Mme Catherine PROCACCIA, Présidente du groupe d'amitié France-Vanuatu-Iles du Pacifique

Monsieur le Président de la République,

Monsieur le Président de la commission du Développement durable,

Messieurs et Mesdames les Ambassadeurs,

Mes chers collègues parlementaires,

Mesdames et Messieurs,

En tant que Présidente du groupe interparlementaire d'amitié France-Vanuatu-Iles du Pacifique, je me félicite de la tenue aujourd'hui au Sénat de ce colloque international consacré à la situation particulière des États insulaires du Pacifique confrontés aux effets du dérèglement climatique.

Ce sujet est suffisamment grave et sérieux pour nous mobiliser face à une véritable « urgence climatique », je crois que le mot n'est pas trop fort.

Je suis heureuse de cette initiative conjointe avec la délégation des îles Palaos auprès de l'UNESCO et de votre engagement personnel, Monsieur le Président de la République. Je tiens à remercier toutes les personnalités qui ont accepté de venir ce matin partager leurs analyses et le public qui s'est déplacé pour participer à ces échanges.

En guise d'introduction, je voudrais vous faire part de quatre observations.

Je souhaite tout d'abord vous présenter en quelques mots le groupe d'amitié que je préside depuis quelques mois mais dont je suis membre depuis de nombreuses années, notamment auparavant en tant que Présidente déléguée pour la Papouasie-Nouvelle-Guinée, un pays particulièrement inconnu des Français en règle générale.

La zone géographique du groupe d'amitié est très vaste puisqu'elle couvre 17 États et territoires du Pacifique. Cette partie du monde se caractérise à la fois par son immensité, un tiers de la surface de la terre, largement recouvert d'eau, et par sa diversité puisque toutes les types de reliefs y sont représentés, depuis les îles plates d'origine corallienne - affleurant à quelques centimètres au-dessus de l'eau - jusqu'aux îles volcaniques. Il faut signaler aussi la dimension de l'éloignement des grands continents, de l'Amérique et l'Asie, et pour nous encore plus loin de l'Europe. Ceci ne facilite pas nos échanges même si, comme le reconnaissent les deux grands États de la région, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, la France est aussi une puissance du Pacifique, grâce à ses collectivités territoriales de Polynésie, de Nouvelle-Calédonie et de Wallis et Futuna.

Je salue ici la présence de notre collègue Hilarion Vendegou, sénateur de la Nouvelle-Calédonie, et je salue également la présence de Robert Laufoaulu, sénateur des Iles Wallis et Futuna, qui se sont rendus à Paris spécialement pour ce colloque.

Le groupe compte actuellement une trentaine de membres, particulièrement sensibilisés aux problématiques environnementales, géostratégiques ou encore économiques de cette région.

Nos activités sont naturellement tournées vers le Pacifique. Nous accueillons régulièrement des personnalités : très récemment, le nouvel ambassadeur de France à Port Vila, une semaine seulement avant le cyclone Pam ; nous avons aussi accueilli en 2013 une délégation micronésienne, et je salue ici la présence parmi nous de deux députés des États fédérés de Micronésie. Il y a deux ans, la délégation de Micronésie était venue accompagnée comme aujourd'hui par son directeur législatif, M. Lam Dang, avec lesquels nous maintenons des contacts réguliers malgré l'éloignement de la Micronésie. Le groupe a eu aussi l'occasion de faire des déplacements et j'ai eu pour ma part le plaisir de me rendre aux îles Marshall, aux îles Salomon, au Vanuatu, dans le cadre d'un périple d'une semaine : nous avons donc fait des « sauts de puce » d'une journée et demie ou deux dans ces îles. Mais cela nous a permis quand même de nous rendre compte de la réalité qui, vue de Paris, n'est pas toujours bien comprise.

Nous travaillons en étroite coordination naturellement avec le Quai d'Orsay et plus précisément, avec la mission Océanie conduite par M. Olivier Barrat et notre ambassadeur que je salue, M. Christian Lechervy, Secrétaire permanent de la France pour le Pacifique, avec qui nous avons eu récemment un entretien absolument passionnant à la fois pour parler du Pacifique et de l'Indonésie.

Je n'entrerai pas dans le détail, face à nos éminents spécialistes, mais je voudrais attirer votre attention sur un constat que nous avons pu vérifier sur place. Les habitants des îles du Pacifique sont parmi les populations les plus gravement menacées dans leur vie quotidienne et dans leur identité même. Les îles du Pacifique, qui ne sont responsables que de 0,03 % des émissions de carbone mondiales, sont en effet les premières victimes du réchauffement climatique en raison de leur contexte géographique et topologique.

