La situation économique et financière de l'Algérie
et le plan de relance économique

Mourad MEDELCI,
Ministre algérien des Finances

Je veux à mon tour vous dire le bonheur que nous avons de nous trouver en face d'un auditoire de qualité et l'espoir que nous avons de faire de cette journée une journée utile. Ses organisateurs, que je remercie au passage, ont fixé les deux principaux chapitres de mon intervention : la situation économique et financière de l'Algérie et le plan de relance, que je vais maintenant passer en revue.

L'Algérie a vécu dix années exceptionnelles, au cours desquelles elle a beaucoup changé au plan institutionnel et économique. Nous avons également connu les affres du terrorisme. Nous sommes en train de sortir progressivement de cette période, par la réconciliation de tous les Algériens et par une relance économique d'inspiration libérale, même si nous souhaitons tenir compte des spécificités locales.

I. L'économie algérienne

La présence parmi nous de nombreux chefs d'entreprise justifie que nous nous attardions quelque peu dans la sphère du réel. Quelle est la réalité de l'économie algérienne ? La plupart des chiffres que je citerai sont empruntés à l'année 2000 : sachez que la plupart d'entre eux seront en amélioration en 2001.

1. Les principaux secteurs économiques

On présente souvent l'Algérie comme un pays pétrolier. Il est vrai que les hydrocarbures y tiennent une place importante : 34 % du PIB. Il ne s'agit pas seulement de pétrole et de gaz, mais également de produits présentant une valeur ajoutée, tant sur le plan industriel que sur le plan commercial (GPL, hydrocarbures gazeux, produits raffinés...). Dans le secteur des hydrocarbures, depuis longtemps ouvert à la compétition, les investissements sont d'ores et déjà très significatifs.

Les services constituent le deuxième poste de la production intérieure brute, avec 24 %. Le commerce en représente un peu plus de la moitié. Les importations se montent à quelque 10 milliards de dollars par an, pour 20 milliards de dollars d'exportations, dont seulement 600 millions ne concernent pas les hydrocarbures. J'en profite d'ailleurs pour dire que nous avons répondu à l'invitation du CFCE non pas pour discuter du commerce extérieur, mais plutôt pour enrichir les liens entre le commerce extérieur et les investissements. Nous souhaitons faire de l'Algérie une terre d'accueil. Elle offre en effet des sites très favorables et des conditions intéressantes, notamment dans le cadre du développement des infrastructures touristiques.

Le troisième poste est le secteur agricole, qui profite lui aussi beaucoup de la libéralisation. Toutes choses égales par ailleurs, c'est-à-dire en tenant compte de la forte sécheresse que nous subissons depuis quelques années, nous constatons des progrès indéniables, tant dans la production végétale que dans la production animale. Il existe encore aujourd'hui des espaces disponibles qui permettent de produire davantage, tant pour le marché algérien que pour les marchés européens.

Une autre image d'Epinal fait de l'Algérie un pays d'industrie lourde. Or c'est sans doute le secteur qui a connu le plus de désinvestissements avec le plan d'ajustement structurel et les réformes que nous avons conduites ces dernières années. Cela ne doit pas cacher que certains secteurs et filières industriels ont réalisé des progrès très intéressants : chimie, pharmacie, matériaux de construction, mines et carrières, industries agroalimentaires sont des filières en expansion, où le rôle du secteur privé est considérable.

Le BTP, enfin, représente 10 % du PIB. L'Algérie est un pays immense, qui a besoin de voies de communication routières et ferroviaires, de barrages, d'infrastructures de communication, de logements. Votre savoir-faire est donc le bienvenu.

Globalement, les parts respectives du secteur public et du secteur privé sont équivalentes en termes de valeur ajoutée.

2. Le rôle de l'Etat

L'Etat est en train de revoir à la baisse son rôle d'opérateur économique, pour se concentrer sur ses missions régaliennes et son rôle de régulation. Son budget, qui représente 28 % du PIB, est très largement alimenté par la fiscalité pétrolière.

