Groupe interparlementaire d'amitié
France-Japon 1 ( * )

L'aménagement urbain en France et au Japon :
quel cadre de vie pour demain ?

Actes du colloque du 24 octobre 2013

Sous le haut patronage de M. David ASSOULINE ,

Président du Groupe interparlementaire

France-Japon

et de

Son Exc. M. Yôichi SUZUKI,

Ambassadeur du Japon en France

Palais du Luxembourg

Salle Clemenceau

I. OUVERTURE

M. Michael BISMUTH, modérateur

L'étalement des villes, sous l'effet des pressions socio-économiques, est un phénomène commun en France et au Japon, qui modifie profondément l'organisation des espaces urbains. Parmi les défis de la ville de demain, il importe d'inventer une ville durable et solidaire permettant d'améliorer le bien-être des citadins confrontés aux problèmes de logement et de trajets quotidiens domicile-travail, source de nombreuses difficultés.

L'angle d'approche est celui d'une démarche globale. Il s'agit d'envisager aussi bien la mobilité, le logement, la culture, mais aussi l'environnement. C'est à un voyage dans ce monde de solutions globales que vous invite ce colloque du Sénat, organisé par le groupe interparlementaire d'amitié France-Japon, avec le soutien du Centre japonais des collectivités locales (CLAIR Paris).

Notre programme comporte deux grandes parties. Dans une première partie, des maires français et japonais nous exposeront leurs expériences de terrain. Dans une seconde partie, des architectes urbanistes proposeront des visions prospectives de la ville de demain.

Au préalable, nous présenterons un état des lieux des politiques d'aménagement de l'espace en France et au Japon. En préambule, pour ouvrir ce colloque, nous accueillerons M. David Assouline, président du groupe interparlementaire d'amitié France-Japon, M. Yôichi Suzuki, ambassadeur du Japon en France et Mme Yôko Kimura, présidente du conseil d'administration de CLAIR.

M. David ASSOULINE, président du groupe interparlementaire d'amitié France-Japon, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd'hui au Palais du Luxembourg pour cette nouvelle édition du colloque organisé par le groupe d'amitié France-Japon du Sénat et le Centre japonais des collectivités locales, sous le patronage de l'ambassade du Japon. Permettez-moi de saluer chaleureusement le nouvel ambassadeur M. Yôichi Suzuki, qui vient de prendre ses fonctions.

Je me réjouis également de la présence parmi nous de M. Jacques Valade, ancien président du groupe d'amitié France-Japon et ancien président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat. Ambassadeur itinérant pour l'Asie, il nous fera l'honneur de clore notre colloque, en nous livrant les enseignements qu'il a tirés de sa récente enquête auprès des préfectures japonaises.

Les colloques précédemment organisés s'inscrivaient déjà dans la politique de coopération décentralisée et de diplomatie parlementaire, que le Sénat a souhaité mettre en oeuvre depuis plusieurs années. Les quatre précédentes manifestations franco-japonaises ont eu respectivement pour thème les nouvelles technologies de l'information, la décentralisation, les politiques culturelles et le développement durable, sujets majeurs et toujours d'actualité.

Le thème retenu cette année est l'aménagement urbain en France et au Japon, envisagé sous l'angle de l'amélioration du cadre de vie et dans un esprit résolument prospectif. Le colloque doit contribuer au partage d'expériences et au croisement des réflexions entre les élus locaux et les architectes-urbanistes de nos deux pays. Nous souhaitons plus largement que, dans le prolongement de la visite d'État du Président de la République, en juin dernier, et dans l'attente d'une visite du Premier Ministre Shinzô Abe, il puisse participer au renforcement des liens déjà étroits noués entre la France et le Japon.

En France comme au Japon, l'étalement des villes vers leur périphérie sous l'effet de pressions socio-économiques a profondément modifié l'organisation des espaces urbains. Son impact sur l'environnement et sur l'équilibre des territoires n'est pas neutre et il a pu contribuer à dégrader la qualité de vie des habitants.