Chacun le sait : la région est déjà particulièrement exposée aux risques naturels, nous l'avons hélas constaté une nouvelle fois avec les cyclones Pam et Maysak qui se sont abattus au début de cette année. M. David Sheppard, Directeur général du Programme régional océanien pour l'environnement (PROE), qui s'est rendu récemment en France, a confirmé qu'il fallait s'attendre à une augmentation des cyclones de catégorie 5 dans la région. De plus, la variabilité du climat, la fréquence et l'intensité accrues des tempêtes ont aussi des conséquences négatives.

Avec l'élévation du niveau de la mer qui est une réalité pour les atolls de faible altitude, la question de l'existence physique et du maintien des habitants sur leurs terres est posée, à l'image des îles Carteret, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, qui culminent à 1,20 mètre au-dessus de la mer.

Le changement climatique a donc de multiples enjeux. Ils sont bien entendu de nature environnementale avec la menace pour la biodiversité - notre seconde table ronde évoquera notamment l'intrusion de l'eau salée, la dégradation des habitats terrestres.

Ils sont économiques : la perte de terres fertiles et d'infrastructures a des effets négatifs sur l'agriculture et du secteur touristique.

Ils sont également sociaux avec la destruction d'établissements humains, la migration forcée et l'apparition des premiers réfugiés climatiques, la perte de moyens de subsistance, l'accès difficile à l'eau douce, qui ont des effets négatifs sur la santé des habitants.

Tous ces sujets essentiels seront évoqués ce matin.

Mais nous avons souhaité avoir en outre une réflexion sur la croissance. Les habitants aspirent au développement économique mais les îles restent dépendantes des énergies fossiles. En effet, malgré le fait que ces États soient des territoires propices au développement des énergies renouvelables, celles-ci sont peu utilisées.

Comment concilier ces aspirations diverses ? Comment envisager l'avenir sur ces îles ?

Troisième remarque, il me semble que l'on voit apparaître une prise de conscience internationale. Les dirigeants et les populations des pays concernés ont accompli de réels efforts mais les progrès obtenus à ce jour ont porté plutôt sur la sensibilisation du public. Or aujourd'hui les États, comme les habitants, ont besoins de résultats concrets. Par ailleurs, ils se regroupent pour être plus forts et faire entendre leur voix.

Les déclarations fleurissent. La Déclaration de Lifou en Nouvelle-Calédonie, en avril 2015, est intitulée « Paris 2015 : Sauvez l'Océanie ! ». Que dit-elle ? Les dirigeants océaniens saluent « les efforts de la communauté internationale visant à lutter contre les changements climatiques, mais reconnaissent aussi qu'ils sont encore insuffisants pour les pays vulnérables en développement, en particulier pour les petits États insulaires en développement ».

Mais « l'insuffisance des financements pour la mise en oeuvre des politiques d'atténuation et d'adaptation, l'insuffisance du renforcement des capacités et du transfert des avancées technologiques, la faiblesse des mesures existantes en matière de pertes et dommages, ainsi que le manque d'inclusion de la société civile dans les négociations portant sur le climat » sont pointés du doigt. Ils appellent à une « révolution internationale dans la manière dont le monde fait face au changement climatique ».

Il y a eu aussi l'Appel de Manille à l'action pour le climat en février 2015 par le Président de la République française lors de son déplacement aux Philippines. Il comporte des éléments touchant aux problématiques auxquelles les îles du Pacifique sont confrontées. Notamment au paragraphe 4, je cite : « nous prenons conscience que les pays en développement, qui ont le moins contribué au changement climatique, sont ceux qui souffrent le plus de ses effets. Cependant, nous croyons qu'il est possible de réduire nos vulnérabilités et notre exposition aux aléas du climat » et au paragraphe 5 : « Nous appelons à la solidarité et à la justice face au changement climatique ». Enfin, le paragraphe 10.b) dispose : « nous appelons solennellement les pays développés et les pays en développement capables et désireux de le faire, à fournir aux pays les plus pauvres et les plus vulnérables des moyens de mise en oeuvre adéquats pour les aider à se transformer en territoires résilients et en économies sobres en carbone ».

Je pourrais en citer bien d'autres mais nous y reviendrons...

C'est pourquoi enfin la réussite de la Conférence Climat de Paris en 2015 est très importante à nos yeux et aux yeux de tous. Mon collègue Hervé Maurey va vous exposer tout à l'heure le calendrier et les modalités du volet parlementaire de la Conférence dans lequel beaucoup de nos collègues sénateurs sont impliqués. J'attends avec le plus vif intérêt les négociations portant notamment sur la mise en place de transferts de technologie et de connaissance afin de renforcer les capacités existantes ; un meilleur accès aux fonds internationaux et la mise à disposition de crédits supplémentaires pour soutenir les actions mises en place ; des mécanismes d'aide à la reconstruction et au développement les îles du Pacifique, frappées par les nombreuses catastrophes naturelles - et qui, semble-t-il, seront de plus en plus nombreuses ; les mécanismes encourageant la transition énergétique et les programmes d'éducation et de formation à destination des jeunes générations.

