TROISIÈME PARTIE :
CÔTE D'IVOIRE (19-21 SEPTEMBRE)

Le groupe interparlementaire d'amitié suit avec attention l'évolution de la situation en Côte d'Ivoire.

Ses membres ont de fréquents contacts avec les parlementaires ivoiriens et le groupe a reçu, en juin 2013, l'ambassadeur de Côte d'Ivoire en France, M. Charles Providence Gomis. Plusieurs opérations de coopération inter-parlementaire avec les personnels de l'Assemblée nationale de Côte d'Ivoire ont également lieu chaque année.

Au cours de ce déplacement, la délégation du groupe a pu s'entretenir avec de très nombreuses personnalités politiques, appartenant à l'ensemble de classe politique ivoirienne : Rassemblement des Républicains (RDR), Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) et Front populaire ivoirien (FPI). Elle a notamment rencontré à deux reprises le Premier ministre et les parlementaires appartenant à la commission des Relations extérieures. Elle a également pu s'entretenir avec plusieurs ministres, dont le ministre de l'Intégration africaine et des Ivoiriens de l'extérieur et le ministre auprès du Président de la République chargé de la Défense.

Ces différents entretiens avaient pour but de mieux appréhender l'évolution de la situation politique intérieure de la Côte d'Ivoire, mais également de recueillir l'analyse des autorités ivoiriennes sur l'évolution de la sous-région d'Afrique de l'Ouest.


Côte d'Ivoire : éléments clés

Données démographiques :

Population : 22,6 millions d'habitants (Banque Mondiale, 2011 )

Densité : 60 hab/km² (Banque de France, 2008 )

Croissance démographique : 2 % (Banque Mondiale, 2012 )

Espérance de vie : 57,25 ans (Banque Mondiale, 2012 )

Taux d'alphabétisation : 48 % (PNUD)

Religion(s) : islam : 38,6%, christianisme : 32,8%, animisme : 11,9%, sans religion : 16,7% (CIA World Factbook)

Indice de développement humain : 168 ème / 186 pays (PNUD, 2012 )

Classement Transparency International : 136 ème / 177 pays

Données économiques :

PIB : 24,6 milliards de dollars US (Banque Mondiale, 2011 )

PIB par habitant : 1 054 dollars US (Banque Mondiale, 2012 )

Taux de croissance : 9,8 % (Banque Mondiale, 2012)

Taux d'inflation : 8,1 % (Banque Mondiale, 2008 )

Solde budgétaire : - 0,4 % du PIB (Banque de France - 2008 )

Balance commerciale : 1 468 milliards de francs CFA (FMI)

Principaux clients (Economist Intelligence Unit, 2009) : Pays-Bas (13,9%) ; France (10,7%) ; États-Unis (7,8%) ; Allemagne (7,2%).

Principaux fournisseurs (Economist Intelligence Unit, 2009) : Nigeria (20,7 %), France (14,2 %), Chine (7,2 %), Thaïlande (5,1 %).

Part des principaux secteurs d'activités dans le PIB (Banque Mondiale, 2009 ).

- agriculture : 20 %

- mines : 13 %

- industrie : 27%

- services : 40%

Exportations de la France vers la Côte d'Ivoire en 2012 : 999 millions d'euros (Mission économique)

Importations françaises depuis la Côte d'Ivoire en 2012 : 545 millions d'euros (Mission économique)

Consulat de France : Abidjan

Communauté française en 2009 : 14 500 inscrits ( 2012 )

Communauté ivoirienne en France : 37 869 (MIIIDS, 2008 )

Source : ministère des Affaires étrangères

I. UN RETOUR APPARENT À LA NORMALE APRÈS DES ANNÉES DE CRISE

A. UN SYSTÈME INSTITUTIONNEL STABILISÉ ET UN PARLEMENT AU TRAVAIL

La délégation sénatoriale a pu constater, au travers des différents échanges qu'elle a eus avec les autorités politiques ivoiriennes, qu'après une période troublée ( cf . encadré ci-après), le système institutionnel est désormais stabilisé et que le Parlement est au travail.


2002-2011 : dix années troublées

La Côte d'Ivoire a connu une grave crise politico-militaire après la tentative de coup d'État opérée par une rébellion armée en septembre 2002. La France, puis la CEDEAO, ont envoyé d'importants contingents militaires pour séparer les belligérants. Cette interposition a permis d'éviter une guerre civile et de nombreux massacres. Depuis le cessez-le-feu de 2003, la Côte d'Ivoire vivait au rythme d'un processus de sortie de crise pour lequel l'organisation d'élections présidentielles et législatives justes, transparentes, libres et démocratiques constituait une étape décisive. La Communauté internationale s'est largement investie depuis 2003 afin de progresser dans cette voie. Le Conseil de Sécurité des Nations Unies a créé, le 4 avril 2004, une opération de maintien de la paix, l'ONUCI, soutenue par la force française Licorne, pour prendre le relais des contingents de la CEDEAO et accompagner le processus de paix.