Je ne cherche pas en dressant ce constat à conjurer le spectre des Villes tentaculaires d'Émile Verhaeren, qui évoquait les « rectangles de granite, cubes de brique et leurs murs noirs, durant des lieues, immensément par les banlieues », et ces villes où « par les ponts et par les rues, se bousculent en leurs cohues [...] des ombres et des ombres . » C'est là certes une vision poétique et puissante, mais c'est aussi une approche partielle et partiale, à laquelle on pourrait aussi bien préférer ce vieil adage allemand : « l'air de la ville rend libre ».

Inventer la ville de demain, durable et solidaire, permettant d'améliorer le bien-être de nos concitoyens est un enjeu majeur pour les communes de nos deux pays. Notre colloque tentera d'avancer des voies concrètes de transformation du cadre de vie urbain.

Il rejoint ainsi l'actualité législative, marquée par une relance de la décentralisation et par la discussion du projet de loi sur les métropoles. Le président de la commission des lois, M. Jean-Pierre Sueur qui a largement contribué à ce débat, nous présentera le cadre refondu dans lequel se développeront les villes françaises à l'avenir. M. Toshifumi Kurose, directeur du CLAIR Paris, dressera un panorama symétrique pour le Japon. Je les remercie tous deux de nous aider à clarifier les environnements juridiques et politiques nationaux.

Je remercie également les maires qui ont accepté de nous présenter les politiques concrètes qu'ils mettent en oeuvre dans leurs collectivités. Nous devons malheureusement regretter l'absence de notre collègue Roland Ries, retenu au dernier moment dans sa ville de Strasbourg. Mais je suis certain que les exemples des communes de Kumamoto, d'Iida et de Lens, représentées aujourd'hui, nous offriront des modèles opérationnels intéressants. Ils nous permettront d'appréhender diverses dimensions de l'aménagement urbain, qui pose simultanément des questions de transports, de logement, de développement économique, mais aussi celles d'accès à la culture et d'action sociale.

L'aménagement urbain ne préoccupe pas seulement le législateur et les élus locaux. J'en veux pour preuve, la récente exposition du Pavillon de l'Arsenal. Douze agences d'architectes françaises et japonaises ont travaillé à repenser l'organisation de l'espace à Paris et à Tokyo, deux capitales très denses mais dont l'histoire et la géographie physique et humaine sont extrêmement différentes. La contribution des architectes et urbanistes est indispensable pour repenser notre cadre de vie. C'est pourquoi nous avons sollicité trois d'entre eux parmi les plus reconnus, Mme Nasrine Seraji, MM. Riken Yamamoto et Rudy Ricciotti. Ils dialogueront avec les élus dans une confrontation, nourrie de leurs réalisations et de leurs projets, qui sera certainement très enrichissante. Qu'ils en soient également remerciés.

Le colloque de ce jour permettra de comparer nos cadres juridiques et nos expériences locales. Il nous aidera à tracer des pistes d'avenir sur un sujet majeur pour notre société. En comparant les situations japonaises et européennes, nous nous plaçons ainsi implicitement sous le patronage du grand intellectuel japonais de l'ère Meiji que fût Yukichi Fukuzawa, dont l' Invitation à l'étude ( Gakumon no Susume ) peut encore nous inspirer. En espérant que ce colloque nous permette à son exemple d'approfondir notre compréhension mutuelle et de dégager des solutions pragmatiques à nos problèmes communs, je vous souhaite un excellent après-midi, riche de débats et de réflexions.

M. Yôichi SUZUKI, ambassadeur du Japon en France

Alors qu'il s'agit aujourd'hui de mon quatrième jour en tant qu'ambassadeur du Japon en France, je suis particulièrement honoré de participer à ce colloque, qui représente un important vecteur pour resserrer les liens entre nos deux pays.

