M. Vladimir RYABININ, Secrétaire exécutif de la Commission océanographique intergouvernementale, Sous-directeur général de l'UNESCO

Mesdames et Messieurs,

Je tiens à vous remercier vivement pour cette invitation. Ce sujet rejoint le thème de la Journée de l'océan organisée hier par l'UNESCO, qui était « le changement climatique et l'océan » et dont nous avons parlé avec les ambassadeurs qui étaient présents. Auparavant, j'étais un scientifique spécialiste du climat mais maintenant, je m'entretiens avec des ambassadeurs auprès de l'UNESCO, ce qui constitue un changement important pour moi car je pense réellement qu'il est impératif d'aider à comprendre pourquoi le climat change. Je tiens à souligner que nous avons d'excellentes relations avec la délégation des Palaos auprès de l'UNESCO, qui nous soutient plus que nous lui apportons d'aide. Je l'en remercie.

Si l'on prête attention au graphique que je vous présente et qui a été obtenu en observant des carottes de glace en Antarctique, on peut remarquer que dans le système atmosphérique, le carbone et la température sont liés. Si la température augmente, on constate également une augmentation du taux de carbone. Au cours de l'histoire de la planète, et plus particulièrement au cours des huit cent mille dernières années, l'orbite de la Terre, c'est-à-dire la manière dont la Terre tourne autour du Soleil, a connu certaines modifications qui ont provoqué un changement de températures. Comme vous pouvez le voir sur ce graphique, ces changements coïncident avec une hausse de la quantité de carbone présente dans l'air. Ce qui s'est produit récemment, c'est que nous avons injecté une certaine quantité de carbone dans l'air. Ainsi, la même histoire va se répéter mais les causes sont différentes. La température va augmenter à cause du carbone. Si le mécanisme est le même, comme je le pense, il y aura donc une hausse inévitable de la température.

L'effet de serre a été découvert il y a plus de cent cinquante ans. Les premières démonstrations ont été réalisées il y a plus de cent ans, elles ont démontré que la hausse de la température liée à cet effet de serre serait de plus de 2°C. Dans les années 1980, un comité aux États-Unis prévoyait également, sans modélisation, que le réchauffement climatique allait affecter les pôles. Donc nous avons une image précise de ce qui est en train de se passer. Il existe néanmoins des négationnistes qui ne veulent pas voir la réalité en face. Mais il est important de comprendre que l'on ne peut pas nier celle-ci : l'océan va souffrir des conséquences du changement climatique et nous devons nous adapter. Et bien sûr, la COP21 sera un instrument clé dans la résolution de ce problème. Mais les solutions doivent être considérées sur le long terme. Cela ne peut pas se passer immédiatement donc nous devons nous adapter à ces changements. Il est très important d'être précis et de ne pas rester dans des généralités.

Ainsi, il est crucial d'étudier la trajectoire des cyclones afin de prévoir dans quelle direction ils peuvent aller mais également, là où ils ne peuvent pas aller. En réalité, les Palaos sont à la limite entre ces deux zones. En 1998, j'ai été invité par une entreprise de pétrole en Russie. Et on m'a demandé, la veille d'une importante réunion sur l'installation d'une plateforme offshore au large des côtes de Sakhaline, juste au nord du Japon, d'étudier les risques que pourrait rencontrer une telle infrastructure. J'ai demandé combien de temps l'entreprise comptait exploiter cette installation et on m'a répondu « quarante ans ». J'ai alors dit qu'il fallait penser aux cyclones tropicaux qui pourraient survenir dans la région. Je suis passé pour un fou à l'époque mais aujourd'hui, les cyclones tropicaux affectent New-York, il y en a au Japon également, et ils ont des impacts importants dans ces régions. Nous pouvons établir des prévisions mais si l'on parle en termes de décennies, il faut essayer de comprendre ce qui pourrait arriver et l'avenir n'est pas linéaire.

Par exemple, les tsunamis sont une menace importante pour les Palaos. Le tsunami Tohoku, au Japon, a causé un accident dans une centrale nucléaire et a constitué un grand danger dans la région. C'est pourquoi le concept de sécurité ne concerne pas seulement l'environnement. Il touche aussi à la sécurité alimentaire, à la sécurité en matière d'eau potable, et même parfois la politique. C'est donc plus compliqué que l'environnement.

Je voudrais encore une fois insister sur le fait que cette région est menacée par différents risques. Je pense que le système d'alerte aux tsunamis est très efficace. Mais la nature humaine tend à ne pas se souvenir des catastrophes, on oublie vite le passé, donc même si le système d'alerte aux tsunamis fonctionne bien, il est difficile de maintenir à long terme la contribution des pays à ce système. Or, la sécurité dans cette région en dépend.

