TABLE RONDE 2 - BIRMANIE, LAOS, CAMBODGE : QUEL RÉEL POTENTIEL POUR NOS ENTREPRISES SUR CES MARCHÉS D'AVENIR ?

Ont participé à cette table ronde :

Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, Sénateur, Présidente déléguée pour la Birmanie du groupe d'amitié France-Asie du Sud-Est
Mme Claire CAMDESSUS, Directrice Ubifrance, Thaïlande, Birmanie
M. Marc CAGNARD, Directeur Ubifrance, Vietnam
M. Alexis PREVESIANOS, Directeur des grands groupes et institutions, Euler Hermès

_____________________

M. Arnaud FLEURY . - Madame la Présidente, quel message souhaitez-vous faire passer aux entreprises intéressées par la Birmanie ?

Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM . - Ce pays, avec ses 55 millions d'habitants dont près de la moitié ont moins de 25 ans, représente un potentiel exceptionnel. Il connaît une forte croissance, de l'ordre de 6 %, et dispose d'importantes ressources minières. Son positionnement international est très intéressant et il s'agit également d'un point d'entrée possible sur le marché de l'Asie du Sud-Est. Les autorités sont décidées à attirer des capitaux étrangers en accordant des avantages fiscaux aux investisseurs étrangers. Ce pays a accompli des progrès en matière de coopération parlementaire et de coopération médiatique, mais le climat des affaires y reste difficile, du fait de la faiblesse de ses infrastructures, d'un cadre légal encore incertain, de tensions dans les zones ethniques, du poids de l'armée, etc.

Il présente de véritables opportunités et je crains qu'en matière de commerce international, la France ne soit pas suffisamment audacieuse, contrairement aux pays anglo-saxons. Nous rencontrons d'ailleurs ces problèmes dans le monde entier et nous manquons certaines opportunités pour cette raison.

Un intervenant disait tout à l'heure qu'il fallait « assurer une présence dans la continuité ». C'est effectivement essentiel. Les relations humaines ne passent que par une présence dans le pays et une construction de rapports cordiaux avec les personnes sur place.

Le proverbe latin, audaces fortuna juvat - la fortune sourit aux audacieux - me semble encore plus vrai en matière de commerce et d'investissement que dans tout autre domaine.

M. Arnaud FLEURY . - Estimez-vous que la France a bien conscience du potentiel de ce pays ?

Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM . - La France n'est pas suffisamment tournée vers l'international. En Birmanie, nous disposons d'un excellent ambassadeur ainsi que d'une excellente équipe d'Ubifrance. Certains de nos ministres s'y sont rendus et nous avons pu constater une attente très importante. Cependant, nos autres partenaires ou compétiteurs sont beaucoup plus présents que nous. Nous avons ainsi parfois l'impression que la prise de risque est insuffisante en France. Il faut donc continuer à communiquer sur les opportunités que représentent la Birmanie et l'Asie du Sud-Est.

M. Arnaud FLEURY . - Mme Claire Camdessus, vous m'indiquiez qu'il était nécessaire d'insister sur une demande birmane en plein essor concernant certains produits de consommation, comme le vin, le prêt-à-porter, les cosmétiques, etc.

Mme Claire CAMDESSUS . - En Birmanie, nous ne sommes pas trop en retard. Le bureau Ubifrance a été ouvert dans ce pays en février 2013, avant la levée complète des sanctions et, en mars, nous avons monté notre première opération dans ce pays. Depuis l'ouverture de ce bureau, nous avons organisé quatre opérations. Mme Nicole BRICQ est venue inaugurer le bureau au mois de juillet et nous avons rencontré depuis plus de 50 entreprises en Birmanie.

M. Arnaud FLEURY . - Quels types de projets intéressent ces entreprises ?

Mme Claire CAMDESSUS . - La Birmanie ne propose pas uniquement de grands projets d'infrastructure. Des élections y seront organisées l'année prochaine et il est peu probable que de nouveaux grands projets soient lancés avant cette date. Pour autant, il est important d'être présent dès aujourd'hui dans ce pays, dont les besoins couvrent de nombreux secteurs, notamment celui des vins et spiritueux. De nombreux hôtels y sont construits, alors qu'il est très difficile d'y trouver du vin.

M. Arnaud FLEURY . - Le secteur privé commence à être fiable en Birmanie. En quoi le climat des affaires se professionnalise-t-il dans ce pays ?