Je considère les échanges humains et culturels, à commencer par les échanges entre collectivités locales, avec le renforcement des liens et relations politiques et économiques, comme l'une de mes principales missions en tant qu'ambassadeur. Comme vous le savez, le renforcement des échanges entre collectivités locales constitue l'un des piliers de la déclaration conjointe franco-japonaise et de son annexe, la feuille de route pour la coopération franco-japonaise, qui ont été présentées à l'occasion de la visite d'État au Japon du Président François Hollande en juin dernier.

Ce colloque abordera des thèmes, comme l'a souligné le président David Assouline, de la vie quotidienne et de l'environnement urbain permettant de discuter de l'aménagement des villes afin d'améliorer la qualité de vie des habitants. Dans ce domaine, nos deux pays font face chacun à des problèmes qui leur sont propres, mais il est certain qu'ils en partagent également. L'importante mission des administrations locales consiste à aménager un environnement facilitant la vie des habitants au niveau des transports, du logement, de la protection de l'environnement et des installations culturelles. Ces sujets sont complexes.

Les politiques liées à l'aménagement urbain doivent être menées en étroite coopération avec les régions. Dans ce contexte, le rôle des collectivités locales, tout comme celui des gouvernements, est très important. De plus, lors de l'élaboration de ces politiques, il convient de s'assurer que celles-ci reflètent les souhaits des habitants des régions. Je souhaite que les collectivités locales de nos deux pays renforcent leurs discussions en échangeant des informations sur l'état actuel des politiques d'aménagement urbain, les problèmes à régler et les moyens de les résoudre, et qu'elles y parviennent en prenant en compte la situation actuelle des régions. Le Japon et la France doivent consentir à des efforts pour renforcer les échanges entre collectivités locales, en gardant les yeux fixés sur les quatrièmes rencontres franco-japonaises de la coopération décentralisée, qui se tiendront à Takamatsu en 2014, conformément à la feuille de route pour la coopération franco-japonaise.

Pour que cette prochaine rencontre soit une réussite, la coopération décentralisée entre nos deux pays doit se renforcer encore davantage. L'Ambassade du Japon en France apportera tout son soutien à cet effet.

Je souhaite conclure en formant des voeux de succès pour le colloque qui s'ouvre aujourd'hui. Je saisis cette occasion pour exprimer le souhait de voir les liens entre le Japon et la France, déjà très amicaux, se développer encore davantage.

Mme Yôko KIMURA, présidente du conseil d'administration du Centre japonais des collectivités locales (CLAIR)

En tant que présidente du conseil d'administration du CLAIR, je vous remercie de votre présence et je souhaiterais vous dire quelques mots de bienvenue.

Notre organisation, le CLAIR, organise des colloques franco-japonais sur l'administration locale depuis 1997, le précédent colloque s'étant tenu en 2010. Nous sommes sincèrement très heureux que ce colloque ait pu à nouveau avoir lieu en 2013, grâce à l'initiative du groupe interparlementaire d'amitié France-Japon du Sénat.

Fondation publique au Japon, le CLAIR a été créé en juillet 1988 pour soutenir et promouvoir l'internationalisation des collectivités locales japonaises.

Le CLAIR, dont le siège se trouve à Tokyo, dispose de bureaux de représentation dans sept métropoles étrangères, à commencer par Paris. Nous nous efforçons de développer notre réseau avec les collectivités locales des pays étrangers. Nous accordons une importance particulière à la France dont les bonnes pratiques territoriales pourraient servir de référence pour un grand nombre de collectivités locales japonaises. En effet, l'innovation en matière de politiques publiques pour faire face aux mutations sociales est l'une de leurs plus grandes priorités. La France est également considérée comme un marché prometteur par les collectivités locales japonaises qui cherchent à promouvoir les produits fabriqués sur leurs territoires.

