CONCLUSION

Son Exc. Mme Hasmik TOLMAJIAN, Ambassadrice de la République d'Arménie en France

Monsieur le Président du Sénat de la République française, cher Gérard Larcher, Monsieur le Président de l'Assemblée nationale arménienne, cher Alain Simonian, Monsieur le Président du groupe de solidarité avec les chrétiens d'Orient et les minorités au Moyen-Orient, cher Bruno Retailleau,

Monsieur le Vice-Président de l'Assemblée nationale de la République d'Arménie, cher Ruben Rubinyan,

Monsieur le Président de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des forces armées, cher Christian Cambon,

Messieurs les Présidents des groupes d'amitié France-Arménie du Sénat et de l'Assemblée nationale arménienne, chers Gilbert-Luc Devinaz et Vladimir Vardanyan,

Mesdames et Messieurs les Sénateurs,

Mesdames et Messieurs les députés,

Excellence,

Votre Béatitude, Monseigneur,

Monsieur le coprésident du Conseil de coordination des associations arméniennes de France, cher Ara Toranian,

Monsieur le représentant du Haut-Karabagh, cher Hovhannès Guevorkian,

Mesdames et Messieurs, chers amis,

Cher Christian Makarian,

Vous l'avez rappelé, il y a un an presque jour pour jour, le Sénat de la République française s'était exprimé, à la quasi-unanimité avec une seule voix contre, sur la nécessité de reconnaître la République du Haut-Karabagh.

Cet acte fort du Sénat, soutenu par son Président et l'ensemble des groupes politiques de la Chambre haute, suivi quelques jours plus tard par une résolution de l'Assemblée nationale, reflétait l'immense solidarité des élus du peuple français avec l'Arménie et le peuple arménien à un moment extrêmement compliqué de notre histoire. Cette résolution s'inscrivait dans la continuité de la position forte de la France, portée par la voix du Président de la République qui, dès les premiers jours de la guerre, avait dénoncé l'agression azerbaïdjanaise, l'utilisation des milliers de mercenaires djihadistes, le soutien majeur, politique et militaire que la Turquie a apporté à l'Azerbaïdjan en le décomplexant dans sa tentative de reconquête du Haut-Karabagh.

À un moment où le peuple arménien se sentait infiniment seul face à une agression et à une guerre inégales, dans un silence et une indifférence quasi complète de la communauté internationale, le soutien entier de la France, exprimé par la voix de ses élus, de ses intellectuels, de ses éminentes personnalités du monde culturel et artistique, était infiniment et exceptionnellement précieux.

Ce colloque qui a lieu sous le haut patronage du Président du Sénat, à l'initiative du groupe de solidarité avec les chrétiens d'Orient et les minorités au Moyen-Orient, s'inscrit dans la suite logique de l'adoption de la résolution du Sénat.

Je souhaiterais exprimer ma très chaleureuse gratitude au Président Gérard Larcher : votre présence Monsieur le Président nous honore et votre amitié nous touche infiniment. Je tiens à remercier vivement tous les intervenants des deux tables rondes de leur présence, de leur témoignage, du soutien précieux qu'ils apportent à l'Arménie et à l'Artsakh.

Cette solidarité du Sénat s'inscrit également dans la tradition des relations d'amitié, enracinées dans l'Histoire, fondées sur de profondes affinités et une communauté de valeurs qui lient l'Arménie à la France. À cette France, fidèle à elle-même, fidèle à ses valeurs, fidèle à sa vision humaniste, fidèle à son attachement à la liberté et à la souveraineté des peuples. C'étaient ces mêmes valeurs qui avaient inspiré et nourri le vaste mouvement arménophile en France à la fin du XIX e siècle dont les représentants étaient Georges Clemenceau, Jean Jaurès, Charles Péguy, Anatole France pour n'en citer que quelques-uns. Ils alertaient sur les massacres des Arméniens dans l'Empire ottoman à la fin du XIX e siècle et réclamaient l'intervention des puissances européennes pour prévenir cette guerre d'extermination et la disparition du peuple arménien. Les propos de Jean Jaurès, « L'Humanité ne peut vivre éternellement avec dans sa cave le cadavre d'un peuple assassiné » , étaient, à cet égard, assez évocateurs.