Mme Claire CAMDESSUS . - Le secteur privé a toujours été présent en Birmanie, même s'il était un peu endormi par le passé.

Ubifrance a participé à une table-ronde du women forum , avec des PME birmanes et françaises à laquelle assistait également Mme Anne LAUVERGEON. Les partenaires privés sont donc bel et bien présents en Birmanie et certaines de nos sociétés réussissent déjà dans ce pays, notamment dans le domaine de l'architecture, des cosmétiques, de la pharmacie, etc. Nos exportations ont ainsi augmenté de 200 % en Birmanie et 33 % d'entre elles sont représentées par des produits pharmaceutiques. Nous organiserons une opération dans ce domaine au mois de juin.

M. Arnaud FLEURY . - Le climat des affaires se professionnalise donc dans ce pays.

Mme Claire CAMDESSUS . - Effectivement. Nous pouvons également retenir une volonté d'y être maître de son destin.

M. Arnaud FLEURY . - Le potentiel de ce splendide pays est donc considérable, tout comme le Laos, d'ailleurs. Comment résumer le Laos ?

Mme Claire CAMDESSUS . - Ce pays connaît la plus forte croissance économique de l'ASEAN. Il est tout petit, enclavé et compte un peu plus de 6 millions d'habitants. Ses besoins sont énormes. Il compte, par exemple, seulement 3,5 kilomètres de voie ferrée. L'influence de la France y est très forte et nous sommes le premier partenaire européen de ce pays.

Les conseillers du commerce extérieur y ont organisé un forum l'année dernière, avec beaucoup de succès.

M. Arnaud FLEURY . - Ce pays compte-t-il des PME et un secteur privé en développement, malgré la situation politique ?

Mme Claire CAMDESSUS . - Oui, le secteur privé s'y développe, avec des partenaires potentiels, dans les domaines de l'hôtellerie, de l'agroalimentaire et de la santé. L'Agence française de développement (AFD) et la Banque mondiale sont présentes dans ce pays, qui fait partie des marchés à ne pas négliger.

M. Arnaud FLEURY . - Ce pays est plus facilement accessible depuis la Thaïlande que depuis le Cambodge ou le Vietnam.

Mme Claire CAMDESSUS . - Tout à fait.

M. Arnaud FLEURY . - Le Laos conserve également des attaches francophones.

Mme Claire CAMDESSUS . - La France y jouit effectivement d'une excellente image.

M. Arnaud FLEURY . - Il s'agit d'un pays très attachant. GDF Suez, Essilor, EDF et la BRED y sont présents. Il ne faut pas le mésestimer.

Le Cambodge est également un pays attachant, en plein essor économique, dont l'activité repose largement sur le textile. Malgré la contestation sociale de ces derniers mois, il est en fort développement et présente de nombreuses opportunités.

Comment qualifieriez-vous le climat des affaires au Cambodge ?

M. Marc CAGNARD . - Il s'agit d'un petit pays, la croissance y est très forte et l'environnement des affaires y est plutôt favorable. Ce pays est très orienté vers le textile, mais s'ouvre à d'autres secteurs, notamment l'agriculture, mais surtout le domaine des infrastructures, des transports et de l'énergie. Nous commençons également à être en mesure d'y positionner des biens de consommation et d'y être présents dans le domaine des nouvelles technologies. Ce pays est porteur d'opportunités, mais il faut l'aborder depuis le Vietnam.

M. Arnaud FLEURY . - Le Cambodge restera-t-il un pays à très bas coût ? Quelle est votre vision concernant son développement économique dans les années à venir ?

M. Marc CAGNARD . - Il s'agit à présent d'un pays à bas coût, ce qui explique les revendications auxquelles nous assistons à présent. Les augmentations salariales récemment consenties dans le secteur du textile ont ainsi été jugées insuffisantes par les ouvriers, dont le salaire oscille entre 80 et 100 dollars mensuels. Ils souhaiteraient gagner de 100 à 150 dollars par mois, ce qui grèverait effectivement l'attractivité de ce pays, par rapport à la Chine et à d'autres pays actifs dans le secteur textile.

M. Arnaud FLEURY . - Ce pays semble en plein essor et a soif de consommation. Il est très attachant et la France y jouit d'une très bonne image, comme au Laos ou au Vietnam.