Je suis particulièrement heureuse de la présence nombreuse de représentants de l'Océanie ce matin à dans ce colloque, qui vont pouvoir témoigner à l'occasion des tables rondes de la réalité qu'ils vivent au quotidien.

Nous établirons un compte rendu de nos travaux pour nourrir les prochaines contributions du Sénat et que vous retrouverez ensuite sur notre site Internet.

Je vous remercie et je vais céder la parole à présent au Président de la commission de l'Aménagement du territoire et du Développement durable.

M. Hervé MAUREY,
Président de la commission de l'Aménagement du territoire
et du Développement durable

Monsieur le Président de la République,

Madame la présidente du groupe interparlementaire d'amitié,

Monsieur le secrétaire exécutif de la Commission Océanographique Intergouvernementale,

Messieurs les ambassadeurs,

Mes chers collègues sénateurs,

Mesdames et messieurs,

Je voudrais à mon tour saluer toutes celles et tous ceux qui sont là aujourd'hui et, comme ceux qui m'ont précédé à ce micro, vous dire la joie que nous avons d'accueillir aujourd'hui au Sénat ce colloque. Celui-ci traite en effet d'un sujet majeur : les incidences du réchauffement climatique sur les îles du Pacifique.

Nous le savons -  il y a de ce point de vue-là aujourd'hui consensus - les îles, et notamment celles du Pacifique, sont les premières victimes des bouleversements qui attendent la planète du fait des dérèglements climatiques. L'érosion des côtes, la salinisation des nappes phréatiques, le développement des maladies propagées par les moustiques, la diminution des ressources halieutiques, dues en particulier à la dégradation des récifs coralliens, les tempêtes plus fréquentes et plus puissantes, sont autant de conséquences graves et directes du dérèglement climatique sur les îles océaniennes. Plus grave encore, l'existence même de certaines îles est menacée avec la perspective devenue bien réelle et traumatisante de disparaître de la surface du globe. Les îles Carteret au large de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, par exemple, sont aujourd'hui condamnées par les scientifiques ; leurs habitants, soumis à des inondations de plus en plus dramatiques, se voient contraints de partir se réfugier ailleurs. Il y a un terrible paradoxe entre le fait que ces hommes ont l'une des plus basses empreintes écologiques du monde et sont en même temps obligés de devenir les premiers réfugiés du climat.

Nous ne pouvons évidemment pas nous désintéresser de ces évolutions qui concernent en premier lieu les îles du Pacifique mais également les autres parties du monde. Elles doivent nous conduire à nous interroger sur notre responsabilité de pays industrialisé, émetteur de gaz à effet de serre. Elles doivent aussi nous inciter à devenir plus solidaires puisque tous les habitants de la planète seront victimes à un moment ou à un autre de ces dérèglements climatiques. C'est pourquoi la Conférence de Paris sur le climat est si importante.

Nous sommes aujourd'hui à 175 jours de l'ouverture de la Conférence et chaque jour qui nous en rapproche doit être l'occasion d'accroître une prise de conscience qui est tout à fait indispensable aussi bien de la part des États que de l'opinion mondiale et surtout de nous permettre de préparer la négociation d'un véritable accord, qui doit, pour être efficace, être contraignant, universel et ambitieux pour notre planète.

Je me réjouis d'ailleurs que le Premier Ministre ait annoncé la tenue d'un sommet France-Océanie en amont de la préparation de la COP21.

Comment le Sénat se mobilise-t-il sur cette conférence ? C'est la question qui m'a été posée. Le Sénat et son Président, M. Gérard Larcher, ont voulu effectivement que nous soyons très engagés sur cette conférence. Bien sûr, c'est une priorité de la diplomatie française puisque cet événement va se tenir à Paris. Mais surtout, cette conférence concerne notre planète, et au-delà de la planète, l'humanité toute entière et c'est cela qui est très important.

Les tendances actuelles en matière d'émissions de gaz à effet de serre, de hausse de la température moyenne, de niveau de montée des océans, de fréquences de phénomènes climatiques extrêmes, sont tout à fait alarmantes et nécessitent que la communauté internationale s'engage plus rapidement, plus loin et plus fermement que jamais.