Je souhaitais rappeler aussi que c'était avant même le début du génocide. Un mois après le coup d'envoi du génocide, cette fois-ci le 24 mai 1915, c'est le gouvernement français qui dénonçait, à travers une déclaration conjointe avec la Russie et l'Angleterre, les nouveaux crimes de la Turquie contre l'humanité et la civilisation, en avertissant par ailleurs tous les membres du gouvernement ottoman qu'ils seraient tenus personnellement pour responsables. C'était la toute première fois que l'expression, « crime contre l'humanité », était utilisée sur la scène internationale. Elle était utilisée par la France et pour définir ce qui était commis à l'encontre des Arméniens, le mot « génocide » n'existant pas encore.

C'est quelques décennies plus tard, en 2001, à travers les votes du Sénat et de l'Assemblée nationale, que la France est le premier État au monde à donner force de loi à la reconnaissance du génocide arménien. C'est dans cette suite logique de la reconnaissance du génocide arménien, de cette loi adoptée par la France, que s'inscrit la résolution du Sénat de l'année dernière sur la nécessité de reconnaître la République du Haut-Karabagh.

Chers amis, on ne peut comprendre ce qui se joue aujourd'hui dans notre région, dans cette partie du monde, sans songer à ce qui s'est passé il y a un siècle, car, comme en 1915, aujourd'hui encore, cent ans après le génocide, c'est encore la survie de la nation arménienne sur ses terres ancestrales qui est en jeu.

Ce lien est encore plus intrinsèque qu'on peut le croire, car au lendemain du génocide perpétré par les Turcs dans les provinces de l'Arménie occidentale, c'est une autre tragédie qui se jouait dans les confins orientaux de l'Arménie, cette fois-ci par les Azéris en 1918, à Chouchi et à Bakou, toujours avec la complicité de la Turquie et une autre tragédie, le Haut-Karabakh et le Nakhitchevan en 1921 : des terres historiquement et culturellement arméniennes sont alors incorporées à l'Azerbaïdjan à l'initiative de Staline
- Jean-Christophe Buisson nous a rappelé que Staline n'était pas la référence la plus pertinente. Le but était de sceller l'alliance avec la Turquie kémaliste contre l'Europe. La suite est bien connue. Bakou mène avec persévérance et sans complexe une politique de « désarménisation » dans ces deux provinces arméniennes afin de s'en assurer durablement la possession.

Cette politique avait conduit à l'épuration ethnique massive en Nakhitchevan, frontalier de la Turquie, qui, en l'espace de quelques décennies, était privé entièrement de sa population arménienne. C'est précisément pour éviter le sort du Nakhitchevan, où toute présence arménienne était effacée, que le Haut-Karabagh a revendiqué, en 1988, son droit à l'autodétermination et le détachement de l'Azerbaïdjan. Dès lors, la question du Haut-Karabagh allait devenir, selon l'expression d'Andreï Sakharov, « une question d'honneur pour les Azéris et une question de vie et de mort pour les Arméniens » . Après le massacre des Arméniens en 1988, dans la ville azerbaïdjanaise de Soumgaït, Andreï Sakharov disait : « Si avant Soumgaït, quelqu'un pouvait encore affirmer que le Haut-Karabagh devrait appartenir à l'Azerbaïdjan, après ces tragédies, plus personne n'a le droit moral d'une telle affirmation. » Aurais-je l'audace aujourd'hui de le paraphraser ? Ou oserais-je demander aujourd'hui : qui, après la guerre d'agression de l'année dernière, après les atrocités des crimes de guerre, peut se réserver le droit moral de demander l'appartenance du Haut-Karabagh à l'Azerbaïdjan ?

Aussi, chers amis, on ne peut pas s'empêcher de penser que les appels du Président Erdogan, pendant la guerre de l'année dernière, sur la nécessité d'achever le travail de 1915 et de finir avec les restes de l'épée - les restes de l'épée étant les descendants du génocide arménien - auraient été impossibles si le crime commis il y a un siècle n'était pas resté impuni. De même, pour les promesses répétées du Président Aliyev de chasser les Arméniens comme des « chiens ». On ne peut pas non plus ne pas songer que l'agression de l'année dernière a légitimé le recours à la force par l'Azerbaïdjan et a ouvert la voie à sa récurrence. La situation alarmante aujourd'hui au Haut-Karabagh, mais aussi sur les frontières mêmes de la République d'Arménie, la menace d'extermination qui pèse encore sur une partie de la nation arménienne dans les lieux même de son existence en sont les témoignages flagrants.

