B. TERRE CLÉ DU MOYEN-ORIENT

1. Un carrefour géographique et culturel

La Syrie demeure le carrefour qu'elle n'a cessé d'être depuis des siècles. Géographiquement, elle est à la charnière de la Méditerranée et des mondes occidentaux, arabes, perses et turcs. Frontalière d'Israël et d'Irak, elle est au coeur des conflits du Proche et du Moyen-Orient ; voisine du Liban, dans des conditions sur lesquelles nous reviendrons, elle est en contact avec un christianisme puissant. En son sein même elle compte une minorité (10-12 %) très active de chrétiens.

La population musulmane n'y est pas aussi homogène que l'on pourrait le croire. Certes, les Sunnites y sont majoritaires et dominent notamment le secteur commercial. Mais une branche de l'Islam, celle des Alaouites, y a prospéré. Nombreux sur la côte méditerranéenne, dans la région de Lattaquié, les Alaouites représentent environ 10 % de la population. Surtout, les dirigeants du régime, Hafez puis Bachar al-Assad en sont issus. D'autres communautés hétérodoxes de l'Islam existent et notamment les Druzes (3 % de la population) ou les Chiites.

2. La stabilité politique

La période qui suit l'indépendance (1946) sera marquée par des troubles incessants : des luttes d'influences agitent le pays (ethniques entre Kurdes, Druzes, Alaouites ; politiques entre pro-égyptiens, pro-irakiens et nationalistes syriens ; idéologiques entre marxistes, « occidentaux » et nationalistes. Les coups d'Etat se succèdent. En 1970, Hafez El-Assad prend le pouvoir. Il s'agit alors d'en finir avec un régime qui, en quelques années, a connu une profonde dérive marxiste et belliciste.

Hafez El-Assad va alors construire de nouvelles institutions dont le but principal est d'assurer la stabilité politique du pays. Il empruntera trois voies pour cela :

1.- Il dessine une architecture institutionnelle à la fois très centralisée et éclatée :

Centralisée car tout relève en fait, in fine , du chef de l'Etat qui dirige ainsi le parti quasi-unique, le Baas, l'Etat ainsi que les armées. Eclatée car Hafez El-Assad a su constituer un système au fragile équilibre. Le pouvoir semble réparti entre de nombreuses composantes : l'Etat, le Baas, l'armée, les nombreux services de renseignement. Aucun d'eux ne peut prendre le pas sur les autres ni sur le chef de l'Etat qui peut ainsi arbitrer entre les différentes sphères du pouvoir.

2.- Il engage une politique étrangère à la fois ferme et modérée :

Son objectif est double : faire de la Syrie un acteur « incontournable » du Moyen-Orient et la préserver de tout risque de déstabilisation extérieure. Il en découle quatre principes :

En premier lieu, si le nouveau pouvoir demeure farouchement opposé à l'Etat d'Israël, il se garde, à partir de 1973, des aventures militaires dangereuses de son prédécesseur. Certes, avec l'Egypte, la Syrie lance la guerre du Kippour (1973), mais l'attaque, destinée notamment à effacer l'humiliation de la guerre des Six-Jours (1967), est mieux préparée. Elle permet au régime de s'engager, vis-à-vis de sa population, dans une nouvelle voie : aboutir à un équilibre stratégique avec Israël et avec, à terme, la perspective de signer, dans des conditions honorables, un accord de paix avec cet Etat.

Deuxième principe : la Syrie soutient la cause palestinienne, mais à ses conditions. Il n'est pas question pour elle de se laisser entraîner par les actions des mouvements palestiniens, en particulier du Fatah de Yasser Arafat. Il n'est pas non plus question pour elle de laisser s'installer sur son territoire, comme en Jordanie ou au Liban, un Etat dans l'Etat.

Troisième principe : se garder de ses voisins. Cela joue principalement à l'égard de la Turquie, même si les relations entre les deux pays sont meilleures aujourd'hui, mais surtout avec l'Irak, seul susceptible de disputer à la Syrie son rôle dirigeant dans la région. C'est ainsi que dès 1980, Hafez El-Assad engagera son pays dans la voie d'une alliance étroite avec l'Iran.

Quatrième principe : accroître le poids politique et stratégique de la Syrie. La maîtrise des mouvements palestiniens et surtout la tutelle sur le Liban sont ici essentielles. La domination syrienne sur le Liban offre d'abord à Damas une profondeur stratégique, elle lui permet de jouer de la présence du Hezbollah iranien dans le cadre des négociations régionales, elle lui donne la possibilité, en imposant la « Pax Syriaca », de s'ériger en élément stabilisateur dans la région ; enfin, elle assure de nombreuses retombées économiques.

3.- Enfin, sur le plan économique, le régime desserre très progressivement l'étau étatiste imposé par l'idéologie marxiste de ses prédécesseurs .

C'est cette politique de libéralisation économique très prudente qui est aujourd'hui relancée par Bachar al-Assad.

3. Potentiel démographique

La Syrie est aujourd'hui, excepté l'Irak, le pays le plus peuplé du Proche-Orient arabe avec plus de dix-huit millions d'habitants. Pays jeune avec plus de 60 % de moins de 20 ans, c'est aussi un pays en forte croissance démographique : + 3,5 % par an, l'un des taux les plus élevés au monde.

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