Je tiens à préciser que l'Etat consacre 28 % de son budget (d'un montant total de 7 milliards de dollars) à des dépenses d'équipement, soit un montant comparable au plan de relance que j'évoquerai tout à l'heure.

L'Etat emploie 1,5 million d'individus, sur une population active de 7,5 millions de personnes. Sur le plan social, c'est donc dans un souci permanent de concertation avec les organisations syndicales et la société civile que l'Etat essaie de faire avancer les réformes.

Au plan économique, six banques à capitaux publics concentrent 95 % de l'activité bancaire. Les ressources collectées proviennent à 51 % du secteur privé.

3. Quelques indicateurs

Notre balance commerciale est excédentaire depuis plusieurs années. Les réserves de change n'ont jamais été si importantes, la structure de l'endettement s'améliore (le service de la dette représente désormais moins de 20 % du PIB), le solde du Trésor à la Banque d'Algérie est extrêmement positif, l'inflation est limitée à 3 % et le dinar se porte plutôt bien, excepté par rapport au dollar.

En revanche, nous sommes préoccupés par la faiblesse des investissements et l'importance du taux de chômage (que nous estimons entre 27 et 29 %, pour une moyenne de 14 % dans les pays arabes). Des tensions intolérables viennent perturber la vie des citoyens en matière d'habitat, d'eau et de moyens de communication.

Les indicateurs macro-financiers sont donc exceptionnels ; le gouvernement souhaite en profiter pour se donner les moyens d'un plan de soutien à la relance, en attendant que les acteurs privés prennent le relais.

II. Le plan de soutien à la relance économique

Ce plan ne constitue pas un retour à la planification ou au dirigisme économique et ne doit pas être confondu avec le budget de l'Etat, même s'il est d'un montant équivalent, de l'ordre de 7 milliards de dollars ; il se présente en réalité comme un complément au budget.

Ce programme est d'abord orienté sur les infrastructures, dont nous pensons qu'elles permettront d'attirer les investissements nationaux et étrangers. Il s'agit aussi de stimuler la demande et de réduire le taux de chômage. Il vise également à instaurer un meilleur climat social, davantage propice à un développement économique harmonieux.

Les 7 milliards de dollars se répartissent de la manière suivante :

• 20 % pour le développement local ;

• 40 % pour le renforcement des services publics ;

• 18 % pour le développement des ressources humaines ;

• 18 % pour l'appui aux réformes (notamment l'amélioration du bilan des banques nationales pour les rendre éligibles aux partenariats).
Je ne détaillerai pas tous ces postes, préférant me concentrer sur le plus important, à savoir le renforcement de services publics, qui porte sur les infrastructures de communication, les routes, les voies ferrées, mais également les logements, dont la population a un cruel besoin. Le logement, en Algérie, relève désormais du secteur concurrentiel. Le concept de logement social est en train de régresser. Un programme de 50 000 logements locatifs a été lancé en 2001 et sera renouvelé en 2002. De nombreuses entreprises françaises ont d'ailleurs répondu à nos appels d'offres, et nous souhaitons qu'il continue à en être ainsi.

Ce plan de soutien à la relance a fait l'objet d'une loi de finances complémentaire, votée en juillet dernier, et qui comprend une série de mesures complémentaires :
• des mesures d'allègement fiscal, qui concernent notamment les investisseurs que vous êtes ;

• des mesures de renforcement de la transparence du système douanier, avec l'établissement d'un nouveau tarif douanier qui élimine les tarifs administrés et constitue la base de la négociation avec l'Union européenne.
Le plan de relance n'apporte que des débuts de solutions à certains problèmes. Nous devons par exemple poursuivre la réforme des finances publiques et celle des systèmes d'accès aux marchés publics afin d'accroître progressivement l'efficacité de la dépense publique.

Je voudrais conclure en vous indiquant que nous ne pouvons pas nous contenter de dire qui nous sommes ; nous avons également besoin de savoir qui vous êtes, afin que nous puissions travailler ensemble à des projets communs. Pendant trop longtemps, nous avons travaillé dans l'obscurité. Demain, nous serons des associés, et nous avons tous intérêt à nous connaître.