Chers amis, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Mesdames et Messieurs, fragilisée, certes, face aux immenses défis existentiels auxquels elle est confrontée, l'Arménie reste attachée à ses valeurs, à son choix de la démocratie et de la liberté.

Peu après le génocide en avril 1916, lors d'un rassemblement public à la Sorbonne, Anatole France s'était écrié : « L'Arménie expire, mais elle renaîtra, le peu de sang qui lui reste est un sang précieux dont sortira une postérité héroïque. » En ce même moment de 1916, où un journal français titrait son éditorial, La destruction définitive d'un peuple , les propos d'Anatole France paraissaient plus qu'improbables, mais ils se sont révélés par la suite prémonitoires, en témoigne la fondation de l'État souverain en Arménie en 1918, seulement trois ans après le génocide. En témoigne également la reconstitution d'une partie du peuple arménien dans la diaspora avec les rescapés du génocide, en France notamment où ils ont réussi une intégration remarquable et ont participé au rayonnement de la France tout en restant fidèles à leurs racines arméniennes : Charles Aznavour, Patrick Devedjian, André Verneuil, Michel Legrand, Missak Manouchian et d'autres, sont devenus des visages de la France, sont devenus des Français et des Arméniens à 100 %.

Je crois en la force de résilience de mon peuple, à sa capacité à reprendre son destin en main, à sa détermination d'emprunter le chemin du renforcement de l'État souverain. Ce chemin est certes un sentier, étroit, sinueux, plein d'épreuves, le traverser seul serait compliqué et dangereux et c'est là où le soutien et la fidélité des amis peuvent être essentiels, voire vitaux.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, très chers amis, je souhaite vous réaffirmer, de tout coeur, la très chaleureuse et profonde reconnaissance de l'Arménie pour votre engagement et votre amitié qui nous sont infiniment précieux et, sachez aussi, infiniment vitaux. J'exprime ma plus profonde reconnaissance à la France, pour son amitié et son extraordinaire solidarité avec l'Arménie et le peuple arménien.

Vive la France, vive l'Arménie et vive l'amitié franco-arménienne !

M. Bruno RETAILLEAU, Président du groupe de liaison, de réflexion, de vigilance et de solidarité avec les chrétiens d'Orient, les minorités au Moyen-Orient et les Kurdes.

Merci d'abord, cher Christian Makarian, d'avoir accepté d'être le modérateur. Nous vous avons choisi à la fois pour vos talents, pour votre modération et pour votre parfaite impartialité sur le sujet.

Au moment de conclure, je voudrais commencer mon propos en saluant le Président du Sénat de la République française, cher Gérard Larcher.

Je voudrais saluer aussi celui qui est désormais un ami, le Président du Parlement arménien et j'associe à ses côtés l'ensemble de la délégation du Parlement arménien.

Je voudrais saluer évidemment celle qui vient de conclure juste avant moi, notre ambassadrice d'Arménie en France qui est, elle aussi, une amie.

Je voudrais saluer celles et ceux qui sont intervenus de façon très émouvante, vraiment, je voulais remercier chacun d'entre eux : Jean-Christophe Buisson et au-delà des intellectuels qui l'ont accompagné, Monseigneur Gollnisch.

Je voudrais saluer le Patriarche qui est ici, votre Béatitude, merci d'être parmi nous, c'est un signe important, saluer nos amis élus, Sénateurs, qui sont nombreux.

Je voudrais saluer tout particulièrement les Présidents des groupes d'amitié entre nos deux grandes nations, saluer aussi nos amis députés, leur présence nous touche beaucoup.

Ce que je voudrais dire sur le sens de ce colloque, c'est que ce colloque était à la fois un hommage et un message.

L'hommage, c'est le nôtre, c'est celui du Sénat, mais le message, c'est le vôtre, Monsieur le Président du Parlement d'Arménie, c'est le vôtre, chère Hasmik, Madame l'Ambassadrice.

Le message, c'est celui de votre peuple, du peuple arménien, mais je voudrais d'abord commencer par notre hommage, l'hommage que nous avons voulu rendre avec Gérard Larcher qui est un hommage au courage, au courage des hommes, au courage des femmes, aux courages des âmes aussi, au courage du peuple arménien, au courage des hommes et des femmes qui se sont levés il y a un an dans une guerre parfaitement inégale qui ne leur laissait absolument aucune chance de victoire ou de succès. Mais ils se sont levés par leur courage. Je voudrais le saluer, parce que cette coalition azéro-turque ne leur laissait évidemment aucune chance avec l'utilisation d'armes qui sont des armes proscrites et interdites, avec l'utilisation de mercenaires, des égorgeurs venus d'un autre théâtre d'opérations que nous connaissons bien en Irak et en Syrie. Mais ils ont résisté. Ils se sont battus vaillamment.