Les récentes estimations du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) n'ont pas pu parvenir à des résultats clairs à propos de l'évolution des cyclones tropicaux. C'est l'un des problèmes encore non résolus de la climatologie. Je pense que les conclusions du GIEC tendent toutefois à démontrer que les cyclones tropicaux vont devenir plus forts, peut-être moins nombreux en termes de catégories différentes, mais plus puissants.

Mais en même temps, pour qu'un cyclone se développe, il a besoin de ce qu'on appelle la force de Coriolis, qui est nulle à l'Équateur. Si vous regardez le graphique, vous vous apercevrez que les îles Palaos sont à la limite des endroits où les cyclones tropicaux peuvent se rendre. Les cyclones tropicaux dans l'hémisphère nord se déplacent dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, ainsi les vagues sont plus fortes du côté droit que du côté gauche, donc ce sont de bonnes nouvelles pour les Palaos. Cette observation est importante pour prévoir l'impact potentiel et les dégâts.

Malheureusement, en ce qui concerne le niveau de la mer, on observe dans cette région la hausse la plus rapide du monde. Elle est trois fois supérieure à la hausse moyenne du niveau de la mer sur le reste de la planète au cours des trente dernières années. Il y a une explication partielle qui se trouve dans l'existence de vents anormaux, qui sont difficiles à prévoir. C'est assez évident lorsque l'on observe les modélisations : on se rend compte que la hausse du niveau de la mer est liée à l'évolution des vents. Lorsque j'ai travaillé pour le Programme mondial sur la recherche en climatologie, nous avons essayé de comprendre ces vents anormaux qui provoquent cette hausse rapide du niveau de la mer et que l'on observe depuis quelques décennies.

Si l'on examine les graphiques, on peut remarquer que le niveau de la mer n'augmente presque pas dans la partie orientale du Pacifique mais, au contraire, elle augmente très fortement dans l'ouest. Cela est lié au phénomène El Niño . Dans ce monde, tout ce qui se produit est lié : la fonte des glaciers dans les pôles est liée à la hausse du niveau de la mer dans le Pacifique à cause du champ de gravité. Il y a des choses que la science sait expliquer et d'autres qu'elle ne sait pas encore expliquer. Nous ne sommes pas en mesure de tout prévoir.

La bonne nouvelle pour les Palaos réside dans le fait que les océans polaires sont les plus affectés par le réchauffement climatique. Ce n'est qu'en partie une bonne nouvelle mais la situation est plus dramatique aux pôles car les espèces polaires disparaissent. Je pense donc que chaque pays et chaque île se trouvent dans une situation bien spécifique, qu'il faut prendre en compte dans la planification.

Le concept d'une économie bleue est très prometteur mais les défis sont différents pour chaque pays et ce concept doit être défini pour chaque région du monde. Les îles Palaos construisent leur avenir sur la pêche et le tourisme. Il existe des solutions pour aider au développement de ces activités mais il faut également préserver la nature, bien sûr. Au sein de la Commission océanographique intergouvernementale (COI), nous avons rédigé de nombreux guides, notamment celui intitulé « Pas à pas : la planification de l'espace maritime ». Il existe des mécanismes qui sont plus ou moins universels. La COI est reconnue par Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et elle aborde la question du transfert de technologie marine. Donc je pense que nous pouvons faire beaucoup et notre approche doit être spécifique, c'est-à-dire prendre en compte les différentes situations régionales.

Nous pouvons améliorer la sécurité des îles du Pacifique car les prévisions en ce qui concerne les cyclones tropicaux sont de plus en plus précises et nous pouvons aussi, dans une certaine mesure, prévoir la formation de tsunamis, sauf si ceux-ci sont causés par des tremblements de terre ou quand un tsunami provoque un glissement de terrain près de la côte.

Donc, le climat est un sujet de première importance dans les différents programmes de l'UNESCO et du GIEC. Il est également crucial de former les populations. Récemment, lors d'un sommet sur l'éducation, il a été souligné à quel point il était important d'éduquer au développement durable. L'éducation sur l'océan et la formation d'experts sur l'océan sont aussi importantes. Il existe un programme appelé Ocean Teacher Program Academy 2 ( * ) qui est une manière de mettre à disposition des informations et des formations sur les activités marines fondées sur les technologies et Internet.

Je vous remercie beaucoup de votre attention, en espérant que mon intervention vous aura été utile.


* 2 Académie de formation sur la gestion des données concernant l'océan et les ressources marines (N.D.T.)

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