Le processus de paix a connu de nombreux blocages imputables à l'absence de volonté réelle des parties, puis un brutal coup d'arrêt en novembre 2004, lorsque les forces loyalistes ont rompu le cessez-le-feu en lançant une offensive au cours de laquelle neuf soldats français ont été tués. La communauté française a alors été victime de nombreuses exactions et une partie a été évacuée (plus de 8 000 personnes). À la suite de ces événements, le Conseil de Sécurité a décidé un embargo sur les armes, prévu un mécanisme de sanctions individuelles et renforcé le mandat de l'ONUCI.

Après l'échec successif des accords de Marcoussis, Accra et Pretoria, le nouveau président de la CEDEAO, le Président burkinabè Blaise Compaoré, a organisé un dialogue direct inter-ivoirien proposé par le Président Gbagbo à la rébellion des Forces Nouvelles. Le Chef des Forces Nouvelles, Guillaume Soro, et Laurent Gbagbo ont signé le 4 mars à Ouagadougou un accord sur un processus de transition conduisant à des élections fin 2007. Un accord complémentaire a été conclu le 27 mars 2008 faisant de Guillaume Soro le nouveau Premier ministre et lui interdisant de se présenter à l'élection présidentielle.

Dans ce contexte, le mandat des forces impartiales a été régulièrement renouvelé en vue d'accompagner la mise en oeuvre de l'Accord Politique de Ouagadougou et d'aider à l'organisation des élections. Dans ce sens, le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies (RSSGNU), M. Choi, avait la mission de certifier le processus électoral.

Depuis la signature de l'Accord de Ouagadougou, des avancées tangibles avaient été constatées : gouvernement de réconciliation, suppression de la zone de confiance et de la ligne verte qui coupait le territoire en deux, organisation des audiences foraines (délivrance de plus de 600 000 jugements supplétifs de naissance), début du redéploiement de l'administration dans le Nord. Les opérations d'identification et de recensement électoral s'étaient officiellement achevées en juin 2009 et la liste électorale définitive adoptée en septembre 2010. Le premier tour de l'élection présidentielle s'est déroulé le 31 octobre 2010. Le président sortant Laurent Gbagbo et l'ex-Premier ministre Alassane Ouattara ont recueilli respectivement 38,30 % et 32,08 % des suffrages au premier tour.

À l'issue du second tour, qui s'est tenu le 28 novembre 2010, alors que la Commission électorale indépendante avait annoncé la victoire d'A. Ouattara avec 54,1 % des voix, le Conseil constitutionnel a invalidé la décision de la CEI et déclaré Laurent Gbagbo vainqueur. Le RSSGNU M. Choi a, dans le cadre de son mandat de certification, validé les résultats proclamés par la CEI. La communauté internationale (et notamment les organisations africaines -Union africaine, la CEDEAO-, mais encore l'Union européenne, les États-Unis ou la France) a alors logiquement reconnu Alassane Ouattara comme le Président élu et légitime de Côte d'Ivoire. Le Groupe de Haut Niveau des chefs d'État nommés par l'Union africaine a confirmé, dans ses conclusions rendues le 10 mars 2011 à Addis Abeba, la reconnaissance d'Alassane Ouattara comme Président de la République de Côte d'Ivoire.

Laurent Gbagbo s'est toutefois maintenu au pouvoir en nommant son propre « gouvernement » et en opérant un blocus de l'Hôtel du Golf où étaient installés le Président Ouattara et le gouvernement légitime. De nombreux appels et médiations régionales et internationales ont été mis en oeuvre afin de permettre une transition ordonnée, pacifique et respectueuse de la volonté des Ivoiriens.

Le Conseil de sécurité a adopté le 20 décembre 2010 à l'unanimité la résolution 1962 prolongeant pour une durée de 6 mois le mandat de l'ONUCI. Face au refus persistant de l'Ancien Président de quitter le pouvoir, l'Union Européenne a pris des sanctions ciblées contre Laurent Gbagbo, son entourage et ceux qui le financent. Les États-Unis et le Canada ont également pris des sanctions individuelles. L'Union africaine avait exclu la Côte d`Ivoire de ses instances jusqu'à l'arrivée au pouvoir effectif d'A. Ouattara. La communauté internationale a fait part de son inquiétude quant aux nombreuses violences et atteintes au droit de l'homme en Côte d`Ivoire.