Courage des hommes, courage des femmes, courage d'un peuple, courage des âmes de ce peuple arménien. L'âme de la Nation arménienne avec cette dignité dans l'épreuve, cette résilience, avec aussi cette résistance dans sa double dimension militaire et civique, mais surtout sa résistance culturelle et spirituelle, Monsieur le Patriarche. Bien évidemment, résistance d'abord spirituelle.

Cette résilience dont vous avez fait preuve tout au long de votre histoire et que je souligne ici à ce pupitre, nous a beaucoup touchés et nous a convaincus de chercher les meilleurs moyens de vous aider. Cette résistance dont vous avez fait preuve, dans cette volonté de persévérer dans votre être, qui parfois peut-être en Occident nous manque à nous. Malgré cette épreuve, malgré aussi ces abandons parce qu'il faut le dire, il faut le redire : cette indifférence dont a fait preuve l'Occident, l'Europe, un peu moins peut-être, la France, parfois la France aussi, est comme une seconde violence que nous vous avons infligée, Monsieur le Président du Parlement, à votre peuple. Disons-le, franchement, l'Europe a manqué, mes chers amis, de courage dans votre épreuve. Bien sûr que la France a été plus allante ; bien sûr que la France a envoyé des avions avec de l'aide humanitaire, mais quand nous avons entendu - et Christian Cambon l'a rappelé -, les propos de notre ministre des Affaires étrangères qui est le ministre de mon pays, de la France que j'aime, que la France devait rester neutre, les bras nous sont tombés. Neutre face à l'humiliation que l'Europe, à travers la Présidente de la Commission, a subie ? Que Monsieur Erdogan lui a fait subir ? Neutre devant cette provocation et même agression vis-à-vis d'un de nos navires de la marine nationale française de deux États membres dont Chypre ? Neutre vis-à-vis des exactions de Monsieur Aliyev, de ses propos que vous avez, chère Hasmik, rappelés, traitant les Arméniens de « chiens » ? Neutre devant cette amitié multiséculaire, que nous représentons ce soir ici dans cet hémicycle du Sénat, dont nous sommes fiers ? Neutre devant cette amitié ? Neutre devant ce demi-million de compatriotes français d'origine arménienne ? Neutre ! Mes amis, cette neutralité, ce n'est pas une faiblesse, ce n'est pas une simple indifférence, c'est une lâcheté ! Car qui peut croire, qui peut imaginer un seul instant que Monsieur Aliyev et Monsieur Erdogan vont stopper tout net leurs exactions ? Alors que nous avons la preuve récente et flagrante de la volonté, non pas d'apaisement, mais, d'affrontement et donc sur chaque homme, sur chaque femme, sur chaque vieillard, sur chaque enfant, vivants aujourd'hui, Monsieur le représentant, dans le Haut-Karabagh, est suspendue l'épée de Damoclès sur leurs têtes et sur leur vie. Et j'utilise sciemment, volontairement, mes chers amis arméniens, cette terminologie, celle de l'épée, en référence, en résonance avec ce que certains Turcs proclament encore à propos des rescapés du génocide arménien, en appelant ces rescapés-là, « les restes de l'épée ».

Face à cette épée, le seul bouclier qui puisse fonctionner pour préserver l'avenir de ces populations, de nos amis arméniens qui peuplent l'Artsakh, c'est celui de l'indépendance. Et c'est la raison pour laquelle, il y a très exactement un an, nous nous sommes rassemblés pour voter une résolution à la presque unanimité, pour proclamer cette indépendance, la reconnaissance de la République d'Artsakh. C'est un acte solennel, là aussi, que nous avons voulu poser comme un acte non seulement de solidarité, mais aussi de résistance vis-à-vis des agresseurs et je pense que cette reconnaissance, nous l'avons faite à la fois au nom du courage de votre peuple, Monsieur le Président, et au nom du message de votre pays, car l'Arménie est un message porté de siècle en siècle, de génération en génération, et qui nous est parvenu, dont nous sommes aujourd'hui les dépositaires, trésor précieux que nous voulons défendre nous aussi à notre place, bien évidemment. Ce message est notre message, un message arménien-français, même européen, que d'autres ont exprimé par d'autres voix.

