présenter un projet de loi d'ici à 2014, et en cas d'adoption, les femmes norvégiennes pourront effectuer leur service militaire à égalité avec les hommes à partir de 2015.

Depuis 2010, les jeunes filles sont convoquées pour une période de service obligatoire l'année de leurs 17 ou 18 ans, à l'issue de laquelle elles peuvent décider d'accepter de servir dans l'armée.

La politique familiale

L'un des principaux instruments de la politique d'égalité en Norvège est constitué par la politique familiale. L'état norvégien considère qu'en permettant de concilier travail et vie familiale, on peut aussi mieux utiliser la main-d'oeuvre dont l'économie a besoin.

Les allocations familiales garantissent un revenu aux parents lors du congé parental, et les deux parents, dans la plupart des cas, ont droit à ces allocations. Les parents se partagent un congé parental de 49 semaines (ou 59 semaines à 80 % du salaire). Les allocations permettent d'assurer les revenus de la famille dans la première année de l'enfant. Après la première année, l'enfant a droit à une place en crèche, ou bien la famille reçoit un soutien financier.

Le droit aux allocations familiales est basé sur le travail effectué durant les six derniers mois précédent le début du congé. Les mères qui n'ont pas droit aux allocations familiales ont droit à une allocation forfaitaire. Les allocations familiales sont basées sur le revenu du parent qui doit en bénéficier et couvrent son revenu total jusqu'à un certain niveau (ce qui correspond à un salaire annuel de 62 500 € en 2013). L'allocation forfaitaire est fixée par le Parlement chaque année. En 2013, elle était environ de 4 400 € par enfant.

Les trois semaines avant et les six semaines après la naissance sont réservées à la mère. Après la naissance, 14 semaines peuvent être prises par chacun des parents -quotas maternel et paternel. Au-delà, les parents peuvent se répartir librement entre eux la période « d'allocations familiales ». En cas de dépassement du quota paternel, le père doit justifier de la garde principale de l'enfant. Certaines exigences relatives à l'activité professionnelle des mères peuvent également justifier des aménagements.

Les allocations familiales sont financées par la sécurité sociale et les subventions représentaient environ 2,25 milliards d'euros dans le budget de l'État pour 2013. Il y a environ 60 000 naissances par an en Norvège. Plus de 80 % des mères et environ 70 % des pères remplissent les conditions qui permettent de bénéficier des allocations familiales.

En 2002, le Parlement a adopté un dispositif sur les crèches et les jardins d'enfants, fixant un plafond maximum et assurant un développement considérable de ces structures d'accueil. Depuis 2004, les communes ont le devoir de disposer d'un nombre suffisant de places en crèches, et depuis 2009, la place en crèche fait partie des droits individuels. Depuis l'automne 2012, l'objectif de couvrir tout le territoire a été atteint.

De 2003 à 2010, le nombre d'enfants en crèches est ainsi passé de 205 000 à 277 000, le nombre de places à temps plein augmentant lui aussi dans la même période. De 2005 à 2012, la capacité d'accueil (mesurée en heures disponibles) a augmenté de 39 %. Dans le même temps, les coûts maximaux ont été réduits de 33%.

Les subventions pour les crèches et jardins d'enfants ont presque été multipliées par sept de 2002 à 2011, atteignant ainsi les quelque 5 milliards d'euros.

Un plan d'action pour 2014

« Égalité des sexes 2014 », lancé en 2011, est le premier plan d'action sur ce sujet dans tous les domaines de la société depuis 20 ans. Le plan définit neuf objectifs : la lutte contre les stéréotypes liés au genre, la sensibilisation à l'égalité des sexes dès la petite enfance et dans l'éducation, des conditions de travail favorables à la famille et à l'égalité parentale, l'établissement de la parité dans tous les domaines du marché du travail, la répartition équitable des ressources économiques et du pouvoir, une démocratie plus égalitaire, l'égalité des chances pour les femmes et les hommes pour la santé, la lutte contre la violence et les abus, et enfin l'égalité au niveau international. Ceci représente un total de 86 nouvelles mesures d'égalité sous l'égide de différents ministères.

La Norvège promeut également l'égalité sur la scène internationale. Toutes les opérations norvégiennes pour la paix et la sécurité à l'étranger doivent intégrer la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité. Pour mettre en oeuvre cette résolution, le gouvernement a lancé, en 2011, un plan stratégique qui vise à promouvoir l'influence et la participation des femmes dans les activités de consolidation de la paix et à renforcer la protection des femmes dans les conflits armés 2 ( * ) .


* ( 1 ) Membres du groupe d'amitié France-Europe du Nord : M. Alain RICHARD, Président ; Mme Leila Aïcha, M. Bertrand AUBAN, M. Gérard BAILLY, M. Philippe BAS, M. Pierre CAMANI, M. Christian CAMBON, Mme Karine CLAIREAUX, Mme Cécile CUKIERMAN, M. Ronan DANTEC, M. Philippe DARNICHE, Mme Catherine DEROCHE, M. Vincent EBLÉ, Mme Anne EMERY-DUMAS, M. Alain FAUCONNIER, M. François FORTASSIN, M. Thierry FOUCAUD, M. Jean-Paul FOURNIER, M. Yann GAILLARD, M. Gaëtan GORCE, M. Joël GUERRIAU, M. Jean-François HUMBERT, Mme Hélène LIPIETZ, M. François MARC, M. Pierre MARTIN, Mme Colette MÉLOT, M. Jean-Claude MERCERON, M. François PILLET, M. Michel SAVIN, M. Jean-Marc TODESCHINI, M. René VANDIERENDONCK

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N° GA 112 - Septembre 2013

* 2 Sources : Gouvernement (http://www.government.no), ministère de l'Enfance, de l'Egalité et de l'Intégration (http://www.government.no/bld), Parlement (http://stortinget.no/en/In-English/), Bureau central des statistiques (www.ssb.no/en ), Forum économique mondial : « The Global Gender Gap Report 2013 » (www.weforum.org)

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