C. UNE RÉFORME EMBLÉMATIQUE : LA NATIONALISATION DE LA DISTRIBUTION DU TABAC

La nationalisation de la distribution du tabac est une réforme à grande visibilité, entrée en vigueur le 15 juillet 2013, dont la presse française s'est largement faite l'écho.

Si nul ne peut blâmer l'objectif mis en avant par le gouvernement, à savoir limiter l'accès des jeunes au tabac et en dissuader l'achat 10 ( * ) en créant des points de vente standardisés, à la vitrine aveugle et rébarbative et dont l'accès est interdit aux moins de 18 ans, la mise en oeuvre de la réforme suscite des interrogations.

Les points de vente des produits du tabac ont drastiquement diminué : de plus de 42 000 avant la réforme, quand la distribution était totalement libéralisée 11 ( * ) , les Hongrois ne disposent aujourd'hui plus que de 5 400 lieux spécifiquement dédiés à la vente de ces produits, soit une baisse de 87 % ! La loi, adoptée en deux jours seulement, autorise désormais un seul débit par îlot de 2 000 habitants et les candidats choisis ont reçu leur concession pour une durée de vingt ans. Deux effets pervers ont immédiatement suivi l'entrée en vigueur de la réforme :

- de nombreux petits commerçants ont perdu la possibilité de vendre du tabac, faisant peser un grand danger sur la pérennité de leur activité, alors même qu'une part considérable de leur chiffre d'affaires dépendait des recettes sur les produits du tabac (une part oscillant entre 80 et 85 %) ;

- des zones dépourvues de points de distribution ont vu le jour : dans certains villages où l'activité n'a pas été jugée assez rentable, aucun point de vente n'a été prévu, obligeant les habitants à faire plusieurs kilomètres pour s'acheter un paquet de cigarettes. Plus de 1 400 villages sont actuellement dans ce cas, avec le risque de développement du marché noir qu'implique ce type de situation.

En outre, du fait de cette réforme, le prix du tabac a augmenté pour le consommateur final, de telle manière que la marge bénéficiaire autorisée est passée de 4 % à 10 %.

Mais c'est principalement sur le mode d'attribution des concessions des débits de tabac que se concentrent les critiques. Le Gouvernement avait annoncé que les débits de tabac seraient attribués à des petits entrepreneurs, à des familles défavorisées ou à des personnes à mobilité réduite. Il semble qu'un grand nombre de débits aient été attribués à des parents ou entrepreneurs proches du pouvoir en place, à des maires, voire à des prête-noms de grands propriétaires.

Un hebdomadaire hongrois indépendant, HVG , a résumé cette affaire comme « la plus importante opération de corruption étatique jamais organisée en Hongrie » et le moyen de se constituer une clientèle politique fidèle et loyale à l'approche des prochaines élections législatives. Le mouvement de protestation né de cette réforme - « buralistes en colère » - estime que seules 10 % des personnes ayant remporté les appels d'offres sont de vrais buralistes.


* 10 En Hongrie, le taux de fumeurs est l'un des plus élevé du continent (32 % de la population).

* 11 Les produits du tabac pouvaient être achetés dans les supermarchés, les bars, les épiceries, etc.

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