Donc les différentes instances du Sénat, que ce soient les commissions permanentes, les délégations - je pense notamment à la délégation aux collectivités locales -, les groupes de travail, ont tous engagé de très nombreux travaux sur le climat, dont il serait un peu long d'énoncer le détail ici. La délégation aux collectivités territoriales, par exemple, essaie de mettre en avant et de mobiliser les collectivités locales sur ces problématiques et nous aurons, dans le cadre du Congrès des maires de France, qui se tient toujours au mois de novembre, une séquence au Sénat où les élus locaux seront accueillis autour de ce dossier climat.

Je voudrais citer quelques exemples récents et concrets de notre mobilisation. Ici même, il y a à peine quelques jours, j'accueillais un colloque dont le thème a pu surprendre certains mais qui était vraiment très intéressant : « Le climat, quel enjeu pour les religions ?». Il a permis de montrer l'importance de la nature et du climat dans toutes les religions et la nécessité non seulement d'avoir un discours commun de la part des religions sur ce sujet, mais surtout de mettre en exergue le fait que les responsables religieux ont aussi un rôle important à jouer notamment auprès de leurs fidèles, en termes de sensibilisation de l'opinion à ces enjeux climatiques.

Je crois qu'il est très important de faire en sorte que nous ayons tous à coeur de sensibiliser nos concitoyens aux enjeux de ces dérèglements climatiques. Pour beaucoup, ils restent encore un petit peu théoriques et abstraits, alors que, nous l'indiquions, ils sont déjà très concrets et les conséquences de ces dérèglements, nous le savons, ne feront que s'accentuer dans les années qui viennent.

Je m'entretiens régulièrement avec les parlementaires étrangers qui se rendent en France. J'ai rencontré il y a une dizaine de jours des parlementaires canadiens et des proches collaborateurs de membres importants du Congrès américain. Cette semaine, nous recevons au Sénat des parlementaires chinois et des parlementaires indiens, et toutes ces rencontres sont intéressantes car elles permettent à la fois d'échanger sur la manière dont la problématique est abordée dans les différents pays et de mesurer la différence qui peut exister dans ces approches entre les différents pays et les différents parlements. Je crois que les parlements ont un rôle privilégié à jouer parce qu'ils se situent entre les gouvernements, qui sont souvent aux prises avec les urgences du quotidien, et les opinions publiques. Nous pouvons avoir entre parlementaires un discours bien sûr beaucoup plus libre et parfois beaucoup plus audacieux que les gouvernements eux-mêmes. Notre expérience est en cela une aide importante pour bien se comprendre et essayer d'avancer dans le bon sens.

Autre exemple de notre mobilisation, des tables rondes auront lieu jeudi, ici-même, sur la biodiversité dans les outre-mer qui sont confrontés aux changements climatiques. Au-delà de l'état des lieux et des connaissances, nous en attendons des pistes pour limiter la dégradation et en favoriser une meilleure préservation. Cela fait partie des travaux qui sont menés en commun entre la commission de l'Aménagement du territoire et du Développement durable que je préside et la délégation à l'outre-mer que préside mon collègue, M. Michel Magras, ici présent.

Je voudrais maintenant vous dire quelques mots sur la préparation de la journée interparlementaire qui aura lieu au Sénat, le 6 décembre. Cette journée sera organisée avec l'Union interparlementaire, qui réunit les parlements de tous les pays. Le dimanche 6 décembre, des parlementaires du monde entier viendront au Sénat et nous souhaitons élaborer une résolution à l'intention des gouvernements et de leurs négociateurs, qui sera en quelque sorte la contribution des parlements à cette COP21. J'ai été désigné rapporteur de cette résolution lors de l'Assemblée générale de l'UIP à Hanoï, en mars dernier. Nous allons préparer dès ce mois-ci une première ébauche qui sera ensuite amendée et travaillée en vue de la Conférence de Paris.

Nous espérons que ce texte sera ambitieux et permettra de dégager des lignes et des moyens communs. Nous sommes bien conscients que ces moyens ne peuvent pas être les mêmes pour tous et que les situations sont très différentes, mais il faut une véritable solidarité à l'échelle mondiale et le cas des îles du Pacifique en est une parfaite illustration. Nous essaierons de faire en sorte que cette déclaration figure dans les actes finaux de la Conférence parce que nous pensons que les parlements doivent être davantage associés qu'ils ne le sont actuellement aux grandes réunions internationales et notamment à celles sur cette question.

Mesdames et Messieurs, je souhaite que ce colloque soit le cadre d'échanges fructueux et je suis heureux qu'en accueillant ce colloque aujourd'hui, le Sénat puisse contribuer à amplifier le cri d'alarme que vous lancez depuis plusieurs années et qui devra être pleinement entendu lors de la Conférence de Paris.

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