Le Conseil des Droits de l'Homme à Genève a créé le 25 mars 2011 une commission d'enquête indépendante pour enquêter sur les exactions en Côte d'Ivoire. La Cour pénale internationale a affirmé à plusieurs reprises suivre de près la situation. Les Forces Républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI, ex-Forces Nouvelles), favorables au Président Ouattara, ont lancé le 28 mars 2011 une offensive d'envergure. Après avoir rapidement pris le contrôle de la majeure partie du pays, elles se sont engagées, le 31 mars 2011, dans Abidjan, où s'étaient retranchés les derniers éléments armés favorables à Laurent Gbagbo, notamment autour du palais présidentiel où elles leur ont opposé une forte résistance.

Le Conseil de sécurité a adopté le 30 mars 2011, à l'unanimité, la résolution 1975 par laquelle il a autorisé l'ONUCI, soutenue par la force Licorne, comme le prévoit la résolution 1962, à « utiliser tous les moyens nécessaires pour s'acquitter de la tâche qui lui incombe de protéger les civils [...], y compris pour empêcher l'utilisation d'armes lourdes contre la population civile ». La résolution imposait également des sanctions ciblées à l'encontre de Laurent Gbagbo, de son épouse et de trois de ses proches. Le 4 avril 2011, l'ONUCI et Licorne (sur demande expresse du SGNU) ont mis en oeuvre cette résolution en attaquant les sites d'armes lourdes menaçant les civils. Laurent Gbagbo a été arrêté dans sa résidence d'Abidjan par les FRCI le 11 avril 2011 ainsi que son épouse et a été transféré à l'Hôtel du Golf. Le Président Ouattara a été officiellement investi le 21 mai 2011 à Yamoussoukro. Un premier gouvernement a été nommé le 1 er juin 2011.

Source : ministère des Affaires étrangères

Sous l'autorité du Président de la République, M. Alassane Dramane Ouattara, le gouvernement conduit par M. Daniel Kablan Duncan a présenté à l'Assemblée nationale de Côte d'Ivoire de nombreux projets de loi.

Au total, 41 lois ont été adoptées en 2013, après 23 en 2012, soit une activité législative intense . Plusieurs lois portaient sur les enjeux économiques , afin de favoriser le développement économique du pays, mais d'autres portaient sur certains sujets sociaux importants, comme le foncier rural ou la nationalité et l'apatridie 13 ( * ) .

La délégation du groupe interparlementaire a pu échanger avec ses homologues de l'Assemblée nationale de Côte d'Ivoire. Elle rend hommage à Maître Fakhy Konaté, Secrétaire général de l'Assemblée nationale de Côte d'Ivoire, décédé le 26 novembre 2013, qui avait contribué au bon déroulement de ces échanges.

En l'absence du président, M. Guillaume Soro, la délégation a été accueillie à l'Assemblée nationale par la Première vice-présidente, Mme Sarra Fadika Sako. Elle a ensuite participé à une séance de travail avec des députés membres de la commission des Relations extérieures, présidée par Mme Emilienne Bobi Assa.

Les parlementaires ivoiriens ont salué l'action de la France au Mali et ont abordé plusieurs thèmes. Ils ont notamment plaidé pour la levée de l'embargo sur les armes 14 ( * ) , afin de permettre aux forces ivoiriennes de sécurité d'en recevoir. Ils ont souhaité un renforcement de la coopération bilatérale, en particulier en matière de surveillance du territoire, et se sont montrés désireux de disposer de davantage d'informations sur la mise en oeuvre du contrat de désendettement-développement (C2D, cf . infra ).

Beaucoup ont également souligné l'importance croissante de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), en regrettant à cet égard le caractère seulement consultatif du Parlement de cette institution.

Ils se sont également montrés très désireux d'accroître les échanges avec leurs homologues français et de renforcer la coopération interparlementaire, ce dont la délégation s'est réjouie.


* 13 Discours de M. Guillaume Soro, président de l'Assemblée nationale, à l'occasion de la clôture de la seconde session ordinaire de la deuxième législature, le 20 décembre 2013.

* 14 Cet embargo a été mis en place par la résolution 1572 du Conseil de sécurité des Nations Unies, en date du 15 novembre 2004, pour une durée de treize mois. Il a depuis été constamment prorogé, la dernière fois par la résolution 2101 (2013) le prorogeant jusqu'au 30 avril 2014. Il interdit ainsi à tous les États de fournir, vendre ou transférer, directement ou indirectement, des armes et du matériel connexe au gouvernement ivoirien, à partir de leur territoire ou par leurs ressortissants, ou au moyen de navires ou d'aéronefs battant leur pavillon, que ces armes et ce matériel aient ou non leur origine sur leur territoire.

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