IV. LES GLISSEMENTS DE TERRAIN

La mousson va gorger d'eau le versant (3 mètres d'eau en 4 mois), s'engouffrer dans ces nouvelles fissures, les glissements de terrain vont menacer la stabilité du versant, des champs, et mettre les villageois en grand danger, ainsi qu'endommager la piste qui permettrait d'acheminer les matériaux de construction, comme dans beaucoup de régions du Népal (fig. 13). Les villageois ont pour le moment décidé pendant la mousson de se regrouper sur le haut du versant, donc loin des terres et sur un replat dont une partie était un espace collectif de pâture qui ne peut glisser.

D'autres villages sinistrés ont fait le même choix, comme Laprak par exemple, dont on a souvent entendu parler dans les médias. Mais cela signifie pour les villageois des déplacements beaucoup plus longs et fatigants pour atteindre leurs terres, surtout les rizières du bas de versant dont ils s'occupent tout particulièrement l'été. Une partie des villageois de Salmé ont également décidé de quitter le village, au moins le temps de la mousson, et se sont regroupés dans un camp de fortune dans la banlieue de Trisuli, le bazar situé à quelques heures de marche.

Enfin, la mousson de 2015 a été tardive et peu abondante : on peut redouter que tous les terrains fragilisés ne glissent pas cette année mais lors d'une mousson plus violente, une année prochaine. Les conséquences du tremblement de terre risquent ainsi de se manifester pendant de nombreuses années encore et ruiner les futurs efforts de reconstruction. Combien d'hectares vont ainsi être détruits ?

V. L'ENCADREMENT POLITIQUE

Ce que révèlent aussi les conséquences du séisme, c'est le problème de l'encadrement politique de la société népalaise. Il n'y a pas eu d'élections locales depuis 2002, suite aux évènements politiques de 2006 ayant conduit finalement à la destitution du roi et la création d'une République en 2008, mais pour laquelle les partis politiques n'arrivaient pas à se mettre d'accord sur une constitution. Tant que ces discussions n'auront pas abouti et que de nouvelles élections n'auront pas été organisées (ce qui prendra encore du temps), il n'y aura pas de pouvoir politique légitime dans les villages. Il reste un secrétaire, qui fait le lien avec le Gouvernement, mais pour le reste, ce sont les luttes anciennes de pouvoir qui priment parfois, selon les histoires locales différentes en chaque lieu, qui ont souvent été exacerbées pendant la décennie de guérilla maoïste. Cela ne facilite pas le soutien aux efforts de reconstruction qui doivent être faits.

Il manque ainsi un relais officiel entre le Gouvernement et la société locale pour organiser, structurer et prendre des décisions en situation de crise et le district de Nuwakot est célèbre pour ses luttes partisanes et la corruption de ses élites. Néanmoins, les villageois se sont entendus pour contourner les factions politiques, surtout représentées par des personnalités d'un certain âge, et pour faire confiance à la jeune génération, regroupée dans un « Club des Jeunes » chargé de coordonner les relations entre les donneurs pour la reconstruction et les villageois. Malheureusement, les groupes de femmes, très structurés et actifs dans d'autres villages sont, à Salmé, peu actifs ou influents.

Par ailleurs, la reconstruction de toutes les maisons en même temps va exercer une pression très forte, voire trop forte, sur les milieux naturels.

Il faudra de nouvelles poutres, de nouveaux matériaux, prélevés sur la forêt, des graviers et du sable des rivières voisines, si l'on se met à utiliser le béton armé à l'intérieur des murs de pierres pour construire des maisons résistant aux tremblements de terre à venir. Or ces prélèvements se font habituellement au compte-gouttes, en payant et en définissant le nombre d'arbres par maison, et le nombre de maisons pouvant être construites, afin de limiter le déboisement et la fragilisation des versants. Cette question se pose évidemment de manière plus large à l'ensemble du Népal, nécessitant d'imaginer de nouvelles solutions et l'utilisation de matériaux accessibles. De plus, normalement, les ressources forestières sont gérées, dans chaque ward (quartier) de la commune, par un groupe d'utilisateurs de la forêt. Or, dans trois de ces quartiers sur neuf, le groupe est inactif ces dernières années et ne contrôle plus l'accès aux ressources forestières. Une des conditions mises à l'intervention à Salmé de donneurs étrangers est que ces groupes redeviennent actifs. Ils ne pourront pas le faire seuls et devront sans doute être reconstruits avec l'aide de la Fédération Nationale des Groupes d'Utilisateurs de la Forêt.

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