Je pense à deux grands Européens dont les voix font écho aussi à ce message. D'abord Milan Kundera qui, par son histoire personnelle, avait porté ce message et nous avait prévenus, nous, Occidentaux, que les petites nations sont des nations fragiles et notamment celle comme la vôtre qui a traversé l'antichambre de la mort. Et puis, Valéry qui, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, nous a appris que les civilisations sont mortelles et ne vivent que pour autant qu'elles souhaitent persévérer dans leur être, qu'elles souhaitent vivre.

Aucune civilisation n'est une évidence, elles ne perdurent que par leur résilience et leur résistance, bien évidemment. Vous nous en montrez l'exemple, un exemple flagrant, surtout dans cette zone coincée entre les deux mers intérieures, mer Caspienne et mer noire, qui a connu tant d'invasions, tant de passages, et vous avez su à chaque fois résister. Une zone qui est comme la rencontre de plaques civilisationnelles et tectoniques. Nous sommes les enfants de cette même civilisation, c'est ce que nous avons en partage, au-delà de tout le reste. Cette civilisation commune, elle ne tient là-bas, dans cette zone si dangereuse, qu'à un fil : le fil de votre résistance.

Mes chers amis français, députés, sénateurs, élus, pensez-vous aujourd'hui que notre Europe pense encore en termes de civilisation ? Pensons-nous que l'Europe accorde encore du prix, de la valeur, aux nations ou souhaite-t-elle être, cette Europe, simplement une vaste ONG, simplement le point de dépassement des nations, l'abolition des nations ? Ce message est celui que nous lance l'Arménie d'aujourd'hui et d'hier. Toutes les nations sont fragiles et comme cela a très bien été dit, le Haut-Karabagh est l'avant-poste de l'Arménie, et l'Arménie est l'avant-poste de l'Europe et de la France.

Les civilisations n'ont aucune évidence, si ce n'est leur volonté de résister. Si, demain, on peut se couper, nous, de nos racines civilisationnelles, on ouvrira un espace et cet espace qui sera libéré, le totalitarisme islamiste s'y engouffrera. Permettez-moi de vous dire que ceux qui ont, hier, dans le Haut-Karabagh, égorgé vos compatriotes sont les mêmes qui, au cri de « Allah akbar », ont aussi égorgé un prêtre en France et décapité un professeur en France. Alors, ne nous trompons pas de combat et ce combat qui est le vôtre est aussi le nôtre.

Je voudrais conclure par ces mots : l'Arménie est un message et si vous voulez que l'Arménie soit défendue, il faut que son message soit entendu. C'était l'objet précisément de ce colloque : faire entendre la voix du peuple arménien qui est un peuple si particulier, mais si nécessaire à l'humanité.

Petite nation par le nombre, mais grande par sa vocation, par son histoire, par sa civilisation, Monsieur le Président, l'Arménie est née de cette disproportion entre ses conditions physiques, matérielles, géographiques, démographiques et la beauté et la grandeur de sa condition humaine. L'Arménie est une petite nation, gardienne d'une grande civilisation, à laquelle nous appartenons tous. Cette civilisation qui a su, plus que toute autre, conjuguer ce qu'il y a de si singulier dans chaque être humain et de si universel dans tous les êtres humains.

Ne cherchez pas plus loin le fait qu'un grand chanteur français, Aznavour, a dit un jour : « 100 % français, 100 % arménien » . Les Arméniens n'ont eu aucun souci, aucun obstacle à demeurer profondément arméniens, à garder, à cultiver leurs racines arméniennes et à devenir totalement français. Quel beau message pour notre modèle français !

Il est vrai que le Général de Gaulle disait que la France est chrétienne, mais la République est laïque, copiant le message de Péguy à l'époque. Ce lien, nous en faisons ce soir le serment, avec mes collègues, Députés ou Sénateurs, tous autant que nous sommes, par-delà nos diversités, nos appartenances territoriales ou partisanes, nous l'entretiendrons, nous le cultiverons, nous le renforcerons, parce que, dans ce lien, à travers ce lien, coule une sève qui est notre sève autant que la vôtre, alors vive la France et surtout vive l'Arménie !

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