Le présent colloque a pour titre « L'aménagement urbain en France et au Japon ». La France est un pays qui, dans son histoire, a cherché sans cesse à améliorer la planification urbaine. De nos jours, les communes françaises mènent la politique d'aménagement urbain en tenant compte de l'enjeu du développement durable. Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir le maire de Lens, qui nous présentera notamment l'aménagement urbain réalisé pour la mise en place du Louvre-Lens, qui suscite un grand intérêt au Japon.

M. Seishi Kôyama, maire de Kumamoto, et M. Mitsuo Makino, maire d'Iida, prendront la parole au nom des collectivités locales japonaises. Kumamoto est une grande ville de plus de 700 000 habitants qui s'est vu doter d'un statut de « ville désignée par décret » en avril 2012. La ville de Kumamoto a mené des actions innovantes pour mettre en valeur ses atouts touristiques, tels que son château, sa galerie commerciale qui est la plus grande de l'ouest du Japon, et son environnement naturel magnifique. C'est une ville qui dispose également d'une expertise dans de nombreux domaines.

Par ailleurs, la ville d'Iida se situe sur le tracé de la future ligne de train à sustentation magnétique, qui sera mise en service en 2027. Ville-centre du département de Nagano, Iida occupe une place très importante. Son maire est également le président de la Commission des affaires économiques de l'Association des maires des grandes villes du Japon. La ville d'Iida est connue pour sa politique d'aménagement du territoire qui implique les acteurs économiques et les citoyens, et son tourisme vert. Elle attire à ce titre beaucoup de décideurs d'autres collectivités qui effectuent la visite de la ville dans le cadre de leur mission d'étude.

Concernant les architectes, nous accueillons Mme Nasrine Seraji, M. Rudy Ricciotti et M. Riken Yamamoto. M. Riken Yamamoto mène une réflexion sur l'habitat du futur par rapport à ce qu'il appelle « l'espace communautaire local ». C'est un architecte d'une très grande notoriété, qui défend l'idée d'un espace de la vie locale. Sans se placer du point de vue de ceux qui fournissent les logements, il privilégie le point de vue de ceux qui les habitent. Je pense qu'il est la personnalité la plus qualifiée pour s'exprimer au cours d'un débat qui porte sur la qualité de vie ainsi que sur l'amélioration du cadre de vie. Je suis convaincue que ce colloque sera très fructueux pour les collectivités, aussi bien françaises que japonaises, afin qu'elles puissent constater à quel point leurs homologues en France ou au Japon s'investissent dans les problèmes d'urbanisme et qu'elles puissent trouver de nouvelles pistes pour leurs politiques.


* 1 Membres du groupe d'amitié France-Japon : M.  David ASSOULINE, Président, M. Nicolas ALFONSI, M. Alain ANZIANI, Mme Aline ARCHIMBAUD, M. Bertrand AUBAN, M. Christophe BÉCHU, M. Jean BESSON, M. Jean-Marie BOCKEL, Mme  Natacha BOUCHART, M.  Christian CAMBON, M. Bernard CAZEAU, M. Jean-Pierre CHEVÈNEMENT, M. Yvon COLLIN, M. Philippe DARNICHE, M. Ambroise DUPONT, M. André FERRAND, M. GAILLARD Yann, Mme GARRIAUD-MAYLAM Joëlle, M. GÉLARD Patrice, Mme GILLOT Dominique, Mme GOY-CHAVENT Sylvie, M. HÉRISSON Pierre, Mme KAMMERMANN Christiane, M. LENOIR Jean-Claude, M. LEROY Philippe, M. du LUART Roland, M. MADRELLE Philippe, M. MIQUEL Gérard, M. de MONTESQUIOU Aymeri, M. de MONTGOLFIER Albéric, Mme MORIN-DESAILLY Catherine, M. PASTOR Jean-Marc, M. PEYRONNET Jean-Claude, Mme ROSSIGNOL Laurence, M. SUEUR Jean-Pierre.

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N° GA 116 - Avril 2014

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