Comment appréhender le secteur automobile en 2014 ?

Messieurs les sénateurs, Messieurs les ambassadeurs, chers collègues entrepreneurs, chers amis.

L'histoire de l'automobile en Iran est particulièrement riche. Cependant, je souhaite concentrer mon propos sur ses aspects les plus récents.

L'Iran a pris l'initiative d'organiser une conférence internationale sur l'industrie automobile, le 30 novembre 2013. Je dois reconnaître ma stupéfaction face à la rapidité avec laquelle le nouveau gouvernement a pris la décision de préparer un tel événement, alors même que les négociations sur le programme nucléaire étaient à l'arrêt.

Convaincu par le pragmatisme et le volontarisme manifestes du gouvernement iranien, je me suis donc rendu à ce colloque en qualité de Président de l'Organisation internationale des Constructeurs d'Automobiles, ce qui m'a permis d'évoquer plus largement l'industrie automobile et de siéger aux côtés de personnalités importantes du gouvernement. Les constructeurs français et seize équipementiers hexagonaux étaient présents.

En outre, une délégation du MEDEF, constituée d'une centaine de participants, dont je faisais partie, s'est rendue début février en Iran. Nous avons été remarquablement reçus et pour ma part, je suis passé outre les consignes de ne pas parler à la presse, sans qu'aucun débordement ne soit à déplorer, ce qui montre la qualité de la maîtrise de la délégation et de son organisation.

Ces deux moments traduisent la volonté conjointe de l'Iran et des entreprises françaises de collaborer à nouveau, malgré les injonctions contraires émanant des États-Unis et de certains ministres français. Cependant, si certaines personnes dans la salle m'ont signifié que ces deux événements avaient produit des effets concrets, cela n'a pas été le cas pour le secteur automobile.

Permettez-moi maintenant de vous présenter quelques chiffres relatifs à l'activité du secteur automobile iranien. Tout d'abord, nous constatons qu'un peu moins de 90 millions de véhicules sont produits au niveau mondial, dont 52 % par l'Asie. Dans la mesure où les années 2012 et 2013 ont été respectivement marquées par l'arrêt de la production d'Iran Khodro, partenaire de PSA, et par l'arrêt quasi complet de la production automobile iranienne, j'ai choisi de prendre en compte les chiffres de 2010 et 2011, à mon sens plus représentatifs de l'activité iranienne dans ce secteur.

Sur cette période, nous constatons que 1,6 million de véhicules ont été produits en Iran, dont un tiers par Renault et PSA. En 2010 et 2011, l'Iran occupait ainsi respectivement les treizième et onzième places sur le marché mondial en termes de production et de marché. Par ailleurs, l'Iran représentait à cette époque le huitième marché de Renault et le deuxième marché de PSA.

En ce qui concerne le taux de motorisation, nous observons que la moyenne mondiale se situe autour de 170 véhicules pour 1 000 habitants. Dans les marchés dits « matures », à savoir l'AFTA (Asian Free Trade Area), l'Europe et le Japon, ce chiffre s'élève à environ 600, 700 voire 800 véhicules pour 1 000 habitants. En Iran, nous dénombrons environ 156 véhicules pour 1 000 habitants, ce qui témoigne d'un gisement de croissance absolument considérable, en particulier si l'on prend en compte le PNB par habitant, supérieur dans ce pays à celui du Brésil.

La demande iranienne pour les véhicules et les pièces détachées est donc très importante et nous pouvons situer le potentiel de marché en Iran autour de deux millions de véhicules au minimum. Cependant, pour que ces perspectives se concrétisent, les autorités iraniennes devront perfectionner les normes d'homologation et de pollution et normaliser le cadre légal régissant le secteur automobile. En revanche, la compétitivité de la main-d'oeuvre ne semble pas constituer un obstacle au développement de cette activité.

En outre, si les tensions régionales se dissipent quelque peu, l'Iran pourra profiter d'opportunités conséquentes en matière d'exportations, notamment vers les pays limitrophes tels que l'Irak.

Les sanctions empêchent, à l'heure actuelle, nos principaux partenaires Iran Khodro et SAIPA (Société Anonyme Iranienne de Production Automobile), qui était de 1966 à 1976 la filiale iranienne de Citroën, de renouer des liens avec leurs homologues français, malgré l'attente très forte qu'ils expriment en ce sens. Par ailleurs, les entreprises sont soumises à une pression considérable, dans la mesure où elles continuent de payer leurs employés malgré leur inactivité, ce qui explique l'attitude parfois agressive et injuste qu'elles adoptent à l'égard de leurs partenaires hexagonaux.

Pourtant, les usines, de même que les salariés iraniens, sont prêts, comme en témoignent l'actualisation des plans gamme et la dimension opérationnelle de certains projets. Si le tissu des fournisseurs a indéniablement souffert de la sévérité des sanctions, les partenariats ne demandent qu'à être mis en oeuvre, notamment pour améliorer la recherche et développement.

De plus, le risque chinois semble avéré, puisque, malgré les sanctions, la production chinoise devrait connaître une hausse de l'ordre de 30 % à 40 % par rapport à 2013. Aussi, s'il est fort probable que les Américains négocient en secret, la véritable menace réside dans la politique mercantile très agressive menée par l'empire du Milieu. En effet, alors que les entreprises chinoises ne détenaient encore récemment que 2,5 % des parts de marché, elles sont en passe d'en obtenir plus de 25 % à l'avenir. Il appartient donc aux entreprises françaises de retrouver leur rang en Iran, avant que le marché ne s'ouvre totalement.

En raison de l'impossibilité d'exporter des pièces vers l'Iran, l'investissement français apparaît au point mort. En pratique, même les pièces produites sur place nécessitent des pièces importées. Or, si l'embargo théorique sur les pièces automobiles a été levé, l'interdiction imposée aux équipementiers américains de collaborer avec l'Iran limite considérablement la marge de manoeuvre des fournisseurs français.

Par ailleurs, le problème le plus critique réside dans l'absence de canaux financiers, comme en témoigne l'exemple de BNP Paribas, dont l'amende pour avoir effectué des paiements en dollars en Iran pourrait s'élever à 4 milliards de dollars ou plus. L'attitude américaine à ce sujet, pour le moins inacceptable, conditionne donc l'inertie des banques françaises.

Enfin, du fait de la posture pusillanime des banques, les entreprises françaises ne sont pas en mesure de profiter de l'accès aux devises. Un accord sur le programme nucléaire iranien, qui, à mon sens, devrait voir le jour à l'horizon 2015, apparaît donc comme la condition nécessaire à une reprise de l'activité des constructeurs automobiles français en Iran.

M. Georges MALBRUNOT

M. Florian de Saint Vincent, la question de l'industrie agroalimentaire en Iran est au coeur de l'actualité, puisque le ministre iranien de l'Agriculture, M. Hodjati, rencontrera son homologue français lundi prochain à Paris.

M. Florian de SAINT VINCENT ,
chargé de développement Proche et Moyen Orient, Association pour le développement des échanges internationaux de produits et techniques agroalimentaires (ADEPTA)

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