Nous poursuivons avec l'analyse de M. Alexis PREVESIANOS qui nous présente une approche de la zone ASEAN par les risques.

M. Alexis PREVESIANOS. - Euler Hermès est leader sur son marché, avec 34 % de parts de marché. Notre chiffre d'affaires consolidé se monte à 2,5 milliards d'euros, nous sommes présents dans 50 pays et comptons 52 000 clients. L'export représente l'essentiel de notre activité et nous garantissons près de 800 milliards d'euros, pour environ 40 millions d'entreprises suivies. Nous sommes notés AA- chez Dagong et Standard & Poor's, avec un outlook stable.

L'assurance-crédit a trait en premier lieu à la prévention des risques client, qui est essentielle. Il ne s'agit pas d'une assurance au sens traditionnel, mais nous choisissons les clients, les fournisseurs, etc. Concernant le recouvrement, nous avons monté un partenariat avec Ubifrance. Sur l'ASEAN, le recouvrement correspond à un véritable métier, qui diffère d'ailleurs selon les pays. Le poids de l' intuitu personae est très fort dans le recouvrement sur cette région. Si la prévention et les démarches mises en oeuvre pour le recouvrement ont échoué, nous indemnisons.

Dans le domaine de l'assurance-crédit, des moyens sont nécessaires. La région Asie-Pacifique correspond à l'une de nos priorités. Nous comptons 270 collaborateurs sur cette zone, dont 40 à Singapour. Notre volonté consiste à être présents localement. Nous développons ainsi des portefeuilles locaux, afin de faire bénéficier les exportateurs et investisseurs français de ces implantations locales.

Notre chiffre d'affaires a augmenté de près de 25 % en 2013 sur cette région. Nous y avons beaucoup investi, en équipe, avec des collaborateurs internationaux et locaux.

En ASEAN, le Vietnam, l'Indonésie et Singapour sont porteurs de fort développement pour les trois années à venir. Cette région dispose d'un formidable gisement de population et d'un très fort potentiel d'exportation. Sa démographie est galopante et la hausse de ses revenus est très rapide. Nous constatons également une nette dépendance des exportations de l'ASEAN envers la Chine, ce qu'il faut conserver à l'esprit.

Concernant le risque pays, nous raisonnons au cas par cas pour chaque entreprise, même s'il peut être intéressant de conserver une vision générale. Singapour, la Malaisie, la Thaïlande, l'Indonésie arrivent en tête, avec de bons taux de couverture, correspondant à ceux de pays européens. Ces pays présentent, selon nous, un potentiel très fort.

M. Arnaud FLEURY . - Que pouvez-vous nous dire sur la Thaïlande et les Philippines ?

M. Alexis PREVESIANOS . - La Thaïlande peut-être caractérisée par sa forte résilience, comme nous avons déjà pu l'entendre ce matin. Un rebond y est attendu, ainsi qu'une relance par le pouvoir d'achat. Ce pays s'appuie sur une main-d'oeuvre très qualifiée et de nombreuses usines s'y sont développées.

M. Arnaud FLEURY . - La note que vous portez à ce pays est-elle plutôt en baisse ou en hausse ?

M. Alexis PREVESIANOS . - Elle est plutôt étale, à tendance positive. Pour les Philippines, nous estimons que la situation va s'améliorer. Il s'agit d'un pays qui monte selon nous, avec une croissance robuste, tirée par la consommation des ménages. Ce pays présente donc un très bon potentiel.

Pour l'Indonésie, le Vietnam et la Birmanie, les situations sont plus compliquées. Ces pays correspondent toutefois à de forts potentiels, tant par leurs populations que par leurs ressources naturelles, même s'ils connaissent des problèmes monétaires, environnementaux ou infrastructurels. Il s'agit des marchés d'avenir.

M. Arnaud FLEURY . - La Birmanie présente également une situation particulière, avec un fort potentiel de croissance. Les risques politiques et environnementaux doivent y être surveillés.

Pouvons-nous conclure que les clignotants sont plutôt au vert sur la zone, malgré un petit ralentissement ?

M. Alexis PREVESIANOS . - Exactement. Nous misons sur cette zone, sur laquelle nous sommes particulièrement implantés. Nous sommes donc raisonnablement optimistes et avons la volonté d'accompagner nos clients, selon des objectifs ambitieux.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page